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Des prêtres prient. (Karl RAHNER)

« Veille à ne jamais oublier ce que tu as vu...enseigne-le... »

La foi authentique de l'Église, c'est la foi du pécheur qui - à la fois fidèle et infidèle - doit sans cesse, sous l'influence de la grâce, revenir à la foi; c'est une foi qui supporte les ténèbres du monde, au lieu de les éliminer à coup de discussions; une foi qui confesse Dieu, au lieu de défendre des positions qui donnent à l'Église le visage d'une puissance de ce monde et d'une idéologie incarnée dans un corps social; une foi consciente de ne pouvoir procurer la justification, et de ne pouvoir se justifier elle-même aux yeux du monde, qu'à la condition de devenir une énergie, celle de l'amour qui se consume au service du prochain; une foi qui, loin de s'enfermer dans le sanctuaire de la vie personnelle, s'irradie dans une action réelle, sous le signe de l'espérance, de responsabilité, de l'engagement dans les tâches terrestres; une foi qui, au lieu de s'attarder aux phrases d'une dialectique abstraite et confortable, se laisse emporter par un élan charismatique et prophétique pour sortir du champ clos de la pure dogmatique, passer à la décision, et entrer dans le domaine de la pratique, là où l'ampleur des possibilités de la foi cesse d'être une possibilité d'évasion -car l'action concrète est là, qui sollicite hic et nunc l'engagement du chrétien.

Une foi de cette qualité n'est autre chose que grâce, que Dieu même. Mais elle est aussi l'acte de l'homme tout entier; et où, sinon dans la grâce, tel acte retrouverait-il sa nature et son fondement? C'est dire qu'elle ne peut être le fait que de l'homme qui prie, la prière étant le seul lieu où l'homme soit là tout entier et en contact immédiat avec Dieu. La foi du prêtre aujourd'hui, c'est du prêtre qui prie - on pourrait presque dire la foi du prêtre qui s'adonne à la contemplation mystique - ou bien ce n'est plus la foi. Mais une telle prière ne peut plus être aujourd'hui un luxe privé, réservé aux belles âmes en quête de dévotion. Elle doit jaillir, comme le jus d'un fruit que l'on presse, de l'âpreté cruelle que donne à la vie notre époque suractive et tourmentée. De toute façon, le prêtre ne sera un homme de foi et un messager de la foi qu'à la condition d'être un homme de prière. Si la théologie cessait d'être une théologie à genoux (en ce sens, tout au moins, qu'elle doit être la théologie d'un homme qui prie) pour s'égarer dans les sentiers d'un intellectualisme hypnotisé par les problèmes que l'on jette avec une insistance presque sadique à la face de l'Église au lieu de faire soi-même quelque effort sérieux pour contribuer à leur solution, ce ne serait plus une théologie, elle se dégraderait en un dilettantisme de bourgeois attardés.

Soyons donc des prêtres qui prient, et auxquels la prière donne la force de supporter les ténèbres de la vie, même si cette prière nous mène jusqu'à la participation à l'angoisse éprouvée par Jésus au jardin de l'agonie, et à sa prière désolée à l'heure où, sur la croix, il se sentait abandonné du Père lui-même. 

PRIÈRE 

Dieu tout-puissant, toi qui as consacré ton Fils unique par l'Esprit Saint et qui l'as établi Christ et Seigneur, nous te prions: Puisque tu nous as consacrés en lui, fais que nous soyons pour le monde les témoins d'un évangile de salut.

 

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