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nouvelle évangélisation-retour

L’autorité ne peut s’exercer validement que si elle est conçue comme un service.

 

Un Maître spirituel pour notre temps

 

Notre Pere saint Benoît, patriarche des moines d’Occident est patron de l’Europe.

Ce grand saint est également vénéré par l’Eglise d’Orient, et son influence, loin de se borner aux limites de l’Europe, s’étend au monde entier. Vous le savez, saint Benoît vivait au VIe siecle, au temps de l’Eglise indivise, quand les notes de catholicité et d’orthodoxie s’appliquaient sans distinction a toutes les Eglises des conciles ocuméniques, en communion les unes avec les autres et avec l’Eglise de Rome ou siege le successeur de Pierre. Saint Benoît a sans doute quelque chose a nous dire pour nous aider a relancer l’ocuménisme…

Mais cette époque était aussi le temps terrible des invasions barbares, et le prestigieux Empire Romain, qu’on croyait invincible, était sur le point de s’écrouler sous leurs coups de boutoir. Pourtant l’homme de Dieu ne s’était pas laissé impressionner par la tournure apoca-lyptique que prenaient les événements ; il savait que les choses d’ici-bas n’ont qu’un temps, et que le Royaume des cieux s’étend sur l’éternité. C’est pourquoi, sur le Mont Cassin, il conti-nuait imperturbablement a bâtir sa communauté monastique sur l’Evangile du Christ.

Apres lui, ses disciples ont fondé des monasteres dans toute l’Europe, et ces Maisons de priere et de paix ont contribué efficacement a l’évangélisation des peuples barbares. Ce faisant, et sans l’avoir cherché, ils ont été les conservatoires de la culture antique et les promoteurs de la civilisation chrétienne. En bons gérants de la création, ils ont pratiqué et enseigné aux paysans l’art de l’agriculture et de l’élevage. Ils ont été des instruments de paix au milieu d’une société turbulente et batailleuse, appelant a la réforme des mours dans l’Eglise et dans le monde, réconciliant les pouvoirs politiques entre eux et avec la papauté, suscitant ou encourageant le véritable esprit de la chevalerie et l’entraînant dans les voies de la spiritualité et meme de la mystique : tout cela, comme par surcroît.

Ce qu’ils cherchaient en vérité, c’était avant tout le Royaume de Dieu et sa justice, s’efforçant de serrer au plus pres les exigences de l’Evangile. C’était la toute leur ambition, du moins aux périodes les plus ferventes de leur longue histoire. Et quand il s’est agi de réformer les monasteres ou de créer d’autres Ordres religieux, la Regle bénédictine a le plus souvent servi de base et de référence, explicite ou implicite, aux fondations nouvelles.

Aujourd’hui, les monasteres qui suivent la Regle de saint Benoît sont répandus sur les cinq continents. Bien des éveques des chrétientés nouvelles les considerent comme des té-moins de la transcendance, nécessaires a la pleine manifestation de l’existence chrétienne et a l’épanouissement des jeunes Eglises. Dans ces conditions, il se pourrait que saint Benoît ait quelque chose a nous dire concernant la nouvelle Evangélisation et la construction de l’Europe… Peut-etre a-t-il quelque chose a dire a tous les peuples du monde concernant l’écologie, et l’art de faire vivre en harmonie des communautés humaines différentes par leurs origines, leurs cultures, leurs religions, leur tempérament. Sous la houlette de saint Benoît, le Goth vivait en bonne intelligence avec le fils du patricien romain. Et ceci, encore une fois, en plein déferlement des invasions barbares… Saint Benoît mériterait, sans aucun doute, d’etre explicitement nommé, avec d’autres personnalités marquantes de l’histoire, dans un prologue aux textes constitutionnels de l’Union européenne. Il est vrai que la seule mention du fait religieux pose probleme a certains esprits étriqués, encore imbus de préjugés laicistes…

Quelle destinée étonnante fut celle de saint Benoît et de son ouvre ! Le fondateur du Mont-Cassin prévoyait, certes, que sa Regle serait adoptée par d’autres communautés de moines et de moniales, mais surement pas qu’elle supplanterait pratiquement toutes les autres regles monastiques et serait mise en pratique sur toute la terre. Il prévoyait encore moins qu’elle influencerait la conception chrétienne de la société et meme les institutions politiques.

Car tel est, freres et sours, le grand paradoxe de l’Evangile aussi bien que de l’institution monastique : un but temporel n’est jamais pleinement atteint quand il est recher-ché pour lui-meme. On ne l’atteint qu’en cherchant autre chose et en visant plus haut. La paix entre les hommes n’est possible que si elle est reçue d’abord dans les cours comme un don de Dieu. L’autorité ne peut s’exercer validement que si elle est conçue comme un service : le plus grand sert le plus humble. La justice ne peut régner si l’amour ne la précede et l’informe. Tous les espoirs humains sont décevants, si l’Espérance théologale ne les sous-tend. Et l’amour lui-meme ne se répand parmi les hommes que si l’amour de Dieu le suscite et l’accompagne. Le secret de la communion fraternelle n’est-il pas caché – et révélé – au sein de la Communion trinitaire ? Le plus court chemin entre deux personnes humaines, entre les familles, entre les communautés, les religions, les nations, les fédérations et les continents de la Terre, passe par le Ciel.

Saint Benoît vivait a une époque d’instabilité et de troubles, et il trouva la voie juste, la voie du salut ; notre époque est plus instable encore, car dépourvue de convictions fondamen-tales, confrontée a des défis plus universels, a des menaces mondiales et non plus localisées. Nous vivons véritablement un temps « eschatologique », ou les extremes s’affrontent déja, ou il faudra bientôt choisir de façon drastique entre le Bien et le Mal, entre la Vie et la Mort, entre la Lumiere et les Ténebres.

Ce qui manque le plus a notre société, en ce début de siecle et de millénaire, ce ne sont ni les politiques, ni les militaires, ni les économistes, ni les savants, ni les sages de ce monde : c’est l’écoute des vrais maîtres spirituels. Pas au sens des soi-disant « gourous » : ceux-la sont légion, hélas, attirant les gens dans des voies sans issue… Mais au sens chrétien du terme : des etres suffisamment translucides pour que la Lumiere du Christ – la Lumiere qui est le Christ – puisse passer a travers eux et illuminer les autres et le monde.

Saint Benoît, freres et sours, fut un de ces Maîtres spirituels : l’oraison de sa fete lui donne a bon droit ce titre. En ce commencement du IIIe millénaire, il nous invite a retrouver nos sources – celles de l’Europe en particulier – puis a lever les yeux vers le ciel et a proclamer, avec Jésus et ses disciples, que « le Royaume des cieux est tout proche ».

Alors nous pourrons contempler, comme il le fit au terme de sa vie, le monde entier rassemblé en un seul rayon de soleil, dans la Lumiere de Dieu. C’était un avant-gout du Royaume a venir ! Vivons dans cette espérance !

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