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BIENHEUREUX LES PAUVRES!

(Madeleine DFLBREL)

« Bienheureux les pauvres... »

C'est le contraire qui est évident. Pourquoi jouer avec le paradoxe?

Et pourtant. Si le Royaume de Dieu est la grande richesse, bienheureux ceux qui, pour le loger, ont encore un peu de place dans leur maison et dans leur coeur!  

Être pauvre, ce n'est pas intéressant tous les pauvres sont bien de cet avis.

Ce qui est intéressant, c'est de posséder le Royaume des Cieux, mais seuls les pauvres le possèdent.

Aussi ne pensez pas que notre joie soit de passer nos jours à vider nos mains, nos têtes, nos coeurs.

Notre joie est de passer nos jours à creuser la place dans nos mains, nos têtes, nos coeurs, pour le Royaume des Cieux qui passe.

Car il est inouï de le savoir si proche, de savoir Dieu si près de nous, il est prodigieux de savoir son amour possible tellement en nous et sur nous, et de ne pas lui ouvrir cette porte, unique et simple, de la pauvreté d'esprit.

Mais pourquoi donc êtes-vous tristes, vous tous que Dieu dépossède?

N'auriez-vous donc plus l'espérance pour peu-comme ceux qui ne l'ont pas?Laissez pleurer ceux qui ignorent le vol, lourd, chaud, du Royaume de Dieu sur eux,

vous qui le savez proche, vos biens partent au gré de Dieu, ne parlez plus de pauvreté mais de richesse; un aveugle ramené dans son pays peut voir, respirez alors le climat du chez-vous a son invisible soleil, la terre ferme sous vos pieds.

« J'ai tout perdu. » Dites plutôt:J'ai tout donné!

Ne dites pas « On me prend tout. » Dites plutôt « Je reçois tout. »

Partez dans votre journée sans idées fabriquées d'avance et sans lassitude prévue, sans projets sur Dieu, sans souvenir sur lui, sans enthousiasme, sans bibliothèque, à sa rencontre. Partez sans carte de route pour le découvrir, sachant qu'il est sur le chemin et non au terme.

N'essayez pas de le trouver par des recettes originales : mais laissez-vous trouver par lui dans la pauvreté d'une vie banale.

La monotonie est une pauvreté acceptez-la. Ne cherchez pas les beaux voyages imaginaires, que les variétés du Royaume de Dieu vous suffisent et vous réjouissent.

Désintéressez-vous de votre vie, car c'est une richesse que de tant vous en soucier : alors la vieillesse vous parlera de naissance, et la mort de résurrection.

Le temps vous paraîtra un petit pli sur la grande éternité; vous jugerez de toutes choses selon leurs traces éternelles.

Si vous aimez d'amour le Royaume des Cieux, vous vous réjouirez que votre intelligence soit en perte vis-à-vis des choses divines et vous essayerez de croire mieux.

-Si votre prière est dépouillée d'émotions tendres, vous saurez que Dieu ne s'atteint pas avec vos nerfs.

Si vous êtes sans grand courage, vous vous réjouirez d'êtres propres à l'espérance.

Si vous trouvez les gens ennuyeux et que votre coeur soit misérable, vous serez contents d'avoir en vous l'imperceptible charité.

Quand, appauvris de tout, vous ne saurez plus voir dans le monde qu'une maison dévalisée, en vous qu'une indigence sans façade,

pensez à ces yeux d'ombre ouverts au centre de votre âme, fixés à des choses ineffables, puisque le Royaume des Cieux est à vous.

PRIÈRE

Apprête nos coeurs, Dieu très bon, par la puissance de ta grâce,

Pour qu'au jour où ton Fils viendra, il nous juge dignes de prendre place à sa table et de recevoir, de sa main, le pain du ciel.

 

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