498

L'EGLISE ET LE DEVELOPPEMENT. (Message oecuménique)

« Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres. » 

Avec nos contemporains, nous nous interrogeons sur le sens du monde que nous sommes en train de faire. Nous vivons les mêmes craintes et les mêmes incertitudes, les mêmes aspirations et les mêmes espoirs quant au visage que prendra l'humanité demain.

Nous sommes aux prises avec l'injustice et le désordre. Le dessein de Dieu est contrecarré chaque fois que l'homme est bafoué, ignoré, écrasé, diminué, non reconnu. Là où Dieu est ainsi atteint dans son image vivante qu'est l'homme, là surgit la protestation des prophètes. Témoins de Dieu contre l'injustice, les prophètes sont aussi les témoins de Dieu à l'oeuvre dans l'histoire des hommes. Ils indiquent la valeur et le sens des événements. Ils en révèlent la trame cachée, ils y discernent ce qui est jugement ou promesse de Dieu. Ils montrent le prix des conversions nécessaires. C'est avec cette lucidité critique que, dans le mystère du Christ, nous nous efforçons de regarder le monde où nous vivons aujourd'hui. L'Évangile (Mt. 25) décrit d'une manière élémentaire les composantes de l'injustice, telles qu'on les retrouve à toutes les époques de l'humanité. En même temps, il indique à quelle profondeur se situe la rencontre des hommes qui en souffrent. En eux, nous reconnaissons le Christ souffrant. Mais le mystère du Christ est à la fois Passion et la Résurrection. Aussi, là où l'amour et la justice suscitent une vraie libération des hommes, nous discernons des signes de la présence active du Christ ressuscité. On peut dire, en d'autres termes, que, dans ces hommes épris de justice et d'amour, nous reconnaissons le Christ ressuscitant. La recherche tâtonnante d'une terre nouvelle ressemble à un long et douloureux enfantement, au terme duquel - nous le croyons - la création tout entière sera délivrée. Cette libération intégrale se réalise par le Christ - et nous y coopérons en responsables - dans la trame de l'existence quotidienne. Chrétiens, nous avons l'audace de compter sur les promesses de vie faites par Dieu pour l'humanité entière. Au travers du renouvellement des esprits et des coeurs, nous entrevoyons le temps où le Seigneur dira : Vois, je fais toutes choses nouvelles. La Résurrection de Jésus, qui le fait Seigneur de tout l'univers, est le signe et le gage, pour l'humanité, d'un avenir où la vie l'emporte sur les forces de la mort. Nous vivons dans un monde et un temps où se multiplient et s'intensifient les liens entre les hommes. La charité ne peut plus être seulement vécue dans les relations individuelles. De plus en plus, nous sommes appelés à vivre la charité aussi dans les relations de la politique et de l'économie. Autrement dit, l'amour des autres conduit à des engagements et à des prises de responsabilité dans des institutions, des associations, des syndicats, des partis. Nous avons encore à découvrir les richesses et les exigences de l'action collective. Cette action est peut-être moins immédiate et plus anonyme que le geste individuel; elle est cependant plus efficace à longue échéance. Notre préoccupation, c'est que l'amour des autres devienne, par les voies et les moyens d'aujourd'hui, une réalité qui change la vie des hommes. La tâche est immense. Immense à la fois par son étendue, par sa complexité, par son ambiguïté. Immense aussi parce qu'elle touche le coeur des hommes qui n'est pas spontanément converti à l'amour des autres. Mais jamais les chances et les possibilités qui reposent entre nos mains n'ont été si grandes. C'est une tâche déjà amorcée, pour laquelle des chrétiens, au nom même de leurs Eglises, ont alerté leurs frères.

C'est une tâche qui requiert la prière et l'humilité mais aussi la foi et l'ingéniosité.

 

498