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Lettre pastorale de Monseigneur Claude DAGENS éveque dAngouleme
20 Septembre 2003
A vous qui participez a la vie de lÉglise catholique en Charente,
A vous qui vous intéressez a la situation du christianisme,
A vous qui vous dites croyants et peu pratiquants,
A vous qui venez darriver en Charente,
Jadresse cette lettre avec confiance. Nous avons besoin de nous connaître et de nous dire nos raisons de vivre et daimer la vie, malgré ses duretés.
Cest le motif essentiel de notre démarche diocésaine, engagée le 15 Avril dernier et qui sachevera a la Pentecôte 2005. Cette démarche nest pas une formalité. Cest une expérience vitale qui a pour but de réveiller en nous et de manifester dans notre société le dynamisme de lÉvangile. « Car Dieu a tant aimé le monde quil a donné son Fils, son unique, pour que tout etre humain qui croit en Lui ne périsse pas, mais quil ait la vie éternelle. » (Jean 3, 16).
A partir de Septembre 2003, notre démarche va sintensifier et de diversifier. Cest le moment dy entrer vraiment. Ma lettre a pour but de vous y encourager par quelques insistances précises.
I - DIX ANS APRES
Il y a dix ans, jai été envoyé comme éveque a Angouleme. Le 12 Septembre 1993, jai été accueilli dans notre cathédrale. Ce jour-la, javais choisi comme évangile le récit du premier appel de Simon-Pierre et de ses compagnons par Jésus, au bord du lac de Tibériade (Luc 5, 1-11).
Pourquoi ce choix ? Parce quun éveque est donné a son diocese pour que lÉvangile y soit reçu, vécu et annoncé par tout le peuple de Dieu. Telle est la mission des apôtres : « Avance en eau profonde, ou Va au large et jetez les filets ! » (Luc 5, 4). Cet appel na rien perdu de son actualité. Car il y a des raisons d1hésiter et de reculer : « Nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre. » (Luc 5, 5). Nous avons lexpérience de léchec. Nous avons déja tout essayé. Ninsiste pas ! Laisse-nous tranquilles !
Lhomme qui devient éveque fait lui aussi cette expérience. A certaines heures, lui aussi connaît le découragement. Mais lEsprit Saint lui est donné pour susciter dans lÉglise qui lui est confiée le courage de la foi qui va au-dela des obstacles immédiats : « Sur ta parole, je vais jeter les filets. » (Luc 5, 5).
Tel est lenjeu de notre démarche diocésaine : Dieu nous appelle a manifester le dynamisme de lÉvangile en ces temps qui mettent a mal lespérance et, souvent, la simple confiance humaine.
Dix ans apres, jai le droit et la joie de me référer au meme appel de lÉvangile, fort du travail que jai accompli avec vous. Je connais nos limites et nos pauvretés réelles. Mais je suis témoin du déploiement de la foi au Christ et de la charité du Christ qui saccomplit parmi nous, au sein meme de notre pauvreté.
Je me réfere aussi a lappel de notre pape Jean Paul II qui, a partir de la meme parole de Jésus (« Va au large »), nous demande doser une « nouvelle évangélisation », ou, si lon préfere, une évangélisation engagée avec une confiance renouvelée.
Cest pourquoi, dans le sillage de la lettre pastorale parue en septembre dernier, je voudrais que notre démarche diocésaine se déploie encore plus largement et plus profondément.
Cela nous demande de :
- RECONNAÎTRE LES SIGNES DE DIEU PARMI NOUS
- AFFRONTER LES OBSTACLES AVEC AUDACE
- PRENDRE DES INITIATIVES D1ÉVANGÉLISATION.
En espérant qua la Pentecôte 2005, notre Église sera heureuse de dire ses raisons de vivre et de manifester publiquement le dynamisme de lÉvangile.
II - RECONNAÎTRE LES SIGNES DE DIEU PARMI NOUS
Lan dernier, javais commencé la lettre pastorale par une affirmation positive : « LÉvangile est attendu. » Certaines personnes ont critiqué cette affirmation, la trouvant irréaliste. Quen est-il ?
En Charente comme ailleurs, nous constatons la stagnation ou la baisse de la pratique dite religieuse, le vieillissement des pretres et la faible participation des jeunes a la vie de l1Église, et nous en souffrons.
Mais ces phénomenes négatifs nexcluent pas dautres signes qui attestent comme une nouvelle attente de Dieu dans notre société dindifférence. Ces signes passent par des personnes. Je souhaite que, dans nos paroisses et nos communautés chrétiennes, nous prenions le temps de nous arreter et de nous interroger : Ou sont ces signes ? Quels sont ces nouveaux « demandeurs de Dieu » présents parmi nous ?
Jai la liberté de répondre moi-meme a ces questions en évoquant quelques catégories précises de personnes « en attente de Dieu ».
- Il y a dabord des enfants qui demandent deux-memes a etre catéchisés. Et parfois ils réveillent la foi endormie de leurs parents ou ils la suscitent. Entre nous et avec des catéchistes, il est indispensable que nous prenions la mesure de cette attente et de cette présence des enfants parmi nous, surtout sils nont pas de références chrétiennes autour deux.
- Il y a aussi des jeunes, qui vivent le sacrement de confirmation comme le franchissement dun seuil : ils veulent se dire chrétiens, ils savent que cela demande du courage, ils ont besoin dadultes qui aillent avec eux aux sources de la foi. Cest tout lenjeu de la pastorale des jeunes qui met nos paroisses et nos aumôneries devant des responsabilités nouvelles et positives.
- Chaque année, des hommes et des femmes, généralement jeunes, demandent le bapteme. La façon dont ils sont accueillis est décisive pour eux. Eux aussi ont une réelle soif de lÉvangile. Comment ne pas les décevoir ? Comment etre avec eux en état dinitiation ?
Quant aux candidats au mariage, ils sont le plus souvent baptisés. Mais eux aussi attendent, sans le dire, detre initiés a lessentiel de la foi. Oserons-nous les accompagner sur ce chemin, avec les instruments adoptés par notre diocese pour « proposer la foi aux futurs mariés » ?
- Notre diocese est marqué par la pratique du déploiement pastoral. Quinze ans apres sa mise en oeuvre, on peut se demander ceci : ces personnes qui sont devenues « relais paroissiaux », quelle expérience de Dieu et de lÉglise font-elles ? Comment soutenir cette expérience ?
Il est clair que notre Église, dans sa pauvreté, est un terrain dexpérience spirituelle qui passe aussi par des pauvres, par des malades, par des étrangers. Nous sommes appelés a le reconnaître, et a en témoigner.
III - AFFRONTER LES OBSTACLES AVEC AUDACE
Lan dernier, dans ma lettre pastorale, jai mis en relief les obstacles intérieurs a nous-memes et a nos communautés : la peur et la tentation du repliement.
Certains ont pu penser que jignorais les formidables résistances de la culture ambiante au christianisme. Je nignore pas ces résistances. Je souffre quand jentends murmurer : « Soyez donc réalistes et comprenez que le catholicisme est en fin de course, que lÉglise est épuisée, et qu1il vaut mieux chercher ailleurs des programmes efficaces de pensée, daction et meme de spiritualité ! »
Il faut réagir a ces discours décourageants, en constatant au moins deux faits : les memes observateurs, qui annoncent la mort de Dieu, annoncent aussi, a dautres moments, le « retour du religieux », en dénonçant meme lattitude conquérante des croyants de tout poil. Dautre part, qui peut nier que le fait religieux soit aujourdhui sur la place publique et que lon ne doit donc pas le traiter par lignorance ?
Mais il faut savoir ce que nous voulons. Voulons-nous adopter des positions défensives et former un bloc catholique opposé a dautres blocs ? Ou bien voulons-nous etre nous-memes, des croyants, des chrétiens, heureux de proposer lÉvangile qui nous fait vivre dans notre société laique ?
Car nous avons la liberté de dire a dautres « Venez et voyez ! Vous découvrirez que nos églises ne sont pas vides et quil y a des célébrations souvent joyeuses pas seulement pour les grandes fetes, mais a loccasion dun bapteme, dun mariage et aussi pour la messe du dimanche ! »
Ce qui suppose que nous soyons nous-memes désireux daller au coeur du mystere de la foi, de le chanter, de le célébrer de façon cordiale, dans des communautés ou il fait bon etre accueilli pour partager ses joies et ses peines.
En ne séparant jamais la charité vécue de la foi vécue. Et la foi qui agit par la charité devient une critique de notre société murée dans ses peurs et son égoisme. Cest aussi pour cela que lon nous juge parfois dangereux : parce que lÉvangile du Christ démasque ce quil y a dinhumain dans les logiques du monde, la loi de la jungle, le mépris des faibles, la recherche forcenée des coupables.
Je souhaite que notre démarche diocésaine joigne vraiment laudace de la charité a laudace de la foi. Car il y a des pauvres, des gens désarmés devant la vie, qui sont pour nous des signes vivants de Jésus Christ. « Javais faim, javais soif, jétais seul, malade, en prison et vous etes venus a moi ». (cf. Matth. 25).
Que, dans nos paroisses et nos communautés, on sarrete aussi pour reconnaître ces signes-la !
IV-PRENDRE DES INITIATIVES D1ÉVANGÉLISATION
Lenjeu de notre démarche diocésaine est un enjeu dévangélisation. Affirmer cela correspond a un acte primordial de confiance : notre Église, avec ses moyens ordinaires et ses pauvretés réelles, est capable d1évangéliser. Nous en doutons parfois parce que nous nous imaginons a tort que lévangélisation serait faite dactions extraordinaires suscitées par des groupes eux-memes extraordinaires !
Cela nest pas vrai. LEsprit Saint nous est donné par le sacrement du bapteme et aussi par celui de la confirmation, pour que nous apprenions a « ne pas rougir de lÉvangile parce quil est puissance de Dieu (puissance = dynamisme) pour le salut de tous les hommes ». (cf. Romains 1, 16).
Notre démarche diocésaine doit nous conduire a cette source de lévangélisation quest lÉvangile vécu. Je nai pas lintention de déballer ici un programme pastoral. La pastorale, cest lévangélisation en acte. Et lévangélisation, meme si elle se heurte a des obstacles, est un projet profondément simple : il sagit de désirer et de faire en sorte que la Révélation de Dieu en Jésus Christ, lÉvangile, atteigne, travaille, transforme notre humanité, cest-a-dire tout enfant de Dieu, avec ce que chacun a dunique. A nous de prendre des initiatives dans ce but. En voici quelques-unes qui vous rappelleront une musique déja connue.
Dialoguer entre générations et dialoguer en profondeur
- La pratique actuelle de la catéchese inclut des dialogues entre les enfants et les parents, et des dialogues qui portent sur des réalités de vie et de mort, damour et de manque d1amour. Dans notre société cloisonnée, ou les générations sécartent les unes des autres, il y a la une chance que nous avons a saisir, pour susciter des dialogues entre enfants et adultes.
- Et puis il y a, pour chaque etre humain, des moments favorables au dialogue, des moments ou lon a besoin detre écouté, compris en profondeur, arraché a ses peurs. Cest lexpérience meme du chemin d1Emmaüs (cf. Luc 24,13-35) : ces deux hommes brisés peuvent enfin se confier a quelquun qui les écoute de façon désintéressée. Ils passent peu a peu de la peur a la foi. Que nos communautés chrétiennes soient pretes a ce travail ! Quelles saisissent les occasions de ces dialogues en profondeur que nous pouvons avoir avec des gens différents de nous, mais qui n1en sont pas moins parfois tres proches de nous, dans nos familles ou parmi nos amis !
Proposer lexpérience de la priere et de la miséricorde du Christ
-Tous, nous cherchons a prier. A certaines heures, la priere jaillit, simple, facile : « Merci Seigneur ! Tu es la ! Conduis-moi ! Conduis-nous ! » A dautres heures il faut crier nos peurs ou notre détresse : « Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur ! Écoute mes appels ! » A toute heure, Lui, le Pere des cieux, est capable de nous écouter. Nous avons besoin de nous encourager a entrer dans ce dialogue toujours possible avec Dieu.
- On ne peut pas demeurer chrétien sans faire lexpérience de la miséricorde du Christ. Sinon, on succombe a la logique du monde qui est souvent la logique des proces : sil y a du mal, cest quil y a des coupables, quil faut démasquer, dénoncer et punir. Face au mal, il faut faire la vérité. Il faut aussi laisser agir la justice des hommes, malgré ses imperfections. Mais la vérité et la justice népuisent pas le mystere chrétien. Le mystere chrétien s1accomplit sur la Croix : « Pere, pardonne-leur, ils ne savent pas ce quils font ! » (Luc 23, 34). La miséricorde du Christ est un sommet. Mais ce sommet est devenu pour nous une source, et cette source passe par le sacrement du pardon, et tous les dialogues en vérité qui peuvent laccompagner.
Je souhaite que, dans notre diocese, nous puissions davantage faire lexpérience vitale du pardon de Dieu et proposer plus résolument le sacrement personnel de la réconciliation, comme une source de vie vraiment renouvelée. La « nouvelle évangélisation » passe aussi par la.
Approfondir et élargir le déploiement pastoral
- Notre démarche diocésaine doit intensifier et approfondir encore le déploiement pastoral, tel qu1il a été engagé depuis pres de quinze ans : comme une expérience spirituelle, et pas seulement comme une forme dorganisation pastorale. Si lon veut renouveler les « relais paroissiaux », c1est par la quil faut commencer : en expliquant a des hommes et des femmes ordinaires que lon devient davantage chrétiens en exerçant ces « responsabilités de proximité », dans sa commune ou son quartier.
- Le déploiement touche a la dimension de la largeur. A nous délargir lespace de nos relations ! Il ne doit pas y avoir de « bulle catholique ». Au contraire : lexpérience des relais paroissiaux a souvent suscité des rencontres avec des élus locaux. Le calendrier de lÉglise nest pas rivé sur les dates des élections. A nous, chrétiens, d1oser entrer en relations avec des responsables de notre société, sur le terrain des précarités humaines, la ou la solitude est aussi menaçante que linsécurité !
Éduquer dans notre société fragile
Le premier centenaire de la loi de 1905 approche. Lheure est venue pour nous, catholiques, de tenir notre place dans notre société laique, sans complexe, avec réalisme, et surtout avec les convictions qui nous viennent de lÉvangile. Nous nimposons pas notre foi. Nous ne revons pas de restaurer je ne sais quel ordre moral. Mais nous sommes conscients, comme beaucoup de gens qui ne partagent pas notre foi, que notre société fragile se trouve devant des besoins accrus de fraternité et despérance.
Rien ne nous empechera donc de prendre des initiatives qui visent a susciter plus de fraternité et plus despérance, en particulier pour des oubliés ou des méprisés de notre société ; des étrangers, des exclus, des gens dont lavenir semble bouché. Dans ces initiatives, nous chercherons toujours a ne jamais séparer lexpérience intérieure et le témoignage public, la vie de priere et les actions de solidarité, la présence personnelle et les engagements politiques.
Contre vents et marées, nous militerons pour que lhumanité de chaque etre humain soit intégralement respectée, affirmée, défendue, surtout quand on cherche a la nier, au nom des lois dun marché sans contrôle ou au nom dimpératifs seulement techniques.
Et aussi bien dans lenseignement public que dans lenseignement catholique, nous nous battrons pour que l1on ne se résigne pas a des logiques de ségrégation, mais que lon recherche les valeurs communes qui servent la cohérence de notre société, au nom de lÉvangile autant quau nom dune laicité compréhensive.
V - VERS PENTECÔTE 2005
- Notre démarche diocésaine entre dans sa phase active. Durant cette année 2003-2004, cette phase va se dérouler surtout dans nos treize doyennés. Des moyens vous seront bientôt fournis : en particulier des cahiers qui seront a la disposition des paroisses, des communautés et des groupes pour que chacun puisse y dire ce qu1il attend de Dieu et de lÉglise. On vous remettra aussi des cartes, marquées du sigle « Manifester le dynamisme de lÉvangile »: ayons assez dimagination et damitié pour inviter dautres personnes a entrer, grâce a ces cartes, dans notre démarche diocésaine.
- Et permettez-moi pour finir de rever un peu ! Je reve que certains des signataires de ces cartes deviennent et demeurent des compagnons ou des compagnes de route ! Quils puissent participer aux assemblées de doyennés qui auront lieu en 2004, et meme quils nous rejoignent lorsque notre démarche diocésaine ira vers ses conclusions, au cours dune assemblée de travail, le dimanche 24 Avril 2005, et au cours dune grande fete, le Dimanche 22 Mai 2005.
Nous serons déja au-dela de la Pentecôte. Mais lEsprit Saint nattend pas pour nous conduire et nous conseiller. Je le prie avec vous, en revant detre exaucé par rapport a deux questions que je lui pose, que je vous pose et qui pourraient constituer le point d1orgue de nos échanges :
Les Actes du Synode de 1988 évoquaient une Église qui se réjouit de son Dieu. « En ce début du XXIe siecle, peuple de Dieu qui vis en Charente, quelles raisons as-tu de te réjouir de ton Dieu et de ton Église ? »
Et puis, « quels sont des maintenant les signes et les initiatives qui semblent porteurs davenir, parce quils sont simplement fideles a lÉvangile du Christ et a son dynamisme ? »
Esprit Saint, donne-nous de répondre a ces questions ! Fais que nos reves deviennent réalité et que notre démarche diocésaine renouvelle notre joie d1etre en ce monde, en cette terre de Charente, un peuple plus fraternel au service de l1Évangile !
Claude DAGENS
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