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L'EGLISE AU SERVICE DES HOMMES. (Louis LOCHET) « Allez dans le monde entier. » L'Eglise, c'est vous, c'est moi.Au coeur de ma vie, une question retentit: Qu'as-tu fait de ton frère? A la fin de Vatican Il, tous les Pères ont affirmé solennellement leur décision d'ouvrir l'Eglise aux questions des hommes « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n'est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur coeur. » Qu'avons-nous fait de ces décisions ? Quelles sont les grandes questions dont l'Eglise débat devant l'opinion ? Est-ce qu'elle se passionne pour la justice pour tous, pour la liberté de tous ? A un moment où les vrais problèmes sont à l'échelle du monde, où les peuples nantis exploitent scandaleusement les peuples les plus démunis et se font la guerre avec le sang des autres, où la liberté des personnes et des peuples est encore soumise aux contraintes de la force et aux épreuves de la violence, où le règne de l'argent continue à opprimer les pauvres, où les races continuent à s'affronter dans la haine, que dit-elle ? Quelles paroles prononce-t-elle? Quel visage de Jésus-Christ tourne-t-elle vers ce monde? Ceux-là même qui la contestent posent encore des questions de type ecclésiastique. Aux yeux du monde, elle semble encore vivre pour elle-même : hier pour se développer, aujourd'hui pour se réformer. Il faudra bien arriver un jour à nous apercevoir que toutes ces questions n'intéressent pas les gens. S'ils écoutent ces discussions, s'ils en regardent les images, ils les écoutent, ils les regardent comme un fait divers. Cela n'intéresse pas leur vie profonde, cela ne les touche pas au coeur, cela ne leur apporte pas un projet qui interroge et qui éclaire. Ce n'est d'aucune façon une parole libératrice, une bonne nouvelle pour tous, une espérance pour les pauvres. Si la manière dont nous vivons aujourd'hui le mystère de l'Eglise n'est plus une révélation de l'amour de Dieu pour tous, c'est qu'il y a quelque chose de faussé quelque part! On peut peut-être interpréter positivement ce repli sur soi. Dans une période de profonde mutation, où l'Eglise remet en question ses relations avec le monde, n'est-il pas nécessaire qu'elle redéfinisse chacun de ses ministères et sa constitution elle-même, en fonction du renouvellement de sa mission ? Mais on peut aussi se demander si l'Eglise n'est pas en train de vivre l'après-Concile avec une mentalité et des réactions pré-conciliaires. Elle a vécu longtemps en étant orientée vers son propre développement. Et voici qu'on lui demande d'aimer la vie des hommes et le développement du monde, et son achèvement en Jésus Christ. Elle se décide à le faire sous la pression de l'Esprit. Mais elle vit cette conversion selon ses anciennes habitudes. Elle accepte sa mission, mais pour remplir cette mission elle s'inquiète d'elle-même, et quand elle parle d'elle-même, elle pense instinctivement clergé! Comme 1 'écrivait un prêtre d'Amérique du Sud à l'assemblée de Lourdes : « Le vrai problème, c'est qu'il y a crise dans la société, une crise dont souffrent ou meurent la plupart des peuples du monde. Comment l'Eglise se définit-elle et s'engage-t-elle en face d'une société qui provoque misère, oppression ou désespoir? Il n'est plus possible aujourd'hui d'annoncer Jésus Christ en dehors de cet engagement. Alors on pourra traiter en vérité les problèmes du ministère, du travail, de l'autorité, u célibat, de l'engagement politique. Peut-être d'ailleurs, l'importance en sera-t-elle relativisée». C'est dans le dynamisme de cette mission que tout s'éclaire. L'Eglise ne peut plus annoncer l'Évangile qu'ayant pris cet engagement prophétique qui éclaire et transforme le monde. Tel est le visage du Christ auquel il lui faut être fidèle, pour qu'il soit reconnu aujourd'hui. C'est seulement si elle sort ainsi d'elle-même, de ses propres problèmes, qu'elle trouvera la seule issue à ses propres questions. Le dynamisme qui la construit ne peut être que tourné vers les autres. C'est pour elle aussi qu'il est écrit : Qui perd sa vie la sauve. |
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