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Conquête de la liberté. (Jean MOUROUX)

 « Ceux qui sont conduits par Dieu sont fils de Dieu. »

La liberté chrétienne ne peut qu'être pascale. Elle n'est pas un état mais une délivrance continue, non pas un droit ni une propriété, mais un don toujours gratuit.

L'Église ne peut se maintenir libre qu'à la condition de se délivrer sans cesse; et aucune génération, pas plus qu'aucun individu ne peut se libérer du devoir d'examiner loyalement sa conscience, de se purifier impitoyablement, de se renouveler énergiquement en soi-même, dans son esprit et dans ses actes.

Mais ce travail ne se fera que si chacun tâche de conquérir en soi-même sa propre liberté. Conquête de chaque jour, parce que c'est dans le temps, dans la douleur des reprises et des remontées continuelles que s'affermit la liberté, et que l'enfant au spirituel devient un homme par le jugement et la générosité. Conquête difficile, parce que le chrétien reste un être tenté, obligé de dompter sans cesse une raison et une volonte charnelles, qui convoitent contre sa naissante liberté. Conquête qui est de plus en plus 1'accueil d'un autre au coeur de son élan. C'est à condition de laisser agir en soi l'Esprit Saint, de se laisser conduire par lui, que l'âme entre dans sa divine liberté. Cette conquête est donc un renoncement radical à soi-même et un abandon progressif à l'emprise de l'Esprit. Le paradoxe de la liberté chrétienne est là ; que sa pleine possession coïncide avec un plein abandon, parce que c'est là seulement que se rèalise la pleine communion.

Ce paradoxe n'est autre, d'ailleurs, que celui de la personne elle-même qui ne s'achève en son intériorité qu'au moment où elle est pleinement donnée. Mais on comprend que, parvenue à ces hauteurs, la liberté connaisse des drames dont la simple lutte entre l'esprit et la chair ne saurait donner une idée. On comprend les choix tragiques et les options, crucifiantes comme des agonies, - Père, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux - qui s'imposent aux grands saints, car ces héros sont chargés de prolonger, par leur passion invisible, la libération rédemptrice, et de l'apporter à leurs frères, captifs des ombres du péché et de la mort. On comprend qu'à travers les joies de la liberté de grâce, pleinement retrouvée, ils soient traversés et consumés par l'aspiration brûlante à la liberté de gloire des enfants de Dieu et qu'ils s'écrient comme sainte Thérèse :«O, vie, ennemie de mon bonheur! Que ne m'est-il permis de te détruire! Je te souffre, parce que Dieu te souffre; je te soutiens, parce que tu es à moi. Mais ne me trahis point, et ne me sois pas ingrate. Et malgré tout, Seigneur, hélas que mon chemin est long! Il est vrai, le temps est toujours court quand il s'agit de l'échanger pour votre éternité, mais qu'une seule journée, une seule eure paraît longue lorsqu'on ignore wi l'on ne pas vous offenser et que l'on craint de le faire! libre arbitre, si misérablement esclave de ta fierté, quand tu n'es point cloué par l'amour et crainte de Celui qui te créa! O! quand viendra heureux jour, où tu seras noyé dans l'Océan rivage de la souveraine Vérité, où tu n'auras la liberté de pécher et ne voudras pas l'avoir, ce que tu seras à l'abri de toute misère et réalisé avec la vie même de ton Dieu! »(Exclamation XVII

Par les célébrations pascales, Seigneur, tu nous donnes la guérison;

Daigne entretenir cette grâce dans ton peuple, pour qu'il obtienne la liberté parfaite et trouve nu ciel, en plénitude, la joie qu'il goûte déjà sur la terre.

 

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