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HUMILITE de l'Église. (Saint AUGUSTIN)

« Ne crains pas, petit troupeau. »  

Beaucoup s'en sont allés... parce que, disaient-ils, ils ne pouvaient supporter la présence des mauvais poissons à l'intérieur des mêmes filets, alors, ils sont devenus pires que ceux qu'ils rétendaient ne pouvoir souffrir. Pareillement...certains ne regardent qu'aux ordres de rigueur qui nous commandent de sévir contre les agités, de ne pas donner aux chiens ce qui est saint, de regarder comme un paien quiconque méprise l'Église, de retrancher tout membre scandaleux. Si bien qu'ils troublent la paix de l'Égiise, s'efforçant de séparer l'ivraie avant le temps et, dans l'aveuglement de leur erreur, prêts à se séparer eux-mêmes de l'unité du Christ.

L'Église, comme son Maître, fait aux yeux du monde figure d'esclave. Elle existe ici-bas « en forme d'esclave ». Et ce n'est pas seulement la sagesse du monde, prise en un sens grossier, qui lui manque c'est aussi, au moins apparemment, la sagesse de l'Esprit. Pas plus qu'une académie de savants, elle n'est un cénacle de spirituels sublimes ni une assemblée de surhommes. Elle est même tout le contraire. Les boiteux, les contrefaits, les misérables de toute sorte s'y pressent, et la multitude des médiocres, qui s'y sentent particulièrement chez eux, qui partout y imposent leur ton. Ses progrès les plus magnifiques ne font qu'accuser ce caractère, dans la moyenne de ses membres comme dans le tissu quotidien de son existence. Il ne serait que trop aisé de le montrer en détail. En revanche il est malaisé, ou plutôt il est tout à fait impossible à l'homme naturel, tant que ses pensées les plus intimes n'ont pas été retournées, de découvrir en un tel fait l'achèvement de la Kénose salvatrice et la trace adorable de «l'humilité de Dieu ».

De tout temps, l'Église s'est attiré le mépris d'une élite. Philosophes ou spirituels, nombre d'esprits supérieurs, soucieux de vie profonde, lui refusent leur adhésion... Ils ne veulent pas pour eux-mêmes d'une foi qui les assimilerait à tous les misérables, au-dessus desquels ils se placent par leur culture esthétique, leur réflexion rationnelle ou leur souci d'interiorite. Ces « aristocrates » n'envisagent pas de se mêler au troupeau.(H. DE LUBAC)

 

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