1318

SERMON DE SAINT AUGUSTIN SUR LES PASTEURS

«Ce que je cherche, c'est que vous portiez du fruit».

A une époque où Paul était dans une grande indigence, enchaîné pour avoir proclamé la vérité, les frères lui envoyèrent de quoi pourvoir à ses besoins et alléger sa pauvreté. Il leur répondît en les remerciant: Vous avez bien fait de m'aider tous ensemble quand j'étais dans la gêne. Je sais vivre de peu, je sais aussi avoir tout . Je peux tout supporter avec celui qui me donne la force. Pourtant, vous avez bien fait de venir à mon aide.

Mais il a voulu leur montrer ce qu'il recherchait, à l'occasion du bien qu'ils venaient de lui faire, afin de ne pas être classé parmi les bergers qui cherchent à se nourrir eux-mêmes et non leurs brebis. Il ne se réjouit pas tellement d'avoir été secouru par eux dans ses nécessités, qu'il ne se félicite de leur générosité. Qu'est-ce qu'il cherchait donc? Ce n 'est pas que je cherche à recevoir des cadeaux, ce que je cherche, c'est que vous portiez du fruit. Non pas à être comblé moi-même, mais que vous ne demeuriez pas stériles.

Ceux qui ne peuvent pas faire comme Paul: vivre du travail de leurs mains, peuvent donc recevoir du lait de leurs brebis, subvenir à leurs nécessités, mais sans négliger la faiblesse des brebis. Ils ne doivent pas rechercher leur avantage ce qui ferait croire qu'ils annoncent l'Evangile pour subvenir à leurs besoins, alors qu'ils doivent éclairer les hommes en leur apportant la lumière de la parole de vérité. Ils sont en effet comparables à des lampes, ainsi qu il est écrit : Restez en tenue de service et gardez vos lampes allumées. Et aussi : On n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes: alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est dans les cieux. Si on allumait une lampe pour toi, dans ta maison, est-ce que tu n'y remettrais pas de l'huile, pour l'empêcher de s'éteindre? Évidemment, si la lampe, après qu'on y a mis de l'huile, ne brillait pas, elle ne mériterait pas d'être mise sur le lampadaire, mais d'être aussitôt brisée. Donc, là où l'on vit, il faut que la nécessité reçoive, et que la charité donne. Non pas que l'Évangile soit à vendre, comme s'il servait à payer la nourriture de ceux qui l'annoncent comme étant leur vie. Car s'ils le vendent ainsi, ils vendent à vil prix une grande chose. Qu'ils reçoivent du peuple un soutien nécessaire, mas qu'ils reçoivent du Seigneur le salaire de leur gestion. Car ce n'est pas au peuple de payer leur salaire à ceux qui les servent par charité, en leur apportant l'Évangile. Ceux-ci n'attendent leur salaire que de Dieu, qui donne à ceux-là le salut. Alors, pourquoi cette algarade aux bergers, pourquoi leur faire des reproches? Parce que, tout en buvant le lait et en s'habillant avec la laine des brebis, ils négligeaient celles-ci: Ils cherchaient leurs propres intérêts, non ceux de Jésus Christ. 

Il n'est pas de plus grand amour, que de mourir pour celui qu'on aime. Qui perd sa vie la trouvera. Christ a donné sa vie pour nous; donnons-la, nous aussi, pour nos frères. Nous sommes passés de la mort à la vie, puisque nous aimons nos frères. 

Accorde-nous, Seigneur, de pouvoir t'adorer sans partage, et d'avoir pour tout homme une vraie charité.

 

1318