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Le sens d'une CRISE. (Yves CONGAR)

 "Quelle est donc cette parole ? »

Notre époque est marquée, de la part des chrétiens, par une véritable découverte du monde, découverte suivie d'une prise de conscience de leurs devoirs à l'égard de ce monde. Dans une telle démarche, ce qui vient du monde risque d'être éprouvé comme ayant une densité, une présence, une évidence qui surclassent celles des affirmations de la foi et des engagements de l'Église. On veut toujours être chrétien, mais ce n'est plus la société Église, c'est le monde qui détermine les problèmes; c 'est lui qui pose de difficiles questions à l'égard des affirmations positives et objectives de la foi. Partout la tentation existe, non seulement de dépasser les anciennes affirmations objectivantes et naïves, mais de quitter le terrain des affirmations ontologiques touchant un ordre surnaturel de vérités et de réalités, pour ramener à l'homme, à la compréhension et à la réalisation de l'homme. Dès lors, il ne s'agit plus seulement d'adapter le catholicisme et l'Église à une société moderne née en dehors des formes culturelles de ce catholicisme. Il s'agit de repenser et de reformuler les réalités chrétiennes, en réponse à la contestation que fait d'elle un monde purement monde dont l'homme se sent le centre et le maître.

On réclame que l'aggiornamento conciliaire ne s'arrête pas à l'adaptation des formes de vie ecclésiale mais aille jusqu'à un plein ressourcement évangélique et l'invention, par l'Église, d'un mode d'être, de parler et de s'engager qui réponde aux exigences d'un plein service évangélique du monde. L'aggiornamento pastoral doit aller jusque là. C'est la condition pour rencontrer les hommes car ils ne sont plus disponibles dans une sorte d'espace neutre et vide où l'Église des clercs pourrait les retrouver, mais engagés à plein temps et à pleines forces dans l'oeuvre terrestre : c'est là qu'il faut les rejoindre au nom de lésus Christ.

 

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