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VIVRE L'ANNEE LITURGIQUE AVEC L'EGLISE

L'année Liturgique

POUR FORMER LA VIE LITURGIQUE

La liturgie ne se contente pas de nous indiquer la manière d’accomplir le service de Dieu, l’opus Dei, dans des formes précises, perfectionnées par l’Église au cours des siècles. Elle veut aussi façonner notre vie entière, à condition que nous suivions ses lois internes et en fassions la norme de notre vie. On peut donc réellement parler d’une vie liturgique. Cette vie liturgique s’écarte, en bien des points, de celle qui est actuellement en usage et que nous appellerons subjective. Cette vie liturgique objective peut revendiquer, en face de la vie liturgique subjective, son antiquité et la noblesse de son origine. Elle n’est autre que la piété et la vie de l’ancienne Église et de la Bible.

1. Demandons-nous maintenant comment notre piété et notre vie doivent prendre une forme liturgique. Il faut tout d’abord signaler ceci : l’esprit subjectif, égocentriste, des derniers siècles, doit de plus en plus disparaître de notre vie religieuse. Si nous ne comprenons pas nettement cela, il est inutile de parler de vie liturgique. On peut se servir pieusement de son bréviaire et de son missel sans être jamais entièrement liturgiste. Car la liturgie a un corps et une âme. Le corps c’est la forme, la parole, l’action ; l’âme c’est l’esprit de la liturgie et c’est cet esprit que nous devons faire nôtre. Cela n’est pas l’œuvre d’un jour. Mais il faut y arriver. Certaines personnes y arrivent du premier coup. Dès qu’elles ont aperçu cette distinction, les écailles leur tombent des yeux et elles comprennent clairement l’esprit liturgique. D’autres n’y arrivent jamais. On perd son temps à vouloir discuter et donner des arguments de raison.

Comment arriver à comprendre l’esprit liturgique ? Exerçons-nous avec zèle à la liturgie. Cessons de dire : “ moi ”, dans nos prières et disons : “ nous ”. Cherchons dans notre piété la communauté et tenons-nous aux formes de la liturgie. Ne nous arrêtons pas aux exercices et aux objets extérieurs de la religion, mais pénétrons de plus en, plus au centre. Que notre prière et notre vie soient christocentriques et théocentriques. Considérons la piété moins du point de vue de l’homme que du point de vue de Dieu. Pensons un peu moins à nos péchés et davantage à la joie d’être rachetés. Il s’agira donc souvent d’une transformation spirituelle et d’une révision des valeurs religieuses. Il faudra nous attendre peut-être à la contradiction dans notre paroisse, de la part de notre pasteur, de notre entourage. — En somme, voici par où il faut commencer : former en nous un état d’âme objectif, théocentrique.

2. Pour bâtir l’édifice de notre vie spirituelle transformée, il faudra lui donner une triple base : la vie divine — l’Eucharistie — l’Église.

a) La vie divine. En quoi consiste notre sainteté ? Elle ne consiste pas, en premier lieu, dans nos efforts vers la perfection ni même dans nos vertus. Elle consiste surtout dans l’accroissement et le développement, en nous, de la vie sainte de la grâce. Cette vie est tout d’abord indépendante de notre concours ; c’est une œuvre divine. Dans le Baptême et la Confirmation, nous, avons été sanctifiés ; nous sommes sans cesse sanctifiés de nouveau par l’Eucharistie. Cette vie sainte de la grâce n’est pas seulement la condition préalable de la vertu et de la perfection ; c’est le but perpétuel et propre de notre vie. Si donc nous voulons modeler notre vie selon la liturgie, nous devons avoir le souci de faire croître et mûrir en nous la vie divine. Laissons Dieu opérer dans notre âme.

b) L’Eucharistie. Les deux plus grands moyens dont Dieu se sert pour agir dans notre âme sont le Baptême et l’Eucharistie. Les deux font un tout. Le Baptême dépose en nous le germe de la vie divine ; l’Eucharistie le développe. L’Eucharistie est, pour ainsi dire, un Baptême sans cesse renouvelé. Comme le Baptême, l’Eucharistie fait mourir à chaque fois un peu plus le vieil homme et revivre un peu plus l’homme nouveau. L’accroissement et la maturité de la vie divine s’accomplissent donc dans l’Eucharistie. Cela nous fera comprendre sa position centrale dans l’Église.

Il faut cependant comprendre l’Eucharistie dans son essence. Elle existe moins pour continuer la présence du Christ sur la terre que pour être un sacrifice et une nourriture de nos âmes. Elle rend présent le sacrifice rédempteur, elle est l’aliment de notre vie de grâce. Elle est le sacrifice commun de la famille de Dieu ; elle est l’acte le plus élevé de notre culte et la source de toutes les grâces. Si l’on veut donner à sa vie une forme liturgique, il faut placer l’Eucharistie au point central. Cela doit s’entendre tout d’abord de la messe du dimanche.

c) L’Église. La troisième base de la vie liturgique est la communauté dans et avec l’Église. Il faut que nous recommencions à voir dans l’Église notre Mère, le corps mystique du Christ, l’Épouse immaculée du Christ. Nous ne nous présentons pas devant Dieu comme des individus séparés, mais dans la communion sainte avec l’Église. Chacun de nous est pécheur, misérable ; mais, en tant que membre de l’Église, il est saint et immaculé. Aussi nous devons rechercher la communion avec l’Église dans toutes nos actions religieuses, dans la prière, dans le sacrifice, dans la vie. La communion des saints doit être pour nous un dogme très important. C’est l’union avec les habitants du ciel, l’union des chrétiens entre eux. “ Vae soli ! ” (Malheur à celui qui reste seul !). Au temps de l’individualisme. on croyait que la personnalité était tout et que la communauté nous diminuait. Ceux qui voulaient être des “ surhommes ” s’imaginaient qu’ils pourraient. comme des titans, élever une tour qui monterait jusqu’au ciel. “ Vous serez semblables à Dieu, vous connaîtrez le bien et le mal ”. Les fruits de cette semence satanique ont été le subjectivisme, le rationalisme, le nationalisme, le matérialisme et les erreurs modernes aux noms multiples.

Il faut revenir à la communauté, à la communauté religieuse comme à la communauté sociale. Il faudra encore beaucoup de travail pour arracher l’humanité contemporaine à l’égoïsme, à l’isolement, à la division et à la fierté de caste. Pour la vie liturgique, spécialement, l’esprit de communauté est une des conditions préalables les plus importantes.

La vie divine, l’Eucharistie et l’Église sont les bases sur lesquelles doit s’édifier la vie liturgique.

3. Il nous faut parler maintenant de là répartition liturgique du temps. La liturgie entoure le temps de notre vie de quatre cercles concentriques. Elle sanctifie le jour, la semaine, l’année, notre vie entière.

a) Le jour liturgique. L’Église a donné au jour une forme liturgique d’une grande beauté. Elle l’a fait : 1° par la célébration de la messe ; 2° par la prière des Heures ; 3° par les fêtes des saints. Sans doute un laïc est moins complètement enserré dans les mailles de ce filet sacré que ne l’est un clerc. Il lui reste cependant de nombreuses possibilités de donner à sa journée, sous une forme abrégée, une figure liturgique. Et, — remarquons-le ici, — c’est justement le but de ce livre, d’extraire les pensées liturgiques de chaque journée, pour permettre à chacun d’en tirer profit pour sa vie. Si l’on consacre chaque soir un petit quart d’heure à la préparation du jour suivant, on y trouvera certainement utilité et édification.

Le point culminant, le soleil du jour, c’est l’Eucharistie. C’est le culte religieux suprême ; mais c’est aussi la source intarissable où nous puiserons des forces pour la journée. Quand on peut assister quotidiennement à la messe, on dispose d’un grand trésor de vie. On doit s’efforcer alors de pénétrer de plus en plus profondément dans l’intelligence de la messe, afin qu’elle devienne vraiment le sacrifice de notre œuvre quotidienne.

Autour de la messe évoluent, comme les planètes autour du soleil, les Heures de prière. Le chrétien qui veut donner à sa vie une forme liturgique doit s’adonner aussi à la prière des heures. Ille fera peu à peu et progressivement. Il se contentera d’abord d’une prière liturgique le matin et le soir. Aux autres heures du jour, il fera tout au moins des oraisons jaculatoires. A tierce, il invoquera le Saint-Esprit ; à sexte et à none Jésus crucifié. Plus tard, il arrivera certainement à réciter chacune des prières des Heures qui sanctifient le jour. Pour donner au jour sa forme liturgique, il faut absolument prendre l’habitude de réciter une prière des Heures, si courte soit-elle.

Le culte des saints peut aussi faire progresser notre vie religieuse. Nous lirons la courte biographie du saint du jour et nous nous efforcerons d’imiter ses vertus particulières. Ne sommes-nous pas, dans la messe, en étroite communion avec ce saint ?

Chaque jour nous lirons un passage de l’Écriture, soit une page de l’Évangile, soit un extrait de l’Écriture occurrente. C’est ici qu’il faut appliquer la règle :

Nulla dies sine linea.

b) La semaine liturgique. La semaine, elle aussi, constitue une unité dont Dieu a donné le modèle dans l’œuvre créatrice des six jours. La semaine est sanctifiée par le dimanche. Le dimanche est le grand jour liturgique ; c’est le jour de la commémoration du baptême, c’est le jour de la vie divine. La célébration convenable du dimanche doit attirer toute l’attention du chrétien. Notre époque irréligieuse essaie de faire disparaître la différence entre le dimanche et les Jours ordinaires. Nous ne devons pas l’imiter.

Quel aspect doit donc présenter un dimanche idéal ? Dès le samedi soir, nous en commençons la célébration par la préparation spirituelle. Plus qu’en tout autre jour, c’est le dimanche que nous devons réciter toute la prière des Heures : le samedi soir, les vêpres et les matines ; le dimanche matin, les laudes et prime ; avant la messe, tierce ; l’après-midi, les vêpres. Le dimanche, le corps est revêtu de l’habit de fête qui est le symbole de la robe festivale de l’âme. Qu’on se rende à la messe sans précipitation, solennellement. La messe du dimanche est le grand sacrifice de la semaine entière. Qu’elle soit, autant que possible, une célébration de communauté. Le travail, la souffrance et la prière de la semaine, nous portons tout cela à l’autel au moment de l’offertoire. La communion du dimanche nous confère des forces de grâce pour la semaine à venir. L’instruction du dimanche sera le programme de vie pour cette semaine. Le dimanche est un jour de Dieu, un jour de joie, un jour de repos, un jour de rénovation spirituelle. Son rôle est de sanctifier la semaine qui suit. La célébration convenable du dimanche contribue essentiellement à la formation de notre vie liturgique.

c) L’année liturgique. L’année ecclésiastique, avec ses temps et ses fêtes, est d’une importance primordiale pour la tonalité de notre vie liturgique. Il faut nous adapter à ce rythme. Ce qu’est la succession des saisons pour la nature, les époques de l’année liturgique le sont pour la vie de notre âme. Et cette année liturgique est au service de la vie divine. Au sens le plus profond, les deux grandes périodes festivales, Noël et Pâques, sont les deux sommets de la vie de grâce. Entre ces sommets, l’Église et l’âme rencontrent, deux fois par an, la plaine et un fleuve. La plaine ce sont les temps de préparation ; le fleuve, ce sont les fêtes des saints. Quelle abondance de joie spirituelle, d’édification et de force n’offre pas, pour notre vie, l’année ecclésiastique ! Il importe donc d’entrer de plus en plus profondément dans l’esprit de l’année liturgique.

d) Sanctification de la vie. Le cercle le plus vaste, celui qui entoure notre vie entière, est la sanctification de cette vie par l’Église, grâce aux sacrements et aux autres moyens de salut. Ce dernier cercle, lui aussi, est tout entier au service de la vie surnaturelle. C’est de ce point de vue que nous devons considérer l’organisation des sacrements.

Il faut ici commencer par le sacerdoce. En premier lieu, le Christ a donné à son Église un sacrement spécial pour lui fournir des ministres, des moyens de salut et pour ainsi dire des générateurs de la vie surnaturelle. Le prêtre est le dispensateur des mystères de Dieu. Comme nous devrions, chrétiens éveillés à une vie nouvelle, apprécier la grâce du sacerdoce, remercier Dieu de ce grand bienfait et en user comme il faut !

En second lieu, Dieu a institué un sacrement qui doit fournir la condition préalable de la vie divine : la vie terrestre. C’est le sacrement de mariage. Le mariage, lui aussi, est au service de la vie divine. Ainsi donc ces deux sacrements du sacerdoce et du mariage posent les bases de la vie divine des individus. Le mariage nous donne le générateur de la vie terrestre ; le sacerdoce, le générateur de la vie divine. Il faut en outre que le mariage soit sanctifié, afin que sur le tronc naturel de la vie terrestre puisse être greffé le noble rameau de la vie divine. De ce fait se tire une application importante : le mariage est la pépinière de la vie divine. Les époux reçoivent, dans le sacrement de mariage, la grâce qui leur permettra de faire, des enfants de leur chair, des enfants de Dieu.

Ce n’est qu’ensuite (après ces deux sacrements) que l’on peut songer au baptême. C’est la renaissance, une seconde naissance, beaucoup plus précieuse que la première parce qu’elle enfante l’homme à une vie plus haute. Le Baptême élève donc à une forme nouvelle de vie ; par lui l’homme reçoit la vie sainte, il devient membre du corps du Christ. Le chrétien doit, par conséquent, entretenir en lui avec zèle la pensée de son baptême. L’Église lui facilite ce devoir, car tout son programme d’éducation tend à ce but. Le Carême et Pâques sont destinés à retremper l’âme dans l’esprit de filiation divine que lui a communiqué le baptême ; chaque dimanche marque un rappel et comme un renouveau de cette vie baptismale.

Le sacrement institué par le Christ pour entretenir et développer la grâce du baptême est l’Eucharistie. Son rôle est de maintenir, de nourrir et de faire mûrir la vie divine. Le Christ le dit expressément : “ Celui qui ne mange pas ma chair n’aura pas la vie en lui ” (Jean VI). On le comprendra facilement par la comparaison avec la nourriture matérielle. Nous mangeons pour accroître notre vie, pour réparer les forces perdues, pour nous protéger de la mort, pour surmonter les maladies, pour être en état de travailler. Il faut en dire autant de l’Eucharistie par rapport à la vie divine.

Pour affermir cette vie divine et nous donner dans l’ordre surnaturel le sens de la virilité, Dieu a mis à notre disposition un sacrement spécial, la Confirmation. La Confirmation est le sacrement de la maturité, de l’affermissement dans la vie divine et donne spécialement la force de professer sans crainte la foi catholique.

Dieu nous a donné encore deux autres sacrements pour réparer les déficiences et guérir les maladies de la vie divine : la Pénitence et l’Extrême-Onction.

A côté de ces sacrements, l’Église nous offre encore de nombreuses bénédictions et consécrations, qui aident au progrès de notre vie spirituelle et nous aident à donner à notre piété une forme liturgique. L’Église, notre mère, nous accompagne sans cesse avec ses bénédictions et sa main nous protège tout le long de notre vie... Ces réflexions nous permettront de considérer les sacrements et les sacramentaux de l’Église d’une tout autre manière, de mieux comprendre leur usage et de les recevoir avec les dispositions convenables.

Entrons donc de bon cœur dans ces quatre cercles : ils assurent la consécration de notre vie.

4. Ce que nous avons indiqué jusqu’ici est la condition préalable, le cadre de notre vie liturgique ; mais nous n’avons pas encore montré ce qu’est la vie liturgique elle-même. Je comparerais volontiers le temps réglé par la liturgie à un rayon de miel. La liturgie a réparti notre vie dans des cadres aussi réguliers que les cellules d’un rayon de miel. Il s’agit maintenant de garnir ces alvéoles du miel précieux qui est le contenu de la vie. Ce contenu est le travail voulu par Dieu, le support des souffrances dans l’abandon à la volonté de Dieu ; bref, la destinée que nous a prescrite la providence, dans toute son étendue. Nous exposerons à ce sujet quelques pensées.

a) Ne bâtissons pas ici-bas une demeure permanente, mais seulement une tente qui peut, à chaque instant, être arrachée. En d’autres termes, que le but de nos espérances, de nos désirs, de nos tendances ne soit pas la terre, mais le ciel. Le temps est le chemin de l’éternité. Soyons un peu étrangers au monde, comme l’étaient les premiers chrétiens. Cela enlèvera à la mort son aiguillon et son caractère redoutable ; les biens de la terre nous paraîtront moins précieux. “ Nous n’avons pas ici-bas de demeure permanente, mais nous cherchons la demeure future ” (Hébr. XIII, 14).

Par ailleurs, le temps est très court et nous devons utiliser le bien inestimable de la vie dans toute la mesure de nos forces. Il nous faut, comme dit l’Apôtre, “ racheter le temps ”, c’est-à-dire épuiser toutes les possibilités que nous offre le temps ou bien encore, pour revenir à l’image ci-dessus, remplir de miel précieux toutes les alvéoles de notre vie.

b) Ensuite, un principe important : Ne vivons pas dans le passé, ne vivons pas dans l’avenir, vivons dans le présent, aujourd’hui. Beaucoup de soucis des hommes viennent de ce qu’ils vivent dans le passé ou dans l’avenir. Rien ne se passe comme on l’a espéré ou redouté. Le passé est révolu, plaçons-le dans le sein de la divine miséricorde. Nos regrets ne changeront rien. L’avenir est incertain, il n’est pas en notre pouvoir. La seule chose certaine, c’est le présent, le moment actuel. Accomplissons le moment actuel, soyons-en maîtres et nous aurons tout fait. Le Sauveur dit, dans le Sermon sur la montagne, cette grande parole : “ A chaque jour suffit sa peine, le lendemain aura souci du lendemain ” (Math. VI, 34). Il faut donc vivre chaque jour dans son entier comme si c’était le jour unique. N’ayons pas de soucis pour le lendemain. Dieu lui-même en prend soin. C’est là vivre en chrétien : on s’abandonne entièrement à la Providence, on est toujours prêt à quitter la terre. C’est cette forme de vie que nous enseigne la liturgie.

c) Examinons encore de plus près et demandons-nous quelle est l’exigence du jour. Qu’est-ce que Dieu demande de nous pour l’instant présent ? Nous allons encore parler par parabole. Le Père céleste envoie ses enfants, les hommes, accomplir leur voyage sur la terre ; ils doivent y subir leur épreuve, puis rentrer à la maison paternelle. Pour qu’ils sachent comment se conduire durant leur pèlerinage terrestre, Dieu dépose deux choses dans leur sac de voyage : 1° des règles de voyage, 2° un itinéraire. Les règles de voyage sont communes à tous, l’itinéraire diffère pour chacun.

Que signifie cette parabole ? Les règles du voyage sont les commandements de Dieu et les prescriptions de l’Église. Ces règles sont valables pour tous. Nous ne pouvons pas avoir de doute sur notre conduite. La conscience nous dit avec précision ce que nous devons faire et omettre. Le Seigneur résume toutes les règles du voyage dans ces deux commandements importants : l’amour de Dieu et du prochain.

Cependant les règles de route ne suffisent pas, elles ne disent pas à chacun où il doit aller. C’est pourquoi notre bon Père nous donne aussi un itinéraire précis où est indiqué le chemin que nous devons suivre. Chacun reçoit un itinéraire spécial. Personne n’a le même.

L’itinéraire est notre état de vie particulier. C’est notre vocation, notre état, notre lot dans la vie : l’un est riche, l’autre est pauvre ; l’un est beau, l’autre ne l’est pas ; l’un est considéré, l’autre est méprisé. C’est le milieu où nous sommes placés, le détail de tous les événements qui nous arrivent. Cet itinéraire, nous devons le suivre consciencieusement et avec joie. Nous devons accepter avec joie notre sort en y voyant la volonté de Dieu. Nous n’avons pas le droit de demander un autre itinéraire. C’est la perfidie du démon qui nous fait mépriser notre propre condition et nous fait désirer celles des autres Ce qu’il veut, c’est que nous ne suivions pas notre itinéraire.

Dieu ne fait pas acception de personnes : à ses yeux tous les hommes sont égaux. Peu importe pour lui que nous soyons princes ou mendiants. La simple servante est aussi grande devant lui qu’une reine couronnée. Il faut que chacun suive son itinéraire.

Encore une parabole. La vie ressemble à un drame. Celui-ci joue le rôle d’un roi, celui-là le rôle d’un mendiant. Quand la pièce et finie, le roi dépose sa couronne et le mendiant quitte ses haillons. Alors vient le moment de la récompense. Le roi n’est pas payé plus cher pour cette seule raison qu’il a joué le rôle de roi et le mendiant ne reçoit pas moins parce qu’il a joué le rôle de mendiant. Chacun reçoit d’après sa capacité, selon qu’il a plus ou moins bien joué son rôle. Il peut très bien se faire que le roi n’ait été qu’un figurant et que le mendiant ait tenu le premier rôle.

Dieu fera de même. Quand tombera le rideau de notre vie, nous dépouillerons tous nos oripeaux et nous serons tous égaux devant Dieu. Celui-là recevra la couronne du ciel qui se sera bien comporté dans le rôle qu’il avait à remplir sur la terre.

Voilà quels doivent être les traits principaux de notre vie liturgique.

QU’EST-CE POUR NOUS L’ANNEE LITURGIQUE ?

C’est toujours pour nous chrétiens une joie intime, quand nous commençons une nouvelle année ecclésiastique. Notre Mère l’Église nous tend charitablement la main et veut nous guider pendant une année sainte, nous faire vivre une année de vie divine. De nouveau le Christ mystique veut grandir dans ses membres, faire circuler dans son corps, qui est l’Église, le courant de vie divine. C’est là le but de toute liturgie, c’est donc aussi le but de l’année ecclésiastique.

La vigne divine doit pousser de nouveaux rameaux, elle doit verdir, porter des fruits — et les faire mûrir — tout cela dans les saisons de l’année liturgique. C’est ainsi qu’elle tend à la perfection.

Le Christ mystique doit “ se faire chair ” dans ses membres ; il doit naître, croître, souffrir, mourir et ressusciter. C’est ainsi qu’il tend à la perfection.

Ce qui se passe dans le drame extérieur, dans le mystère de l’année ecclésiastique, est le voile, le manteau, derrière lequel se cache, invisible à l’œil humain, la croissance du corps mystique du Christ.

L’année liturgique ne veut pas être la commémoration des grandes actions de Dieu dans l’histoire du salut ; elle ne veut pas nous promener dans une galerie de saints héros. En général, elle ne veut pas nous parler du passé, mais du présent. Elle ne veut pas nous offrir de l’histoire, mais de la réalité. Elle ne veut pas nous raconter des faits passés, mais bien plutôt nous donner la vie divine et la développer en nous. Le but de l’année ecclésiastique est le même que celui de l’Église, celui pour lequel le Christ est venu sur la terre : “ afin qu’ils aient la vie (divine) et qu’ils l’aient en abondance ”.

Sans doute l’année liturgique nous conduit dans le passé : l’Ancien Testament avec ses principales figures passe devant nous, nous pouvons considérer la vie terrestre du Christ dans ses phases principales, et même suivre ses pas ; l’Église nous conduit au tombeau des saints et nous raconte mainte vie héroïque. Ce que l’année ecclésiastique nous montre extérieurement est du passé, mais ce passé n’est que revêtement, image et symbole ; c’est le corps de l’année liturgique ; son âme est le développement de la vie divine. L’Ancien Testament doit nous indiquer l’accomplissement réalisé dans le Nouveau, la vie historique de Jésus se renouvelle par la grâce dans notre âme, et les saints doivent nous communiquer de la surabondance de leur vie glorifiée. Que devons-nous donc attendre de l’année liturgique ?

La vie divine, la vie en abondance. La vie divine dont le germe a été déposé dans notre âme par le baptême doit, pendant cette année ecclésiastique, se développer et tendre à sa perfection, au moyen de la prière liturgique. La liturgie est semblable à un anneau précieux dont le diamant est l’Eucharistie et dont la sertissure est formée par les fêtes et les temps ecclésiastiques.

Le voyage à travers l’année ecclésiastique ressemble à une excursion dans les montagnes ; il y a deux sommets à gravir, une première hauteur qui est la montagne de Noël et une hauteur principale qui est la montagne de Pâques. Dans les deux cas, il y a une montée, le temps de préparation (Avent et Carême), un cheminement sur les hauteurs d’une crête à l’autre (Noël jusqu’à l’Épiphanie, Pâques jusqu’à la Pentecôte) et une descente dans la plaine (dimanches après l’Épiphanie et après la Pentecôte). Nous avons par conséquent deux cycles de fêtes à parcourir. Dans les deux, les considérations particulières ont pour objet tout l’ensemble, le royaume de Dieu dans l’âme et dans l’Église. Deux fois dans l’année, nous cherchons le royaume de Dieu, nous le trouvons et l’édifions, Pendant l’Avent nous soupirons avec l’ardeur des justes de l’Ancien Testament après la venue du Sauveur, à Noël, nous nous réjouissons de sa naissance et par là même de la Rédemption acquise ; après l’Épiphanie, nous essayons d’étendre le royaume de Dieu en nous et autour de nous. Et puis, pendant le Carême, nous commençons, en esprit de pénitence et avec le sentiment de notre besoin de Rédemption, une nouvelle ascension, celle de la montagne escarpée de Pâques, nous recevons à Pâques une vie divine nouvelle, nous savourons le bonheur des enfants de Dieu, jusqu’à la Pentecôte, pour recevoir ensuite la maturité chrétienne et mener le bon combat contre l’enfer, le monde et notre moi. Et enfin nous attendons la fin glorieuse, le retour du Seigneur à notre mort et au dernier jour.

Qu’il est donc heureux le chrétien qui, guidé par la main maternelle de l’Église, peut parcourir, tous les ans, l’année du salut ! Elle lui offre une source jaillissante de joies pures, de grande consolation et d’édification spirituelle.

L’année ecclésiastique est le vrai guide de nos âmes. Notre âme est souvent si dénuée et pauvre ! (Ps. 69) ; elle est comme égarée dans cette vallée de larmes. Sans doute le Baptême l’a revêtue du vêtement des enfants de Dieu et l’a munie de la force de la grâce, mais les suites du péché originel sont comme un poids de plomb qui retient son élan et l’entraîne vers la terre. Elle a besoin d’un maître sage, d’un guide expérimenté, d’un éducateur zélé, d’une mère patiente. L’année ecclésiastique remplit tous ces rôles.

Elle enseigne : c’est une école de la foi. L’une après l’autre, au cours de l’année liturgique, les vérités de la foi nous sont présentées et rappelées.

C’est une éducatrice zélée : elle ne veut pas seulement nous communiquer les vérités de la foi, elle veut nous rendre meilleurs, nous éduquer pour le ciel. A travers tous les jours de l’année liturgique, le même appel s’adresse à notre cœur : déposez le vieil homme et revêtez le nouveau. Cette éducatrice recourt à tous les moyens d’éducation, douceur et sévérité, récompense et peine, exemples qui doivent nous porter au bien ou nous détourner du mal. Elle fait appel à toute la hiérarchie des motifs : amour, compassion, crainte, désirs, réflexion, pénitence. Quelle haute valeur éducative n’ont pas les fêtes des saints quand l’Église nous conduit à travers la galerie de ses héros et presque chaque jour nous procure la compagnie de l’un d’eux !

L’année liturgique est un guide expérimenté sur le chemin du ciel. Elle connaît l’âme humaine avec ses lassitudes, elle ne lui demande pas trop, elle connaît le chemin et les dangers du chemin, elle l’empêche de s’égarer ; sans doute, elle ne conduit pas le pèlerin terrestre par la voie large et facile, elle la mène par la voie étroite, escarpée et pierreuse, mais elle lui ménage des instants de repos et un viatique.

L’année liturgique est une mère aimante et patiente. De combien de patience a besoin l’âme pour se dégager de tous les pièges de la terre ! Avec bonne volonté elle commence, mais bientôt toutes ses bonnes résolutions sont oubliées. Alors comme une mère patiente, l’année liturgique vient à son secours : “ Recommence toujours ”, lui dit-elle, tous les ans, à l’Avent, tous les ans, au Carême ; bien plus, chaque dimanche, l’âme doit déposer son habit usé de la semaine et prendre sa “ robe du dimanche ”. Cette mère ne perd jamais patience, elle espère toujours : “ Si vous n’avez pas réussi hier peut-être réussirez-vous aujourd’hui. ” Cette mère patiente sait toucher toutes les cordes dans le cœur de ses enfants, depuis l’amour le plus tendre jusqu’au sérieux le plus amer ; elle n’a qu’un but, le bien de ses enfants, le salut de leurs âmes immortelles. Oui l’année liturgique est le guide de nos âmes et nous devons lui donner toute notre confiance. Nous pouvons donc considérer l’année liturgique sous un double aspect : objectivement, comme l’année de la vie divine : comme l’année, vitale du Christ mystique ; subjectivement comme l’école éducatrice de la perfection chrétienne.

L’année sainte est, comme l’année naturelle, divisée en deux parties. La première sort de la nuit et tend vers la lumière, c’est le cycle de Noël ; dans l’autre règne la lumière, c’est le cycle pascal. Ces deux cycles sont sans doute ordonnés l’un à l’autre (le premier est, pour ainsi dire, le prélude du second). Néanmoins chaque cycle est indépendant ; chacun a une époque de préparation, un temps festival et une prolongation.

LE CYCLE DE NOËL

Nous entrons d’abord dans le cycle de Noël. Ce temps parle beaucoup à notre sensibilité. Ce combat, qui nous mène, à travers la nuit, vers la lumière, est passionnant. En outre, les aspirations et l’attente de l’Avent correspondent au sentiment du cœur humain pour la patrie. De même, l’histoire de l’enfance de Jésus, avec son caractère d’intimité, et surtout la fête de Noël des familles chrétiennes font de ce temps le plus beau de l’année.

Cependant la liturgie nous invite à regarder plus profondément. Si nous demandons : Que célébrons-nous dans le temps de Noël ? la réponse est celle-ci : l’avènement du Christ. Avent veut dire : avènement ; Épiphanie veut dire : apparition ou avènement. Par conséquent, la célébration de la venue du Seigneur est le contenu du temps de Noël.

On pourrait se demander de quel avènement il est question, car nous savons qu’il y a un double et même un triple avènement du Seigneur.

Le premier avènement a eu lieu dans la chair, quand le Verbe s’est fait Homme ; le second aura lieu dans la puissance et la gloire, au dernier jour. Entre les deux il y a encore une venue du Seigneur qu’on peut aussi appeler avènement. Le Christ en parle une fois : “ Si quelqu’un m’aime, mon Père l’aimera et nous viendrons en lui et nous ferons de lui notre demeure ” (Jean CIV, 23). C’est la venue du Christ dans la grâce. Nous nous demandons à quelle venue pense l’Église dans le temps de Noël. Pendant l’automne ecclésiastique, c’est-à-dire pendant les derniers mois de l’année liturgique, l’Église nous a déjà préparés à la venue du Christ, c’était donc déjà un Avent, mais un Avent tout différent.

La comparaison de ces deux Avents nous permettra de mieux connaître la caractéristique de chacun. Pendant l’automne ecclésiastique, l’Église nous a mis devant les yeux le second avènement du Christ, l’avènement dans la puissance. Nous nous avancions avec une attente croissante, mais aussi avec tremblement, à la rencontre du Seigneur qui doit revenir. Le dernier dimanche, le Roi et le juge se tenait devant nous dans sa majesté. Ainsi l’automne ecclésiastique était une préparation au second avènement du Christ, à la Parousie. Mais comme la liturgie travaille aussi pour le présent, elle revenait sans cesse à notre vie présente ; elle nous présentait la Parousie comme un grave motif de changement de vie. Enfin le retour du Seigneur était aussi une image et un symbole de la venue du Christ en nous par la grâce.

Il en est tout autrement au temps de Noël. Ici la venue du Christ n’est pas le terme du drame ; c’en est le commencement. Il peut se faire que dans l’antiquité, la pensée du second avènement ait été plus fortement marquée. Aujourd’hui elle n’a qu’une importance faible. Les chrétiens d’aujourd’hui, en célébrant Noël, ne pensent pas sérieusement au second avènement du Seigneur. Le premier nous occupe complètement. Nous y voyons, au reste, une image et un symbole, ou pour mieux dire, le drame sacré de la venue du Christ dans nos âmes par la grâce. C’est le contenu principal du cycle de Noël. Nous pouvons dire, par conséquent, que, dans l’automne ecclésiastique, l’Église insiste sur l’avenir et la pensée de l’avenir sert au présent. Le cycle de Noël, par contre, a le présent pour point central, le passé n’est qu’une image et un symbole, l’avenir n’apparaît que dans le lointain sombre.

Ainsi donc le triple avènement du Christ est l’objet du cycle de Noël. La liturgie envisage le fait historique du premier avènement, elle pense à la visite actuelle par la grâce et, dans la perspective prophétique, elle considère le retour du Seigneur. Cette constatation nous sera utile dans l’explication des textes ; elle nous servira aussi à célébrer ce temps d’une manière convenable et fructueuse. Nous trouvons, dans des termes brefs et frappants l’expression de ce triple avènement à l’hymne des Matines de l’Avent.

Premier avènement :

Tu descendis, Verbe adorable,

Du sein de ton Père éternel

Et ta naissance dans l’étable

A sauvé le monde à Noël.

Avènement de grâce :

Allume en nos cœurs ta lumière

Et brûle-les de ton amour,

Pour que méprisant la matière

Ils vivent pour toi chaque jour.

Deuxième avènement :

Lorsque ta voix, Juge sévère,

Enverra les damnés au feu

Et qu’au royaume de ton Père

S’en iront les enfants de Dieu,

 

Des noirs tourbillons de la flamme

Daigne préserver tes enfants ;

En ton ciel accueille notre âme

Parmi tes élus triomphants.

L’avènement du Seigneur nous est maintenant présenté d’une manière dramatique dans une triple série d’images :

1. Une série d’images historiques : la venue du Seigneur dans la chair. Cette image apparaît à travers tout le cycle. Pendant l’Avent, nous assistons déjà aux préliminaires de l’histoire de la naissance ; à Noël, nous sommes témoins de la naissance ; et ensuite, jusqu’à l’Épiphanie, nous lisons l’histoire de l’Enfance. Après l’Épiphanie nous voyons passer devant nos yeux des scènes de la vie ultérieure du Seigneur. Cette série d’images correspond au premier avènement du Christ.

2. Une image des derniers temps : le retour du Seigneur. On comprend que cette image soit obscure et voilée, car elle appartient à l’avenir. Le premier dimanche de l’Avent, elle est au premier plan. Ensuite elle est de plus en plus pâle et invisible. Cette image désigne le second avènement du Seigneur.

3. Une série d’images symboliques : la visite festivale du Roi divin dans Jérusalem qui est en même temps son Épouse. Pendant l’Avent, nous assistons aux préparatifs, sans cesse plus actifs, de l’Église à la visite œ et aux noces du Roi. Nous entendons les appels du héraut. Il nous est permis de participer à la réception du Roi et même de nous asseoir à la table des noces. Cette série d’images correspond à la venue du Christ par la grâce. Cette venue devient une réalité : nous pouvons entrer dans la fête et même en transporter la scène dans notre âme. Dans l’Église, nous sommes nous-mêmes la ville de, Jérusalem que le Roi visite ; notre âme est l’épouse qu’il vient épouser et conduire aux noces.

Ces trois images alternent et s’entrelacent dans les textes liturgiques : tantôt l’une brille davantage, tantôt l’autre ; tantôt l’une apparaît à travers l’autre. C’est justement ce changement qui donne à la liturgie du cycle d’hiver un caractère si poétique et si dramatique. L’âme trouve sans cesse un aliment pour l’imagination, la sensibilité et l’intelligence.

Encore une pensée. Il faut considérer tout le cycle d’hiver comme formant un ensemble unique. C’est comme un grand jour de fête. L’aurore se lève avec le premier dimanche de l’Avent (“ Il est temps de sortir du sommeil ”) ; le soleil brille à l’horizon au jour de Noël ; il est à son midi au jour de l’Épiphanie et la Chandeleur est son crépuscule qui fait déjà pressentir le soir sanglant de la Passion.

Essayons maintenant, en nous basant sur ces tableaux, de résumer le cycle de Noël et de donner le sommaire des scènes de ce “ mystère ”. Cela permettra au lecteur de mieux se rendre compte du caractère dramatique de l’année liturgique.

Sujet du mystère : la Parousie de grâce de l’Époux divin.

A. Le drame commence (Avent) : Préparatifs de l’arrivée de l’Époux.

I. Il vient.

1. On l’aperçoit dans le lointain (1 Dim. Av.).

2. Jérusalem se prépare (2 Dim. Av.).

II. Il est déjà proche.

3. Première joie (3 Dim. Av.).

4. Le Roi prend ses haillons (Quatre-Temps).

5. Derniers préparatifs et appels ardents de l’Épouse (Ant. O.).

6. Devant les portes éternelles (Vigile de Noël).

B. Au point culminant du drame.

I. Le Roi vient dans son habit d’esclave (Noël).

a) Sa suite :

Les martyrs (S. Étienne).

Les Vierges (S. Jean).

Les Enfants (SS. Innocents).

b) Son regard vers la Croix (Dim. dans l’Octave).

II. Le Roi vient dans sa majesté (Épiphanie).

a) Il rassemble les hôtes de ses noces (les Rois Mages).

b) Il purifie son Épouse (Baptême dans le Jourdain).

c) Il donne son banquet nuptial (2e dim. après l’Épiphanie).

III. L’Épouse prépare sa robe nuptiale (Chandeleur).

C. Le drame s’achève (Dimanches après l’Épiphanie).

a) Le Sauveur (38 dim.).

b) Le vainqueur (48 dim.).

c) Le juge sage (58 dim.).

d) L’accroissement de son royaume (68 dim.).

Tel est le drame sacré, le “ mystère” du cycle de Noël. Ce “ mystère ” recouvre une réalité sublime et pure. Le Christ communique à son Épouse, l’Église, sa vie divine. Elle doit “ avoir la Vie et l’avoir en abondance ”.

L’AVENT — LA PREPARATION A LA VENUE DU SEIGNEUR

Quand, après les nombreuses semaines qui suivent la Pentecôte, nous chantons les premières vêpres du dimanche de l’Avent, nous nous rendons immédiatement compte de la différence. Auparavant la liturgie était simple, calme ; maintenant elle est poétique, débordante de sentiment. Le premier chant : “ En ce jour la douceur coulera... ” nous dit expressément que nous entrons dans un temps plein d’espérance joyeuse, un temps d’attente, d’aspirations et de joie.

Qu’est précisément pour nous l’Avent ? Après ce que nous avons exposé plus haut, la chose est claire, c’est une préparation à la venue de grâce du Seigneur. Le martyrologe romain annonce pour le premier dimanche de l’Avent : “ Le premier dimanche du temps de préparation à la venue de Notre Seigneur Jésus-Christ ”.

L’Avent est donc nettement un temps de désir, d’aspirations, d’attente. Pour que la nourriture soit profitable, il faut que le corps ait la sensation de la faim. Dieu non plus ne veut pas imposer sa grâce à des âmes rassasiées. “ Ceux qui ont faim, il les remplit de biens ; quant aux riches, il les renvoie les mains vides ”. C’est là une des plus anciennes lois du royaume de Dieu. C’est pourquoi, pendant quatre semaines, l’Église nous fait ressentir la faim spirituelle ; le besoin de Rédemption, afin de nous rendre dignes de recevoir la grâce de la Rédemption. Nous nous demandons : comment éveille-t-elle en nous ce sentiment de faim spirituelle ? Elle le fait avec une grande maîtrise. Elle nous représente dramatiquement le premier avènement du Christ, et, dans ce drame sacré, elle nous fait partager la faim spirituelle, l’ardent désir des plus nobles et des meilleurs hommes qui ont attendu le Messie. En même temps, elle nous fait entrevoir la merveilleuse méthode éducative dont Dieu s’est servi pour préparer l’humanité à la venue du Rédempteur.

Cette préparation divine a été triple. Toute l’histoire sainte, l’Ancien Testament nous conduit comme un éducateur vers le Christ. Quand la plénitude des temps fut arrivée, Dieu envoya un précurseur spécial ; sa personne, sa vie annonçaient l’avènement du Christ. Enfin Dieu bâtit pour son Fils un temple de pierres précieuses : le corps et l’âme de la Mère de Dieu. Cette triple préparation à la venue du Christ doit nous instruire, nous aussi, à attendre, l’avènement de grâce du Christ. Nous comprenons maintenant pourquoi ces trois éléments occupent une place si large dans l’Avent : l’Ancien Testament, Saint Jean-Baptiste et la Sainte Vierge.

a) Le porte-parole et l’interprète de l’Ancien Testament est le prophète Isaïe. Il incarne à la fois la préparation de Dieu et les désirs de l’humanité.

Ce serait une méditation intéressante (on pourrait la faire les soirs d’Avent) de parcourir tout l’Ancien Testament et d’y rechercher les prophéties messianiques. On verrait comment, après s’être présentées en quelques traits obscurs, elles deviennent sans cesse plus précises, plus claires, plus vivantes. C’est ainsi que Dieu faisait l’éducation de l’humanité pour la conduire vers le Rédempteur. On passe ainsi du Protévangile (aux portes du paradis terrestre) à travers Noé, Abraham, la bénédiction de Jacob, Moïse, David, Salomon, jusqu’aux Prophètes dont Isaïe est le prince. — Notre Mère l’Église a fait de cette révélation graduelle de Dieu un principe de sa liturgie. Nous le voyons particulièrement dans l’Avent.

L’Avent se partage en deux grandes parties : la première comprend les deux premières semaines de l’Avent. Pendant ces deux semaines, l’invitatoire salue le “ Roi qui va venir ”. A partir du troisième dimanche, l’Église accentue son attente : “ Le Seigneur est tout près ”. Dans la première partie, les deux dimanches représentent deux étapes. Le premier dimanche nous apporte le message : Le Roi vient ; le second annonce avec plus de précision : Il vient vers Jérusalem (c’est-à-dire dans l’Église). La seconde partie commence immédiatement avec un chant de joie : “ Réjouissez-vous dans le Seigneur ; je vous le dis de nouveau, réjouissez-vous car le Seigneur est proche ”. C’est la première étape. La seconde est constituée par les Quatre-Temps qui nous apportent un nouveau message : Le Seigneur vient comme Homme. Nous entendons la préhistoire de sa naissance. Une troisième étape est constituée par les antiennes O. Ce sont les jours de l’attente la plus pressante de l’Avent. Au soir de la vigile de Noël, enfin, nous nous tenons devant les portes qui s’ouvrent et donnent au monde le Sauveur.

Dieu a révélé le Rédempteur d’une manière progressive et l’Église l’imite dans sa liturgie. C’est ainsi également que les choses se passent dans la vie de notre âme. Dans notre âme aussi, la lumière du Christ se fait de plus en plus claire jusqu’à ce que nous ayons atteint notre maturité et que nous puissions voir la face rayonnante du Rédempteur, à l’heure de notre mort.

Cependant Isaïe nous présente aussi les nobles fruits de l’Ancien Testament. Il est le représentant de tous les justes qui, avec toute l’ardeur de leur âme. ont imploré le Rédempteur. Il doit évoquer dans notre âme cette ardeur de désirs. C’est pourquoi son imploration : “ Cieux, répandez votre rosée ; nuées, laissez tomber le Juste (le Rédempteur) ; que la terre s’ouvre et fasse germer le Sauveur ” est devenue la prière d’Avent la plus connue de la chrétienté.

b) Quand je commençais à vivre de la vie de l’Église, je m’expliquais assez mal le rôle que joue saint Jean-Baptiste dans l’Avent. Mais, au cours des années, je compris de mieux en mieux qu’il y avait sa place. Sa vie, sa parole, sa personne sont une préparation à la venue du Christ. Dieu en a fait le précurseur, le héraut du premier avènement du Christ ; l’Église en fait le héraut et le précurseur de l’avènement du Christ par la grâce. Quand il parut jadis, il prêcha au peuple juif la pénitence et la conversion : “ Convertissez-vous, le royaume de Dieu est proche ”. Il nous prêche la même chose aujourd’hui. Nous pouvons le dire ; c’est le Baptiste qui a fait de l’Avent un temps de pénitence. Sa parole : “ Préparez les voies du Seigneur, rendez droits ses sentiers ; toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline sera abaissée ; ce qui est courbe sera redressé ”, cette parole est pour nous une exhortation à un véritable renouvellement de vie.

c) Il y a une manifestation particulière de la bonté et de l’amabilité de Dieu dans le fait qu’il a rendu l’œuvre de la Rédemption si humainement proche de nous. Le Rédempteur devait devenir un Enfant des hommes, se soumettre au cours de la nature, être conçu et enfanté. Ceci nous montre la condescendance de Dieu dans l’œuvre de notre salut ; il ne voulait pas nous apparaître comme le Dieu terrible ; il voulait être un véritable Emmanuel (Dieu avec nous). Aussi il a introduit une noble figure de femme dans le plan de la Rédemption ; elle devait y coopérer. Tout cela est si aimable et si touchant que la chrétienté — et on le comprend sans peine -, ne peut détacher son regard de ce souvenir. Elle ne cesse de voir la Mère avec son divin Enfant. Comprenons-nous maintenant pourquoi l’Église nous fait marcher à travers l’Avent en compagnie de : Marie et nous fait puiser nos méditations dans le cœur de Marie ? Si l’Avent est en premier lieu une préparation à la venue du Christ par la grâce, quel plus beau modèle pouvons-nous trouver que Marie qui reçut corporellement le Christ, lui donna asile et eut le droit d’être appelée sa vraie Mère ? Oui le mystère de la maternité divine, le plus sublime symbole de l’habitation de Dieu en nous, doit trouver une large place dans l’Avent. C’est pourquoi nous entendons sans cesse retentir la cloche de l’Ave.

C’est là un triple accord merveilleux : Isaïe, Jean, Marie, une harmonie dont chaque son est d’une mélodie rare : saints désirs, pénitence, union à Dieu. Voilà ce que doit être pour nous l’Avent.

PREMIERE SEMAINE DE L’AVENT

Il vient de loin

L’aurore du grand jour empourpre l’horizon. Dans le lointain nébuleux, se laisse entrevoir le Roi qui va venir. Nous l’adorons : “ Le Roi, le Seigneur, va venir, adorons-le ”. Le chemin est sombre et des nuées recouvrent le royaume de Dieu.

Je regarde dans le lointain ;

Voici que je vois venir Dieu dans sa puissance,

C’est comme une nuée légère qui enveloppe la terre entière.

Allez au-devant de lui et criez :

Annonce-nous si tu es

Celui qui va régner sur le peuple d’Israël.

Vous tous, enfants de la poussière, fils des hommes, riches et pauvres à la fois,

Allez à sa rencontre et demandez lui :

Pasteur d’Israël, écoute-nous ;

Toi qui conduis la tribu de Joseph comme un troupeau,

Dis-le-nous, est-ce Toi ?

Élevez vos frontons, portes,

Ouvrez-vous, portes éternelles,

Pour que puisse entrer le Roi de majesté

Qui va régner sur le peuple d’Israël

(Grand répons).

Pour nous, allons à la rencontre du Roi qui va venir avec toute l’impatience de nos désirs : “ Vers Toi, j’élève mon âme, mon Dieu... car personne n’est confondu quand il t’attend.

Cieux répandez votre rosée, nuées laissez descendre le Juste,

Que la terre s’ouvre et fasse germer le Sauveur ”.

1. Veille du premier dimanche de l’Avent. Dès la veille, on entend les premiers échos de l’Avent. Écoutons ces premiers accents, ces premiers accords. Les antiennes des Vêpres nous donnent l’image exacte de tout le temps. Nous ne devons pas réciter ces antiennes d’une manière superficielle, elles donnent la note fondamentale du chant qui doit nous accompagner pendant tout l’Avent. Ces antiennes, le dimanche, sont chantées quatre fois : aux premières et aux secondes Vêpres, à Laudes et aux petites Heures ; bien plus, nous les récitons encore pendant la semaine suivante aux stations du jour (de Prime à None). Il en est de même pour les antiennes des dimanches suivants, dont le contenu est tout à fait semblable. C’est pourquoi il me semble que rien n’est meilleur pour entrer dans la vie, la pensée et le chant de l’Avent, que de répéter sans cesse ou même de chanter ces antiennes. C’est pourquoi nous les reproduisons dès le début de l’Avent. ;

1. A. In illa die stillabunt montes dulcedinem et colles fluent lac et mel, Alleluia.

En ce jour les montagnes distilleront la suavité et les collines laisseront couler le lait et le miel, Alleluia.

2. A. Jucundare, filia Sion et exsulta satis, filia Jerusalem, Alleluia.

Réjouis-toi, fille de Sion, et tressaille d’allégresse, fille de Jérusalem, Alleluia.

3. A. Ecce Dominus veniet ; et omnes sancti ejus cum eo : et erit in die illa lux magna, Alleluia.

Voici que le Seigneur va venir et tous ses saints avec Lui ; et dans ce jour se lèvera une grande lumière, Alleluia.

4. A. Omnes sitientes, venite ad aquas : quaerite Dominum dum inveniri potest, Alleluia.

Vous tous qui avez soif, venez à la source, cherchez le Seigneur tant qu’on peut le trouver, Alleluia.

5. A. Ecce veniet Propheta magnus et ipse renovabit Jerusalem, Alleluia.

Voici que vient le grand Prophète et il créera une Jérusalem nouvelle, Alleluia.

Quel bonheur, quelle joie ne nous annoncent pas ces versets ! Oui vraiment l’Avent est un temps de joyeux messages.

Le verset qui encadre le Magnificat est délicatement choisi, nous voyons le Seigneur venir de loin : “ Voici que le nom du Seigneur vient de loin et sa gloire remplit l’univers ”.

2. Considérations chorales sur les antiennes de l’Avent. Les antiennes de l’Avent ont un caractère très accusé, comme on n’en trouve pas d’exemple dans l’année liturgique. Celui qui est familier avec elles et possède leur mélodie dans l’oreille le sentira, avant même de pouvoir en donner les raisons. On perçoit le souffle de l’Esprit de Dieu même dans les mélodies de la sainte liturgie. — Le caractère dominant des antiennes de l’Avent est la joie : 1° tantôt une gaieté enfantine, 2° tantôt la joie profonde de la contemplation, 3° tantôt la joie stupéfaite et admirative, le saisissement devant la grandeur du Roi qui va venir.

Ad 1. Exemple : la troisième antienne du premier dimanche de l’Avent (Ecce Dominus veniet). Ce sont sans doute les tierces ascendantes et descendantes qui lui donnent ce caractère si joyeux.

Ad 2. Exemple : La seconde antienne du même dimanche (Jucundare). Sur la syllabe Jucun-“ da ”-re, les neumes se balancent, comme pour savourer la joie et sur “ et exsulta satis ”, la mélodie descend comme pour nous instruire de la dignité et de la grandeur du Roi qui va venir.

Ad 3. Exemple : La seconde antienne du troisième dimanche (Jerusalem gaude). Les mots “ Jerusalem gaude — gaudio magno — quia veniet ” montent à chaque fois d’une tierce et constituent ainsi un crescendo d’une beauté incomparable. Le plus bel exemple de ce genre est sans doute la quatrième antienne du quatrième dimanche (la même que la quatrième de la vigile). (Dominus veniet, occurrite ei). Sont également caractéristiques les antiennes qui sonnent comme un appel de fanfare. Qu’on examine, par exemple, la deuxième antienne, du deuxième dimanche (Urbs fortitudinis nostrae Sion) (7e ton), ainsi que celle, dont la mélodie du 4e ton revient sans doute souvent, mais qui ici rend un son tout particulier, quelque chose comme l’annonce d’un héraut.

PREMIER DIMANCHE

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DE L’AVENT

STATION A SAINT MARIE MAJEURE

On voit pointer l’aurore du jour de la Rédemption !

1. La prière nocturne. Dans les longues nuits de l’Avent, le Prophète Isaïe se tient devant nous. Dans les lectures d’Écriture sainte, nous entendons tous les jours sa voix jusqu’à Noël. C’est là une distinction particulière. On lit les autres Prophètes, depuis Ézéchiel jusqu’à Malachie, pendant le mois de novembre ; leur rôle est de nous annoncer l’achèvement du royaume du Christ. Par contre, l’Église donne la parole à deux Prophètes dans un autre temps. Ces deux Prophètes sont Isaïe et Jérémie. Jérémie est le type (le symbole) du Christ souffrant et nous guide à travers le temps de la Passion. Isaïe, de son côté, est, au cours de quatre semaines, le prédicateur et le prophète de l’Avent. Il est considéré comme le Prince des Prophètes et même comme l’” évangéliste de l’Ancien Testament ”. C’est lui qui, parmi tous les Prophètes, a donné l’image la plus précise du Rédempteur. C’est là une des raisons pour lesquelles son livre est lu pendant l’Avent. Il y a une autre raison, c’est qu’il est la voix de l’humanité implorant le Rédempteur. Cette voix doit pénétrer dans notre âme et y trouver un écho. Mais il est aussi un prédicateur de pénitence et il doit nous conduire à la conversion et à la réforme de notre vie. La lecture d’aujourd’hui contient de sérieux reproches de Dieu à son peuple. Le prophète parle du peuple juif, mais l’Église pense à nous. L’amour méprisé de Dieu prend le ciel et la terre à témoins. Cette leçon retentit comme un écho de la malédiction divine au paradis terrestre (Is. l, 1-9) :

Cieux écoutez, écoute, Ô terre, car Dieu parle :

J’ai nourri des enfants et je les ai élevés et eux m’ont méprisé.

Le bœuf connaît son maître et l’âne l’étable de son possesseur.

Mais Israël ne me connaît pas et mon peuple ne comprend pas.

Malheur à toi, nation pécheresse, peuple chargé d’iniquités.

Malheur à vous, race impie, fils dégénérés,

Qui avez abandonné le Seigneur et méprisé le Saint d’Israël.

Où pourrai-je encore vous frapper si vous continuez vos prévarications ?

La tête est toute entière malade et le cœur défaillant.

Depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête, il n’y a rien de sain en toi.

Ce n’est que coups, meurtrissures et blessures,

Sans pansement, sans herbe médicale, sans huile adoucissante.

Votre pays est dévasté, vos villes sont incendiées par le feu,

Votre sel est dévoré, sous vos yeux, par les étrangers.

Il n’est resté que la fille de Sion, comme une hutte dans le vignoble,

Comme une tour de garde dans un champ de concombres, comme une tour solitaire.

Si le Seigneur ne nous laisse un germe,

Nous deviendrons comme Sodome et Gomorrhe... ”.

Sérieuses paroles qui doivent nous exhorter au changement de vie !

2. La messe (Ad te levavi). La messe d’aujourd’hui, la première que nous célébrions au seuil de l’année nouvelle, nous offre dans ses textes trois choses : un message d’Avent (Évangile), un avertissement d’Avent (Epître) et des prières d’Avent (Introït, Oraisons).

Nous entrons dans la maison de Dieu. Là, vient à notre rencontre la Mère de Dieu qui prépare déjà la Crèche dans laquelle elle veut déposer le Fils de Dieu. L’église de station est Sainte-Marie-Majeure à la Crèche (dans l’église de station, le saint de la station vient à notre rencontre). Quel beau symbole ! Aujourd’hui, au premier jour de la préparation à Noël, nous voyons déjà Marie auprès de la Crèche. La Mère de Dieu nous introduit alors au Saint Sacrifice, elle nous parle et dicte notre prière. Quels accents d’une beauté profonde n’a pas l’Introït dans sa bouche : “ J’élève mon âme vers toi, mon Dieu, en toi, j’ai confiance... car personne n’est confondu quand il t’attend ”. Mieux que personne. la Mère de Dieu peut nous apprendre à prier, à désirer.

Nous chantons ensuite le Kyrie. C’est le chant d’exil des enfants de Dieu, c’est notre chant d’imploration. Dans l’Avent spécialement, nous voulons par-là exprimer notre besoin de rédemption.

Le Gloria disparaît, nous attendrons, pour le chanter de nouveau, la nuit sainte où nous fêterons Noël, dans la même église. Maintenant, notre Mère l’Église étend ses bras pour chanter l’Oraison : C’est la prière typique de l’Avent qui commence par Excita. A la différence des collectes du temps après la Pentecôte. au rythme si calme, celle-ci est impétueuse ; l’accent est sur veni (viens). Nous remarquons que l’Oraison s’adresse directement au Christ. C’est donc comme un antique “ Maranatha ”, c’est-à-dire : Viens Seigneur ! Pourquoi le Seigneur doit-il venir ? Pour nous délivrer : Viens et délivre-nous du péché et de la peine.

Maintenant, Marie s’avance de nouveau pour nous instruire, dans l’Epître. C’est une parole magnifique, surtout dans la bouche de Marie. Marie se tient debout devant nous, à l’aurore du jour de délivrance. Sur la terre s’étendait jusqu’ici une nuit profonde ; les hommes dormaient, revêtus du vêtement nocturne du péché. Mais le jour de la Rédemption n’est pas éloigné, les premiers feux de l’aurore s’allument à l’horizon, le Roi est proche. Il appelle au combat ses chevaliers de lumière ; Marie parle comme notre guide Revêtez la cuirasse de lumière ; mieux encore : revêtez-vous du Seigneur Jésus, comme je m’en suis revêtue moi-même.

A l’Évangile, le Seigneur paraît dans sa puissance et sa majesté. C’est déjà la réponse à l’Excita. Nous regardons en haut et nous levons nos têtes, car notre Rédemption s’approche.

La Parole est maintenant suivie de l’Acte, tant du côté des hommes que du côté de Dieu. Pour montrer que ce ne sont pas de simples paroles, nous nous offrons nous-mêmes dans le symbole de l’offrande et nous accompagnons cette offrande de nos désirs. l’Offrande est par conséquent le culte de prière de l’avant-messe, transformé en acte. Et l’Acte de Dieu est la venue du Christ par la grâce avec les mêmes effets que ceux qui sont décrits dans la Parole de Dieu (l’Évangile).

Cette venue du Christ est encore une venue cachée, voilée, mais elle est la préparation, la première, de son grand avènement de grâce au jour de Noël (Postc.). Qu’on observe la Postcommunion, elle s’inspire du Ps. 47, “ Puissions-nous, Seigneur, recevoir ta miséricorde au milieu de ton temple ”. En voici le sens symbolique : nous sommes agenouillés dans la maison de Dieu, les mains jointes, et nous attendons que la Miséricorde (incarnée) soit déposée dans nos bras comme jadis dans ceux du vieillard Siméon. Telle est notre attitude au début de ce cycle festival. A la fin du cycle, le 2 février, nous prierons avec les mêmes paroles du psaume : “ Nous avons reçu ta miséricorde... ” (Intr.).

Le banquet eucharistique doit calmer l’impatience que nous avons de l’avènement du Seigneur, il doit être la semence déposée dans la terre fertile, qui doit produire à Noël des fruits abondants (Comm.). Notre cœur doit ressembler à la Mère de Dieu et à la Crèche.

Faisons une remarque. Quand il s’agit d’exprimer l’attente de l’homme, nous chantons le psaume 24 (Intr. Grad. Off) ; quand il s’agit d’exprimer la réponse de Dieu qui vient, nous entonnons le psaume de Noël, le psaume 84 (ALI. Comm.).

3. Marie. — Pendant l’Avent, l’Église nous donne, pour nous accompagner, la Mère de Dieu ; la Sainte Vierge nous ens,eigne à attendre le Seigneur. C’est pourquoi nous commençons la célébration de l’Avent dans la grande église romaine de Sainte-Marie “ ad praesepe ” “ à la Crèche ”. Cette église de station fut reconstruite en 432 pour commémorer le concile d’Éphèse et dédiée à la “ Mère de Dieu ”. Elle est l’église spéciale de station pour le temps de Noël (on y célèbre six fois pendant ce temps). Au reste, les secondes oraisons des messes de l’Avent sont les oraisons de la Sainte Vierge. Ces oraisons ont un contenu très riche. Elles affirment la maternité divine, elles rappellent le message de l’ange et nous assurent de la protection maternelle de Marie. L’oraison de la communion est devenue l’oraison de l’Angelus et, à ce titre, fait partie du trésor populaire. — Une oreille sensible reconnaîtra aussi, dans l’antienne de communion de ce jour, une allusion à la Mère de Dieu : Nous nous demandons ce qu’entend la liturgie par “ notre terre ” qui “ porte son fruit ” ? Il faut sans doute penser d’abord à la terre de l’Église et de notre âme qui maintenant, dans le banquet sacrifical, porte des fruits de rédemption. Cependant l’Église pense sûrement à son modèle, la Vierge bénie entre toutes les femmes, et au “ fruit de ses entrailles ”, à la Mère de Dieu et au Fils de Dieu. C’est justement au moment de la communion que nous ressemblons à Marie dans sa dignité de Mère de Dieu. D’une certaine manière, nous pouvons, nous aussi, concevoir le Seigneur, le porter, afin qu’il puisse prendre forme en nous et que nous le mettions au monde le jour de Noël.

Avec beaucoup plus de clarté que dans le Missel, l’Église chante Marie au bréviaire.

Marie dit : Que signifie cette salutation ? Mon âme est toute troublée : je dois enfanter le Roi qui ne me fera pas perdre ma virginité” (Ant. Matines). Comme on le voit, dès le premier jour de l’Avent, l’Église fait déjà entendre la cloche de l’Ave. Ne nous étonnons donc pas de voir que les deux antiennes chantées au lever et au coucher du soleil ont aujourd’hui Marie pour objet. Au lever du soleil, nous chantons : “ Le Saint-Esprit descendra sur Toi, ô Marie, ne crains pas, Tu porteras dans Ton sein le Fils de Dieu, Alleluia ”.

Et au coucher du soleil : “ Ne crains pas, Marie ; Tu as trouvé grâce devant le Seigneur, voici que Tu concevras et enfanteras un Fils, Alleluia ”.

LUNDI APRÈS LE 1er DIMANCHE

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DE L’AVENT

Comment la ville fidèle est-elle devenue femme de mauvaise vie ?

1. Lecture de l’Avent. Aux Matines, nous lisons de sérieux avertissements divins. Le Prophète parle de Jérusalem et du peuple juif ; la liturgie pense à l’Eglise et à l’âme (Is. 1, 16-28).

Lavez-vous, purifiez-vous ;

Enlevez de devant mes yeux vos mauvaises actions ;

Cessez de mal faire, apprenez à bien faire,

Recherchez la justice, venez au secours de l’opprimé,

Rendez son droit à l’orphelin, protégez la veuve ;

Puis venez et comptez avec moi, dit le Seigneur ;

Quand vos péchés seraient comme l’écarlate, je les rends blancs comme la neige ;

Quand ils seraient rouges comme la pourpre, ils deviendront comme la laine.

Si vous obéissez de bon cœur, vous mangerez les fruits de la terre ;

Mais si vous résistez et si vous êtes rebelles, vous attirerez ma colère ;

Alors vous serez dévorés par l’épée. En vérité, c’est la bouche du Seigneur qui a parlé. ”

Ces paroles du Seigneur s’adressent à nous tous ; nous avons dans nos mains la vie et la mort, choisissons la vie. Lisons maintenant une lamentation sur l’Épouse infidèle de Dieu, Jérusalem. Cela s’applique aussi à l’âme chrétienne infidèle :

Comment est-elle devenue une prostituée, la cité fidèle qui était si remplie d’équité, dans laquelle la justice habitait et maintenant des meurtriers !

Ton argent s’est changé en scories, ton vin a été coupé d’eau,

Tes princes sont des rebelles et des compagnons des voleurs,

Tous aiment les présents et courent après l’argent.

Ils ne rendent plus son droit à l’orphelin et ne défendent plus les veuves.

C’est pourquoi ainsi parle le Seigneur des armées, le fort d’Israël :

Ah ! je tirerai satisfaction de mes adversaires et je me vengerai de mes ennemis

J’étendrai ma main contre toi,

Je fondrai tes scories comme avec la potasse et j’ôterai tout ton plomb.

Je te rendrai des juges. comme ceux d’autrefois et des conseillers comme dans l’ancien temps.

Après cela on t’appellera la ville de justice la cité fidèle. Sion sera rachetée par la droiture, et ceux qui s’y convertiront, par la justice ;

Mais les rebelles et les pécheurs seront anéantis,

Et ceux qui abandonnent le Seigneur périront.

2. Les chants de l’Avent. — Les beaux répons complètent le tableau d’ensemble du jour de l’Avent. Le premier chante la Sainte Vierge.

Reçois la parole, Vierge Marie, qui T’a été transmise de la part de Dieu par l’Ange.

Tu concevras et enfanteras Celui qui est Dieu et Homme tout ensemble,

Tu dois être bénie entre toutes les femmes.

Tu enfanteras un Fils et Ta virginité demeurera intacte,

Tu seras une Mère, mais une Mère toujours pure. ”

Le second répons est un chant de joie.

Que les cieux se réjouissent et que la terre tressaille, montagnes chantez avec allégresse votre louange : Notre Seigneur va venir.

II aura pitié de ses pauvres ;

En ses jours se lèvera la justice et l’abondance de la paix. ”

Au lever du soleil, l’Église fait entendre la cloche de l’Ave. “ L’Ange apporta à Marie le message et elle conçut du Saint-Esprit, Alleluia. ”

Au coucher du soleil, nous apportons consolation à Jérusalem abaissée : “ Lève les yeux, Jérusalem, et contemple la puissance du Roi ; voici que le Seigneur vient pour te délivrer de tes chaînes. ”

3. Indications pour vivre de la vie de l’Avent. — L’Avent est le temps le plus intime de l’année. Plusieurs se rappelleront leurs années d’enfance quand, tenant la main de leur mère, ils se rendaient à l’église du village. Il faisait noir encore et l’on s’avançait, à la lueur d’une lanterne, vers la maison de Dieu qui brillait dans le lointain. Quand, dans l’église remplie de fidèles, l’orgue préludait au Rorate “ Cieux répandez votre rosée ”, on sentait comme un frisson d’espérance : Voici de nouveau l’Avent, Noël n’est pas loin. — L’Avent est peut-être, pour la vie intérieure, le temps le plus fécond et le plus beau de l’année. Ce mélange d’attente, de joie et de gravité parle plus au cœur que le Carême austère.

Le premier avis est celui-ci : Développer en soi l’esprit de l’Avent. L’esprit de l’Avent est un esprit de silence, de recueillement et de vie intérieure. Représentons-nous la Sainte Vierge dans les derniers mois avant la naissance du Sauveur, étudions les dispositions de son cœur. Elle nous enseigne l’esprit de l’Avent. L’Avent chante davantage : la liturgie nous montre que les sentiments de l’Avent sont lyriques et enthousiastes. C’est pourquoi, aimons à redire les chants de l’Avent, les chants populaires comme les chants liturgiques. Appliquons-nous, de toutes nos forces, à nous assimiler l’esprit de l’Avent. Lisons le prophète Isaïe, cherchons l’esprit de l’Avent dans les Introïts des messes de l’Avent, dans tant de merveilleux répons. Cultivons en nous les sentiments d’attente et de désir de l’Avent. Aimons la compagnie des enfants. Nous attendons la naissance de l’Enfant-Jésus, c’est d’eux que nous apprendrons comment on se prépare à Noël. Aimons contempler des images de l’Avent, à entendre des paroles et des chants de l’Avent. Prenons aussi quelques résolutions d’Avent : par exemple : se lever plus tôt, faire quelques sacrifices.

Le second avis est celui-ci : L’heure du soir pendant l’Avent. Le soir, la nuit sont le symbole de l’Avent. Chantons donc le beau chant de l’Avent :

Les nuits de plus en plus longues de l’Avent ont leur caractère propre d’intimité. Cette petite heure du soir contribuera beaucoup à développer en nous l’esprit de l’Avent. Comment devons-nous la passer ? Nous la passerons soit seuls, soit avec un petit groupe. On chantera alors des chants de l’Avent et on lira spécialement le Prophète Isaïe. Dans certains endroits il y a aussi des usages particuliers pour l’Avent par exemple : une guirlande de l’Avent munie de cierges que l’on allume graduellement.

Le troisième avis est la Messe Rorate : nous en parlerons demain.

MARDI APRES LE 1er DIMANCHE

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DE L’AVENT

Marchons dans la lumière de Dieu

1. Lecture de l’Avent. — Aux Matines, Dieu parle par la bouche de son Prophète de l’Avent, (Isaïe II, 2-19).

Écoutons d’abord le message d’Avent (2-5)

A la fin des temps sera établie la montagne de la maison de Dieu,

Fondée sur la plus haute montagne, élevée au-dessus de toutes les collines.

Vers elle affluent toutes les nations,

Beaucoup de tribus s’avancent vers elle et disent : Venez, montons vers la montagne du Seigneur,

Vers la maison du Dieu de Jacob ; qu’il nous enseigne ses voies ; marchons dans ses sentiers.

Car c’est de Sion que sort la doctrine et de Jérusalem la Parole du Seigneur.

Il juge parmi les peuples, il dit le droit à de nombreuses tribus.

Pour faire des socs de charrues on reforgera les glaives et des lances on fera des faucilles ;

Le peuple ne s’élève plus contre le peuple et ne fait plus désormais la guerre.

Allons, peuple de Jacob, marchons dans la lumière du Seigneur ”.

C’est un joyeux message d’Avent qui nous annonce que Jérusalem est le lieu de naissance de l’Église, que l’Église rassemblera tous les peuples et fondera le royaume de la paix sur la terre.

Il y a comme une contre-partie sombre dans le second chant : l’avertissement de l’Avent. C’est une annonce saisissante du jugement (II, 6-19).

Tu as rejeté ton peuple, la maison de Jacob.

Sa terre est remplie d’argent et d’or,

Innombrables sont ses trésors.

Sa terre est remplie de chevaux,

Innombrables sont ses chars.

Sa terre est remplie d’idoles,

Innombrables sont ses images.

Il adore l’œuvre de ses mains,

Ce qu’ont façonné ses propres doigts.

Rampez dans les trous des rochers, cachez-vous dans la poussière.

Par crainte de Dieu et de sa sublime majesté ;

Alors la fierté des hommes est courbée, leur orgueil est rabaissé ;

En ce jour le Seigneur seul se tient élevé.

Car un jour vient pour le Seigneur des armées

Au-dessus de toute fierté et de toute élévation, Au-dessus des cèdres du Liban,

Au-dessus de tous les chênes de Basan,

Au-dessus des hautes montagnes,

Au-dessus des collines élevées,

Au-dessus de toute haute tour,

Au-dessus de toute muraille fortifiée,

Au-dessus des vaisseaux de Tarse,

Au-dessus de tout apparat somptueux.

Alors la fierté des hommes est courbée, leur orgueil est abaissé ;

En ce jour le Seigneur seul se tient élevé. ”

2. Chants de l’Avent. — Message de joie et avertissement sévère, telles sont les voies de Dieu ; notre voie à nous c’est l’attente ardente du royaume de Dieu. C’est ce qu’expriment les chants.

Montagnes d’Israël, étendez vos rameaux,

Fleurissez et portez des fruits,

Le temps approche où viendra le jour du Seigneur.

Cieux répandez votre rosée,

Nuées laissez tomber le Juste,

Que la terre s’ouvre et fasse germer le Sauveur. ”

Que les montagnes distillent la suavité,

Et les collines la justice,

Car le Seigneur, la lumière du monde, vient avec puissance.

De Sion procède la loi, la “ Parole ” du Seigneur vient de Jérusalem” (Répons).

Le moment précieux du lever du soleil doit être consacré au souvenir de celle qui nous donna cette lumière “ qui se lève des hauteurs ”, à Marie. “ Avant qu’ils se réunissent, il se trouva que Marie avait conçu par la vertu du Saint-Esprit, Alleluia. ” Au moment du coucher du soleil, l’Église nous avertit de bien user de ce temps de grâces de l’Avent. “ Cherchez le Seigneur, tant qu’on peut le trouver, appelez-le tant qu’il est proche, Alleluia. ”

3. La messe Rorate fait partie de l’héritage liturgique du peuple, mais c’est un héritage qu’on ignore souvent. C’est une messe votive en l’honneur de la Mère de Dieu pendant l’Avent. (On la trouve dans le Missel à la fin des messes communes, c’est la première des cinq messes votives en l’honneur de la Sainte Vierge). C’est en réalité une simplification de la messe d’or (missa aurea) du mercredi des Quatre-Temps. C’est donc une des messes qui expriment le plus clairement les pensées de l’Avent. Ici encore Marie se montre comme notre guide à travers l’Avent pour nous conduire jusqu’à Noël. Dans certains pays de langue allemande, cette messe s’accompagne d’usages dont le symbole est très beau. Elle est célébrée avant le lever du soleil, par conséquent en pleine nuit d’hiver. Les fidèles s’en vont, une lanterne à la main, dans les ténèbres glacées, à travers la neige. Les lumières de la maison de Dieu leur apparaissent de loin. Dans l’Église, le prêtre s’avance vers l’autel, vêtu d’ornements blancs. Il y a dans cet usage comme l’image de l’âme non rachetée, qui sort de sa nuit pour s’avancer vers la lumière de Noël.

Rorate coeli, Cieux répandez votre rosée ”, ce sont les premiers mots de la messe. Elle en a tiré son nom. Ainsi Isaïe se tient au seuil, interprète du désir de l’humanité qui attend un Sauveur.

Remarquons aussi le Kyrie. Ce Kyrie implorant et suppliant de l’humanité qui a soif de Rédemption est l’Avent journalier. Le “ Dominus vobiscum ” doit nous faire songer à la parole de l’Ange : “ Le Seigneur est avec vous ”. En unissant ces deux paroles, nous comprendrons mieux le sens profond de ce salut : Que le Seigneur soit avec vous, comme il était avec Marie. Cette considération nous conduit à une pensée élevée qui nous fait apparaître le culte de la Sainte Vierge pendant l’Avent, dans une lumière nouvelle. Marie est l’idéal de notre union avec le Christ qui demeure en nous. Le chrétien participe à la dignité de la maternité divine. Le Christ doit prendre forme en lui et se manifester au monde le jour de Noël. C’est ce que signifie la parole de l’Épître de dimanche dernier : “ Revêtez-vous du Seigneur, Jésus. ” C’est pourquoi presque toutes les parties de la messe parlent de la naissance imminente du Christ et du rôle de Marie dans cette naissance. L’Introït annonce déjà que Marie est la terre féconde sur laquelle est tombée la rosée du ciel, la terre qui s’entr’ouvre et fait germer le Sauveur ; elle est la chambre nuptiale du divin Soleil de Justice (ce n’est qu’en lisant tout le psaume qu’on a le sens plein de ce chant). Dans l’Épître, nous entendons la prophétie célèbre de la naissance virginale du Fils de Dieu. L’effet du Graduel est dramatique. Nous nous tenons dans l’attente et le désir devant les portes éternelles qui doivent s’ouvrir au “ Roi de gloire ”. L’Alleluia, avec les accords de l’Ave, avant l’Évangile, nous annonce par qui seront ouvertes ces portes : par Marie. A l’Évangile, nous sommes témoins de la belle et inoubliable scène qui se déroule dans la petite maison de Nazareth. “ Le Verbe se fait chair” en Marie d’abord, puis au Sacrifice de la messe et à la Communion, puis dans l’Église, puis en nous-mêmes. Nous pouvons nous appliquer aussi les paroles de la Communion : “ Voici qu’une Vierge concevra... et le nom (de son Fils) sera : Dieu avec nous. ” Ne négligeons pas non plus l’Agnus Dei. Une parole du Précurseur a plus d’efficacité pendant l’Avent. Enfin nous pouvons écouter avec plus d’attention le dernier Évangile. Il nous donne chaque jour le résumé de ce qui s’est accompli en nous à la messe. Mais aujourd’hui son sens est plus actuel : “ La Lumière brille dans les ténèbres, la véritable Lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde... Il nous donne le pouvoir de devenir enfants de Dieu... Le Verbe s’est fait chair et Il a habité parmi nous ”.

MERCREDI APRÈS LE 1er DIMANCHE

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DE L’AVENT

La vigne du Seigneur est la maison d’Israël

1. Lecture de l’Avent. Aujourd’hui nous entendons encore de joyeux messages d’Avent. Nous lisons des extraits du 48 et du 58 chapitres d’Isaïe ; c’est une lecture qui réjouit le cœur. Le premier cantique est une prophétie messianique :

En ce jour le rejeton de Dieu sera en honneur Et le fruit de la terre aura fierté et gloire Pour ceux d’Israël qui sont sauvés,

Et voici ce qui arrivera : tous ceux qui seront laissés dans Sion

Et qui demeureront dans Jérusalem

Seront appelés saints,

Tous ceux qui sont inscrits dans le livre de vie à Jérusalem.

Quand le Seigneur aura lavé l’impureté de la fille de Sion

Et qu’il aura fait disparaître la tache sanglante de Jérusalem

Par le vent impétueux de son jugement et son souffle de feu,

Alors il viendra lui-même et sera présent sur toute place de Sion

Et dans toute réunion comme une nuée pendant le jour

Et comme l’éclat ardent du feu pendant la nuit.

Et il sera un toit d’abri contre la chaleur

Et une protection et un abri contre l’orage et la pluie. ”

Ce joyeux message est accompli dans l’Église. Jadis, Dieu était présent parmi les Hébreux dans le désert sous la forme de nuée sainte pendant le jour et de colonne de feu pendant la nuit. Maintenant le Christ est présent dans son Église “ tous les jours jusqu’à la consommation des siècles ”.

Le second chant est saisissant : c’est une élégie du Christ à propos de la vigne stérile (la vigne est l’Église dans son abaissement, c’est l’âme humaine non rachetée) (Is. V, 1-7).

Au nom de mon ami, je veux chanter un chant sur sa vigne :

Mon ami avait une vigne sur la hauteur grasse ;

Il la creusa et enleva les pierres et la planta de ceps

Et il bâtit une tour au milieu, il creusa un pressoir

Et il espérait qu’elle produirait des raisins, mais elle a produit du verjus.

Et maintenant, habitants de Jérusalem, hommes de Juda, jugez entre moi et ma vigne.

Qu’y avait-il à faire dans ma vigne que je n’aie pas fait ?

J’espérais qu’elle produirait des raisins et elle a produit du verjus.

Et maintenant je vais vous annoncer ce que je ferai à ma vigne.

Je détruirai sa haie pour qu’elle devienne un pâturage,

Je détruirai son mur pour qu’on la foule aux pieds

Et qu’il croisse des buissons d’épines ;

Je défendrai même aux nuages de l’arroser de pluie.

La vigne du Seigneur est la maison d’Israël,

Juda est sa plantation préférée ;

Il espérait des actes de bonté et voici des actes de sang,

Des actions droites et voici des actions perverses. ”

2. Chants de l’Avent. — L’Église attend avec d’ardents désir le Rédempteur.

Notre Roi va venir, le Christ,

Celui que Jean annonça : l’Agneau va venir

Devant Lui, les rois fermeront leur bouche,

Les gentils l’adoreront” (Répons).

Dans les temps passés depuis longtemps, Ezéchiel donna sa prophétie :

Je vis une porte fermée.

Et voici que le Dieu éternel passa par cette porte pour le salut du monde

Et elle fut de nouveau fermée. ”

Le Prophète fait ici allusion à la Vierge

Qui après son enfantement resta Vierge.

C’est là la porte que tu as vue,

Le Seigneur seul doit passer par cette porte” (Répons).

Au lever du soleil, l’Église chante : “ De Sion vient la doctrine, de Jérusalem la “ Parole du Seigneur ”.

Au coucher du soleil, nous entendons la parole du Précurseur : “ Après moi vient un plus fort que moi et je ne suis pas digne de délier les courroies de sa chaussure ”. !

3. Le bréviaire pendant l’Avent. — Il n’est pas un temps dans l’année dont l’office au bréviaire puisse se comparer avec celui de l’Avent. Nulle part on ne trouve tant de poésie, de sentiment, de variété. Nous sommes sous le charme d’une vision lyrique. Voici quel est le sens et la manière du bréviaire de l’Avent : une attente faite de contemplation joyeuse et de sentiment profond, un respect sincère pour le Roi qui va venir, un grand zèle à préparer dignement sa réception, un tendre désir de son retour, un jour, dans la gloire.

Les Matines sont la prière dramatique du jour, elles expriment, de la manière la plus parfaite, les sentiments qu’éprouve l’Église pendant l’Avent. L’Invitatoire nous donne la pensée principale du temps : nous allons au-devant du Roi qui va venir. Les hymnes chantent son triple avènement. L’Avent est le temps le plus poétique, le plus lyrique de l’année ; c’est pourquoi tout l’office contient des antiennes propres. Mais ce qu’il y a de plus beau, ce sont les répons qui sont d’une abondance et d’une richesse incomparables. Il faut ajouter à ces éléments la belle unité des leçons.

Le Prophète Isaïe nous conduit, à travers les longues nuits des quatre semaines de l’Avent, jusqu’à Noël. Le héraut du désert du Jourdain, lui aussi, fait entendre sans cesse les avertissements de sa voix austère. Ce qui donne a la poésie de l’Avent son charme et son complément c’est le tendre culte de Marie. On entend à travers tout l’Avent comme un doux Ave Maria, dont l’antienne de magnificat du premier dimanche donne les premiers accents : “ Ne crains pas, Marie... ”

Les antiennes de Vêpres, de Laudes, et des Petites Heures, nous annoncent, par avance, le doux bonheur de Noël et comptent parmi les plus beaux passages de tout le livre.

Il est temps aujourd’hui d’examiner de plus près l’Ordinaire de l’Avent (c’est-à-dire les textes qui ne changent pas). C’est dans ces textes que s’exprime de la manière la plus claire l’esprit de l’Avent.

A tierce : “ Voici venir le temps, dit le Seigneur, où je susciterai à David un rejeton juste ; il règnera comme Roi et sera sage ; il exercera le droit et la justice sur la terre ” (Jér. XXIII, 5).

Viens nous racheter, Seigneur Dieu des armées,

Montre-nous ton visage et nous serons sauvés.

A sexte : “ En ces jours, Juda sera racheté et Israël habitera dans la confiance ; et voici le nom dont on l’appellera (le Sauveur) : notre Seigneur juste (Jér. XXIII, 6).

Fais-nous voir, Seigneur, ta miséricorde et donne-nous ton salut ;

Souviens-toi de nous, Seigneur, dans ta bienveillance pour ton peuple,

Visite-nous dans ton salut.

A none : “ Son temps est tout près de venir et ses jours ne seront pas éloignés, le Seigneur aura pitié de Juda et Israël sera sauvé ” (Is. XIV, 1).

Sur toi, Jérusalem, le Seigneur se lèvera comme le soleil

Et sa gloire apparaîtra en toi.

Viens, Seigneur, ne tarde pas,

Remets à ton peuple ses méfaits.

JEUDI APRÈS LE 1er DIMANCHE

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DE L’AVENT

Me voici, envoie-moi

1. Lecture d’Avent. — Le Prophète Isaïe nous présente aujourd’hui une scène sublime : la vision où il reçut sa vocation (VI, 1-13). Il est dans le temple : “ Je vis le Seigneur sur un trône élevé et sublime, les bords de son manteau remplissaient le temple, les Séraphins planaient au-dessus de lui ; ils avaient chacun six ailes... Ils criaient l’un à l’autre : Saint, Saint, Saint est le Dieu des armées, tout l’univers est rempli de sa magnificence. Leurs hauts cris ébranlèrent les gonds des seuils et la maison se remplit de fumée. ” Le Prophète s’effraie ; il craint de mourir parce qu’il a vu le Seigneur. “ Malheur à moi, je suis perdu, impures sont mes lèvres et je demeure parmi un peuple impur et mes yeux voient le Seigneur des armées ! Alors un Séraphin vola vers moi avec un charbon ardent dans la main qu’il avait pris avec une pince sur l’autel et il toucha ma langue et dit : ce charbon a touché tes lèvres, ta faute a disparu, ton péché est détruit. Alors j’entendis la voix du Seigneur qui disait : Qui enverrai-je et qui ira pour nous ? Alors je lui dis : Me voici, envoie-moi. Et Il dit : Va et dis à ce peuple : Entendez et ne comprenez pas, voyez et ne reconnaissez pas : endurcis le cœur de ce peuple, assourdis ses oreilles, aveugle ses yeux afin qu’il ne voie pas avec ses yeux, qu’il n’entende, pas avec ses oreilles, qu’il ne rentre pas en lui-même et ne trouve pas la guérison... Cependant de même que lorsqu’on a abattu un chêne il reste un tronc, son tronc produira un saint rejeton. ”

Ainsi parle le Prophète. Ce passage est pour nous d’une grande importance. Nous y entendons pour la première fois le chant des chérubins : Saint, Saint, Saint, dont use la liturgie depuis les temps les plus reculés au début du Canon. De même, la purification avec le charbon ardent est mentionnée dans la liturgie : chaque jour le prêtre fait cette prière avant d’annoncer l’Évangile : Purifie mon cœur et mes lèvres, Toi qui as purifié les lèvres du prophète Isaïe avec un charbon ardent ” De même la malédiction contre le peuple juif nous est connue par l’Évangile. Le Christ lui-même se réfère, dans sa prédication au bord du lac, à ce passage d’Isaïe (Math. XIII, 14 sq.). C’est là la destinée émouvante et tragique du peuple élu devenu le peuple réprouvé. L’aveuglement du peuple juif (obcaecatio cf. les oraisons du Vendredi-Saint) persiste encore de nos jours. La conclusion consolante de la prophétie, où il est question du rejeton saint, est l’espérance de l’Avent. Ce rejeton saint est le Rédempteur.

2. Chants de l’Avent. Un chant de l’Église est comme une vision du Roi qui approche :

Je contemple dans une vision nocturne et je vois :

Dans les nuées du ciel vient le Fils de l’Homme,

A Lui ont été donnés le royaume et l’honneur

Et tous les peuples, tribus et langues le servent.

Sa puissance est une puissance éternelle, elle ne lui sera pas enlevée

Et son royaume ne sera jamais détruit. ”

La première pensée qui se présente à notre réveil, comme une goutte de rosée qui rafraîchit notre âme, est celle de la Vierge avec le divin Enfant : “ Vous êtes bénie entre toutes les femmes et le fruit de vos entrailles est béni. ”

Quand le soleil s’incline sur l’horizon, nous sommes saisis du désir ardent de la venue du Seigneur : “ Je veux chercher des yeux le Seigneur, mon Sauveur, je veux lui souhaiter la bienvenue quand il viendra, Alleluia. ”

3. Les psaumes de l’Avent. La liturgie est un contact avec la divinité. Il faut pour cela qu’il y ait un double mouvement : Dieu “ vient ”, Dieu “ apparaît ” ; l’homme “ va ” “ à la rencontre ” de Dieu. Ce double mouvement est exprimé d’une manière très belle et très dramatique, particulièrement pendant l’Avent. Ne voyons-nous pas le Seigneur venir peu à peu ? La liturgie montre cette gradation avec une maîtrise incomparable. Mais l’homme aussi s’avance au-devant du Seigneur. La liturgie exprime aussi la gradation de cette démarche. C’est surtout dans les psaumes que nous trouvons l’expression graduelle de cet élément humain. L’Église chante fréquemment dans ce temps quatre psaumes : les ps. 24, 79, 84 et 18. Ces quatre psaumes nous donnent, sous quatre aspects successifs, l’impression de l’Avent, telle qu’elle est exprimée dans les Introïts des quatre dimanches de l’Avent.

Le psaume 24 domine toute la messe du premier dimanche de l’Avent (C’est toujours la caractéristique d’une messe). Nous devons donc, pendant la première semaine, nous pénétrer de ce psaume et aimer à le chanter. Nous y trouvons la confiance en Dieu, unie au désir et à l’attente de son secours en même temps qu’à la pénitence. Nous en donnons ici la traduction (récitons-le chaque jour pendant cette semaine).

I

Vers toi, Seigneur, j’élève mon âme.

Mon Dieu, en toi je me confie ; que je ne sois pas confondu !

Que mes ennemis ne se réjouissent pas à mon sujet

Non, aucun de ceux qui espèrent en toi ne sera confondu,

Ceux-là seront confondus qui sont infidèles sans cause ; ;

Seigneur, fais-moi connaître tes voies,

Enseigne-moi tes sentiers,

Conduis-moi dans ta vérité et instruis-moi ;

Car tu es le Dieu de mon salut,

Tu es, tout le Jour, mon espérance,

Seigneur, souviens-toi de moi, selon ta miséricorde,

A cause de ta bonté.

II

Le Seigneur est bon et droit ;

C’est pourquoi il indique aux pécheurs la voie.

Il conduit les humbles dans la justice,

Il enseigne aux humbles sa voie.

Tous les sentiers du Seigneur sont miséricorde et fidélité

Pour ceux qui gardent son alliance et ses commandements.

A cause de ton nom, Seigneur,

Tu pardonneras mon iniquité, car elle est grande.

Quel est l’homme qui craint le Seigneur ?

Le Seigneur lui montre la voie qu’il doit choisir.

Son âme repose dans le bonheur

Et sa postérité possédera le pays.

Le Seigneur est une forteresse pour ceux qui le craignent

Et il conclut avec eux son alliance.

III

J’ai les yeux tournés vers le Seigneur,

Car c’est lui qui tirera mes pieds du lacet.

Regarde-moi et prends pitié de moi, Car je suis délaissé et malheureux.

Les angoisses de mon cœur se sont accrues :

Tire-moi de ma détresse.

Vois ma misère et ma peine,

Et pardonne tous mes péchés.

Vois combien sont nombreux mes ennemis,

Et quelle haine violente ils ont contre moi !

Garde mon âme et sauve-moi.

Que je ne sois pas confondu, car j’ai mis ma confiance en toi

Que l’innocence et la droiture me protègent,

Car j’espère en toi !

O Dieu, délivre Israël

De toutes ses angoisses.

Faisons quelques remarques sur le psaume. Le chant, dans le texte hébreu, est alphabétique, c’est-à-dire que chacun des versets commence par une lettre de l’alphabet. Dans ces sortes de chants, assez fréquents dans la Bible, la marche des idées est un peu flottante ; les versets se suivent comme des sentences. Il en est ainsi dans notre psaume. Nous pouvons cependant distinguer trois sections : 1. Un regard plein de confiance vers Dieu ; 2. Dieu est miséricordieux et fidèle ; 3. Nous le prions de nous garder au milieu de nos ennemis. Quelques versets sont si beaux qu’il faudrait les apprendre par cœur et en faire des oraisons jaculatoires.

Faisons-en l’application à l’Avent. Le chant de “ l’espoir et de la Rédemption ” est un psaume typique de l’Avent. Ce n’est pas sans raison qu’il prend place, le premier dimanche de l’Avent, dans l’introït, le graduel et l’offertoire de la messe. Le psaume 24 contient en effet toutes les pensées et tous les sentiments dont nous avons besoin pendant l’Avent. Il respire la confiance et l’espoir. Il nous parle des aspirations et des désirs de l’âme qui cherche le secours. Les sentiments de pénitence s’y trouvent aussi. On peut citer quelques versets typiques qui pourront servir de leitmotiv pour l’Avent. “ Vers toi, j’élève mon âme. ” “ Aucun de ceux qui espèrent en toi, ne sera confondu. ” Il est question des “ chemins ” et des “ sentiers ” du Seigneur. “ J’ai les yeux tournés vers le Seigneur ”, “ J’espère en toi. ” On trouve très peu de psaumes qu’on puisse aussi facilement, sans faire violence au sens littéral, adapter aux desseins de la liturgie, que celui-ci. Il n’en est que plus aisé de répondre aux désirs de la liturgie et d’exprimer, au moyen de ce psaume, nos désirs et notre préparation de l’Avent. Les pensées principales de ce psaume, dans lesquelles il faut chercher l’accent liturgique, ont été extraites par l’Église pour constituer l’Introït et l’Offertoire, et, dans le Graduel, elle les réunit pour en former comme un bouquet. Ces versets doivent aider notre vie de prière pendant l’Avent et lui donner la tonalité juste.

On n’arrivera à aimer les psaumes que si on les récite souvent, que si on les répète sans cesse. C’est ainsi qu’ils pénétreront dans notre âme comme un chant favori. Une bonne résolution à prendre pendant l’Avent serait celle de nous rendre familier un des quatre psaumes de l’Avent.

VENDREDI APRÈS LE 1er DIMANCHE

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DE L’AVENT

La Vierge concevra

1. Lecture de l’Avent. — Le Prophète nous fait entendre la prophétie messianique de la naissance virginale du Rédempteur (VII, 10-15) (nous lisons aussi ce passage dans la messe Rorate). Isaïe (VII, 10-15) est envoyé vers le roi Achaz, avec mission de lui proposer de demander un signe miraculeux du ciel, comme preuve que Dieu l’aidera contre ses ennemis. Achaz refuse cette preuve de grâce avec dédain. C’est pourquoi Dieu promet un signe miraculeux dans l’avenir et en même temps un jugement pour Israël : Le Christ né de la Vierge Marie : “ En ces jours, le Seigneur parla ainsi à Achaz : demande pour toi un signe du Seigneur, soit dans les profondeurs de l’enfer, soit dans les hauteurs du ciel. Mais Achaz dit : je n’en demanderai pas et je ne tenterai pas le Seigneur. Alors le prophète parla : écoutez donc, écoutez vous autres de la maison de David. N’est-ce donc pas assez d’importuner les hommes que vous voulez importuner votre Dieu lui-même ? C’est pourquoi le Seigneur vous donnera lui-même un signe. Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un fils et son nom sera appelé Dieu avec nous (Emmanuel), il mangera de la crème et du miel jusqu’à ce qu’il puisse rejeter le mal et choisir le bien. ”

Ce passage convient tout à fait à l’Avent. Le Prophète esquisse, devant nos yeux, une image charmante : la Vierge Mère avec le divin Emmanuel.

2. Chants de l’Avent. — C’est vers ce Rédempteur que l’Église soupire dans ses chants :

C’est le Sauveur, le Seigneur Jésus-Christ que nous attendons.

Il transformera notre pauvre corps et le rendra semblable à son Corps de gloire.

C’est pourquoi mettons de la sobriété, de la justice et de la piété dans notre vie en ce monde ; cependant nous attendons, dans la bienheureuse espérance, la manifestation de la gloire de notre grand Dieu ”.

Je t’en prie Seigneur, envoie Celui que tu dois envoyer,

Vois la misère de ton peuple.

Comme tu l’as promis, viens et délivre-nous,

Toi qui diriges le peuple de Joseph comme une brebis,

Toi dont le trône est au-dessus des Chérubins” (Répons).

Les chants qui accompagnent le lever et le coucher du soleil sont les suivants : “ Voici qu’il va venir l’Homme-Dieu, de la maison de David, il prendra place sur son trône, Alleluia ” (Ant. Ben.).

Dès le matin l’Église nous montre le soleil levant : Voyez le soleil se lever ; c’est ainsi que viendra le Seigneur. “ D’Égypte, j’ai rappelé mon Fils ; Il viendra pour sauver son peuple” (Ant. Magn.).

3. Les saints de l’Avent. — Pour vivre vraiment de la vie de l’Avent, il serait désirable que nous ne célébrions qu’un tout petit nombre de fêtes de saints. Quand on attend le Roi, ses serviteurs passent au second plan. C’est pourquoi nous n’insisterons pas sur les fêtes des saints, à moins que nous ne puissions faire entrer le culte des saints dans notre préparation à la fête de Noël. Nous envoyons les saints comme précurseurs au-devant du Roi qui va venir, ou bien nous nous revêtons de leur livrée, pour nous avancer nous-mêmes au-devant du Roi. En parcourant le calendrier des saints, nous essaierons d’établir une relation entre leur culte et l’Avent. Parfois, ce sera très facile, par exemple, pour sainte Lucie (Lucie = la brillante, reflet de la lumière de l’Avent). Un certain nombre de saints sont considérés, dans les habitudes populaires, comme des précurseurs de Noël, par exemple le grand bienfaiteur saint Nicolas. On n’a pas besoin de rappeler que la fête de l’Immaculée-Conception appartient tout à fait à l’Avent.

SAMEDI APRÈS LE 1er DIMANCHE

Index

DE L’AVENT

Un entant nous est né

1. Lecture de l’Avent. — Nous lisons aujourd’hui une prophétie messianique d’Isaïe que nous entendrons de nouveau à l’heure sainte des matines de Noël (Is. IX, 1-16) :

Il opprime d’abord le pays de Zabulon et le pays de Nephtali ;

Mais ensuite viendront de nouveaux honneurs

Aux pays qui tombent à la mer, au pays d’au-delà du Jourdain et au district des Gentils ;

Le peuple qui marchait dans les ténèbres voit une grande lumière.

Et sur ceux qui habitaient les pays de l’ombre et de la mort se lève une lumière.

Tu multiplieras ton peuple et lui accorderas une grande joie,

II se réjouira devant toi comme on se réjouit à la moisson, comme on pousse des cris d’allégresse en partageant le butin ;

Car le joug pénible qui pesait sur lui tu l’as brisé comme à la journée de Madian

Ainsi que la verge qui frappait son épaule et le bâton de son exécuteur

Car toute armure de guerrier sera le butin du feu

Et tout manteau sanglant sera la proie des flammes ;

Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné ;

Sur ses épaules repose l’empire et on le nommera

Conseiller admirable, Dieu fort, Père de l’avenir. Prince de la paix ;

II sera assis sur le trône de David pour accomplir son alliance,

Pour l’établir et l’affermir par e droit et la justice, dès maintenant et pour toujours.

Le zèle du Seigneur des armées fera cette œuvre. ”

Ce passage est une des plus importantes prédictions des Prophètes.

2. Chants de l’Avent. — C’est vers cet enfant-Roi que l’Eglise soupire dans ses chants :

Voici que viennent les jours, dit le Seigneur,

Et je susciterai à David un rejeton juste.

Il régnera comme Roi et sera sage

Il exercera le droit et la justice sur la terre

Et voici le nom qu’on lui donnera :

Notre Seigneur juste.

En ces jours, Juda sera sauvé

Et Israël habitera dans la sécurité ” (Répons)

Dès le matin, l’Église se console ainsi : Sion, ne crains pas, ton Dieu va venir, Alleluia.

3. Désirs ardents. — Notre premier guide à travers l’Avent nous prêche l’attente et le désir. Tous les jours nous chantons et nous disons après lui : “ Cieux, répandez votre rosée ; nuages, laissez tomber, comme une pluie, le Juste. Que la terre s’entr’ouvre et fasse germer le Sauveur. ” Demandons-nous, une bonne fois, ce que signifie cette parole : nous devons pendant l’Avent avoir un grand désir du Sauveur !

Jetons d’abord nos regards sur la nature. Le champ ne reçoit la semence que lorsque la charrue l’a pénétré et ouvert. Le labourage est, pour ainsi dire, le désir du champ. Quand, pendant l’été, le soleil impitoyable a brûlé les champs et les prés, que pendant des semaines il n’est pas tombé une goutte d’eau, le sol a soif d’eau. Le champ aspire à l’eau. Pour que la nourriture soit profitable il faut que nous ayons la sensation de la faim. La faim est l’aspiration de l’organisme. Dans la vie physique, il y a des aspirations naturelles qui sont une préparation et une condition préalable pour la croissance et la fécondité.

Regardons maintenant vers la vie naturelle de l’homme. Le désir est le sentiment primitif et foncier du cœur humain. Y a-t-il un homme qui ne désire plus rien ? L’enfant se bâtit déjà des châteaux en Espagne. Quelle soif de bonheur n’ont pas les hommes ! Le cœur humain est un abîme qui demande toujours davantage. “ La sangsue a deux filles qui s’appellent : Toujours plus, toujours plus” (Prov. XXX, 15). Combien est grande la faim de l’or chez l’homme ! Combien sont violents et difficiles à dompter les instincts sensuels et les passions de l’homme ! L’ardeur du cœur humain pour les biens de la terre est donc très grande. Et ces désirs, semblables à l’eau sous pression, tendent sans cesse à faire irruption et à se satisfaire.

La nature, selon la volonté de Dieu, est l’image de la surnature. Pourquoi les forces puissantes qui sont dans l’homme ne pourraient-elles pas être mises au service du divin ? Oui, l’homme peut avoir le désir ardent du divin. Dieu s’en servit comme moyen d’éducation pour préparer à la venue du Christ. Il fallait amener les Juifs et les Gentils à désirer le Rédempteur. Les Juifs y furent amenés par la voix des Prophètes ; les païens, par la connaissance de la ruine complète de leur vie spirituelle et morale. C’est pourquoi on entend retentir dans l’antiquité ce cri : Cieux répandez votre rosée et laissez descendre le Juste.

Or, depuis la venue du Rédempteur, le désir n’est pas éteint. Le grand saint Augustin a prononcé cette parole célèbre : “ Notre cœur est sans repos tant qu’il ne se repose pas en Dieu. ” Les biens terrestres ne peuvent étancher la soif du cœur humain ; Dieu seul peut le rassasier.

Posons maintenant cette question : Comment pouvons-nous désirer le Rédempteur, puisque nous le possédons déjà ? Est-ce que le désir de l’Avent ne doit être qu’un sentiment confus, sans valeur réelle ? Entendons ce désir comme un désir concret, l’aspiration à la Rédemption et au royaume de Dieu. Le Notre Père contient dans ce sens une prière d’Avent : “ Que ton règne nous arrive. ” Que veut dire cela ? L’âme doit être conquise pour Dieu, elle doit devenir le royaume de Dieu. L’est-elle déjà ? L’est-elle complètement ? N’y a-t-il aucune région dans cette âme où règnent le monde, le moi, le diable ? — Nous sommes les membres du Christ, mais est-ce que le membre que nous sommes est entièrement rempli de la vie divine ? Ayons donc lé désir d’une vie divine complète, le désir de la domination absolue de notre âme par Dieu. Voilà ce que signifie le désir de l’Avent.

Le Christ doit régner sur toutes les forces de notre âme. L’intelligence doit avoir soif de la connaissance divine, afin de pouvoir connaître la profondeur, la hauteur et la longueur de l’état chrétien. La volonté. doit être remplie de la force et de la grâce du Christ, afin de pouvoir accomplir ce que Dieu exige d’elle. Ah ! comme elle est donc faible notre volonté humaine ! Le cœur, qui est souvent si froid ou si tiède, doit s’enflammer d’ardeur pour son Roi Jésus-Christ. Il n’a que trop de passion encore pour les biens terrestres. Toutes nos puissances, toutes nos facultés doivent tendre vers l’action vertueuse. En d’autres termes : nos désirs ardents, pendant l’Avent, doivent être le sentiment de notre besoin de Rédemption.

Nous pouvons encore entretenir ces désirs d’une autre manière, en désirant pour les. païens de chez nous et ceux des pays lointains. Ce désir doit nous porter à nous préoccuper des âmes. Prions pour ceux qui ne désirent pas encore le Rédempteur. Disons tous les jours pendant l’Avent, avec ferveur et désir d’être exaucés : Adveniat regnum tuum. Ainsi nos aspirations, pendant l’Avent, ouvriront le champ de notre âme pour la semence de la nouvelle année liturgique.

3. Samedi soir : Le soir nous récitons déjà et nous chantons les Vêpres du second dimanche. Les antiennes sont de nouveau remplies de l’attente de l’Avent : “ Voyez, dans les nuées du ciel, le Seigneur va venir avec une grande puissance, Alleluia. ” Puis nous nous tournons vers la ville de Jérusalem. Demain nous entendrons beaucoup parler d’elle : “ La ville de notre force est Sion, le Sauveur est établi en elle comme mur et avant-mur ; ouvrez les portes, car Dieu est avec nous, Alleluia. ” Et de nouveau l’Église nous console : “ Voici que le Seigneur va paraître et il ne mentira pas ; s’il tarde, attends-le, car il viendra et l’attente ne sera pas longue, Alleluia. ” A l’arrivée du Seigneur, la Création louera Dieu : “ Les montagnes et les collines chanteront au Seigneur un cantique de louange et tous les arbres des forêts applaudiront, parce que le Seigneur souverain viendra dans son royaume éternel. ” Son arrivée sera aussi pour nous une illumination : “ Voici que le Seigneur va venir avec puissance et il illuminera les yeux de ses serviteurs, Alleluia. ” A Magnificat, nous chantons avec supplication ardente : “ Viens, Seigneur, visite-nous dans la paix afin que nous nous réjouissions devant Toi, d’un cœur parfait. ”

DEUXIÈME SEMAINE DE L’AVENT

L’EPOUSE SE PREPARE

Le Seigneur vient dans sa ville de Jérusalem. Jérusalem, la ville et en même temps l’épouse du grand Roi, se pare et s’apprête à le recevoir solennellement. C’est le second message de l’Avent ; c’en est en même temps le progrès et le développement.

L’Église. — Le Sauveur raconta un jour une parabole singulière. Un homme trouva, dans le champ qu’il avait loué, un grand trésor ; il s’en alla alors rapidement, rassembla tout son avoir, afin d’acheter le champ et d’entrer ainsi en possession du trésor. Le Seigneur raconte encore une parabole semblable à la première. Un marchand eut connaissance d’une perle grosse et rare ; il vendit tout ce qu’il possédait, afin d’acquérir la perle. Je comparerais volontiers les paraboles du Seigneur à des noix ; elles ont souvent une écorce rude et grise, sans apparence et dure ; mais elles ont un noyau délicieux qui reste intact pendant tous les siècles. Quand on sait briser ces noix, on a la révélation d’un grand et profond mystère du royaume de Dieu. Combien de fois, au cours des dernières années, avons-nous pensé à cette double parabole ! Il nous est arrivé ce qui arriva au cultivateur et au marchand. Nous avons trouvé un grand trésor. Nous osons le dire avec une sainte fierté. Devons nous répandre ce trésor devant le monde ? C’est un grand coffre rempli d’or et de pierres précieuses. Qu’y trouvons-nous ? La messe, l’année liturgique, la Bible, le Christ, l’Église, la vie divine ; bref, la vie dans l’Église. Tels sont les trésors que nous avons déterrés. Que les pharisiens n’aillent pas nous dire : Oh ! il y a longtemps que tout cela existait. Non, cela n’existait pas, cela était oublié. Et vous qui parlez ainsi, vous n’avez pas encore découvert le trésor. Réjouissons-nous, ce sera là une grande partie de notre joie de l’Avent, réjouissons-nous d’avoir trouvé le trésor. Aujourd’hui est le jour d’honneur de l’Église, de notre Mère l’Église. Allons à sa rencontre et disons-lui : O Mère, nous ne faisons que commencer à te connaître. Tu es notre royaume de Dieu, tu es le corps du Christ ; c’est toi qui nous donnes ce que nous avons de plus grand, la vie divine ; tu es plus que notre mère selon la chair, tu es notre Mère, celle qui a enfanté en nous la vie divine. Et la promesse que nous t’apportons, en ce jour qui est ton jour d’honneur, est celle-ci : nous voulons vivre avec l’Église.

DEUXIÈME DIMANCHE

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DE L’AVENT

STATION A SAINTE CROIX DE JERUSALEM

Dimanche dernier nous entendions mainte parole de pénitence et d’avertissement, nous entendions le grondement du tonnerre annonçant le retour du Seigneur pour juger le monde. Aujourd’hui nous entendons seulement des messages joyeux. Nous pouvons les résumer dans cette parole : voici venir le royaume de Dieu. Nous savons déjà ce qu’il faut entendre par ce mot. Le royaume de Dieu a sa manifestation extérieure dans l’Église, l’Épouse du Christ ; dans nos âmes, c’est la vie divine ; du point de vue du Christ, c’est son corps mystique. C’est ce royaume de Dieu que veut instaurer le Seigneur qui va venir. Aujourd’hui nous devons apprendre de nouveau à apprécier le grand bonheur de faire partie du royaume de Dieu. Ce dimanche est une fête du royaume de Dieu. La liturgie nous le montre d’abord dans le symbole de Jérusalem.

1. Jérusalem. — Aujourd’hui, l’Église occidentale se rend à la messe à “ Jérusalem ”. L’église de station, “ Sainte-Croix de Jérusalem ” était considérée par les chrétiens de Rome comme leur Jérusalem.

Que signifie pour nous Jérusalem ? Dans les fouilles des cités antiques, il n’est pas rare de découvrir un certain nombre de couches superposées. La ville a été détruite par la main des ennemis et sur ses fondements on en a bâti une nouvelle ; aujourd’hui les fouilles font apparaître ces couches différentes, on trouve pour ainsi dire des villes superposées. Notre Jérusalem présente trois ou même quatre de ces couches.

Nous voyons d’abord apparaître la Jérusalem du pays de Judée, cette ville vénérable où le Seigneur Jésus a commencé sa mission de Rédempteur, où il a souffert, où il est mort. C’est la Jérusalem juive pour laquelle nous devons avoir un grand respect. Celui qui a le bonheur de faire un pèlerinage en Terre Sainte pénétrera avec un frisson dans cette ville.

Pourtant cette Jérusalem est périmée. Sur ces fondements, une autre Jérusalem s’est bâtie : la Jérusalem des chrétiens qui est le royaume de Dieu sur la terre, la sainte Église. Cette Jérusalem est toujours debout, c’est elle que le divin Roi doit visiter à Noël. Nous comprenons maintenant pourquoi, dans cette semaine, on nous parlera tant de Jérusalem. Nous devons commencer dès maintenant nos préparatifs pour la visite du grand Roi. Nous devons orner cette Jérusalem et lui donner sa parure de fête. Nous devons mettre en état les chemins et les rues pour que le Sauveur puisse venir. Maintenant aussi, nous comprenons la parole du Précurseur : “ Préparez les voies du Seigneur, rendez droits ses sentiers, toute vallée sera comblée et toute montagne sera abaissée ”. Quel message nous apporte donc, aujourd’hui, notre sainte Mère l’Église ? Le Seigneur vient dans la Jérusalem des chrétiens, dans l’Église.

Mais cette ville a encore un troisième étage. Au-dessus de la seconde Jérusalem s’en élèvera une troisième, la Jérusalem céleste, quand les temps seront accomplis.

L’Église pense déjà à cette Jérusalem dans ses chants. Dans l’Avent nous attendons aussi le Sauveur qui doit venir au dernier jour pour nous introduire tous dans la Jérusalem céleste.

Enfin nous pouvons découvrir une quatrième Jérusalem, c’est notre âme. Le Roi veut aussi faire son entrée dans cette Jérusalem et c’est cette Jérusalem qu’il nous importe spécialement d’orner et de préparer — cela aussi est une tâche de l’Avent.

Au point culminant du Cycle de Noël, à l’Épiphanie, l’Église nous annoncera le message de joie : “ Illumine-toi Jérusalem, car la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. ” C’est là le but. Aujourd’hui, pour recevoir la visite du grand Roi, nous devons faire des préparatifs dans Jérusalem. C’est la tâche de cette semaine. L’Église dit dans son oraison : “ Éveille nos cœurs pour préparer les voies à ton Fils unique, afin que nous puissions le servir avec un cœur purifié ”. Nous devons préparer cette Jérusalem en lui donnant les ornements des jours de fête, nous devons construire des routes afin que l’Époux puisse venir. Au temps de l’empire romain, les empereurs aimaient à se rendre de ville en ville et à les visiter, on appelait ces visites : épiphanie ou parousie. C’était pour les villes honorées de cette visite un événement capital ; des mois entiers, on faisait des préparatifs, on construisait des rues... Faisons de même dans la Jérusalem de notre âme. Dans l’antienne de la Communion, nous nous tenons au haut du poste d’observation et nous voyons de loin venir le Seigneur. A l’Évangile a paru le Précurseur, saint Jean, il va se hâter vers la ville de Jérusalem pour annoncer la visite du Roi.

Dans la prière des Heures on chante de nombreux cantiques en l’honneur de cette Jérusalem :

Voici que le Seigneur vient et tous ses saints avec lui

Et il se lèvera dans ces jours une grande lumière

Et ils sortiront de Jérusalem comme une eau pure

Et le Seigneur régnera dans l’éternité sur tous les peuples ;

Voici que le Seigneur va venir avec force et il a dans sa main la royauté, la puissance et l’empire ” (Répons).

Jérusalem, tu planteras une vigne sur tes montagnes

Et tu tressailliras de joie parce que le jour du Seigneur vient ;

Lève-toi, Jérusalem, retourne-toi vers le Seigneur ton Dieu ;

Réjouis-toi et exulte, Jacob,

Car du milieu des Gentils viendra ton Sauveur ;

Tressaille de joie, fille de Sion, jubile, fille de Jérusalem ” (Répons).

Les chants de la messe, aujourd’hui, sont entièrement consacrés à Jérusalem : “ Peuple de Sion, le Seigneur va venir pour sauver les Gentils. Le Seigneur fait entendre sa voix pour la joie de votre cœur (Intr.). “ De Sion resplendit l’éclat de Sa gloire : Dieu va venir, d’une manière visible. Rassemblez autour de lui ses saints qui ont conclu avec lui l’alliance du sacrifice ” (Grad.). “ Jérusalem lève-toi et monte à l’observatoire et vois la douceur qui va te venir de ton Dieu ” (Comm.). Sion, ville de notre force, le Sauveur est en toi comme un mur et un avant-mur : ouvre largement tes portes car Dieu est avec nous, Alleluia ” (Ant. laudes).

Ces cantiques de Sion nous suffiront pour aujourd’hui. Mais la liturgie nous montre encore le royaume de Dieu en d’autres symboles.

2. Le nouveau Paradis terrestre. — Le Prophète nous décrit le royaume de Dieu comme un royaume de paix, un nouveau paradis terrestre (XI, 1-16).

Il sortira un rameau de la racine de Jessé

Et une fleur croîtra de sa racine

Et l’Esprit du Seigneur reposera sur lui,

L’EsprIt de sagesse et d’Intelligence,

L’Esprit de conseil et de force,

L’Esprit de science et de piété

Et l’Esprit de la crainte du Seigneur Le remplira.

Il ne jugera pas d’après ce qui paraît aux yeux,

Il ne se prononcera pas d’après ce qu’entendent les oreilles,

Mais Il jugera les pauvres selon la justice

Et, pour les petits de la terre, Il décidera en équité.

Il frappera le méchant de la verge de Sa bouche

Et du souffle de Ses lèvres, Il tuera l’impie.

La justice sera la ceinture de Ses flancs

Et la vérité la sangle de Ses reins. ”

De qui parle le Prophète ? Quel est ce rameau qui sort d’une racine et produit une fleur charmante ? La racine est le roi David, fils d’Isaï ou Jessé. De David descend Marie ; c’est le rameau verdoyant et la fleur est Jésus-Christ notre Rédempteur. Le Prophète voit ensuite le Messie rempli des sept dons du Saint-Esprit. Ces sept dons du Saint-Esprit, nous les avons reçus nous-mêmes dans le sacrement de Confirmation. Devant les yeux du Prophète, la figure du Messie grandit. Ce n’est plus seulement la fleur du rameau de Jessé. C’est un Roi puissant père et protecteur des pauvres. C’est aussi un juge équitable des bons et des méchants. Le Prophète nous parle ensuite de son royaume qui est la sainte Église.

Alors le loup habitera avec l’agneau,

Avec le chevreau se couchera la panthère

Et le veau et le lionceau mangeront ensemble

Et un petit garçon les mènera.

Et la vache et l’ourse paîtront ensemble

Et leurs petits auront le même gîte

Et le lion mangera de la paille comme le bœuf

Et le nourrisson jouera devant le trou de la vipère

Et l’enfant qui vient d’être sevré mettra sa main sur la caverne du basilic

Et il arrivera en ce jour-là

Que le rejeton de Jessé sera un signe de ralliement pour les peuples ;

Les nations le rechercheront

Et son sépulcre sera glorieux. ”

Voilà encore une belle prophétie. Au Paradis terrestre, toutes les bêtes étaient apprivoisées. La même chose doit se produire dans le nouvel Eden du royaume de Dieu. Assurément il faut savoir comprendre cette prophétie. Extérieurement, la terre demeure une vallée de larmes et les bêtes sauvages ne sont pas apprivoisées. Mais la prophétie est symbolique. Le Paradis terrestre sera dans les cœurs, dans les âmes des enfants de Dieu. Le prophète songe à la paix du Christ “ que le monde ne peut donner ”, à cette paix “ qui surpasse tout sentiment ” et que les anges chanteront au moment de la naissance du Christ dans les plaines de Bethléem.

3. Concorde et amour. — Saint Paul lui aussi va nous apporter un joyeux message du royaume de Dieu. Dès l’Introït de la messe, l’Église a chanté : “ Peuple de Sion, le Seigneur va venir pour sauver les Gentils. ” C’est là le message de l’Apôtre des Gentils. Il montre dans l’Épître que le Christ est venu pour les deux parties de l’humanité séparées jusqu’ici : les Juifs et les Gentils. Dieu manifesta sa fidélité en faisant naître le Christ dans le peuple juif “ afin d’accomplir les promesses faites à nos pères ”. Quant aux Gentils qui n’ont reçu aucune promesse “ ils louent Dieu à cause de sa miséricorde ”. Saint Paul s’arrête à cette pensée et cite une série de textes de l’Écriture qui montrent comment Dieu a témoigné sa miséricorde aux Gentils dans le Christ. Pour nous, les descendants des païens, ces paroles ont de l’importance : nous apprécierons le bonheur de notre vocation. Mais c’est à tous que saint Paul prêche la concorde et l’amour. Dans la nouvelle Jérusalem, nous sommes tous unis et nous ne formons qu’un seul peuple.

4. Le Sauveur. — C’est tout d’abord l’Église qui parle de Jérusalem, ensuite le Prophète nous annonce le royaume de Dieu qui va venir, saint Paul nous parle de la réconciliation des peuples. C’est maintenant le : Christ lui-même qui va nous parler dans l’Évangile : “ Allez et rapportez à Jean ce que vous avez entendu et vu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres sont évangélisés et bienheureux celui qui n’aura pas été scandalisé à mon sujet. ” Là encore, il nous faut bien comprendre ce que le divin Maître dit. Dans le royaume de Dieu, tous ces miracles se produisent chaque jour, à chaque heure. Dans ce royaume le Seigneur est continuellement le grand médecin : Il guérit les aveugles qui ne voient pas les réalités célestes. Il fait marcher les boiteux vers l’éternité. Il purifie les lépreux de la lèpre du péché ; c’est lui qui ressuscite les morts. Dans ce peu de mots, le Sauveur nous a décrit d’une manière précise son royaume divin. Cependant, dans l’Évangile, il veut nous faire entendre quelque chose encore : Il nous présente son Précurseur comme modèle de notre attente pendant l’Avent, comme modèle pour tous ceux qui cherchent Dieu. Il nous le présente en même temps comme notre guide pendant l’Avent.

Nous avons entendu aujourd’hui des vérités importantes sur le royaume de Dieu et c’est ce divin royaume que nous apporte le Seigneur qui va venir.

LUNDI APRÈS LE 2ème DIMANCHE

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DE L’AVENT

Le Seigneur vient pour la nuit sainte et pour la nuit terrible

1. Lecture de l’Avent. — Le Prophète nous présente aujourd’hui un sombre tableau : Babylone, la ville du prince de ce monde, destinée au châtiment et à la destruction (chap. XIII).

Voici que vient le jour du Seigneur, le jour terrible,

Le jour de colère et de courroux enflammé ;

II fera du pays un désert et détruira les pécheurs

Et les étoiles ne brilleront plus de leur éclat.

Le soleil s’obscurcira à son lever et la lune ne brillera plus

Car je châtie le monde pour sa méchanceté

Et les pervers pour leur faute.

Et je rabaisse la fierté des superbes

Et j’amortis l’orgueil des tyrans ;

C’est pourquoi le ciel tremble,

La terre s’ébranle devant la colère du Seigneur des armées...

Jamais plus (le pays) ne sera peuplé,

Il ne sera pas habité de génération en génération ;

Aucun Arabe n’y dressera sa tente,

Aucun pasteur n’y campera plus.

Vos demeures seront remplies de hiboux,

Les autruches viendront y demeurer,

Les cabris viendront y bondir

Et les chacals hurleront dans ses palais

Et les hyènes dans ses châteaux voluptueux. Son temps approche,

Ses jours ne sont plus éloignés. ”

Les paroles du Prophète se sont réalisées depuis longtemps. Babylone est un monceau de ruines, symbole de la destruction de toute puissance terrestre. Ainsi le Messie vient pour la bénédiction des bons, à Jérusalem, pour la malédiction des mauvais, à Babylone.

2. Chants de l’Avent. — Ces chants ont encore pour objet Jérusalem.

Les profanes ne traverseront plus Jérusalem,

Car en ce jour les montagnes distilleront la suavité

Et les collines feront couler du lait et du miel.

Dieu viendra du Liban

Et le Saint, de la Montagne ombragée et sombre. ”

Comme une mère console ses enfants, je veux vous consoler, dit le Seigneur,

Et de Jérusalem viendra du secours, de la ville que j’ai choisie,

Et vous verrez et votre cœur se réjouira,

Dans Sion j’apporterai le salut

Et ma gloire dans Jérusalem. ”

Les chants du lever et du coucher du soleil ont trait au Roi qui va venir :

Du ciel viendra le Souverain, le Seigneur ; il a dans sa main honneur et empire” (Ant. Ben.).

Voici que va venir le Roi, le Seigneur de la terre et il enlèvera le joug de notre captivité” (Ant. Magn.).

Quelle belle perspective ! Le soleil est pour la liturgie l’image du Roi ; dans l’esprit de l’Avent, nous sommes encore sous le joug de la servitude.

3. Le psaume 79. — Parmi les quatre psaumes de l’Avent, le psaume 79 est le plus intimement mêle à l’Avent. C’est ce que montre déjà l’oraison typique de l’Avent qui apparaît en cinq variantes : “ Excita potentiam tuam et veni. ” “ Éveille ta puissance et viens ”. Ces paroles sont empruntées à notre psaume.

Le psaume 79 est une élégie très poétique. Israël, la vigne autrefois fertile de Dieu, gît déserte (c’est l’exil de Babylone) et abandonnée au caprice de ses ennemis. Le psalmiste implore le retour de l’antique magnificence. Ce qu’il faut remarquer surtout, c’est la belle parabole de la vigne et le refrain plein d’effet qui revient à la fin de chaque strophe.

I

Pasteur d’Israël, prête l’oreille, toi qui conduis Israël comme un troupeau ;

Toi qui trônes sur les Chérubins,

parais dans ta splendeur devant Ephraïm, Benjamin et Manassé.

Réveille ta puissance et viens pour nous racheter.

Seigneur Dieu des armées, rétablis-nous, montre-nous ta face et nous serons sauvés.

II

Seigneur, Dieu des armées, jusqu’à quand seras-tu irrité quand ton peuple te prie ?

Tu nous as nourris du pain des larmes, tu nous a abreuvés d’une boisson de larmes.

Tu as fait de nous un objet de risée pour nos voisins et nos ennemis se raillent de nous.

Seigneur Dieu des armées, rétablis-nous, montre-nous ta face et nous serons sauvés.

III

Tu as transplanté de l’Egypte une vigne, tu as arraché le plant païen et tu l’as établie ;

Tu as été un conducteur devant son visage, tu as enfoncé ses racines et elle a rempli la terre.

Son ombre couvrait les montagnes et ses rameaux les cèdres de Dieu.

Elle étendait ses branches jusqu’à la mer et ses rejetons jusqu’au fleuve (de l’Euphrate).

Et maintenant pourquoi as-tu détruit son mur ? ? Tous les passants la dévastent.

Le sanglier de la forêt la dévore et les bêtes des champs en font leur pâture.

Seigneur, Dieu des armées, rétablis-nous, montre-nous ton visage et nous serons sauvés.

IV

Regarde du haut du ciel et vois et visite cette vigne ;

Rétablis ce que ta droite a planté et le fils que tu t’es choisi.

Ceux qui la brûlent et la dévastent, fais-les brûler devant la menace de ta face.

Étends ta main sur l’homme de ta droite, sur le fils que tu as élevé.

Et maintenant ne nous laisse plus être infidèles, rends-nous la vie et nous te louerons.

Seigneur Dieu des armées, rétablis-nous, montre-nous ta face et nous serons sauvés.

Ordre des idées. Le psaume est partagé, par le retour du même refrain, en quatre strophes :

1. Strophe : Demande de secours dans la confiance au Dieu bienveillant et tout-puissant.

2. Strophe : Lamentation (Israël est profondément abattu).

3. Dans la charmante parabole de la vigne le psalmiste rappelle les soins aimants que Dieu a pris d’Israël, mais aussi le châtiment qu’il lui a infligé.

4. Strophe : Nouvel appel au secours.

Application liturgique. Est-il possible de mettre dans la bouche d’un chrétien en prière ce cantique poétique qui concerne entièrement le sort d’Israël ? Oui, c’est possible. Des psaumes comme celui-ci, qui ont un arrière-plan historique, sont des paraboles de prière. L’important est de trouver le point de comparaison. Quand on l’a trouvé, il est facile d’entendre la parabole. Ce qui ne sert pas à la comparaison n’est qu’un ornement accessoire de l’image. Quel est ici le point de comparaison ? L’exil et le retour des Juifs est l’image de l’état de non-rédemption et de rédemption par le Christ. La vigne est l’Église, dévastée par les péchés de ses membres, rétablie par le Christ. Tant que nous sommes sur la terre, nous vivons en exil. Le retour final dans la Jérusalem céleste aura lieu au moment du retour du Christ, Maintenant nous n’aurons pas de peine à comprendre l’usage de ce psaume pendant l’Avent, Les deux grands sentiments de l’Avent : le besoin de rédemption et le désir ardent du Christ, trouvent une expression puissante dans notre psaume. C’est pourquoi il est te chant d’Avent de l’Église.

MARDI APRÈS LE 2ème DIMANCHE

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DE L’AVENT

Dans tes mains sont placées la mort et la vie

1. Lecture de l’Avent. — Le Prophète nous conduit aujourd’hui dans l’enfer et chante ses célèbres sarcasmes contre le roi de Babylone (XIV, 1-15).

Comment donc a fini le tyran, comment a cessé l’oppression !

Dieu a brisé le sceptre du chef impie

Qui frappait les peuples de coups innombrables,

Qui assujettissait les peuples sous le joug, sans ménagement.

Maintenant le monde est tranquille et se repose, il tressaille de joie.

Les pins eux-mêmes se réjouissent à ton sujet et les cèdres du Liban ;

Depuis que tu es vaincu, personne ne se lève plus pour nous abattre,

L’enfer est dans l’agitation pour te recevoir,

Il excite contre toi les ombres, les princes du monde,

Il ordonne de se lever de leur trône, aux rois des peuples ;

Voici que tous se. lèvent et te parlent :

Te voilà donc affaibli comme nous, devenu semblable à nous ?

Précipité dans l’enfer est ton orgueil ainsi que le bruit des harpes,

Tu es couché sur la pourriture, couvert de vers.

Comment es-tu tombé du ciel, étoile du matin ?

Te voilà écrasé à terre, toi le dompteur des peuples,

Tu pensais en toi-même : je m’élèverai jusqu’au ciel

Au-dessus des étoiles de Dieu j’établirai mon trône,

Je placerai mon trône sur la montagne de l’assemblée aux extrêmes confins de l’Aquilon,

Je m’élèverai dans les hauteurs des nuées, je serai semblable au Très-Haut ;

Et te voilà précipité dans l’enfer, dans l’abîme des profondeurs. ”

L’Église aime appliquer ce passage à la chute de l’ange Lucifer (Lucifer = étoile du matin) au matin de la création. Ce chant est pour nous d’une force saisissante. Il ne s’applique pas aux enfants de Dieu que nous sommes, mais il s’applique à l’homme inférieur et non racheté que nous portons en nous.

2. Chants de l’Avent. — Avec ardeur nous implorons dans ces chants le Seigneur qui va venir et nous demandons son royaume.

Que des montagnes jaillisse la douceur et des collines la justice,

Car la lumière du monde, le Seigneur, vient avec puissance, De Sion sort la loi

Et la “ Parole” du Seigneur, de Jérusalem ” (Répons).

Montagnes d’Israël étendez vos rameaux, Fleurissez et portez des fruits ;

Voici qu’approche le moment où viendra le jour du Seigneur ;

Cieux, répandez votre rosée et que les nuées fassent pleuvoir le juste ;

Que la terre s’entr’ouvre et fasse germer le Rédempteur ” (Répons).

L’antienne de Bénédictus est aujourd’hui un vrai cantique du soleil : “ Au-dessus de toi, Jérusalem, le Seigneur se lèvera comme le soleil et sa gloire paraîtra en toi. ”

Ce verset nous donne la synthèse la plus concise de cette semaine. Le soir, le Précurseur nous rappelle notre devoir de préparer les voies : “ Voix du crieur dans le désert : Préparez les voies du Seigneur, aplanissez les sentiers de notre Dieu ”.

MERCREDI APRÈS LE 2ème DIMANCHE

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DE L’AVENT

Heureux ceux qui l’attendent

1. Lecture de l’Avent. — Le prophète apporte une consolation à Jérusalem accablée (XXX, 18-28).

Le Seigneur attend pour avoir pitié de vous

Et il, se lèvera pour vous épargner,

Car Il est un Dieu de Justice.

Heureux ceux qui l’attendent

Oui peuple qui habites Sion,

Tu ne pleureras plus ;

Assurément, le Seigneur aura pitié de toi.

Dès qu’il entendra ton cri, il répondra immédiatement.

Et le Seigneur vous donnera du pain et de l’eau,

Il ne permettra pas que ton docteur s’éloigne de toi

Et tes yeux verront ton docteur.

Tes oreilles entendront la voix de ton docteur.

Voici le chemin, suivez-le,

Ne vous détournez ni à droite ni à gauche.

Alors tu détruiras les idoles d’argent ;

Les images recouvertes d’or,

Vous les jetterez avec dégoût comme les souillures d’une hémorroïsse.

Alors le Seigneur fera tomber sa pluie sur les semences

Que tu auras semées dans ton champ

Et le pain de ton froment sera abondant et savoureux,

Tes troupeaux paîtront en de vastes pâturages.

Et sur toute haute montagne et sur toute colline élevée

Il y aura des ruisseaux et des courants d’eau.

Alors la lumière de la lune sera semblable à la lumière du soleil

Et la lumière du soleil sera sept fois plus grande,

Comme la lumière de sept jours, au temps

Où le Seigneur bandera les blessures de son peuple

Et guérira les plaies dont il l’avait frappé.

Voici que le nom du Seigneur vient de loin.

Sa colère brûle et l’ardeur en est insupportable,

Ses lèvres sont remplies de colère

Et sa langue est comme un feu dévorant,

Son souffle est comme un torrent débordé

Qui monte jusqu’au cou ;

Il vient pour détruire les peuples...

Alors vous chanterez des cantiques comme dans la nuit où l’on célèbre la fête (Noël)

Et votre cœur sera joyeux

Comme celui qui monte au son de la flûte

Vers la montagne du Seigneur, vers le fort d’Israël.

Et le Seigneur fera entendre sa voix majestueuse... ”

(Intr.).

Nous pouvons très bien appliquer ce passage à l’Avent. Le Seigneur vient. C’est un consolateur pour Jérusalem, un juge pour les ennemis.

2. Chants de l’Avent.

Dans les temps passés depuis longtemps,

Ézéchiel fit cette prophétie : Je vis une porte fermée

Et voici que le Seigneur passa à travers cette porte pour le salut du monde

Et elle fut de nouveau fermée.

Ici le Prophète fait allusion à la Vierge qui resta vierge après son enfantement.

C’est la porte que tu as vue,

Le Seigneur seul passe à travers cette porte ” (Répons).

Notre Roi va venir, le Christ,

Celui que Jean annonça : l’Agneau va venir ;

Devant lui, les rois fermeront leur bouche,

Les nations l’adoreront” (Répons).

L’antienne du matin est la suivante : “ Voici que j’envoie mon messager pour préparer les voies devant ta face ”. Et voici l’antienne de la fin du jour : “ Sion tu seras renouvelée et tu verras ton Juste qui va venir en toi ”.

JEUDI APRÈS LE 2ème DIMANCHE

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DE L’AVENT

Nous verrons le Roi dans toute sa beauté

1. Lecture de l’Avent. — Le Prophète Isaïe nous fait adresser un appel d’ardente supplication au Roi qui doit venIr (XXXIII, 1-24) :

O Seigneur, aie pitié de nous, car c’est toi que nous attendons,

Sois notre bras, le matin, et notre délivrance dans la détresse.

Devant la voix de l’Ange s’enfuient les nations ;

Quand tu te lèves, les nations se dispersent...

Le Seigneur est glorifié car il habite dans les hauteurs.

Il remplit Sion d’équité et de justice.

La fidélité, en ce temps, habitera parmi les hommes

Ainsi que des trésors de salut, de sagesse et de science :

La crainte du Seigneur, voilà ton trésor ”.

Quelle belle prière de l’Avent ! Mais le royaume de Dieu impose aussi des devoirs ; le prophète se demande qui sera sujet de ce royaume ?

Qui pourra demeurer dans le feu dévorant ?

Qui pourra séjourner dans les flammes éternelles ?

Celui qui marche dans la justice et qui parle avec droiture, Qui méprise les gains extorqués,

Qui ne prête pas sa main au mal pour un gain honteux,

Qui ferme son oreille pour ne pas entendre parler de meurtre,

Qui ferme ses yeux et ne prend pas plaisir au mal,

Celui-là habitera sur les hauteurs, sa forteresse sera solidement bâtie sur le rocher ;

Son pain ne manquera pas et son eau ne tarira pas,

Il verra le Seigneur dans sa beauté ”.

Le prophète voit le premier et le second avènement du Seigneur dans une seule image, c’est pourquoi il parle du “ feu dévorant ”. Dirigeons maintenant nos regards vers Jérusalem où le Roi va paraître :

Regarde vers Sion la cité de nos fêtes,

Tes yeux verront Jérusalem

Comme une riche demeure, comme une tente

Qui n’a point été brisée,

Dont les pieux ne seront jamais arrachés

Et dont les cordages ne seront pas enlevés.

C’est là seulement que le Seigneur réside dans sa gloire.

Car le Seigneur est notre juge,

Le Seigneur est notre Roi, il nous apportera le salut ”.

Ce passage est vraiment une lecture de l’Avent.

2. Chants de l’Avent. — L’Église reprend aujourd’hui ses cantiques de Sion :

Voici que le Seigneur vient et tous ses saints avec lui

Et en ces jours se lèvera une grande lumière,

Et ils sortiront de Jérusalem comme des eaux pures

Et le Seigneur régnera éternellement sur tous les peuples.

Voici que le Seigneur va venir avec puissance,

Il a dans la main le royaume, la puissance et l’empire.

Cité de Jérusalem, ne pleure pas

Car le Seigneur s’est affligé à ton sujet

Et il enlèvera de toi toute tribulation.

Voici que le Seigneur va venir dans la force

Et son bras régnera avec puissance ” (Répons).

Au lever du soleil nous crions vers le Seigneur : “ Tu es Celui qui va venir, Seigneur, nous t’attendons, délivre ton peuple ”. C’est ainsi que l’Église répond à la question de saint Jean dans l’Évangile de dimanche dernier.

Au coucher du soleil, nous empruntons aussi une parole de saint Jean : “ Celui qui va venir était avant moi et je ne suis pas digne de dénouer les courroies de sa chaussure. ”

3. La préparation des voies. — Le désir du Sauveur est le premier grand acte que l’Église nous recommande pendant l’Avent. Le second est la préparation au voyage. Établissons d’abord ceci. Tous les jours, l’Église nous fait réciter à Laudes ce verset : “ Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez les voies du Seigneur, rendez droits ses sentiers. ” Le dernier dimanche, nous entendons de la bouche même du Christ : “ Qu’êtes-vous allés voir dans le désert : Un prophète... C’est celui dont il a été dit : J’envoie devant moi mon messager pour qu’il me prépare les voies. ” Le Christ dit donc : le rôle principal de Jean est de préparer les voies au Rédempteur. Cette même parole, nous l’entendrons de nouveau à l’Évangile du IIIe et du IVe dimanches. Dans l’oraison de cette semaine, nous disons : “ Réveille nos cœurs, afin que nous préparions les voies à ton Fils unique... ” Les textes que nous venons de citer prouvent suffisamment que la préparation des voies est un point essentiel dans l’Avent. Que signifie cela ? L’Avent est la préparation de la venue du Christ. Nous savons déjà qu’il s’agit de l’avènement de grâce, par lequel il veut venir dans nos cœurs. L’avènement du Christ par la grâce n’est autre que la vie divine qui doit être renouvelée et couler dans notre âme comme un flot abondant. Deux fois, dans l’année, le flot de la vie divine doit remplir notre âme. C’est aux deux périodes festivales, à Noël et à Pâques. Les fêtes ne sont pas autre chose qu’un contact avec Dieu, une venue du Christ par la grâce. Ces grandes eaux de la grâce sont précédées des eaux basses, d’une préparation : l’Avent et le Carême. Pendant cette préparation, l’homme, lui aussi, doit travailler, afin que la grâce puisse venir. Or que peut faire l’homme ? Il faut qu’il croie et obéisse. L’œuvre divine, c’est la grâce ; l’œuvre de l’homme consiste dans la foi et l’observation des commandements. La foi vient en premier lieu (le désir du Sauveur), les commandements tiennent la seconde place. Voilà ce que signifie la préparation des voies. La préparation des voies, c’est la réforme de la vie.

Au paradis terrestre, Dieu avait attaché la filiation divine à l’observation du commandement : il en est toujours de même dans l’Église. La mission du Précurseur était de dire : Faites pénitence, le royaume de Dieu est proche. Que veut dire pénitence ? Le mot grec métanoïa signifie changement de sentiments. Le centre de gravité de nos pensées et de nos actions doit se déplacer, passer de ce qui est terrestre à ce qui est céleste, de notre moi à Dieu. Nous comprenons maintenant la parole du Baptiste : Préparez les voies du Seigneur. L’Avent n’est pas seulement le temps où nous devons renforcer notre foi dans la nécessité de la Rédemption et exciter nos saints désirs, c’est aussi le temps où nous devons réformer notre vie. Que chacun se demande : Où en suis-je ? Quels sont mes devoirs ? Où sont les vallées (omissions), où sont les montagnes et les collines (transgressions) ? Maintenant nous comprenons la belle oraison qui exprime, de la manière la plus parfaite, le contenu de l’Avent : “ Éveillez nos cœurs ”. Par rapport à l’affaire de notre salut, nous sommes comme des gens endormis. Nous ajoutons : “ pour préparer les voies au Fils unique” — par la réforme de notre vie. Et la suite : “ afin qu’au moment de sa venue ”, quand, à Noël, le flot de la vie divine inondera notre âme, “ nous puissions le servir avec une âme purifiée ”. L’âme doit donc, pendant l’Avent, recevoir un bain de purification. Le but de la préparation des voies est celui-ci : servir. Nous serons prêts pour recevoir le Rédempteur, quand nous pourrons dire avec Marie : “ Voici que je suis l’esclave du Seigneur. ”

VENDREDI APRÈS LE 2ème DIMANCHE

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DE L’AVENT

Le serviteur de Dieu

1. Lecture de l’Avent. — Le Prophète nous montre maintenant le Messie comme Rédempteur, comme “ serviteur de Dieu” (une des plus belles prophéties) (XLII, 1-17).

Voici mon serviteur que j’ai choisi,

Mon élu en qui mon âme se complaît.

Je mets mon esprit sur Lui

Afin qu’il apporte le salut aux nations.

Il ne criera point en élevant la voix,

Il ne fera pas acception de personne

Et ne se fera pas entendre dans les rues.

Il ne brisera pas le roseau froissé

Et n’éteindra pas la mèche qui fume encore.

Avec fidélité, il annoncera la justice, Il ne sera pas triste ni violent.

Il établira la justice sur la terre

Et les îles seront dans l’attente de sa loi. ”

Puis le Père céleste parle lui-même à son Fils :

Moi, le Seigneur, je t’ai appelé dans la justice,

Je te prends par la main et je te protège.

Je fais de toi le Sauveur du peuple

Et la lumière des nations, pour ouvrir les yeux des aveugles

Et délivrer les prisonniers de la prison,

Du cachot, ceux qui sont assis dans les ténèbres. ”

Nous les rachetés, nous chantons un cantique de reconnaissance en l’honneur de son avènement :

Chantez au Seigneur un cantique nouveau,

Un cantique à sa gloire, des extrémités de la terre,

Que la mer mugisse et tout ce qui la remplit,

Les îles et leurs habitants.

Que le désert se réjouisse et tous ceux qui le parcourent,

Que les habitants des rochers tressaillent,

Qu’ils exultent du sommet des montagnes. Qu’on rende gloire à Dieu

Et qu’on annonce sa louange dans les nations. ”

2. Chants de l’Avent. — Les chants de l’Église prennent un accent de joie.

Voici que va venir le Seigneur, notre protecteur, le Saint d’Israël,

Il a sur sa tête la couronne du royaume,

Il dominera de la mer jusqu’à la mer, du fleuve jusqu’à l’extrémité de la terre ”.

Comme une mère console ses enfants, ainsi je veux vous consoler, dit le Seigneur.

Et de Jérusalem vous viendra du secours, de la ville que j’ai choisie ;

Vous verrez et votre cœur se réjouira, A Sion j’apporterai le salut

Et ma gloire à Jérusalem” (Répons).

Les antiennes du lever et du coucher du soleil sont pleines de l’attente de l’Avenir : “ Dites aux pusillanimes : ayez courage, voici que le Seigneur notre Dieu va venir” (Ant. Ben.). “ Chantez au Seigneur un cantique nouveau, que sa louange retentisse depuis les extrémités de la terre ” (Ant.. Magn.).

SAMEDI APRÈS LE 2ème DIMANCHE

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DE L’AVENT

Cieux répandez votre rosée

1. Lecture de l’Avent. — Le Prophète voit de nouveau le Messie que son Père céleste fait Roi (Is. XLV, 1-8) :

Le Seigneur parla ainsi à mon oint (Cyrus)

Dont je prends la main droite

Pour lui soumettre les nations,

Pour mettre les rois en fuite,

Pour ouvrir devant lui toutes les portes,

Afin qu’aucune ne soit fermée devant lui :

Je marche devant toi et j’abaisse les grands de la terre,

Je ferai sauter les portes d’airain

Et je briserai les verrous de fer.

Je te livre les richesses secrètes

Et les trésors cachés.

Tu dois savoir que je suis le Seigneur

Qui te nomme par ton nom, moi le Dieu d’Israël,

Pour l’amour de Jacob mon serviteur et de mon peuple élu d’Israël,

Je t’ai appelé par ton nom

Et je t’ai donné un nom important

Avant que tu me connusses.

Je suis le Seigneur et il n’yen a pas d’autre

Et en dehors de moi il n’y a pas de Dieu.

Je t’ai ceint quand tu ne me connaissais pas.

Et l’on doit savoir, de l’Orient

Et de l’Occident, qu’il n’y a personne en dehors de moi.

Je suis le Seigneur et personne autre

N’a créé la lumière et les ténèbres,

C’est moi qui apporte la paix et crée le malheur :

Je suis le Seigneur qui ai tout fait cela.

Cieux répandez votre rosée et que les nuées fassent pleuvoir le Juste.

Que la terre s’ouvre et fasse germer le Sauveur

Et qu’elle produise en même temps la justice.

Moi le Seigneur, je produis cela. ”

Nous entendons ici l’appel de l’Avent (le Rorate) à sa place première.

2. Chants de l’Avent. — Nous chantons à l’office de nuit un répons mystérieux :

Le Seigneur sortira de Samarie

Vers la porte qui regarde vers l’Orient

Et il viendra vers Bethléem en marchant sur les flots de la Rédemption de Juda

Et alors tout homme trouvera le salut, Car voici qu’il vient

Et son trône sera fondé sur la miséricorde,

Et il siégera sur ce trône dans la vérité” (Répons).

Avec impatience, nous attendons le Seigneur,

Hâte-toi, Ô Seigneur, ne tarde pas, Délivre ton peuple,

Viens, Ô Seigneur, ne tarde pas davantage,

Remets les iniquités de ton peuple” (Répons).

Puis nous le voyons faire son entrée dans la gloire.

Voici que le Seigneur vient, il descend dans la splendeur, accompagné de son armée,

Il visite son peuple dans la paix Et lui accorde la vie éternelle.

Voici que notre Seigneur va venir dans sa puissance ” (Répons).

Au lever du soleil, nous avons la vision de l’Église, de tous les peuples : “ Le Seigneur élèvera un signe de victoire parmi tous les peuples et rassemblera les enfants dispersés d’Israël. ” Les Vêpres du samedi sont déjà les premières Vêpres du dimanche suivant.

3. Samedi soir. — Le soir, en récitant les Vêpres, nous inaugurons déjà à l’office du dimanche. Au dimanche joyeux correspondent les antiennes dont l’accent respire la certitude : “ Le Seigneur va venir et il ne tardera pas, il éclairera les coins cachés des ténèbres — et se manifestera à toutes les nations, Alleluia. ” Jérusalem est invitée à manifester sa joie : ( Réjouis-toi, Jérusalem, avec une grande joie, car le Sauveur va venir vers toi, Alleluia. ” Ensuite le Sauveur lui-même prend la parole. “ J’apporterai dans Sion le salut et dans Jérusalem ma gloire, Alleluia. ” Ensuite nous crions pleins d’ardeur vers le Sauveur qui va venir : “ Les montagnes et les collines s’abaisseront, les sentiers tortueux deviendront droits et les aspérités s’aplaniront : venez, Seigneur, ne tardez pas. ” Et nous terminons par une antienne qui est encore un chant de parousie : “ Vivons avec justice et piété ; attendons l’espérance bienheureuse et la venue du Sauveur. ” Dans l’antienne que nous chantons au coucher du soleil, nous entendons le Seigneur lui-même parler : “ Avant moi il n’y a pas de Dieu et il n’yen aura pas après moi, car devant moi se courbera tout genou et toute langue me louera.” Cette antienne s’accorde merveilleusement avec le Magnificat : Mon âme exalte le Seigneur.

TROISIÈME SEMAINE DE L’AVENT

LA JOIE ANNONCIATRICE DE NOEL

Nous entrons dans la seconde moitié de l’Avent ; jusqu’ici, nous commencions notre prière nocturne par cet invitatoire : Le Roi va venir, venez, adorons-le. Aujourd’hui notre prière commence ainsi : Le Seigneur est déjà proche, venez, adorons-le.

La semaine qui commence est d’une grande richesse liturgique, elle compte parmi les parties les plus belles et les plus impressionnantes de l’année ecclésiastique. C’est d’abord la joie annonciatrice de : Noël, le dimanche rose, puis ce sont les Quatre-Temps entièrement consacrés à la préparation de Noël et spécialement la “ Messe d’or” le mercredi. Enfin c’est, d’ordinaire, dans cette semaine que commencent les antiennes O avec leur ardente supplication vers le Rédempteur. Cette semaine constitue une gradation ascendante et rapide vers la fête de Noël.

La joie. — Nous autres chrétiens, nous devons nous réjouir, nous avons même toutes sortes de raisons d’être joyeux : tel est le consolant message de l’Église au troisième dimanche de l’Avent. Jusqu’ici, on a toujours cru que la joie et la gaieté étaient le lot des gens dépourvus de piété, des mauvais sujets qui font volontiers. La colombe de la vie éternelle est posée sur le toit du ciel, le passereau de la pauvre vie terrestre est dans votre main. Or la foi consiste à laisser ce passereau s’enfuir de votre main pour aller retrouver la colombe sur le toit. Seul le christianisme vivant, celui qui a conscience de la vie divine, qui a assez de foi pour abandonner le bien-être terrestre et l’échanger contre la vie éternelle, seul ce vrai et authentique christianisme peut parvenir à un véritable état de joie. C’est à cette joie chrétienne et à cette foi chrétienne que nous appelle aujourd’hui notre Mère l’Église : Réjouissez-vous sans cesse, je vous le dis encore une fois : Réjouissez-vous.

Une remarque technique pour le lecteur. — Dans l’utilisation du calendrier perpétuel, il se présente une difficulté durant ces deux semaines. Certains chants de l’Avent sont désormais rattachés à la date du mois, par exemple : les antiennes O. Pour ne pas compliquer les recherches, nous insérons ces parties dans le calendrier des saints, lequel suit la date du mois. Qu’on veuille bien se reporter à cet endroit.

TROISIÈME DIMANCHE

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DE L’AVENT

STATION A SAINT-PIERRE

1. Le dimanche rose. — C’est un dimanche de joie pendant l’Avent. Comme des enfants qui attendent impatiemment l’Enfant-Jésus, nous ne pouvons plus maîtriser la joie que nous cause la venue du Seigneur ; ce sentiment de joie nous domine. Cette joie est comme une joie de Noël anticipée. La couleur liturgique est au lieu de violet, le rose. Le rose est une atténuation du violet, il tient par conséquent le milieu entre la couleur de la pénitence et celle de la joie ; il signifie une joie modérée, une joie anticipée. On peut, aujourd’hui, à la différence des autres dimanches de l’Avent, orner l’autel de fleurs et les orgues se font entendre. A la grand’messe, le diacre et le sous-diacre portent la dalmatique et la tunique.

Ces jours exceptionnels doivent être fêtés d’une manière particulière par les amis de la liturgie qui s’efforceront d’en pénétrer tout le sens. Il est à désirer qu’à l’église (vêtements liturgiques, parure de l’autel) et même à la maison (fleurs sur la table) la couleur rose domine ; les pasteurs devraient faire de la décoration de leur église, en ce jour, une prédication muette, une leçon de choses. Très peu de dimanches ont un caractère sentimental aussi marqué.

Assurément la joie de l’Avent a un fondement plus profond que nous fait découvrir la liturgie de ce jour. Il importe beaucoup que nous comprenions l’idée essentielle de la liturgie d’aujourd’hui. Que veut nous dire l’Église ? où réside le progrès dans notre prépa ration de Noël ? Le premier dimanche, la Rédemption apparaissait encore dans le lointain : “ Vous verrez venir le Fils de l’Homme. Élevez vos têtes, car votre rédemption approche.” Le deuxième dimanche, l’Église nous montre le divin médecin qui nous dit de lui-même, en expliquant son programme rédempteur, qu’il vient “ faire voir les aveugles... ; ressusciter les morts... ”. Aujourd’hui, le Précurseur nous crie : “ Il est au milieu de vous. ” Il est vrai que “ nous ne le connaissons pas encore ” comme nous le connaîtrons un jour et que nous devons chercher à le reconnaître, maintenant, dans la foi et le mystère. Ce message joyeux est très semblable au message de Noël. Aussi comprenons-nous qu’au-dessus de ce dimanche plane une joie contenue mais intime et profonde, ainsi qu’une grande impression de respect. La liturgie de ce jour comprend comme deux étapes : les deux causes de notre joie. Nous sommes invités à nous réjouir : 1° parce que le Seigneur est proche, 2° parce qu’il est au milieu de nous.

A proprement parler, il y a ici une contradiction ; comment peut-il être proche et cependant au milieu de nous ? La liturgie seule peut résoudre l’énigme. Par la grâce, il est au milieu de nous, pour la gloire, il est proche. La liturgie est le pont qui conduit de la grâce à la gloire. Considérée du point de vue divin, la liturgie est la voie qui mène à la gloire. Ainsi le Christ est au milieu de nous et en nous parce que nous sommes membres de son corps mystique ; il est également tout proche parce que nous marchons vers sa gloire et sa manifestation. II, est au milieu de nous à la sainte messe, et il est proche, car la vie chrétienne est une révélation continuelle de ce qu’il est, une attente de son retour.

2. Le Seigneur est proche. — Le prophète Isaïe chante un beau cantique d’Avent et de rédemption (XXVI, 1-14) :

En ce jour-là, on chantera ce cantique dans la terre de Juda :

Le mur de fortification de notre ville de Sion est le Sauveur,

Il s’en est fait le mur et l’avant-mur.

Ouvrez les. portes, laissez entrer le peuple juste qui garde la vérIté.

L’antique erreur s’est évanouie, tu donnes la paix,

Oui, la paix ; nous avons confiance en toi.

Ayez confiance dans le Seigneur pour les temps éternels,

Dans. le Seigneur, le Dieu fort, pour toujours.

Car il a abaissé ceux qui demeuraient sur les hauteurs,

Il a humilié la ville superbe.

Il l’a abaissée jusqu’à terre,

Il lui a fait toucher la poussière,

Elle a été foulée sous les pieds,

Sous les pieds des humbles,

Sous les pas des malheureux.

Le sentier du juste est droit,

Unie la voie que foule l’homme pieux.

Sur le sentier de tes jugements, Seigneur, nous t’attendons,

Ton nom et tes pensées sont le désir de notre âme.

Mon âme te désire pendant la nuit

Et je veille avec un cœur qui te recherche dès le matin. ”

Saint Paul est aujourd’hui le vrai messager de joie. Son Épître est comme le centre de la messe et même de toute la journée : : “ Mes frères, réjouissez-vous dans le Seigneur sans cesse, je vous le dis de nouveau : réjouissez vous, que votre modestie soit connue de tous les hommes, car le Seigneur est proche. N’ayez pas de soucis anxieux, mais, en toute circonstance, faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces. Et que la paix de Dieu qui surpasse tout sentiment garde vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus notre Seigneur. ”

Que veut dire saint Paul ? Il pensait alors, en écrivant ces paroles, au retour du Christ ; mais aujourd’hui l’Église parle par sa bouche du triple avènement du Seigneur : la fête de Noël est proche, pendant laquelle nous célébrerons son premier. avènement ; son avènement de grâce est proche, dans la messe d’aujourd’hui, comme du reste dans toute messe et spécialement dans la messe de Noël ; proche enfin est son retour.

Les Matines sont riches en beaux répons. Nous n’en donnons que deux exemples :

Voici que le Seigneur apparaîtra sur la nuée brillante

Et des milliers de saints autour de Lui,

Et il y aura écrit sur ses vêtements et sur sa ceinture :

Roi des rois et Seigneur des seigneurs.

Il viendra certainement et il ne trompe pas,

S’il tarde espère en lui, car il viendra, oui il viendra ” (Répons).

Bethléem, cité du Dieu suprême De toi sortira le Souverain d’Israël

Et sa sortie sera comme des jours de l’éternité.

Et il sera glorifié au milieu de l’Univers

Et il y aura paix sur notre terre quand il sera venu,

Il annoncera la paix parmi les nations

Et sa puissance s’étendra de la mer à la mer” (Répons).

Dès l’aurore, l’Église voit dans le soleil qui se lève l’image du Roi : “ Sur le trône de David, dans son royaume, il siègera pendant l’éternité, Alleluia. ” Le coucher du soleil est consacré à la Mère de Dieu : “ Tu es bienheureuse, ô Marie, d’avoir cru au Seigneur, en toi s’accomplira ce qui t’a été dit par le Seigneur, Alleluia. ” Cette fois encore, l’antienne convient merveilleusement au Magnificat.

3. Il se tient au milieu de vous. — Dans l’Évangile, saint Jean-Baptiste nous apporte le plus joyeux message du jour. n reçoit une ambassade du grand Conseil et il assure les envoyés et nous-mêmes que le Messie n’est pas seulement proche : “ Je baptise dans l’eau, mais il y a au milieu de vous quelqu’un que vous ne connaissez pas. C’est lui qui doit venir après moi, n était avant moi et je ne suis pas digne de délier les courroies de sa chaussure ”. C’est là le vrai message chrétien : nous attendons le Seigneur et nous le possédons déjà Mais le Baptiste est notre prédicateur : “ Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez les voies du Seigneur, comme l’a dit le Prophète Isaïe. ” Telle est sa vocation, non seulement parmi le peuple juif, mais encore dans l’Église, tant qu’elle erre encore sous l’habit de pèlerin. Tous les ans, pendant les quatre semaines de l’Avent, il crie à la chrétienté : “ Voix qui crie dans le désert : Préparez les voies du Seigneur, rendez droits ses sentiers. ” Remarquons la progression de ces trois messages. Le premier était plein d’espérance joyeuse (Isaïe), le second respirait l’allégresse causée par la venue prochaine du Seigneur (S.Paul), le troisième nous montre déjà le Seigneur au milieu de nous. Il peut maintenant apparaître réellement, dans le mystère du Saint Sacrifice.

4. La messe. — Nous célébrons le Saint Sacrifice au tombeau du Prince des Apôtres (la messe ne fait aucune allusion à la station). L’introït remplit réellement son rôle, il nous fait pénétrer dans les sentiments du jour et de la messe : “ Réjouissez-vous dans le Seigneur, je vous le dis de nouveau, réjouissez-vous, car le Seigneur est proche. ” Voilà ce que nous annonce la liturgie dès les portes de l’église.

C’est un double avènement que nous attendons dans la joie : l’avènement dans la chair et l’avènement dans la gloire. Dans la messe d’aujourd’hui, cette double attente se trouve exprimée. Comme réponse au message de joie, nous chantons le cantique de délivrance, le psaume 84 et nous le chantons trois fois aujourd’hui : à l’Introït, à l’Offertoire et à la Communion, par conséquent aux trois processions de la messe. A la Collecte, l’Église, s’inspirant du symbole naturel de la nuit et de la lumière, demande à Dieu de nous faire passer de la nuit du péché à la lumière éclatante de la “ visite divine ”. L’Epître est, dans sa brièveté, d’une plénitude remarquable. Les versets principaux, si impressionnants, ont déjà été chantés à l’Introït. Le Seigneur est proche, proche e t son avènement à Noël ainsi que son avènement de grâce à la messe et son retour au dernier jour. Il est le Sauveur et il nous apporte la joie et la paix de Noël. Le Graduel est un cri de supplication appelant la Rédemption, un “ Rorate coeli ” de l’humanité non rachetée et de l’humanité rachetée (nous connaissons déjà ce cantique de l’Avent, psaume 79), c’est aussi un “ maranatha ” un cantique de Parousie. A l’Évangile, nous voyons l’ambassade du sanhédrin venir trouver Jean Baptiste pour éprouver sa dignité de prophète. Le Précurseur nous assure que le Seigneur est proche “ Il est même au milieu de nous ”. A la différence des Juifs, nous le connaissons et au Saint Sacrifice, sa présence sera une réalité. Là encore, le Baptiste est le précurseur du Christ. A l’Offertoire, nous chantons notre cantique de Rédemption (psaume 84) qui retentit au début du sacrifice comme l’accomplissement du grand espoir de l’Avent. Nous y remarquons la gradation déjà signalée : le Seigneur est proche — il est au milieu de vous — le Sacrifice de la messe le fait apparaître. A la Communion, nous éprouvons une joie frémissante, quand notre Mère l’Église nous assure" : Notre Dieu va venir et il nous sauvera. Et nous chantons encore (pour la troisième fois aujourd’hui) notre cantique de délivrance, le psaume 84 qu’il faudrait lire dans son entier. Et nous demandons que le pain du ciel nous prépare dignement à “ la fête qui s’approche ” (Postcommunion).

Chrétiens, ce jour est un jour de joie anticipée. Si cette joie est déjà si belle et si grande, que sera donc la joie de Noël ? que sera surtout la joie céleste de l’éternel Noël ?

LUNDI APRÈS LE 3ème DIMANCHE

Index

DE L’AVENT

Venez à la lumière

1. Lecture de l’Avent. — Le Prophète nous présente de nouveau le Messie qui se manifeste comme le Rédempteur de l’humanité (XLIX, 1-13) :

Écoutez-moi, îles lointaines,

Soyez attentifs, peuples éloignés.

Le Seigneur m’a appelé dès le sein de ma mère ;

Dès les entrailles de ma mère, il a songé à mon nom.

Il a rendu ma bouche semblable à une épée tranchante ;

Sous l’ombre de sa main, il m’a caché

Et a fait de moi une flèche aiguë, Il m’a caché dans son carquois.

Et il m’a dit : tu, es mon serviteur, Israël,

Car en toi je veux me glorifier...

Ce n’est pas assez d’être mon serviteur

Pour rétablir les tribus de Jacob Et ramener les restes d’Israël.

Voici que je t’établis pour être la lumière des nations,

Pour faire parvenir mon salut jusqu’aux extrémités de la terre.

Ainsi parle le Seigneur, le Rédempteur et le Saint d’Israël, de celui qui est méprisé,

Détesté des nations, esclave des tyrans (= Jésus).

Les rois regarderont et les princes se lèveront

Et se prosterneront devant le Seigneur,

Le Juste, le Saint d’Israël.

Ainsi parle le Seigneur. Au temps de grâce je t’ai exaucé,

Au temps du salut, je t’ai aidé.

J’étends ma protection sur toi et je fais de nouveau de toi un peuple d’alliance

Pour relever le pays et pour hériter des plaines dévastées

Et tu peux dire aux captifs : Sortez

Et à ceux qui vivent dans les ténèbres : venez à la lumière.

Ils trouveront leur pâture le long des chemins

Et sur toutes les hauteurs sera le lieu de leur pâturage ;

Ils ne souffriront ni la faim ni la soif

Et ils ne seront pas tourmentés par la chaleur du soleil,

Car celui qui a pitié d’eux sera leur guide

Et les fera boire à des sources d’eau.

Je ferai de toutes mes montagnes des chemins et mes sentiers seront relevés.

Voici que les uns viennent de loin,

Ceux-ci du Nord et de l’Ouest Et ceux-là de l’Orient.

Cieux, poussez des cris de joie ; terre, tressaille d’allégresse,

Montagnes, éclatez de cris joyeux.

Car le Seigneur console son peuple, Il a pitié de ses pauvres.

Et quand Sion dirait : le Seigneur m’a abandonnée,

Le Seigneur m’a oubliée ; (moi je dis)

Une femme peut-elle oublier son enfant

Et ne pas avoir pitié de son propre fils ?

Alors même qu’elle l’oublierait,

Moi je ne t’oublierai jamais,

Je t’ai gravée sur la paume de mes mains. ”

C’est là encore une merveilleuse lecture d’Avent. Le Rédempteur de toute l’humanité est devant nous et pourtant c’est lui que les hommes méprisent. Avec quelle force la Rédemption nous est décrite comme le temps de grâce ; l’amour de Dieu ressemble à l’amour d’une mère. Le Seigneur nous a inscrits sur la paume de ses mains ; cette inscription, ce sont ses plaies.

2. Chants de l’Avent. — Les chants de l’Église nous font voir et désirer le Seigneur.

Voici que le Seigneur va venir sur la nuée brillante Avec des milliers de saints autour de lui,

Sur ses vêtements et sur sa ceinture il y a écrit : Roi des rois et Seigneur des seigneurs.

Il viendra certainement et il ne trompe pas ;

S’il tarde, espère en lui, car il viendra, oui il viendra. ”

Celui qui va venir, vient et ne tarde pas

Et il n’y aura plus de crainte sur nos frontières Car il est notre Sauveur.

Il enlèvera de nous nos iniquités

Et jettera tous nos péchés dans les profondeurs de la mer. ”

Le matin, au lever du soleil, l’Église chante : “ Un rameau sortira de la racine de Jessé et toute la terre sera remplie de la gloire du Seigneur ; toute chair verra le salut de Dieu. Il Quel accent impressionnant n’a pas ce cantique quand se lève le soleil, le symbole du Christ ! Le soir, à Magnificat, nous pensons de nouveau à la Mère de Dieu, nous chantons avec elle : “ Bienheureuse me proclameront toutes les générations, car Dieu a abaissé son regard vers son humble servante. ”

3. Un psaume de l’Avent. — A la messe du troisième dimanche de l’Avent, l’Église chante trois fois le psaume 84 : à l’Introït, à l’Offertoire et à la Communion. C’est un signe que ce psaume exprime parfaitement ses sentiments. C’est le joyeux cantique de notre Rédemption. Ce psaume nous accompagne à travers tout l’Avent. Le premier dimanche, nous l’avons chanté à l’Alleluia et à la Communion, le second dimanche à l’Offertoire, aujourd’hui, il est le chant dominant de la messe. Dans la nuit de Noël, nous le récitons ou le chantons tout entier à Matines.

I

Tu as béni ta terre, Ô Seigneur,

Tu as détourné la servitude de Jacob ;

Tu as pardonné les péchés de ton peuple, tu as couvert toute son iniquité ;

Tu as adouci ton courroux,

tu as abandonné ta juste colère,

Et maintenant, tourne-toi, Ô Sauveur, Ô Dieu, vers nous, écarte de nous ta colère ;

Veux-tu donc éternellement t’irriter contre nous, veux-tu étendre ton courroux de génération en génération ?

Avec un regard, Ô Dieu, tu nous rends la vie et ton peuple se réjouira en toi.

Montre-nous, Ô Seigneur, ta miséricorde Et donne-nous ton salut.

II

J’écoute ce que le Seigneur Dieu me dit,

Il annonce la paix à son peuple,

A ses saints et à tous ceux qui ont tourné leur cœur vers lui.

Son salut est proche pour ceux qui le craignent, sur notre terre habitera de nouveau sa gloire.

La bonté et la vérité vont se rencontrer, la justice et la paix s’embrasseront.

La vérité germera de la terre et la justice regardera, apaisée, du haut du ciel.

En vérité, le Seigneur accordera sa bénédiction et notre terre donnera son fruit.

La vérité marchera devant lui et, sur ses pas, le suivra la paix.

Au sens littéral, le psaume parle de la délivrance de la captivité de Babylone ; mais cette délivrance n’est qu’un symbole de la Rédemption par le Christ. Dans la liturgie de l’Église, ce psaume est un cantique de la Rédemption. Il décrit la gloire du royaume du Christ, qui commence à se manifester lors de son premier avènement, et trouvera sa plénitude à son avènement dernier. Essayons d’interpréter le psaume dans ce sens : Tu as, ô Dieu, par la venue du Christ, béni de nouveau la terre maudite. Tu as par la mort du Sauveur pardonné tous les péchés. La Rédemption est complète (objectivement), il appartient à chacun de nous de nous l’appliquer (subjectivement) : c’est cela que nous demandons dans la seconde partie de la première strophe (c’est là la vraie prière de l’Avent, nous la faisons aussi chaque jour à la fin des prières graduelles : Avec un regard tu nous rends la vie...). La seconde strophe est comme une joyeuse réponse de Dieu : Oui, tu recevras une délivrance complète, ici-bas par la grâce et là-haut dans la gloire, mais, bien entendu, si tu es du nombre de ceux “ qui se tournent vers le Seigneur ”. Dans ce cas, pour toi aussi, “ son salut sera proche ” et “ sa gloire habitera en toi ”. Alors les anges de Dieu t’entoureront avec tendresse, ces anges seront sa miséricorde, sa fidélité, sa justice et sa paix. Alors la terre de l’âme produira de riches fruits. Oui, le Sauveur passe sur la terre précédé de la justice, accompagné de la paix. — Récitons souvent ce cantique pendant cette semaine.

MARDI APRÈS LE 3ème DIMANCHE

Index

DE L’AVENT

Proche est mon Juste

1. Lecture de l’Avent. — Nous entendons encore de la bouche du Prophète une promesse consolante (LI 1-11)

Écoutez-moi, vous qui cherchez le salut, Vous qui attendez le Seigneur.

Considérez le rocher d’où vous avez été taillés

Et la carrière d’où vous avez été tirés.

Considérez votre père Abraham.

Car je l’ai appelé quand il était seul, je l’ai béni et multiplié.

Ainsi le Seigneur aura aussi pitié de Sion,

Il aura compassion de ses ruines.

Il fera un Eden de son désert

Et de sa solitude un jardin du Seigneur.

On y trouvera la joie et l’allégresse,

Les chants de louanges

Et les accents des cantiques.

Peuples, écoutez-moi,

Nations, prêtez-moi l’oreille.

C’est de moi que sort la loi

Et je ferai briller mes commandements comme une lumière des peuples.

Proche est mon Juste, en chemin est mon Sauveur.

Mon bras jugera les peuples. En moi espèreront les îles,

Elles se confieront en mon bras.

Levez les yeux vers le ciel

Et abaissez-les vers la terre :

Le ciel peut se dissiper comme une fumée

Et la terre tomber en lambeaux comme un vêtement

Et les habitants de la terre disparaître,

Cependant mon salut demeurera éternellement,

Ma justice n’aura pas de fin.

Écoutez-moi, vous qui connaissez la justice,

Toi, peuple, qui portes ma loi dans ton cœur.

Ne craignez pas les moqueries des hommes,

Ne vous effrayez pas de leurs outrages.

Comme un vêtement, la teigne les dévorera,

Comme une laine les consumera la mite ;

Cependant mon salut demeurera éternellement

Et ma justice persistera de génération en génération.

Encore une fois, cette lecture convient parfaitement à l’Avent.

2. Chants de l’Avent. — Les chants de l’Église sont de plus en plus joyeux, l’attente devient de plus en plus une heureuse certitude :

Égypte, ne pleure pas, car ton Souverain viendra à toi,

Celui devant qui les abîmes trembleront,

Il vient pour délivrer son peuple avec une main puissante :

Voici que viendra le Seigneur des armées, ton Dieu, avec une grande puissance ” (Répons).

Le Seigneur descendra comme la pluie sur la toison,

En ses jours se lèveront la justice et l’abondance de la paix,

Et l’adoreront tous les rois,

Toutes les nations de la terre le serviront ” (Répons).

L’antienne que nous chantons au lever du soleil nous conduit déjà à Bethléem : “ Bethléem, terre de Juda, tu ne seras pas la plus petite ; de toi, en effet, sortira le chef qui doit régir mon peuple d’Israël. ” Le soir, nous chantons : “ Élève-toi, élève-toi, tiens-toi debout, Jérusalem, délie les chaînes de ton cou, fille captive de Sion. ”

Ave Maria. — Les deux messagers de l’Avent, Isaïe et Jean, nous ont indiqué les deux actes humains : les saints désirs et la préparation des voies. Ces deux actes sont la préparation du grand don de grâce, la vie divine. C’est ce don que nous prêche le troisième messager de l’Avent : Marie. Examinons d’abord comment la liturgie nous présente Marie pendant l’Avent. C’est précisément sa figure très sainte qui confère à l’Avent je ne sais quoi de tendre et d’aimable. Isaïe et Jean sont des figures d’hommes un peu rudes. Cette sévérité est adoucie par l’image de la Vierge. Dès le commencement de l’Avent, la liturgie nous conduit dans la grande église mariale de Rome, qui est en même temps l’église de la Crèche, et elle nous fait déjà pressentir la joie de Noël. Chaque jour, nous récitons, comme seconde oraison, une oraison de la Sainte Vierge ; après chaque Heure nous chantons la belle antienne : Alma Redemptoris. Dans plusieurs antiennes et répons, la liturgie chante avec amour la Vierge bénie. Plus nous approchons de Noël, plus se multiplient les chants consacrés à Marie. Les deux premiers jours des Quatre-Temps appartiennent particulièrement à Marie et célèbrent deux de ses plus grands mystères : l’Annonciation et la Visitation. La piété populaire va même plus loin avec la messe “ Rorate ” et l’“ Angelus ”. La liturgie et le peuple veulent attendre le Seigneur avec Marie.

Qui, mieux que Marie, pourrait nous enseigner comment on attend le Seigneur, comment on le porte, comment on lui fait de son cœur un berceau ? Nul n’a eu un Avent aussi sacré que le sien. Isaïe nous représente l’Avent de l’humanité, y compris le monde païen ; Jean nous montre l’Avent du peuple juif ; mais Marie symbolise pour nous l’Avent de l’âme. C’est certainement là une des pensées dont s’est inspirée la liturgie ; elle a voulu établir un parallèle entre Marie et l’âme. Comment Marie a-t-elle attendu le Seigneur ? Dans le silence, le recueillement, l’intimité et la prière. Les peintres n’ont certainement pas tort, quand ils représentent la Sainte Vierge en prière au moment de l’Annonciation. Dieu ne nous visite par sa grâce que lorsque notre cœur est silencieux et recueilli. Comme il est rare cependant que nous plongions notre âme dans ce silence ! Ne devrions-nous pas, tout au moins dans les jours qui vont suivre, attendre le Seigneur avec le recueillement et le silence de Marie.

Cependant nous n’avons pas encore examiné la question dans toute sa profondeur. Marie nous indique quelque chose de beaucoup plus élevé. Nous connaissons les trois grands biens du christianisme : la foi, les commandements et la vie divine. Isaïe nous prêche la foi au moyen des saints désirs ; Jean nous prêche l’observation des commandements par la réforme de la vie ; Marie nous apporte corporellement la vie divine dans le Christ. Sa maternité divine est la sublime image du bien le plus haut que puisse atteindre un homme : posséder Dieu dans son âme et dans son corps. Marie est l’image de l’habitation divine dans l’homme par la grâce. Dans un certain sens, l’enfant de Dieu participe au mystère de la maternité divine. C’est précisément dans le banquet sacrifical que nous devenons plus particulièrement semblables à la Mère de Dieu. Le divin grain de froment est semé dans notre cœur, où il doit croître au point d’absorber notre moi dans le Christ : “ Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. Il Nous comprendrons encore mieux maintenant pourquoi c’est la Mère de Dieu qui doit nous conduire à travers l’Avent jusqu’à Noël.

LES QUATRE-TEMPS

Le Roi revêt ses haillons

Nous entrons dans un nouveau stade de la préparation de Noël. On nous a dit d’abord : Le Roi vient, puis : Jérusalem s’apprête, ensuite : il est au milieu de vous. Aujourd’hui, l’Église nous montre le Fils de Dieu sous la forme humaine : le Roi revêt les haillons de l’humaine nature. Les messes des Quatre-Temps nous présentent les antécédents de la naissance et de l’avènement du Seigneur.

Comme introduction à ces solennités d’une antiquité vénérable, donnons ici un sermon de Quatre-Temps du pape saint Léon : “ Mes très chers, notre souci pastoral nous porte à vous prêcher conformément au temps et à l’usage liturgique. Nous célébrons le jeûne du dixième mois (décembre, comme son nom l’indique, était le dixième mois). Dans ce jeûne, nous offrons à Dieu, l’auteur de tous biens, après avoir achevé la récolte de tous les fruits, un digne sacrifice de tempérance. Car quelle œuvre peut être plus efficace que le jeûne, par lequel nous nous rapprochons de Dieu, nous résistons au démon, nous triomphons des vices séducteurs ? En effet, toujours le jeûne a été l’aliment de la vertu. La sobriété produit les pensées chastes, les résolutions raisonnables, les conseils salutaires. Par la mortification volontaire on meurt aux convoitises de la chair. L’esprit est renouvelé pour la pratique de la vertu. Mais comme nous ne pouvons pas faire notre salut par le jeûne seul, complétons-le par la miséricorde envers les pauvres. Donnons à la vertu ce que nous enlevons au plaisir. Que la privation de ceux qui jeûnent soit un soulagement pour les pauvres. Efforçons-nous de protéger les veuves, d’aider les orphelins, de réconcilier ceux qui sont en discorde, de recueillir les étrangers, de secourir les affligés, de vêtir ceux qui sont nus, de soigner les malades. Ainsi celui d’entre nous qui aura offert à Dieu, l’auteur de tous biens, le sacrifice de ses œuvres de charité comme un bon travailleur, méritera de recevoir comme salaire le royaume céleste. Ainsi donc, jeûnons mercredi, vendredi et samedi, veillons ensemble (célébrons l’office de nuit) auprès de l’Apôtre saint Pierre, afin que, par son intercession, nous puissions obtenir ce que nous demandons par Notre Seigneur Jésus-Christ qui avec le Père et le Saint-Esprit vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il ”.

Les Quatre-Temps comptent parmi les usages les plus anciens de l’année liturgique et remontent aux tout premiers temps de l’Église romaine. Ils sont plus anciens que l’Avent et le pape saint Léon (vers 45°) nous a laissé toute une série de beaux sermons de Quatre-Temps. C’était originairement une fête d’action de grâces pour les récoltes. Il n’yen avait que trois, après chacune des trois récoltes principales : le blé, le vin et l’huile — les plus importants symboles naturels de la liturgie. Les fidèles apportaient à l’Offrande la dîme de leurs récoltes, pour les besoins du Sacrifice, de l’Église et des pauvres — et ceci est un exemple pour nous. Néanmoins ces époques sont aussi des jours de renouvellement spirituel. L’homme, au milieu de ses occupations matérielles, oublie trop facilement ses intérêts éternels ; c’est pourquoi il est bon qu’à chaque saison il se rappelle la pensée de Dieu et fasse réflexion sur l’état de son âme. Si le carême est l’époque de la retraite spirituelle annuelle, les Quatre-Temps sont celle du renouvellement intérieur. Ce sont des semaines de sérieux, mais non de tristesse et de pénitence. Le jeûne est moins une manifestation de pénitence qu’une dîme joyeusement offerte à Dieu et qui doit nous inciter à l’aumône. Le sacrifice de la charité miséricordieuse doit être offert en même temps que celui du jeûne (saint Léon). En devenant jours d’ordination (le samedi), les Quatre-Temps ont revêtu un caractère particulier. Le samedi des Quatre-Temps de décembre était le principal jour d’ordination. (En ce jour les fidèles doivent prier spécialement pour obtenir de Dieu de bons prêtres). Cependant, dans la suite des temps, les Quatre-Temps ont été insérés dans la trame de l’année liturgique et chacune de ces semaines a pris une nuance particulière. Les Quatre-Temps de décembre signifient une préparation plus intense à la fête de Noël.

Les derniers grands préparatifs pour la venue du Christ se font pendant ces semaines, comme l’attente de Noël trouve sa plus haute expression dans les antiennes O.

MERCREDI DES QUATRE-TEMPS

STATION A SAINTE MARIE MAJEURE

L’Annonciation de la Sainte Vierge

La messe d’or

Aujourd’hui nous célébrons le mystère de l’Annonciation de la Sainte Vierge, l’instant solennel où le Verbe divin s’unit à la nature humaine. C’est le commencement de la Rédemption. Le corps mystique a reçu son centre lumineux, les membres peuvent s’y adjoindre. Ce n’est pas seulement le souvenir de ce grand événement que nous célébrons ; à la messe, est mise sous nos yeux l’Incarnation du Christ, puisque l’Incarnation est le commencement de la Passion dont la messe est le renouvellement. Au moment de la consécration, nous pourrions répéter : le Verbe s’est fait chair.

C’est pourquoi, depuis l’antiquité, cette messe a été très appréciée et appelée la messe d’or (missa aurta). Au moyen âge, on la célébrait avec une grande solennité. C’est à l’occasion de cette messe que saint Bernard fit en qualité d’Abbé ses célèbres homélies “ super Missus est ” qui se trouvent en partie dans le bréviaire. Une des preuves de la considération qu’on avait pour elle, c’est que la messe “ Rorate ” qui, dans certaines régions, est célébrée pendant tout l’Avent, en procède.

1. Lecture de l’Avent. — Isaïe nous montre aujourd’hui l’image du Messie souffrant. C’est une des prophéties les plus célèbres de l’Ancien Testament (Chap. LIII).

Qui a cru à ce qui nous était annoncé ?

Et la puissance du Seigneur, à qui a-t-elle été révélée ?

Il (le Rédempteur) s’élève comme un arbrisseau devant lui,

Comme une racine qui sort d’une terre desséchée ;

II n’a ni forme ni beauté, nous l’avons vu,

Mais ce n’était pas une vue que nous désirions,

II était méprisé, le dernier des hommes,

Un homme de douleurs connaissant la souffrance ;

Son visage était comme voilé et déshonoré.

Si bien que nous ne faisions de lui aucun cas.

En vérité il a porté nos maladies

Et nos douleurs il les a chargées sur lui.

Nous le considérions comme un lépreux,

Comme un homme frappé et humilié par Dieu.

II a été blessé à cause de nos méfaits,

II a été frappé à cause de nos péchés,

Pour notre salut il a été en butte au châtiment

Et par ses meurtrissures nous est venue la guérison.

Comme des brebis, nous étions errants,

Chacun s’écartait de son chemin ;

Le Seigneur a chargé sur lui tous nos méfaits

Il a été sacrifié parce qu’il l’a voulu lui-même ;

Et il n’ouvre pas sa bouche,

Comme un agneau, il est conduit à la tuerie.

Comme une brebis devant celui qui la tond, il se tait

Et n’ouvre pas sa bouche.

Sans protection de jugement, il est enlevé ;

Ne se préoccupe de lui personne de sa race,

En le voyant retranché de la terre des vivants.

A cause des péchés de mon peuple, je l’ai frappé.

Parmi les impies, on fixe son sépulcre,

Mais auprès du riche a été sa demeure. ”

1. La messe (Rorate coeli). — Nous célébrons aujourd’hui la messe avec toute la chrétienté dans la grande église de Sainte-Marie à Rome où se trouve aussi la Crèche qui est pour nous l’image de Bethléem. A l’Introït, nous crions avec toute l’humanité qui implore la Rédemption : “ Cieux répandez votre rosée. ” Dans le psaume 18, nous voyons sous le symbole du soleil levant, l’accomplissement de nos espérances : “ Pour le soleil il a dressé une tente, au ciel, (l’astre) s’avance comme un époux hors de la chambre nuptiale, il s’élance comme un héros qui fournit sa carrière, d’une extrémité du ciel il prend sa course vers l’autre et rien ne peut échapper à sa chaleur. ” Le Christ, le divin Soleil de justice est resté caché neuf mois dans sa tente, c’est-à-dire dans le sein de Marie, mais, à Noël, après le solstice d’hiver, il paraît au dehors.

Dans la première Oraison, l’Église demande que “ la fête de la Rédemption qui va venir” nous soit utile ici-bas et là-haut. Plus belle encore est la seconde Oraison : “ Hâtez-vous, ne tardez plus, Seigneur, relevez-nous par les consolations de votre avènement. ” C’est une oraison d’une impétuosité remarquable et qui sort du style ordinaire. La haute antiquité de cette messe apparaît dans les trois leçons (aux tout premiers temps de la liturgie romaine, la plupart des messes avaient au moins trois leçons). Les deux premières sont tirées de notre Prophète de l’Avent : Isaïe ; nous les connaissons déjà toutes les deux. Sion est le lieu de naissance de la Sainte Église, vers elle affluent les Gentils. C’est d’elle que sort la loi et le législateur (nous entendons le mot “ Parole” dans le sens de “ Verbe ”). Sion est le symbole de la Vierge Marie qui a donné au monde le Verbe divin. Sion est aussi le symbole de l’Église et de l’âme. Ainsi trois noms se présentent à nous pendant toute la messe, Marie, l’Église, l’âme. L’Église aussi est mère de Dieu, en ce sens que par le ministère des sacrements, elle enfante et fait croître mystiquement le Christ dans les âmes. Et notre âme, à chaque messe peut être dite en quelque sorte mère du Christ, en tant que par la grâce du Saint Esprit reçue en elle, elle enfante mystique ment le Christ.

Le premier Graduel est un chant d’une grande beauté, c’est une image de Noël : nous nous tenons devant les portes fermées du paradis terrestre, déjà se soulèvent les verrous, déjà se tirent les chaînes ; pleins d’impatience nous crions : “ Levez les portes, princes des anges ; ouvrez-vous, portes éternelles et le Roi de gloire fera son entrée. ”

Les deux leçons suivantes ont entre elles une conformité merveilleuse. Le Prophète dit : “ Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un Fils et on l’appellera Emmanuel. ” L’évangéliste dit : Je te salue... voici que tu concevras et enfanteras un Fils et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera appelé le Fils du Très-Haut... Le Saint-Esprit te couvrira de son ombre. ”

Cet Évangile, d’une impérissable beauté, compte parmi les plus sublimes révélations que Dieu ait jamais faites à l’humanité. L’avant-messe a, en quelque sorte, parcouru tout l’Avent jusqu’au seuil du mystère de Noël. C’est pourquoi, au commencement du Sacrifice, nous nous voyons déjà le Sauveur venir :

Consolez-vous et ne craignez pas, car voici que notre Dieu apporte la récompense. Il va venir lui-même et nous apporter la Rédemption. Alors s’ouvriront les yeux des aveugles, les oreilles des sourds ne seront plus fermées ; alors le paralytique bondira comme un cerf, la langue du muet jubilera. Il va venir lui-même et nous apporter la Rédemption”

Au sacrifice et à la communion, nous participons mystiquement au mystère de la Maternité divine, aussi pouvons-nous nous appliquer ce que chante l’Église à la Communion : “ Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un Fils... ” Une fois encore nous chantons le cantique du soleil (psaume 18). — C’est vraiment une messe d’or.

2. Chants de l’Avent. — Nous restons étonnés devant tous ces chants poétiques qui jaillissent de la lyre de l’Église :

Crie de toutes tes forces toi qui annonces la paix dans Jérusalem,

Annonce aux villes de Juda et aux habitants de Sion :

Voici que notre Dieu que nous attendions va venir. ”

(Répons.)

Une étoile se lèvera de Jacob

Et un homme se lèvera d’Israël qui anéantira tous les chefs des étrangers,

Et toute la terre sera sa possession,

Tous les rois de la terre l’adoreront,

Tous les peuples le serviront. ” (Répons.)

Les antiennes du lever et du coucher du soleil indiquent que nous devons nous occuper, toute la journée, des sublimes passages de l’Évangile ; “ L’ange Gabriel fut envoyé à la Vierge Marie fiancée à Joseph.” Le soir, nous disons avec Marie : “ Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. ”

JEUDI APRÈS LE 3ème DIMANCHE

Index

DE L’AVENT

Ton Sauveur est le Saint d’Israël

1. Lecture de l’Avent. — Isaïe décrit la gloire de la nouvelle Sion (LIV, 1-14).

Pousse des cris de joie, stérile qui n’as jamais enfanté,

Éclate en chants d’allégresse, tressaille, toi qui n’as pas été en travail,

Car plus nombreux sont les fils de celle qui était délaissée

Que de celle qui avait un époux, ainsi parle le Seigneur.

Elargis l’espace de ta tente,

Déploie les tentures de ta demeure

Et ne ménage pas la place.

Allonge tes cordages

Et enfonce plus profondément tes pieux.

Sois sans crainte, tu n’as pas à avoir honte.

Aie le cœur joyeux, tu n’as pas à rougir,

Tu oublieras la honte de ta stérilité,

A l’opprobre de ton veuvage tu ne penseras pas,

Ton époux est celui qui t’a créée,

Il s’appelle : le Seigneur des armées.

Ton Sauveur est le Saint d’Israël,

Le Dieu de l’univers, c’est ainsi qu’on le nomme.

Comme une femme abandonnée et profondément affligée le Seigneur t’a rappelée,

Comme une femme aimée dans sa jeunesse et puis répudiée.

Ainsi parle ton Dieu : Pour un instant je t’ai abandonnée ;

Avec un amour puissant je t’ai accueillie de nouveau.

Dans le bouillonnement de ma colère, j’ai caché mon visage devant toi ;

Maintenant j’ai pitié de toi, d’une piété éternelle,

Ainsi parle le Seigneur ton Sauveur.

Il en sera pour moi comme aux jours de Noé,

Alors que je jurai :

Jamais plus les flots ne submergeront la terre ;

Ainsi je jure de ne plus jamais m’irriter contre toi,

De ne plus jamais te châtier.

Quand les montagnes se retireraient, que les collines s’ébranleraient,

Ma miséricorde ne s’écartera pas de toi

Et mon alliance de paix ne sera pas ébranlée,

Dit le Seigneur, celui qui a compassion de toi.

Malheureuse, battue de la tempête, désolée, vois,

Je coucherai tes pierres sur l’antimoine

Et tes murs de fondation sur le saphir ;

Je ferai tes créneaux de rubis

Et des portes d’escarboucles, ton enceinte de pierres précieuses.

Tous tes fils seront disciples du Seigneur ;

Je donnerai à tes fils l’abondance de la paix.

C’est sur le droit que tu seras fondée... ”

Chants de l’Avent. — Les chants célèbrent la grandeur et la gloire du Roi qui va venir :

Le Seigneur se lèvera et combattra contre les nations,

Et ses pieds reposeront sur le mont des Oliviers vers l’Orient,

Il s’élèvera au-dessus de toutes les collines

Et vers lui afflueront tous les peuples” (Répons.)

C’est un répons mystérieux. Peut-être veut-il faire allusion au combat douloureux du Christ qui commencera au jardin des Oliviers et le conduira à la victoire sur tous ses ennemis. On trouve une pensée semblable dans le second répons :

Comme précurseur, il entre pour nous, l’Agneau sans tache

Devenu grand-prêtre selon l’ordre de Melchisédech ;

Il est le Roi de justice dont la génération est éternelle” (Répons.)

Puis on s’adresse à la Reine qu’est l’Église :

Les nations verront ton Juste

Et tous les rois ton illustre

Et on t’appellera d’un nom nouveau

Que la bouche du Seigneur a nommé

Et tu seras une couronne de gloire dans la main du Seigneur

Et un diadème royal dans la main de ton Dieu” (Répons.)

On ne peut pas donner une caractéristique plus belle de l’Église que celle-ci : “ une couronne de gloire dans la main du Seigneur. ”

Au lever du soleil, l’Église chante : “ Veillez avec zèle, car il est proche, le Seigneur notre Dieu. Aux quatre stations du jour, l’Église nous met sur les lèvres un petit chant qui est une prière jaculatoire :

A Prime : “ De Sion va venir le Seigneur tout-puissant pour sauver son peuple. ”

A Tierce : “ Tourne-toi un peu vers nous, Seigneur, et ne tarde pas à venir vers tes serviteur. ”

A Sexte : “ De Sion viendra le Seigneur qui doit régner, Emmanuel est son grand nom. ”

A None : “ Le Seigneur notre législateur, le Seigneur notre Roi viendra lui-même et nous sauvera. ”

Avec ces prières le chrétien a un moyen facile et court de vivre la vie de l’Avent.

A Vêpres nous chantons un cantique de joie : “ Réjouissez-vous avec Jérusalem et tressaillez en elle, vous tous qui l’aimez à jamais. ”

VENDREDI DES QUATRE-TEMPS

STATION AUX DOUZE APOTRES

Mon âme glorifie le Seigneur

L’Église nous fait célébrer aujourd’hui le mystère de la Visitation de la Sainte Vierge. C’est la continuation historique du mercredi des Quatre-Temps. Nous voyons, aujourd’hui, la bienheureuse servante du Seigneur en route vers les montagnes pour aller voir Élisabeth. Nous entendons de sa bouche le premier Magnificat ; le premier fruit de la Rédemption est la sanctification de saint Jean Baptiste, dans le sein de sa mère. Par conséquent de grands mystères s’accomplissent aujourd’hui dans l’Église.

1. La Visitation de la Sainte Vierge. — Saint Ambroise nous donne aujourd’hui une belle homélie sur l’Évangile : “ Dès que Marie eut entendu la parole ( de l’ange), elle se leva et partit vers les montagnes ; non pas qu’elle fût incrédule envers la nouvelle ou qu’elle ait conçu des doutes sur le cas semblable. Mais elle était heureuse en raison des vœux qu’elle formait ; prête à rendre religieusement service, elle se hâtait à cause de sa joie. Où aurait-elle été, maintenant qu’elle était remplie de Dieu, sinon, vers les hauteurs, d’un pas rapide ? La grâce du Saint-Esprit ne connaît pas de lenteurs et d’hésitations. Apprenez aussi, saintes femmes, les attentions que vous devez avoir pour vos parentes qui se trouvent dans la situation d’Élisabeth. Pour Marie, qui demeurait seule dans l’intérieur de sa maison, elle ne fut pas retenue par la pudeur virginale, de paraître en public, ni par les aspérités des montagnes, de montrer son zèle, ni par la longueur du chemin, de témoigner sa charité. Pensant au service à rendre et non aux difficultés, elle quitte sa maison et s’en va dans la montagne, à l’impulsion de son cœur... Apprenez, jeunes filles, à ne pas errer, ici et là, dans les maisons étrangères, à ne pas séjourner sur les rues, à ne pas bavarder en public. A la maison, Marie reste à loisir ; quand elle est dehors, elle se hâte... Vous avez appris, jeunes filles, la pudeur de Marie, apprenez aussi son humilité. C’est une parente qui vient voir une parente, une femme plus jeune qui visite une femme plus âgée. Elle ne vient pas seulement la première, elle salue la première. Il convient donc qu’une vierge soit d’autant plus humble qu’elle est plus chaste. Qu’elle apprenne la déférence envers ses aînées. Qu’elle soit un modèle d’humilité. Car telle est la vocation de la pureté... ”. Considérons les trois personnages qui peuvent jouer un rôle dans ce mystère sacré : le Christ, la Sainte Vierge et nous-mêmes.

Le Christ. — Quelle est l’attitude du Sauveur de Noël et de la messe d’aujourd’hui ? L’Église et Marie elle-même nous l’indiquent dans l’Introït : Il est proche (le Sauveur est devant la porte), il tient fidèle-ment ses promesses. Ce sont ses voies vers nous ; nos voies vers lui doivent être des voies d’innocence. L’Oraison est encore le cri d’imploration de l’Avent : Déploie ta puissance et viens à Noël. Dans la leçon, nous voyons le Sauveur comme un rameau de la racine de Marie ; le fruit divin germe déjà à dans la terre bénie (Graduel). A l’Évangile, nous adorons le Sauveur dans son tabernacle virginal et nous assistons à son premier acte rédempteur. Il purifie son fidèle héraut, de la tache originelle. La Communion fait surgir devant nos yeux la vision de l’avènement dernier, du dernier jour de Noël avec l’escorte de tous les saints. Le Roi qui viendra alors est le Sauveur qui vient à Noël, c’est aussi le Sauveur qui descend aujourd’hui sur l’autel. La messe unit donc le double avènement : l’avènement dans la chair et l’avènement dans la gloire.

Marie : La bienheureuse servante de Dieu apparaît de nouveau devant nous : accompagnons-la dans son voyage ; comme l’ange qui la précède, semons des roses sur ses pas ; avec saint Joseph, suivons modeste-ment ses traces. Les voies de Marie sont des voies immaculées. Elle est la terre bénie, fécondée par la rosée du ciel ; elle est aussi la racine sacrée, qui produit le noble rameau, la fleur divine de t’humanité.

Nous-mêmes. — Quel rôle nous est assigné aujourd’hui ? D’abord celui de saint Jean auquel le Seigneur apporte la grâce de la Rédemption et spécialement la purification de l’antique faute (vetustate purgatos). Mais le rôle de Marie doit être aussi le nôtre, à un titre tout particulier. Il est peu de mystères dans sa vie qui s’adaptent mieux à notre vie spirituelle que son voyage vers les montagnes.

a) Soyons nous aussi des créatures “ avec qui est le Seigneur ” : Il est avec nous par la Sainte Eucharistie, il l’est constamment par la grâce. Nous portons le Christ à travers toute notre vie : il faut qu’il grandisse et prenne forme en nous.

b) Portons consciemment le Christ à travers nos journées, soyons des porteurs de Christ, des christophores.

c) Portons le Christ parmi les hommes, afin qu’il leur donne la grâce, portons-le dans notre maison, au lieu de notre travail, portons-le à tous ceux que nous fréquentons. Que de grâces nous pourrions ainsi communiquer aux hommes sans qu’on le sache, sans qu’on le remarque !

d) Aimons aussi à chanter le cantique de l’habitation de Dieu en nous, le Magnificat, avec la ferveur de Marie ; chantons-le tous les jours.

2. Lecture de l’Avent. — Nous écoutons d’abord le message de notre prédicateur d’Avent (Isaïe LV. 1-13).

Vous tous qui avez soif, venez aux eaux,

Et vous qui n’avez pas d’argent

Venez vite, achetez et mangez,

Venez, achetez sans argent et sans échange du vin et du lait.

Pourquoi dépenser de l’argent pour ce qui n’est pas du pain ?

Votre travail pour œ qui ne rassasie pas ?

Écoutez-moi donc et mangez ce qui est bon

Et que votre âme se délecte de mets succulents.

Prêtez-moi l’oreille et venez à moi,

Ecoutez et que votre âme vive ;

Je conclurai avec vous une alliance éternelle,

En raison de ma ferme promesse à David.

Voici que je l’établis pasteur des peuples, prince et docteur des nations.

Voici que tu appelleras un peuple que tu ne connais pas,

Et des nations que tu ne connais pas accourront à toi,

A cause du Seigneur ton Dieu et du Saint d’Israël

Qui t’a glorifié.

Cherchez le Seigneur pendant qu’on peut le trouver,

Invoquez-le pendant qu’il est proche.

Que l’impie abandonne sa voie (de péché)

Et l’injuste ses mauvais desseins

Et qu’il se convertisse au Seigneur,

Alors notre Dieu aura pitié de lui,

Car il est tout prêt à pardonner.

Ce sont là encore de véritables pensées d’Avent : de joyeuses promesses mais aussi de sérieux avertissements.

3. Chants de l’Avent. — Au caractère plus sérieux du jour correspondent des chants remplis d’une ardente supplication :

Envoie l’Agneau, Seigneur, le Souverain de la terre,

Des rochers du désert vers la montagne de la fille de Sion,

Montre-nous, Seigneur, ta miséricorde Et donne-nous ton salut. ” (Répons.)

Des champs dévastés d’Israël ont jailli des germes parfumés.

Car voici que Dieu vient avec puissance,

De Sion sort la splendeur de sa beauté,

Notre Dieu va venir visiblement. ” (Répons.)

Le matin, au lever du soleil, nous entendons l’exclamation joyeuse d’Élisabeth : “ Quand j’ai entendu le son de ta voix, l’enfant a tressailli de joie dans mon sein, Alleluia. ”

SAMEDI DES QUATRE-TEMPS

STATION A SAINT PIERRE

Toute chair verra le salut de Dieu

Le grand jour des Quatre-Temps d’hiver, c’est ainsi qu’on peut caractériser ce jour. Toute la journée est consacrée aux préparatifs de Noël. Considérons d’abord la messe, puis les textes d. Avent au bréviaire.

1. La messe (Veni). — Pour comprendre la messe d’aujourd’hui, il faut nous transporter par la pensée à l’époque antique où cette messe était célébrée, la nuit, à Saint-Pierre de Rome. Les deux messes précédentes des Quatre-Temps avaient quelque chose d’intime, celle d’aujourd’hui est une messe solennelle de l’Église universelle (elle est célébrée à Saint-Pierre). Cette messe est comme un résumé de l’Avent et de Noël : tout ce qui a été développé dans les quatre semaines de l’Avent est condensé ici. En plusieurs endroits nous rencontrons le symbole de la nuit et de la lumière et cela nous rappelle que cette messe était célébrée en pleine nuit et s’achevait vers le matin. Ce seul fait était déjà un symbole extérieur du thème général de la messe : De la nuit de l’Avent à la lumière de Noël. Tel est le sens de la messe.

A l’Introït, nous appelons de toutes nos supplications la lumière de Noël : “ Viens et montre ton visage, Seigneur, dont le trône est au-dessus des chérubins, et alors nous serons sauvés ”. Puis nous chantons le psaume d’Avent, le psaume 79 qui, avec le psaume 18, nous suivra à travers toute la messe.

Déploie ta force

Et viens à notre secours,

O Dieu des armées, ramène-nous chez nous,

Fais briller ta face et nous serons sauvés ;

Seigneur, Dieu des armées, combien de temps encore,

Seras-tu irrité contre ton peuple qui té prie.

Tu nous nourris d’un pain de larmes,

Tu nous abreuves abondamment de la boisson de pleurs. ”

La première Oraison explique l’image en prose : “ Console-nous, pauvres pécheurs que nous sommes, en nous visitant. ” Noël est en effet la vraie visite de Dieu (adventus). Les quatre premières leçons sont du prophète Isaïe. La première annonce que la lumière (Jésus) brillera dans le paganisme (symbolisé par l’Égypte) : “ Le Seigneur frappera l’Égypte de coups salutaires et ils se convertiront au Seigneur et il se montrera miséricordieux pour eux et les guérira. ”

La seconde leçon donne une image magnifique du nouvel Eden du royaume de Dieu :

Le désert et la solitude se réjouiront,

Le steppe tressaillira et fleurira comme les lis,

Il se couvrira de végétation et poussera des cris de joie,

La gloire du Liban lui sera communiquée,

La splendeur du Carmel et de la plaine de Saron ;

Ils verront la gloire du Seigneur,

La magnificence de notre Dieu.

Fortifiez les mains défaillantes

Et affermissez les genoux qui chancellent.

Dites aux pusillanimes : consolez-vous et ne craignez pas,

Car voici que vient votre Dieu,

Dieu vient lui-même et il vous délivrera. ”

La troisième leçon nous montre l’arrivée du vainqueur. L’Église se tient comme une vigie à son poste d’observation :

Monte sur une haute montagne, messager de Sion,

Annonce aux villes de Juda : Voici votre Dieu,

Voici que le Seigneur Dieu viendra comme un vainqueur,

Comme un pasteur il fera paître son troupeau,

Dans ses bras il recueillera les agneaux

Et les prendra sur son sein... ”

Dans la quatrième leçon, le Christ nous apparaît comme le divin Cyrus qui délivrera l’humanité de la captivité de Babylone où la retient le démon : “ Je suis le Seigneur et il n’yen a pas d’autre, celui qui a créé la lumière et les ténèbres, qui procure la paix et le malheur... ”

Cieux, répandez votre rosée, nuées, faites pleuvoir le Juste,

Que la terre s’ouvre et fasse germer le Sauveur. ”

Entre les leçons sont insérées des chants et des prières qui continuent les pensées de l’Avent. Le psaume 18 nous montre le divin soleil de justice quittant sa tente nocturne (Marie).

Au soleil il a préparé une tente,

Il s’avance comme un Époux qui quitte la chambre nuptiale. ”

Les oraisons sont d’une grande beauté et expriment d’abord notre besoin de Rédemption, puis le bonheur attendu de la visite divine. La plus remarquable est la seconde : “ Depuis longtemps, nous soupirons sous le joug du péché et de l’esclavage, puissions-nous par la nouvelle naissance de ton Fils que nous attendons être délivrés...” C’est la première fois que, dans une oraison, il est question de la naissance du Christ.

La cinquième leçon nous fait déjà saluer l’heure matinale : on nous parle des trois enfants dans la fournaise (cette leçon est la cinquième leçon de tous les samedis de Quatre-Temps, elle constituait les Laudes dans l’antique vigile). L’Église primitive voyait, dans l’histoire de ces héroïques jeunes gens, le symbole de la résurrection et du martyre.

L’Epître nous renseigne sur le retour du Christ. D’abord doit venir l’Antéchrist qui accomplira le mystère d’iniquité. Ce seront les ténèbres. Puis viendra l’illumination de l’avènement du Seigneur. (Cette Épître constitue un vestige de l’ancienne conception de ce temps. Alors l’attente du second avènement était l’objet principal de la fête). Avec le lever du soleil la vigile se terminait, on était au dimanche matin.

A l’Évangile, nous entendons un joyeux message : le Précurseur est arrivé, le Roi n’est pas loin. “ Toute chair verra le salut de Dieu.” Le drame de l’avant-messe est terminé ; dans le Sacrifice, il deviendra une réalité : nos ténèbres seront illuminées par la grâce de la visite divine. Dans le Sacrifice, Noël est déjà arrivé (Offertoire) :

Réjouis-toi, fille de Sion, exulte, fille de Jérusalem.

Voici que ton Roi vient vers toi, le Saint, le Sauveur,

Il parle pacifiquement aux nations, son empire s’étend de la mer à la mer...

Oui, je viens et demeure au milieu de toi, dit le Seigneur. ”

Comme un géant il s’élance sur la voie de la Rédemption, le divin Soleil ; le soleil du dimanche, le soleil de Noël est levé (Communion). La Postcommunion contient une vérité importante, c’est que les “ mystères de Noël ” ont été institués pour assurer notre renaissance spirituelle.

2. Chants de l’Avent. — Nous avons vu qu’aucune époque de l’année n’est aussi riche en chants joyeux que l’Avent. Avec une fécondité inépuisable, l’Église produit des antiennes et des répons de la plus belle poésie.

Un rameau s’élève de la racine de Jessé

Et une fleur jaillit de sa racine ;

La justice sera la ceinture de ses flancs

Et la vérité la sangle de ses reins.

Et sur lui reposera l’Esprit du Seigneur :

L’Esprit de sagesse et d’intelligence,

L’Esprit de conseil et de force. ” (Répons.)

Viens, Seigneur, ne tarde pas,

Remets les péchés de ton peuple

Et ramène ceux qui sont dispersés, dans leur terre,

Déploie ta puissance, Seigneur et viens

Pour nous apporter le salut. ” (Répons.)

Au lever du soleil, nous sommes transportés au moment de l’Annonciation. “ Comment cela se fera-t-il, ange de Dieu, car je ne connais pas d’homme. Écoute, Vierge Marie : Le Saint-Esprit viendra sur toi et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre. ”

Pendant le jour, nous chantons de nouveau des antiennes propres qui sont autant d’oraisons jaculatoires.

A Prime : “ Voyez comme il est glorieux, celui qui vient pour racheter les nations. ”

A Tierce : “ Puissant est son empire et sa paix n’aura pas de fin. ”

A Sexte : “ Je suis le Seigneur, j’approche et j’apporte

ma justice, elle ne restera pas éloignée, mon salut ne tardera pas. ”

A None : “ Sois prêt, Israël à aller au-devant du Seigneur, car il vient. ”

Aux Vêpres, nous chantons encore pour chaque psaume une nouvelle antienne : “ Sonnez de la trompette à Sion, car proche est le jour du Seigneur, voici qu’il viendra pour nous sauver, Alleluia, Alleluia. ”

Ta Parole toute-puissante, Seigneur, viendra, de son trône royal, Alleluia. ”

QUATRIÈME SEMAINE DE L’AVENT

MAINTENANT TOUT EST ACCOMPLI

La quatrième semaine de l’Avent constitue une montée dans l’Avent, mais non un nouveau stade ; ce n’est que le sommaire de toutes les préparations de l’Avent. Le plus souvent, cette semaine est très courte, c’est déjà la semaine de Noël et des fêtes qui l’accompagnent.

QUATRIÈME DIMANCHE

Index

DE L’AVENT

STATION AUX DOUZE APOTRES

Toute chair verra le salut de Dieu

1. La messe (Rorate coeli). — Ce dimanche était, dans les temps antiques, un dimanche sans liturgie, car la célébration des Quatre-Temps se prolongeait jusqu’au dimanche matin. Ce n’est que lorsque la messe des Quatre-Temps fut transférée au samedi matin qu’on composa, pour le dimanche, un formulaire spécial de messe en rassemblant des textes empruntés aux messes des Quatre-Temps (chants du mercredi, Évangile du samedi). La messe d’aujourd’hui se présente ainsi comme une célébration des Quatre-Temps renvoyée au dimanche pour les fidèles qui n’ont pas pu venir à l’Église pendant la semaine. C’est donc une célébration des Quatre-Temps pour la communauté réunie : nous jetons un regard en arrière sur le trimestre écoulé, dans des sentiments de reconnaissance et de pénitence. C’est le renouvellement de l’alliance pour le trimestre qui va commencer.

Dans l’Epître, on nous rappelle l’ordination des prêtres. Car c’est dans la nuit de ce jour que l’ancienne Église procédait de préférence aux ordinations. Combien de prêtres et d’évêques zélés ont pu recevoir en ce jour les saints Ordres ! Remercions-en Dieu, en ce jour, et prions pour les vocations.

La messe, dans sa composition actuelle, est un sommaire de tout l’Avent. Une fois encore se présentent à nos yeux les trois prédicateurs de l’Avent et nous entendons les paroles typiques qui, pendant tout l’Avent, ont si souvent retenti à nos oreilles. Isaïe répète son “ Cieux répandez votre rosée ”, Jean le Baptiste nous dit encore “ Préparez les voies ”, et nous offrons à Marie la “ salutation angélique ”.

Le Prophète Isaïe se tient au seuil (Intr.). C’est la place qui lui convient, car il appartient précisément à l’Ancienne Alliance. Nous entendons encore de sa bouche l’immortel appel de l’Avent : “ Cieux répandez votre rosée et faites pleuvoir le Juste... ”. Ce fut le premier stade et l’impression fondamentale de l’Avent. Nous entrons dans la nef de la maison de Dieu. Nous trouvons devant nous le second prédicateur de l’Avent, le Baptiste. Il marche devant le Seigneur, il conduit l’Époux (le Christ) à son Épouse (l’Église). Il est aussi celui qui crie dans le désert : “ Préparez les voies du Seigneur. ” Dans la Messe, c’est lui qui domine l’office de la lecture. C’est. son véritable rôle, car sa prédication de pénitence est la grande tâche morale de l’Avent.

Au commencement de l’Offrande, Marie nous conduit enfin à l’autel. Elle se tient déjà dans le sanctuaire. Elle aussi est à la place qui lui convient. Isaïe en effet est Prophète, il se tient encore devant des portes fermées, sur le seuil ; le Baptiste est prédicateur de pénitence et sa place est sur l’ambon de l’avant-messe. Mais Marie incorpore la grâce ; elle nous conduit vers l’autel, sur lequel le Rédempteur descend comme il descendit dans le sein de la Vierge quand l’ange vint la saluer. C’est là le plus haut point de l’Avent ; ce sont les préliminaires de la fête de Noël. Dans le saint sacrifice et dans la communion, l’Église et l’âme sont assimilées mystique ment à la Mère de Dieu, nous devenons nous aussi des porteurs du Christ, qui doit spirituellement être enfanté en nous le jour de Noël. Ces trois figures de l’Avent nous enseignent aussi finalement le sens profond de la liturgie de la messe et du bréviaire : Isaïe représente les matines de nuit, Jean l’avant-messe, Marie le sacrifice de la messe).

2. Lecture de l’Avent. — Aujourd’hui le Prophète chante un chant enthousiaste au sujet du nouveau royaume de Dieu (XXXV, 1-10).

Ainsi parle le Seigneur :

On verra se réjouir le désert et la solitude,

Le steppe tressaillira et fleurira comme le lis.

Il aura une végétation abondante et tressaillira de joie et d’allégresse.

La gloire du Liban lui sera accordée,

La magnificence du Carmel et de Saron.

Ils verront la gloire du Seigneur, La splendeur de notre Dieu.

Fortifiez les mains défaillantes

Et raffermissez les genoux chancelants.

Dites aux pusillanimes :

Consolez-vous et ne craignez point, car voici

Que votre Dieu vient pour accomplir sa vengeance.

Dieu vient lui-même et vous sauvera ;

Alors s’ouvriront les yeux des aveugles,

Les oreilles des sourds ne seront plus fermées.

Alors le paralytique bondira comme un cerf

Et la langue du muet se déliera.

Dans le désert jailliront les eaux

Et les ruisseaux arroseront le steppe.

La terre de la soif deviendra un lac

Et le sol altéré deviendra une source d’eau...

Il y aura là une route, une voie,

On l’appellera la voie sainte.

Nul impur n’y passera

Et les pécheurs n’y erreront pas.

Là point de lion, aucune bête féroce n’y mettra les pieds.

Les délivrés seuls y marcheront.

Ceux que le Seigneur a délivrés rentreront

Et s’en iront vers Sion avec des chants de louange.

La joie éternelle couronnera leur tête.

La joie et l’allégresse seront à eux,

Le chagrin et le gémissement seront loin. ”

Voilà certes un merveilleux message d’Avent.

3. Chants de l’Avent. — Le bréviaire est encore riche de merveilleux répons :

Sonnez de la trompette dans Sion,

Criez aux nations, annoncez bien haut aux peuples :

Voici que Dieu notre Sauveur va venir,

Annoncez-le et faites-le entendre, parler et crier :

Voici que Dieu notre Sauveur va venir. ” (Répons.)

Voici qu’est arrivée la plénitude des temps

Où Dieu a envoyé son Fils sur la terre,

Né d’une Vierge, placé sous la loi,

Afin de racheter ceux qui étaient sous la loi.

A cause de la grande charité dont Dieu nous a aimés

Il a envoyé son Fils sous la forme de la chair de péché. (Répons.)

Il nous est né un petit enfant

Et il sera appelé Dieu le Fort ;

Il prendra place sur le trône de son père David et il régnera ;

Sa puissance repose sur ses épaules,

En lui seront bénis tous les peuples de la terre,

Tous les Gentils le serviront. ” (Répons.)

Au lever du soleil, nous entendons tinter la cloche de l’Ave : “ Salut, Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi, tu es bénie entre toutes les femmes, Alleluia. ”

LUNDI APRÈS LE 4ème DIMANCHE

Index

DE L’AVENT

Le sceptre ne sortira pas de Juda

1. Lecture de l’Avent. — Le prophète nous adresse aujourd’hui une exhortation. (Chap. LVIII) :

Donne ton pain à celui qui a faim

Et mène les pauvres et ceux qui sont sans abri dans ta maison :

Si tu vois quelqu’un nu, habille-le

Et ne méprise pas ta chair.

Alors ta lumière se lèvera comme l’aurore

Et tu ne tarderas pas à trouver la guérison ;

Ta justice marchera devant toi

Et la gloire du Seigneur t’accompagnera.

Appelle alors et le Seigneur t’écoutera,

Crie et il dira : Me voici.

Si tu donnes abondamment à ceux qui ont faim

Et si tu consoles les affligés

Ta lumière brillera dans l’obscurité

Et ta puissance sera comme la clarté de midi.

Le Seigneur t’accordera pour toujours le repos

Et remplira ton âme de clarté

Et affermira ta force.

Tu seras comme un jardin bien arrosé

Et comme une source intarissable.

Par toi les antiques ruines seront de nouveau bâties

Et tu poseras des fondements pour des générations futures.

On t’appellera le réparateur des brèches,

Celui qui donne la sécurité aux chemins.

Si, le jour du sabbat, tu retiens ton pied

Et ne fais pas tes propres affaires en mon saint jour ;

Si tu appelles le sabbat tes délices,

Un jour saint et consacré au Seigneur

Et si tu le considères comme sacré, en ne faisant point de chemin,

En ne te livrant pas à tes propres affaires

Et à de vains discours ;

Alors tu auras de la joie dans le Seigneur

Et je t’élèverai au-dessus des hauteurs de la terre

Et je te ferai jouir de l’héritage de Jacob ton père.

Car la bouche du Seigneur a parlé. ”

2. Chants de l’Avent. — Les chants de l’Église expriment l’attente et l’espérance. Déjà nous voyons en esprit le Seigneur comme Roi et comme Enfant :

Le sceptre ne sortira pas de Juda,

Ni la puissance de sa race,

Jusqu’à ce que vienne celui qui doit être envoyé

Et que les peuples espèrent.

Ses yeux sont plus beaux que le vin noir

Et ses dents plus blanches que le lait. ” (Rép.)

Le Précurseur annonce le lever du divin Soleil, c’est pourquoi la lune (lui-même et l’Ancien Testament) doit pâlir :

Je dois diminuer et lui doit croître,

Celui qui vient après moi a existé avant moi

Et je ne suis pas digne de délier les courroies de sa chaussure.

Je vous baptise dans l’eau, mais lui vous baptisera dans le Saint-Esprit. ” (Rép.)

Au coucher du soleil, nous entendons la voix du Précurseur : “ Ainsi parle le Seigneur : faites pénitence, le royaume des cieux est proche. ”

3. Le Symbole de l’arbre de Noël. — C’est vraiment un merveilleux usage que de faire des cadeaux de Noël aux enfants, mais à condition de leur faire remarquer : C’est le petit Jésus qui apporte les cadeaux. La coutume populaire a réalisé ici un chef-d’œuvre. Elle a fait couler un fleuve de joie dans nos pays chrétiens. Pendant des semaines, les enfants ne parlent que de la venue du petit Jésus et de ses cadeaux. Celui qui est né et a grandi dans une famille heureuse, sait que Noël est, à proprement parler, la fête de la famille. Tout l’amour, toute l’intimité, tout le dévouement, bref, tout ce qu’on ne montre pas dans la rudesse des jours ordinaires, éclate alors autour de l’arbre de Noël. Combien sont touchantes les surprises qu’on s’est mutuellement réservées. Dès qu’il y a des enfants dans la famille, la fête est un débordement de joie. C’est en vain que les adversaires cherchent quelque chose pour remplacer notre usage chrétien ; ils ne trouvent rien. Les Juifs même et les incroyants l’imitent pour leurs enfants. Pourtant nous devrions voir plus loin et bien comprendre l’importance de cet usage. Que nous disent les cadeaux de Noël ? Que doit-être l’arbre de Noël ? Image et symbole de ce que nous célébrons à Noël en tant que chrétiens. Que fêtons-nous donc ? C’est un grand message de joie que nous célébrons dans notre fête. Voici quel est ce message : Sur cette misérable terre est venu le Sauveur, le Rédempteur et il veut nous rendre heureux. Tel est le contenu du joyeux message. C’est pourquoi nous fêtons l’arrivée du Christ dans le monde, sa naissance à Bethléem. Noël est une fête de Rédemption. Nous n’avons qu’à prendre en main les textes liturgiques ; sans cesse l’Église chante et dit “ qu’aujourd’hui la véritable paix est descendue du ciel ”. L’Église voit donc déjà, dans la naissance du Christ, l’accomplissement de toute la Rédemption. Dans le Christ tout bien nous a été donné ; en lui nous avons reçu de Dieu le plus grand don ; tout ce que notre foi nous offre comme grand et désirable, nous l’avons reçu dans le Christ : la filiation divine, l’Église, l’Eucharistie, le ciel...On dirait que notre Mère l’Église veut répandre de nouveau devant nous, en ce jour de Noël, toute l’abondance des grâces du chrétien. Maintenant nous comprenons le symbole de l’arbre de Noël. C’est pourquoi nous nous faisons des cadeaux, nous essayons de nous faire plaisir, nous nous comblons de gâteries, nous voulons prouver notre affection. Tout cela est l’image du plus grand des dons que le ciel pouvait nous accorder, le Christ. Et comme le Christ lui-même est l’amour, la joie, la paix, chacun de nous veut être l’Enfant Jésus. Nos cadeaux viennent du petit Jésus. Y a-t-il un plus beau spectacle que l’arbre de Noël illuminé et chargé de cadeaux et, tout autour, les yeux rayonnants de joie des enfants ? C’est là une image du christianisme. Toute lumière, tout bonheur, toute joie pure vient de là Nous pouvons l’apprendre des enfants. Nous pouvons appliquer là aussi la parole du Christ : “ Si vous ne devenez pas comme des petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. ” Les enfants ne se tiennent plus d’impatience jusqu’à la venue de Noël, ils sont d’une joie débordante quand Noël est arrivé. Faisons comme eux. L’enfant est pour nous un modèle de l’attente pendant l’Avent, un modèle de la joie de Noël. Si nous avons un enfant dans notre entourage, considérons-le souvent pendant ces jours ; examinons et faisons-en le symbole de notre attente du Christ, de notre joie dans le Christ.

MARDI APRÈS LE 4ème DIMANCHE

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DE L’AVENT

Un enfant naîtra pour vous

1. Lecture de l’Avent. — Pendant l’Office de nuit, nous entendons le Prophète Isaïe. Il fait paraître le Messie devant nous. Ce passage est sanctifié par l’interprétation de Notre Seigneur lui-même (XVI, 1-8) :

L’Esprit du Seigneur est sur moi,

Parce qu’il m’a oint ;

Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux malheureux

Guérir ceux qui ont le cœur brisé,

Annoncer aux captifs la liberté,

Aux enchaînés la délivrance ;

Pour publier une année de grâce du Seigneur,

Un jour de repos de notre Dieu

Et pour consoler tous ceux qui pleurent,

Pour apporter aux affligés de Sion, au lieu de cendre, une couronne,

De l’huile de joie au lieu de l’habit de deuil.

On les appellera désormais “ chênes de la justice.,

Plantation du Seigneur qui le glorifie ”.

Ils reconstruiront les ruines antiques

Et ils rétabliront les décombres des âges passés.

Ils restaureront les villes abandonnées

Qui de génération en génération ont été ruinées.

Les étrangers vous serviront et feront paître vos troupeaux ;

Les fils des étrangers seront vos laboureurs et vos vignerons.

Mais vous, on vous appellera prêtres du Seigneur,

On vous nommera serviteurs de notre Dieu.

Vous jouirez des richesses des nations et vous serez maîtres de leurs trésors... ”

(Maintenant la parole est à l’Église) “ Je me réjouirai dans le Seigneur

Et mon cœur tressaillira dans mon Dieu

Parce qu’il m’a revêtue du vêtement du salut

Et m’a couverte du manteau de la justice,

Comme un fiancé qui se pare de fleurs,

Comme une fiancée qui se pare de joyaux. ”

Nous sentons à cette lecture que Noël est proche.

2. Chants de l’Avent. – Les chants respirent déjà la joie.

Il nous naîtra un petit enfant et il sera appelé le Dieu fort,

Il siégera sur le trône de David son père et règnera,

Sa puissance reposera sur ses épaules ;

En lui seront bénis tous les peuples de la terre,

Toutes les nations le serviront. ” (Répons)

Vierge d’Israël, reviens dans ta ville,

Pourquoi détournes-tu tristement ton visage ?

Tu enfanteras le Sauveur, le Seigneur,

Une nouvelle oblation pour la terre.

Les hommes se tourneront vers la rédemption.

D’un amour éternel je t’ai aimée

Et c’est pourquoi, avec pitié, je t’ai attirée à moi.” (Répons)

Au coucher du soleil, nous crions vers Dieu : “ Lève-toi, lève-toi, enveloppe-toi de force, bras du Seigneur. ”

MERCREDI APRÈS LE 4ème DIMANCHE

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DE L’AVENT

Voici que va venir ton Sauveur

1. Lecture de l’Avent. — Dans les jours précédents, le Prophète a donné à ses prédictions un caractère de plus en plus précis et joyeux. Aujourd’hui il nous fait une peinture vivante de Jérusalem, l’Épouse de Dieu. (Chap. LXII).

A cause de Sion, je ne me tairai point,

A cause de Jérusalem, je ne resterai pas silencieux,

Jusqu’à ce que son Juste se lève comme l’éclat du soleil.

Que son Sauveur brille comme un flambeau.

Les nations verront ton Juste,

Les rois ton glorieux ;

On le nommera de son nom nouveau,

Que la bouche du Seigneur lui-même prononcera.

Et tu seras une couronne d’honneur dans la main du Seigneur,

Un diadème royal dans la main de ton Dieu.

On ne te nommera plus Délaissée

Et on n’appellera plus ta terre : Désolation ;

On t’appellera : Épouse de Dieu, et ta terre :

Bien habitée. Car en toi Dieu a mis sa complaisance

Et ta terre sera habitée ;

Comme le fiancé recherche la fiancée,

Ainsi te recherche ton Créateur,

Comme le fiancé fait sa joie de sa fiancée.

Ainsi Dieu se réjouit en toi.

Jérusalem, sur tes murs, j’établis des sentinelles :

Tout le jour et toute la nuit, elles ne se tairont pas.

Vous qui faites souvenir de Dieu, ne vous taisez pas,

N’ayez pas de repos jusqu’à ce qu’il ait rétabli Jérusalem,

Jusqu’à ce qu’il en ait fait un objet de jubilation pour le monde.

Passez, passez par les portes,

Aplanissez le chemin du peuple,

Frayez la route, ôtez-en les pierres,

Élevez un étendard pour les peuples.

Voici que le Seigneur fait publier jusqu’aux extrémités de la terre :

Dites à la fille de Sion : Voici que va venir ton Sauveur,

Sa récompense est avec lui et son œuvre le précède.

Et on les appellera : peuple saint, les rachetés du Seigneur ;

Et toi, on t’appellera :

La Recherchée. celle qui n’est jamais plus abandonnée. ”

2. Chants de l’Avent. — La certitude de la venue du Sauveur est de plus en plus ferme. Dieu accomplit le serment qu’il a fait après le déluge :

Je l’ai juré, dit le Seigneur,

Je ne veux plus m’irriter contre la terre,

Les montagnes et les collines recevront ma justice

Et il y aura une alliance de paix à Jérusalem,

Proche est mon salut, il vient,

Et ma justice sera manifeste. ” (Répons)

Nous voyons déjà le Sauveur devant nous :

Voyez comme il est grand, celui qui vient pour sauver les nations,

Il est le Roi de Justice dont la génération est éternelle,

Il entre pour nous comme précurseur, l’Agneau sans tache,

Devenu grand-prêtre selon l’ordre de Melchisédech pour l’éternité. ”) (Répons)

Au lever du soleil, le Sauveur parle lui-même : “ Je placerai dans Sion mon salut et dans Jérusalem ma gloire. ”

JEUDI APRÈS LE 4ème DIMANCHE

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DE L’AVENT

Ah ! si tu déchirais les cieux !

1. Lecture de l’Avent. — Le Prophète nous fait adresser au ciel une prière fervente. (Isaïe LXIV).

Ah ! si tu déchirais les cieux et descendais,

Alors, devant toi s’écouleraient les montagnes !...

Ah ! si tu venais comme producteur de merveilles que nous n’attendions pas !

Si tu descendais pour que tout ce qui est élevé succombe !

Jamais, de toute éternité, on ne l’a entendu et l’oreille ne l’a point perçu,

Aucun œil, ô Dieu, ne l’a vu en dehors de toi,

Ce que tu prépares à ceux qui t’attendent”.

Une fois encore, exprimons tout notre besoin de Rédemption avec les paroles des Juifs captifs :

Et maintenant, Seigneur, tu es notre Père ;

Nous ne sommes qu’argile et tu es le potier.

Nous sommes tous l’œuvre de tes mains.

C’est pourquoi ne t’irrite pas contre nous, Seigneur, c’est assez ;

Ne pense plus à notre faute.

Regarde donc, nous sommes tous ton peuple.

Ta ville sainte est devenue un désert,

Sion est une solitude,

Jérusalem est abandonnée.

La maison qui était pour nous sainte et glorieuse,

Dans laquelle nos pères t’ont loué,

Est devenue la proie des flammes

Et tout ce qui nous était cher

Est tombé en ruine. ”

2. Chants de l’Avent :

Il Sonnez de la trompette dans Sion,

Appelez les nations et annoncez bien haut aux peuples :

Voici que Dieu notre Sauveur va venir,

Annoncez-le et faites-le entendre, parlez et criez :

Voici que Dieu notre Sauveur va venir” (Rép.).

Nous voyons déjà le Seigneur venir comme Roi et en même temps comme enfant :

Le sceptre ne sortira pas de Juda

Et la puissance ne s’éloignera pas de sa tribu,

Jusqu’à ce que vienne celui qui est envoyé,

Celui que les peuples attendent.

Ses yeux sont plus beaux que du vin noir,

Ses dents sont plus blanches que le lait” (Rép.).

L’Église nous console : “ Consolez-vous, consolez-vous mon peuple, dit le Seigneur notre Dieu ” (Ant. Bened.).

Le Seigneur, notre législateur, le Seigneur, notre Roi, va venir lui-même et nous racheter” (Ant. Laudes).

VENDREDI APRÈS LE 4ème DIMANCHE

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DE L’AVENT

Réjouis-toi, Jérusalem

1. Lecture de l’Avent. — Notre lecture d’aujourd’hui est extraite du dernier chapitre d’Isaïe, c’est la dernière lecture de l’Avent (Chap. LXVI, 10 sq.).

Réjouis-toi Jérusalem, rassemblez-vous, vous tous qui l’aimez ;

Tressaillez d’allégresse. vous tous qui avez pleuré sur elle,

Soyez rassasiés à ses mamelles, vous qui êtes allaités,

Et buvez, avec délices, à la source de sa gloire.

Ainsi par le Seigneur : En vérité, je ferai couler sur elle la paix comme un fleuve

Et, comme un torrent qui déborde, la gloire des nations.

Vous serez allaités et portés sur le sein,

Caressés sur les genoux.

Comme un enfant que sa mère caresse,

C’est ainsi que je veux te consoler ;

Oui, dans Jérusalem vous serez consolés.

Vous le verrez et votre cœur se réjouira

Et vos os reprendront vigueur comme l’herbe.

En faveur de ses serviteurs se manifestera la main du Seigneur

Et son courroux contre ses ennemis.

Car voici que le Seigneur viendra comme dans le feu

Et semblable à un ouragan sera son char.

Le Prophète parle alors de la conversion des païens :

Je me prépare à rassembler toutes les nations

Afin qu’elles viennent et voient ma gloire.

Et je ferai parmi elles un signe

Et j’enverrai quelques-uns parmi elles, qui seront de reste, vers les gentils

Qui n’ont pas encore entendu parler de moi,

Qui n’ont pas encore vu ma gloire.

Et ils publieront ma gloire parmi les nations.

Alors tous vos frères de tous les peuples apporteront des présents pour Dieu,

Sur des chevaux, sur des chars, sur des chariots, sur des mulets et des dromadaires, montant vers la montagne sainte de Jérusalem

Et j’en prendrai même quelques-uns parmi eux, comme prêtres et lévites, dit le Seigneur.

Car comme les nouveaux cieux et la nouvelle terre

Que je vais créer, subsisteront devant moi, dit le Seigneur.

Ainsi subsisteront votre postérité et votre nom.

Et il arrivera qu’à chaque nouvelle lune Et à chaque sabbat toute chair viendra

Et se prosternera devant ma face, dit le Seigneur. ”

2. Chants de l’Avent. — Ces chants respirent l’espérance et la joie.

Un petit Enfant nous naîtra et il sera appelé le Dieu fort.

Il siégera sur le trône de David son père et il règnera.

Sa puissance repose sur ses épaules,

En Lui seront bénis tous les peuples de la terre,

Toutes les nations le serviront. ” (Répons)

Voici qu’est arrivée la plénitude des temps :

Où Dieu a envoyé son Fils sur la terre,

Né de la Vierge, placé sous la Loi

Afin de délivrer ceux qui étaient sous la Loi.

A cause du grand amour dont Dieu nous a aimés

Il a envoyé son Fils sous la forme de la chair pécheresse. ” (Répons).

Dieu vient du Liban, son éclat sera comme celui du soleil,

Je regarde vers le Seigneur et j’espère en Dieu mon Sauveur” (Ant. Laud.).

FÊTES A DATE FIXE

29 NOVEMBRE

Vigile de Saint André Apôtre ;

Saint Saturnin, martyr ;

Le premier disciple du Seigneur.

1. Vigile d’Apôtre. — Les fêtes d’Apôtres sont des fêtes de Rédemption. Elles sont réparties dans l’année liturgique et ressemblent aux blocs puissants qui supportent les bases d’un édifice. “ Vous êtes les concitoyens des saints, membres de la maison de Dieu, bâtis sur la pierre de fondation des Apôtres et des Prophètes ; le Christ est la pierre suprême d’angle ” (Vêp. Ap.).

Il conviendrait d’apporter plus de solennité à la célébration des fêtes d’Apôtres. Autrefois, elles étaient des fêtes d’obligation. Il y aurait peut-être une manière sensible de signaler chaque fête d’Apôtre, ce serait d’allumer, pendant la cérémonie, douze cierges, en l’honneur des douze Apôtres.

Les fêtes d’Apôtres ont une Vigile, ce qui est toujours un signe de l’antiquité d’une fête. Autrefois, la Vigile consistait à veiller et à prier pendant toute la nuit. Plus tard, on la reporta au jour précédent. Pour l’ami de la liturgie, la vigile devrait être un jour sérieux de pénitence, une mise en ordre de la demeure de notre cœur, avant la fête. Sans doute la pensée d’une fête d’Apôtre éveille en nous la certitude joyeuse de la Rédemption, mais au jour de la Vigile, nous devons éveiller en nous le besoin de la Rédemption. Elle est le Kyrie qui prépare le Gloria de la fête. De la sorte, la Vigile peut trouver sa place dans l’Avent.

2. Saint Saturnin. — Jour de mort : 20 novembre 300. Tombeau : à Rome. Vie : Le martyrologe nous apprend : “ A Rome, via Salaria, mort des saints martyrs Saturnin, vieillard et Sisinius, diacre ; sous l’empereur Maximien, ils souffrirent longtemps en prison, puis le préfet de la ville les fit étendre sur le chevalet pour disloquer leurs membres, il les fit frapper de bâtons et de scorpions et les fit enfin brûler avec des torches. Après les avoir fait détacher du chevalet, il leur fit trancher la tête. ”

Pratique. — “ Dieu est admirable dans ses saints ”, s’écrie l’Église quand elle considère l’héroïsme de ses martyrs. La vertu des saints est comme un reflet de la Dl grandeur et de la beauté de Dieu. Si la contemplation de la magnificence de la nature nous porte à admirer Dieu, à plus forte raison, le spectacle de la vertu des saints doit nous y entraîner.

3. La messe (Dominus secus). — La liturgie de la messe est d’une grande délicatesse et tout entière dominée par le premier appel de l’Apôtre saint André. Dès notre entrée dans l’église, le regard de Notre Seigneur, présent sur l’autel, s’abaisse sur nous qui approchons, conduits par l’Apôtre saint André, et sa voix nous dit avec douceur : “ Venez à ma suite, venite post me ”. La Collecte demande le pardon de nos fautes et la délivrance des dangers. La leçon (du commun des Vigiles d’Apôtres) compare l’Apôtre avec Moïse le bien-aimé de Dieu. Lui aussi est la terreur des ennemis de Dieu, lui aussi est glorifié devant les rois. Sa fidélité et sa patience ont fait de lui un saint et Dieu le couronne de la couronne de gloire. A l’Évangile, nous sommes témoins de l’heureuse après-midi qu’André et Jean passèrent pour la première fois avec Jésus “ là où il habitait ” près du Jourdain. Le récit est tout frémissant encore de l’heureux souvenir que le disciple bien aimé a gardé de sa première rencontre avec son Maître adoré. Mais nous ne sommes pas seulement témoins, nous vivons nous aussi, mystiquement, ce sublime moment. A la Communion, nous nous écrions : “ Nous avons trouvé le Messie. ” Et André nous conduit (nous ses frères) à Jésus. Ce bel exemple nous montre que les chants de la messe (Intr., Comm.) ne peuvent se comprendre qu’en union avec l’Action de la messe et l’Évangile. Si nous allons aujourd’hui à la messe, le Seigneur nous invite à le suivre ; à l’Offertoire, nous avons la certitude joyeuse d’avoir trouvé le Sauveur. Dans l’appel comme dans la certitude, nous sommes en compagnie d’André qui est aujourd’hui notre guide.

30 NOVEMBRE

Saint André, Apôtre (double de 2e cl.)

Salut, ô Croix, reçois le disciple de Celui qui fut suspendu à ton bois.

C’est la première fête d’Apôtre dans la nouvelle année liturgique. Une fête d’Apôtre est indépendante du temps ecclésiastique. Aujourd’hui, particulièrement, il est assez difficile d’harmoniser la fête de saint André avec le temps de l’Avent. Il faut cependant s’habituer à cette dualité d’impression : nous attendons le Sauveur et nous voulons, dans la ferveur de notre charité, porter la Croix avec saint André. C’est qu’il s’agit de toute l’œuvre de notre salut dont nous devons, chaque jour, recevoir les fruits en nous.

1. Saint André. — Jour de mort : 30 novembre (année inconnue). Tombeau : église de Saint-André à Amalfi, son chef est à Saint-Pierre de Rome. Image : on le représente avec une croix en X, dite croix de Saint-André. Vie. André, frère de l’Apôtre Pierre, fut, avec Jean, le premier disciple qui suivit le Seigneur. Sa première rencontre avec Jésus est décrite avec une beauté touchante dans l’Évangile (Jean. J, 35-42). Il n’appartient sans doute pas au cercle plus intime, comme Pierre, Jacques et Jean, et les évangiles ne racontent rien d’extraordinaire à son sujet, mais la tradition vante son grand amour de la Croix et du Sauveur, et l’Église l’honore particulièrement tant à la messe (son nom paraît en deux endroits : au Canon et au Libera nos après le Pater) que dans le bréviaire. Son Office est un des plus délicats de la liturgie. Son martyre (légendaire) est très touchant : Le juge païen le somme de sacrifier aux idoles. Alors André dit ; Je sacrifie tous les jours au Dieu tout-puissant, l’unique et le vrai, je ne lui offre pas la chair des taureaux ou le sang des boucs, mais l’Agneau immaculé sur l’Autel. Ensuite, tout le peuple des fidèles mange sa chair et cependant l’Agneau reste intact et vivant. ” Enflammé de colère, Aegeas ordonna de le jeter en prison. Le peuple l’aurait délivré sans peine, mais André calma lui-même la multitude en la priant instamment de ne pas l’empêcher de courir vers la couronne du martyre. Arrivé au lieu du martyre, André s’écria en apercevant la croix : “ O bonne Croix qui as reçu ta parure et ta beauté des membres du Christ ! O Croix longtemps désirée, fidèlement aimée, recherchée sans relâche et enfin accordée à l’âme qui te demandait, enlève-moi du milieu des hommes et mène moi à mon Maître afin qu’il me reçoive par toi comme il m’a racheté par toi. ” Il fut alors attaché à la croix. Pendant deux jours, il y resta suspendu vivant, et ne cessa d’annoncer la doctrine du Christ jusqu’à ce qu’il s’en allât vers celui dont il avait tant désiré imiter la mort.

Pratique. — Cette fête d’Apôtre est un jour d’amour du Christ et de la Croix. Que saint André, le docteur de l’Église, nous obtienne particulièrement la grâce de voir dans les croix que nous rencontrons, le Crucifié lui-même, de le saluer et de l’imiter.

2. La messe (Mihi autem). — Le point central est constitué par la vocation définitive de l’Apôtre sur les bords du lac de Génésareth (Évangile). C’est aussi l’action principale de la fête comme le montre si bien la Communion : “ Suivez-moi ”. Le Seigneur ainsi nous invite et nous laissons tout, pour le suivre à la Sainte Table. “ Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. ” Cette parole du Maître s’adresse d’abord aux prêtres. Ils sont envoyés par Dieu pour cette pêche, ce sont eux qui doivent jeter le filet de l’Église. Ils sont aussi les prédicateurs de la foi. Tel est aussi le contenu de l’Epître d’une interprétation un peu difficile : La foi est nécessaire pour tous, Juifs ou païens ; cependant la foi doit d’abord être annoncée par des messagers envoyés par Dieu. De ces messagers, saint André est un des plus importants. Les autres parties de la messe sont empruntées au commun. Dans l’Introït et l’Offertoire, nous louons les Apôtres comme des amis du Christ et des princes du royaume de Dieu ; au Graduel, nous les louons comme des princes, fils de l’Église Reine. — Les laïcs eux-mêmes peuvent écouter la parole du Maître adressée aux pêcheurs d’hommes. Eux aussi doivent avoir le zèle des âmes — par l’exemple, la charité, la fidélité au devoir et aussi par la parole.

3. La prière des Heures. — Dans ces chants, revient toujours l’idée de la Croix. “ Salut, Croix bien aimée, consacrée par le corps du Christ, ornée par ses membres sacrés comme par des pierres précieuses, ”

Ne permets pas, Seigneur, que moi, ton serviteur, je sois séparé de toi ; le temps est venu que mon corps soit confié à la terre et que tu me fasses aller vers toi. ”

Les nombreux chants historiques utilisent les Actes apocryphes.

Saint André priait, les yeux levés vers le ciel, et il criait à haute voix : C’est toi, mon Dieu, que j’ai vu, ne souffre pas qu’un juge impie m’enlève de. la Croix, car j’ai reconnu la vertu de la sainte Croix. Tu es mon Maître, ô Christ : je t’ai aimé, je t’ai reconnu, je t’ai confessé, écoute-moi seulement encore. dans cette dernière supplication ”

Sans doute les saints n’ont aucune relation avec l’Avent. Il nous est cependant certainement permis d’intégrer la célébration de leur fête dans la préparation de l’Avent. Puisque, dans l’esprit de la liturgie, nous devons nous identifier avec les saints du jour, marchons avec eux et en eux au-devant du Roi qui va venir.

2 DÉCEMBRE

Sainte Bibiane, vierge et martyre (semi-d.)

Une famille de martyrs.

1. Sainte Bibiane. Jour de mort : le 2 décembre 363. Tombeau : à Rome. Sa basilique sur l’Esquilin fut construite en 467 par le pape Simplicius et restaurée sous Urbain VIII en 1625. Sous le maître-autel, se trouvent les reliques de toute sa famille. Image : Dans la basilique romaine se trouve une statue de la sainte (un des chefs-d’œuvre du Bernin). Les fresques de cette église représentent sa vie et sa mort. Vie : La sainte appartenait à une famille de martyrs : son père, sa mère, ses sœurs donnèrent leur sang pour le Christ. Bibiane fut confiée à une femme de mauvaise vie, Rufine, qui avait mission de la corrompre. Mais la jeune fille, élevée, dès l’enfance, dans la loi chrétienne, et qui avait gardé intacte la fleur de son innocence, fut plus forte que cette femme perdue, elle échappa à tous les pièges et déjoua les artifices du juge. Celui-ci la fit dépouiller par les licteurs et attacher, les mains liées, à une colonne ; puis il ordonna de la battre avec des fouets munis de balles de plomb jusqu’à ce qu’elle rendît l’âme. Son saint corps, jeté aux chiens sur le forum de Taurus, ne subit aucun outrage, grâce à la protection divine. Sainte Bibiane est la patronne de Séville (Espagne) et elle est invoquée contre les maux de tête et l’épilepsie.

Pratique : Malgré la violence et la tentation, la protection de Dieu garda la vierge forte, qui avait confiance en lui. Elle fut le plus beau fleuron d’une famille de martyrs. L’Église aujourd’hui encore a besoin de familles dévouées, animées de l’esprit du-martyre.

2. La messe (Me expectaverunt). — Au Saint Sacrifice, la sainte sert de médiatrice entre le Christ et nous, elle nous fait entrer dans le Sacrifice du Christ. Avec Bibiane, nous offrons notre vie et notre mort, à l’Offertoire ; le Christ, Bibiane et nous, nous mourrons au moment de la consécration ; à la sainte communion, nous recevons quelque chose de la force de Sainte Bibiane dans la foi, une participation à sa couronne. — Aidons-nous maintenant du texte liturgique : nous entendons la martyre prier au milieu de ses souffrances : “ Les pécheurs me tendent des embûches... mais je garde ta loi dans mon cœur ” (Intr.). Dans sa vie, elle a réalisé cette parole (chez Rufine). Ne va-t-elle pas aussi se réaliser aujourd’hui pour moi ? (Remarquons que plusieurs messes commencent par “ moi ”, passent ensuite à “ nous ” et se terminent, à la Communion par “ toi ”. La leçon est l’action de grâces de notre sainte dans ses souffrances. Le psaume 45 convient aussi très bien à la vie de sainte Bibiane (Grad.). Dieu n’est pas ébranlé dans son âme. “ Le flot impétueux ” (du martyre) “ n’est que joie pour cette cité de Dieu, Dieu a sanctifié son tabernacle. ” Sainte Bibiane a trouvé le “ trésor ” sans prix, la “ perle précieuse ”, le royaume de Dieu, et pour le conquérir elle a donné tout bien terrestre, toute richesse, sa vie même (Ev.). Est-ce que je me sens capable de faire mon Offrande avec elle ?

3 DÉCEMBRE

Saint François Xavier

Saint François Xavier fut un prédicateur de l’Avent pour un grand nombre de païens.

Pouvons-nous établir une liaison entre le saint du jour et l’Avent ? Saint François Xavier fut Précurseur et Baptiste pour l’avènement du Christ, dans l’Inde et te Japon. Le grand missionnaire fut dans l’Extrême-Orient un nouveau saint Jean qui prépara les voies du Seigneur.

1. Saint François Xavier. — Jour de mort : 2 décembre 1552. Tombeau : Son corps repose depuis 1554 à Goa (Inde), le bras droit fut transporté en 1614 dans l’église de Gesù à Rome. Image : On le représente avec l’habit de jésuite, comme un homme grand et fort, avec une petite barbe. Vie : Le grand missionnaire naquit en 1506 au château de Xavier en Navarre ; en 1525 il fit la connaissance de saint Ignace et fut son second compagnon ; en 1542, il fut envoyé aux Indes ; de 1549 à 1551 son champ d’action fut le Japon. Il parcourut un nombre incalculable de régions, toujours à pied et souvent pieds nus. Il porta la foi au japon et dans six autres royaumes. Il convertit des centaines de mille d’infidèles au Christ ; dans l’Inde seule, il régénéra dans les eaux du baptême des princes puissants, des rois mêmes. Et malgré toutes les grandes œuvres qu’il avait accomplies pour Dieu, il était si humble, qu’il n’écrivait jamais qu’à genoux à son Supérieur saint Ignace. Dieu confirma son ardeur à répandre l’Évangile par des miracles nombreux et magnifiques. Il ressuscita quelques morts, entre autres quelqu’un qui avait été enterré la veille et qu’il ordonna de retirer du tombeau. Son unique passion était de gagner des âmes pour le ciel. “ Donnez-moi des âmes, ô mon Dieu ”, telle était sa prière continuelle.

Pratique : Saint François Xavier est le patron de la Propagation de la foi. La grande charge des missions que Dieu a confiée à son Église demande aussi notre concours. Je veux aujourd’hui prier pour les missions et consacrer à leur soutien une aumône proportionnée à mes ressources.

2. La messe (Loquebar). — La liturgie de la messe est toute pleine de la pensée des missions. A l’Introït, tous les peuples sont invités à remercier le Seigneur pour sa miséricorde et sa fidélité, pour la grâce de la conversion ; nous apprenons en même temps comment François se tient devant les rois pour confesser le Christ (l’Introït s’écarte de l’ancienne tradition : l’antienne et le verset appartiennent à deux psaumes différents). L’Épître est un peu difficile : elle indique l’importance du missionnaire. Sans un prédicateur envoyé par Dieu, les hommes ne peuvent pas recevoir la foi. C’est pourquoi Isaïe vante de là les messagers de la foi : “ Qu’ils sont beaux les pas de ceux qui annoncent la paix, qui apportent le joyeux message ! ”

Chez François Xavier s’est accomplie la parole du psaume : “ Dans tout l’univers a retenti leur cri et jusqu’aux extrémités de la terre s’est étendue leur prédication. ” A l’Évangile nous entendons l’ordre de mission donné par le Christ et, en même temps, la promesse des miracles qui s’est réalisée dans la vie de notre saint. La Communion : “ Bienheureux le serviteur que le maître, à son arrivée, trouvera vigilant ; en vérité, je vous le dis, il l’établira sur tous ses biens ” exprime la récompense de saint François, elle doit être la nôtre aussi, au moment où nous approchons de la Sainte Table. Pendant l’Avent cette antienne a un sens tout particulier. Durant sa vie saint François a apporté à tant d’âmes un accroissement de vie divine, serait-il possible qu’au jour de sa mort il ne nous obtienne pas une grâce plus abondante ?

4 DÉCEMBRE

Saint Pierre Chysologue, évêque et docteur de l’Église (double)

Sainte Barbe, vierge et martyre

Les docteurs de l’Église sont les précurseurs du Roi qui vient.

Saint Pierre Chrysologue. Jour de mort : 4 décembre 450. Tombeau : à Imola (province de Bologne) ; un de ses bras est gardé à Ravenne, sa ville épiscopale. Sa vie : Le saint devint en 433 évêque de Ravenne. Il reçut en raison de sa brillante éloquence le surnom de “ parleur d’or — Chrysologue ”. Quand il prêchait à son peuple, il y apportait tant de zèle que souvent la voix lui manquait, comme cela lui arriva dans l’homélie sur l’hémorrhoïsse. Ses auditeurs, les habitants de Ravenne, en étaient profondément touchés, ils pleuraient tant silencieusement et à haute voix, que le saint évêque ne pouvait, ensuite, que remercier le Seigneur de ce que son manque de voix avait contribué au salut des âmes et à l’accroissement de la charité. On connaît aussi sa formule célèbre : “ Celui qui veut rire avec le diable ne pourra pas se réjouir avec le Christ. ” Il nous a laissé des sermons que nous lisons au bréviaire. Sa ville épiscopale, Ravenne, conserve encore aujourd’hui des trésors de l’art chrétien et liturgique d’autrefois.

Pratique : Pour le développement de notre vie chrétienne et liturgique, il sera utile d’écouter avec amour et zèle les homélies et les sermons. Les auditeurs de saint Pierre Chrysologue nous donnent à ce sujet un exemple magnifique ; le saint lui-même nous invite à écouter la Parole de Dieu et nous montre la meilleure manière de la recevoir. Comment recherchons-nous et apprécions-nous tout ce qui annonce la parole de Dieu, dans la liturgie et en dehors de la liturgie ?

2. Sainte Barbe. — Jour de mort : (d’après le martyrologe) le 4 décembre vers 300. Tombeau : d’après la tradition, dans le diocèse de Torzello (Plaisance) ; d’après d’autres, à Kiew, dans le monastère de Saint-Michel. Image : On la représente avec un calice et une hostie, avec une tour munie de trois fenêtres, avec une épée. Sa vie (légendaire) : Barbe était originaire de Nicomédie, fille d’un païen distingué adonné à l’idolâtrie. A cause de sa beauté, son père l’enferma dans une tour afin de la soustraire aux recherches des hommes. Barbe fit le vœu de virginité et pendant l’absence de son père, elle fit ouvrir dans la tour une troisième fenêtre en l’honneur de la Sainte-Trinité. Elle orna aussi sa salle de bain du signe de la croix. A son retour. son père en fut si irrité qu’il tira l’épée et voulut la tuer ; elle ne fut sauvée que par un miracle. Conduite devant le juge, elle dut endurer de nombreux tourments ; enfin son propre père lui trancha la tête et fut puni par Dieu qui le fit mourir sur-le-champ. Sainte Barbe est honorée dans l’Orient et l’Occident comme la patronne des artilleurs et des mineurs. On l’invoque spécialement pour être préservé de la mort subite.

Pratique. : Nos pères faisaient souvent cette prière :

O sainte Barbe, Ô vierge pure,

Veille sur mon âme et mon corps,

De mon vivant, comme à la mort,

Protège-moi, je t’en conjure ;

Obtiens qu’à mes derniers moments,

Je reçoive les sacrements.

3. La messe. — La messe est tirée du commun des docteurs (In medio). “ Au milieu de l’Église Dieu ouvre la bouche du docteur de l’Église.” Voilà ce qui donne la valeur à la prédication, c’est la Parole de Dieu. Aujourd’hui c’est Pierre qui parle, demain ce sera un autre, le curé ou tel ou tel prêtre ; mais c’est toujours le Christ qui continue, par leur bouche, son ministère de prédication. C’est pourquoi cette parole est toujours vraie : “ Prêche avec insistance, que ce soit à temps ou à contre-temps, reprends, adjure, châtie en toute patience et sagesse ” (Épître). Nous fêtons à la messe la mort de -notre saint, dans laquelle s’est accomplie la belle parole de l’Épître : “ J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai conservé la foi, je sais que m’est réservée la couronne de justice que me donnera en ce jour le Seigneur, le juste Juge, non seulement à moi, mais à tous ceux qui attendent avec amour son avènement. ” Au Saint-Sacrifice, le Seigneur se tient devant nous, il a en main deux couronnes, l’une pour le saint et l’autre pour nous.

Le sens d’une messe en l’honneur des saints est une communauté de souffrance, mais aussi une communauté de gloire. Nous communions donc vraiment avec le saint. Saint Pierre a reçu cinq talents et, à l’arrivée de son Maître, il lui en a présenté cinq autres. En vérité, il a pu fêter avec joie la venue de son Maître. Il ne faut pas que, de notre côté, nous paraissions devant le Roi, les mains vides. Saint Pierre nous prête de ses richesses.

6 DÉCEMBRE

Saint Nicolas, évêque (double)

Don joyeux.

La fête de Saint-Nicolas fut jadis une des plus populaires et la poésie populaire a maintes fois chanté “ le grand saint Nicolas ”.

Saint Nicolas. — Jour de mort (d’après le martyrologe) : 6 décembre, vers 350. Église du tombeau :l’église de Saint-Nicolas à Bari dans les Pouilles (église des Bénédictins) depuis 1087. Image : On le représente avec trois boules sur un livre (la dot des trois jeunes filles), avec trois enfants dans une cuve avec un vaisseau et une ancre. Sa vie : Nicolas naquit à Patara en Lycie. Ses parents, qui étaient restés longtemps sans enfants l’obtinrent de Dieu à force de prières. Il était encore jeune quand il perdit ses parents. Il aimait à secourir les malheureux et les affligés de toute sorte. Dans sa ville natale vivait un homme noble mais pauvre, qui avait trois filles nubiles : ces filles ne pouvaient trouver de parti parce qu’elles n’avaient pas de dot. Le père conçut alors la pensée coupable de les livrer à la prostitution. Quand Nicolas l’apprit, il jeta, une nuit, par la fenêtre une bourse contenant autant d’argent qu’il en fallait pour constituer une dot à l’une des filles. Il renouvela ce geste, la seconde et la troisième nuit. Dans une traversée sur mer, il apaisa la tempête par ses prières c’est pourquoi il est considéré comme le patron des marins. Il dut aussi subir l’emprisonnement pour sa foi. Il mourut tranquillement dans sa ville épiscopale en prononçant ces paroles : “ Entre vos mains, Seigneur je remets mon esprit. ” En Orient, saint Nicolas est très vénéré comme un grand thaumaturge, comme un annonciateur de la parole de Dieu et “ porte-parole du Père ”.

Pratique : A la fête populaire de Saint-Nicolas nous pourrions rendre tout son contenu liturgique. Comme dans beaucoup de pays, elle pourrait redevenir la fête des enfants.

2. La messe (Statuit).-Dans la personne du prêtre nous voyons le saint évêque s’avancer vers l’autel. Mais saint Nicolas est aussi l’image du divin Pontife qui, dans la messe, marche avec nous vers les portes de Jérusalem pour offrir le sacrifice de la Rédemption ; précédés de saint Nicolas, nous portons après lui la croix de la vie (Introït). Il faut aussi que nous soyons avec saint Nicolas de “ fidèles serviteurs ” qui ont bien administré les talents de la foi et de la grâce, et les ont doublés. Au moment du Saint Sacrifice, le “ Maître vient pour demander des comptes ” (chaque messe est en même temps un jugement, “ les affamés sont remplis. de biens et les riches sont renvoyés les mains vides”). La communion nous fait participer aux biens que saint Nicolas possède déjà dans la gloire, mais que nous ne possédons encore que par la foi (Év.). Puissions-nous.. par les mérites et les prières de saint Nicolas, être préservés du feu de l’enfer ! (Oraison).

7 DÉCEMBRE

Saint Ambroise, évêque et doct. de l’Église (double)

Vigile de l’Immaculée-Conception

Je suis la mère du bel amour.

Ce jour présente un double objet à nos méditations : la vigile de la grande fête de l’Immaculée-Conception. et la fête de Saint Ambroise. Bien que le degré de cette dernière fête soit plus élevé, l’Église préfère célébrer à la messe la vigile. Une autre raison de son importance, c’est que la fête de l’Immaculée a de nombreux rapports : avec l’Avent. Mais la prière des Heures est consacrée : à saint Ambroise.

Saint Ambroise. — Jour de mort : 4 avril 397 (aujourd’hui est le jour de son ordination). Tombeau : église Saint-Ambroise à Milan. Image : On le représente en évêque avec un livre et une ruche d’abeilles. Sa vie : Saint Ambroise n’était encore que catéchumène quand il fut élu évêque de Milan. Il fut un prédicateur célèbre. Il convertit par ses sermons saint Augustin et le baptisa. Il se distingua aussi par son courage devant les princes. Après le meurtre de l’empereur Gratien, Ambroise fut envoyé en ambassade auprès de son meurtrier Maxime. Comme celui ci refusait de faire pénitence, il l’excommunia. Il refusa à l’empereur Théodose, à cause des massacres de Thessalonique, l’entrée de l’Église. Comme l’empereur alléguait l’exemple de David adultère et meurtrier, Ambroise lui répondit : “ Puisque tu l’as imité dans son péché, imite-le dans sa pénitence. ” Théodose accepta avec humilité la pénitence qui lui était imposée. Nous rencontrons souvent ce saint, dans le bréviaire : il nous instruit par ses homélies et il a composé des hymnes d’une belle inspiration. Ses écrits respirent l’esprit liturgique du christianisme antique : il vit vraiment le mystère. On ne saurait trop recommander la lecture de ses écrits, même aux laïcs. Saint Ambroise compte parmi les quatre grands docteurs de l’Église latine.

Pratique : Le saint docteur est, tout particulièrement pour nous, un maître de la liturgie. Puisse-t-il nous donner le sens liturgique si nécessaire en notre temps, comme il le créa et le propagea jadis, même dans le peuple. Dans la liturgie, nous trouvons la source première et indispensable de la vie chrétienne.

2. Vigile de l’Immaculée-Conception. — C’est un cas exceptionnel, unique, qu’une fête nouvelle reçoive une Vigile (la fête du Saint-Sacrement elle-même n’en a pas.) La messe de la Vigile (Venite) est particulièrement lyrique et charmante. A l’Introït, l’Immaculée nous raconte les privilèges de grâce qu’elle a reçus : “ Venez, écoutez, laissez-vous raconter ce que le Seigneur a fait de grand à mon âme. ” Nous devons méditer particulièrement ce chant, car en tant qu’enfants de Dieu, nous avons part à la dignité de Marie. La Leçon appartient aux plus beaux textes de la Sainte Écriture, appliqués par la liturgie à la Sainte Vierge : “ Je suis la Mère du bel amour, de la crainte, de la connaissance et de la belle espérance... Venez à moi, vous tous qui me désirez et rassasiez-vous de mes fruits. Car mon esprit est plus doux que le miel... ” “ C’est donc une invitation de l’Immaculée à participer à ses grâces. L’Évangile de la généalogie du Christ nous fait penser au côté humain de l’Immaculée-Conception, c’est la préhistoire du Christ et de Marie dans l’Ancien Testament. L’Offertoire est l’expression de la communauté de sacrifice de l’Épouse (l’Église) et de l’Époux. (le Christ). Quel bel accent n’a pas alors le chant d’amour de Marie : “ Mon bien aimé est à moi et je suis à lui, il se repaît parmi les lis !” Le chrétien qui communie est une image de la Vierge immaculée. Comme Marie, il s’avance uni au Christ “ comme l’aurore qui se lève, beau comme la lune, brillant comme le soleil ” lui aussi est terrible pour l’enfer “ comme une armée rangée en bataille ”.

La fête de la sainteté de la Mère de Dieu a pour nous deux aspects. Le premier aspect est la conception immaculée — l’innocence du paradis terrestre ; — le second aspect est la délivrance du péché originel. C’est ce second aspect que nous considérons dans la vigile. Quand le prêtre monte à l’autel, en ornements violets, nous devons nous dire : Dans le rayonnement de la fête, je purifierai mon cœur de toute souillure. J’ornerai la demeure de mon âme, afin que “ mon corps et mon âme soient préparés pour devenir une digne demeure du Fils de Dieu ”. Ainsi la Vigile de l’Immaculée est une belle préparation de l’Avent. D’ailleurs nous : faisons rentrer complètement la fête de l’Immaculée dans l’esprit de l’Avent. Cette relation n’existait pas primitivement, mais telle est l’évolution de la liturgie. L’harmonie entre cette fête et l’Avent est encore marquée d’une manière intéressante par ce fait que l’Introït de la messe de la Vigile a la même mélodie que celui de la messe de la vigile de Noël (Hodie scietis).

8 DÉCEMBRE

L’Immaculée-Conception de la Sainte Vierge (double de 1ère classe)

L’Épouse parée.

C’est un jour de fête et de joie, un jour glorieux pour la Mère de la chrétienté ; que ses enfants se parent pour ce jour ! Nous célébrons l’instant bienheureux où commença l’existence de la Sainte Vierge, nous célébrons en même temps le sublime privilège, par lequel, seule de tous les humains, Marie fut, en vue des mérites du Christ, préservée, dès le premier instant de sa conception, de la souillure du péché originel. Dans son origine et son principe, cette grande fête de l’Église n’avait aucune relation avec l’Avent. Elle fut fixée :au 8 décembre pour tenir compte des neuf mois qui la séparent de la Nativité de la Sainte Vierge (le 8 septembre). Cependant il est facile de faire rentrer cette fête dans les pensées de l’Avent. En ce temps où nous attendons le Sauveur, où nous avons les sentiments des hommes non encore rachetés, où nous levons volontiers nos regards vers la Mère du Rédempteur, cette fête est comme l’aurore du soleil de Noël qui se lève. C’est pour nous une vraie fête de l’Avent.

1. La vie de Marie au-dessus des temps. — La liturgie de la messe et de l’office nous met devant les yeux la vie de la Très Sainte Vierge et même elle étend cette vie dans le passé et dans l’avenir. Nous pouvons dans cette vie distinguer quatre périodes.

a) La vie de Marie avant la création du monde. La Leçon annonce : “ Le Seigneur m’a possédée au commencement de mes voies... de toute éternité j’ai été créée... Les abîmes n’existaient pas encore… ” Marie, dans les plans de la Providence, était destinée, de toute éternité, à être la Mère de Dieu, l’Immaculée, la sagesse, c’est-à-dire l’image parfaite de la sainteté de Dieu. Telle est l’image de Marie dans le sein de la divine Trinité.

b) La vie préhistorique de Marie. Marie nous apparaît dans les figures et les prophéties de l’Ancienne Loi. On nous présente d’abord l’image que Dieu a tracée lui-même de la Sainte Vierge : la femme qui écrase la tête du serpent (Écriture, au bréviaire), puis passent devant nos yeux toutes les femmes illustres de l’Ancien Testament : Ève, Sara, Judith (Grad.). Les Prophètes l’annoncent dans leurs prophéties, par exemple Isaïe : “ Une vierge concevra... ”. C’est l’image de Marie dans l’Ancien Testament.

c) La vie historique de Marie. La liturgie de la messe nous fait assister à son premier moment et nous l’entendons remercier Dieu des grâces qu’il lui a faites : “ Je me réjouirai d’une grande joie dans le Seigneur... car il m’a revêtue du vêtement divin de la grâce et m’a parée des ornements de la sainteté, comme une fiancée, dans tout l’éclat de ses joyaux” (Intr.). Nous assistons ensuite à la seconde des grandes heures de sa destinée, cette heure pour laquelle Dieu l’a revêtue de sa magnifique parure de fiancée ; nous entendons l’ange proclamer sa haute dignité : “ Peine de grâce, le Seigneur est avec toi. ”

d) La vie céleste de Marie. Elle règne désormais au ciel avec la couronne de Reine, et en faisant son entrée dans la cour céleste, avec sa parure de fiancée, elle chante encore son cantique d’action de grâces : “ Je me réjouis d’une grande joie dans le Seigneur ” (Intr.). Dieu a préparé pour son Fils un temple plus beau que le temple de Salomon, le corps et l’âme de l’Immaculée.

2. La prière des Heures, le jour de l’Immaculée. I Vêpres (la veille au soir). — Un air de fête retentit dans notre âme et nous sommes transportés à l’aube de la Rédemption : Les desseins éternels de Dieu s’accomplissent, l’âme immaculée et pleine de grâce de Marie s’unit avec son corps très saint pour devenir la demeure de Dieu parmi les hommes. La Vierge Immaculée est le modèle parfait des enfants de Dieu. Unissons-nous, avec ardeur, au chant de louange qui jaillit de son cœur : “ Mon âme glorifie le Seigneur. ”

Matines. Le soir répand son obscurité délivrante et apaisante sur tous les bruits et les soucis du jour, c’est le silence solennel. L’Église, dans la personne de ses enfants, étend les mains pour la prière de la nuit : elle se présente aujourd’hui à Dieu comme Épouse Immaculée, dans la personne de Marie, Vierge sans tache et Mère de Dieu. Les regards de notre âme plongent dans l’éternité et contemplent Marie, la première-née de toute créature, le reflet de la lumière éternelle, la créature bénie, choisie dans les desseins de Dieu, pour être immaculée. Peu à peu l’image sainte se détache des profondeurs de l’éternité et apparaît aux frontières du temps, sous l’aspect d’une femme revêtue du soleil, avec la lune à ses pieds, manifestation de la gloire de Dieu aux yeux de tous les peuples. Puis l’image se rapproche et Marie nous apparaît comme l’Épouse de Dieu, environnée de l’éclat royal du Christ, descendant du Liban, d’une beauté céleste, ornée de la couronne de la grâce, prenant place parmi les filles des hommes. Alors les portes du paradis terrestre s’ouvrent et le fleuve du péché originel se répand sur le monde. Au milieu de cette malédiction terrestre, Marie, la femme qui écrase la tête du serpent, apparaît comme notre consolation.

Laudes. Le jour de grâce, tout baigné de la fraîcheur de la rosée, se dégage de l’obscurité de la nuit, et la vie se réveille dans la nature et dans le cœur des hommes. Le Christ mystique célèbre l’heure de sa Résurrection et convoque tous les hommes à louer Dieu. L’Épouse sans tache, l’Église et l’âme, se pare pour recevoir son Époux auquel elle fait signe de loin. comme au soleil “ qui se lève sur les hauteurs ”.

Prime. C’est la préparation au pèlerinage à travers le jour. Je dirige mon âme ornée de la lumière et de la grâce divines, vers les devoirs de la journée, vers les heures joyeuses et les heures pénibles. Mon Ame doit s’avancer comme une fiancée, en ce jour de l’Immaculée.

Tierce. C’est la première halte dans la journée. La -chaleur de la vie divine et la force du Saint-Esprit ont disposé mon âme à recevoir les fruits de la messe. “ Ton vêtement a l’éclat de la neige et ton visage brille comme le soleil. ”

Alors je célèbre la messe (on en trouvera l’explication le 9 décembre).

Sexte. C’est la seconde halte du jour. C’est l’aspect sombre de la fête : le combat contre le péché, combat qui a commencé au Golgotha... Puissent les grâces de la messe faire perdre à mon âme l’image d’Ève et la faire ressembler davantage à Marie !

None. “ Entraîne-nous vers toi, Vierge immaculée, nous marcherons sur tes pas, attirés par l’odeur de tes parfums. ” Le jour de fête s’incline déjà vers le soir ; j’âme toute remplie d’harmonie intérieure, est prête à offrir au Créateur par les mains de Marie toute son existence, pour la retrouver, au jour de l’avènement du Seigneur, transformée en vie éternelle et glorieuse.

Vêpres. Avec une majesté silencieuse le soleil baisse à l’horizon, ses derniers rayons revêtent d’un manteau de gloire la fin de ce jour de Rédemption. Dans mon Ame descend la paix de la sainteté. Je suis, moi aussi, un rameau de la tige de Jessé, car ma vie est la vie divine. J’ai en moi comme un reflet du privilège de Marie, car la flamme du sacrifice purifie toutes les tâches de mon âme. J’ai puisé de nouvelles forces qui me permettront d’écraser en moi l’antique serpent, en tuant le vieil homme, et de tendre vers l’idéal de la pureté sans tache (Ant. Magn.). “ Mon âme glorifie le Seigneur, car il a fait en moi de grandes choses ”.

9 DÉCEMBRE

Dans l’Octave de l’Immaculée-Conception (semi-double)

Tu es toute belle, ô Marie, et la tache du péché originel n’est pas en toi” (Ant. de Vêpres).

Ma bien aimée est blanche comme la neige sur le Liban, Un rayon de miel découle de ses lèvres, Le miel et le lait sont sur sa langue. Viens du Liban, mon Épouse,

Viens, tu seras couronnée de la. couronne de la gloire (Rep.).

La messe (Gaudens gaudebo). — Au jour de la fête, la matière est si abondante, qu’on en est comme aveuglé et qu’on peut à peine analyser chaque partie de l’office. Ce n’est que pendant l’Octave, que l’âme peut réfléchir et donner plus de profondeur à ses pensées. Essayons, aujourd’hui, de méditer la messe de la fête d’une manière plus précise.

Introït : c’est comme un chant de triomphe, après la défaite que le péché a infligée à l’humanité ; c’est comme un rayon de soleil, au sein des ténèbres, quand nous entendons l’Épouse immaculée de Dieu entonner ce chant de joie. Il faut entendre et chanter cette mélodie enthousiaste, pour en saisir tout le bonheur et toute la joie. Pour les prêtres, elle a encore une signification particulière. De ce manteau intérieur de la grâce, les vêtements sacrés, qu’ils portent tous les jours, sont un vivant symbole. Ainsi pourrait chanter le baptisé, ainsi pourrait chanter tout enfant de Dieu, quand il pense au vêtement de la grâce sanctifiante, à l’armure de grâce qu’il a reçue au Baptême, dans la Confirmation et dans l’Eucharistie.

La Leçon nous montre l’image ravissante de l’Immaculée, dans les desseins éternels de Dieu, faisant la joie de la Sainte Trinité. La leçon s’achève en forme d’instruction (ce qui est le rôle de l’avant-messe) en proclamant bienheureux : ( ceux qui veillent journellement aux portes ”. La Conception Immaculée de Marie est le seuil de la Rédemption, l’étoile matinale du salut, ce salut que nous puisons dans l’“ Œuvre de la Rédemption ” (la sainte Messe : “ il puise le salut dans le Seigneur ”). Les chemins de Marie ont été rendus “ immaculés ” par privilège divin, nous aussi nous devons tendre à rendre nos voies sans tache et, pour cela, “ nous attacher à la discipline ”.

Dans l’Introït et la Leçon, Marie a parlé elle-même. Désormais, c’est l’Église qui chante. Au Graduel, l’Église exprime son ravissement. La mélodie du “ Tu gloria Jerusalem ” rend ce sentiment mieux encore que les paroles, c’est un mouvement entraînant vers la Vierge glorieuse, une participation animée à la victoire merveilleuse de la nouvelle Judith sur l’Holopherne des enfers. Plus grave et plus majestueux est l’Alleluia qui suit ; sans doute, il déborde encore d’une indicible allégresse, mais il a, dans sa grave conclusion en mineur, comme un frémissement sacré devant le Verbe éternel qui, à l’Évangile, descend dans le sein de la Vierge. On entend déjà, dans cet Alleluia, comme le prélude du “ gratia plena ” de l’Ange, dans les paroles “ Tu es toute belle ”. Cet “ Ave ” de l’ange est répété à l’Offertoire comme un chant de joie et de trIomphe. Notre offrande à nous est imparfaite, elle seule est “ pleine de grâce, bénie ” en tout. La Communion chante avant tout le privilège de l’Immaculée-Conception, mais elle chante aussi la gloire de l’Église et de l’âme qui, précisément, par la visite de celui “ qui est puissant ”,ont été faites grandes. Ici encore la Communion des saints vient à notre secours ; Marie supplée à la pauvreté de la demeure que nous offrons à Dieu. En elle et par elle, le Seigneur nous considère avec complaisance. La Postcommunion est d’une pensée très profonde. Il y a deux idées dominantes : la blessure mortelle du péché et l’Immaculée. Ce que Marie a été dès le commencement, nous devons le devenir par l’Eucharistie : sans tache.

5 DÉCEMBRE

Saint Sabbas, abbé (mémoire)

Ce n’est pas une fête proprement dite, on fait simplement mémoire du saint à la messe de l’Avent.

Saint Sabbas. — Jour de mort : 5 décembre 532. Tombeau : à Venise. A Rome, une antique église lui est dédiée sur l’Aventin, elle appartient au Collège Germapique. Image : On le représente en Abbé, avec une pomme à la main. Ayant été un jour tenté de manger une pommé, en dehors des repas de règle, il fit vœu de ne plus manger de pommes. Sa vie : Le martyrologe dit : “ A Mutala en Cappadoce, saint Sabbas abbé ; en Palestine, il fut, par la sainteté de sa vie, d’une grande édification, il combattit sans relâche pour la foi orthodoxe contre les adversaires du concile de Chalcédoine. ”

A Jérusalem il bâtit un célèbre “ Laura ” (c’est ainsi que les orientaux appellent les monastères) et ce monastère porta son nom. Quand, plus tard, les Arabes s’emparèrent de la ville, les moines s’enfuirent à Rome et y construisirent un monastère. C’est ainsi que le culte de Saint-Sabbas se répandit à Rome. Dans l’Église d’Orient le saint est très honoré. On le désigne par ces titres : “ Le porteur de Dieu, le saint, l’habitant de la ville sainte, l’étoile du désert, le patriarche des moines. ” Sa vie a été écrite par saint Cyrille de Scythopolis.

Pratique : Durant l’Avent, spécialement, nous devons nous imposer de petites mortifications, c’en sera une de ne rien manger entre les repas. En nous dominant ainsi, nous fortifions notre volonté et nous nous préparons à surmonter les grandes tentations. Quand on célèbre la messe de Saint-Sabbas, on prend la messe du commun des Abbés (Os justi).

10 DÉCEMBRE

Dans l’Octave de l’Immaculée-Conception (semi-double)

Saint Melchiade, pape et martyr

Ton vêtement est blanc comme la neige et ton visage a l’éclat du soleil (Rép. Vêp.).

1. L’Office des Heures de la fête. L’Office a subi de nombreuses modifications avant d’avoir l’aspect qu’il présente aujourd’hui. L’office, composé en 1855 par le jésuite Passaglia qui apostasia plus tard, mais se réconcilia avec l’Église avant de mourir, fut remplacé par un nouveau, après la défection de son auteur. Ce nouvel Office fut établi d’après un projet qui doit remonter à Gavantus (+1638). Les psaumes sont empruntés au commun des fêtes de la Sainte Vierge ; les antiennes et les répons, d’un beau mouvement poétique, chantent l’Immaculée. Aux Vêpres, les antiennes n’ont pas de relation intime avec les psaumes, elles forment un cadre un peu flottant, mais elles sont toutes empruntées à la Sainte Écriture (Cantique des cantiques, Judith, Évangiles). La seconde antienne de Magnificat se rattache à la formule “ Hodie ” des grandes fêtes. Les Matines commencent d’une manière christocentrique : “ Célébrons la Conception immaculée de la Vierge Marie, venons adorer son Fils, le Christ Notre Seigneur. ” Les antiennes s’adaptent très bien aux psaumes dont elles nous donnent la clef. Ainsi, au psaume 8, on loue Dieu de sa grandeur dans la création ; l’antienne ajoute un nouveau motif : “ Admirable est ton nom, ô Seigneur, sur toute la terre, car, dans la Vierge Marie, tu t’es préparé une digne demeure. ” Quand on est novice dans la prière, on apprend ainsi à appliquer les psaumes à une fête. Les leçons du premier Nocturne (le jour de la fête) nous racontent la chute du premier homme : c’est la page sombre de notre fête. Le verset principal est à la fin : devant les portes fermées du paradis terrestre, Dieu trace de sa propre main le portrait de l’Immaculée, la femme qui écrasera la tête du serpent. Cette leçon est merveilleusement choisie. Les répons qui suivent les leçons sont poétiques et attachants. Les leçons du deuxième Nocturne sont, pour la plus grande partie, empruntées à la Bulle dogmatique de Pie IX. Les leçons du troisième Nocturne nous donnent un exemple du culte marial dans l’Église d’Orient. Leur exaltation paraît peut-être un peu excessive à nos esprits calmes d’Occidentaux, mais elles nous font comprendre l’amour et le respect de l’Orient pour la Vierge Marie.

2. Saint Melchiade. — Jour de mort : le 10 décembre 314. Tombeau : primitivement dans le cimetière Saint-Callixte et, actuellement, dans l’église Saint Silvestre delle Monache à Rome. Son chef est dans la basilique de Saint-Sauveur à Rome. Sa vie : On lit dans le Martyrologe : “ A Rome, saint Melchiade. Il eut beaucoup à souffrir pendant la persécution de Maximien ; lorsqu’enfin commença une ère de paix pour l’Église, il s’endormit dans le Seigneur. ” C’était un Africain, et saint Augustin l’appelle “ le véritable enfant de la paix de Jésus-Christ ”. Il gouverna l’Église de Dieu dans les derniers temps des persécutions, de 311 à 314, et il eut le bonheur de voir commencer, pour l’Église, une période de paix. En 312, Constantin donnait la liberté à l’Église.

Pratique : Les soldats du Christ souffrent et travaillent pour la paix extérieure et intérieure, tant que la volonté de Dieu l’exige. La paix de l’Église est le fruit des sacrifices des fidèles et de leurs pasteurs. La paix de l’Église, après la mort de saint Melchiade amena rapidement une floraison magnifique de la liturgie avec un flot de bénédictions et de paix.

11 DÉCEMBRE

Saint Damase, pape et confesseur (semi-double)

Epitaphe de Saint Damase (composée par lui-même).

Celui qui met un frein à la fureur des flots,

Dont la force donne la vie à la graine qui sommeille,

Qui délivra Lazare des chaînes de la mort,

Et rendit son frère à Marthe au bout de quatre jours.

Le Christ, c’est là ma foi sincère, me ressuscitera des morts, moi Damase.

1. Saint Damase. — Jour de mort : 11 décembre 384. Tombeau : à Rome, dans l’église Saint-Laurent in Damaso, qu’il a bâtie lui-même. Sa vie : Damase siégea sur la chaire de saint Pierre de 366 à 384. L’Église venait de recouvrer la paix. La tâche des papes était maintenant de développer la vie religieuse, de veiller à la beauté du service divin. Le rôle de notre saint pape fut, à cette époque, des plus importants. Son grand mérite fut de donner à l’Église une bonne traduction de la Sainte Écriture. Il fit venir saint Jérôme, qui traduisit la Bible en latin (cette version est appelée la Vulgate). Cette version est utilisée aujourd’hui encore dans la liturgie. L’exemple de saint Damase nous suggère une résolution : lire avec zèle la Bible. Ce saint pape fut aussi un grand ami de la liturgie. On lui attribue l’introduction du chant des psaumes à deux chœur dans toutes les églises. Il ordonna aussi qu’à la fin de chaque psaume on ajouterait : Gloria Patri. D’après l’exemple de Jérusalem, il introduisit le chant de l’Alleluia dans les messes des dimanches. Saint Damase fit aussi ensevelir avec honneur les corps de plusieurs martyrs, et il composa des épitaphes en vers pour presque tous les martyrs romains connus. Il est donc le chantre illustre des martyrs. Saint Jérôme a une belle parole à son sujet : Il était le docteur virginal d’une Église virginale. On ne peut pas rend ! :e un plus bel hommage à un prêtre.

2. La messe (Sacerdotes tui). — Essayons de faire rentrer la messe dans l’esprit de l’Avent. La pensée principale de cette messe est : le sacerdoce dans l’Église. Il n’y a qu’un prêtre, le Christ, le Pontife éternel ; tout sacerdoce est une participation au sien. Le Pape saint Damase est l’image de ce Grand Prêtre, et le prêtre à l’autel est l’image de l’un et de l’autre. David dont le nom est souvent nommé en est la figure par son onction, son élection (Offert.), son obéissance et son amour pour la maison de Dieu (Intr.). L’Introït fait revivre, devant nos yeux, les cérémonies de l’ancienne Rome au temps de Damase. Le clergé, en blancs habits de fête, s’avance en une longue procession vers l’autel, pendant que les fidèles (sancti), chantent une hymne joyeuse. Enfin paraît Damase. le saint pape fera briller “ le visage du Christ ” au Saint-Sacrifice. L’Epître nous montre le divin Grand Prêtre qui est “ saint, innocent, immaculé. séparé des pécheurs, toujours vivant, afin de s’entremettre pour nous ”. L’Épître nous explique le sacerdoce du Christ qui se continue au Saint-Sacrifice de la messe et se manifeste dans l’Église. Le Graduel chante saint Damase et l’Alleluia chante le Christ. L’Evangile nous indique les tâches qui incombent au sacerdoce dans l’Église. Le pasteur des âmes est le “ bon et fidèle serviteur que le Seigneur a établi sur sa famille, il doit lui donner, en temps voulu, la nourriture eucharistique ”. C’est ainsi que “ le Seigneur, à sa venue ”, a trouvé Damase et c’est pourquoi “ il l’a établi sur tous ses biens ”. Soulignons encore la vigilance et l’attente du Seigneur qui vient. C’est l’esprit de l’Avent. Damase a bien administré les talents qui lui avaient été confiés. Il peut aujourd’hui, au Saint-Sacrifice, nous faire part de sa surabondance.

12 DÉCEMBRE

Dans l’Octave de l’Immaculée-Conception (semi-double)

Je suis sortie de la bouche du Très-Haut,

La première-née de toute créature ;

J’ai fait que la lumière indéfectible se levât au ciel,

Les abîmes n’existaient pas encore et j’étais déjà conçue ;

Dieu m’a créée dans sa justice,

Il a pris ma main et m’a protégée” (Rép.).

Une homélie : Le docteur melliflue, saint Bernard, nous offre une belle homélie, tirée de son célèbre sermon d’Avent : Super Missus. Cette homélie contient aussi des pensées d’Avent : “ Réjouis-toi, Adam notre père, et toi surtout, Ève notre mère, tressaille de joie. Vous êtes nos parents à tous, mais aussi nos meurtriers à tous et, ce qui est plus triste encore, nos meurtriers avant d’être nos parents. Consolez-vous tous deux, vous dis-je, à cause de. votre fille et d’une telle fille. Mais toi, Ève, d’où vient d’abord notre malheur et dont la honte a passé à toutes les femmes, réjouis-toi encore davantage. Car le temps est proche où ta honte sera supprimée et où l’homme n’aura plus de raison de faire des reproches à sa femme. Il cherchait en effet, d’une manière imprudente, à s’excuser et il ne craignait pas d’accuser cruellement sa femme : La femme que tu m’as donnée, m’a donné du fruit et j’en ai mangé. C’est pourquoi hâte-toi, Ève, vers Marie, hâte-toi, mère, vers ta fille. La fille peut répondre pour sa mère, elle peut satisfaire envers son père pour sa mère ; si l’homme est tombé par la femme, il peut se relever la femme. Que disais-tu, ô Adam ? La femme que tu m’as donnée, m’a donné du fruit et j’en ai mangé. Ce sont là des paroles méchantes qui augmentent ta faute plutôt qu’elles ne la détruisent. Mais la Sagesse (divine) triomphe de la méchanceté : l’occasion de pardon que Dieu voulait te fournir, en t’interrogeant, mais sans y réussir, elle l’a trouvée dans le trésor intarissable de sa bonté. Une femme, en effet, se présente à la place d’une femme, une femme prudente à la place d’une insensée, une femme humble à la place d’une orgueilleuse, une femme qui, au lieu du fruit de la mort, te présente le fruit de la vie et qui, au lieu de cette nourriture amère et empoisonnée, enfante la douceur d’un fruit éternel. Change donc, Adam, tes paroles d’excuse injuste en paroles de remerciements : Seigneur, la femme que tu m’as donnée m’"a donné du fruit de l’arbre et j’en ai mangé et il a été dans ma bouche plus doux que rayon de miel, car c’est par ce fruit que tu m’as donné la vie. Voici donc que pour cela l’ange a été envoyé à Marie...”

13 DÉCEMBRE

Sainte Lucie, vierge et martyre (double)

Lucie, la brillante, en marche vers la lumière de Noël

Il est très facile aujourd’hui d’harmoniser la fête du jour avec les pensées de l’Avent. Lucie (en français : la brillante) rentre dans le symbolisme de l’Avent. Au milieu des ténèbres (nous sommes au moment où les jours sont le plus courts) elle “ luit ” comme une vierge prudente qui va, avec sa lampe allumée, à la rencontre de l’Époux. Lucie est le modèle de l’Église et de l’âme qui doivent revêtir la parure nuptiale pour aller au-devant de l’Époux.

1. Sainte Lucie. — Jour de mort : 13 décembre, vers 3°4. Tombeau : à Venise, Image : On la représente avec une épée et deux yeux sur un plat. Sa vie : Lucie est une des plus illustres vierges martyres de l’ancienne Église. Un jour, elle se rendait avec sa mère, qui souffrait d’un épanchement de sang, à Catane pour honorer le corps de sainte Agathe. Elle pria à son tombeau. Alors la sainte lui apparut en songe et la consola ainsi : “ O vierge Lucie, pourquoi me demandes-tu ce que tu peux toi-même accorder à ta mère : ta foi aussi vient à son secours, c’est pourquoi elle est guérie. Tu as par ta virginité préparé à Dieu une demeure agréable ” (Brév.). Elle obtint en effet la guérison de sa mère. Aussitôt, elle lui demanda la permission de rester vierge et de distribuer aux pauvres du Christ la dot qui devait lui revenir.

A son retour à Syracuse, elle consacra aux pauvres tout le produit de la vente de ses biens. A cette nouvelle, un jeune homme auquel ses parents avaient, contre son gré, promis sa main, la dénonça comme chrétienne au gouverneur. “ Tu parleras moins ”, lui dit le gouverneur, “ quand une grêle de coups tombera sur toi. ” “ Les serviteurs de Dieu ”, répondit la vierge, “ ne manquent jamais des mots qui conviennent, car c’est le Saint-Esprit qui parle par notre bouche. “ Est-ce que le Saint-Esprit est en toi ? ” lui demanda Parrhasius. “ Oui ”, répondit-elle, “ tous ceux qui vivent avec piété et chasteté sont les temples du Saint-Esprit. ” “ C’est bien ”, reprit le gouverneur, “ je te ferai conduire dans une maison de débauche pour que le Saint-Esprit s’éloigne de toi. ” “ Si tu me fais déshonorer malgré moi ”, répondit la vierge, “ la couronne victorieuse de ma pureté sera doublée. ” Enflammé de colère, le juge ordonna de conduire Lucie dans cette maison, mais Dieu la rendit tellement immobile qu’aucune force ne put la déplacer. Alors on versa sur elle de la poix et de la résine ainsi que de l’huile bouillante, mais comme tout cela ne lui causait aucun mal, on lui trancha la tête avec le glaive. C’est ainsi qu’elle acheva victorieusement son martyre.

2. La messe (Dilexisti). — C’est un chant nuptial qui retentit dans mon âme. Mon âme doit aujourd’hui, avec sainte Lucie, la fiancée lumineuse, célébrer ses noces mystiques avec le Fils du Roi de gloire (Psaume 44). Mon cœur tressaille, à ce chant sacré, quand, aux côtés de sainte Lucie, je me rends à l’église : c’est vraiment la marche nuptiale au-devant du Roi qui va venir. Dans la salle brillante du festin de noces, dans l’église, je vois, sur son trône, le Christ, le plus beau des enfants des hommes ; la force et la justice ceignent ses reins et des flèches acérées percent le cœur de ses ennemis. Je pense à sainte Lucie et au juge irrité dont Dieu anéantit les projets criminels. Lentement, avec les invités aux noces de l’Agneau, je m’avance dans l’église, je respire de plus en plus le parfum de la sainteté et je me laisse bercer par la musique nuptiale. — A la droite du Roi, je vois l’Église parée comme une Reine vêtue d’une robe d’or où brille l’écarlate couleur de sang. dans tout l’éclat de sa beauté virginale. “ Écoute-moi. ma fille, vois et penche ton oreille tu vas, dans la personne de Lucie, être fiancée comme une vierge pure au divin Roi. Oublie ton peuple et la maison de ton père, ton trésor, ta perle précieuse, c’est le Seigneur ton Dieu, adore-le ” (Cet exemple nous montre comment la récitation de tout le psaume de l’Introït approfondit le sens de la messe). A l’Offertoire, avec Lucie et toutes les vierges, je viens, dans ma parure nuptiale. m’offrir à l’autel (dans les anciens Missels on lisait non pas afferentur, mais offerentur, il s’agissait donc d’une véritable offrande). Notre offrande s’unit au sacrifice du Christ. Au Canon, le Roi qui passe s’unit mystiquement à moi grâce aux mérites de Sainte Lucie, il me fait participer à sa gloire et, dans la communion, il me donne son corps sacré.

14 DÉCEMBRE

Dans Octave de l’Immaculée-Conception (semi-double)

Entraîne-nous vers toi, Vierge immaculée, nous suivrons

tes traces et nous nous dirigerons vers l’odeur de tes parfums ” (Ant. Vêp.).

Il n’y a rien de souillé en elle

Elle est le reflet de l’éternelle lumière, un miroir sans tache,

Elle est plus brillante que le soleil

Et comparée avec la lumière, elle est trouvée plus pure ” (Rép.).

La Bulle dogmatique sert de leçon à travers toute l’Octave (5 jours). Examinons son contenu liturgique. La Bulle du Pape suit le plan suivant : elle expose d’abord le plan rédempteur de Dieu pour relever l’humanité déchue, dans ce plan rentre le privilège de grâce de Marie : “ Il convenait que Marie brillât toujours de l’éclat de la sainteté la plus parfaite et que, délivrée de la tache de la faute originelle, elle remportât dès le commencement une victoire complète sur le serpent ; elle est en effet une mère d’une dignité incomparable, puisque Dieu le Père avait décidé de lui donner son Fils unique qu’il engendre égal à Lui et qu’il aime comme lui-même, et de le lui donner de telle sorte qu’en vertu des liens naturels, il soit le Fils commun de Dieu le Père et de la Vierge. ”

La Bulle expose ensuite que cette doctrine est la tradition constante de l’Église. On en découvre la preuve tout d’abord dans la liturgie. “ Dans sa liturgie, l’Église attribue à Marie les paroles de la Sainte Écriture au sujet de la divine Sagesse, car sa création fut décidée dans le même décret que l’Incarnation de la divine Sagesse (Jésus-Christ).” (Nous avons ici une interprétation authentique de la liturgie). Les papes ont permis le culte de l’Immaculée-Conception et l’ont favorisé par l’introduction de la fête, par la concession d’une messe propre et d’un Office propre (depuis 1477, à Rome, depuis Pie V, dans l’Église universelle ; depuis Clément VIII (+1592) la fête fut pourvue d’une octave). Pie IX fit de cette fête, en 1854. une fête d’obligation pour toute l’Église. Elle devait être célébrée à Sainte-Marie Majeure, en présence du Pape, avec une grande solennité. (Nous avons ici un exemple d’un office de station moderne). Dans la Préface et dans les Litanies de Lorette, on ajouta la mention de l’Immaculée-Conception “ afin que la loi de la foi fût d’accord avec celle de la prière ”. (C’est un antique axiome de la liturgie : lex credendi est lex supplicandi).

Comme conclusion nous entendons encore l’énoncé du dogme dont l’importance est capitale pour déterminer l’objet de la fête : “ La doctrine qui affirme que la bienheureuse Vierge Marie, dès le premier instant de sa conception, par une faveur spéciale et un privilège du Dieu tout-puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, resta préservée de toute tache de la faute originelle, est une doctrine révélée de Dieu et par conséquent doit être crue fermement par tous les fidèles ”.

15 DÉCEMBRE

Jour Octave de l’Immaculée-Conception (double majeur)

Tu es un jardin fermé, ma sœur,

Mon Épouse, tu es un jardin fermé, une source scellée,

Ton fruit est un paradis, ô Marie,

Ouvre-moi, ma sœur, mon amie, ma colombe, mon immaculée (Rép.).

 

Marie — à travers la journée.

Laissons-nous conduire aujourd’hui par Marie à travers la journée, nous serons étonnés du nombre des prières que nous lui adresserons et des pensées dont elle est l’objet. Combien de fois aurai-je à répéter, au cours de l’Office, l’Ave Maria qui sortit jadis de la bouche de l’Ange pour annoncer le grand jour de la Rédemption. C’est une prière de l’Avent. Il faudrait aussi que je récite la belle antienne mariale : Alma Redemptoris, en en méditant les paroles. En voici la traduction :

Bonne Mère du Rédempteur,

Toi qui es la porte ouverte du ciel

Et l’étoile de la mer,

Viens au secours de ton peuple qui défaille

Et qui essaie de se relever ;

Toi qui, à l’étonnement de la nature,

Vierge avant et après l’enfantement,

As enfanté ton Créateur.

De la bouche de Gabriel recevant cet Ave,

Aie pitié des pécheurs. ”

Ce beau cantique respire la détresse de l’Avent. Marie apparaît au milieu de cette détresse. L’ange vient lui annoncer qu’elle a été choisie par Dieu pour être la Mère du Fils de Dieu. C’est elle qui ouvrira, à l’humanité qui aspire à sa Rédemption, les portes du ciel, c’est-à-dire c’est elle qui, par coopération à la Rédemption, aidera à ouvrir les portes fermées du ciel. Elle est pour l’humanité qui erre dans la nuit du péché, ce qu’étaient jadis les étoiles du ciel qui montraient aux navires égarés sur la vaste mer, la direction du port où ils trouveraient le salut. Tel est le cantique que nous chantons au moins deux fois par jour pendant l’Avent et qui nous permet de nous relever de la nuit de l’Avent pour marcher vers la lumière de Noël.

La Sainte Vierge m’accompagne à la messe, elle me conduit vers le Christ, elle veut me donner le Rédempteur. Accusée, ployant sous le faix de ses fautes, l’humanité se tient devant le trône de Dieu ; combien de taches ont souillé la beauté des âmes depuis les siècles qui ont précédé le Christ jusqu’à ce jour. Marie, l’Épouse immaculée, intercède pour l’humanité, la supplication et la miséricorde se rencontrent et créent une nouvelle créature dans la grâce (Confiteor). Avant d’entrer dans l’action sacrée de la messe, nous rencontrons encore au Credo la Vierge Marie : je la contemple à son heure la plus sacrée et, avec l’Église dans tout l’univers, je me prosterne devant sa maternité : Et incarnatus est... A l’Offertoire, Marie me remplit de ses saintes pensées, je me mets, avec le Christ, sur la Croix qui va se dresser sur l’autel, pour participer au Sacrifice rédempteur qui, décidé dans les éternels conseils de Dieu, commença à se réaliser dans l’étable de Bethléem, pour ne pas cesser jusqu’à la fin des temps et dont le drame sacré se continue aujourd’hui pour l’honneur de la Sainte Trinité. Marie, maîtresse sainte des chœurs célestes, ouvre, au Sanctus, le rideau du ciel et je puis, à ses côtés, me mêler au chœur des saints, autour du divin Agneau, qui, de son sang, lave notre âme et l’inonde de vie divine.

Nous prenons maintenant congé de la grande fête de l’Avent. Cette fête nous a aidés à préparer la venue du Seigneur. Pendant toute l’Octave, à la place de la messe Rorate, on célèbre la messe festivale de l’Immaculée-Conception.

16 DÉCEMBRE

Saint Eusèbe, évêque et martyr

Les martyrs avaient un grand désir de l’Avènement du Seigneur.

1. Saint Eusèbe. — Jour de mort : 1er août 371 (hier était le jour de son ordination). Tombeau : à Verceil (Italie supérieure). Sa vie : Eusèbe, d’abord lecteur à Rome, puis évêque de Verceil, est un de ces grands défenseurs de la divinité du Christ qui, dans le combat contre l’arianisme, eurent à souffrir des peines et des persécutions indicibles. Il fut, à cause de sa foi, exilé à Scythopolis (Palestine). Plus tard, il fut autorisé à rentrer dans sa ville épiscopale, il y mourut en paix, mais, en raison du dur exil qu’il lui fallu subir, il est considéré, comme martyr au sens large.

Le premier, il introduisit dans l’Église occidentale, pour les prêtres d’une même Église, l’usage de vivre en commun, pour s’occuper ensemble du service divin, en renonçant au monde.

Pratique : Esprit et service de communauté, voilà ce que poursuit aussi la renaissance liturgique que nous voyons de nos jours. Notre Église, actuellement, a besoin de communautés actives, unies dans la prière et le sacrifice. Nos pensées et nos actions ne sont-elles pas trop individuelles, particularistes, égoïstes ?

2. La messe (Sacerdotes Dei). — Cette messe est la seconde du commun d’un martyr Pontife. Immédiatement après la profession solennelle de saint Pierre près de Césarée de Philippe, le Seigneur entreprend de préparer les siens à sa mort sur la Croix ; il fait sa première prophétie de la Passion et adresse à ses Apôtres sa première prédication au sujet de la Croix. Cette prédication va plus loin que la prophétie, ce n’est pas seulement lui qui doit souffrir, ses disciples doivent prendre leur croix et le suivre. Cette prédication de la Croix, l’Église nous la répète à la fête de notre saint martyr Pontife, car il l’a réalisée dans sa vie. Il s’est renoncé lui-même a pris sa croix et il a haï sa vie sur la terre. C’est pourquoi il aura part à la promesse : Le Fils de l’Homme viendra dans la majesté de son Père avec ses anges et lui donnera sa récompense. Au jour où notre saint est mort, le Seigneur est venu vers lui. Au bonheur de ce retour, nous participerons nous aussi un jour.

A l’Épître, le saint martyr nous parle lui-même : Ce n’est qu’à condition de participer à mes souffrances que vous aurez part à ma “ consolation ”. Aussi à l’Offertoire, déposons-nous les croix de notre vie sur l’autel et nous recevons, dans la communion, le gage de la “ couronne ornée de pierreries” (Comm.). I"a liturgie de la messe nous rappelle trois fois que le saint avait aussi la dignité sacerdotale (Intr. Allel. Offert.). Dans le prêtre qui célèbre, voyons le saint évêque, martyr.

Nous sommes maintenant obligés pour des raisons techniques, d’insérer dans le calendrier des saints, des parties de la liturgie de l’Avent, car ces parties, à la différence des autres, sont rattachées aux dates du mois. C’est le cas des antiennes O.

17 DÉCEMBRE

O sagesse, tu ordonnes toutes choses avec force et suavité.

1. Les antiennes O. — Les sept derniers jours avant Noël sont marqués par des antiennes particulières appelées antiennes O. Ce sont des antiennes de Magnificat qui commencent toutes par l’apostrophe O, d’où leur nom. Elles n’ont pas seulement la même mélodie, mais sont construites sur le même plan. :

1) On invoque le Seigneur qui va venir, tantôt en le désignant par un symbole, tantôt par un titre, par exemple : O sagesse, ô Racine de Jessé. 2) Ce symbole ou ce titre est ensuite développé dans une phrase relative. 3) Le point culminant de la phrase est la supplication instante : veni, viens, qui est suivie de la demande de Rédemption. Ces antiennes majestueuses qui sont chantées selon le rite double (en entier même avant le Magnificat) sont comme le résumé de toutes les prophéties sur le Sauveur. La mélodie de ces chants respire l’admiration et le désir ardent. On y entend l’ardente imploration de l’Ancien Testament et du monde païen vers le Rédempteur, elles sont le “ Rorate cœli ” de l’humanité. Il y a dans ces sept chants une progression de pensée. Nous voyons d’abord le Fils de Dieu dans sa vie éternelle, avant les temps (1), puis dans l’Ancienne Alliance (2-4), ensuite dans la nature (5), enfin nous le voyons comme Rédempteur des païens (6), comme “ Dieu avec nous ” (7).

La solennité particulière de ces antiennes résulte des prescriptions de l’Eglise qui veut qu’elles soient chantées entièrement avant et après Magnificat (ce qui n’a lieu d’ordinaire que pour les fêtes doubles et ne se fait pas aux féries et aux dimanches). Dans les abbayes qui ont l’Office choral solennel, des usages particuliers accompagnent le chant des antiennes O. La première est entonnée par l’Abbé, au trône, en habits pontificaux, pendant que l’on sonne la grosse cloche. La cloche continue de sonner pendant tout le Magnificat chanté sur le mode le plus solennel. Les autres antiennes sont entonnées successivement par les plus dignes après l’abbé, revêtus de la chape et debout au milieu du chœur, devant le grand pupitre. Les fidèles pourraient, pendant ces sept jours, unir chaque soir le chant de ces antiennes à celui du Magnificat. On pourrait même, d’après les usages de l’ancienne Église, intercaler l’antienne entre chaque verset du Magnificat.

2. La première antienne O chante ainsi :

O Sagesse sortie de la bouche du Très-Haut,

Qui atteins d’une extrémité à l’autre, qui ordonnes toutes choses avec force et suavité,

Viens pour nous enseigner la voie de la prudence. ”

C’est la vie du Fils de Dieu avant les temps et sa manifestation dans la création. La création est une image du royaume de la grâce dans lequel le Sauveur “ dirige nos âmes avec force et suavité. ”

18 DÉCEMBRE

La deuxième antienne O est formulée ainsi :

O Adona ! (Dieu de l’alliance) et chef de la maison d’Israël,

Toi qui apparus à Moïse dans le feu du buisson ardent et donnas la loi sur le Sinaï,

Viens, étends ta main et délivre-nous. ”

La seconde personne de la Sainte Trinité eut une part active à la création et c’est ce que chante la première antienne. Nous la voyons maintenant parcourir le royaume de Dieu de l’Ancien Testament. Le Christ était le “ Dieu de l’alliance ” du peuple élu. Il a conclu alliance avec Noë, Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, il a été le guide d’Israël à travers l’histoire. L’antienne, laissant de côté les autres manifestations divines, n’en rappelle que deux : le buisson ardent et la loi sur le Sinaï. Ce sont, en même temps, deux figures de la lumière de Noël qui vient. La prière fait allusion à la délivrance de l’Égypte qui est une image de notre délivrance du joug du démon.

19 DÉCEMBRE

Viens, délivre-nous, ne tarde plus

La troisième antienne O est formulée ainsi :

O Racine de Jéssé, toi, qu’es levée comme un étendard des peuples, devant qui les rois fermeront respectueusement la bouche et les nations fléchiront les genoux,

Viens, délivre-nous, ne tarde plus. ”

Le Messie circule à travers l’histoire des rois de Juda. Les victoires d’un David sur les peuples symbolisent sa victoire libératrice sur le Golgotha et dans chacune de nos âmes. L’antienne s’inspire des deux passages d’Isaïe sur la racine de Jessé : a) le rameau (Marie) et la fleur (le Christ). La Vierge mettra au monde le Messie attendu ; b) le rameau devient un arbre de vie et un signe pour les peuples. Le petit Roi étend déjà les bras pour attirer tout le monde à lui quand il sera sur la Croix. Les rois lèvent les yeux et contemplent ce signe avec étonnement et silence.

20 DÉCEMBRE

La quatrième antienne O se formule ainsi :

O Clef de David et sceptre de la maison d’Israël,

Toi qui ouvres et personne ne peut fermer, qui fermes et personne ne peut ouvrir :

Viens et tire l’homme de prison, lui qui est assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort. ”

Les Juifs appelaient bouclier ou clef de David l’hexagone. C’était pour eux le symbole de Dieu et-de son saint nom. Il y voyaient le signe du Messie à venir (étoile de Balaam, étoile des Mages). Le Christ est la “ clef de David ”, car c’est lui qui donne le sens de tous les mystères et de toutes les figures de l’Ancien Testament.

21 DÉCEMBRE

Saint Thomas, apôtre (double de 2e classe)

Heureux ceux qui ne voient pas et croient cependant

L’Apôtre saint Thomas et l’Avent, voilà deux sujets qu’il semble assez difficile d’unir. Dans notre pensée, saint Thomas qui toucha les cicatrices du Ressuscité semble appartenir au cycle de Pâques. Il y a cependant une parole de Notre Seigneur qui nous permet d’établir une liaison avec l’Avent : “ Parce que tu as vu, Thomas, tu crois ? Bienheureux ceux qui ne voient pas et croient cependant. ” Nous avons précisément besoin, en face du mystère annoncé de Noël, d’une foi ferme et aimante. Pendant tout l’Avent nous entendons un joyeux message auquel nous devons croire sans voir. Dans la nuit sainte nous nous agenouillerons devant le divin Enfant dans sa crèche et l’Église nous dira : Voici le grand Roi, le Dieu éternel. Nous pourrons alors nous appliquer la parole dite à Thomas : Bienheureux ceux qui ne voient pas et croient cependant.

1. Saint Thomas. — Jour de mort (d’après le Martyrologe) : 21 décembre (année inconnue). Tombeau : primitivement à Édesse (Syrie) au dire de saint Jean Chrysostome, actuellement à Ortona (Italie). Image : On le représente avec la lance (à cause de son martyre) ou bien avec l’équerre (à cause de la légende d’après laquelle il aurait été envoyé comme architecte vers le roi des Indes). Sa vie : Les Évangiles nous apprennent peu de choses au sujet de saint Thomas. Il est appelé “ Didyme, le Jumeau ”. Très rarement, pendant la vie du Maître, nous le voyons se signaler parmi ses frères du collège apostolique. Au moment de la résurrection de Lazare, nous l’entendons dire : “ Allons et mourrons avec lui. ” Ce qui l’a rendu populaire, c’est son incrédulité après la mort de Notre Seigneur. Le passage de l’histoire de la résurrection où il est question de cette incrédulité et que nous lisons aujourd’hui est un des plus touchants de l’Évangile. Le Pape saint Grégoire 1er dit une belle parole au sujet de saint Thomas : “ L’incrédulité de saint Thomas a plus servi à notre foi que la foi des disciples qui ont cru, car, par ce fait même, que saint Thomas n’a été déterminé à croire qu’en touchant les plaies, nous sommes fortifiés dans notre foi au-dessus de tout doute. Le Seigneur permit que l’Apôtre doutât de sa résurrection, mais il ne le laissa pas dans son doute. Le disciple est devenu, par son doute et par son toucher, le témoin de la vérité de la Résurrection. Thomas toucha et s’écria : mon Seigneur et mon Dieu ! Alors Jésus lui dit : Parce que tu m’as vu Thomas, tu as cru. Or l’Apôtre saint Paul écrit : “ La foi est une base certaine pour ce qu’on espère, une persuasion de choses qu’on ne voit pas. ” Il est donc clair que la foi est un fondement pour des choses qu’on ne peut pas voir. Car de ce qu’on voit il n’y a plus de foi mais connaissance. Or quand saint Thomas eut vu et touché le Sauveur, pourquoi lui est-il dit : Parce que tu m’as vu. Thomas, tu as cru ? Parce que ce qu’il vit fut différent de ce qu’il crut. En effet, la divinité ne peut être vue : par aucun homme mortel. Thomas voit l’Homme dans le Christ et confesse sa divinité avec ses paroles : mon Seigneur et mon Dieu ! La foi fut donc ce qui suivit la vue.

Au sujet de la vie postérieure de l’Apôtre nous n’avons que peu de renseignements. Le Martyrologe nous donne ces détails : “ A Calamina (près de Madras, dans les Indes Orientales) le martyre de saint Thomas, Apôtre. Il annonça l’Évangile chez les Parthes et enfin il vint dans l’Inde. Après avoir converti de nombreuses tribus au christianisme, il fut, sur l’ordre d’un roi transpercé à coups de lance.” Ses restes furent d’abord transportés à Édesse (Syrie), plus tard à Ortona (province de Chieti, Italie centrale). Saint Thomas est considéré comme le patron spécial de l’Inde.

2. La messe (Mihi autem). — Toute la messe est dominée par le bel Évangile de l’Apparition du Christ ressuscité à saint Thomas. L’antienne de la Communion,. tirée de l’Évangile, nous rend cette apparition présente. Chacun de nous, à la messe, ressemble à saint Thomas. Le Maître nous apparaît et nous demande d’avancer la main pour toucher ses plaies, c’est-à-dire pour recevoir la chair du sacrifice (dans les temps anciens, les fidèles recevaient la sainte Hostie dans leurs mains). A l’Introït, l’Église chante les Apôtres, ces “ amis ” de Dieu, ces “ princes du royaume de Dieu” (le psaume 138 n’a de relation liturgique avec les fêtes d’Apôtres que par le verset de la Vulgate : “ Très honorés sont pour moi tes amis, Seigneur, inébranlable leur principauté ”. A l’Épître, s’élève devant les regards de notre âme “ l’édifice spirituel de Dieu ”. Le Christ est la pierre d’angle, les Apôtres les fondations et nous sommes les pierres. Cet édifice de Dieu grandit à travers les temps. L’Epître nous montre clairement que les fêtes d’Apôtres sont des jours de Rédemption et que nous devons considérer moins la personne de chaque Apôtre que l’ensemble du royaume de Dieu. Oui, ayons conscience que nous sommes les concitoyens des saints, les membres de la maison de Dieu. Au Graduel, nous voyons la multitude innombrable des fidèles qui ont été gagnés par la prédication des Apôtres. A l’Offertoire, nous nous réjouissons du succès du travail apostolique : “ Dans tout l’univers a pénétré leur parole. ”

3. Chants de l’Avent. — Aujourd’hui l’Église fait entendre deux chants qui ont une importance particulière pour la préparation de Noël :

L’antienne chantée au lever du soleil est un cri de joie de l’Église : “ Ne craignez pas, encore quatre jours et le Seigneur viendra vers vous. ” Ainsi l’Église compte les jours jusqu’à Noël.

A Vêpres nous chantons la cinquième antienne O :

O Orient

Éclat de l’éternelle lumière, Soleil de Justice,

Viens, éclaire-nous, nous qui sommes assis dans les ténèbres, à l’ombre de la mort. ”

De l’histoire du salut, nous passons au monde naturel. Là aussi le Sauveur s’est créé un symbole, le soleil : c’est le symbole préféré de l’Écriture et de la liturgie. Dans cette antienne, le cycle de Noël est caractérisé de la façon la plus heureuse. D’une part, l’humanité est représentée assise dans les ténèbres et à l’ombre de la mort ; d’autre part, perçant les nuages apparaît le soleil rédempteur. Deux prophètes du même nom, les deux Zacharie, annoncent le Rédempteur comme un soleil levant : “ Voici un homme : Orient est son nom” (Zach. VI, 12), “ par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu il nous visite, le soleil qui se lève d’en-haut ” (Luc. 1, 78).

22 DÉCEMBRE

Nous chantons aujourd’hui à Vêpres la sixième antienne O :

O Roi des peuples

Le désiré des nations, pierre angulaire qui réunis les deux peuples,

Viens et sauve l’homme que tu as formé du limon de la terre. ”

L’action du Christ s’est étendue même au monde païen. Aux meilleurs du paganisme il a inspiré le désir de sa venue. Maintenant le mur de séparation doit tomber.

23 DÉCEMBRE

Maintenant tout va s’accomplir

Le jour qui précède la vigile de Noël nous offre deux chants précieux de l’Avent.

1. Certitude joyeuse. — Au lever du soleil, l’Église chante, comme dans un soupir de joie après une longue attente : “ Maintenant tout va s’accomplir, tout ce qui a été annoncé par l’ange, de la Vierge Marie ”.

Là aussi, nous avons un trait merveilleux de notre liturgie. Après les jours d’attente anxieuse, la calme certitude de l’accomplissement pénètre dans l’âme.

2. La dernière antienne O est chantée à Vêpres :

O Emmanuel (Dieu avec nous)

Notre Roi, et notre législateur, attente des peuples, Sauveur des gentils,

Viens, apporte-nous le salut, Seigneur notre Dieu. ”

Dans le peuple de Dieu, parmi les Gentils, dans la nature, il s’est manifesté et annoncé, maintenant il vient et il reste avec nous comme Emmanuel. Le divin Roi nouveau-né, dans sa crèche, est l’attente des peuples mais aussi l’accomplissement des prophéties.

La nuit prochaine nous apportera l’Emmanuel notre Roi et notre législateur.

24 DÉCEMBRE

Vigile de Noël (simple, double à partir de Laudes)

Aujourd’hui vous apprendrez que le Seigneur vient

STATION A SAINTE MARIE MADELEINE

1. La Sainte Soirée. — Cette Vigile a une place particulière parmi toutes les vigiles. Les sentiments de pénitence n’y jouent qu’un rôle secondaire ; l’impression dominante est plutôt celle d’une attente joyeuse. L’usage populaire des cadeaux de Noël, très conforme à ce sentiment, concourt beaucoup à faire de ce jour un des plus gais de l’année. Dans chaque famille, ce jour a sa liturgie particulière, usages qu’il serait bon de conserver.

La liturgie ecclésiastique est tout entière consacrée à l’attente certaine de la venue du Rédempteur. Cette certitude se manifeste en deux images. La première nous montre la porte fermée du ciel. Depuis que nos premiers parents ont été chassés du paradis terrestre, cette porte est fermée et un chérubin monte la garde devant, armé d’une épée de flamme. Mais le Rédempteur ouvrira cette porte, il entrera. Aujourd’hui nous nous tenons devant cette porte. Cette image est là plus importante du jour, c’est pourquoi le psaume 23 est le psaume principal du jour.

Élevez vos portes, princes,

Ouvrez-vous largement, portes éternelles,

Voici que va entrer le Roi de gloire. ”

Avec une certitude croissante, l’Église nous annonce trois fois qu’il va entrer : devant la porte de l’Église, quand elle chante l’Introït, à l’Offertoire (l’autel est aujourd’hui la porte fermée derrière laquelle se tient déjà le Rédempteur) et à la Communion qui est une première révélation, une première vision de la gloire de Dieu.

La seconde image est la Vierge bénie. La profonde douleur de saint Joseph tant qu’il ignore le mystère nous assure qu’il n’est pas le père de l’Enfant et l’ange nous donne la certitude que cet Enfant est le Fils de Dieu et le Rédempteur. C’est le dernier événement historique avant la naissance du Sauveur. Joseph apprend de la bouche de l’ange et nous apprenons de celle de l’Église : “ Ce qui est né en Marie vient du Saint-Esprit. Elle enfantera un Fils et tu lui donneras le nom de Jésus (le Sauveur) car il rachètera son peuple de ses péchés. ”

Avec exactitude et concision, l’objet de la fête de ces deux jours est exprimé dans l’invitatoire de l’Office : “ Aujourd’hui vous saurez que le Seigneur va venir et demain vous verrez sa gloire. ” Aujourd’hui nous offre la certitude, et par l’Eucharistie, le sage de la venue certaine du Seigneur — demain sera la grande vision de sa gloire.

Il y a un progrès dans la manifestation du mystère de l’Avent, dans l’Epître elle-même. Elle nous montre. pour la première fois, dans toute sa clarté, l’image du Christ. Au cours de l’Avent, la liturgie nous a indiqué le Sauveur qui va venir, avec une précision sans cesse grandissante (c’est là en effet un des principes fondamentaux de la liturgie : la manifestation progressive). La première semaine, nous apercevons le Sauveur comme voilé d’obscurité et de brouillard. Peu à peu cette image nébuleuse est devenue plus claire et aujourd’hui l’Église nous dit en des formules d’une stricte exactitude dogmatique : “ le Christ, selon sa nature humaine, est né de la Vierge Marie, selon sa nature divine, il est le Fils éternel de Dieu : “ ... l’Évangile que Dieu par ses Prophètes (dans l’Avent spécialement le prophète Isaïe), dans les Saintes Écritures, avait promis auparavant au sujet de son Fils (c’est là tout l’Avent). Son Fils lui est né selon la chair (sa nature humaine) de la race de David, mais selon l’Esprit de sainteté (c’est-à-dire sa nature divine), il a été déclaré Fils tout-puissant de Dieu par sa résurrection d’entre les morts, Jésus-Christ Notre Seigneur... ” Il serait difficile d’exprimer d’une manière plus parfaite la transition de l’Avent à Noël et à Pâques.

Maintenant nous sommes prêts et préparés, Il peut venir.

2. De la prière des Heures. — Le lecteur pourrait, dès aujourd’hui ou tout au moins dans les jours suivants, réciter avec l’Église les parties principales de l’Office. Les Matines d’aujourd’hui sont la dernière prière de l’Avent. L’invitatoire nous fait déjà entendre le leitmotiv du jour.

Aujourd’hui vous saurez que le Seigneur va venir et demain vous contemplerez sa gloire.

Les psaumes sont ceux du jour de la semaine ; les trois leçons sont une simple homélie du docteur de l’Église, saint Jérôme, sur l’Évangile du jour. Le saint nous explique pourquoi le Sauveur n’est pas né simplement d’une Vierge mais d’une Vierge mariée.

Les répons nous font sans cesse entendre le même leitmotiv et cette répétition est saisissante.

Sanctifiez-vous et soyez prêts, car demain vous verrez

La gloire de Dieu parmi vous ?

Aujourd’hui vous saurez que le Seigneur va venir

Et demain vous verrez

La gloire de Dieu parmi vous” (Rép.).

Demeurez fermes dans la confiance et contemplez le secours du Seigneur sur vous,

O Judée et Jérusalem, ne craignez pas :

Demain vous sortirez et le Seigneur sera avec vous,

Sanctifiez-vous, enfants d’Israël, et soyez prêts” (Rép.).

Sanctifiez-vous, enfants d’Israël, dit le Seigneur, car demain le Seigneur va descendre

Et enlever de vous toute infirmité ;

Demain la dette du péché de la terre sera supprimée

Et le Sauveur du monde régnera sur nous. ” (Rép.).

Avec la première prière du matin, les Laudes, l’Office prend un caractère festival (à partir de là, l’Office est double). Quand, le matin, le soleil se lève, l’Église voit déjà venir le Sauveur de Noël : “ Comme un soleil, se lève le Sauveur du monde et il descend dans le sein de la Vierge comme la rosée sur l’herbe, Alleluia. ”

La Vigile de Noël revêt à Prime une solennité particulière ; c’est l’annonce du jour de la naissance du Christ, chantée sur une mélodie chorale spéciale. Dans let ; Communautés où l’on cultive la liturgie, le chantre revêtu de l’aube et de la chape violette, s’avance au milieu du chœur, accompagné de ministres portant des cierges et l’encensoir. Il commence par encenser le martyrologe qui repose sur un pupitre recouvert d’un voile violet et commence à chanter ce qu’on lira plus loin, après avoir annoncé la date du mois et le jour de la lune. Tout le monde est debout, la tête découverte ; à ces mots : “ A Bethléem ” on tombe à genoux et à ces mots : “ La naissance de Notre Seigneur ”, tous se prosternent à terre pour offrir une première adoration au Fils de Dieu fait homme. Le chantre chante donc, ainsi en indiquant les dates à la manière antique :

En l’an 3199 après la création du monde quand Dieu au commencement fit le ciel et la terre ;

En l’an 2759 après le déluge ;

En l’an 2015 après Abraham ;

En l’an 1510 après la sortie du peuple d’Israël de l’Égypte, sous la conduite de Moïse ;

En l’an 1032 après que David eut reçu l’onction royale ;

En la 65e semaine d’année après la prophétie de Daniel ;

En la 194e Olympiade, en l’an 752 de la fondation de la ville de Rome ;

En l’an 42 du règne d’Auguste Octavien, quand la paix fut établie dans le monde entier ;

En la sixième époque de l’histoire du monde ;

Alors Jésus-Christ, Dieu éternel et Fils du Père éternel, voulut sanctifier le monde par la grâce de sa venue ;

Il fut conçu du Saint-Esprit et après l’espace de neuf mois (on s’agenouille) à Bethléem, dans la tribu de Juda, il naquit comme homme de la Vierge Marie :

La naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ dans la chair.

Après s’être prosternés, les assistants se relèvent et le reste du Martyrologe est lu par le lecteur à la manière ordinaire.

Pendant le jour, nous chantons de courtes antiennes qui toutes résument l’attente immédiate.

A Prime. “ Judée et Jérusalem, ne craignez pas, demain vous sortirez et le Seigneur sera avec vous, Alleluia. ”

A Tierce. “ Aujourd’hui vous saurez que le Seigneur — va venir et demain vous contemplerez sa gloire. ”

A Sexte. “ Demain sera détruite l’iniquité de la terre et sur nous règnera le Sauveur du monde. ”

A None. “ Demain vous recevrez le salut, dit le Seigneur, le Dieu des armées. ”

A l’Office du soir, les Vêpres nous font déjà entendre les premiers accents de la fête de Noël. L’attente est devenue la certitude heureuse de la possession. Il y a dans les antiennes comme un désir apaisé et un calme majestueux : “ Le Roi pacifique est glorifié, lui dont toute la terre désire voir le visage. ” — “ Les jours sont accomplis où Marie devait enfanter son Fils premier-né. ” — “ Sachez que le royaume de Dieu est proche, en vérité, je vous le dis, il ne tardera pas. ” — “ Levez la tête, voici que votre Rédemption est proche. ”

Dans sa certitude, l’Église chante, au coucher du soleil : “ Lorsque le soleil se sera de nouveau levé dans le firmament, vous verrez le Roi des rois qui procède du Père comme un Époux qui sort de la chambre nuptiale ” (Ant. Magn.).

LE TEMPS DE FÊTE

Les deux cycles festivaux de l’année liturgique sont construits de la même manière : il y a d’abord une montée qui est la préparation, ensuite un cheminement sur les hauteurs pendant le temps des fêtes, puis une descente dans la plaine pendant le temps où s’achève le cycle. Le temps de préparation du cycle d’hiver est l’Avent que nous venons d’achever. Maintenant que ce temps est achevé, nous restons étonnés devant les richesses de poésie symbolique et dramatique que l’Église a réunies. Intentionnellement nous avons laissé la liturgie elle-même parler dans ses chants et ses leçons, afin de pouvoir admirer cette richesse. Nous pouvons affirmer qu’aucun temps de l’année liturgique ne possède une telle surabondance de cantiques, de versets, de chants. Comme d’une corne d’abondance la liturgie nous verse la profusion variée de ses chants.

Maintenant suit, sans solution de continuité, comme une émanation naturelle de l’Avent, la fête de N l. Le temps festival des deux cycles a encore ceci de commun qu’il comprend, dans l’un et l’autre cas, deux grandes fêtes, qui sont comme les piles du pont qui supportent tout le temps festival. Dans le cycle d’hiver, nous avons Noël et l’Épiphanie ; dans le cycle d’été, Pâques et la Pentecôte. Il y a cependant une différence entre ces deux couples de fêtes. Pâques et la Pentecôte représentent un développement organique de la même pensée de salut, Noël et l’Épiphanie sont la répétition de la même pensée. La célébration de ces deux fêtes ne s’explique que par des raisons historiques. Noël est la fête de la Nativité de l’Occident et l’Épiphanie celle de l’Orient. L’Occident a adopté l’Épiphanie. et l’Orient Noël. Ces deux fêtes de l’Orient et de l’Occident sont un monument vénérable de l’union qui régnait autrefois entre les deux Églises, union que nous voudrions voir renaître, après une séparation millénaire. L’union malgré toute la différence d’idées et de sentiments !

Les circonstances historiques qui ont fait de ces deux fêtes des doublets nous aideront à comprendre bien des particularités et à résoudre bien des difficultés qui résultent de ce double emploi. Pour nous autres Occidentaux, la fête de Noël paraîtra toujours plus importante que celle de l’Épiphanie, malgré le rang plus élevé de cette dernière. Noël est et demeure notre fête, l’Épiphanie nous touche de moins près. Après quatre semaines où le désir a tendu fortement notre esprit, Noël est le véritable accomplissement de l’Avent. Il faut cependant avouer qu’entre l’Avent et l’Épiphanie la parenté de pensées est plus étroite. Noël est cependant bien la clôture de l’Avent. Il suffit de parcourir les textes de la Vigile. Nous reprenons toujours ce chant : Demain le péché originel sera détruit. Noël est la fête de la Rédemption. Par contre, il nous faut attendre jusqu’à l’Épiphanie pour voir se réaliser la glorieuse visite du Roi dont la pensée domine l’Avent.

D’ailleurs Noël et l’Épiphanie ne sont pas de simples doublets. L’Église Occidentale a reçu de l’Église Orientale sa fête de la Nativité avec son contenu spirituel oriental et elle l’a développée selon son génie propre. Elle l’a magnifiquement fécondée et enrichie. Son regard s’est élevé du cercle historique étroit de la naissance du Seigneur jusqu’à la perspective de la royauté du Christ qui domine les temps. L’Avent de l’Occident et sa fête de Noël ont bénéficié de cet élargissement de vues. Finalement les deux fêtes de la Nativité sont devenues deux solennités distinctes avec un objet indépendant et une progression intérieure. Nous avons désormais quelque chose d’analogue à ce que nous voyons dans le cycle de Pâques. A Pâques le soleil de la Résurrection se lève et éclaire le monde de ses rayons brillants. A la Pentecôte, ce soleil est à son midi et sa chaude lumière crée la vie et la fécondité. A Noël, le soleil de la Nativité se lève sur les plaines de Bethléem, à l’Épiphanie “ la gloire du Seigneur ” rayonne sur Jérusalem. A Noël nous naissons et renaissons avec le Christ notre frère, à l’Épiphanie le Christ célèbre avec l’Église et l’âme ses noces mystiques. A Noël “ le Christ nous est né ” ; c’est comme une fête intime de famille à laquelle ne participent que quelques privilégiés avec Marie et les bergers ; à l’Épiphanie, “ le Christ nous est apparu ”, c’est-à-dire il a manifesté son apparition au monde.

Les événements historiques comme la Nativité, l’adoration des Mages, le Baptême ne sont ici que des témoignages et des preuves de ce fait heureux que l’Homme-Dieu est le Sauveur du monde.

Les deux fêtes complètement séparées de Noël et de l’Épiphanie, constituent une première et une seconde solennités. Noël a une vigile que nous avons considérée comme faisant encore partie de l’Avent, ainsi qu’une Octave qui admet, il est vrai, la célébration d’autres fêtes (par exemple : saint Thomas, saint Silvestre) ; cette Octave se clôture par une fête indépendante : la Circoncision de Notre Seigneur. Une particularité de la fête de Noël, ce sont les trois fêtes adjointes (Saint-Étienne, Saint-Jean, les Saints-Innocents). Le dimanche dans l’Octave de Noël a son pendant dans l’Octave après l’Épiphanie, mais originairement il servait de transition entre Noël et l’Épiphanie.

L’Épiphanie a également une vigile : son Octave privilégiée n’admet pas les fêtes de rang moyen, ce qui permet de se consacrer sans distraction à une méditation plus profonde du mystère. Récemment, on a fixé au dimanche après l’Épiphanie la fête de la Sainte-Famille. La messe antique et riche de sens de ce dimanche a été renvoyée à un jour de la semaine. Les progrès de la liturgie feront sans doute disparaître cette anomalie.

25 DÉCEMBRE

La Sainte Fête de Noël (double de 1re classe)

Roi et Enfant

L’ami de la liturgie fera bien de préparer quelques jours auparavant l’Office de nuit, particulièrement les Matines de Noël ; une si grande fête mérite une préparation de plusieurs jours.

1. La Sainte Nuit. — a) Les Matines. Un Office religieux pendant la Nuit ! L’ancienne Église en avait fait une institution permanente. La nuit ne devait pas être consacrée seulement au sommeil, mais encore à la prière et à la méditation. Les vigiles (veilles de nuit) ou matines étaient, dans l’ancienne Église, la prière nocturne de la Parousie, dans laquelle on attendait celui “ qui se lève sur les hauteurs ”, c’est-à-dire le retour du Seigneur. Dans l’esprit de la liturgie, l’Heure de prière des matines est encore assignée à la nuit et il y a des Religieux qui, toutes les nuits, se lèvent de leur couche, pour prier et chanter au nom de l’Église. Mais, en fait, pour le peuple, il ne subsiste qu’un Office de nuit, celui de la nuit de Noël. Nous devons d’autant plus l’apprécier. Vers dix heures et demie ou onze heures, les cloches de Noël nous appellent à Matines. Les amis de la liturgie tiendront à réciter les Matines pendant la nuit, autant que possible en commun.

Après l’Invitatoire solennel : “ Le Christ est né, venez, adorons-le ” et le chant de l’hymne, commencent les trois Nocturnes. Les trois psaumes du premier Nocturne, malgré leur caractère et leur contenu différents, se ramènent à une seule idée : la naissance du Christ. Psaume 2 : Engendré éternellement par le Père, né dans le temps de la Vierge Marie. Psaume 18 : Le divin Soleil quitte comme un Époux la chambre nuptiale et vient nous éclairer de ses rayons (ce psaume :nous est connu, nous l’avons rencontré pendant l’Avent). Psaume 44 : La divinité et l’humanité célèbrent leur union dans le divin Enfant qui vient de naître.

Dans les Leçons, le prophète de l’Avent, Isaïe, achève ses prophéties, il annonce le rétablissement du royaume de Dieu par le Christ (première leçon), il console Jérusalem (l’Église) et l’exhorte à revêtir des vêtements de fête, car l’Époux royal vient pour célébrer ses noces (troisième leçon).

Lève-toi, lève-toi, prends ta parure, Ô Sion,

Prends tes vêtements de gloire, Jérusalem, cité sainte,

Lève-toi de la poussière, Jérusalem captive,

Déliées sont les chaînes de ton cou, Sion captive ! ”

Les répons sont d’une grande beauté, tout remplis de l’impression immédiate et de l’expression lyrique de la merveille de Noël, les deux premiers avec la répétition constante de “ hodie ”, aujourd’hui, et le troisième avec son dialogue dramatique. (C’est là qu’il faut chercher l’origine des mystères médiévaux de Noël et de la Crèche).

Aujourd’hui la véritable paix est descendue pour nous du ciel,

Aujourd’hui, par tout l’univers, les cieux ont distillé du miel,

Aujourd’hui a brillé pour nous le jour de la Rédemption nouvelle, de la réparation depuis longtemps annoncée, de l’éternelle félicité (Rép.).

Qui avez-vous vu, bergers ?

Dites-le-nous, annoncez-nous qui a paru sur la terre.

C’est un Enfant que nous avons vu et les chœurs des anges qui louaient le Seigneur.

Dites-nous ce que vous avez vu,

Annoncez-nous la naissance du Christ.

C’est un Enfant que nous avons vu... ” (Rép.).

Le premier Nocturne considérait la naissance du Christ, le second nous entretient de ce que le Christ veut nous apporter : le royaume de Dieu, la paix, la Rédemption, la réconciliation avec Dieu. Ces pensées apparaissent dans plusieurs passages des psaumes. Dans le psaume 47, la ville de Dieu, qui fête aujourd’hui la fête de la Nativité de son Roi, rend grâces dans une procession solennelle, pour sa délivrance du pouvoir des ennemis ; le psaume 71, un vrai psaume de Noël et de l’Épiphanie, chante le Roi pacifique, le dispensateur de la justice, le Père des pauvres, dans l’Enfant royal qui vient de naître. Le psaume 84 est un chant de joie saluant la Rédemption (nous connaissons déjà ce psaume, cf. p. 111).

Les Leçons nous apportent une homélie de Noël du pape saint Léon. Ses discours éloquents causèrent dans l’Église de Rome, au cinquième siècle, une grande joie. Dans les répons, l’Église commence par s’étonner devant le mystère de la Crèche, puis elle fait entendre un chant de gloire en l’honneur de Marie, qui retentit à travers quatre répons.

Dans le troisième Nocturne, la psalmodie après une méditation calme de la miséricorde de Dieu et de sa fidélité, s’abandonne à la joie : le psaume 88 raconte d’une manière saisissante les promesses faites à David, promesses qui se réalisent aujourd’hui : le descendant de David doit être Roi éternellement. Ensuite les deux derniers psaumes terminent dans la joie les Matines. D’ordinaire les leçons du troisième Nocturne sont une explication scripturaire de l’Évangile qui est rappelé par une seule phrase, mais à Noël, comme on célèbre trois messes et qu’on lit par conséquent trois Évangiles, ces trois Évangiles sont ici brièvement expliqués. Trois grands docteurs de l’Église prennent la parole : Grégoire le Grand, Ambroise et Augustin. Ainsi, en comptant saint Léon le Grand, au second Nocturne, quatre docteurs de l’Église latine nous adressent la parole aux Matines de Noël.

b) Les messes de Noël : Le saint jour de Noël est caractérisé par un triple Sacrifice eucharistique. L’ancienne Église de Rome a, en cela, suivi l’exemple vénérable de l’Église de Jérusalem. Les fidèles se rassemblaient, la nuit, dans la grotte de la Nativité et sanctifiaient l’heure de la naissance du Seigneur par la célébration de la messe. A la fin de cette messe ils retournaient à Jérusalem. Que pouvaient-ils faire de mieux que de commémorer l’heure de la Résurrection, dans l’église de la Résurrection, et d’y célébrer en même temps Noël avec les bergers ? C’était la seconde messe. Pendant le jour, ils se réunissaient dans l’Église pour l’Office solennel. Ainsi naquit l’usage de célébrer trois messes le jour de Noël. Cet usage fut imité à Rome. La première Messe était célébrée pendant la nuit dans l’église de la Crèche de Sainte-Marie Majeure (Sainte-Marie Majeure était considérée comme le Bethléem des Romains) : la seconde messe était célébrée dans l’église romaine de la Résurrection, dans l’église palatine grecque dont le nom était Anastasis (c’est-à-dire Résurrection). La troisième était célébrée dans la basilique de Saint-Pierre. De Rome l’usage se répandit dans tout l’Occident. Depuis que les prêtres occidentaux célèbrent la messe tous les jours, la coutume s’est établie que chaque prêtre puisse célébrer la messe trois fois, à Noël.

Trois considérations s’unissent dans chaque messe ; la divine lumière, le temps correspondant du jour ou de la nuit et l’événement évangélique de ce temps. Il y a, dans les trois messes, un développement progressif de la pensée de la fête. L’impression de l’Avent se remarque encore dans la première messe. Le Dieu de Majesté, environné de lumière, s’y manifeste, des anges lumineux volent au-dessus de la terre, et la Mère. la Vierge très pure, est le seul être terrestre qui approche l’enfant divin. L’humanité est encore dans l’attente dans les ombres de la nuit. La pensée de Noël progresse à la seconde messe qui est célébrée à l’aurore, au lever du soleil. La lumière divine qui a paru mystérieusement sur la terre, sous les voiles de la nuit, s’élève pour nous comme un soleil d’une force créatrice puissante, elle entre en relation active avec nous comme “ notre Sauveur ”. Dans la troisième messe, la pensée de Noël atteint son développement le plus élevé et se manifeste dans toute son efficacité “ à tous les hommes ”.

Noël est une fête de lumière. Ce qui le montre déjà ç’est son origine. La date (25 Décembre) n’est pas le jour historique de la naissance du Seigneur (ce jour nous est inconnu). Si on a choisi pour cette fête le solstice d’hiver ce fut plutôt pour supplanter la fête païenne de la naissance du dieu Soleil (sol invictus) et lui substituer Une fête chrétienne. Le Christ est le vrai Dieu-Soleil qui lutte contre les ténèbres de l’enfer et en triomphe. C’est pourquoi la fête de sa naissance est très bien placée au moment où le soleil recommence son ascension. La pensée de la lumière, qui trouve aussi chez le peuple chrétien une touchante expression dans l’arbre de Noël illuminé, se poursuit à travers les trois messes. Le symbolisme de la lumière est particulièrement saisissant pendant la messe de minuit ; à la seconde messe le soleil qui se lève nous offre un -symbole vivant et c’est pourquoi l’Introït chante avec. allégresse : “ Une lumière brille aujourd’hui pour nous. ” A la troisième messe le symbole de la lumière se trouve dans l’Évangile lui-même : “ La lumière brille dans les ténèbres ”.

c) La messe de minuit (Dominus dixit). La pensée principale de la messe de minuit est celle-ci : L’Enfant de Bethléem, né de la Vierge Marie, est le Fils consubstantiel de Dieu, engendré de toute éternité, en un mot : la naissance éternelle et la naissance temporelle du Seigneur. Nous sommes réunis en esprit avec tout la chrétienté dans le petit sanctuaire de Sainte-Marie Majeure dont la crypte, derrière l’autel, représente la grotte de Bethléem. L’Introït fait pendant à l’Évangile. L’Évangile nous dit : “ Marie enfanta son Fils premier-né ” ; l’Introït chante : “ Le Père a dit : dans l’éternel aujourd’hui, je t’ai engendré de mon essence. ” Le Gloria convient particulièrement aujourd’hui. La Collecte remercie Dieu de la divine lumière dans la foi, mais elle demande aussi la jouissance de cette lumière dans la vision béatifique. L’éclat lumineux des anges et l’illumination de l’église ne sont qu’une faible image de la splendeur de la divinité que nous contemplerons au ciel. — La prière liturgique s’est élevée de la nuit de l’Avent (Kyrie) jusqu’aux plus hautes lumières du ciel. Maintenant, dans l’Epître, l’Apôtre des nations s’adresse à nous. Il a connu la nuit de l’Avent et la lumière de Noël autant que personne au monde. C’est le don de Dieu fait homme, le Sauveur lui-même, qui lui apparut sur le chemin de Damas. Depuis ce jour, il n’y a plus de nuit dans son âme mais la claire lumière. La lumière demande une vie de lumière et c’est ce qu’il nous recommande. L’Epître et l’Évangile nous parlent de l’humanité du Christ. Intercalé entre les deux, le Graduel chante de nouveau le Fils éternel de Dieu. La nuit avant le lever de l’étoile du matin est l’image de l’éternité. Nous sommes dans “ la lumière du sanctuaire ”, environnés des ombres de la nuit. Voici maintenant le point culminant de l’avant-messe, le merveilleux Évangile de la nuit sainte : la naissance du Seigneur. Les bergers font la garde de nuit (nous aussi ; tout l’Office est en réalité une garde de nuit, une vigile). La clarté céleste les environne, elle nous environne, nous aussi, au moment de l’apparition de l’ange. L’Offertoire nous est déjà connu par les Matines, c’est un écho de l’Évangile. Les anges du ciel entourent la crèche et se réjouissent, mais la terre elle-même encore plongée dans l’obscurité tressaille de joie. C’est dans ces sentiments que nous nous approchons de l’autel : donnons joyeusement en cette fête où nous recevons le don de Dieu. La secrète nous parle d’un merveilleux échange ; Dieu s’est fait Homme pour que l’homme devienne semblable à Dieu. Puis le mystère de la fête se réalise dans le sacrifice. Le Christ naît de nouveau pour nous et en lui nous renaissons. A la table du Seigneur, nous entendons chanter l’éternelle naissance du divin Pontife et notre propre renaissance (Psaume 109, Communion).

d) La triple nuit de la naissance. Les grands actes de l’histoire du monde et de l’humanité s’accomplissent d’ordinaire en jour et le monde en fête aussi le souvenir en plein jour. L’Église, par contre, a préféré, dès le début, le silence solennel de la nuit et, dans l’antiquité, elle a célébré toutes ses fêtes pendant la nuit. En agissant ainsi elle se rappelait les saintes prières de son divin Fondateur qui se prolongeaient pendant toute la nuit. La nuit était aussi le symbole de son éloignement du monde et de son ardent désir de la Parousie. Et c’est pourquoi, aujourd’hui encore, elle fait, de sa plus longue prière, une prière nocturne. Ce sont les Matines. Elle sait aussi que les plus grands événements de la Rédemption se sont accomplis dans l’obscurité de la nuit, loin des regards du monde. Et même la figure de la Rédemption : la délivrance de la servitude d’Égypte, la mort des premiers-nés, l’immolation et la manducation de l’agneau pascal, était déjà une vraie nuit sainte. Le Christ, Notre Seigneur, a institué son sacrement d’amour, l’Eucharistie, le soir, c’est-à-dire déjà dans la nuit. Sans doute, il est mort pendant le jour, sur le Golgotha ; mais le soleil s’obscurcit, ce fut la nuit pendant le jour. C’est avant l’aurore du matin de Pâques, alors qu’il était nuit encore, qu’il ressuscita. Quand il vint au monde, il ne choisit pas la clarté du jour, mais la nuit. La liturgie le dit d’une manière très belle : “ Pendant que le silence enveloppait la terre et que la nuit était au milieu de son cours, ta “ Parole ” toute-puissante, Seigneur, est descendue du ciel, du trône royal. ” Quand les chrétiens devinrent plus tièdes, l’Église romaine abandonna l’office de nuit, qui consistait dans la vigile, et passa à l’Office de jour. Même la vigile des vigiles, la nuit de Pâques, n’est plus célébrée actuellement. Mais il nous est resté une nuit sainte, avec tout son charme : c’est cette nuit que nous appelons la nuit de Noël, la nuit de la naissance du Sauveur. Et si cette nuit impressionne si fortement les hommes qui ne connaissent le christianisme que par l’extérieur, que ne doit-elle pas être pour nous, chrétiens, qui pouvons retrouver les pensées et les sentiments de l’Église dans sa liturgie ! Les matines ont rempli la nuit de chants sacrés. Nous avons entendu les prophéties et assisté à leur accomplissement ; nous avons écouté les paroles des quatre Pères de l’Église les plus illustres, qui nous ont expliqué la grandeur de cette nuit. Et maintenant nous sommes sur le point de réaliser en nous tout ce qui a été annoncé dans l’office de la parole de Dieu. La messe nocturne d’aujourd’hui nous parle d’une triple naissance, disons d’une triple naissance nocturne.

1. La première nuit. — L’Église nous conduit dans l’éternité, dans la nuit, avant que se levât “ l’étoile du matin ”. Dans cette nuit de l’éternité, la seconde Personne divine procède substantiellement du sein du Père. “ Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu. ” La petite intelligence humaine reste stupéfaite devant ce mystère insondable : le Fils de Dieu né du Père avant tous les temps. Et pourtant cette éternité s’approche maintenant mystérieusement de nous, car, dans la sainte Eucharistie, ce Fils éternel est tout près de nous, l’éternité entre dans notre temps. Oui, dans cette nuit, nous sommes remplis d’un saisissement sacré en face de cette nuit éternelle de la naissance du Fils de Dieu.

2. Cependant le souvenir de cette nuit éternelle n’est que le prélude de cette seconde nuit de naissance qui se passa dans le temps et que nous célébrons. Notre sainte Mère l’Église nous prend par la main et nous conduit dans l’étable de Bethléem ; elle nous montre, au milieu de la nuit, le petit Enfant nouveau-né, qui est en même temps le Roi de la paix ; elle nous montre la Vierge-Mère dans son bonheur maternel. Mais maintenant, à la messe, il y a plus qu’un souvenir et une image de cette sainte nuit de naissance. Le mystère de la messe de minuit c’est que ce Roi, ce Fils de Dieu éternellement engendré, paraît aujourd’hui devant nous comme nouveau-né ; bien plus, choisit notre cœur pour crèche et nous permet de participer aux joies maternelles de Marie.

3. Mais où se trouve la troisième nuit de naissance ? La première était la naissance dans la nuit de l’éternité ; la seconde, la naissance temporelle à Bethléem ; tolites les deux rendues présentes. La troisième naissance est notre renaissance. Chrétiens, cela est si émouvant ! Le Christ s’est fait Homme pour faire de nous ses frères et ses sœurs, afin que nous devenions avec lui des enfants de Dieu, des régénérés. Aujourd’hui c’est la nuit de notre renaissance. Pâques est notre nuit baptismale. Mais, tous les ans, à Noël, l’Église voit se lever de nouveau notre nuit de naissance spirituelle. Nous sommes redevenus de nouveau des enfants de Dieu, après avoir crié vers le ciel, pendant quatre semaines, comme des non rachetés : “ Cieux répandez votre rosée, faites pleuvoir le Juste. ” Aujourd’hui, à la Communion, quand notre cœur est devenu ta crèche, l’Église ne pense pas seulement au Christ quand elle dit : “ Dans les splendeurs de ma sainteté. je t’ai engendré avant l’étoile du matin ” ; elle pense aussi à nous et fait entendre à chacun : Dans la nuit de l’éternité, tu as été choisi par le Père ; dans la sainte nuit de la naissance du Christ, tu avais place dans le Cœur du Fils de Dieu nouveau-né qui faisait de toi son frère ou sa sœur ; et maintenant le Père te presse de nouveau sur son sein en te disant : Avec mon Fils qui est né dans l’étable, tu es devenu mon enfant bien-aimé. Tu célèbres, avec le Christ, ta nuit de naissance, une vraie nuit sainte.

e) Les Laudes. La première prière du matin qui suit maintenant immédiatement la messe de minuit est, à proprement parler, une préparation à la seconde messe, “ la messe de l’aurore ”. Les Laudes et la messe se complètent, la messe est une louange eucharistique, c’est pourquoi nous chantons comme psaume principal le psaume 92. Les antiennes des Laudes nous racontent dans un dialogue dramatique l’histoire des bergers pendant la nuit sainte.

f) La messe de l’aurore ou messe des bergers (Lux fulgebit) : “ L’aurore ” indique le temps mais aussi le symbole de la seconde messe. Les deux pensées principales de la messe sont le lever du soleil de Noël et J’événement historique des premières heures du matin (les bergers à la Crèche). A l’Introït, nous contemplons avec étonnement, au lever du soleil, le Roi du monde -qui vient de naître (le psaume 92 convient tout à fait ici : à l’arrière-plan, Dieu nous apparaît mettant un frein à la fureur des flots). L’Oraison est une magnifique prière de lumière. “ Environnés des flots de la nouvelle lumière du Verbe incarné ”, nous demandons la lumière dans la foi et dans les œuvres. L’Épître complète l’oraison. Le bon Sauveur, le Dieu fait homme, est la lumière qui nous a été communiquée au Baptême. Au Graduel, nous louons ce divin Sauveur “ qui est venu, qui brille devant nous et qui est admirable à nos yeux ”, lui le Maître de tout. Puis à l’Évangile, nous suivons, pleins de joie, les bergers dans l’étable. A l’Offrande, nous sommes nous-mêmes les bergers qui nous approchons du Roi nouveau-né que nous sommes admis à contempler. Avec les bergers, nous lui offrons nos présents (ce n’est pas en vain que, dans les représentations des bergers, on les montre les mains chargées de présents) et nous nous retirons le cœur rempli de la joie de Dieu. L’antienne de la Communion nous montre le Roi nouveau-né faisant son entrée dans son Église, dans l’âme. L’attente de l’Avent est remplie : “ Tressaille de joie, fille de Sion, jubile, fille de Jérusalem, voici que ton Roi vient, le Saint, le Sauveur du monde. ” Cette messe est toute remplie de cette pensée de la lumière et c’est une des plus belles de l’année liturgique.

2. L’Office solennel. — a) La troisième messe (Puer natus est). La messe “ du jour ” est la messe proprement dite de la fête. L’église de Station était primitivement et est encore, conformément à l’idée de la messe, l’église des Gentils, Saint-Pierre de Rome. Cette église est pour les Romains le symbole de la domination du Christ sur le monde païen. Telle est aussi la pensée dominante de la messe : la royauté universelle du Christ.

A l’Introït, nous chantons le petit Enfant dans sa crèche comme l’Imperator (au sens de la Rome antique) du monde, celui “ sur les épaules duquel repose la souveraineté ”. Au psaume 97 que nous avons déjà rencontré aux Matines, nous chantons : “ Le Seigneur a manifesté son salut, devant les yeux des Gentils, il a dévoilé sa justice. ” “ Toutes les régions de la terre voient maintenant le salut de notre Dieu. ” Dans l’Oraison, nous demandons que “ la nouvelle naissance ” nous fasse secouer “ l’antique joug du péché” et nous donne la liberté. Epître s’adapte merveilleusement à la pensée principale. Devant nos yeux apparaît l’image du souverain de l’univers : “ Dieu l’a établi héritier et Seigneur du monde qu’il a créé par lui. Comme splendeur de la gloire du Père et image de sa divine essence, le Fils porte et soutient l’univers par sa parole toute-puissante... maintenant il siège dans le ciel, à la droite de la majesté divine. Le Père dit à son Fils : ton trône, ô Dieu, est établi d’éternité en éternité, un sceptre d’équité est le sceptre de ta royauté... ” L’Alleluia est un prélude à l’Évangile de lumière, c’est un chant de lumière : le jour sacré a brillé. Le soleil, le symbole du Sauveur du monde, est, au ciel, dans tout son éclat. Nous entendons alors l’Évangile. Quel n’est pas alors l’effet du Prologue de saint Jean ! Le Logos est la divine lumière qui brille dans les ténèbres du monde, mais le monde ne la comprend pas. Mais pour nous, les enfants de Dieu, elle brille aujourd’hui ; bien plus, elle établit aujourd’hui sa demeure parmi nous. L’Offertoire développe le thème de la souveraineté universelle du Christ : “ A toi est le ciel, à toi est la terre..., le droit et la justice sont les soutiens de ton trône. ” Quand maintenant, à l’Offrande, nous nous approchons de l’autel, nous venons devant son trône et nous chantons la puissance du grand Roi. A la Communion, nous chantons une fois encore le psaume de l’Introït (psaume 97) : “ Toutes les régions de la terre voient maintenant (dans l’Eucharistie) le salut de notre Dieu. ” Dans la Postcommunion, après avoir rappelé l’un des objets importants de la fête : “ Le Sauveur du monde qui vient de naître est l’auteur de notre naissance divine ”, nous appuyons sur cette considération notre demande : qu’il nous accorde aussi l’immortalité. Le dernier Évangile est déjà une transition avec l’Épiphanie. Nous avons ainsi dans les trois messes un développement progressif de la pensée de Noël :

La nuit — l’aurore — le soleil de midi

Marie seule — les bergers (quelques privilégiés) — le monde entier

Le Rédempteur — notre Rédempteur — le Rédempteur du monde.

b) les Vêpres sont les derniers échos de la fête. Ces secondes Vêpres de Noël prêtent leur psalmodie à toute l’Octave. Quelles en sont les pensées dominantes ? J’en trouve deux.

a). La personne du Christ. – “ Engendré du sein du Père avant l’étoile du matin ”, “ la lumière qui s’est levée dans les ténèbres ”, “ le Seigneur miséricordieux et juste ”. La promesse faite à David que son descendant occuperait son trône royal s’est accomplie dans le Christ (psaume 131 ; c’est pour la même raison qu’on trouve le psaume 88 à Matines).

h). La Rédemption. — Noël est la fête de la Rédemption : “ Il a envoyé la Rédemption à son peuple, il a conclu avec lui une alliance éternelle. ” Ce qui nous surprend le plus dans ces Vêpres, c’est le sombre psaume “ De profundis ”. Nous avons coutume de le chanter à l’Office des morts et il faut en faire aujourd’hui un psaume de fête et de joie ? La raison de son choix est la pensée de l’“ abondante Rédemption”. Cependant il faut nous efforcer de voir son rapport organique avec la fête. La prière chorale est la prière du Christ mystique. Le Christ crie des profondeurs de l’humiliation où il est descendu “ à cause de nous, les hommes ” ; petit Enfant, il crie de sa Crèche, il crie du sein de la misère humaine, au nom de l’humanité qui a besoin d’être rachetée : Des profondeurs, je crie vers toi, Seigneur ”. On s’en rend compte alors : le Roi a revêtu ses haillons. La belle antienne de Magnificat résume toute la fête : “ Aujourd’hui le Christ est né, aujourd’hui le Sauveur est apparu ; aujourd’hui les anges chantent sur la terre, les archanges tressaillent ; aujourd’hui les justes exultent et chantent : Gloire à Dieu dans les hauteurs, Alleluia. ”

3. Saints du jour. — Sainte Anastasie. A la seconde messe, on fait mémoire de cette Rainte. On lit dans le martyrologe : “ Jour de mort de sainte Anastasie. Elle vécut au temps de l’empereur Dioclétien. Elle eut à souffrir de la part de son mari Publius des traitements durs et cruels, mais elle fut maintes fois consolée et encouragée par le confesseur du Christ Chrysogone. Plus tard elle fut emprisonnée longtemps par le légat d’Illyrie Florus. Enfin on lui lia les mains et les pieds et on l’attacha à un poteau autour duquel on alluma du feu. Elle mourut ainsi de la mort du martyre. Cela se passait dans l’île Palmaria. ”

Martyrs de Noël. — “ A Nicomédie (Asie Mineure), mémoire de la mort de plusieurs milliers de martyrs. Ils s’étaient rassemblés, le jour de la Nativité de Notre Seigneur, pour célébrer la sainte Eucharistie. Alors l’empereur Dioclétien fit fermer les portes de la maison de Dieu et entasser tout autour des matières inflammables. Devant l’entrée on plaça un trépied avec un brûle-parfums et le héraut fut chargé d’annoncer : “ Ceux qui veulent échapper à la mort par le feu doivent sortir et brûler de l’encens devant Jupiter. ” Mais tous, d’une seule voix, répondirent qu’ils aimaient mieux mourir pour Jésus-Christ ; alors on alluma le feu qui devait les faire mourir. Ils eurent ainsi le bonheur de naître à la gloire du ciel le jour même où le Christ avait daigné naître comme Sauveur sur la Terre ” (Martyrologe).

LE CORTÈGE DU DIVIN ROI

Comment ces trois fêtes viennent-elles, dans la liturgie, immédiatement après Noël ? L’histoire de la liturgie nous donne une réponse insuffisante : Ces fêtes sont, en partie, plus anciennes que celle de Noël et n’avaient primitivement aucun rapport avec elle. Mais pour nous, ce qu’il faut considérer c’est l’ordre actuel des fêtes, et aujourd’hui, ces trois fêtes sont en relation étroite avec Noël. Saint Bernard nous enseigne qu’un représentant de chacune des trois classes de sainteté rend hommage au Roi nouveau-né : un martyr en désir et en fait (saint Étienne). Un martyr en désir seulement (saint Jean) et des martyrs en fait seulement (les Saints Innocents). Mais cette explication médiévale est trop recherchée. Comment a bien pu penser la liturgie à sa période classique ? Dans les saints, l’Eglise se représente elle-même. L’idéal de perfection, qu’elle incarne au plus haut degré, est atteint par un petit groupe de saints. Or, quel est l’idéal de sainteté du christianisme antique ? L’Église voulait aller au-devant du Seigneur, à son retour, avec la palme du martyre et le blanc vêtement de la virginité. Tel est le sens des trois fêtes qui accompagnent Noël.

L’Église se revêt et nous revêt du vêtement qui lui paraît le plus magnifique pour recevoir le Roi. C’est le vêtement que décrit l’Apocalypse : “ vêtus de vêtements blancs avec des palmes dans leurs mains ”. Ainsi le premier jour nous allons au-devant du Seigneur comme martyrs, le second jour comme vierges et le troisième jour comme martyrs et vierges. Le jour de Noël, l’Agneau est apparu sur la montagne mystique de Sion, et l’Église, les trois jours qui suivent, réunit autour de lui son escorte lumineuse la plus intime : “ Ils chantent un cantique nouveau devant le trône... ” C’est le mystère de la messe de Noël qui se développe pendant ces quatre jours.

Nous comprenons maintenant ces trois fêtes et nous pouvons les célébrer d’une manière plus fructueuse. Tous, pauvres et pécheurs que nous sommes, nous pouvons, en union avec l’Église, saluer le Roi au même titre que saint Étienne, saint Jean et les Saints Innocents. Bien plus, nous pouvons entrer dans la troupe lumineuse des 44 mille “ qui suivent l’Agneau partout où il va ”.

26 DÉCEMBRE

Saint Étienne, premier martyr (double de 2ème cl.)

STATION A SAINT ÉTIENNE SUR LE CŒLIUS

Dans le sang du saint lévite Étienne “ l’Église offre les prémices du martyre ” au Roi des martyrs.

La fête peut être considérée d’un double point de vue : en soi et dans ses relations avec la fête de Noël. A la messe, la fête est tout à fait indépendante, il n’est pas question de Noël. Il est vrai que, dans la pensée de l’Église, cette relation, que la prière des Heures marque expressément, n’est jamais oubliée.

1. Saint Étienne et Noël. — Dès l’invitatoire de Matines, l’Église marque cette relation. “ Le Christ nouveau-né, qui en ce jour a couronné saint Étienne, venez, adorons-le. ” Rien ne marque mieux cette relation que le panégyrique de saint Fulgence que nous lisons aujourd’hui au bréviaire :

Hier nous fêtions la Nativité de notre Roi éternel dans cette vie temporelle. Aujourd’hui nous célébrons solennellement le souvenir des glorieuses souffrance ! ; d’un soldat. Hier notre Roi se voilait dans les vêtements pourpre de la chair, sortait du palais du sein virginal et visitait le monde dans sa grâce. Aujourd’hui un soldat quitte la tente du corps et s’avance en triomphateur vers le ciel. Celui-ci se ceignit de la ceinture d’esclave de la chair et entra pour combattre sur le champ de bataille de ce monde : celui-là dépose la dépouille corruptible de son corps et monte pour régner éternellement dans le palais des cieux. Celui-ci descend recouvert de la chair, celui-là monte couronné de sang. Celui-là monte, après avoir été lapidé par les Juifs, parce que celui-ci est descendu, acclamé par les anges ; aujourd’hui les anges ont reçu avec joie saint Étienne dans leurs rangs. Hier le Seigneur est sorti du sein de la Vierge, aujourd’hui ce soldat est sorti de la prison du corps ; hier le Christ était pour nous enveloppé de langes, aujourd’hui Étienne est par lui revêtu du vêtement de l’immortalité. Hier l’étroitesse de la Crèche enfermait le Sauveur, aujourd’hui l’immensité du ciel reçoit saint Étienne triomphant. Le Seigneur es’, descendu seul pour en relever plusieurs, notre Roi s’est abaissé pour exalter ses soldats. Cependant, mes frères, nous devons reconnaître avec quelles armes Étienne a vaincu la rage des Juifs pour être jugé digne d’un si magnifique triomphe. Pour conquérir la couronne de son nom, Étienne combattit avec les armes de l’amour et il remporta partout la victoire. En vertu de l’amour de Dieu, il ne fut pas vaincu par les Juifs en furie ; en vertu de son amour pour le prochain, il pria pour ceux qui le lapidaient. Par l’amour il exhorta les égarés à se convertir, par l’amour il pria pour ceux qui le lapidaient, afin qu’ils ne soient pas punis. Appuyé sur la puissance de l’amour, il triompha de la rage cruelle de Saul et celui qui sur la terre fut son persécuteur est au ciel son compagnon. ”

2. La fête en elle-même. — a) La Sainte Écriture nous raconte d’une façon saisissante le martyre de notre héros : “ Les Juifs en entendant cela (son discours de défense) se laissèrent aller à la fureur et grincèrent des dents contre lui. Mais Étienne, rempli de l’Esprit-Saint, leva les yeux au ciel et, voyant la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu, il dit : Je vois les cieux ouverts et le Fils de l’Homme assis à la droite de Dieu. Alors les Juifs poussèrent de grands cris, ils se bouchèrent les oreilles et se précipitèrent tous ensemble sur lui. Ensuite ils le traînèrent hors la ville et le lapidèrent. Or les témoins déposèrent leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme nommé Saul. Tandis qu’on lapidait Étienne il priait et disait : Seigneur Jésus, recevez mon esprit. Étant alors tombé à genoux il cria à haute voix : “ Seigneur ne leur imputez pas ce péché. ” A ces mots, il s’endormit dans le Seigneur.

b) La messe (Sederunt principes) : Nous admirons la vivacité dramatique avec laquelle l’Église place le saint au milieu de nous. Nous assistons positivement à son martyre. Bien plus, l’Église nous unit à lui, nous prenons part à ses souffrances et à sa gloire. Nous pouvons, dans ce drame, distinguer trois phases : la souffrance — l’abandon — l’union au Christ. L’avant-messe nous fait partager la détresse de saint Étienne. Nous nous tenons avec lui devant le Sanhédrin, nous venons, nous aussi, du monde rempli de tentations et de combats. Ainsi nous pouvons, nous aussi, réciter du fond du cœur la prière de l’Introït et du Graduel : “ Les impies me poursuivent, viens à mon secours, ô Seigneur, car ton serviteur veut garder tes commandements ”. A l’Offertoire, nous déposons sur l’autel, avec saint Étienne, les peines de la vie et nous prions avec lui : “ Seigneur Jésus, recevez mon âme. ” Saint. Étienne nous apprend le sacrifice. Or nous avons une digne victime, le Christ. Le Christ, Étienne et moi, voilà un sacrifice magnifique et complet. A la Communion, nous gravissons le troisième degré. Quel était le but de saint Étienne ? Il fut couronné comme son nom l’indique, il obtint la gloire éternelle. C’est aussi le but du Saint-Sacrifice. La sainte Communion nous unit avec le Christ et prépare la gloire éternelle. Chaque fête de saint nous facilite la rencontre avec Dieu et le contact avec lui. Le saint est un pont qui nous mène à Dieu. Cette messe nous montre, d’une manière exemplaire, comment nous pouvons, au Saint-Sacrifice, accomplir notre ascension spirituelle.

c) La prière des Heures. Le bréviaire nous paraît aujourd’hui un peu âpre. Après un jour de fête rempli de la plus haute poésie et des émotions les plus fortes, le commun des martyrs nous semble trop simple. Mais justement, ce style lapidaire, aux lignes sobres, est dans l’esprit de la liturgie romaine classique. Nous remarquons aujourd’hui que, dans cet office, il, est question à tout moment de “ couronne ”, de couronnement ”, et nous songeons qu’Étienne veut dire le couronné. Les antiennes de Laudes sont d’une grande beauté. “ Avec joie il supporta les pierres, il est suivi de toutes les âmes justes. ” Ensuite nous récitons avec Étienne le beau psaume 62 : “ Mon âme s’attache à toi car mon corps a été lapidé pour toi, mon Dieu. ”

27 DÉCEMBRE

Saint Jean, Apôtre et Évangéliste (double de 2ème classe)

STATION A SAINTE MARIE MAJEURE

C’est ce Jean qui, à la dernière Cène, reposa sur la poitrine du Seigneur, heureux l’Apôtre auquel les secrets célestes ont été révélés” (Ant. Magn. et Ben.).

1. Saint Jean. — C’est le virginal ami du Christ qui, à la dernière Cène, reposa sur la poitrine de son Maître et y puisa l’amour et la connaissance des plus sublimes mystères, ce qui lui valut une place si brillante dans l’Église ! Au pied de la Croix, il reçut, comme legs précieux de son Maître, sa virginale Mère. Il a donné à l’Église son merveilleux évangile, dans lequel, semblable à l’aigle (son symbole), il s’élève jusqu’aux hauteurs sublimes de la divinité. Combien précieux sont, par exemple, les discours d’adieu du Seigneur à la dernière Cène ! Il nous a laissé le seul livre prophétique du Nouveau Testament, l’Apocalypse, le livre du Jugement dernier. Nous y voyons, dans des images impressionnantes, une série nettement déterminée de châtiments successifs que Dieu fait tomber sur le monde. Ces châtiments avec la catastrophe finale s’unissent pour former une grandiose image du jugement de Dieu. Jean est le seul Apôtre qui soit mort de mort naturelle. Il fut cependant martyr par la volonté et la profession de foi. A la fin de sa vie (vers l’an 100 après J.-C.), il fut jeté dans l’huile bouillante (cf. 6 mai) et “°but le calice du Seigneur ”.

Comme le saint évangéliste qui vivait à Éphèse, dans son âge très avancé, était porté à l’église par ses disciples et ne pouvait plus faire de longs discours, il avait coutume, dans les réunions, de répéter toujours les paroles suivantes : Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres. Enfin, les disciples et les frères qui étaient présents, ennuyés de l’entendre toujours répéter le même discours, lui dirent : Maître, pourquoi répètes-tu toujours la même chose ? Alors il leur fit la réponse suivante, bien digne de saint Jean : “ parce que c’est le précepte du Seigneur et si vous observez seulement cela, cela suffit. ” “ Soixante-huit ans après la Passion de son Maître, il mourut dans un âge avancé. Dans le voisinage de la ville qu’on vient de nommer il trouva son dernier repos ” (Martyrologe).

2. L’Office, d’une beauté et d’une délicatesse extrêmes, respire l’amour et l’innocence. Les répons de la fête chantent les divers aspects de la personnalité

de saint Jean : le bien-aimé du Seigneur, l’Évangéliste, l’auteur de l’Apocalypse, l’apôtre virginal, le docteur de l’Église, l’Apôtre reposant sur la poitrine du Seigneur. Dans les leçons :

Jésus aimait ce disciple, car le privilège spécial de la virginité le rendait digne d’un plus haut amour.

Dans l’innocence virginale, il fut choisi comme disciple par le Seigneur et il garda cette innocence jusqu’à la mort

Suspendu à la croix, proche de la mort, le Seigneur lui confia sa Mère, sa Mère Vierge au disciple vierge ” (Rép.).

Vénérable est saint Jean qui pendant la Cène reposa sur la poitrine du Seigneur,

A lui, sur la Croix, le Christ a confié sa Mère, sa Mère vierge au disciple vierge.

Lui, le disciple vierge, le Seigneur l’a choisi et l’a aimé de préférence à tous les autres disciples. ” (Rép.).

Dans les leçons du premier Nocturne nous entendons le commencement de la première Épître de saint Jean, dans laquelle l’Apôtre bien-aimé nous laisse entrevoir son âme remplie d’amour (le commencement vaut pour l’ensemble). Dans le troisième Nocturne, saint Augustin voit dans les deux Apôtres Pierre et Jean les symboles de l’Église de la terre et de l’Église du ciel :

L’Église connaît une double vie qui lui est prêchée et recommandée par Dieu ; de ces deux vies, l’une est dans la foi, l’autre dans la contemplation ; l’une dans le temps de pèlerinage, l’autre dans l’éternité de la demeure ; l’une dans le travail, l’autre dans le repos ; l’une dans la voie, l’autre dans la patrie ; l’une dans l’occupation active, l’autre dans la récompense de la contemplation ; l’une se détourne du mal et fait le bien, l’autre n’a pas de mal dont elle doive se défendre, elle ne connaît qu’un grand bien pour en jouir ; l’une combat contre l’ennemi, l’autre règne sans ennemi... L’une est bonne, mais encore malheureuse, l’autre est meilleure et heureuse. La première est représentée par l’Apôtre Pierre, l’autre par Jean... ”.

3. La messe (In medio). — La liturgie de la messe est un peu âpre. Après la poésie de Noël et celle de la prière des Heures, nous désirerions plus de sentiments. Cependant, sous l’écorce amère, on découvre un noyau succulent, L’église de station est Sainte-Marie Majeure. Le choix de cette église se comprend, puisque saint Jean fut donné comme fils à la Sainte Vierge. Introït (qui est celui du commun des docteurs) convient en premier lieu à saint Jean. Par ses écrits, saint Jean est pour tous les temps le grand docteur de l’Église. Songeons seulement combien de fois saint Jean nous parle dans la liturgie. Ici encore, considérons la liturgie sous son aspect dramatique. En la personne du prêtre, saint Jean s’avance à travers le milieu de l’église, vers l’autel. L’Oraison prie aujourd’hui pour l’Église : “ Éclairée par la doctrine de notre saint, puisse-t-elle parvenir aux dons éternels. ” (C’est là une vraie oraison liturgique qui ne considère pas les particuliers, mais le grand ensemble, le corps mystique de Jésus-Christ). Il faut également entendre la leçon d’une manière plus profonde : la Mère honorable (la Sagesse) est de nouveau l’Église qui rencontre ses enfants, en ce moment, à la messe et les nourrit du pain de vie et de l’eau de la sagesse dans l’Eucharistie. (Nous sommes à Sainte-Marie Majeure. La Mère de Dieu rencontre son fils saint Jean. Marie est le symbole de l’Église et saint Jean le symbole des fidèles). La leçon nous fait mieux comprendre l’Introït. On y applique à tous les élèves de la Sagesse, c’est-à-dire aux disciples de l’Église, ce qui, dans l’Introït, a été dit de saint Jean. Nous voyons une fois de plus que saint Jean est notre symbole et notre modèle. L’Évangile aussi nous étonne un peu : nous aurions peut-être attendu un autre épisode de la vie de l’Apôtre. Cependant le Graduel et la Communion nous apprennent quelle pensée a dirigé la liturgie dans son choix, c’est la parole du Christ : “ Je veux qu’il reste ainsi jusqu’à ce que je revienne (donec venio). C’est le leitmotiv de la messe. Rappelons-nous que pendant tout l’Avent nous avons attendu le Roi “ à venir” et qu’à Noël nous avons chanté plein de joie : “ il est venu” (Off. I. Messe). En la personne du virginal saint Jean, l’Église va au-devant du Roi qui est venu. — Aujourd’hui, dans certaines régions, on bénit et on fait boire le vin de saint Jean : (“ Bois l’amour de saint Jean ”).

28 DÉCEMBRE

Les Saints Innocents (double de 2ème cl.)

STATION A SAINT PAUL

Dans leur robe d’innocence et avec la palme du martyre à la main, ils vont au-devant du Roi.

Après la fête du martyr et celle de l’Apôtre virginal, vient celle des Martyrs innocents. Dans la semaine, nous célébrons cette fête avec la couleur violette, sans Gloria et sans Alleluia. L’Église porte le deuil avec les mères qui ont perdu leurs enfants. Mais si la fête tombe un dimanche, l’Église prend la couleur rouge du Martyre, chante le Gloria, le Te Deum, l’Alleluia, car le deuil ne se concilie pas avec le dimanche.

La fête d’aujourd’hui a un double aspect. D’un côté elle représente le point culminant des trois fêtes adjointes. Le premier jour, nous allions au-devant du Roi dans la personne d’un martyr, le second jour, en la personne de l’Apôtre vierge :, le troisième jour, en la personne de ces enfants qui sont à la fois vierges et martyrs. D’un autre côté, la pensée de Noël et de la Rédemption se continue. Originairement, ce jour n’était pas une fête de saints, mais on commémorait la fuite en Égypte.

1. Ils suivent l’Agneau. — Si nous considérons les textes liturgiques et particulièrement les répons où se manifeste le plus clairement l’esprit de la fête, nous constaterons une idéalisation des Saints-Innocents. L’Église ne s’arrête pas à la figure historique des Saints-Innocents, mais elle voit en eux des images de ces figures sublimes des élus qui ont complètement réalisé son idéal, qui sont restés vierges et ont versé leur sang pour le Christ. C’est ce qui nous fait comprendre les nombreux passages tirés de l’Apocalypse (Leçon de la messe et chants). Dans ces enfants, il faut donc voir l’idéal de la chrétienté primitive : parés de la pourpre des martyrs avec le lis blanc de la virginité, ils ouvrent la marche des privilégiés qui formeront l’escorte d’honneur de l’Agneau. Ainsi cette fête nous donne des leçons pratiques, elle contribue à nous faire appliquer, dans notre vie, les pensées de Noël.

2. Pensées de Rédemption. — La piété nouvelle ne voit dans la fête de Noël que le petit Jésus dans sa Crèche et se préoccupe peu des pensées de Rédemption. Pourtant la Crèche et la Croix vont de pair. C’est pourquoi la liturgie, même dans la joyeuse fête de Noël, laisse entendre des accents de tristesse. Ce ne sont encore que de légers accents, le jour même, à Matines : “ Pourquoi les nations font-elles rage ? ” (Psaume 2) et à l’Évangile de la messe “ les ténèbres ne l’ont pas acceptée ”. Mais cet accent s’élargit les jours suivants, dans la fête de Saint-Étienne, dans celle des Saints-Innocents et le dimanche dans l’Octave. Considérons combien de fois, pendant ces trois jours, il est question de souffrance et de persécution. A la fête des Saints-Innocents, on complote déjà la mort du “Roi des Juifs qui vient de naître ”, les coups n’atteignent cependant que les Saints-Innocents. Dimanche, le vieillard Siméon prophétise au sujet de l’Enfant : “ Celui-ci a été établi... comme un signe de contradiction. ” la fête de la Circoncision, coule, pour la première fois, le sang rédempteur. Désormais le thème de la douleur apparaîtra toujours jusqu’à ce que toute cette douleur aboutisse à la mer de souffrance du Vendredi Saint. Ceci crée la transition avec le prochain cycle festival : le prince de la lumière entre en conflit de plus en plus irréductible avec le monde, il se prépare au combat. Sur la fête de Noël, la Croix projette déjà son ombre. L’Enfant de Bethléem vient pour monter sur la Croix, et pour nous faire prendre notre croix.

3. La messe (Ex ore infantium). — L’église de Station est Saint-Paul. Dans cette église, depuis les temps reculés, on honore les corps de cinq des Saints-Innocents. Ils reposent en un endroit honorable de l’église, sous l’abside, dans un sarcophage. A l’Introït, nous entendons le chant de louange des petits martyrs, auquel nous prenons pat nous aussi (Psaume 8). Pendant que Dieu ne recevait ni du monde ni même d’Israël l’honneur qui lui est dû, les petits martyrs lui offrirent, dans leurs berceaux, le plus bel hommage L’Oraison contient une pensée liturgique profonde :

Non par des paroles mais par leur mort ”. La liturgie consiste moins en paroles qu’en actes ou plutôt ce sont des paroles qui deviennent des actes. De même nous devons être chrétiens non en paroles mais en actes. Le principal c’est l’acte du sacrifice, les sentiments et les pensées ne suffisent pas. Le leçon nous met devant les yeux l’image du mystère, une représentation de l’Office divin du ciel : l’Agneau de Dieu comme tué repose sur l’autel et, autour de Lui, se tiennent les 144.000 âmes pures, les premiers-nés de Dieu. C’est la véritable image de la messe. En union avec cette troupe choisie, nous recevons aujourd’hui la Sainte Eucharistie. L’Evangile nous fait entendre un accent amer au milieu de la paix de Noël. C’est la réalisation de ce que nous avons entendu à la troisième messe :

Il est venu dans sa propriété et les siens ne l’ont pas reçu. ” Le Rédempteur doit s’enfuir en Égypte d’où il a jadis tiré son peuple. Tout le caractère tragique de la Rédemption, par rapport au peuple juif. apparaît dans cet épisode. Dans les autres chants, on nous montre les Saints-Innocents parlant du haut du ciel. Ils se réjouissent d’avoir, comme des petits oiseaux, échappé aux filets de l’oiseleur Hérode et de jouir de l’éternelle félicité. Il est plus difficile de comprendre tes sentiments de la Communion qui chante les “ pleurs et les gémissements ” de Rachel. Mais justement il faut voir là la vie dramatique de la liturgie qui, même dans le moment le plus solennel, continue son action

4. Les Heures de la fête. — Nous avons une belle homélie de saint Augustin aux Matines d’aujourd’hui : “ Mes très chers frères, nous célébrons le jour natal de ces petits enfants dont l’Évangile nous raconte qu’ils furent assassinés, victimes de la cruauté inouïe du roi Hérode. Que la terre se réjouisse donc et que l’Église tressaille, elle la Mère féconde de tant de soldats célestes et de si magnifiques vertus. Voyez, cet ennemi impie aurait été moins utile à ces petits enfants par les voluptés les plus raffinées qu’il ne l’a été par sa haine... Mais à bon droit nous célébrons la naissance de ces enfants que le monde a enfantés pour une vie éternellement heureuse plutôt que le sein de leur mère ne les a fait naître pour la terre ; car ils ont reçu la grâce de la vie éternelle avant d’avoir reçu l’usage de la vie présente. La mort précieuse des autres martyrs mérite une haute louange, à cause de la confession publique ; la mort de ces petits est précieuse aux yeux de Dieu à cause de l’accomplissement sitôt atteint. Car dès le premier commencement de leur vie ils sont moissonnés. La fin de la vie présente signifie pour eux le commencement de la gloire. Ainsi donc ces enfants que l’impiété d’Hérode arracha du sein de leur mère sont appelés avec raison les fleurs des martyrs, car ces premiers boutons que l’Église effeuillât, “ont été, en plein hiver, cueillis prématurément par le vent glacé de la persécution. ”

Salut, martyrs, Ô jeunes fleurs

Vous que cueillit, avant l’aurore,

Le glaive des persécuteurs,

Roses que l’ouragan dévore.

 

Prémices du Christ immortel,

Petits agneaux, tendres victimes,

Vous jouez au pied de l’autel

Avec vos couronnes sublimes.

(Hymne).

Les enfants innocents ont été mis à mort à cause de Jésus-Christ, des enfants à la mamelle ont été immolés par un roi barbare, maintenant ils suivent l’Agneau sans tache et ils disent sans cesse : gloire à toi, Seigneur ”. (Ant. Magn. II).

DIMANCHE

Index

DANS L’OCTAVE DE NOEL

(Semi double)

Le Roi jette un regard vers la Croix

Ce dimanche n’est réellement célébré que lorsque l’une des trois fêtes qui suivent Noël ne tombe pas m ces jours-là Dans ce cas, on célèbre la fête et le dimanche est renvoyé à un jour libre de la semaine.

La messe du dimanche constitue un progrès dans l’évolution de la fête de Noël. On peut caractériser brièvement ce progrès en ces mots : de la Crèche à la Croix.

1. La messe (Dum medium). — Dans cette messe particulièrement impressionnante on peut distinguer trois thèmes : 1. Noël, 2. la Passion, 3. Pâques. L’Introït nous transporte de nouveau à la nuit sainte. Nous voyons le divin Enfant dans sa crèche, mais nous voyons aussi le Roi du ciel descendre de son trône. Le psaume de résurrection, le psaume 92, retentit à travers toute la messe (nous l’avons déjà rencontré à Laudes). Il nous dit qui est l’Enfant de Bethléem et de la Crèche. C’est le Roi du monde revêtu des insignes du Créateur, mais c’est aussi le vainqueur du déluge de l’enfer, le Sauveur. Considérons le symbolisme de l’entrée du prêtre. L’évêque, dans ses habits pontificaux, ou le prêtre célébrant, est aujourd’hui l’image du Roi qui vient sur la terre. L’Oraison est d’un sens tout pratique, elle demande que nous soyons ; riches en bonnes œuvres. L’Épître fait la liaison entre Noël et Pâques : c’est là surtout que se : trouve la signification profonde de la messe : “ Dieu a envoyé son Fils né de la femme..., afin qu’il nous rachète et que nous devenions enfants d’adoption. ” Nous sommes de libres enfants de Dieu ; tout le bonheur pascal est devant nos regards ; dans le Fils de Dieu qui vient de naître nous avons été fait enfants et héritiers de Dieu. Les chants intermédiaires (Grad. Allél.) nous montrent encore le charmant diptyque : le Saint-Enfant — le Roi vainqueur ; Noël et Pâques. L’Évangile nous surprend. Il nous transporte quarante jours après la naissance, dans le temple de Jérusalem, et nous sommes témoins d’une scène saisissante. La Vierge tient l’Enfant Jésus dans ses bras, le vieillard Siméon prédit à l’Enfant et à sa Mère la Croix et la souffrance : “ Celui-ci a été établi pour la chute et la résurrection de plusieurs... et pour un signe de contradiction. Ton âme sera percée d’un glaive… ” Ces paroles ont un accent aigu dans la joie de Noël. Le petit Enfant sera bientôt l’Homme de douleurs, l’heureuse Vierge sa Mère, presque une enfant elle aussi, sera la Mère de douleurs. Le divin héros sera vainqueur des éléments déchaînés, mais comme un nouveau Samson, il sera enseveli sous les ruines de l’édifice qu’il aura renversé. A l’Offertoire, nous reconnaissons de nouveau que la Crèche et le Trône sont notre autel, sur lequel nous attendons, au Saint-Sacrifice, l’Enfant divin, le Roi et le Crucifié. L’Antienne de la Communion (et cela nous montre que cette messe appartient au dimanche après la Circoncision) nous conduit au terme de la petite enfance du Seigneur. C’est un rappel, de l’exil, dans la patrie — pour Jésus et pour nous. Nous pouvons résumer ainsi cette messe impressionnante : Crèche, Croix, Autel.

2. L’Introït.

Pendant que le silence enveloppait la terre

Et que la nuit tenait le milieu de son cours,

Ton Verbe tout-puissant voulut descendre, Ô Père,

De son trône royal et partager nos jours.

Ce chant merveilleux nous fait demeurer un instant : plongés dans une sainte méditation, au pied de la Crèche. Un véritable Introït doit nous mettre dans l’esprit du jour, il doit être comme une goutte de rosée qui, dès notre réveil, tombe sur notre âme, il doit être la première parole du matin et résonner tout le jour comme la voix lointaine d’une cloche. C’est le cas de l’Introït d’aujourd’hui. Nous nous tenons dans la nuit sainte au pied de la Crèche. Tous les bruits se sont tus, on dirait que l’humanité retient son souffle. Alors nous voyons le Fils de Dieu descendre de son trône. Ce n’est pas le petit Enfant que nous voyons, mais le “ Verbe tout Puissant ” descendant de son trône, changeant son trône avec la Crèche.

Pendant que le silence enveloppait la terre. ” C’est dans le silence solennel qu’on approche de Dieu. Dans la bruyante Jérusalem, dans le palais sonore d’Hérode, le berceau d’or reste vide ; dans le silence de la paisible Bethléem, au milieu de Marie et de Joseph silencieux, Dieu descend. Le silence est la clôture de notre âme. Pour que Dieu vienne dans notre cœur, il faut qu’un profond silence enveloppe ce cœur. Silence dans notre intelligence rebelle, silence soumis dans notre volonté, silence dans le monde de nos passions. “ Et que la nuit tenait le milieu de son cours. ” Il était minuit quand le Fils de Dieu descendit sur la terre. Dieu ne fait rien au hasard. Dieu vient volontiers dans le silence de la nuit. Les grands événements du salut se sont accomplis dans l’obscurité. Déjà la délivrance des Juifs de la servitude de l’Égypte, symbole de notre délivrance par le Christ, s’accomplit pendant la nuit ; l’institution de l’Eucharistie se fit dans l’obscurité de la nuit ; sans doute le Christ mourut sur la Croix en plein jour, mais le soleil s’obscurcit. Les premiers chrétiens employèrent précisément la nuit pour vaquer à la Prière et à la célébration des saints mystères. Le silence et la nuit sont donc le manteau sombre dont Dieu aime à se revêtir pour venir à nous par la grâce. C’est aussi dans le silence d’une nuit sombre que le “ Verbe ” du Père, la seconde Personne de la Sainte Trinité, descendit de son trône royal semé d’étoiles sur notre pauvre terre.

Le Christ voulait gravir d’autres trônes. Je compte six trônes. L’Introït nous parle du premier de ces trônes. Sur ce trône, le seconde Personne de la Sainte Trinité est assise de toute éternité ; sur ce trône, elle prend part à la Création et au gouvernement du monde ; c’est là que fut décidée l’œuvre de la Rédemption. Le second trône fut la pauvre Crèche. La paille nue, les langes misérables, le vent glacial sont les premiers messagers que l’humanité envoya au Sauveur pour le recevoir. Pourtant il veut échanger ce trône avec un autre plus dur encore, la Croix. Dans l’Évangile du jour, le vieillard Siméon nous fait entrevoir ce trône “ celui-ci est établi pour être un signe de contradiction. ” Ce trône, le Christ l’a ardemment désiré, car c’est de “ trône qu’il veut tout tirer à lui. Le quatrième trône est le trône du ciel sur lequel il prend place avec son humanité sainte, en récompense de son dur labeur ode Rédemption. Sur la terre il a encore un trône précieux, c’est l’autel. Il y descend à chaque messe. Il trouve ses délices à demeurer parmi les enfants des hommes. C’est œ trône que chante aussi l’Offertoire d’aujourd’hui ; c’est de ce trône qu’il répand ses grâces. Le sixième trône est notre cœur. Que serviraient le trône de la Crèche et le trône de la Croix, si le Christ ne -pouvait régner dans notre cœur ? C’est pour cela qu’il se voile dans le mystère de l’Eucharistie, c’est pour cela qu’il veut être notre nourriture. Veillons à ce que ce trône soit toujours prêt pour le recevoir. Puisse le chant de l’Offertoire s’appliquer toujours à nous : “ Préparé est ton trône, Seigneur ! ”

29 DÉCEMBRE

Saint Thomas de Cantorbéry, évêque et martyr (d.)

Le bon pasteur invite les pasteurs des âmes la Crèche

Je voudrais bien établir une relation entre Noël et la fête d’aujourd’hui. Néanmoins il faut reconnaître que la fête de saint Thomas n’a pas, comme les trois fêtes précédentes, de rapports voulus avec la fête de Noël. Saint Thomas n’appartient pas à l’escorte du Roi nouveau-né.

1. Saint Thomas de Cantorbéry. — Thomas Becket, né en 1118 d’une famille de marchands, étudia à Londres et à Paris, entra au service de l’archevêque Theobald de Cantorbéry, mais devint en 1155 lord chancelier du roi Henri II d’Angleterre et en 1162 archevêque de Cantorbéry. Celui qui avait été jusque là un courtisan facile montra, dès qu’il fut évêque, une grande énergie à lutter contre le roi pour la liberté de l’Église et l’inviolabilité des biens ecclésiastiques. Cette lutte lui coûta la prison, l’exil et finalement le martyre (+29 décembre 1171). Dès 1173, il fut proclamé saint. En 1539, Henri VIII fit brûler ses ossements. Le bréviaire nous raconte : “ Des calomniateurs vinrent dire au roi que l’évêque faisait maint complot contre le roi et contre la tranquillité du royaume et le roi lui-même se plaignit que, dans son propre royaume, il n’y avait qu’un seul prêtre avec lequel il ne pût avoir la paix. A cause de ce ! ! déclarations royales, quelques courtisans impies crurent faire plaisir au roi en le débarrassant de Thomas. Ils se rendirent secrètement à Cantorbéry et attaquèrent l’évêque au moment où celui-ci assistait aux Vêpres. Comme ses prêtres se précipitaient pour leur fermer l’entrée, l’évêque ouvrit lui-même, les portes en disant aux siens : “ La maison de Dieu ne doit pas être défendue à la manière d’un camp, et pour l’Église de Dieu j’irai volontiers au devant de la mort. ” Il dit ensuite aux soldats : “ Je vous l’ordonne, au nom de Dieu, gardez-vous de faire du mal à aucun des miens. ” Ensuite, il se jeta à genoux, recommanda à Dieu, à la bienheureuse Vierge Marie, à saint Denys et aux autres saints patrons de son Église son troupeau et lui-même et, avec le même courage héroïque avec lequel il avait résisté aux lois royales, il inclina sa tête sainte et l’offrit au glaive sacrilège. C’était le 29 décembre 1171. Sa cervelle jaillit sur tout le dallage de l’église. ”

2. La messe (Gaudeamus omnes). — La messe contient toute une série de textes propres et l’Introït lui donne déjà une certaine solennité : “ Réjouissons-nous tous dans le Seigneur en ce jour de fête que nous célébrons en l’honneur de saint Thom,as martyr. ” Le leitmotiv de la messe est : “ Je suis le bon pasteur, je connais mes brebis... ” Nous l’entendons trois fois : à l’Alleluia, à l’Évangile et à la Communion. Cette comparaison du bon pasteur est doublement exacte à la messe, dans le Christ et dans saint Thomas. Le Christ réalise à chaque messe le don de lui-même pour ses brebis. Thomas est l’image du Christ et membre de son corps mystique (Offert.). Pour nous, qui nous offrons mystiquement au Saint-Sacrifice avec le Christ et avec Thomas, ayons part à l’amour, à la fidélité, au dévouement du Pasteur. Très impressionnante aussi, très belle et d’un grand sens liturgique est la magnifique Epître tirée de la lettre de saint Paul aux Hébreux. Elle nous explique le sacerdoce du Christ. Le Christ, l’éternel grand-prêtre, offre son sacrifice sanglant : ce sacrifice se continue à la messe par le ministère du sacerdoce consacré des prêtres de l’Église et du sacerdoce général du peuple. Remarquons encore que les leçons sont tirées du commun des martyrs évêques de l’Église grecque (cf. la fête de saint Josaphat, le 14 novembre).

3. Les Heures de la fête. — Saint Jean Chrysostome,. qui fut lui-même un bon pasteur qui offrit sa vie pour ses brebis, nous parle, au bréviaire, de l’importance du ministère de pasteur.

C’est une grande chose que la prélature dans l’Église, elle demande une grande sagesse et un grand courage, comme le Seigneur le recommande : nous devons donner notre vie pour nos brebis et ne jamais les abandonner, nous devons résister courageusement au loup. C’est là la différence entre le pasteur et le mercenaire : l’un ne se préoccupe que de sa propre sécurité et néglige ses brebis, l’autre se sacrifie lui-même pour l’assurer la sécurité de ses brebis. — Car aux faux pasteurs Ézéchiel a déjà dit : Malheur aux pasteurs d’Israël : ils se paissent eux-mêmes Ne sont-ce pas les brebis qui doivent être nourries par les pasteurs ? ”

4. Les lectures de l’Écriture. — Nous commençons aujourd’hui une série suivie de lectures de l’Écriture ; nous lisons les Épîtres de saint Paul, nous continuerons de les lire jusqu’au samedi avant la Septuagésime. Si l’Église propose justement à ce moment cette lecture, elle a assurément un motif. L’Apôtre des Gentils doit prendre la parole au moment de l’Épiphanie, la fête de l’Église des nations. Isaïe pendant l’Avent a promis le royaume de Dieu, Paul doit montrer la gloire de ce royaume dans sa manifestation. Il n’est guère d’autre livre qui pourrait mieux que l’Épître aux Romains représenter la grandeur du royaume de Dieu. Il y a assurément là une rencontre d’un sens profond. Le Roi nouveau-né est entouré d’Isaïe et de saint Paul.

Les lectures commencent donc avec l’Épître aux Romains qui est la plus importante des lettres de saint Paul, son Credo. Saint Paul explique l’œuvre. de la Rédemption du Christ dans toute sa profondeur et dans toute son étendue. L’Épître est adressée à la communauté chrétienne de Rome encore ; inconnue de lui. Cette communauté se composait de fidèles venus en partie de la Gentilité et en partie du monde Juif. Comme le judaïsme voyait en saint Paul un ennemi acharné, l’Apôtre est obligé, dans cette Épître, de s’expliquer souvent sur les relations de l’Évangile avec la loi mosaïque. Paul écrivit cette Épître à Corinthe (58 après J.-C.) en pleine activité missionnaire dans l’Orient. Il désirait déjà ardemment aller à Rome ; l’Épître est un témoignage de ce grand désir.

Aujourd’hui nous lisons le premier chapitre. Il constitue l’introduction et l’exposé du thème général. Nous connaissons déjà les premiers versets par la messe de la vigile de Noël. Le Christ nous y est représenté, dans une formule brève et pleine, comme Homme et Dieu. Puis l’Apôtre expose le sujet de sa lettre. Dans la foi à l’Évangile réside le salut pour toute l’humanité : Juifs et païens. “ L’Évangile est la force de Dieu pour quiconque croit, d’abord pour les Juifs, ensuite pour les païens. ” Or, avant que l’Évangile fût annoncé, toute l’humanité était, par sa propre faute, exposée au jugement et à la condamnation de Dieu. Saint Paul le prouve d’abord pour les païens (18-32). Bien qu’il y ait une connaissance naturelle de Dieu — car le Créateur nous parle par sa création — le monde païen a abandonné le vrai Dieu et s’est laissé aller à l’idolâtrie. La conséquence fut une déchéance morale profonde. “ Ce qui en Dieu est invisible, sa puissance éternelle et sa divinité, se manifeste, depuis la création du monde, dans ses œuvres, si bien qu’ils n’ont aucune excuse. Et bien qu’ils connussent Dieu, ils ne l’ont pas honoré comme Dieu... mais ils sont devenus vains dans leurs pensées et leur cœur insensé s’est obscurci... Ils ont échangé la gloire du Dieu immuable pour des images d’hommes mortels, d’oiseaux, de quadrupèdes, de serpents. C’est pourquoi Dieu les a abandonnés au moyen de leurs passions à l’impureté de telle sorte qu’ils ont déshonoré leur corps... Ainsi Dieu les abandonna aux passions déshonorantes. ” Saint Paul trace ensuite un tableau effrayant de la corruption morale du paganisme.

30 DÉCEMBRE

Dans l’Octave de Noël

O grand mystère, Ô sacrement admirable,

Les animaux contemplent le Seigneur nouveau-né, couché dans sa Crèche ;

Heureuse Vierge dont le sein a mérité de porter le Christ, le Seigneur,

Salut, Ô Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi (Rép.).

C’est précisément au temps de Noël que nous aurions le désir de trouver, après la fête, quelques jours d’Octave pendant lesquels nous pourrions méditer à loisir et approfondir le mystère si consolant mais si profond de l’Incarnation. Or la plupart des jours qui suivent Noël sont occupés par des fêtes. Nous n’en devons que plus apprécier la journée d’aujourd’hui. C’est un jour qui appartient tout entier à Noël. La messe est la troisième de la fête. Nous pourrons aujourd’hui lui consacrer une étude plus complète.

1. Considérations sur Noël. — Il est une pensée qui a vivement frappé l’Église ancienne et que nous rencontrons chez les Pères et dans les textes liturgiques ; elle se présente sous forme d’antithèse : Dieu s’est fait homme afin que [‘homme devienne Dieu. Dieu a pris la nature humaine afin de nous faire participer à la nature divine. Dieu est devenu enfant des hommes pour que nous devenions enfants de Dieu. Ainsi la fête de la Nativité du Christ est le commencement de notre naissance divine. Nous sommes devenus aujourd’hui avec le Christ enfants de Dieu.

Dieu s’est fait Homme. C’est là une chose tout à fait incompréhensible. Le Dieu éternel que le ciel et la terre ne peuvent contenir, qui porte dans sa main l’univers comme une coque de noix, devant lequel mille ans sont comme un jour, ce Dieu éternel, infini devient Homme ! Ne serait-ce pas déjà une condescendance s’il avait envoyé un ange pour racheter l’humanité ; ne serait-ce pas déjà une œuvre de miséricorde, s’il était apparu un instant devant le monde, dans l’éclat de sa majesté, dans le tonnerre et les éclairs comme sur le mont Sinaï ? Non, cela était trop peu pour son amour et sa bonté, il voulut être un enfant des hommes comme nous et de plus un enfant des hommes pauvre, un fils de pauvres artisans, né dans une étable, à l’étranger, sans un toit hospitalier. Le vent glacial, la paille nue, des animaux sans raison, voilà tout ce qu’il trouva à son arrivée parmi l’humanité. Quand nous songeons à tout cela, nous ne pouvons que garder un silence de stupeur et tomber à genoux, dans un acte d’adoration, devant la Crèche.

Ce n’est qu’au ciel que nous connaîtrons tout le sens profond d s actes rédempteurs du Christ. Ce sera l’une des plus grandes joies de notre béatitude éternelle. Mais la Sainte Église : notre Mère nous en laisse déjà pressentir quelque chose, elle qui est éclairée des lumières de l’Esprit-Saint. Elle est cette Mère sensée qui “ réfléchit sur toutes les paroles de Dieu et les conserve dans son cœur ”. Elle nous dit : Dieu s’est fait homme pour nous faire participer à la nature divine. C’est le rêve millénaire de l’humanité : “ Vous serez comme des dieux ”, chuchotait Satan à l’oreille de nos premiers parents, “ connaissant le bien et le mal ” ; et ses paroles ont trouvé un écho. L’homme fut honteusement trompé. Sans doute Il a connu le bien et le mal, mais il n’est pas devenu dieu. Des millénaires d’éloignement de Dieu durent lui apprendre qu’il s’égarait dans la recherche de la divinité. Ce n’était pas par l’orgueil qu’il pouvait devenir Dieu, mais par l’obéissance et l’humilité. La nuit de Noël le lui a montré. Dieu s’est revêtu de haillons, il est devenu un petit Enfant vagissant, afin de nous montrer le chemin que nous devons suivre pour devenir Dieu.

Au paradis terrestre, l’ange tombé disait à l’homme : mange de ce fruit et tu seras Dieu. Il mangea et devint un enfant de l’enfer. Aujourd’hui un ange (l’Église) se tient devant nous et nous dit en nous présentant une nourriture : mange de cette nourriture et tu seras Dieu. La divine nourriture, la chair du Fils de Dieu abaissé jusqu’à nous, nous rend “ participants de la divine nature ”.

2. Thèmes de Noël. — Le jour même de la fête nous avons pu à peine saisir toutes les belles et grandes choses que nous présentait l’Église. Aujourd’hui nous pouvons revenir sur nos pas et laisser nos pensées errer autour du berceau du Roi nouveau-né.

O Roi du ciel que tout sert !

Il est couché dans l’étable et il mesure l’univers,

Il est couché dans la Crèche et en même temps il règne au ciel.

Aujourd’hui nous est né le Sauveur, qui est le Christ, Le Seigneur, dans la ville de David ” (Rép.).

Que les cieux se réjouissent, que la terre tressaille, que la mer bouillonne, et tout ce qui est en elle, que la plaine exulte et tout ce qu’elle porte, que les arbres de la forêt bondissent devant la face du Seigneur, car il est venu” (Psaume 95, aux Matines et à la Messe de Noël).

La créature inanimée salue le Rédempteur, car elle aussi désire être délivrée de la malédiction à laquelle elle est assujettie depuis le péché de l’homme (Rom. VIII, 22). L’hommage de la nature au Fils de Dieu qui vient de naître, est décrit ici avec une grande beauté. Le ciel, la terre, la mer, la plaine, tout rend hommage au Seigneur. Oui, dans la sainte nuit de Noël, un murmure et un frémissement parcourent les arbres de la forêt de Bethléem et se propage jusque dans les antiques forêts de chez nous : “ Il est venu. ” Et l’arbre qui, trente-trois ans après, devait servir de Croix, frémit de toutes ses branches.

3. Lecture de l’Écriture (Rom. Chap. II). — Dans le premier chapitre, saint Paul a tracé un tableau impressionnant de la banqueroute morale du paganisme. Maintenant il montre que les Juifs eux-mêmes n’ont aucune raison de s’élever au-dessus des païens. Eux aussi, ils ont mérité le courroux de Dieu parce qu’ils n’ont pas observé la loi de Moïse : “ C’est pourquoi tu es inexcusable, ô homme (Juif) qui juges. Car par ce fait même que tu juges les autres, tu te condamnes toi-même : car toi, juge, tu fais de même... Affliction et détresse viennent sur toute âme qui fait le mal, sur les Juifs d’abord et ensuite sur les païens. Par contre" gloire et honneur et paix à toute âme humaine qui fait le bien, aux Juifs d’abord et ensuite aux païens. Car pour Dieu il n’y a pas d’acception de personne. Quiconque pèche sans la loi sera perdu sans la loi, et quiconque possédant la loi pèche, sera condamné par la loi. Car ce ne sont pas les auditeurs de la loi qui sont justes aux regards de Dieu, mais se sont les observateurs de la loi qui seront justifiés. En effet, quand les païens qui sont sans la loi remplissent, de par la nature, les prescriptions de la loi, ces hommes sans loi sont à eux-mêmes leur loi. Ils montrent en effet que les exigences de la loi sont inscrites dans leur cœur, car leur conscience leur rend témoignage... ” Ce que saint Paul dit ici trouve aussi son application parmi nous quand il s’agit de juger les nombreux incroyants et indifférents de nos jours. Avec la même sévérité que saint Paul apportait à juger les Juifs zélateurs de la loi, nous devons nous juger nous-mêmes : “ N’est pas un vrai Juif celui qui l’est extérieurement et la vraie circoncision n’est pas celle qui se fait dans la chair extérieurement ; le vrai Juif est celui qui l’est intérieurement et la vraie circoncision est celle du cœur, non selon la chair mais selon l’Esprit.. Remplaçons ces mots : Juif et circoncision par chrétien et baptême et nous pourrons prendre ces paroles pour nous.

31 DECEMBRE

Saint Sylvestre, pape

Le Confesseur reçoit le Roi

Je vais aujourd’hui sous les traits du serviteur au devant du Sauveur de Noël qui revient.

Aujourd’hui est le “ dernier jour de l’année ”. Les enfants de Dieu vivent encore dans le monde, c’est pourquoi les adieux à “ l’année qui finit ” nous font une certaine impression à tous. L’Église, dans sa liturgie, ne célèbre pas de fête du nouvel an, même pas au début de l’année liturgique. Les cérémonies religieuses célébrées en maint endroit à l’occasion du changement d’année, ne sont que de la piété populaire. L’Église, dans ses saints mystères, vit déjà de la vie de l’éternité.

La fête de saint Silvestre n’a aucun rapport avec le mystère de Noël. C’est une des fêtes les plus anciennes de l’Église et, dans la pensée des chrétiens, elle est inséparable de cette époque.

1. Silvestre 1er. — Il fut le successeur de saint Melchiade. Il régna de 314-335. C’est sous son pontificat que l’Église commença à sortir des Catacombes et que des églises célèbres furent construites. Saint Silvestre fut l’ami de l’empereur Constantin. C’est lui qui confirma le premier concile œcuménique, le concile de Nicée (325) et qui organisa la discipline ecclésiastique pour le temps de paix. On pourrait l’appeler le premier Pape de la paix. Il est l’un des premiers confesseurs auxquels furent accordés des honneurs liturgiques. Son tombeau est dans l’église dédiée à lui et à saint Martin, à Rome.

2. La messe (Sacerdotes tui). — Dans l’évêque ou le prêtre qui fait son entrée, nous voyons le saint pape revêtu des ornements de la gloire. A l’Epître nous l’entendons comme docteur, mais nous le voyons aussi recevoir du “ Maître à son retour ” la couronne de vie et nous la recevons avec lui au Saint-Sacrifice. A l’Évangile, notre saint est “ le serviteur vigilant ” qui, la ceinture aux reins et la lampe allumée à la main, attend son Maître quand il vient pour les noces. Remarquons dans ces deux lectures l’insistance sur le retour du Seigneur, retour qui s’accomplit mystiquement à la messe. Nous pouvons rapprocher cette messe (c’est une des plus anciennes messes des confesseurs) de celles de Saint-Étienne et de Saint-Jean, toutes les trois parlent du retour du Christ. Célébrons Noël comme ce Martyr, cet Apôtre virginal, ce Confesseur.

Quand nous réfléchissons à cette messe, nous pensons, malgré nous, à l’époque de l’année où nous sommes. Est-ce dans l’intention de la liturgie ? Je l’ignore. Quel accent n’a pas l’Évangile d’aujourd’hui, l’Évangile du serviteur vigilant ! Il semble qu’il veuille nous dire : “ rends compte aujourd’hui ” de l’année qui s’achève. Qu’arriverait-il si le Seigneur venait frapper à notre porte, lui ouvririons-nous en hâte ? Et que nous disent aujourd’hui les paroles de l’Epître : “ Le temps de ma dissolution approche, j’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai conservé la foi. Maintenant la couronne de la justice m’est réservée, la couronne que me donnera en ce jour le Seigneur, le juste Juge, non seulement à moi, mais à tous ceux qui aiment son avènement ”. A la Postcommunion nous exprimons à Dieu notre remerciement pour le don eucharistique. Ne pouvons-nous pas aussi faire de cette prière une action de grâces pour tous les dons reçus pendant l’année ?

3. Lecture de l’Écriture. — Nous continuons l’Épître aux Romains (III, 19-31). Remarquons avec soin le développement de la pensée. Nous avons vu jusqu’ici que les païens et les Juifs sont pécheurs et que, par conséquent, tous les hommes ont besoin de Rédemption (III, 1-20) : Ce préambule sert à établir l’affirmation principale : le chemin du salut est la foi en Jésus-Christ. Mais avant d’en venir à cette pensée principale, saint Paul examine une question intermédiaire : Israël n’a donc pas d’avantage sur les païens ? “ Quel privilège possède donc encore le Juif ou quelle utilité a la circoncision ? Beaucoup en tout sens. D’abord ceci, c’est que les prophéties de Dieu leur ont été confiées. Que dirons-nous si quelques-uns d’entre eux n’ont pas cru ? Est-ce que leur infidélité anéantira la fidélité de Dieu ? Jamais. Dieu reste véridique... ” La route est libre désormais pour établir la pensée principale. Le sacrifice du Christ a apporté la justice ; cette justice n’est possible que par la foi à Jésus Christ. La foi est le fondement de la justification, ce ne sont pas les œuvres de la loi mosaïque dont les Juifs étaient si fiers. L’homme ne peut pas mériter la justification, mais elle lui est donnée quand il croit ; c’est une grâce, une pure grâce. “ Maintenant la justice de Dieu est manifestée sans la loi, cette justice attestée par la loi et les prophètes. C’est la justice de Dieu par la foi à Jésus-Christ, pour tous ceux et sur tous ceux qui croient. Car il n’y a pas de distinction : tous ont péché et ont besoin de la gloire de Dieu, mais ils sont justifiés gratuitement par sa grâce en vertu de la Rédemption par le Christ Jésus. Dieu l’a établi comme victime sanglante de rémission par la foi, pour prouver sa justice. Dieu, dans sa patience, avait laissé passer les péchés précédents afin de prouver sa justice dans le présent. de sorte que Dieu lui-même est juste et justifie celui qui croit en Jésus-Christ. Où reste maintenant ta glorification ? Elle a disparu. Par quelle loi ? Celle des œuvres ? non mais par la loi de la foi. Car nous croyons que l’homme est justifié par la foi sans les œuvres de la loi. Ou bien Dieu n’est-il que le Dieu des Juifs ? N’est-il pas aussi le Dieu des Gentils ? Oui, certes, il est aussi le Dieu des Gentils. ”

4. La fin de l’année. — Nous autres chrétiens, nous sommes les enfants du temps et les enfants de l’éternité. Nous vivons sans doute dans le temps, mais nous vivons aussi au-dessus du temps. Depuis que, dans le Baptême, le Christ nous a donné la vie des enfants de Dieu, nous avons l’assurance définitive que nous ne goûterons pas la mort. C’est pourquoi nous ne sommes pas attachés au temps ; ce n’est pour nous qu’un moyen pour atteindre la fin, un moyen pour obtenir l’éternité. Saint Paul, le meilleur docteur de notre piété liturgique, dit ces belles paroles : “ Ma vie, c’est le Christ, et la mort est pour moi un gain ” (Il veut dire la somme de ma vie sur la terre, c’est le Christ, c’est pourquoi la mort n’est pas une perte, mais un grand gain, car elle m’unit entièrement au Christ). Dans ces semaines précisément (dans l’automne ecclésiastique), l’Église nous a mis au cœur un grand désir du retour du Seigneur. Il faut que ce désir soit véritable chez nous. Le chrétien qui vit avec l’Église doit réellement accomplir son voyage sur terre avec la nostalgie du Christ et ne pas se laisser enivrer par les faux biens terrestres. Notre patrie est dans la cité céleste de Sion. La Jérusalem terrestre, l’Église, n’est qu’une colonie de cette sainte Sion : ses citoyens ont leur droit de cité là-haut. Sur terre, ce sont des étrangers et même, dans ce monde terrestre, ce sont des étrangers indésirables. Parce que l’Église est une colonie du ciel, elle participe, en quelque sorte, à l’éternité. Les fêtes et les solennités de l’Église sont une image du jour de fête éternel, qu’est le ciel, dans lequel les bienheureux célèbrent un dimanche sans fin. La liturgie avec sa stabilité, son équilibre, sa louange de Dieu ininterrompue, est une image de l’éternité.

O mes frères et mes sœurs, si vous voulez vivre et penser avec l’Église, franchissez les portes éternelles de la liturgie. Mettez-vous en opposition consciente avec le monde d’aujourd’hui qui n’a de pensée que pour la vie au jour le jour. Cette recherche exagérée de ce qui est personnel, cette vie subjective, cet attachement aux bagatelles, cet amour des biens terrestres, cette course après l’argent, tout cela c’est du temporel, tout cela doit passer. Laissez de côté ce temporel et réfugiez-vous dans l’éternité de l’Église, enveloppez-vous dans l’éternité de la liturgie. L’office des Heures nous dit, au premier jour de l’an, une parole brève mais pleine de signification : “ Toute chose terrestre passera, mais toi tu restes le même ; tout vieillira comme un vêtement et comme un manteau, tu le déposeras ; mais toi tu es toujours le même et tes années ne vieillissent point. ” Vivons donc, dès cette terre, une vie d’éternité.

Cependant nous ne devons pas mépriser le temps. Si c’est un moyen pour atteindre l’éternité, nous devons l’employer. “ La nuit vient dans laquelle personne ne peut travailler. Si le temps est un chemin pour arriver au but, suivons ce chemin. Il faut utiliser le temps, ou, comme dit saint Paul, acheter le temps (un peu comme on achète une marchandise sur le marché). Comment le ferons-nous ? Pensons moins au passé et au futur qu’au présent et à l’instant d’aujourd’hui. Le Christ dit : “ A chaque jour suffit sa peine, demain aura souci de demain. ” Hier est passé, demain est incertain ; mais aujourd’hui, le moment présent, voilà ce que nous avons dans notre main. Voilà ce qu’il faut utiliser. L’Église entoure votre temps d’un triple cercle : l’année, la semaine et le jour. Les époques de l’année liturgique sont les saisons de l’âme. La semaine est sanctifiée par le dimanche. Ayez un grand respect pour le, dimanche. Chaque jour, au Saint-Sacrifice, le divin Soleil se lève pour nous ; nous pouvons chaque jour recevoir la visite festivale du divin Roi.

1er JANVIER

La Circoncision de Notre Seigneur (double de 2e classe)

STATION A SAINTE MARIE DU TRANSTEVERE

Le Roi offre les prémices de son sang rédempteur.

Aujourd’hui la liturgie commémore la Circoncision du Seigneur.

Quand huit jours furent passés et que l’Enfant dut être circoncis, on lui donna le nom de Jésus. Ainsi l’avait déjà nommé l’ange avant qu’il fût conçu dans le sein de sa Mère ” (Év.).

1. La fête a quatre thèmes principaux : a) la nouvelle année, b) l’Octave de Noël, c) la Circoncision du Seigneur, d) Marie Mère de Dieu. a) Aujourd’hui est le premier jour de l’année civile. L’Église en tient compte, elle a fait de ce jour une fête d’obligation (dans l’Église universelle). L’Église veut qu’au seuil de l’année civile, nous apportions à Dieu le tribut de nos hommages. Dieu est le Maître du temps. Puissions-nous employer tout le temps précieux de l’année nouvelle selon les vues de la divine Providence, comme une voie qui nous mène à l’éternité.

b) Nous fêtons aussi aujourd’hui l’Octave de la fête de Noël. Dans l’esprit de l’Église, les grandes fêtes ne doivent pas durer un jour seulement, mais se prolonger pendant huit jours. L’Église est psychologue et sait comment est fait notre esprit. Le premier jour, notre âme admire, incapable de pénétrer plus avant dans le sens du mystère ; les jours suivants, elle médite le mystère sous toutes ses faces, avec son intelligence et son cœur, et le huitième jour elle réunit toutes ses impressions dans une vue d’ensemble. Pour la fête de Noël, il n’en est pas entièrement ainsi : l’âme ne peut pas s’attarder tranquillement à la méditation des pensées de Noël, parce que, pendant l’Octave, on célèbre d’autre fêtes. Le jour Octave n’en a que plus d’importance. L’Église nous conduit pour la dernière fois devant l’Enfant divin.

c) Cependant, à côté de ces pensées générales de Noël, il y a dans la liturgie, un progrès : la Circoncision du Seigneur. C’est la pensée spéciale du jour. Huit jours après sa naissance, l’Enfant fut circoncis selon la loi de Moïse et on lui donna le nom de Jésus qui lui avait déjà été attribué par l’ange, avant sa conception. Ce mystère de la fête peut être considéré d’un double point de vue, par rapport au Seigneur et par rapport à nous ; ces deux considérations ont leur fondement dans la liturgie. Le Christ est venu sur la terre pour nous sauver ; il aurait pu accomplir la Rédemption par une parole ou par un acte. Mais il voulut accomplir l’œuvre rédemptrice. par une série d’actes particuliers et les couronner enfin par un grand acte, sa mort et sa résurrection. Ces actes particuliers sont accomplis à cause de nous, pour nous faire reconnaître l’importance et l’efficacité de la Rédemption. A ces phases de l’œuvre rédemptrice appartient la Circoncision. Aujourd’hui coulent les premières gouttelettes du sang rédempteur. C’est le premier sacrifice, le sacrifice du matin que suivra, un jour, le sacrifice du soir (sacrificium vespertinum) sur la Croix ; aujourd’hui une goutte de sang et dans trente-trois ans, tout le sang jusqu’à la dernière goutte. La fête d’aujourd’hui est donc un intermédiaire entre Noël et Pâques, entre la Crèche et la Croix : l’enfant est encore couché dans sa Crèche et déjà il verse son sang pour l’humanité.

Mais la Circoncision a aussi des conséquences pour nous. Nous avons pu dire à Noël : le Christ est né. nous sommes nés avec lui (nous le prions à la Postcommunion comme l’auteur de notre naissance divine) ; de même nous pouvons dire aujourd’hui : le Christ a été circoncis, nous prenons part à sa Circoncision. Telle est la tâche de notre Rédemption, il faut que nos passions mauvaises soient mortifiées. Bien que nous ayons été sanctifiés au Baptême, nous portons toujours notre nature corrompue avec nous, nous avons besoin d’une “ circoncision du cœur ” continuelle. Cela se fait intérieurement par la participation aux saints mystères. extérieurement par la poursuite personnelle de la perfection.

d) Aujourd’hui est aussi une fête de la Sainte Vierge, peut-être la plus ancienne des fêtes de Marie. L’Église est reconnaissante à Marie à cause de la grande part qu’elle a prise à l’Incarnation de Notre-Seigneur. Comment la liturgie considère-t-elle aujourd’hui Marie ? Comme Mère de Dieu et comme Vierge. Il faut citer en premier lieu les antiennes de Vêpres qui sont tout à fait sur le modèle occidental. Elles sont riches de pensées et parcourent tout l’Ancien Testament pour lui emprunter ses prophéties : Gédéon et la toison, le buisson ardent, la racine de Jessé, l’étoile de Jacob. La liturgie ne s’abandonne pas à des discussions sentimentales, elle ne se demande pas si, au moment de la circoncision, Marie a souffert ou pleuré. Non, Marie est la Vierge-prêtre ; joyeuse et grave, elle offre avec Notre-Seigneur les prémices de son sacrifice. Marie est aussi le modèle de l’Église et nous indique sa part et notre part dans l’œuvre de la Rédemption. Aujourd’hui et dans tous le$ temps, notre Mère virginale, l’Église, est là Elle fait couler par les mains de ses prêtres le sang rédempteur dans le cœur de ses enfants. Mais notre âme aussi peut et doit prendre la place de Marie et faire couler à la messe le sang du Sauveur pour elle-même et pour les âmes de ses frères et de ses sœurs.

2. La messe (Puer natus) est en grande partie empruntée aux messes de Noël : les chants sont de la troisième, l’Épître est de la première. Une importance particulière s’attache à la phrase : “ il s’est livré pour nous, afin de nous sauver. ” Les oraisons sont mariales, une preuve que Marie est aujourd’hui au premier plan. L’Évangile seul est propre, c’est le plus court de l’année. L’église de Station est actuellement Sainte-Marie au-delà du Tibre (Santa Maria in Transtevere), mais primitivement c’était la vénérable église de Sainte-Marie des Martyrs, l’antique Panthéon. Ce choix d’une église de la Vierge est très significatif : la première effusion de sang de Jésus fait songer à la dernière effusion sur la Croix. Dans les deux cas, Marie “ était là, debout ”. — Le sang précieux qui brille sur l’autel dans le calice est le sang que Notre Seigneur versa pour la première fois, c’est le sang de la Vierge Marie.

Tu es glorifiée et digne d’honneur, Vierge Marie ; sans violation de ta virginité, tu es la Mère du Rédempteur.

Il était couché dans la Crèche et resplendissait au ciel.

Seigneur j’ai entendu ta voix et j’ai craint ; j’ai considéré tes œuvres et j’ai tremblé :

Au milieu de deux animaux il était couché dans la Crèche et resplendissait au ciel. ” (Rép.).

3. Lecture de l’Écriture (Rom. Chap. IV). —

Il se trouve aujourd’hui que l’Écriture occurrente concorde avec les pensées de la fête. Le lien c’est la circoncision. Saint Paul a montré que la justification ne se produit que par la foi au Christ. Il doit alors répondre de nouveau à une objection des Juifs : la loi et la circoncision n’ont donc aucune valeur ? Il répond : non, la loi n’est qu’un pédagogue dont le rôle est de nous conduire au Christ, elle nous adresse au Christ. “ Supprimons-nous la loi par la foi ? Jamais, mais nous confirmons la loi. ” De cela saint Paul donne une double preuve, en s’appuyant d’abord sur l’histoire d’Abraham (IV, 1-12) puis sur les promesses de Dieu à Abraham (13-25). Dans la première partie, saint Paul montre que la foi d’Abraham s’affirma avant sa circoncision. Il est par conséquent le père de tous les Juifs, circoncis comme des païens incirconcis. “ Si Abraham a été justifié par les œuvres, il a une raison de se glorifier mais pas devant Dieu. Que dit, en effet, l’Écriture ? Abraham crut à Dieu et cela lui fut imputé à justice... De quelle manière cela lui fut-il imputé ? Quand il était déjà circoncis ou bien avant d’être circoncis ? Ce n’est pas en tant que circoncis mais en tant qu’incirconcis. Il reçut le sceau de la circoncision comme signe de la justification de la foi qu’il avait reçue comme incirconcis, afin qu’il fût le père de tous les croyants qui sont incirconcis, afin aussi que la foi leur soit imputée à justice, et le père des circoncis, de ceux qui sont non seulement circoncis mais encore ont imité notre père Abraham dans la foi qu’il avait comme incirconcis. ”

Dans la seconde partie, saint Paul prouve la foi d’Abraham par la promesse que Dieu lui fit qu’il serait le père de beaucoup de peuples. Cette foi est d’autant plus brillante chez lui que cette promesse lui fut faite avant la naissance d’Isaac. “ Il est écrit : je l’ai établi père de nombreux peuples, car il a cru à Dieu qui réveille les morts à la vie et appelle à l’existence ceux qui ne sont pas. Contre toute espérance, il a eu une foi pleine d’espérance qu’il serait le père de nombreux peuples d’après la parole : Ainsi sera ta descendance. Et il ne fut pas faible dans la foi en considérant son corps déjà mort — il avait pourtant près de cent ans — et le sein déjà mort de Sara. Aux promesses de Dieu, il n’opposa pas le doute et l’incrédulité, mais il fut fort dans la foi, rendant honneur à Dieu. Il était persuadé que Dieu est assez fort pour accomplir ses promesses. C’est pourquoi cela lui fut imputé à justice. ”

4. Les noms du Seigneur. Le Sauveur a plusieurs noms ; comment se distinguent-ils ? Le prophète Isaïe le nomme Emmanuel. Cependant ce n’est pas à proprement parler un nom de Notre Seigneur, on ne l’appelle jamais ainsi. Le Prophète voulait simplement dire que Jésus habiterait parmi nous comme Dieu. Mais Notre Seigneur a encore un autre nom en plus de Jésus, il s’appelle aussi Christ. Christ veut dire : l’oint, le Messie, le Rédempteur. Ce n’était donc pas à l’origine un nom, mais seulement un titre désignant le ministère de Notre Seigneur. C’est pourquoi dans saint Paul le mot Christ est placé le premier : Christus Jesus, c’est-à-dire le Messie Jésus. Cependant peu à peu ce titre est devenu le second nom de Notre Seigneur et nous disons de préférence : Jésus-Christ. Nous employons aussi ces deux noms séparément. Il y a entre les deux une nuance délicate qui, pour nous, les amis de la liturgie, est d’importance. Jésus est le nom personnel de Notre Seigneur, le nom qu’emploie de préférence la piété personnelle et subjective. Par conséquent, quand nous sommes au pied du tabernacle et que nous nous entretenons familièrement avec Notre Seigneur, le nom de Jésus vient naturellement sur nos lèvres. Les trois derniers siècles ont été surtout des siècles de piété subjective, c’est pourquoi on aimait tant à employer le nom de Jésus. La fête d’aujourd’hui en est une preuve. Mais “ Christ ” est par excellence le nom ministériel de Notre Seigneur, c’est le nom qu’aime employer la liturgie, la piété objective. C’est pourquoi les anciens textes liturgiques emploient plus souvent le nom de Christ que le nom de Jésus ; par exemple : dans le Canon nous trouvons cinq oraisons qui se terminent ainsi : par le Christ Notre Seigneur. Le nom de Jésus se trouve très rarement seul dans la liturgie, il est presque toujours uni à Christ .

Nous comprenons maintenant le contenu des deux noms saints. Quand nous disons le “ Christ ”, nous voyons apparaître devant nos regards le divin Grand-Prêtre qui renouvelle son sacrifice sur l’autel ou bien le divin Roi qui est assis sur le trône de Dieu et qui reviendra au dernier jour ; en un mot Dieu fait Homme. Mais quand nous disons : “ Jésus ”, nous voyons l’Homme qui a parcouru les chemins de Judée, nous le voyons avec son Cœur si bon, sa douceur et son amour, nous voyons ses souffrances ; nous avons devant nous toute sa vie, c’est l’Homme-Dieu, Jésus. C’est pourquoi la liturgie nous prescrit d’incliner la tête au nom de Jésus et non à celui de Christ.

DIMANCHE

Index

ENTRE LE 2 ET 5 JANVIER OU 2 JANVIER

Le Saint Nom de Jésus (double de 2e classe)

Au nom de Jésus doivent fléchir les genoux tous ceux qui sont au ciel, sur la terre et dans les enfers ; et toute langue doit confesser que Notre-Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire du Père. (Introït).

Il n’a pas été donné d’autre nom, aux hommes sous le ciel, par lequel nous devions obtenir le salut. (Leçon).

1. Considérations préliminaires. — Cette fête n’apporte aucun progrès dans l’évolution de l’année liturgique, ce n’est qu’un complément de la fête de la Circoncision. Au moment de la Circoncision, Notre Seigneur reçut le nom de Jésus comme l’ange l’avait annoncé auparavant. Le but de la fête est de faire considérer aux chrétiens la majesté du Saint Nom de Jésus. C’est une fête récente, dont l’origine est surtout la piété méditative. Nous en tirerons cependant des pensées liturgiques conformes à l’esprit antique du Christianisme.

Que signifie originairement le nom ? Le nom devrait exprimer l’essence d’une chose. Ainsi Adam, au Paradis terrestre, donna à tous les animaux des noms conformes à leur nature intime. De même le nom de Dieu signifiait chez les Juifs son essence : Jahvé, c’est-à-dire : je suis Celui qui suis, l’Etre éternel. C’est pourquoi les Juifs avaient un si grand respect du nom de Dieu qu’ils n’avaient pas le droit de le prononcer. Ce respect est également inclus dans le Notre Père : “ Que ton nom soit sanctifié ”. Les personnes qui, dans l’histoire sainte,. ont joué un rôle important ont reçu leur nom de Dieu lui-même. Adam — l’homme de la terre, Ève — la mère des vivants ; Abraham — le père de beaucoup de peuples ; Pierre — le rocher. Le précurseur de Notre-Seigneur a reçu lui aussi un nom que Dieu lui imposa. La famille voulait à toute force lui donner le nom de son père, mais Élisabeth aussi bien que Zacharie manifesta ses exigences : Jean est son nom (Jean veut dire : la grâce de Dieu).

Nous pouvons comprendre dès lors que le nom du Sauveur ne lui a pas été donné au hasard ni d’après le caprice des hommes, mais qu’il l’a reçu directement de Dieu. Car son nom devait exprimer son sublime ministère sur la terre. Nous lisons en effet dans l’Écriture que l’ange Gabriel annonça à la Vierge Marie le nom de Notre Seigneur : “ Tu lui donneras le nom de Jésus.” Et à saint Joseph, son père nourricier, l’ange dit encore davantage, il n’annonça pas seulement le nom, mais encore il en expliqua la signification : “ tu lui donneras le nom de Jésus, car il rachètera son peuple de ses péchés ; ” Ainsi donc Notre. Seigneur ne devait pas seulement être le Sauveur mais encore en porter le nom. Chez Notre Seigneur le nom exprime donc véritablement son essence.

Voilà pourquoi ce nom doit être si saint pour les chrétiens. Toutes les fois que nous prononçons ce nom, nous devons incliner ta tête, car ce nom nous. rappelle à lui seul le plus grand bienfait que nous ayons jamais reçu : notre qualité de rachetés et d’enfants de Dieu.

2. La messe (In nomine Jesu). — La messe est un sacrifice de louange en l’honneur du Saint Nom de Jésus. L’Introït nous donne une belle image d’adoration. Nous voyons le royaume de Dieu dans ses trois états : l’Église triomphante, l’Église militante et l’Église souffrante prosternées devant le Seigneur assis. sur son trône de gloire et dont le nom est Jésus. La collecte demande la vision éternelle au ciel du Seigneur dont nous honorons le nom sur la terre. La leçon est un passage du plaidoyer de saint Pierre après la guérison du paralytique : “ Au nom de Jésus-Christ de Nazareth que vous avez crucifié et que Dieu a ressuscité des morts, cet homme se tient devant vous guéri... Car Il n’a pas été donne aux hommes d’autre nom sous le ciel par lequel nous devions obtenir le salut. ” Le Graduel se rattache à la leçon. Celle-ci se terminait par ces mots : salvos fieri (recevoir le salut), le Graduel continue : Salvos fac nos (donne-nous le salut). L’Alleluia est vraiment un chant de louange (Alleluia veut dire : louez Dieu) : “ Ma bouche doit annoncer la louange du Seigneur et toute chair doit louer son saint nom. ” L’Évangile est le même que celui de la Circoncision : le Seigneur reçoit le nom de Jésus qui lui avait été donné auparavant par l’ange, avant sa conception. Les deux processions eucharistiques (Off. et Comm.) sont un chant de louange au nom du Seigneur. Les deux oraisons (Sec. et Postc.) caractérisent la sainte messe comme “ un sacrifice offert en l’honneur du nom de Jésus à la divine majesté ”, conception qui ajoute une note de piété plus personnelle à l’antique conception du sacrifice. — Prenons aujourd’hui de nouveau la résolution de dire avec respect et piété la conclusion habituelle des oraisons : “ par Jésus-Christ Notre Seigneur ”.

3. La prière des Heures. Saint Bernard chante, dans les hymnes et les leçons, le Saint Nom de Jésus. “ Ce n’est pas en vain que le Saint Esprit compare le nom de l’Époux avec l’huile, en faisant dire par l’Épouse à l’Époux : Ton nom est comme une huile répandue. Car l’huile nous donne lumière, nourriture et onction, elle est une lumière, un aliment et un remède. Or voici que tout ceci s’applique au nom de l’Époux... Est-ce que Dieu ne nous a pas, dans la lumière de ce nom, appelés à sa lumière merveilleuse, SI bien que saint Paul dit : vous étiez auparavant ténèbres, maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur ? Le nom de Jésus est aussi un aliment. N’es-tu pas réconforté toutes les fois que tu y penses ? Tout aliment de l’âme est sec qui n’est pas assaisonné de ce condiment. Jésus est un miel dans la bouche, une douce mélodie dans l’oreille,. un délice dans le cœur. C’est aussi un remède. Quelqu’un est il triste, que Jésus vienne dans son cœur et monte à ses lèvres et voici que, dès que s’est levée la lumière de son nom, tous les nuages disparaissent et la sérénité revient.” -Lecture d’Écriture (Act. Ap. chap.III et IV) : la guérison du paralytique est racontée tout au long.

4. Le monogramme du Christ. Dans les conceptions des anciens, le nom étaient une expression de la personne. Cela nous explique que, dans l’art chrétien antique, pour désigner la personne du Seigneur, on employait son nom, mais sous la forme abrégée des initiales. Nous pouvons, dans l’art de la primitive Église, distinguer les signes suivants du nom du Seigneur.

a) Le signe du Christ. Les plus anciens monuments attestant ce signe sont du troisième siècle ; le premier portant une date précise est une inscription funéraire sur la tombe d’un consul de l’an 389. Au troisième siècle, on peut établir les formes suivantes 1. des lettres séparées, IX (Jesus Christus), 2. des lettres placées l’une sur l’autre >I< = Jesus Christus. Dans l’archéologie, on appelle d’ordinaire ce signe le monogramme préconstantinien. = Christus est le monogramme constantinien. (Cela veut simplement dire que le premier est plus fréquent et que le second se rencontre après l’empereur Constantin). 3. La croix monogrammatique. Lorsque Constantin, après sa victoire au pont Milvius, plaça le monogramme du Christ sur les enseignes de l’armée (labarum), sur les casques et les monnaies, il utilisa un signe déjà courant chez les chrétiens. Cependant la vision de l’empereur avec cette promesse : “ In hoc signo vinces ” et l’accomplissement brillant de cette promesse élevèrent désormais ce signe jusqu’à en faire un symbole du triomphe du Christ. Depuis la victoire du christianisme, il trouva une large diffusion R dans tous les pays et fut employé de mainte façon. Ce ne fut plus seulement une simple abréviation, mais un symbole indépendant du Christ-Roi. Souvent le monogramme du Christ (tel qu’il était sur le labarum) fut entouré d’une couronne de laurier ou d’un cercle. Cela signifiait la souveraineté du Christ sur le monde ou le triomphe du Christ sur les ennemis de son royaume. Le monogramme reçut alors les formes les plus diverses et on y ajouta une riche ornementation. On aima placer autour du signe ou de la croix monogrammatique l’alpha et l’oméga (expression de l’éternité et de la divinité du Christ).

b) Le signe du nom de Jésus. Le monogramme connu IHS est un symbole qui parmi un très petit nombre, est resté en usage jusqu’à nos jours. Il doit sa grande diffusion à saint Bernardin de Sienne, qui le fit placer sur ses étendards, entouré de douze rayons de soleil et surmonté d’une couronne. Depuis, ce signe est devenu le monogramme préféré du doux nom de Jésus. Saint Bernardin, par ses exhortations zélées. détermina plusieurs prêtres à placer ce monogramme sur les autels ou à le faire broder sur les aubes ou les chasubles. Sur ses conseils, plusieurs villes d’Italie inscrivirent ce monogramme en lettres gigantesques sur les murs extérieurs de leurs hôtels de ville, comme on peut encore le voir à Sienne. Quelle est l’origine de ce monogramme ? IHC est l’abréviation du grec ??????. IHS est l’abréviation du latin IHESVS (forme du moyen âge). Comme on ne pouvait plus comprendre H comme un éta (è) grec, on dut ajouter un H. C est l’ancienne écriture du s grec (sigma). Dans l’antiquité chrétienne, ce monogramme n’est pas fréquent et ne doit pas remonter au-delà du Ve siècle.

Plus tard, on a mal traduit IHS en l’interprétant comme : Jesus hominum Salvator, ou bien même Jesu humilis societas (ce qui l’a fait prendre comme symbole par l’Ordre des Jésuites). On aimait encore beaucoup cette interprétation : In Hoc Signo (sc. vinces). Du v (vinces) ajouté on fit plus tard trois aiguilles.

c) Ichthus. L’ancienne Église connaissait aussi un anagramme très aimé pour désigner le Seigneur ; le fameux Ichthus. Le titre complet du Christ se formulait ainsi en grec : Jesous Christos, Theou Uios, Soter — Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur. Les premières lettres de ces saints mots donnent le mot grec : Ichthus, c’est-à-dire poisson. C’est la raison pour laquelle on aimait à représenter le Christ sous la forme d’un poisson. Ainsi l’abréviation aussi bien que la figure fut pour les premiers chrétiens une désignation secrète du Christ. Ils nommaient même le Seigneur “ le grand et pur poisson ” (Inscription funéraire d’Aberkios, vers 180 après J.-C.). Tertullien suppose connu ce symbolisme du poisson (vers 200 après J.-C.), quand il écrit : “ Nous (les chrétiens), à l’exemple de notre Ichthus, Jésus-Christ, nous sommes nés dans l’eau comme de petits poissons ” (Du baptême, chap. 1).

d) Monogramme en forme de croix. Déjà, dans le signe abrégé du Christ, on pouvait voir un effort pour unir la croix au nom du Christ. La croix et le nom du Christ sont considérés comme des signes de la Rédemption :, mais encore comme une protection contre les attaques du démon. C’est pourquoi on avait coutume de peindre sur les portes et les maisons le monogramme de Jésus en lui donnant une forme de croix. Un des exemples les plus connus jusqu’ici est la disposition en forme de croix des deux mots ??????et?????? (lumière et vie) qui caractérisent le Christ lui-même dans saint Jean (VIII, 12 ; XI, 25). Le Christ est lumière et vie. Le Christ nous donne la lumière et la vie divines. La lumière et la vie, la liturgie souhaite, implore et communique ces deux biens pour les vivants et pour les morts. Nous pouvons dès lors comprendre que l’union en forme de croix de ces deux mots lumière et vie, fut, pour J’ancienne Église, un symbole parlant très aimé. On les rencontre sur les portes (Syrie), sur les tombeaux, mais aussi sur les ampoules, les petites lampes en terre cuite, les ustensiles domestiques.

2 JANVIER

Octave de Saint Etienne (simple)

Les portes du ciel s’ouvrent devant le martyr du Christ, le bienheureux Étienne, lequel, dans le nombre des Martyrs, prend la première place.

C’est pourquoi il est couronné au ciel comme vainqueur.

Il est le premier qui offrit au Seigneur le sacrifice de la mort que le Sauveur a soufferte sur la Croix.

1. La fête. -a) Non seulement la fête de Noël, mais encore les trois fêtes adjointes ont une Octave. Cependant l’Octave de celles-ci est simple. Elle consiste en ce que, le huitième jour, la fête est reprise avec une solennité diminuée (simple). Nous trouverons donc encore une fois saint Étienne parmi nous. Le jour de sa fête nous l’avons vu dans la suite du Roi nouveau-né. Aujourd’hui nous pouvons considérer avec plus d’attention sa personne, sa grandeur et sa sainteté. Étudions sa personnalité dans la Sainte-Écriture.

Nous sentons, dans les lignes de son histoire, avec quel amour la Sainte-Écriture parle de ce jeune héros, de la jeune Église. Nous lisons le récit de son élection comme diacre, il est nommé le premier avec cette mention : “ un homme rempli de foi et du Saint-Esprit ”. Nous entendons parler de son activité : “ Étienne rempli de grâce et de force faisait des miracles et des grands signes dans le peuple. ” Il se manifeste immédiatement comme un combattant hardi. Les Juifs entreprennent une discussion avec lui, mais “ ils ne peuvent pas résister à la sagesse et à l’Esprit qui parle par sa bouche”. Puis ; il est victime de la calomnie et il est traduit devant le Sanhédrin, comme blasphémateur et insulteur du temple. Mais même dans les chaînes “ son visage était comme celui d’un ange de Dieu ”. Nous entendons le discours qu’il fait pour sa défense, dans lequel il montre que le peuple juif a toujours anéanti les plans de Dieu. “ Lequel n’ont pas persécuté vos pères ? Ils ont tué ceux qui annonçaient la venue du Juste (du Christ). Vous êtes devenus maintenant ses traîtres et ses meurtriers. ” Le courage n’a pas manqué au héros. Le récit de son martyre est saisissant. Sur le lieu d’exécution il a une vision du Fils de Dieu. Et puis il tombe sur les genoux, il recommande son âme à Dieu, il prie pour ses ennemis et meurt.

b) A la messe nous participons aux souffrances d’Étienne (Offertoire) et à sa consolation (Communion). L’Oraison propre est très belle : “ Tu as dans le sang du saint lévite Étienne consacré les prémices du martyre. ” De même que par les prémices de la moisson, R toute la moisson est consacrée au Seigneur, de même, dans la fête de saint Étienne, tous les martyrs sont consacrés au Fils de Dieu qui vient de naître. A l’Offertoire le saint nous fait participer à son esprit de sacrifice. Quelle belle antienne : “ Seigneur Jésus recevez mon âme ! ” La Communion nous donne la grâce d’aimer nos ennemis et la force de souffrir, en même temps qu’une participation aux mérites des souffrances et à la gloire de saint Étienne.

c) La prière des Heures. Saint Augustin ne nous dit que quelques paroles, mais combien riches de sens ! “ Le Christ, le chef des martyrs, a souffert pour nous, il nous a laissé un exemple afin que nous marchions sur ses traces. Saint Étienne a suivi les traces de ses souffrances. Comme il confessait le Christ, il fut lapidé par les Juifs et il reçut la couronne que présageait déjà son nom. Stéphanus est un mot grec qui veut dire couronne. Il s’appelait le couronné, il portait déjà la palme du martyre dans son nom. ”

2. Lecture d’Écriture (Rom. V, 1-9). — Paul devient positif dans ses explications : l’Évangile donne au croyant l’assurance ferme qu’il ne succombera pas au jugement et qu’il obtiendra l’éternelle vie. Ce sont des pensées d’or : “ Puisque nous sommes maintenant justifiés par la foi, ayons la paix avec Dieu, par Notre Seigneur Jésus-Christ. Par lui nous avons aussi l’accès à la grâce et nous nous vantons de l’espérance de la gloire de Dieu. Ce n’est pas assez, nous nous glorifions dans nos tribulations, car la tribulation produit la patience ; la patience, la persévérance ; la persévérance, l’espérance. L’espérance ne sera pas confondue, car l’amour de Dieu est dans nos cœurs, répandu par le Saint-Esprit qui nous a été donné... Or Dieu a prouvé son amour pour nous par ce fait que le Christ est mort pour nous, quand nous étions encore pécheurs. Combien plus, maintenant que nous sommes justifiés par son sang, serons-nous sauvés par lui de la colère. Car puisque, bien que nous fussions des ennemis, nous avons été réconciliés, par sa mort, avec Dieu, combien plus, maintenant que nous sommes réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie ? ” Dans la suite, saint Paul établit un parallèle entre Adam et Jésus-Christ, les chefs d’une double série humaine : celle des pécheurs condamnés à la mort, — et celle des rachetés appelés à la vie.

3 JANVIER

Octave de Saint Jean (simple)

C’est le bienheureux Évangéliste et Apôtre Jean qui eut la grâce,

Par suite du privilège de son amour spécial, d’être estimé par le Seigneur plus que tous les autres Apôtres (Rép.).

1. Le jour de la fête, nous avons vu saint Jean surtout dans la suite du Roi portant l’étendard des âmes virginales. Aujourd’hui, au jour de son Octave, nous contemplons sa personne et son importance pour l’Église. Il est vraiment le grand docteur dont le Seigneur “ a ouvert la bouche au milieu de l’Église ” (Intr.). Saint Jean a exercé, dans la suite, une grande influence sur la constitution de la liturgie. Son portrait du Christ est celui de notre liturgie : “ Parmi les quatre Évangiles, ou pour mieux dire, les quatre livres du même Évangile, saint Jean, qui, à cause de son élévation de pensée, est à bon droit comparé à un aigle, a donné une doctrine plus élevée et plus sublime que les trois autres. Et il veut que, dans sa sublimité, nos cœurs aussi s’élèvent... Car les trois autres Évangélistes ont, pour ainsi dire, suivi l’Homme (le Christ) dans son cheminement terrestre et ne nous ont dit que peu de choses de sa divinité. Quant à saint Jean, comme s’il dédaignait de marcher sur la terre, il s’est élevé dès le début de son Évangile non seulement au-dessus de la terre et de toutes les sphères de l’air et du ciel, mais encore au-dessus des phalanges angéliques... et est arrivé, ainsi, jusqu’à Celui par qui tout a été fait ” (Saint Augustin ; au bréviaire d’aujourd’hui).

La liturgie nous montre presque chaque jour Notre Seigneur en trois images que saint Jean a tracées : le Verbe (le Logos), l’Agneau et le Roi. Chaque jour à la messe, nous lisons le Prologue de saint Jean qui nous élève jusqu’aux hauteurs inaccessibles de la divinité dont nous scrutons les profondeurs, et à la fin nous tombons à genoux à cette parole : “ Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ”. Chaque jour, au Gloria in excelsis et à l’Agnus Dei., nous chantons l’Agneau divin qui “ enlève les péchés du monde ”. Saint Jean a recueilli cette image du Seigneur qui lui est chère des lèvres de son premier maître Jean-Baptiste, comme un précieux héritage que, toute sa vie, il a gardé fidèlement, comme nous pouvons nous en rendre compte dans l’Apocalypse. Cette image est le plus parfait symbole du Christ s’immolant au Saint-Sacrifice de la messe. L’image du Christ-Roi se trouve également chez d’autres auteurs sacrés (saint Paul, saint Pierre). Cependant c’est saint Jean qui la présente de la façon la plus constante dans son Évangile et dans son Apocalypse.. Rappelons-nous que cette image apparaît dans chaque conclusion d’oraison :“ qui vit et règne ”. Dans nos prières d’aujourd’hui, demandons une étincelle de cet amour du Christ qui animait le disciple de amour.

2. Lecture d’Écriture (Rom. chap. VI). — Saint Paul explique maintenant que le chrétien n’a plus rien à faire avec le péché, car 1° le vieil homme a été enseveli au Baptême avec le Christ et un homme nouveau est sorti de l’eau, 2° il a été crucifié avec le Christ et est ressuscité avec lui. Il s’ensuit qu’il est mort pour toujours au péché. “ Comment pouvons nous, nous qui sommes morts au péché, vivre encore dans le péché ? Ou bien ne savez-vous pas que nous tous, qui avons été baptisés dans le Christ, avons été baptisés dans sa mort ? Nous avons été ensevelis avec lui par le Baptême dans sa mort, afin que, de même que le Christ est ressuscité des morts, nous marchions dans la nouveauté de vie par la gloire du Père... Car si nous avons été greffés sur lui dans l’imitation de sa mort nous le serons aussi dans la ressemblance de sa résurrection. Alors nous reconnaissons que notre vieil homme a été crucifié avec lui afin que le corps de péché soit détruit et que nous ne servions plus le péché... Mais si nous sommes morts avec le Christ, de même, nous le croyons, nous vivrons avec lui... ” (Dans ce verset se trouve le germe de la liturgie de Pâques). Saint Paul complète son exposé par l’image de la situation d’esclave. Auparavant nous étions les esclaves du tyran qu’est le péché, les fruits étaient des actes dont nous devons rougir, la fin en était la mort. Maintenant nous devons nous placer tout à fait dans le nouveau service. Les fruits en sont une vie sainte et la fin en est la béatitude éternelle : “ Car le salaire du péché est la mort, mais le don de la grâce de Dieu est la Vie éternelle dans le Christ Jésus Notre Seigneur. ”

4 JANVIER

Octave des Saints Innocents (simple)

Les enfants innocents furent immolés à cause du Christ, par le roi barbare, les nourrissons furent mis à mort, maintenant ils suivent l’Agneau immaculé et disent sans cesse : gloire à toi, Seigneur ! (Ant. Magn.).

1. La fête. — a) Au jour Octave, l’Église abandonne le deuil de la douleur des mères et honore les Saints Innocents avec la couleur du martyre, de même on chante le Gloria et l’Alleluia. — La messe est encore le même tableau mystérieux, la représentation de l’Office divin au ciel. L’Agneau, comme tué, est couché sur l’autel, entouré des 144 mille âmes pures, les prémices de Dieu. En union avec cette phalange privilégiée nous célébrons aujourd’hui le mystère eucharistique.

b) La prière des Heures. Le bréviaire attribue à saint Augustin le sermon suivant : “ A la naissance du Sauveur commence le deuil, non pour le ciel, mais pour la terre. Aux mères est destinée la lamentation, aux anges la joie, aux enfants la mort. C’est Dieu qui est né, c’est pourquoi, il convient que des enfants innocents lui soient offerts en sacrifice, à lui qui est venu pour condamner la méchanceté du monde. Les petits agneaux doivent être immolés parce que l’Agneau qui enlève les péchés du monde est crucifié. Mais les brebis se lamentent parce qu’elles perdent leurs petits agneaux qui peuvent à peine bêler. Un grand martyre, un cruel spectacle. Sans motif, l’épée est tirée parce que l’envie grince des dents. Et pourtant le nouveau-né ne fait violence à personne... ” Nous voyons les brebis se plaindre de la perte de leurs agneaux : “ On entend des pleurs dans Rama, un grand gémissement. ”

Les deux répons chantent la virginité de Marie (ils conviennent tout à fait à l’Office). C’est en fêtant les Saints Innocents que nous comprenons toute l’importance que l’Église attribue à la virginité et à la chasteté. L’antienne principale de la fête est celle-ci : “ Voici ceux qui sont restés sans tache, ils sont vierges ; ils suivent l’Agneau partout où il va. ” C’est pourquoi aussi on chante sans cesse dans le temps de Noël la “ virginité féconde ” de la Vierge Marie.

2. Lecture d’Écriture (Rom. VII, 1-25). — Saint Paul est obligé d’en revenir à la loi. La pensée que tout ce qui est arrivé au Christ se reproduit mystique ment dans ses membres, trouve une nouvelle application dans les relations des chrétiens avec la loi. Le chrétien est délivré de la loi parce qu’il est mort avec le corps du Christ et sert maintenant légitimement Dieu (1-7). Dans les versets suivants (8-25) saint Paul parle de l’homme non racheté. En lui deux puissances se disputent la victoire : l’homme intérieur, la raison qui connaît le bien et l’approuve ; la chair où les mauvais désirs et par conséquent le péché prennent racine. La loi n’a pu briser la force de la nature pécheresse. De cette puissance la grâce du Christ peut seule délivrer.

Je sais qu’en moi ou plutôt dans ma chair, ne réside pas le bien. La volonté est toujours chez moi mais non l’accomplissement du bien. Car je ne fais pas le bien que je veux, mais j’accomplis le mal que je ne veux pas. Mais je vois en moi une autre loi dans mes membres qui contredit la loi de ma raison et me livre captif à la loi du péché. Ah ! malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ? Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ Notre Seigneur.

VIGILE DE L’EPIPHANIE (SEMI DOUBLE)

Prends l’Enfant et sa Mère et retire-toi dans la terre d’Israël ; ceux qui en voulaient à la vie de l’Enfant sont morts ” (Comm.).

L’Enfant Jésus croissait en âge et en sagesse devant Dieu et devant les hommes ” (Ant. Magn. 1 Vêp.).

La journée d’aujourd’hui a une double importance. D’un côté elle est la préparation de la seconde grande fête du cycle festival et de l’autre elle représente l’Office du dimanche après l’Octave de Noël. Par suite de cette union, la vigile perd son caractère de pénitence (ornements blancs, pas de jeûne). Le jour a même une certaine solennité (Credo).

1. La messe (Dum medium). — Nous connaissons déjà cette messe depuis le dimanche dans l’Octave de Noël. Cependant elle est ici à sa place primitive (ce qui ressort de l’accord de l’Évangile et de la Communion). On continue par delà la fête des Saints Innocents l’histoire de l’Enfance de Notre Seigneur : c’est le retour de l’exil d’Égypte.

Quand nous méditons cette belle messe nous en arrivons à la réflexion suivante. Les deux parties du monde chrétien ont travaillé à la construction de notre liturgie, cela apparaît clairement dans le cycle de Noël.

L’Orient nous a donné la fête de l’Épiphanie qui est au-dessus des temps, l’Occident nous a donné la fête historique de Noël. La messe d’aujourd’hui précisément porte toutes les marques distinctives de l’esprit occidental et spécialement de l’esprit romain.

a) L’Occident célèbre les fêtes historiquement : la messe d’aujourd’hui est la conclusion de l’histoire de la petite Enfance : Naissance de Notre Seigneur, le 25 décembre ; Circoncision, le 1er janvier ; fuite en Égypte, le 28 décembre ; retour à Nazareth, le 5 janvier (l’Occident a même donné à la fête de l’Épiphanie un caractère qui rappelle l’histoire de l’Enfance, au moyen de l’adoration des Mages.)

b) Les messes de Noël se distinguent par l’antithèse si caractéristique de l’Occident : Homme (Enfant) — Dieu (Roi). Nous trouvons ces antithèses dans la messe d’aujourd’hui (Intr. Grad. Ép.) avec une beauté particulière dans le Graduel : “ Tu es le plus beau des enfants des hommes — le Seigneur est Roi. ”

c) L’Occident se distingue par la profondeur des sentiments, l’enseignement pratique et la concision des formules. C’est ce que nous trouvons aussi dans notre messe. Quel beau lyrisme dans l’Introït ! Nous ne saurions trop redire cet Introït. Notre âme y trouve tout l’enchantement de la poésie de Noël. Mais nous voulons aussi tirer une leçon pratique pour notre vie chrétienne de la fête de Noël. Voici cette leçon : nous devons être de vrais enfants de Dieu. Nous avons déjà, la semaine dernière, entendu dans mainte lecture ces paroles : Dieu est devenu Enfant des hommes pour que nous devenions enfants de Dieu ; pendant toute l’Octave de Noël, nous avons, à la Postcommunion, fait cette prière d’un sens profond : que le Sauveur du monde qui vient de naître nous accorde la qualité d’enfants de Dieu et l’immortalité. Cette pensée, dans la messe d’aujourd’hui, est formulée d’une manière encore plus pratique et plus brève. L’Épître nous dit, en paroles significatives, que nous sommes les enfants adoptifs de Dieu et que nous avons tous les privilèges de la filiation divine : “ Parce que vous êtes des enfants, Dieu a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père. Ainsi il n’est plus esclave mais fils, s’il est fils il est aussi héritier par Dieu.” Ces paroles expriment les fruits du mystère de Noël. Par le Dieu fait Homme, nous sommes devenus enfants de Dieu, avec tous les droits et les biens que ce titre comporte.

2. La prière des Heures. Les leçons du deuxième Nocturne contiennent un sermon de Noël avec des antithèses bien augustiniennes. “ Notre Seigneur Jésus, Créateur éternel de toutes choses, est aujourd’hui né de sa Mère et est devenu notre Rédempteur. Il est né aujourd’hui pour nous dans le temps, de sa propre volonté, afin de nous conduire à l’éternité de son Père. Dieu est devenu homme afin que l’homme devienne Dieu ; afin que l’homme mange le pain des anges, le Seigneur des anges est devenu Homme aujourd’hui. Aujourd’hui s’est réalisée la prophétie : “ Cieux, répandez votre rosée, nuées laissez pleuvoir le Juste, que la terre s’ouvre et fasse germer le Sauveur. ” Le Créateur des hommes est devenu Homme, pour chercher celui qui était perdu... L’homme a péché et est devenu redevable, l’Homme-Dieu s’est fait Homme pour délivrer ceux qui étaient redevables. L’homme est tombé, Dieu est descendu. L’homme tomba d’une manière pitoyable, Dieu est descendu avec pitié. L’homme tomba par orgueil, Dieu est descendu par sa grâce ” — Comme en ce jour on récite tout l’Office de la Circoncision, on peut dire que nous entendons aujourd’hui les derniers accents de Noël.

3. Saint Télesphore (127-137). — “ A Rome, le pape saint Télesphore. Il souffrit sous Antonin le Pieux, après de nombreux tourments, la mort glorieuse du martyre pour la foi chrétienne. ” — La fête du premier pape martyr, dans l’année nouvelle, nous rappelle que beaucoup de vicaires de Jésus-Christ ont. rendu à Notre Seigneur le témoignage du sang. Recommandons-nous à tous les saints papes martyrs.

4. Lecture d’Écriture (Rom. VIII, 1-39). — Ce que ne pouvait la loi, Dieu l’a accompli par son Fils, Il a pris notre chair pécheresse et, dans cette chair, il a souffert la mort sur la Croix. La justice, d’après laquelle la chair pécheresse méritait la mort, est satisfaite. C’est pourquoi Dieu a donné au chrétien le Saint-Esprit. C’est le nouveau principe de vie divine qui est infusé aux chrétiens par le Baptême. Ce même Esprit, à la résurrection, éveillera le corps à la vie éternelle (1-1 1). La possession du Saint-Esprit ne nous oblige pas seulement à mener une vie divine, elle nous en rend capables. Elle est le gage de la gloire future (12-30). Maintenant. le chrétien peut être sûr de son salut. Dieu est son Père, le Christ son Rédempteur, et, dans son âme, il porte un amour pour son Seigneur qui est plus fort. que toutes les puissances de l’au-delà et de la terre. Le chapitre VIII est le point culminant de toute : l’Épître : “ Tous ceux qui sont poussés par l’Esprit de : Dieu sont les enfants de Dieu. Vous avez reçu l’Esprit d’adoption dans lequel nous crions Abba, Père. L’Esprit lui-même témoigne à notre esprit que nous sommes des enfants de Dieu. Mais si nous sommes des enfants, nous sommes aussi des héritiers, les héritiers de Dieu, les cohéritiers du Christ, si nous souffrons avec lui pour être glorifiés avec lui. Car c’est ma conviction que les souffrances du présent n’ont aucune importance en comparaison de la gloire future qui nous sera manifestée. ” “ Si Dieu est pour nous qui sera contre nous ? Est-ce que Celui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous, ne nous donnera pas tout le reste avec lui ? Qui pourrait être accusateur contre les élus de Dieu ? C’est Dieu qui les justifie. Qui est-ce qui les condamnera ? Le Christ Jésus qui est mort, bien plus, qui est ressuscité, qui est à la droite de Dieu et qui de plus intercède pour nous. Qui pourrait nous séparer de l’amour du Christ ? La tribulation, l’angoisse, la persécution, la faim, la nudité, le danger ou le glaive ?... Je suis persuadé que ni la mort ni la vie, ni les anges, ni les puissances, ni le présent, ni l’avenir, ni les violences, ni les hauteurs, ni les profondeurs, ni aucune créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu dans le Christ Jésus Notre Seigneur. ”

5. Entrée dans les sentiments de la fête. — Le sens d’une vigile est la préparation de notre esprit et de notre âme à prendre les sentiments de la fête. Ce sera le rôle des considérations suivantes.

Épiphanie, Manifestation du Seigneur. Le nom lui-même est déjà étranger pour nos esprits d’Occidentaux, nous avons de la peine à nous y adapter. Notre fête à nous c’est Noël. Le monde incroyant lui-même ne peut pas se soustraire au charme de Noël. Cette fête est devenue la chair de notre chair. Mais l’Épiphanie ? Pour le peuple, c’est la fête des trois Rois mages, la fête des Rois. Mais la notion et le contenu de l’Épiphanie sont restés, pour lui, choses étrangères. Quelle différence y a-t-il donc entre Noël et l’Épiphanie ?

Le pape saint Léon nous le dit aux Matines d’aujourd’hui avec une concision toute classique : “ Celui qui, à Noël, est né de la Vierge, le monde l’a reconnu aujourd’hui. ” A Noël nous fêtions un événement historique, la naissance du Christ. Sans doute, derrière ce fait, il y avait une idée, la Rédemption ; mais cette idée n’apparaissait qu’à ceux qui méditaient profondément le mystère. Le peuple se réjouissait à la pensée que le Christ est né et entourait avec bonheur la Crèche. Aujourd’hui nous ne célébrons directement aucun événement, mais une idée qui n’a pris une forme concrète que dans les actions du Christ, nous célébrons cette pensée : le monde a reconnu Jésus-Christ comme Dieu. Nous pouvons donc résumer les deux fêtes dans cette brève formule : A Noël Dieu est apparu comme Homme, à l’Épiphanie cet Homme est apparu au monde comme Dieu. Noël est la fête de l’Incarnation, de la manifestation humaine du Christ, l’Épiphanie est la fête de sa manifestation divine. Que le Christ soit Homme, il n’est pas besoin de le prouver, il suffit qu’il naisse et qu’il vive comme Homme parmi nous. C’est pourquoi à Noël nous ne fêtons que le fait historique de sa naissance. Mais que cet Homme, ce faible Enfant, soit Dieu, il est nécessaire de le prouver. Et sa naissance nous servirait de rien si nous n’étions persuadés que cet Homme est Dieu. Ainsi à la fête de la manifestation humaine devait s’ajouter la fête de la manifestation divine.

L’Épiphanie nous donne donc la preuve que Jésus, Fils de Marie, est le Fils de Dieu. Nous nous demandons : comment le Sauveur pouvait-il prouver sa divinité ? Il ne le pouvait que par des signes et des miracles. A proprement parler, tous les miracles du Christ avaient pour but, en dernière analyse, de prouver aux hommes qu’il était le Fils de Dieu. Mais il y a des miracles particuliers qu’il a faits expressément pour donner cette preuve (par exemple : au moment de la guérison du paralytique : “ afin que vous reconnaissiez que le Fils de l’Homme a, sur la terre, le pouvoir de remettre les péchés... ”) Ainsi toute la vie de Notre Seigneur est une Épiphanie, une manifestation de sa divinité. Et nous pourrions, à notre gré, rappeler demain plusieurs miracles, comme preuves de sa divinité. Mais l’Église a choisi trois de ces actes merveilleux dont elle se sert pour montrer que Dieu est apparu parmi les hommes. Dans une belle formule concise, la liturgie explique ainsi la fête :

Aujourd’hui, l’étoile conduisit les Mages à la Crèche ;

Aujourd’hui, l’eau fut changée en vin, aux noces ;

Aujourd’hui, le Christ voulut être baptisé par Jean dans le Jourdain afin de nous racheter, Alleluia ” (II Ant. Magn.).

Assurément ces preuves ne forcent pas l’adhésion de l’homme, il faut que s’y ajoutent la grâce du côté de Dieu et la foi du côté de l’homme. L’étoile se leva pour les Mages, mais la grâce agit dans leur cœur et les conduisit à la foi et à la reconnaissance de la divinité. L’Épiphanie est donc tout ensemble une fête de la foi et une fête de la grâce.

Nous comprenons maintenant pourquoi le mystère des Mages a été choisi de préférence par l’Occident. Les Mages sont les premiers païens qui aient été appelés à la foi au Fils de Dieu. Ils nous représentent, nous qui sommes venus du paganisme. L’Épiphanie est la fête de la foi du monde païen. Nous célébrons notre vocation à la foi.

Encore une considération pratique pour nous. Depuis la mort du Christ, la preuve de sa manifestation divine nous est apportée par l’Église. Mais cependant moins par des miracles que par la parole de Dieu dans la Sainte Écriture et la prédication. Cette preuve non plus ne force pas notre adhésion, il faut que s’y ajoutent la grâce de Dieu et la foi. Cependant, au milieu d’un monde incroyant, l’Église présente à ceux qui ont B la grâce et la foi ces deux faits : Dieu s’est fait Homme (Noël) et il s’est manifesté comme Dieu aux hommes (Épiphanie).

6. Ières Vêpres de la fête. — Aux heures du soir, nous célébrons déjà les premières Vêpres de la fête de demain, nous en entendons les premiers accents. Les antiennes, comme autant de motifs musicaux, nous indiquent les pensées principales de la fête. “ Celui qui était engendré avant l’étoile du matin et avant tous les siècles, le Seigneur notre Sauveur, s’est aujourd’hui manifesté au monde.” (C’est, dans une formule concise, tout le sens de la fête). Puis la liturgie se tourne vers Jérusalem : “ Jérusalem, ta lumière est venue et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi et les peuples marcheront dans ta lumière, Alleluia. ” De cette image qui domine les temps nous passons à une image historique : “ Les Mages ouvrirent leurs trésors et offrirent au Seigneur de l’or, de l’encens et de la myrrhe, Alleluia. ” Puis, d’un bond, nous passons à la seconde image de la fête, le baptême de Jésus dans le Jourdain et nous lançons un appel à toutes les eaux : “ Mers et fleuves, glorifiez le Seigneur, sources, chantez un chant de louanges au Seigneur, Alleluia ”... Telle est la manière de la liturgie, les images se fondent les unes dans les autres. Dans l’hymne, les trois images se suivent en ordre. Nous voyons les Mages se mettre en route pour se rendre auprès de l’Enfant divin, pendant qu’Hérode tremble pour son trône. “ Celui qui donne des royaumes au ciel ne vole pas les trônes terrestres. ” Nous voyons l’Agneau divin descendre dans les eaux du Jourdain pour laver nos péchés. Nous voyons, à Cana, l’eau rougir et devenir du vin. A Magnificat, nous disons avec les Mages : “ Voici le signe du grand Roi. Mettons-nous en route pour aller le trouver et offrons-lui des présents, de l’or, de l’encens et de la myrrhe, Alleluia. ” Cette antienne est choisie avec une opportunité remarquable. C’est la dernière préparation à la grande fête. Levons-nous, nous aussi. Avec les Mages, allons vers le Christ.

6 JANVIER

L’Épiphanie de Notre Seigneur

(double de 1ère classe avec Octave)

STATION A SAINT PIERRE.

Voici qu’est arrivé (advenit) le Souverain, le Seigneur, dans sa main se trouve la dignité royale, la puissance et l’empire du monde ” (Introït). L’Église nous indique par là que notre fête est l’accomplissement suprême de l’Avent. L’Epiphanie est le point culminant du cycle de Noël.

Réjouissez-vous dans le Seigneur, mes très chers, je vous le dis encore, réjouissez-vous, car peu de temps après la solennité de la naissance du Christ, brille à nos yeux la fête de sa Manifestation. Celui qui, à Noël. est né de la Vierge, le monde l’a reconnu aujourd’hui ” (Mat. Homélie de saint Léon I).

1. Pensées de la fête. — La liturgie atteint le second sommet du cycle de Noël, dans la fête de l’Épiphanie. Noël est la fête intime, la fête de famille des chrétiens, l’Épiphanie est la fête mondiale de l’Église catholique. La pensée de la fête, comme nous l’avons déjà dit, est moins un événement de l’enfance de Jésus que la manifestation du Fils de Dieu au monde. Cette pensée est illustrée par trois images tirées de la vie de Notre Seigneur : l’adoration des Mages, le Baptême de Jésus et son premier miracle aux noces de Cana. Alors que les chrétiens orientaux mettent au premier plan la seconde image et appellent cette fête, la fête du Jourdain, l’Église Occidentale préfère la première image, l’adoration des Mages et appelle volontiers cette fête, la fête des Rois.

Pour avoir une intelligence plus profonde de la fête, considérons deux manières de voir des Orientaux. Quand, en Orient, un souverain visitait une ville, il était reçu solennellement au milieu des illuminations, lui-même faisait son entrée dans toute sa splendeur royale, il offrait aux habitants de la ville un repas somptueux et concédait des privilèges. On appelait cette visite solennelle théophanie, épiphanie “ apparition d’un dieu ”, comme si Dieu lui-même était venu sur la terre. Cette apparition de Dieu se réalise véritablement dans la personne du Christ. Le divin Roi est “ apparu ” dans sa ville, l’Église. Il déploie toute sa magnificence, les habitants de la ville le reçoivent avec de grandes manifestations de joie et il leur prépare le festin de l’Eucharistie.

La seconde manière de voir se rattache à l’usage des noces en Orient. Ces noces revêtaient une solennité extraordinaire et duraient plusieurs jours, si bien que les Orientaux se représentaient la vie heureuse sous l’aspect des noces. L’image des noces est une vraie image biblique, c’est aussi une image liturgique : le Christ vient comme un Époux dans le monde, par la Rédemption. Il célèbre ses noces avec l’Église, l’Eucharistie est son banquet nuptial. Ces deux images s’unissent dans la fête de l’Épiphanie. Le Christ, le divin Roi, fait son entrée dans sa ville et célèbre ses noces avec son Épouse l’Église ; quant à nous, les enfants de Dieu, nous sommes invités à prendre part au festin nuptial.

Cette image se dessine avec une grande beauté dans l’antienne de Benedictus, à Laudes, et les trois images signalées plus haut se fondent harmonieusement en une trame merveilleuse.

Elle est rythmée et provient d’une hymne, c’est vraisemblablement une libre adaptation d’un modèle grec versifié.

Hodie caelesti Sponso

Juncta est Ecclesia

Quoniam in Jordane lavit

Christus ejus crimina ;

Currunt cum muneribus

Magi ad regales nuptias

Et ex aqua facto vino

Laetentur convivae

Alleluia.

Aujourd’hui à son céleste Époux

A été unie l’Église

Parce que dans le Jourdain ont été lavés

Par le Christ ses péchés ;

On voit courir avec des présents

Les Mages aux noces royales

Et du vin provenant de l’eau

Les convives se réjouissent.

Alleluia.

Dans cet admirable tableau de noces est dessinée toute la vie sacramentelle de l’Église : le Baptême, l’Offrande, la Communion. Par le Baptême, le Christ s’est fait de chaque âme chrétienne une épouse immaculée et il célèbre ses noces avec l’Église dans le banquet eucharistique. Les dons spirituels, que nous apportons à l’Offertoire dans le symbole de l’Offrande, sont de véritables. dons royaux, des présents de noces. A la Communion, nous recevons de nouveau ces dons et nous constatons avec admiration que l’eau a été changée en vin. Ainsi les deux grandes fêtes du cycle d’hiver nous représentent la Rédemption en deux tableaux progressifs : la Naissance et les Noces : Noël, la naissance du Christ et notre renaissance en Lui ; Épiphanie, le mariage du Christ avec l’Église et l’âme. L’idée de lumière est aussi nettement accentuée dans les deux fêtes (de là l’insistance de l’Église sur l’étoile des Mages, de. là aussi la belle leçon à la messe de la fête : Illumine-toi, Jérusalem).

Bien que, le jour de la fête, les trois mystères se présentent tour à tour à nous (au bréviaire), l’Église, en les traitant successivement, s’en tient à la suite historique. Le jour même de la fête, elle célèbre l’adoration des Mages ; au jour Octave, le Baptême dans le Jourdain ; le deuxième dimanche après l’Épiphanie. les noces de Cana, Entre temps, le dimanche dans l’Octave, elle introduit l’incident de Jésus à douze ans, ce qui constitue une transition entre l’Enfance et la vie publique de Jésus,

2. L’Office des Heures. — Dans une si grande fête, les laïcs eux-mêmes devraient prendre part à la prière des Heures de l’Église, Le jour de l’Épiphanie, spécialement, la prière des Heures est une adoration du Fils de Dieu sous la conduite des Mages, On s’en rend compte immédiatement, en constatant que, dans les antiennes, revient avec prédilection le mot adorare, adorer. Les Matines de la fête n’ont pas d’invitatoire. A sa place on emploie le psaume d’adoration lui-même, le ps. 94, au cours des Matines (avec répétition fréquente du verset principal). Les âmes pieuses feront bien, au cours de cette semaine, de méditer le ps. 71 qui est le cantique directeur de la fête, L’Église distingue encore ses très grandes fêtes en chantant, dans les répons brefs des petites heures, l’Alleluia comme à Pâques. C’est le cas aujourd’hui.

3. Annonce des fêtes mobiles de l’année. — Aujourd’hui, dans les Églises cathédrales et abbatiales et aussi dans les communautés où on cultive la liturgie, les fêtes mobiles de l’année sont annoncées solennellement après l’Évangile de la grand messe :

Sachez, mes très chers frères, que, de même que nous nous sommes réjouis de la Nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous vous annonçons, aussi par la miséricorde de Dieu, la joie de la Résurrection de Notre-Seigneur :

Le 17 février sera le dimanche de la Septuagésime.

Le 6 mars le jour des Cendres et le commencement du jeûne de la sainte quarantaine.

Le 21 avril nous célébrerons la sainte Pâque de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la joie.

Le 30 mai est l’Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Le 9 juin est la fête de la Pentecôte.

Le 20 juin est la fête du Très saint Corps du Christ.

Le 1er décembre est le premier dimanche de l’Avent de Notre-Seigneur Jésus-Christ à qui soit honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen .

Remarquons le sens profond de cette annonce. Au point culminant du cycle de Noël, l’Église nous fait déjà à entrevoir le point culminant du cycle de Pâques.

4. La messe (Ecce advenit). — La prière des Heures était une adoration, la messe est une Offrande, sous la conduite des Mages. Cette fête étant la fête de l’Église des Gentils, de l’Église catholique, nous célébrons le Saint-Sacrifice dans la basilique de Saint-Pierre, où tous les peuples sont rassemblés en esprit. A l’entrée du Pape et du clergé, nous saluons le divin Roi qui paraît dans sa ville, car aujourd’hui est le point. culminant et l’accomplissement de l’Avent. “ Voici que s’avance (advenit) le Souverain. ” Et nous chantons immédiatement le psaume 71, le psaume des Rois qui retentit à travers toute la messe. La belle Oraison nous explique le mystère des Rois : nous sommes comme les Mages, conduits par l’étoile de la foi, à travers le désert de la vie ; à travers les persécutions d’Hérode (du démon), nous marchons vers le Christ, non pas vers l’Enfant, mais vers le Roi qui revient dans tout l’éclat de sa Majesté. Ce retour se réalise déjà à la messe, extérieurement semblable à ce que virent les Mages, l’Hostie rappelant le petit Enfant.

L’Oraison a déjà fait ressortir le thème de la lumière. Dans la leçon il apparaît dans toute sa splendeur. Le Prophète montre à nos regards une vision de la royauté du Messie sur le monde. La ville de Dieu est illuminée, car le Roi y fait sa visite royale, sa “ Parousie ”. La ville étincelle alors de la lumière de Dieu pendant que l’obscurité recouvre toute la terre. Alors les peuples païens accourent vers la lumière divine pour marcher ensuite dans son rayonnement. Ils viennent avec des présents dans les mains, des présents royaux, de l’or et de l’encens. — Avec intention, le Graduel répète comme un écho de la leçon, les deux pensées dominantes : la lumière et les présents ; l’Alleluia emprunte à l’Évangile son verset principal qui contient les deux mêmes idées. (Les deux chants constituent ainsi une transition entre les deux lectures, ce sont deux morceaux classiques).

La vision prophétique qui domine les temps trouve dans l’histoire des Mages (Évang.) une première réalisation et une illustration. Mais nous, ne nous arrêtons pas à l’image ; déjà à l’Évangile, en faisant la génuflexion à ces mots : “ et ils tombèrent à genoux et ils l’adorèrent ” nous montrons que nous ne nous contentons pas d’entendre l’histoire des Mages mais que nous nous associons à eux. Au Saint-Sacrifice, l’image devient réalité. La procession de l’Offrande commence, nous nous avançons avec les Mages vers l’autel, nous sommes nous-mêmes les Mages, nous sommes des Rois et nos dons d’aujourd’hui sont des présents royaux. Mais nous sommes aussi les représentants des Gentils qui ont rendu hommage au divin Roi (le texte développé répète trois fois : toutes les nations le serviront). Remarquons encore une fois comme l’Offertoire est bien choisi pour accompagner la procession de l’Offrande. La secrète explique au sens spirituel les dons des Mages.

Les présents royaux sont les offrandes de l’Église et celles-ci sont beaucoup plus précieuses que l’or, l’encens et la myrrhe, elles sont le Christ lui-même qui à l’Offertoire est offert avec une dévotion pure comme l’or, au Sacrifice est immolé comme l’encens et, à la communion, est déposé comme la myrrhe, dans le tombeau de notre âme. A la Communion, nous sommes enfin, avec les Mages, au terme de notre voyage, nous voyons briller l’étoile du Seigneur, la lumière de sa venue dans notre cœur. Maintenant nous adorons le Seigneur (nous chantons encore le ps. 71, le psaume des Rois qu’il faudrait chanter en entier).

Les courtes indications que nous avons données nous montrent que presque chaque prière et chaque chant sont à leur vraie place. Les chants sont nettement destinés à accompagner les diverses processions et les symbolisent merveilleusement. Ainsi l’Introït marque l’entrée du divin Roi ; l’Offrande, le voyage des Mages pour offrir leurs présents ; la procession de la Commu. nion, l’arrivée des Mages à Bethléem. Il y a aussi entre les deux lectures un beau parallélisme, l’une est prophétie, l’autre l’accomplissement. Le Graduel et l’Alleluia marquent la relation entre les deux lectures. Enfin les deux oraisons expriment avec concision et magnificence le drame de la fête. On peut appeler la Messe des Rois un modèle classique du formulaire de messe.

A la messe d’aujourd’hui nous apprenons à apprécier l’ancienne procession de l’Offrande qui malheureusement est tombée en désuétude. A l’offrande, nous entrons dans le Sacrifice du Christ ; l’offrande se rapporte à notre propre personne, c’est nous-mêmes que nous offrons. Mais aujourd’hui nous devons nous mettre davantage en frais et faire une offrande pour toute l’année. Nous devons apporter des présents précieux comme l’or, saints comme l’encens, marquant notre dévouement absolu comme la myrrhe amère. Dans les communautés qui aiment la liturgie, on pourrait organiser une offrande spéciale : des pièces d’or et d’argent pour les pauvres, de l’encens pour les besoins de l’année et quelques remèdes pour les malades nécessiteux.

5. Pieux usages à l’occasion de l’Épiphanie. — Les Grecs faisaient, à l’occasion de cette fête, une bénédiction très solennelle de l’eau avec procession au fleuve. En Occident, dans certaines régions, on bénit ce jour-là de l’eau appelée l’eau des Rois, et les fidèles il emportent cette eau bénite chez eux. Cette eau bénite est un sacramental destiné à la sanctification, à la purification et à la protection des chrétiens. Mais sa signification la plus profonde est de rappeler l’eau du Baptême. Dans certaines églises on bénit aussi de l’or, de l’encens et de la myrrhe. C’est une sainte et louable coutume de bénir les maisons le jour de l’Épiphanie. La formule rituelle employée pour cette bénédiction est pleine de sens. “ Bénis, Seigneur, Dieu tout-Puissant, cette maison afin que demeurent en elle la santé, la chasteté, la vertu victorieuse, l’humilité, la bonté, la douceur, l’accomplissement de la loi et la reconnaissance envers Dieu, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Et que cette bénédiction demeure sur cette maison et ses habitants, par le Christ Notre Seigneur. Ainsi soit-il.

7 JANVIER

Deuxième jour de l’Octave de l’Épiphanie (semi-d.)

De l’or au Roi, de l’encens au vrai Dieu et de la myrrhe pour sa sépulture.

1. La prière des Heures. — L’Office nous offre -au cours de la semaine une grande abondance de considérations sur le mystère de la fête. Au second Nocturne nous lisons un passage d’un sermon d’Épiphanie de saint Augustin. Il est très instructif de voir comment ce Père de l’Église conçoit la fête. Il ne connaît comme mystère de la fête que l’adoration des Mages : -“ Pour les Mages ce jour se leva une fois avec sa lumière, pour nous la commémoration annuelle de ce jour est venue. Les Mages étaient les prémices des Gentils, nous sommes le peuple des Gentils. Pour nous c’est la langue des Apôtres qui nous a instruits, quant à eux, ils ont été instruits par l’étoile qui était comme la langue du ciel. A nous, les Apôtres, comme d’autres cieux, ont raconté la gloire de Dieu (nous voyons ici que dès le temps de saint Augustin le ps. 18 était déjà chanté en l’honneur des Apôtres) Grand mystère ! Le Sauveur était couché dans sa Crèche et cependant il amenait les Sages de l’Orient. Il était caché dans l’étable et il fut reconnu dans le ciel, afin que Celui qui était reconnu dans le ciel fût manifesté dans l’étable. Ainsi l’Épiphanie, c’est-à-dire la manifestation du Seigneur, établit sa gloire et son abaissement. Celui qui, dans les profondeurs du ciel, était signalé comme le Très-Haut par le signe des étoiles est trouvé dans l’étroite demeure comme un faible enfant né avec des membres enfantins, enveloppé de langes enfantins, afin que les Sages l’adorent et que les méchants le craignent. ”

Au troisième Nocturne nous lisons un passage d’un sermon d’Épiphanie du pape saint Grégoire le Grand (ce sermon fut fait dans l’église liturgique par excellence, à Saint-Pierre). Ce sermon, divisé en quatre parties, est, à part quelques légères omissions, lu tout entier au bréviaire.

Considérons encore que, dans l’esprit de la liturgie, — nous participons pendant toute la journée au mystère des Mages. C’est ce que nous indiquent les antiennes des Heures, particulièrement celles de Laudes et de Vêpres. A Prime : la grande manifestation de Celui qui a été engendré avant l’étoile du matin ; à Tierce : la marche des Mages sous la conduite de l’étoile ; à Sexte : la marche d’offrande des Mages ; à None : la visite des Mages à l’Enfant-Dieu. Les antiennes de Benedictus et de Magnificat sont tous les jours différentes. Au lever du soleil, l’Église chante : “ De l’Orient, les Mages sont venus vers Bethléem pour adorer le Seigneur et ils ouvrirent leurs trésors et offrirent de grands présents : de l’or au Roi, de l’encens au vrai Dieu et de la myrrhe pour sa sépulture. Alleluia ” (Ant. Ben.). Elle chante au coucher du soleil : “ Quand les Mages virent l’étoile, ils eurent une grande joie ; et ils entrèrent dans la maison et ils offrirent au Seigneur de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Alleluia ”. (Ant. Magn.).

2. La Messe. — Il est conforme à l’esprit d’une Octave de méditer chaque jour avec soin quelques parties de la messe de la fête. C’est ce que nous ferons. Considérons aujourd’hui l’Introït. Pour bien comprendre un Introït, il faut l’examiner dans toute son étendue, avec le psaume entier et y voir l’accompagnement de l’entrée du prêtre. Le psaume 71 est celui qui convient spécialement à la messe de l’Épiphanie, il domine toute la messe. Le chrétien devrait l’étudier et le préparer avant la fête. Dans ce psaume on chante le royaume du Roi céleste. Ce royaume possède deux caractéristiques : c’est un royaume de paix et de justice. Ce royaume est illimité dans le temps et dans l’espace. Il est facile de voir que ces pensées conviennent parfaitement à notre fête où nous célébrons la fondation du royaume du Christ. On insiste particulièrement sur ces versets : “ Les rois de Tharsis et des îles lointaines apporteront des présents, les rois d’Arabie et de Saba se hâteront avec leurs dons, tous les rois de la terre l’adoreront, toutes les nations le serviront. ” Ce sont précisément ces versets qui ont fait des Mages, des rois (ils forment aussi la seconde antienne, on les appelle versus ad repetendum). L’antienne de l’Introït commence par ecce : — voici. L’Église indique du doigt l’Évêque qui fait son entrée. Sous la figure du célébrant, apparaît le Roi pacifique qui fait son entrée dans sa ville dont la maison de Dieu est le symbole. La liturgie prévoit donc le dramatique déploiement de la procession à travers l’église. Remarquons quelle réalisation présente il y a dans cet Ecce (de même que dans la répétition de Hodie : — aujourd’hui), Ecce advenit — ces mots nous les connaissons depuis l’Avent. Nous avons attendu avec un désir ardent, pendant quatre semaines, le “ Roi qui doit venir ”. Aujourd’hui notre attente est comblée : le voici. Il est là .. Et avec quelle beauté est exprimée cette pensée de la royauté et avec quelles fières paroles ! Dominator, Dominus, le Souverain, le Seigneur (???????. “ Il porte dans sa main (comme un globe impérial) la royauté et la puissance et l’empire du monde (dont l’empire romain n’était qu’une faible image). Nous sommes ainsi, dès cette ouverture, au cœur du drame : le Roi se tient au milieu de nous.

Mais l’entrée du prêtre présente encore un autre symbole. Avec le célébrant, ce n’est pas seulement le Roi qui fait son entrée ce sont aussi les trois Rois qui s’approchent de Bethléem “ la maison du pain ”, l’autel qui signifie le Christ. Nous tirons ce second symbolisme du versus ad repetendum. Nous ne devons pas être surpris de voir le prêtre réunir ces deux symboles ; à la messe il est souvent tour à tour représentant de l’Église et du Christ, il est le médiateur qui réunit en lui-même les -deux acteurs du drame : Dieu et les hommes. Voilà les considérations profondes que nous offre l’Introït.

3. Symbolisme des présents des Mages. — A ce sujet, la liturgie entre, au cours de la semaine, dans de longs développements :

Trois présents précieux ont été apportés aujourd’hui par les Mages au Seigneur,

Et ils sont remplis d’une signification mystérieuse :

Dans l’or se manifeste la puissance du Roi, Que l’encens te fasse penser au grand-prêtre,

Et la myrrhe à la sépulture du Seigneur ” (Rép.).

Les Mages apportèrent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. L’or convient au Roi, l’encens est offert au Dieu, avec la myrrhe on embaume les cadavres. Les Mages déclarent donc Celui qu’ils adorent, avec leurs présents mystérieux : avec l’or comme leur Roi, avec l’encens comme leur Dieu, avec la myrrhe comme un Homme destiné à la mort... Offrons, au Seigneur qui vient de naître, de l’or et ainsi nous confesserons que nous croyons en lui comme au Roi qui est au-dessus de tout, offrons-lui de l’encens pour reconnaître que Celui qui est apparu dans le temps est Dieu de toute éternité, offrons-lui de la myrrhe pour confesser notre foi qui enseigne que, selon sa divinité, il est impassible, mais que, selon notre nature qu’il a prise, il a été mortel. — Ces présents des Mages, l’or, l’encens et la myrrhe, nous pouvons encore les interpréter autrement : Par l’or on peut entendre la sagesse, selon le témoignage de Salomon qui dit : un trésor désirable est placé dans la bouche du sage. Par l’encens qui est brûlé en l’honneur de Dieu, peut être exprimée la vertu de piété, car ainsi parle le Prophète : “ comme la fumée d’encens, ma prière monte vers toi. ” Par la myrrhe on peut entendre la mortification de notre chair. C’est pourquoi l’Église dit de ses travailleurs qui jusqu’à la fin ont combattu courageusement pour le Seigneur : “la myrrhe découle de mes mains ” (Grégoire I, au bréviaire).

Cette signification mystérieuse des présents des Mages a été résumée par le prêtre Juventus (vers 33°) dans le vers suivant : Thus, aurum, myrrham, Regique, Hominique, Deoque dona fuerunt (L’encens, l’or, la myrrhe, au Roi, à l’Homme, au Dieu, ils offrent ces présents (Saint Jérôme, au bréviaire).

4. Lecture d’Écriture (Rom. Chap. IX-XI) — Le royaume de Dieu que, pendant l’Avent, le Prophète Isaïe nous a montré dans une vision prophétique, nous pouvons, sous la conduite de saint Paul, le contempler dans toute sa beauté. Au chap. VIII, saint Paul a dit l’essentiel. Aux chap. IX-XI, il se débat avec le fait du rejet d’Israël, qu’il essaie de comprendre à la lumière du plan rédempteur de Dieu. Paul n’est pas un renégat, mais un ardent amour le rattache à son peuple. Comme Moïse, il serait prêt à sacrifier son propre salut pour sauver son peuple. “ Je dis la vérité dans le Christ, je ne mens pas ; ma conscience me rend témoignage dans le Saint-Esprit que je porte un grand deuil et un chagrin incessant dans mon cœur. Oui, je souhaiterais même d’être séparé du Christ pour l’amour de mes frères qui me sont apparentés par la chair. Ils sont Israélites, à eux appartiennent... les promesses, à eux appartiennent les pères dont le Christ est descendu selon la chair, lui qui est Dieu au-dessus de tout. hautement loué dans l’éternité. Amen. ”

Saint Paul montre alors que ce n’est pas la descendance charnelle qui décide de la justification, mais la vocation conditionnée par la grâce de Dieu. L’histoire de l’Ancien Testament lui en fournit des exemples. Ce n’est pas le premier-né Ésaü, mais le puîné Jacob qui reçut la bénédiction messianique. Avant qu’ils fussent nés et, par conséquent, avant qu’ils aient pu faire le bien et le mal, il fut dit à la mère : l’aîné servira le plus jeune, afin que demeure la prédestination de Dieu d’après son libre choix qui se fait non d’après les œuvres mais par vocation. Aussi est-il écrit : “ J’ai aimé Jacob, mais j’ai haï Ésaü. ” Saint Paul songeant à la prédestination divine écrit : “ O homme, qui es-tu donc pour demander des comptes à Dieu ? Est-ce que la statue dit au sculpteur : pourquoi m’as-tu faite ainsi ? Est-ce que le potier n’est pas maître de son argile pour faire de la même masse un vase honorable et un vase d’abjection ? ” Paul voit dans l’avenir une lueur d’espoir. Israël n’est pas entièrement rejeté. Dès que les païens, dans leur ensemble, seront venus à la foi, alors, le jour de grâce se lèvera pour Israël lui-même. “ L’endurcissement d’une partie est venu sur Israël jusqu’à ce que la plénitude des païens soit rentrée. Alors Israël tout entier sera sauvé. ” Cette merveilleuse issue de l’histoire du monde arrache à l’Apôtre un chant de louanges sur les desseins de Dieu : “ O profondeur de la richesse de sagesse et de science de Dieu ! Combien impénétrables sont ses jugements, combien indiscernables sont ses chemins ! ”

8 JANVIER

Troisième jour de l’Octave de l’Épiphanie (semi-d.)

Lumière de lumière, ô Christ, tu es apparu.

1. Prière des Heures. Au second Nocturne, Saint Augustin parle de l’aveuglement des Juifs. “ L’illumination des Mages nous montre l’aveuglement des Juifs. Les Mages cherchèrent en Judée Celui que les Juifs ne connaissaient pas dans leur propre pays. Les Mages trouvèrent l’Enfant chez les Juifs, mais ceux-ci ne voulurent pas admettre qu’il fût parmi eux. Les Mages, ces étrangers venus de loin, adorèrent l’Enfant Jésus alors qu’il ne pouvait encore parler et ses concitoyens le crucifièrent quand il fut devenu Homme et qu’il fit des miracles. Les Mages adorèrent leur Dieu dans l’Enfant muet, les Juifs ne traitèrent même pas Jésus comme un homme, malgré toutes les merveilles qu’il avait accomplies ; comme si c’était un plus grand miracle de voir briller une nouvelle étoile à sa naissance que de voir le soleil se voiler à sa mort. ”

Au lever du soleil, l’Église chante : “ Ce sont trois présents que les Mages offrirent au Seigneur, de l’or, de l’encens et de la myrrhe, au Fils de Dieu et au grand Roi, Alleluia. ” Au coucher du soleil, nous chantons : “ Lumière de lumière tu es apparu, les Mages t’apportent des présents, Alleluia, Alleluia, Alleluia. ”

2. La messe. L’oraison transporte le drame sacré des Rois Mages dans notre vie. Les Mages virent l’étoile, se mirent en route sous sa conduite et arrivèrent au but de leur voyage auprès du divin Enfant. Ces trois actes se rencontrent aussi dans notre vie : l’étoile, le chemin, le but.

Pour nous aussi s’est levée une étoile, c’est la grâce de la part de Dieu et la foi de notre part. Sans cette étoile, il n’y a pas pour nous de christianisme. Combien nous devons remercier Dieu qui nous a choisis entre mille, comme les Mages, pour nous appeler à la foi. La foi est une grâce de Dieu, nous ne pouvons pas nous la donner, mais nous pouvons la cultiver en nous et l’accroître, nous ne devons pas nous exposer à la perdre. Cette étoile brille devant nos yeux. Qu’elle nous oriente et nous guide !

Le second acte est le chemin. C’est notre vie. Les Mages suivirent l’étoile, ils quittèrent leur pays peut-être sous les moqueries de leurs compatriotes, ils voyagèrent à travers les déserts et les solitudes par monts et par vaux. Ils se heurtèrent à des obstacles, particulièrement à Hérode. Le voyage des Mages est un modèle de notre vie chrétienne. Nous devons sortir du pays de notre chair, nous devons être des pèlerins et des étrangers. Le chemin de notre vie est solitaire, le monde prend d’autres voies. Ce n’est pas un chemin de roses c’est un chemin à travers le désert. Et un ennemi nous guette, un Hérode qui veut éteindre l’étoile et nous barrer la route : le démon.

Où nous mène ce chemin ? Le but est le Christ, non le Christ enfant, mais le Christ glorieux dont la vision nous rendra éternellement heureux, le Christ qui reviendra au moment de la mort. Nous ne devons jamais perdre de vue ce but. La vie chrétienne n’en a pas d’autre que la parousie ; tous les autres buts, si saints soient-ils, nous égarent. L’apostolat même et le soin des âmes ne doivent pas être notre but. Apprenons de la liturgie le désir de ce but de notre vie. Toute l’année est une marche des Mages sous la conduite de l’étoile vers le but suprême, le Christ.

3. Notre or. Mettons-nous aujourd’hui dans le rôle du premier Roi Mage et réfléchissons à la manière dont nous pourrons présenter au divin Roi nouveau-né notre or. Qu’est-ce qui constitue notre or ? Notre or est tout d’abord notre amour, rouge comme l’or, pur et de bon aloi comme l’or, le grand, le fort amour de Dieu dont le Christ lui-même a dit : tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces et de tout ton esprit ; dont saint Paul dit : qui pourrait nous séparer de la charité du Christ ? Sera-ce la tribulation, l’angoisse, la persécution, la faim, la nudité, le danger ou l’épée ?.. Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus Notre Seigneur.

Notre or est ensuite notre fidélité, cette fermeté, cette persévérance qui ne se laisse ébranler ni par les coups ni par les souffrances ni par les persécutions, la fidélité jusqu’à la mort.

Notre or c’est aussi la sincérité et la loyauté de nos sentiments qui seront tels qu’ils se manifesteront. On peut tromper les hommes, on ne trompe pas Dieu. Le monde aime prendre des masques de toutes sortes, mais le chrétien doit se montrer à visage ouvert, être vrai et loyal, il ne doit pas être du clinquant, mais de l’or vrai.

Il est encore un or que nous pouvons déposer sur l’autel, le plus précieux présent de la terre. La secrète nous l’indique, c’est Jésus-Christ lui-même que nous offrons au Saint-Sacrifice à son Père céleste et qui “par ces dons (symboliques) est offert, sacrifié et mangé ”. Oui, l’Eucharistie est l’or véritable qui ne perd jamais ni son éclat, ni sa valeur. Sommes-nous bien persuadés de la grandeur de la messe ? C’est le grand don royal et c’est par elle que nous sommes “ une race élue, un sacerdoce royal, une tribu sainte ” (1. Pier. II, 9).

4. Lecture de l’Écriture (Rom. XII, 1-6). — Nous sommes arrivés à la partie morale qui est plus facile à comprendre et plus édifiante pour nous. Le Chapitre XII que nous lisons aujourd’hui est si beau que l’Église y a pris les Épîtres des deux premiers dimanches après l’Épiphanie. “ Je vous en conjure, mes frères, par la miséricorde de Dieu : offrez votre corps comme un sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu. Que ce soit votre culte raisonnable... ” C’est notre or que nous devons justement offrir aujourd’hui. Ensuite saint Paul parle en termes magnifiques de la vie commune des chrétiens. “ Nous sommes tous un corps dans le Christ et nous sommes mutuellement les membres, munis de dons différents... ” Sur ce fondement du corps mystique il établit cette construction : “ Que l’amour soit sans hypocrisie. Soyez des hommes qui haïssent le mal, qui s’attachent au bien, mutuellement adonnés à la charité fraternelle, ; rivalisant de respect réciproque... soyez joyeux dans l’espérance, patients dans les tribulations, persévérants dans la prière. Prenez part aux besoins des saints (des chrétiens), exercez avec zèle l’hospitalité. Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez et ne maudissez pas. Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent, pleurez avec ceux qui pleurent... S’il est possible et autant qu’il dépend de vous, gardez la paix avec tous les hommes... ne vous laissez pas vaincre par le mal, mais par votre bonté soyez vainqueurs du mal. ”

5. Les saints du jour. — Le livre d’or de l’Église nous raconte : En Norique (aujourd’hui la Haute et Basse Autriche, la Styrie), saint Séverin. Il a propagé le christianisme parmi ce peuple et mérité le nom d’Apôtre de la Norique. Par la permission divine ses restes arrivèrent à Lucullano, près de Naples, et furent plus tard transférés dans le monastère de Saint-Séverin.

9 JANVIER

Quatrième jour de l’Octave de l’Épiphanie (semi-d.)

Notre encens.

1. Prières des Heures. — Au second Nocturne, nous lisons un sermon très surnaturel du pape saint Léon I. Il nous est d’autant plus précieux qu’il fut prêché dans un centre très liturgique, à Saint-Pierre, pendant la célébration de l’antique fête de l’Épiphanie. “ Récemment, nous avons célébré le jour où la Vierge très pure enfanta le Rédempteur. Aujourd’hui, il nous est donné, mes très chers, par la solennité vénérable de l’Épiphanie du Seigneur, de continuer notre joie, afin qu’au milieu des mystères semblables de fêtes apparentées, la force de notre joie et l’ardeur de notre foi ne soient pas diminuées. Le salut de tous les hommes nous est indiqué par ce fait que l’enfance du Médiateur entre Dieu et les hommes fut manifestée au monde, alors qu’il était encore caché dans une petite ville chétive... C’est pourquoi apparut alors. aux trois Mages, en Orient, une étoile d’une clarté nouvelle, qui, plus brillante et plus belle que les autres. astres, attirait facilement le regard et l’esprit des. observateurs... Celui qui avait donné un signe du ciel accorda aussi à ceux qui le voyaient la grâce de le connaître. Et ce qu’il faisait connaître il le fit aussi chercher et, après les recherches, il le fit trouver. Les trois hommes suivent la conduite de la lumière céleste. Avec une attention soigneuse, ils suivent le signe qui leur montre le chemin et les précède. Par l’illumination de la grâce, ils furent conduits à la connaissance de la vérité. Ils croyaient que cette naissance du Roi que leur signalaient des renseignements. humains, ils devaient aussi la chercher dans la ville royale. Mais Celui qui avait pris la forme de l’esclave et qui n’était pas venu pour juger mais pour être jugé, avait choisi Bethléem pour sa naissance et Jérusalem pour ses souffrances. ”

Au troisième Nocturne, nous entendons la quatrième et dernière partie du sermon de saint Grégoire (ainsi donc deux sermons historiques pour la fête de l’Épiphanie à Saint-Pierre, l’un vers 450, l’autre vers 600 ; transportons-nous par la pensée, en lisant ces sermons, dans ce temps vénérable). Le saint docteur nous parle de l’autre chemin ”.

Les Mages nous donnent une leçon importante par ce fait qu’ils “ rentrèrent dans leur pays par un autre chemin ”. En agissant ainsi sur l’ordre d’en-haut, ils nous indiquent ce que nous devons faire nous-mêmes. Notre patrie est le Paradis, mais après avoir connu Jésus nous ne pouvons pas y parvenir en prenant “ le chemin par où nous sommes venus ”. Nous nous sommes éloignés de notre patrie par l’orgueil et la désobéissance en aimant ce qui est sensuel et en goûtant au fruit défendu. Nous devons donc “ retourner ” dans les larmes, dans l’obéissance, dans le mépris des sens et l’assujettissement de la chair. Nous revenons alors “ par un autre chemin dans notre patrie ”. Chassés des joies du Paradis à cause de la jouissance défendue, nous y sommes rappelés par les larmes. — Il est nécessaire par conséquent, mes très chers frères, que, dans une sainte crainte constante et dans une défiance salutaire, nous ayons toujours devant les yeux, d’une part, nos méfaits et, d’autre part, la sentence du dernier jugement. Songeons que le Juge sévère apparaîtra, le Juge qui nous menace de son jugement, mais nous en cache le jour ; le Juge qui inspire de la terreur aux pécheurs et cependant attend avec tant de mansuétude et ne retarde son retour que pour trouver en nous moins de sujet de condamnation. Punissons par des larmes de pénitence nos délits et, pour citer un psaume (psaume 94), allons au-devant de son retour avec la confession de nos fautes. Ne nous laissons aucunement prendre au piège des passions, ne nous laissons pas tenter par la joie malsaine du monde, il est toujours tout proche, le Juge qui a dit : “ Malheur à vous qui riez maintenant car vous serez dans le deuil et vous pleurerez ” (Luc, VI, 23).

Au lever du soleil, nous chantons : “ Nous avons vu son étoile en Orient et nous sommes venus avec des présents l’adorer. ”

Au coucher du soleil, nous chantons : “ Hérode demanda aux Mages : “ Quel signe avez-vous vu qui vous indique le Roi nouveau-né ? ” — “ Nous avons vu une étoile brillante dont l’éclat éclaire le monde. ”

2. La messe. — C’est un tableau riche en couleur et de sens profond que le Prophète Isaïe déploie devant nous à la leçon de la messe. Nous voyons au-dessus de la ville de Jérusalem se lever le divin soleil, la gloire du Seigneur. Le Prophète éveille la cité de son sommeil nocturne, il l’invite à illuminer ses maisons. Il montre que toute la région environnante est plongée dans les ténèbres d’une nuit profonde ; au-dessus de Jérusalem seule se lève le soleil. De nouveau, il s’adresse à la ville. Lève tes yeux et vois : En troupes, voici qu’accourent les païens, ce seront tes nouveaux fils et tes nouvelles filles. Tu te réjouiras et t’étonneras de cette affluence. Ils viennent vers toi dans les costumes les plus divers : toutes les races et toutes les nations sont représentées ; un flot de chameaux et de dromadaires approche. Ces peuples ne viennent pas les mains vides, ils apportent de l’or et de l’encens.

Telle est l’image. Nous savons ce qu’elle signifie. L’arrivée des Mages n’est que le premier accomplissement symbolique de cette prophétie. Jérusalem est la sainte Église que le Christ vient de fonder. Pendant que le reste du monde est plongé dans les ténèbres du paganisme, du péché et de l’ignorance, brille au-dessus de l’Église la divine lumière. Et maintenant commence la conversion des païens pour la joie de l’Église. Combien de fils et de filles lui naissent chaque année ! Ne voyons-nous pas que l’Épiphanie est la fête de l’Église des Gentils ? Le merveilleux tableau se complète sans cesse depuis la première Pentecôte jusqu’à la fin du monde. Heureux sommes-nous de faire partie de cette troupe élue qui, des ténèbres du monde, est venue à la lumière de l’Église. Ouvrons toutes grandes les portes de notre cœur et laissons y pénétrer les rayons de ce divin Soleil, qu’il en éclaire tous les recoins les plus intimes. Cependant ne venons pas les mains vides. Que l’or et l’encens soient nos présents royaux. L’or est notre vocation, notre travail ; l’encens notre prière et notre culte. Deux mots résument notre présent de fête : Ora et labora, prie et travaille.

3. Notre encens. — Offrons aujourd’hui au Seigneur avec le second Mage, de l’encens. L’encens est. dans la liturgie, le symbole de l’adoration du Christ. A la grand’messe, à l’Évangile comme à l’Élévation, on offre de l’encens à Notre Seigneur ; de même dans le culte extra-liturgique de l’Eucharistie, on emploie l’encens comme un témoignage d’adoration. En offrant l’encens, la communauté chrétienne veut aujourd’hui manifester sa foi vivante à la divinité de Jésus-Christ. et à la présence réelle de l’Homme-Dieu dans nos saints mystères. Il ne faut pas que ce soit une foi théorique. mais cette foi chaude et vivante qui devient brûlante au Saint-Sacrifice. A l’Évangile, le Christ est au milieu de nous et nous parle et, pendant le Canon, caché sous les voiles eucharistiques, il est réellement présent. Voilà quel est notre encens.

Mais l’encens est aussi le symbole de la prière : “ Que ma prière s’élève vers toi, comme la fumée de l’encens ”, chante chaque soir l’Église avant le Magnificat. Offrons donc aujourd’hui au Seigneur le don de notre prière. La prière est, il est vrai, quelque chose de tout personnel, s’élevant de notre âme vers l’Esprit de Dieu, et plus elle sort des profondeurs de l’âme, meilleure elle est. Mais la prière est aussi le service de cour que nous devons à la divine Majesté. Notre Mère l’Église nous en apprend l’étiquette dans sa liturgie. La prière la plus agréable à Dieu est toujours la prière de l’Église et avec l’Église, parce que cette prière est, en dernière analyse, la prière du Christ, du Christ mystique dont l’Église est précisément le corps. Ainsi nous offrons aujourd’hui au Seigneur, avec l’encens, la prière liturgique.

Enfin nous mettons dans ce sacrifice d’offrande toute notre vie religieuse, notre piété au sens le plus large, nous offrons avec l’Apôtre (Rom. XII, 1) notre corps comme un sacrifice vivant, agréable à Dieu, c’est notre culte raisonnable ”.

4. Lecture d’Écriture. — Au premier Nocturne de Matines, saint Paul, dans son Épître à l’Église des Gentils (Rom. Chap. XIII et XIV), parle de nos relations avec l’État et l’autorité séculière : “ Que tous soient soumis à l’autorité. Car il n’y a aucune autorité qui ne vienne de Dieu ; là où il en existe une, elle a été établie par Dieu. Celui, par conséquent, qui se soulève contre l’autorité résiste à l’ordre de Dieu... C’est pourquoi on doit lui être soumis non seulement à cause du châtiment mais encore à cause de la conscience. Pour ce motif, payez-lui aussi les impôts, car ceux qui sont chargés de ce service sont les ministres de Dieu. Rendez à chacun ce qui lui est dû, l’impôt à qui est dû l’impôt, le tribut à qui est dû le tribut, la crainte à qui est due la crainte, l’honneur à qui est dû l’honneur. ” Ces quelques mots règlent toute notre attitude envers les pouvoirs publics ; ce passage est un commentaire de la parole célèbre du Sauveur : “ Rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu. ”

5. Saints du jour. On lit dans le martyrologe : “ A Arezzo en Toscane (Italie centrale), le bienheureux pape Grégoire X. Il était originaire de Plaisance (Haute Italie) et avait été archidiacre à : Liége (Belgique) avant d’être élevé sur le Siège Apostolique. Il tint le second concile de Lyon. Là il parvint à amener une union avec les schismatiques Orientaux et à mettre fin au conflit qui divisait les peuples chrétiens. Il employa beaucoup de zèle à recouvrer la Terre Sainte. Ainsi son gouvernement fut animé des plus nobles intentions. ”

10 JANVIER

Cinquième jour de l’Octave de l’Épiphanie (semi-d.)

La procession d’offrande de la messe.

1. Prière des Heures. — Au deuxième Nocturne, nous entendons des extraits d’un sermon de saint Maximin, évêque de Turin (milieu du Ve siècle), sur les trois mystères de la fête : “ Dans cette grande fête, nous pouvons, selon la tradition de nos pères, nous réjouir de plusieurs mystères. Aujourd’hui, nous racontent-ils, le Seigneur fut trouvé par des païens que guidait une étoile et adoré par eux ; aujourd’hui, comme convive à des noces, il a change l’eau en vin ; aujourd’hui, il a, des mains de Jean, reçu le Baptême et ainsi il a sanctifié les eaux du Jourdain et en même temps purifie son baptiseur. Quel est des évènements de ce Jour le plus Important ? Celui-la le sait qui les a accomplis. Quant à nous, nous devons être persuadés que tout ce qui est arrivé est arrivé à cause de nous.

Car que les Chaldéens aient été amenés par l’éclat d’une étoile qui brillait d’une manière étrange, à venir l’adorer, cela donna, aux païens l’espérance de parvenir au culte du vrai Dieu. Que l’eau ait été changée en vin d’une manière merveilleuse, cela présageait le mystère d’un nouveau breuvage divin ; que l’Agneau de Dieu ait été baptisé, cela nous montre le bienfait et le salut du Baptême qui nous a fait renaître. Il convient donc, mes frères, qu’en l’honneur du rédempteur dont nous avons célébré récemment la nativité, avec toute la joie convenable, nous fêtions aussi avec piété ce jour natal de ses œuvres merveilleuses. Comme il convient donc que ces trois évènements mystérieux nous soient annoncés en un seul jour, à nous qui confessons solennellement le mystère ineffable de la Sainte Trinité sous le nom unique de Dieu ! Par ce miracle donc Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ voulut se manifester aux regards des mortels, afin que sa divinité invisible, qui était cachée dans sa forme humaine, se manifestât visiblement dans ses œuvres. ” — Aujourd’hui nous pensons le matin et le soir aux dons que nous apportons : “ Tous les peuples viendront de loin et apporteront des présents, Alleluia ” (Ant. Ben). “ Ils viendront tous de Saba, apportant de l’or et de l’encens, Alleluia, Alleluia ”. (Ant. Vêp.).

2. La messe. — Dans tous les temps, les présents des Mages ont attiré l’attention de la chrétienté. On en a tressé toute une guirlande mystique et symbolique. Or. dans l’antiquité chrétienne. la démarche des Mages. pour offrir leurs présents était considérée comme le symbole de la procession des fidèles à la messe. Nous en trouvons une preuve frappante dans une mosaïque de Ravenne. Là des deux côtés de la nef est représentée l’Offrande de l’empereur et de l’impératrice avec leur suite. L’Empereur porte le pain, et l’Impératrice le vin, à l’autel ; sur le vêtement de l’Impératrice est brodée la marche des Mages.

La messe de la fête elle-même suppose ce symbole en mettant sur les lèvres des fidèles, pendant l’Offrande, les versets du psaume 71 : “ Les rois de Tharsis et des îles offriront des présents, les rois d’Arabie et de Saba apporteront leurs dons...” L’Église veut dire par là : Dans le drame sacré, les fidèles représentent les Mages qui apportent au divin Roi des présents précieux comme l’or, saints comme l’encens, marquant le sacrifice comme la myrrhe. Cela ne s’applique pas seulement à l’Octave de la fête, nous devons toujours avoir devant les yeux la marche des Mages et leurs présents, toutes les fois que — bien que ce soit seulement en esprit — nous faisons l’Offrande à la messe.

Et nos offrandes ont tant d’analogie avec celles des Mages ! Le sens de l’Offrande est en effet le don de sa propre personne ; le don représente le donateur. Ainsi donc l’Offrande doit ressembler à l’or ; elle doit être ce qu’il y a de plus vrai, de plus pur et de plus précieux en nous. Elle doit ressembler à l’encens, car elle est l’expression de la plus profonde soumission à Dieu. Tel était en effet le sens le plus ancien du sacrifice

(cf. Caïn et Abel). Elle doit enfin ressembler à la myrrhe, car il n’y a que ce qui est pénible qui soit digne d’un sacrifice. Enfin les trois dons symbolisent tout l’ensemble de notre vie : travail, prière et souffrance. Apportons chaque jour ces trois dons au sacrifice de la messe.

L’Église a encore une interprétation plus profonde de ces présents dans la secrète de la messe, mais nous en parlerons une autre fois.

3. Notre myrrhe. — Offrons aujourd’hui, avec le troisième Mage, notre myrrhe. Que signifie-t-elle ? Avant tout, c’est la foi vivante au Seigneur crucifié. Nous rendons-nous compte véritablement et d’une manière vivante, qu’au Saint-Sacrifice, la mort du Christ sur la croix nous est rendue présente ? “ Toutes les fois que vous mangerez de ce pain, ... vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il revienne. ” Saint Paul dit aussi qu’il ne veut rien connaître que le Christ et le Christ crucifié. Sommes-nous remplis de reconnaissance et d’amour pour le Christ crucifié ? “ Portons-nous les stigmates du Christ dans notre corps ? ” Voilà ce que doit nous rappeler l’offrande de la myrrhe.

La myrrhe signifie aussi, d’après les Pères, la mortification de la chair. Nous trouvant dans l’état de nature déchue, nous devons considérer notre chair comme un ennemi ; il n’y a aucune alliance possible : “ Celui qui ne se renonce pas lui-même et ne prend pas sur lui sa croix ne peut être mon disciple. ”

Enfin la myrrhe c’est la souffrance de notre vie. Le contenu de notre vie se compose surtout de ces trois choses : travail, prière, souffrance. Des trois, la plus précieuse est la souffrance supportée dans l’abandon et l’union à Dieu. Mettons, aujourd’hui et chaque jour, la souffrance ainsi acceptée sur l’autel, au moment de l’Offrande. Ce ne sera plus alors notre souffrance mais une partie de la Passion du Christ et nous pourrons “ compléter ce qui manque aux souffrances du Christ ”. Croyons bien que seuls les privilégiés de Dieu sont choisis pour aider le Christ mystique à porter sa Croix. La souffrance est un martyre et l’Église ne met rien au-dessus du martyre.

4. Lecture d’Écriture. — L’Apôtre des Gentils nous parle de la vraie tolérance (Rom. XIV, 1-13) ; lui qui voulait être Juif avec les Juifs, Grec avec les Grecs, “ tout à tous ” ; lui qui chez ses coreligionnaires a trouvé tant d’intolérance, peut nous enseigner la vraie tolérance chrétienne qui n’abandonne pas un pouce des principes, mais par la charité rétablit les bonnes relations avec les personnes : “ Personne d’entre nous ne vit pour soi et personne ne meurt pour soi ; mais, quand nous vivons, nous vivons pour le Seigneur et, quand nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Ainsi donc, que nous vivions ou que nous mourions, nous appartenons au Seigneur. Car le Christ est mort et est redevenu vivant pour régner sur les vivants et les morts... Ne nous jugeons pas les uns les autres, efforcez-vous plutôt de n’être pas pour vos frères une pierre d’achoppement et un scandale. ”

11 JANVIER

Sixième jour de l’Octave de l’Épiphanie (semi-d.)

Par un autre chemin.

1. Prière des Heures. -Au second Nocturne, nous entendons un sermon très instructif de saint Fulgence, évêque de la petite ville maritime de Ruspe dans l’Afrique du Nord : “ Dieu qui, dans l’Ancien Testament, a ordonné de lui offrir les prémices, a consacré lui-même, quand il est devenu Homme, les prémices des Gentils à son culte. Les bergers étaient les prémices -du judaïsme, les Mages furent les prémices de la gentilité. Les premiers furent amenés du voisinage, les autres furent ramenés des pays lointains. “ Où est ”, demandent-ils, “ le Roi des Juifs qui vient de naître ? ” A Hérode, le roi des Juifs, plusieurs fils étaient déjà nés. Archelaüs naquit dans un palais, le Christ dans un abri de passage. Archelaüs fut placé à sa naissance dans un berceau d’argent, le Christ dans une étroite crèche ; et pourtant celui qui est né dans un palais est négligé, celui qui est né dans un abri de passage est recherché ; le premier n’est même pas nommé par les Mages, mais le Christ, dès qu’ils l’ont trouvé, est adoré humblement et à genoux. Qui est ce Roi des Juifs ? Il est pauvre et riche, abaissé et sublime. Qui est ce Roi des Juifs que l’on porte dans les bras comme un nourrisson et qui est adoré comme Dieu, petit dans sa crèche, immense dans les cieux, sans apparence dans ses langes, glorifié parmi les étoiles ? D’où vient, Hérode, que tu te troubles tant ? Ce Roi qui vient de naître, ne vient pas dans le monde pour vaincre les rois, dans le combat, mais pour les subjuguer merveilleusement par sa mort. Il n’est pas né pour être ton successeur, mais pour que le monde croie fidèlement en lui. Il ne vient pas pour exposer sa vie dans les combats, mais pour triompher dans sa mort. Ce petit Enfant que les Mages nomment le Roi des Juifs est aussi le Créateur et le Seigneur des anges. Tu trembles à la venue d’un enfant qui ne parle pas encore, il te faut pourtant craindre bien davantage la toute-puissance du Juge. Ne crains pas en lui le successeur de ton royaume, mais le juste Juge qui condamnera ton incrédulité. ”

L’Antienne de Benedictus a aujourd’hui un accent inattendu : “ Ils viendront vers toi ceux qui te blasphèment et ils adoreront la trace de tes pas ” (Is. LX, 14). Nous songeons à la conversion des païens, mais aussi à celle des persécuteurs du Christ, par exemple : de Saul. Le soir nous chantons : “ Les Mages, avertis dans leur sommeil, s’en retournèrent dans leur pays par un autre chemin. ”

2. La messe. — Hier nous avons vu que la démarche des Mages symbolisait l’Offrande des fidèles. Mais dans la secrète, l’Église nous donne une interprétation plus profonde des “ dons royaux ”. Ils symbolisent l’Offrande ta plus précieuse, le Fils de Dieu. Quelle est donc notre véritable offrande à la messe ? Ce ne sont pas les dons de l’Offrande, le pain et le vin, mais le corps et le sang de Jésus-Christ dans lesquels sont changés le pain et le vin. Les fidèles n’offraient ces dons que pour exprimer par là que le corps et le sang du Christ étaient leur sacrifice. Oui, telle est l’essence du Saint-Sacrifice de la messe : le corps du Seigneur sacrifié dans la mort, l’Agneau immolé est placé dans nos mains, nous pouvons l’offrir au Père céleste en expiation de nos fautes, pour le remercier de ses bienfaits, pour lui demander ses grâces. Et cet Agneau du sacrifice y est symbolisé par les dons des trois Mages. Il est l’or. Y a-t-il quelque chose de plus précieux pour nous sur la terre ? Il convient de lui offrir de l’or, car il est le Roi des rois. Il est l’encens qu’on offre à Dieu en sacrifice. Le Christ n’est pas seulement l’Agneau du sacrifice, il est aussi le grand Prêtre dont la prière s’élève comme un encens. Il est la myrrhe, car la chair qui fut vraiment immolée et le sang qui coula vraiment sur la Croix sont devant nous sur l’autel.

Les trois parties du Sacrifice de la Messe trouvent aussi un beau symbole dans les trois dons. L’Offertoire est l’or. La signification de l’Offrande est en effet le don de soi-même et ce don doit être vrai et pur comme l’or. La Consécration ressemble à l’encens ; c’est en effet l’action sacerdotale par excellence tant pour les prêtres consacrés que pour le sacerdoce général des fidèles. Car le peuple exerce en premier lieu son sacerdoce royal par la participation active à la messe. La Communion enfin ressemble à la myrrhe. Le corps du Seigneur fut jadis déposé, avec de la myrrhe, dans le tombeau taillé dans le roc. Aujourd’hui le même corps descend dans le tombeau de notre cœur, conservé par la myrrhe de la grâce, pour ressusciter dans notre vie vertueuse et chrétienne.

3. Considérons aujourd’hui la démarche des Mages et comparons-la avec celle que nous faisons pour aller à l’église. Le voyage des Mages, tant à l’aller qu’au retour, leur ménagea des joies et des peines. Ce ne fut certes pas une décision facile que de quitter leur pays pour s’en aller dans des pays étrangers, inconnus et dangereux et de se confier à la conduite d’une étoile. Ce voyage dura peut-être des semaines et rencontra bien des difficultés, quand ce ne serait que le séjour auprès d’Hérode. Quelle dut être l’impression des Mages quand, à Jérusalem, l’étoile disparut et qu’Hérode prit une attitude si énigmatique ! Mais leur joie n’en fut que plus grande quand ils revirent l’étoile qui les conduisit au but désiré : “ ils se réjouirent d’une très grande joie. ” Leur retour dans leur pays ne fut pas, non plus, exempt de difficultés (Saint Jean Chrysotome décrit, dans le bréviaire, les difficultés de la foi) ; le retour précipité, la fuite devant Hérode, dont ils avaient trompé l’attente, rendit leur retour pénible. Mais la joie du grand événement, ils la portèrent continuellement, toute leur vie, dans leur cœur.

Nous aussi, nous faisons souvent, peut-être tous les jours, un voyage semblable pour aller à l’église et pour en revenir : ce voyage a bien des rapports avec celui des Mages. Pour nous aussi, le voyage pour aller à l’Église nous demande des sacrifices mais nous apporte aussi beaucoup de joie. Il s’agit de se lever à temps, de marcher parfois par le vent et le mauvais temps, par la pluie et la neige, le froid et l’obscurité. Il y a souvent un Hérode qui veut nous retenir : notre propre paresse qui nous empêche de nous lever, notre famille qui trouve insensé d’aller tous les jours à la messe. Cependant si nous triomphons de tous ces obstacles, nous goûterons quelque chose de la “ très grande joie ” des Mages. Estimons notre voyage vers l’église, c’est un voyage liturgique. Dans l’ancienne Église, les fidèles se réunissaient dans l’ecclesia collecta et de là se rendaient en procession, en priant et en chantant, à l’église de station où avait lieu le Saint-Sacrifice. Nous pouvons nous représenter quelque chose de semblable. Notre demeure est l’église de réunion, nous l’avons justement fait bénir le jour de l’Épiphanie, comme une église, avec de l’encens et de l’eau bénite. Là, nous nous sommes rassemblés en esprit, maintenant commence la procession. Malgré notre isolement nous ne sommes pas seuls ; notre ange gardien nous accompagne et les saints nous précèdent. C’est donc une vraie procession. — En chemin, méditons l’Introït qui nous donnera le symbolisme de notre démarche. Récitons l’un ou l’autre verset du psaume : “ Comme mon cœur s’est réjoui à la joyeuse nouvelle, c’est à la maison de Dieu que nous allons ! ” Pensons aux dons royaux que nous déposerons sur l’autel, à l’intention pour laquelle on offrira le Saint-Sacrifice. Cette démarche doit être une démarche sainte. Notre retour aussi doit être recueilli, rempli du bonheur de la visite du divin Roi, accompagné de réflexions sur l’œuvre journalière qui commence. Établissons un pont d’or entre le mystère du jour et nos obligations quotidiennes. Le souvenir constant du voyage des Mages sanctifiera celui que nous faisons pour nous rendre à l’église.

4. Lecture d’Écriture. — Saint Paul continue d’exposer ses idées sur le support mutuel (Rom. XV, 1-16). (Ces pensées sont particulièrement opportunes en cette fête de la réconciliation générale des peuples qu’est l’Épiphanie). L’exemple du Christ éclaire ces pensées. “ Nous devons, nous qui sommes forts, supporter les faiblesses des faibles, sans chercher à nous plaire à nous-mêmes. Chacun de nous doit chercher à faire plaisir à son prochain pour le bien et pour l’édification. Car le Christ lui-même ne rechercha pas son bon plaisir comme il est écrit : les injures de ceux qui t’injuriaient sont tombées sur moi. ” Dans la suite nous entendons l’Apôtre expliquer les relations des Juifs et des Gentils avec le Christ. Nous avons déjà : entendu ce passage, comme Épître, le second dimanche de l’Avent, nous le lisons ici dans une nouvelle lumière : “ Le Christ a été Juif à cause de la fidélité de Dieu (car telle était la promesse). Quant aux Gentils, ils peuvent louer Dieu à cause de sa miséricorde parce que, sans mérites et sans promesses, ils ont été appelés. ” Paul est arrivé à la conclusion de son Épître, il développe maintenant ses plans d’avenir. Après son travail missionnaire dans l’Orient, il aspire à se rendre dans l’Occident lointain. “ J’espère, quand je me mettrai en route pour l’Espagne, vous voir en passant et, après avoir un peu joui de votre présence, prendre congé de vous pour aller là-bas... Mais je sais que si je viens vers vous j’y viendrai avec l’abondance des bénédictions du Christ. ”

12 JANVIER

Septième jour de l’Octave de l’Épiphanie (semi-d.)

Nous avons vu son étoile en Orient.

1. Prière des Heures. — Le grand prédicateur, saint Jean Chrysostome, nous donne, aujourd’hui, de belles considérations sur la foi des Mages, avec des sentiments presque modernes : “ Les Mages entrèrent dans la maison et virent l’Enfant avec Marie sa Mère. Ils tombèrent à genoux, ouvrirent leurs trésors et lui offrirent de présents : de !’or, de l’encens et de la myrrhe. Mais qu’est-ce qui peut bien les avoir déterminés à adorer l’Enfant ? La Vierge n’avait pourtant rien de remarquable en elle et la maison était loin d’être magnifique. Et par ailleurs, il n’y avait rien là qui pût les remplir d’étonnement et les porter à l’adoration. Et pourtant ils ne se contentent pas d’adorer, mais ils ouvrent leurs trésors et offrent des présents comme on n’en offre pas à un homme mais à Dieu seul. L’encens et la myrrhe indiquent nettement Dieu. Qu’est-ce qui les a déterminés à une telle manière de faire ? La même raison qui les fit quitter leur pays et entreprendre un si grand voyage, c’est-à-dire l’étoile et l’illumination du cœur que Dieu lui-même leur accorda. Cette illumination les amena peu à peu à une connaissance plus complète. S’il n’en avait pas été ainsi, ils ne lui auraient pas témoigné un si grand honneur. Car tout ce qu’ils pouvaient voir avait un aspect misérable. Ce qui tombait sous leurs sens n’avait aucune importance : la crèche, la grotte, une Mère pauvre. Cela arriva pour que tu puisses reconnaître la haute sagesse des Mages et apprendre qu’ils ne sont pas venus trouver seulement un homme, mais un Dieu et un Dieu bienfaiteur. C’est pourquoi ils ne se scandalisèrent pas de ce qu’ils pouvaient voir extérieurement, mais ils adorèrent et offrirent des présents, présents qui se distinguèrent fortement de la grossièreté juive. Car ils n’offrirent pas des moutons et des veaux, mais des dons spirituels, apparentés à la sagesse de l’Église : science, obéissance et amour, voilà les présents qu’ils offrirent. “ Et dans un songe, ils reçurent l’avertissement de ne pas retourner voir Hérode ”, c’est pourquoi ils rentrèrent dans leur pays par un autre chemin. Qu’on considère là leur foi. Non seulement ils ne se scandalisent pas, mais ils sont aussi très calmes et obéissants, ils ne se troublent pas et ne tiennent pas entre eux de discours de ce genre : “ Vraiment, cet enfant a-t-il vraiment de l’importance et possède-t-il une puissance quelconque ; à quoi bon fuir et se dissimuler ? Nous sommes venus ouvertement et pleins de confiance vers ce grand peuple et nous nous sommes présentés devant le roi furieux ; pourquoi maintenant l’ange nous renvoie-t-il chez nous comme des fugitifs ? ” Ils ne parlent ni ne pensent ainsi. La véritable foi se manifeste en ce qu’elle ne cherche pas le motif du commandement mais obéit simplement. ”

L’antienne du lever du soleil est de toute beauté :

Il est manifestement sublime le mystère de la piété :

Il a été accrédité par l’Esprit,

Manifesté aux anges,

Annoncé aux peuples,

Cru dans le monde,

Reçu dans la gloire, Alleluia. ”

2. La messe. — Deux fois, à la messe de la fête, le peuple chante ce passage de l’Évangile ; “ Nous avons vu son étoile dans l’Orient et nous sommes venus avec des présents adorer le Seigneur. ” On le chante à l’A1leluia et à la Communion. Qu’est-ce que cela veut dire ? Ce que le chœur chante, il se l’approprie. Par conséquent, quand la communauté chante ces paroles, elle se met à la place des Mages. Elle a vécu elle aussi une expérience semblable, elle aussi est arrivée au but et veut adorer le Seigneur qui s’est manifesté. ri Demandons-nous pourquoi elle le fait précisément à ces deux moments ? C’est que ce sont les deux moments principaux de la manifestation du Christ à la messe. Le chant de l’A1leluia est l’annonce de la manifestation du Christ dans le symbole de l’Évangile. La Communion rappelle, dans le drame sacré, le moment le plus solennel de l’histoire des mages. Comme les Mages, œ nous nous prosternons devant le Fils de Dieu caché sous les apparences sacramentelles. Ce chant est donc tout à fait approprié à ce moment, surtout si nous le considérons comme le chant de procession des communiants. Chaque partie est à sa place dans cette messe d’un caractère vraiment classique.

3. Lecture d’Écriture (Rom. XVI, 1-24). — Le dernier chapitre contient des salutations et les dernières recommandations : “ Saluez-vous mutuellement dans le saint baise, toutes les Églises du Christ vous saluent. ” Le baiser de paix est passé dans la liturgie comme symbole de la charité fraternelle. “ La nouvelle de votre obéissance dans la foi est parvenue partout. C’est pourquoi je me réjouis à votre sujet et désire que vis-à-vis du bien vous soyez sage, et vis-à-vis du mal simples... Mais à Celui qui a le pouvoir de vous fortifier dans mon Évangile et dans la prédication de Jésus-Christ, — selon la révélation du mystère qui a été tenu sous silence pendant de longs siècles, mais qui est maintenant manifesté par les écrits prophétiques, selon l’ordre du Dieu éternel, pour produire l’obéissance dans la foi, et a été révélé à tous les peuples, — à Dieu seul sage soit honneur et gloire par Jésus-Christ ï dans les siècles des siècles. Amen. ”

4. Le symbole de l’étoile. — Les étoiles ont de tout temps attiré sur elle l’attention de l’humanité. Les païens eux-mêmes les considéraient comme les ; messagères d’un monde plus élevé. La Sainte Écriture admire, dans le firmament étoilé, la gloire et la grandeur de Dieu. Mais l’Écriture voit déjà, dans les étoiles, le symbole du divin. Ainsi, dans la prophétie de Balaam, le Christ est désigné comme une étoile : “ Une étoile sortira de Jacob” (Nomb. XXV, 17). Dans l’Apocalypse, le Christ se nomme lui-même “ l’étoile brillante du matin (Apoc. XXII, 16). Et ce n’est pas par hasard qu’une étoile a conduit les Mages vers le Sauveur. Dans la Sainte Écriture, les Apôtres, les évêques, les docteurs de l’Église sont également comparés aux étoiles. Enfin les saints et les justes au ciel sont désignés comme des étoiles qui reçoivent leur éclat du Christ lui-même et rayonnent elles-mêmes dans la gloire éternelle. L’art chrétien primitif se rattache à la Sainte Écriture et voit dans l’étoile : a) le symbole du Christ. Par suite on unit volontiers l’étoile au signe du Christ. Ainsi on aime à représenter l’étoile des Mages comme monogramme (préconstantinien) du Christ (cf. p. 232). L’étoile symbolise ensuite : b) le retour du Christ (Parousie) et le paradis. C’est pourquoi nous trouvons aux voûtes des tombeaux, dans les mausolées, des étoiles. On aimait les y placer parce qu’elles représentaient précisément la béatitude céleste. Mentionnons, par exemple, le célèbre mausolée de Galla Placida à Ravenne. Tout le couvercle est semé d’étoiles sur fond bleu et, au milieu, brille une grande croix latine. Ceci représente le retour du Christ et la gloire céleste. On trouve souvent, au milieu des étoiles, le signe du Christ, la couronne de victoire, l’ancre. La signification est toujours la même : le Christ et la gloire éternelle.

DIMANCHE

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DANS L’OCTAVE DE L’ÉPIPHANIE

Fête de la Sainte Famille (double majeur)

Le dimanche dans l’Octave de l’Épiphanie forme la transition entre l’histoire de la jeunesse du Sauveur et son ministère public, car au jour Octave on célèbre déjà son baptême dans le Jourdain. C’est pourquoi l’Église nous présente aujourd’hui l’Enfant-Jésus à l’âge de douze ans. C’est sans doute encore un Enfant, mais il nous fait déjà songer à son ministère futur. — Mais cet office antique et très beau est actuellement supplanté par la fête de la Sainte Famille. La messe du dimanche est reportée au premier jour libre, généralement au lundi. Nous parlerons successivement de la fête de la sainte Famille et de la messe du dimanche.

SAINTE FAMILLE

En vérité tu es un Roi caché

1. Premières impressions. — Nous avons vu que la liturgie de Noël est l’œuvre de l’Orient et de l’Occident. L’Occident nous a donné la fête historique et intime de Noël et l’Orient la fête de l’Épiphanie placée au-dessus du temps. Mais chacune des deux Églises a compris et développé cette dernière fête à sa manière. L’Église d’Orient a pensé surtout aux magnificences de la visite royale et des noces, l’Église d’Occident a vu surtout la “ fête des Rois ”. La fête d’aujourd’hui nous montre que ce ne sont pas seulement les diverses contrées mais encore les diverses époques qui ont contribué à la formation de la liturgie. La plupart des fêtes du temps de Noël (à part celle du Saint Nom de Jésus) remontent aux temps de l’ancienne Église et ont comme un parfum d’antiquité. Celle d’aujourd’hui est issue du temps présent. La comparaison entre ces deux ordres de fête nous fera mieux connaître la manière et l’esprit de la liturgie. Quand on a récité les Matines et célébré la messe d’aujourd’hui, on est frappé de trois particularités : a) ici la pensée passe avant l’action ; b) le but de la fête est un enseignement, une leçon morale, c) le caractère sentimental est plus visible que dans les fêtes anciennes.

a) Les anciennes messes sont des mystères en action, c’est un drame divin dont les textes sont l’illustration ; l’avant-messe et même la prière des Heures sont l’image de ce qui se réalise au Saint-Sacrifice. La fête d’aujourd’hui est, dans ses textes liturgiques, une méditation de la vie cachée de la Sainte Famille à Nazareth. Les Matines et l’avant-messe n’ont qu’un lien assez lâche avec la messe elle-même. C’est une méditation vraiment attachante : le Roi caché dans sa vie d’obéissance ; sa sainte Mère, la Reine et la Vierge prêtre de la Sainte Famille ; Saint Joseph, l’humble chef de la sainte Famille ! Considérons la Sainte Famille dans le travail, dans la prière, dans la joie et dans la peine.

b) Quel est le but de la fête ? C’est un but particulier. Elle veut présenter aux familles, dont la vie a été si ébranlée par la grande guerre, l’exemple de la Sainte Famille de Nazareth. Ceci est encore une différence. Les anciennes messes et les anciennes fêtes nous donnent sans doute une leçon de vie, elles aussi, mais ce n’est pas là leur but principal. La fin et le but de Noël, c’est la venue du Christ. Notre fête veut renouveler la famille chrétienne. Nous autres chrétiens, qui sommes des liturgistes conscients, nous aurons à cœur de suivre l’exhortation pressante de notre Mère l’Église, nous développerons l’esprit du foyer au sein de notre famille, nous aurons du zèle pour la sainteté de la famille. N’oublions pas non plus de cultiver l’esprit de famille, dans notre communauté liturgique.

c) Notre fête plaçant au premier plan la méditation et l’enseignement, il n’est pas étonnant qu’elle fasse appel à tout ce qui peut émouvoir notre sensibilité. C’est pourquoi les textes sont très touchants. Celui qui n’est pas encore très initié à la liturgie éprouvera, par exemple, un grand charme à réciter les Matines ; les Hymnes, composés par le pape Léon XIII lui-même, sont très lyriques. Les Leçons du premier nocturne sont un miroir de vertus pour la famille chrétienne, les Répons sont de charmantes miniatures ; les Leçons des deux autres Nocturnes sont elles-mêmes attrayantes et touchantes. On le voit, l’Église est, dans sa liturgie, semblable au père de famille de l’Évangile : elle tire de son trésor “ du nouveau et de l’ancien ”.

2. La messe (Exultat gaudio) : La messe de la fête est claire et facile à comprendre : l’Evangile est le joyeux message de la vie cachée de Notre-Seigneur (la disparition de l’Enfant Jésus au temple ne joue dans cette fête qu’un rôle secondaire) ; le verset principal de l’Évangile est celui-ci : “ Il descendit avec eux et vint à Nazareth et il leur était soumis ”. Nous apprenons ici que souvent un Evangile n’est choisi qu’à cause d’une seule phrase. L’Epître veut nous peindre la vie de la sainte famille : la charité, l’humilité, la patience, la paix, la prière, au foyer de Nazareth. “ Tout ce que vous faites, en paroles et en œuvres, faites-le au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et rendez grâces à Dieu le Père par lui. ” L’Épître est en même temps un miroir de vertu pour chaque famille. Les Oraisons demandent l’intercession, la protection et l’imitation de la Sainte Famille. La dernière -demande que Marie et Joseph viennent à notre rencontre à l’heure de la mort et que Jésus nous reçoive dans les tabernacles éternels. Les chants sont lyriques, ils transportent l’âme pieuse dans la petite maison de Nazareth et nous montrent la Sainte Famille dans la joie (Intr.) : “ Comme elle est aimable ta demeure, Seigneur des armées, mon âme a soupiré avec ardeur vers les vestibules du Seigneur. ” L’Église applique aujourd’hui ce beau psaume à la petite maison de Nazareth. Le chant de l’Alleluia admire “ le Roi caché, Dieu d’Israël et Sauveur ”. Il est caché dans la petite maison de Nazareth. L’Offertoire convient très bien : la présentation de Jésus était une véritable offrande, ce qu’est aussi dans son essence notre sacrifice. La Communion nous permet aussi un beau rapprochement. De même que Notre-Seigneur “ descendit avec ses parents et vint à Nazareth ” il descend encore sur l’autel et “ nous est soumis ”.

3. Lecture d’Écriture (I. Cor. chap. 1). — Aux Matines, les Leçons du premier Nocturne sont choisies spécialement. Elles sont un développement de l’Épître. Elles contiennent des enseignements sur la vie chrétienne de la famille. Cependant nous commençons aujourd’hui la lecture suivie de l’Épître aux Corinthiens. Pour l’importance et l’étendue, cet Épître vient immédiatement après celle aux Romains. Elle s’en distingue par le sujet ; cependant Saint Paul y explique méthodiquement l’œuvre du salut du Christ. Mais il le fait sans plan, il se contente de répondre successivement à des questions et de résoudre des difficultés. L’Épître aux Romains nous fait connaître la théologie de l’Apôtre, l’Épître aux Corinthiens nous fait pénétrer dans la vie des communautés de l’Église primitive et c’est là ce qui constitue la valeur principale de cette Épître. A la théologie succède la pratique. Il conviendrait que tout chrétien cultivé étudie méthodiquement cette Épître.. Mais l’Église ne nous laisse qu’une semaine pour en faire la lecture. C’est pourquoi nous en choisirons librement sept passages qui nous montreront la magnificence du royaume fondé par le Christ.

Nous lisons aujourd’hui le commencement de l’Épître. Saint Paul commence solennellement : “ Paul, par la volonté de Dieu appelé Apôtre de Jésus-Christ, et Sosthènes son frère souhaitent à l’Église de Dieu qui est à Corinthe, à ceux qui sont sanctifiés dans le Christ Jésus, à tous ceux qui sont appelés saints, ainsi qu’à tous ceux qui invoquent le nom du Seigneur, où qu’ils soient et que nous soyons, grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ. Je rends grâce à Dieu continuellement, à votre sujet, à cause de la grâce de Dieu qui vous a été donnée dans le Christ Jésus. Par lui vous êtes en effet devenus riches en tout don d’enseignement et en toute science, car la prédication du Christ a été affermie parmi vous. Et vous n’êtes privés d’aucun don de la grâce et vous pouvez attendre la manifestation de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui vous donnera la persévérance jusqu’à la fin et vous serez sans blâme au jour de l’avènement de Notre Seigneur Jésus-Christ. Dieu est fidèle, par qui vous avez été appelés dans la société de son Fils, Jésus-Christ Notre Seigneur. ”

Quand on médite cette introduction, on se rend compte des principes de vie qui animaient les premiers chrétiens et en même temps de l’enthousiasme de saint Paul. — Dans la suite, saint Paul stigmatise le malheureux esprit de parti qui divisait les Corinthiens ; il compte quatre partis : “ Je crois bien que chacun d’entre vous dit : Moi, j’appartiens à Paul, moi à Apollo, moi à Céphas, moi au Christ ”. Il parle ensuite de la folie de la Croix : “ car la parole de la Croix est folie pour ceux qui se perdent, mais pour nous qui sommes sauvés, elle est une force de Dieu... Les Juifs demandent des signes, les Grecs la sagesse, quant à nous, nous prêchons le Christ crucifié qui est un scandale pour les Juifs et une folie pour les Gentils. Mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Gentils, nous prêchons le Christ, la force de Dieu et la sagesse de Dieu. ”

4. La cellule liturgique. — La famille est la cellule de toute communauté : de l’État, de la société humaine, ainsi que de l’Eglise. De la santé de la cellule dépend le bien-être de tout le corps, de l’ensemble de l’organisme. De la santé morale de la famille dépend le bien de l’État, ainsi que le bien de l’Église. Nous devons donc avoir à cœur de posséder des familles vraiment chrétiennes. Malheureusement, c’est précisément la famille qui a le plus souffert des conséquences de la grande guerre. Le but des ennemis de la foi est de détruire la famille et par là d’empoisonner les cellules fondamentales de l’organisme chrétien. Hélas ! on sape de plus en plus la vie de famille. Est-ce que notre renaissance liturgique ne pourrait pas apporter sa contribution à la restauration de la famille ? Assurément et une large contribution. Tout d’abord la liturgie entretient et développe l’esprit de communauté : elle fait l’éducation de cet esprit. Il faut abandonner l’esprit d’égoïsme quand on veut se laisser guider par la liturgie. Le dogme sublime et fondamental du corps mystique du Christ, sur lequel s’appuie la liturgie, doit logiquement restaurer la famille. La famille est le corps mystique en petit, elle est la cellule de ce corps mystique. C’est justement la famille qui peut présenter à nos regards le corps mystique dans sa réalité. Il est si difficile autrement de faire voir cette réalité. Les hommes croient toujours que c’est une image et une parabole ; mais, dans la famille, ils peuvent en reconnaître la réalité. Le père est la tête du corps, comme le Christ est la tête de l’Église ; la mère est le corps, comme l’Église ; les enfants sont les membres, comme les chrétiens sont les membres du corps mystique. Dans une vraie famille, il n’y a réellement qu’une volonté et qu’une pensée “ un seul cœur et une seule âme ”. Le pain terrestre vient du père ; il est distribué par la mère ; les enfants reçoivent sang et vie de leurs parents. C’est là encore une magnifique image du corps mystique. Mais c’est plus qu’une image, c’est un symbole plein de réalité. Le père a quelque chose en lui du Christ, chef du corps mystique ; il n’est pas seulement son représentant, il porte quelque chose en lui de son essence et de sa présence ; la mère aussi a quelque chose de l’Église ; quant aux enfants, ils sont membres du grand corps mystique du Christ.

Maintenant adoptez cet esprit d’unité dans votre famille et tâchez de le réaliser pratiquement. Il faudrait tout renouveler. Vous, enfants,. voyez dans votre père le Christ. Voyez, honorez, aimez en lui le Christ. Que la femme aussi voie en lui le Christ. Quant à vous, pères de famille, essayez de vivre comme le Christ et de gouverner votre famille dans son esprit. La mère est l’Église. Quel idéal pour la femme ! Quel encouragement pour l’homme et les enfants !

Les enfants sont des membres remplis du Christ ; ce sont des cellules dans lesquelles le Christ doit grandir, arriver à la maturité et prendre forme. On ne peut pas s’imaginer comme une famille pourrait prospérer sans être entièrement pénétrée de cette pensée fondamentale. La liturgie a donc un rôle à remplir pour la famille. Que de choses nous pourrions dire encore ! Comme la liturgie sanctifierait la famille dans la prière, le sacrifice de la messe, les sacrements, l’année ecclésiastique ! La prière des Heures en famille : la prière du matin et du soir en commun ! Le sacrifice de communauté ! Comme la messe entendue et vécue en commun formerait la famille ! Cette famille rassemblerait les sacrifices, les travaux, les souffrances, les prières de toute la semaine pour les offrir à la messe du dimanche ; elle puiserait dans l’instruction du dimanche des exhortations mutuelles pour la semaine qui commence. Quelle importance n’ont pas les sacrements pour la famille : le baptême qui est une fête pour tous, la première communion, la Confirmation, les derniers sacrements ! Et tout particulièrement la mère a une mission liturgique dans la famille. C’est elle qui fera de sa maison une église, de sa famille une communauté liturgique.

MESSE DU DIMANCHE

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Ne savez-vous pas que je dois m’occuper des intérêts de mon Père ?

1. Jésus à douze ans. — Quelle est l’importance de ce passage de l’Évangile, dans la messe du dimanche ? Dans la fête de la Sainte Famille, l’Église voulait nous présenter la vie parfaite de la Sainte Famille, comme un idéal ; dans la messe du dimanche nous célébrons une manifestation divine (une Épiphanie encore) et une phase importante de la vie rédemptrice du Christ. Notre Seigneur manifeste sa “ gloire ” aux époques importantes de sa vie : au moment de son Incarnation, par la mission de l’Ange et le miracle dans la maison d’Élisabeth ; au moment de sa naissance, par le Gloria des anges et l’étoile des Mages ; au moment de sa Présentation, par la prophétie de Siméon ; à l’âge de douze ans, l’âge de sa majorité, par son attitude surprenante, au temple, et l’affirmation de sa divinité ; à l’âge de trente ans par la révélation de la Sainte Trinité, pendant son Baptême ; au début de sa vie publique, par le miracle des noces de Cana ; de même au moment de sa mort, de sa Résurrection, de son Ascension. Cette manifestation de sa gloire, aux moments les plus importants de sa vie, a pour but de graver dans la mémoire de l’humanité les phases capitales de son œuvre rédemptrice. L’Église, fidèle à la recommandation de son Maître (“ faites ceci en mémoire de moi ”), célèbre dans son culte eucharistique tous les événements importants de la Rédemption et renouvelle ainsi, chaque année, toute l’œuvre du salut. Aujourd’hui, Notre-Seigneur nous annonce son programme rédempteur : “ Ne savez-vous pas que je dois m’occuper des intérêts de mon Père ? ” et nous donne en même temps, dans l’Eucharistie, la grâce de la majorité spirituelle qui se définit par la même parole. Encore une autre remarque. Dans un grand nombre de ces manifestations divines, dans la vie rédemptrice du Seigneur, sa Sainte Mère est à ses côtés et souffre ; c’est encore le cas aujourd’hui. Quelle signification a pour nous cette circonstance ? La Sainte Vierge est l’image de l’Église qui, par ses souffrances et sa coopération, s’approprie la grâce de la Rédemption et attend la grande manifestation divine, le retour de Notre-Seigneur. Le recouvrement de l’Enfant Jésus au temple est un symbole de son retour au dernier jour. Notre Mère l’Église le cherche jusqu’à sa Parousie “ avec douleur ” ; quand elle le retrouve, quand il vient, il dit : “ Ne savez-vous pas que je dois m’occuper des intérêts de mon Père” c’est-à-dire être assis à sa droite ? Le Saint-Sacrifice est la réalisation anticipée du retour, un reflet du retour du Christ dans le présent, $ et cela particulièrement au moment des fêtes de Noël et de l’Épiphanie. Essayons de comprendre le sens E profond de la messe d’aujourd’hui : nous voyons Notre-Seigneur entrant dans sa majorité, au moment de son premier et de son second avènement ; l’Église est là, c’est la Mère qui le cherche avec douleur et le retrouve avec joie.

2. La messe (In excelsio throno). — Quand on a compris l’importance de cette messe et qu’on en a admiré la beauté, on regrette que la fête de la Sainte Famille l’ait définitivement supplantée. A l’Introït, nous entrons dans le sanctuaire et nous voyons une merveilleuse image de la Parousie : le Christ est sur son trône, les anges l’entourent, sa royauté est éternelle. Puis nous chantons le psaume de la Résurrection, le ps. 99 (le dimanche est le jour de la Résurrection). L’Oraison nous rappelle que l’accomplissement de la volonté de Dieu est la première tâche de notre vie. Cette pensée anime toute la messe ; nous la retrouvons dans l’Epître : notre corps doit être une hostie vivante, sainte, agréable à Dieu. Saint Paul exprime ici le sens profond de l’Offrande, il faut que nous soumettions notre vie à une réforme profonde. Nous entendons ensuite de belles considérations liturgiques sur le corps mystique du Christ. L’Évangile est une manifestation divine de l’Enfant Jésus ; ses paroles (les premières qui nous soient transmises de lui) le montrent comme Fils de Dieu, elles expriment sa vocation et aussi la nôtre : l’accomplissement de la volonté divine ; mais elles laissent aussi présager les combats qui se préparent. A l’Offertoire, nous nous -,présentons avec allégresse devant la face du Seigneur pour le servir et être ses victimes vivantes. La Communion reprend le leitmotiv de la messe : notre désir à nous aussi est de nous occuper des intérêts du Père céleste. Au Saint-Sacrifice, l’Église et l’âme tiennent la place de Marie qui retrouve Notre-Seigneur au moment de son retour.

13 JANVIER

Jour Octave de l’Épiphanie.

Le Roi purifie son Épouse dans le Baptême.

1. Premières impressions. — Aujourd’hui, l’Église célèbre le second mystère de la fête de l’Épiphanie, le Baptême de Notre-Seigneur, un événement d’une importance capitale dans la vie du Sauveur. Le Baptême du Christ est avant tout une phase marquante de son activité rédemptrice. Nous avons déjà célébré toute une série de ces événements rédempteurs : l’Incarnation (missa aurea), la Nativité, la Circoncision, la majorité. Par le Baptême, Notre-Seigneur reçoit, au début de sa vie publique, la consécration de sa mission et il annonce en même temps, dans l’action symbolique du Baptême, la Rédemption de l’humanité par sa satisfaction offerte à notre place. Lui qui est sans péché, se couvre des péchés du monde, descend dans les flots purificateurs et conduit les hommes à la filiation divine. N’oublions pas que le Baptême du Christ est un acte par lequel le Christ se substitue à nous. Il vient au Jourdain pour nous. Il faut donc aussi que, dans notre Rédemption subjective, cet événement se réalise en nous. Il se réalise trois fois.

Il s’est réalisé dans notre baptême : alors nous avons été plongés dans l’eau avec Notre-Seigneur, nous sommes morts et nous avons été ensevelis avec lui ; puis nous nous sommes relevés et pour la première fois le ciel s’est ouvert au-dessus de nous, le Saint-Esprit est descendu dans notre âme et, pour la première fois, le Père céleste nous a nommés enfants de Dieu.

Le Baptême de Notre-Seigneur se réalise une seconde fois à la messe : la mort du Christ est l’eau sacrée où je me plonge ; alors le ciel s’ouvre, l’Esprit du Christ descend sur moi à la Communion et le Père céleste m’assure, par le gage de l’Eucharistie, de ma filiation divine renouvelée et accrue.

Le Baptême du Christ se réalisera en nous une dernière fois à notre mort : la mort aussi est un baptême qui nous fait plonger dans les flots sombres. Quand nous nous relèverons, les cieux s’ouvriront vraiment, nous verrons la Sainte Trinité non seulement par la foi mais dans la vision claire.

Nous pouvons aujourd’hui voir se dessiner les grandes lignes de l’édifice spirituel de la vie chrétienne : la mort du Christ est le fondement sur lequel bâtissent le Baptême et l’Eucharistie, le sommet est le retour du Christ dans la mort.

2. La messe (Ecce advenit). — Dans sa disposition actuelle, elle manque d’unité, car la plupart des textes, notamment les chants et la leçon, ont rapport au mystère des Mages, alors que l’Évangile traite du Baptême de Notre Seigneur. Il est à remarquer que l’Évangile ne renferme pas le récit détaillé du Baptême du Christ, d’après les Synoptiques, mais est un extrait de saint Jean, qui fut disciple du Précurseur. Saint Jean ne parle qu’incidemment de cette sublime manifestation. Par contre, c’est précisément dans ce passage qu’est mise en lumière l’importance du Précurseur. Saint Jean-Baptiste est en effet le paranymphe de l’Église. Il a, pendant l’Avent, préparé l’Épouse à recevoir le divin Époux ; aujourd’hui “ il se tient là et se réjouit de tout cœur d’entendre la voix de l’Époux ” ; il dit : “ cette joie m’a été accordée largement. Il faut qu’il grandisse et que je diminue. ” Le Christ en effet va maintenant grandir, comme le soleil qui monte au zénith, jusqu’à la Pentecôte, mais nous n’entendrons plus parler du Précurseur avant que le soleil ne s’incline à l’horizon. Le Christ est l’Époux, l’Église est l’Épouse et Jean-Baptiste est l’humble et chaste ami de l’Époux vers qui il conduit l’Épouse et tous les trois forment un seul groupe. Les Oraisons propres sont très belles et riches de pensées. Elles traitent toutes les trois de l’“ apparition ” de la divine “ lumière ” (elles sont vraisemblablement les plus anciennes oraisons de la fête principale). La Collecte demande que nous soyons transformés dans le Christ qui a pris notre nature. La Secrète est une véritable oraison d’Offrande : le Christ, le Fils unique de Dieu, est l’auteur de notre Offrande et c’est lui aussi dont la miséricorde la reçoit. La Postcommunion présente elle aussi une grande richesse de pensées : que Dieu nous prévienne avec la lumière céleste (de la grâce) afin que par le mystère de l’Épiphanie, que nous avons célébré, nous puissions le contempler avec des regards purs et le recevoir avec des dispositions dignes.

3. La prière des Heures. — Saint Grégoire de Nazianze, en des termes d’une grande beauté et d’une grande profondeur, nous parle du Baptême du Christ : “ Le Christ est illuminé ou plutôt il nous illumine de sa lumière. Le Christ est baptisé ; descendons dans l’eau avec lui, afin que nous puissions remonter avec lui. Jean baptise ; Jésus vient pour être baptisé, peut-être veut-il que le Baptiste lui-même soit enseveli avec lui dans les flots, en tout cas, il veut y ensevelir toute la postérité d’Adam. Mais avant tout, il veut par : son Baptême sanctifier les eaux du Jourdain. Lui-même était chair et Esprit. Dans l’Esprit et dans l’eau, -doivent désormais être sanctifiés ceux qui seront baptisés. Le Baptiste se refuse à baptiser, mais Jésus insiste : “ Il est nécessaire que je sois baptisé par toi. ” Ainsi la lueur parle au soleil, la voix (de celui qui crie dans le désert) parle à la “ Parole ” de Dieu. Jésus sort de l’eau entraînant avec lui le monde tombé et le relevant. ”

LECTURE D’ÉCRITURE SAINTE DANS LA SEMAINE QUI SUIT LE PREMIER DIMANCHE

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APRÈS L’ÉPIPHANIE

Les leçons de l’Écriture sont d’ordinaire réparties entre les jours de la semaine, indépendamment de la fête du calendrier. Ce n’est qu’exceptionnellement qu’une fête a ses leçons d’Écriture propres. D’ordinaire, la liturgie commence un nouveau livre le dimanche et l’achève le samedi. Dans le temps qui commence et qui va jusqu’à la Septuagésime, on lira les autres Épîtres de saint Paul. Comme la majorité de ces Épîtres ne comprennent que quelques chapitres, il arrive qu’on lise deux ou trois de ces Épîtres au cours d’une semaine.

Mais l’Église tient à ce qu’on lise au moins le commencement de chaque Epître, le commencement tient lieu de l’ensemble.

Lundi (1 Cor. VII, 17 sq.). — Saint Paul nous montre, dans ce passage, comment il faut apprécier notre vocation terrestre : “ Que chacun vive selon les dons que lui a faits le Seigneur, selon la vocation qu’il a reçue de Dieu. Cette recommandation, je la fais à toutes les Églises. Si quelqu’un a été appelé comme Juif, qu’il ne cherche pas à le dissimuler. Si quelqu’un a été appelé comme incirconcis, qu’il ne se fasse pas circoncire. Ce n’est ni la circoncision ni l’incirconcision qui importe, mais l’observation des commandements de Dieu. Que chacun demeure dans l’état où il a été appelé. Si tu as été appelé comme esclave, ne t’en trouble pas, même si tu peux devenir libre, reste de préférence comme tu es. Car celui qui a été appelé comme esclave dans le Seigneur est un affranchi du Seigneur, de même celui qui a été appelé comme homme libre, est un esclave du Christ. Vous avez été chèrement achetés, ne vous faites pas les esclaves des hommes. Mes chers frères, que chacun reste devant Dieu dans l’état où il a été appelé... Je vous le dis, mes frères : le temps est court. C’est pourquoi que ceux qui sont mariés vivent comme s’ils ne l’étaient pas, ceux qui pleurent comme s’ils ne pleuraient pas, ceux qui se réjouissent comme s’ils ne se réjouissaient pas, ceux qui achètent comme s’ils ne possédaient rien, ceux qui ont des relations avec ce monde comme s’ils n’en avaient pas, car la figure de ce monde passe. Je voudrais que vous soyez sans soucis. ” C’est ainsi que vivaient et pensaient les premiers chrétiens, la vie terrestre ne leur semblait qu’un passage conduisant au but désiré. Et nos pensées, à nous, sont si terrestres ! Nous devrions méditer avec attention ce passage.

Mardi (1. Cor. IX, 1 sq.). — Le désintéressement et le zèle de saint Paul apparaissent dans le passage suivant en pleine lumière : “ Est-ce que je ne suis pas Apôtre ? Est-ce que je n’ai pas vu Notre Seigneur, le Christ Jésus ? Si pour d’autres, je ne suis pas Apôtre, je le suis du moins certainement pour vous, car vous êtes le sceau de mon apostolat, dans le Seigneur. N’ai-je pas le droit de me faire servir à boire et à manger ? Ou bien suis-je seul avec Barnabé à n’avoir pas le droit de renoncer au travail manuel ? Qui donc fait le service de guerre à ses propres frais ? Qui donc plante une vigne et ne jouit pas de ses fruits ? Qui donc fait paître un troupeau et ne jouit pas du lait du troupeau ? Il est écrit dans la loi de Moïse : “ Tu ne lieras pas la bouche du bœuf qui écrase le blé. ” Est-ce que Dieu se préoccupe des bœufs ? Ou bien n’est-ce pas plutôt à cause de nous qu’il dit cela ? Oui, c’est à cause de nous que cela est écrit, car il faut que le laboureur laboure dans l’espoir ; c’est dans l’espoir d’avoir sa part que celui qui bat le blé doit faire son travail. Si j’ai semé parmi vous la semence spirituelle, serait-ce extraordinaire si je moissonnais parmi vous des fruits temporels ? Pourtant je n’ai fait aucun usage Ô de ce droit, mais je prends tout à mon compte, pour ne pas mettre obstacle à l’Évangile du Christ. Je ne vous écris pas ceci dans l’intention que vous me fassiez ces choses, car j’aimerais mieux mourir que de voir quelqu’un m’enlever mon honneur. Car si je prêche l’Évangile, ce n’est pas seulement une gloire pour moi, c’est une nécessité. Quelle est donc ma récompense ? C’est, en annonçant l’Évangile, de l’annoncer gratuitement, sans faire usage de mon droit à propos de l’Évangile. Bien que je sois à tous égards un homme libre, je me suis fait l’esclave de tous, pour en gagner beaucoup. Avec les Juifs, j’ai été comme un Juif, pour gagner les Juifs. Il Avec ceux qui sont sous la Loi, j’ai été comme un homme qui est sous la Loi — bien que je ne sois plus sous la Loi — afin de gagner ceux qui sont sous la Loi. Avec ceux qui sont sans Loi, j’ai été comme un homme sans Loi ; alors que je n’étais pas dégagé de la loi de Dieu et que, bien plutôt, j’étais attaché à la loi du Christ — afin de gagner ceux qui sont sans Loi. Avec les faibles j’étais faible, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin de pouvoir, par tous les moyens, en sauver quelques-uns. Je fais tout pour l’Évangile, afin d’y avoir part. ”

L’avant dernière phrase peut être considérée comme — le programme de vie de saint Paul.

Mercredi (1. Cor. XI, 17). — Saint Paul stigmatise une faute particulièrement grave dans la communauté de Corinthe, la célébration indigne de l’Eucharistie. Alors, l’Eucharistie était encore unie, aux agapes, le repas de charité. Les chrétiens se réunissaient dans la maison d’un riche fidèle, chacun apportait quelque chose pour le repas du soir, ils se servaient mutuellement et prenaient soin particulièrement de nourrir les pauvres ; ensuite ils célébraient l’Eucharistie et recevaient le corps et le sang du Seigneur. Or, il arriva à Corinthe que les riches apportèrent de la nourriture et de la boisson et se les réservèrent exclusivement pour eux-mêmes, sans se préoccuper des autres. Saint Paul en fait le reproche aux Corinthiens : “ N’avez-vous pas de maisons pour manger et boire, ou bien méprisez-vous l’Église de Dieu et voulez-vous faire honte aux pauvres ? Que voulez-vous que je vous dise ? Vous louerai-je ? Non, à ce sujet, je ne puis vous louer. ”

Ensuite pour leur montrer la grandeur de leur faute, il leur rappelle l’institution de la Sainte Eucharistie : “ J’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai transmis : le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut trahi, prit du pain, rendit grâces et dit : ceci est mon corps qui a été livré pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. De la même manière, après le repas, il prit le calice en disant : ce calice est le nouveau testament dans mon sang, faites ceci, toutes les fois que vous boirez, en mémoire de moi. Car toutes les fois que vous mangerez de ce pain ou que vous boirez le calice, vous annoncerez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il revienne. ” Ce passage est pour nous très précieux. Il nous donne la description complète d’une messe, aux temps apostoliques. Puis saint Paul parle de la réception indigne de la Sainte Communion : “ Par conséquent, celui qui mange ce pain ou boit le calice du Seigneur indignement, se rend coupable du corps et du sang du Seigneur. Que l’homme s’éprouve donc lui-même (pour savoir s’il est digne) et qu’ainsi il mange de ce pain et boive de ce calice. Car celui qui mange et boit indignement, mange et boit son propre jugement, car il ne distingue pas le corps du Seigneur (d’une nourriture ordinaire). ”

Jeudi (1. Cor. XII, 12 sq.). — Saint Paul est l’auteur de l’image du corps mystique. Il développe ici cette image : “ De même que le corps est unique et pourtant a beaucoup de membres et que tous les membres du corps, malgré leur multiplicité, ne forment qu’un seul corps, de même en est-il avec le Christ. Car dans le Baptême, tous, Juifs ou Gentils, esclaves ou libres, nous avons été, par un seul Esprit, réunis en un seul corps, nous sommes tous aussi imbibés du même Esprit. Car le corps ne se compose pas d’un seul membre, mais de plusieurs. Or si le pied disait : “ parce que je ne suis pas la main, je n’appartiens pas au corps ”, il n’en appartient pas moins au corps. Et si l’oreille disait : “ parce que je ne suis pas l’œil, je n’appartiens pas au corps ”, elle n’en appartient pas moins au corps. Si tout le corps était œil, où serait l’ouïe ? Et si tout le corps était oreille, où serait l’odorat ? Or Dieu a assigné à chaque membre sa place dans le corps, comme il a voulu. Si tous n’étaient qu’un membre, où serait le corps ? Mais il y a plusieurs membres et cependant un seul corps. L’œil ne peut pas dire à la main : “ je n’ai pas besoin de toi ”. Au contraire, les ld1 membres qui paraissent es plus faibles, ans e corps, sont particulièrement nécessaires... Quand un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui ; quand un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui. Vous êtes le corps du Christ et, considérés comme des parties, ses membres. Les uns ont été destinés par Dieu, dans son Église, pour être des apôtres, les autres des prophètes, les autres des docteurs... !)

Vendredi (1. Cor. XIII, 1-13). — Saint Paul chante le cantique de la charité. C’est là un des plus beaux passages de la Sainte Écriture. Il compare d’abord la charité avec les Charismes qui étaient alors très désirés : “ Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je suis comme un airain sonnant et une cymbale retentissante. Quand j’aurais le don de prophétie, quand je pénétrerais tous les mystères, quand je posséderais toute science et quand j’aurais toute la foi possible jusqu’à transporter les montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien. Et quand je distribuerais tout mon bien pour nourrir les pauvres, quand je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas la charité, tout cela ne me sert de rien. ” Puis l’Apôtre énumère les qualités de la charité telles qu’elles se manifestent dans la vie : “ La charité est patiente, elle est bénigne, la charité n’est point envieuse, elle n’est point précipitée, elle ne s’enfle pas d’orgueil, elle n’est point dédaigneuse, elle ne cherche point ses propres intérêts, elle ne se pique et ne s’aigrit point, elle ne pense point le mal, elle ne se réjouit point de l’injustice, mais elle se réjouit de la vérité, elle supporte tout, elle croit tout, elle espère tout, elle souffre tout. ” Saint Paul parle ensuite de la valeur éternelle de la charité. “ La charité ne disparaîtra jamais, alors que les prophéties auront une fin, que les langues cesseront, que la science sera abolie. Car notre science est partielle, partielle notre prophétie. Mais quand sera venu ce qui est parfait, tout ce qui est imparfait sera aboli. Quand j’étais enfant, je parlais en enfant, je jugeais en enfant, je raisonnais en enfant ; mais lorsque je suis devenu homme) je me suis défait de tout ce qui était de l’enfant.

Nous ne voyons Dieu maintenant que comme dans un miroir et sous des images obscures, mais alors nous le verrons face à face. Je ne le connais encore qu’imparfaitement, mais alors je le connaîtrai comme je suis connu de lui. Or maintenant ces trois vertus demeurent : la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois est la charité. Recherchez la charité. ”

Samedi (1. Cor. XV, 1 sq.). — Saint Paul nous montre que la Résurrection du Christ est le fondement de notre foi. “ Mes frères, je vous annonce le joyeux message que je vous ai déjà annoncé. Avant tout, je vous ai transmis ce que j’ai reçu moi-même, que le Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures, qu’il a été enseveli et qu’il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures, et qu’il est apparu à Céphas, puis aux douze. Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères, dont la plupart vivent encore aujourd’hui, quelques-uns seulement sont morts. Ensuite, il est apparu à Jacques et ensuite à tous les Apôtres et enfin il m’est apparu à moi aussi qui suis comme un avorton. Je suis en effet le plus petit parmi les Apôtres, indigne d’être appelé Apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu. Mais, par la grâce de Dieu, je suis ce que je suis, et sa grâce n’a pas été vaine en moi... Mais si on prêche que le Christ est ressuscité des morts, comment se fait-il que quelques-uns d’entre vous affirment qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Or, si le Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vaine, vaine aussi votre foi... Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ, non plus, n’est pas ressuscité. Mais si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés et même ceux qui sont endormis dans le Seigneur sont perdus. Si ce n’est que pour cette vie que nous avons espoir dans le Christ, nous sommes les plus malheureux des hommes. Or le Christ est ressuscité, le premier-né des morts. Par un homme est venue la mort, par un homme vient la résurrection des morts. De même que tous sont morts en Adam, tous dans le Christ reçoivent la vie, mais chacun selon son rang : en premier lieu le Christ, ensuite ceux qui appartiennent au Christ, qui ont cru en son avènement ”.

ÉPILOGUE DU TEMPS FESTIVAL DU CYCLE D’HIVER

(Les dimanches après l’Épiphanie)

Après les deux grandes fêtes, Noël et l’Épiphanie, suivent, dans les livres liturgiques, six dimanches (les dimanches après l’Épiphanie) qui constituent un groupe à part. Ces dimanches font la transition entre les fêtes de Noël et le Carême et nous pouvons les considérer en partie pour une période sans fêtes et en partie comme une prolongation et un dernier écho du temps de Noël. Les livres liturgiques appellent ce temps (ainsi que les dimanches après la Pentecôte) tempus per annum, le temps pendant l’année, le désignant ainsi comme un temps sans caractère festival. D’ailleurs, objectivement et historiquement, les deux premiers dimanches seuls continuent de s’occuper des pensées de Noël ; ce n’est plus le cas des autres. Cependant nous devons affirmer que ces dimanches restent sous l’influence du temps de Noël et surtout de l’Épiphanie.

L’impression générale que laissent ces dimanches est une impression de joie et d’allégresse. Les idées maîtresses de ces dimanches sont les quatre ; suivantes :

1. Nous avons devant nous le Roi divin qui a fait son apparition dans sa ville (l’Introït des quatre derniers dimanches est caractéristique : “ Adorez le Seigneur, vous tous qui êtes ses anges, Sion a entendu sa voix et s’est réjouie, les filles de Juda ont tressailli. Le Seigneur est Roi... ” de même le Graduel : “ Le Seigneur a rebâti Sion, là il se montre dans sa gloire. ”)

2. Le Christ a fondé son royaume de lumière, il travaille maintenant à l’étendre extérieurement et intérieurement. A l’extérieur : les Évangiles des dimanches nous montrent le Christ dans son royaume comme Sauveur (38 dimanche) ; comme vainqueur (48 dimanche) ; comme Juge (58 dimanche) ; comme Maître du champ (68 dimanche). A l’intérieur, il affermit le royaume de Dieu par la charité et la vie chrétienne (c’est le sujet que traitent toutes les Épîtres).

3. Ces dimanches forment aussi la transition vers le cycle pascal : on voit apparaître le combat des ténèbres contre la lumière (cf. les Évangiles des 48 et 58 dimanches).

On voit poindre enfin, dans ces dimanches, la pensée pascale, car chaque dimanche est une petite fête de Pâques.

Le second dimanche a une relation plus intime encore avec la fête de l’Épiphanie. L’Église nous fait considérer de plus près le troisième mystère de la fête de l’Épiphanie : les noces de Cana. Nous assistons ainsi au développement historique de la vie de Jésus : l’adoration des Mages — Jésus à douze ans — le Baptême dans le Jourdain — les noces de Cana. La liturgie nous fait ainsi entrer dans la vie publique de Notre Seigneur ; pendant les dimanches suivants, qui nous mèneront jusqu’au temps de la Passion, nous entendrons les enseignements du Sauveur et nous lirons le récit de ses miracles.

DEUXIÈME DIMANCHE

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APRÈS L’ÉPIPHANIE

Le Roi invite au festin nuptial

Dans le premier miracle de Notre Seigneur, aux noces de Cana, l’Église veut mettre encore en lumière devant le monde son “ Épiphanie ”. “ Il manifesta sa gloire ”, lit-on à la fin du récit, c’est-à-dire il manifesta sa divinité, par son miracle. Cet Évangile est plein d’édification. Quelle charmante image du Sauveur il nous présente ! Le Christ est ami de la joie, il prend part aux fêtes de famille et les sanctifie ; son premier miracle est fait pendant les noces. Et dans Marie nous voyons la plus noble image de la femme et de la mère, partout secourable, prévoyante, serviable, modeste, ne montrant pas de susceptibilité quand on n’accorde pas ce qu’elle demande ; ce que dit saint Paul dans son beau cantique de la charité s’applique parfaitement à elle : la charité est patiente, bienveillante, ne connaît pas l’aigreur. Marie par son intercession a obtenu le premier miracle. L’Évangile contient encore de profondes pensées mystiques. Nous nous rappelons la merveilleuse antienne de Benedictus le jour de l’Épiphanie : “ Aujourd’hui l’Église est unie au céleste Époux... ” Dans l’Ancien et le Nouveau Testament, nous rencontrons fréquemment l’image des noces et de l’Épouse. Le Christ est l’Époux et l’Église est l’Épouse. Chaque messe est comme une noce, la table nuptiale y est dressée.

1. Les noces de Cana et nous. — Maintenant qu’après le temps de fêtes les passages évangéliques reprennent, dans la liturgie, une plus grande importance, demandons-nous quelle est l’intention de l’Église, en nous présentant un épisode de la vie de Notre Seigneur, par exemple : aujourd’hui le miracle des noces Cana. Le miracle est un événement historique et l’Église cherche certainement à nous édifier par les actions de Notre Seigneur et de la Sainte Vierge. Cependant ce n’est pas là son but principal. L’Église raconte le passé mais elle pense au présent. Elle veut nous dire : ce qui s’est passé, il y a 1900 ans, s’accomplit encore mystiquement en nous et particulièrement, actuellement, à la messe. Le Christ ne se contente pas d’avoir changé, il y a 1900 ans, de l’eau en vin, il veut faire aujourd’hui quelque chose de semblable et d’une réalité plus élevée. Nous pouvons même aller plus loin. Le miracle que Notre Seigneur fit alors, il le fit moins pour le miracle lui-même qu’en considération de l’avenir. Tous les miracles de Jésus, toute sa vie, ne sont qu’une image de son action dans son Église, car le but de toutes ses œuvres terrestres était le salut des hommes. Nous pouvons donc dire que le premier miracle du Christ, à Cana, est un symbole de ce que le Christ accomplit dans son Église, de ce qu’il veut accomplir aujourd’hui, à la messe. Nous comprenons maintenant quelle importance a pour nous la vie du Christ. Nous apprenons par là ce que le Christ veut faire parmi nous. Les circonstances historiques nous apprennent quelle attitude nous devons avoir devant cette action du Christ. Il s’ensuit que nous devons vivre cet épisode évangélique et, pour ainsi dire, jouer notre rôle dans cette scène. Représentons-nous comme les hôtes ou même l’époux ou l’épouse. Le Christ et sa Mère sont au milieu de nous. Cela n’est que fiction dira-t-on ; mais il y a une réalité, c’est le don de la grâce, c’est le salut qui nous est accordé aujourd’hui.

Demandons-nous maintenant comment s’y prend la liturgie pour nous conduire aux noces de Cana ? Elle emploie un double moyen. a) Elle nous fait célébrer, à la messe, les noces de Cana d’une manière vivante ; h) dans la Prière des Heures, elle fait revivre ces noces pendant toute la journée.

a) Où est-il question à la messe des noces de Cana ? En deux endroits : à l’Évangile et à la Communion. Que signifie cela ? Par l’annonce liturgique de l’Évangile, l’Église ne se contente pas de nous raconter un événement de la vie du Christ, mais elle met symboliquement le Christ et cet événement devant nous. Car ce n’est pas en vain que l’Église entoure la lecture de l’Évangile des plus grandes marques d’honneur qui ne peuvent s’adresser qu’au Christ regardé comme présent (les cierges, l’encens, le baiser, l’attitude debout, les signes de croix, l’ambon). Ainsi donc, dans l’Évangile, l’Église nous représente aujourd’hui le premier miracle. Ce miracle se reproduit d’une manière plus élevée encore dans l’Eucharistie. D’où vient que l’Église fait chanter, pendant le banquet eucharistique, quelques phrases de l’Évangile (et autrefois, quand le chant de la Communion avait toute son étendue, elle les faisait répéter sans cesse, peut-être jusqu’à dix fois) ? Pourquoi cela au moment le plus sacré, quand Notre Seigneur s’unit à notre âme et devient un avec elle ? N’y a-t-il pas là une déviation ? Non, l’Église dit : Voyez, c’est maintenant la vérité, le Seigneur a gardé jusqu’à maintenant le meilleur vin de l’Eucharistie, le miracle se réalise d’une manière plus haute au Saint-Sacrifice et dans la Communion.

b) Dans la prière des Heures aussi, la liturgie nous fait revivre les noces de Cana. La prière des Heures doit sanctifier chaque jour, l’accompagner de ses bénédictions, mais elle doit aussi développer les idées et les sentiments du jour. Le jour commence avec le lever du soleil et se termine avec son coucher. Ces deux moments sont pour la liturgie les plus saints. Car dans le soleil elle voit le symbole du Christ, le divin Soleil de justice, qui se lève pour nous le matin et se couche le soir. Ces deux moments sont comme les foyers d’une ellipse où se concentrent tous les rayons, c’est là que l’Église rassemble ses pensées les plus sublimes du jour. C’est alors qu’elle célèbre ses deux Heures solennelles : Laudes (la prière du matin) et. Vêpres (la prière du soir). Dans chacune de ces Heures, il y a un point culminant : le Benedictus (le salut au Soleil qui se lève sur les hauteurs) et le Magnificat (l’action de grâces pour la Rédemption). Comment. ce divin soleil se lève et se couche chaque jour, le refrain de ces deux chants, l’antienne, nous l’apprend. Prenons celles d’aujourd’hui. L’antienne de Benedictus nous dit : “ A Cana, il y eut des noces et Jésus s’y trouva ainsi que Marie sa Mère. ” Que veut nous enseigner par là l’Église ? D’une manière simple et sobre, elle nous présente l’événement du jour. Maintenant, nous, dit-elle, vivez ce mystère, vous êtes assis aux noces avec Jésus et Marie. Toute la journée appartient à cette pensée. Que nous chantions ensuite le Benedictus, cela signifie que le Christ, le divin Soleil qui se lève, sera pour nous aujourd’hui le divin thaumaturge de Cana et qu’il nous apportera les grâces de Rédemption qui sont mystique ment contenues dans ce premier miracle. Le soir quand le soleil se couche, l’Église chante : “ Quand le vin fit défaut, Jésus fit remplir les cruches d’eau et l’eau fut changée en vin, A1leluia. ”

Ces paroles expriment brièvement l’accomplissement du miracle, et dans son chant, l’Église veut nous dire : aujourd’hui vous avez reçu une grâce semblable mais plus belle encore que le bienfait de ce miracle : l’eau de votre esprit terrestre et pécheur a été changée en vin précieux de la vie divine qui est le Christ lui-même. En un mot, le miracle de Cana se renouvelle. aujourd’hui, d’une manière plus élevée, dans le mystère eucharistique, et je dois en vivre, toute la journée du lever au coucher du soleil.

2. La messe (Omnis terra). — Les autres parties de la messe nous présentent maintes fois les pensées de Pâques et de l’Épiphanie. L’Introït est un chant. d’adoration et d’hommage au Dieu qui est apparu. Le psaume 65, qui est aujourd’hui le cantique dominant. de la messe (Intr. Offert. Comm. dans son extension complète), est à proprement parler un cantique pascal. L’Oraison est une prière pour la paix, elle n’a par conséquent aucun rapport avec l’action d’ensemble de la messe (cette oraison provient sans doute des temps troublés, des invasions des barbares). Dans l’Epître, l’Église parle (par la bouche de saint Paul) des fonctions ecclésiastiques. Chacun doit exercer le mieux possible la fonction où il a été appelé, sans désirer en exercer d’autres. L’accomplissement de sa vocation, la sagesse qui fait rester dans les limites de cette vocation, voilà le secret de la véritable grandeur chrétienne. Dans la seconde partie de l’Épître, quelques phrases, mais très suggestives, nous décrivent le vaste domaine de la charité envers le prochain. L’Épître nous donne donc d’importantes leçons pour l’organisation de la vie commune des chrétiens. C’est une pensée qui se trouve aussi dans le miracle des noces. Le graduel unit Noël et Pâques : Dieu a envoyé sa “ Parole” (le Christ) et nous a arrachés à la ruine (par la Rédemption). Cette pensée fournit un motif à l’allégresse pascale de l’Alleluia. A l’Offertoire on continue d’entendre un accent pascal (Psaume 65). Ainsi cette messe est une vraie solennité nuptiale, un festin nuptial ; l’impression générale est joyeuse.

3. Lecture d’Écriture (II. Cor. I, 1-11). — Pendant la semaine qui commence, l’Église nous fait lire la seconde Épître aux Corinthiens. C’est une magistrale apologie de l’Apôtre en face de ses adversaires qui voulaient lui aliéner les cœurs des fidèles de l’Église de Corinthe. La lettre est, sans doute, assez difficile à comprendre, mais elle est riche de belles pensées et de vues sublimes. Il est à recommander au lecteur peu familier avec la Bible, de se préoccuper moins de la suite des idées e des beaux passages qu’il pourra remarquer et méditer. — Le passage que nous lisons aujourd’hui est l’introduction et contient quelques lignes profondes sur la communauté de souffrance et de consolation (ce passage est utilisé comme Épître au commun des Martyrs).

Loué soit Dieu, le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation. Il nous console dans toutes nos afflictions, afin que nous puissions nous aussi apporter de la consolation à d’autres qui se trouvent dans toute sorte d’affliction. Car à mesure que nous participons abondamment aux souffrances du Christ, nous recevons par lui une grande consolation. Or, si nous sommes affligés, c’est pour votre consolation et votre salut, si nous sommes consolés, c’est également pour votre consolation. Par là, vous êtes en état de supporter patiemment les mêmes souffrances que nous supportons. Et c’est ce qui nous donne une ferme confiance pour vous, car nous savons que, comme vous avez part aux souffrances, vous aurez aussi part aux consolations.)

4. Prière des Heures. — Saint Jean Chrysostome, le grand patriarche de Constantinople, qui fut un admirateur passionné de saint Paul, nous recommande aujourd’hui la lecture attentive des Épîtres : “ Toutes les fois que j’entends lire les Épîtres de saint Paul, comme cela arrive deux fois par semaine . — souvent trois ou quatre fois, toutes les fois que nous célébrons la mémoire des saints martyrs — j’éprouve, en entendant les accents de cette trompette spirituelle, une grande joie ; je me sens excité et rempli de désirs enflammés. Je reconnais, dans ces paroles, la voix d’un ami et il me semble que je le vois debout devant moi et que j’entends la prédication qui jaillit de ses lèvres. Mais, en même temps, j’éprouve du chagrin et du souci à la pensée que tous les chrétiens ne connaissent pas suffisamment ce saint, que quelques-uns le connaissent même si peu, qu’ils ne savent même pas, d’une manière précise, le nombre de ses Épîtres. Cela ne vient pas d’une ignorance naturelle, mais de ce fait, qu’ils ne veulent pas avoir ces écrits continuellement dans les mains. Quant à nous, nous devons avouer : toute notre science, si nous savons quelque chose, nous ne la devons pas à la bonté et à la pénétration de notre esprit, mais à ce saint homme. Nous lui avons voué un ardent amour et nous ne cessons jamais de lire ses écrits. Il en est de nous comme de ceux qui aiment ; ils connaissent les faits et gestes de ceux qu’ils aiment mieux que tous les autres, car ils ne cessent de s’en préoccuper. Cela l’Apôtre nous le montre lui-même dans son Épître aux Philippiens : “ Comme il convient de penser ainsi à vous tous, parce que je vous porte dans mon cœur, dans mes liens, dans l’affermissement et la défense de l’Évangile. ”) C’est pourquoi, si vous suivez la lecture de l’Apôtre avec une attention affectueuse, vous n’avez pas à chercher autre chose, car la parole du Christ reste vraie : “ Cherchez et vous trouverez, frappez et on vous ouvrira. ” Mais comme plusieurs de ceux qui sont ici rassemblés sont absorbés par l’éducation des enfants, les soins pour leur femme et leur maison, et ne peuvent pas, par conséquent, se livrer à un tel travail, décidez-vous, tout au moins, à recevoir les pensées que d’autres ont rassemblées. Mettez, à les écouter, au moins autant d’attention que vous en mettez à la recherche des biens temporels. C’est presque une honte de ne vous demander que cela. Cependant il est désirable que vous apportiez au moins cette attention-là ”

5. Le grand mystère. — Quand les chrétiens comprendront-ils la grande importance des sacrements ? Quand les recevront-ils comme il faut et apprendront-ils à en vivre ? En ce jour, l’Église célèbre une fête de noces ; en ce jour, le Christ a sanctifié le mariage par sa présence à des noces et par le miracle du vin. Aujourd’hui, tous les chrétiens mariés ou célibataires doivent examiner leur relation avec ce sacrement. Hélas, le mariage, même aux yeux des chrétiens, est devenu une chose purement mondaine. Le serment de fidélité juré devant l’autel est violé avec une telle légèreté ! Les époux se donnent aujourd’hui la main et demain se séparent. Tous les pasteurs des âmes savent par expérience que c’est justement à l’occasion de la réception de ce sacrement que se manifeste l’ignorance religieuse la plus crasse. A la campagne, la situation est sans doute meilleure, mais, à la ville, sur cinquante couples, peut-on dire d’un seul : Ils savent de quoi il s’agit ? Saint Paul a prononcé, sur le mariage, une parole profonde que les époux devraient méditer toute leur vie : “ (Le mariage) est un véritable mystère ; mais je l’entends par rapport au Christ et à l’Église. ”

Le mariage est donc un sublime mystère. Non ce n’est pas la vraie traduction. Peut-être faudrait-il dire : c’est un symbole mystérieux, plein d’efficacité, de l’union sacrée entre le Christ et son Église. Il y a pour le mariage une grande et sublime image dans la surnature : l’union conjugale entre le Christ et l’Église. Saint Paul expose les points de comparaison : “ L’homme est le chef de sa femme comme le Christ est le chef de l’Église, car il est le Sauveur de son corps.” -Rappelons-nous l’idée fondamentale de la liturgie : le corps mystique. Le Christ est la tête ; son corps qui est l’Église reçoit de lui toute force, toute vie, toute grâce de Rédemption. “ De même que l’Église est soumise au Christ, que les femmes aussi soient soumises à leurs maris en tout. ” Saint Paul tire cette conclusion de la comparaison. Cependant la femme pourrait se plaindre et dire que la conclusion est purement en faveur de l’homme. Mais saint Paul continue la comparaison et cette fois en faveur de la femme : “ Vous, maris, aimez vos femmes, comme le Christ a aimé son Église et s’est livré pour elle, afin de la purifier dans l’eau du baptême et de la sanctifier. Il voulait se procurer une Église magnifique, sans tache, sans ride et rien de tel ; il voulait qu’elle soit toute sainte et sans souillure. Ainsi il faut que les hommes aiment leurs femmes comme leur propre corps. ” Saint Paul a raison ; l’homme et la femme ont, dans le mariage, des devoirs également graves. La femme doit l’obéissance, le mari l’amour. La pensée de cette sublime comparaison seule devrait donner aux époux la force de surmonter bien des difficultés dans le mariage. Cependant jusqu’ici nous en sommes restés aux considérations d’ordre naturel.

L’union surnaturelle du Christ et de son Église n’est pas seulement une image et un symbole du mariage. Saint Paul parle d’un grand mystère. Nous avons traduit par symbole mystérieux et plein de réalité. Il s’agit donc plutôt d’une figure que d’une simple comparaison. Dans le mariage, il y a quelque chose du modèle dont il est l’image. L’homme possède quelque chose de l’essence et de la présence du Christ. La femme n’a donc pas à obéir à l’homme qui peut avoir ses défauts et ses caprices, mais au Christ qui se cache en lui. L’homme, à son tour, n’aime pas telle personne ; son amour doit être surnaturel, devenir l’amour du Christ pour son Église. D’où vient cette réalité plus haute ? Du sacrement de mariage. Les chrétiens d’aujourd’hui ont de la peine à comprendre cela et à y croire. C’est la preuve frappante que nous sommes loin de la piété liturgique (objective). Or c’est précisément l’efficacité des sacrements qui place les hommes dans un mode d’être plus élevé. L’homme et la femme deviennent autres par le mariage. Ils sont, tout au moins dans leurs relations mutuelles, des êtres surnaturellement élevés et participent au Christ et à l’Église. Nous avons ici un exemple classique des deux mondes religieux qui s’opposent actuellement. La piété vue du côté de l’homme (subjective) s’arrête à la simple figure et en tire la morale. La piété liturgique (objective) aperçoit ou du moins pressent Il le grand mystère ”, l’être nouveau, “ la nouvelle créature ”. Il en est ainsi de tous les sacrements et même de tout le christianisme.

LECTURE D’ÉCRITURE PENDANT LA SEMAINE QUI SUIT LE 2ème DIMANCHE

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APRÈS L’ÉPIPHANIE

Lundi (II. Cor. Il, 12-17). — Saint Paul parle de son voyage d’Éphèse à travers la Troade et la Macédoine, et il exprime en très beaux termes son souci des âmes. Ce sont les paroles d’un vrai pasteur : “ Quand j’arrivai en Troade, pour annoncer l’Évangile du Christ et que là une porte me fut ouverte dans le Seigneur, je n’eus pas de repos, car je n’y rencontrai pas encore mon frère Tite ; je leur dis adieu et je partis pour la Macédoine. Mais grâces soient rendues à Dieu, qui nous fait toujours triompher dans le Christ et manifeste par nous, en tout lieu, le parfum de sa science, car nous sommes le parfum du Christ pour Dieu, parmi ceux qui sont sauvés et parmi ceux qui se perdent ; pour les uns nous sommes un parfum de mort pour la mort, pour les autres un parfum de vie pour la vie. Et qui est capable d’une telle tâche ? Nous ne sommes pas comme beaucoup qui trafiquent -de la parole. de Dieu, mais nous parlons sincèrement, de la part de Dieu, devant Dieu dans le Christ. ”

Mardi (II. Cor. III, 1-6). — Saint Paul est un Apôtre du Christ, mais comme il est un nouvel Apôtre, il a besoin d’une lettre de recommandation. Cette lettre ce sont les Corinthiens : “ Notre lettre de recommandation, c’est vous, elle est écrite dans notre cœur, comprise et lue par tous les hommes. Oui, vous êtes manifestement une lettre du Christ fournie par nous, écrite non avec de l’encre mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre mais sur les tables de chair du cœur. Telle est la confiance que nous avons par le Christ en Dieu. Non que nous soyons capable de penser quelque chose comme de nous-même, non, notre capacité vient de Dieu. C’est lui qui nous a rendus capables d’être les ministres du nouveau testament, non pas selon la lettre mais selon l’esprit. Car la lettre tue, mais l’Esprit vivifie. ”

Mercredi (II. Cor. IV, 5-10). — Saint Paul décrit les souffrance qu’il a endurées pour le Christ et qu’il supporte dans l’espoir de la résurrection : “ Ce n’est pas nous que nous prêchons, mais Jésus-Christ Notre-Seigneur ; quant à nous, nous sommes vos serviteurs à cause de Jésus. Car Dieu qui a dit : “ Que des ténèbres brille la lumière ”, c’est lui qui a fait luire sa clarté dans notre cœur pour faire briller l’illumination de la connaissance de la gloire de Dieu sur la face du Christ.

Mais ce trésor nous le portons dans des vases de terre, afin que cette force sublime soit attribuée à Dieu et non à nous. De tous côtés nous sommes troublés mais non écrasés, dans le besoin mais non dans le désespoir, persécutés mais non délaissés, opprimés mais sans périr. Nous portons toujours les souffrances mortelles de Jésus dans notre corps, afin que la vie de Jésus se manifeste aussi dans notre corps. Car tout en vivant, nous sommes continuellement livrés à la mort, à cause de Jésus, afin que la vie de Jésus se manifeste aussi dans notre chair mortelle. Ainsi la mort agit en nous et en vous la vie ”... “ Ce qui est visible ne dure que peu de temps, ce qui est invisible est éternel. Nous savons que lorsque notre tente terrestre sera détruite, nous recevrons une maison des mains de Dieu, une maison qui n’est pas faite de mains d’homme, une maison éternelle, dans le ciel. En attendant nous soupirons dans le désir d’être revêtus par-dessus de cette habitation — car ce n’est que lorsque nous l’aurons revêtue que nous ne serons pas trouvés nus. Oui, tant que nous sommes dans cette tente, nous soupirons et nous nous sentons oppressés, car nous ne voudrions pas être dépouillés mais revêtus par-dessus, fin que ce qui est mortel soit absorbé par la vie . Et Dieu qui nous a destinés pour cela nous a donné son Esprit comme gage. C’est pourquoi nous sommes toujours joyeux, parce que nous savons que, tant que nous sommes dans notre corps, nous sommes des étrangers, loin de Dieu. — Nous marchons maintenant seulement dans la foi et non dans la vision, nous prenons courage cependant et nous aimons mieux quitter notre corps pour être présents auprès de Dieu. Et c’est pourquoi nous nous efforçons, que nous soyons absents ou que nous soyons présents, de lui plaire. Car il nous faudra tous paraître devant le tribunal du Christ. Là chacun doit recevoir la récompense pour ce qu’il aura fait dans son corps soit en bien soit en mal. ” Voilà un merveilleuse page.

Jeudi (II. Cor. V, 4-VI, 10). — Nous lisons encore un beau passage ; nous entendrons de nouveau la seconde partie, le premier dimanche de Carême :

L’amour du Christ nous presse, quand nous pensons à ceci : Si un seul est mort pour tous, tous sont morts. Oui, il est mort pour tous, afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux... Si quelqu’un vit dans le Christ, il est une nouvelle créature ; l’antique a disparu et tout est devenu nouveau. Tout cela vient de Dieu qui nous a réconciliés à lui par le Christ et nous a donné le ministère de la réconciliation. Car c’est Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui, ne lui imputant plus ses péchés et qui a mis en nous sa parole de réconciliation. Nous sommes les ambassadeurs du Christ et Dieu vous exhorte par nous. Au nom du Christ, nous vous en prions : Réconciliez-vous avec Dieu. Celui qui ne connaissait pas le péché, il l’a fait péché à cause de nous, afin que par lui nous soyons justifiés devant Dieu... Comme ses collaborateurs, nous vous exhortons à ne pas recevoir la grâce de Dieu en vain. Car il dit : Dans le temps de grâce je t’écoute, au temps du salut je t’aide. ” Voici maintenant le temps de grâce, voici les jours du salut. Nous ne sommes pour personne une cause d’offense, afin que notre ministère ne soit pas blâmé. Mais en toutes choses montrons-nous comme des serviteurs de Dieu, par une grande patience dans les tribulations, dans les nécessités, les angoisses, les coups, les emprisonnements, les séditions, les fatigues, les veilles, les jeûnes, par la pureté, la science, la patience et la bonté ; avec le Saint-Esprit, avec un amour sincère, par l’annonce de la vérité, par la force de Dieu, par les armes de la vérité, à droite et à gauche, dans la gloire et le déshonneur, inconnus et pourtant bien connus, tout près de la mort et pourtant vivants, meurtris mais non tués, affligés mais toujours joyeux, mendiants, et pourtant faisant la richesse de plusieurs, sans possession et pourtant en possession de tout. ”

Vendredi (II. Cor. IX, 6-15). — Saint Paul parle des bénédictions de la bienfaisance : “ Considérez bien ceci : celui qui sème chichement, récoltera chichement, celui qui sème abondamment fera une récolte abondante. Que chacun donne, comme il l’a décidé, dans son cœur, sans mauvaise humeur et sans y être contraint, car c’est le donateur joyeux que Dieu aime. Dieu est certes assez puissant pour vous donner en abondance toutes espèces de biens de sorte que vous ayez tout en suffisance et qu’il vous en reste à assez pour faire toutes sortes de bonnes œuvres selon la parole de l’Écriture : “ il a répandu (les biens) et a donné aux pauvres ; sa justice demeure éternellement. ” Or celui qui fournit la semence au semeur et le pain pour sa nourriture vous donnera votre ê semence et la multipliera et il fera croître les fruits de votre justice. Ainsi, vous serez riches en tout, pour chaque acte de miséricorde qui produit par nous l’action de grâces à Dieu. Car ce service dévoué n’aide pas seulement aux besoins des saints (les fidèles de Judée) mais produit encore des fruits abondants par les nombreuses prières d’action de grâces à Dieu. Car par suite de ce service, vous louerez Dieu de ce que vous êtes soumis à la profession de l’Évangile du Christ et de ce que vous témoignez votre miséricorde à ceux-ci et à tous les autres. Eux aussi prieront pour vous, parce que la grâce de Dieu s’est manifestée si abondamment en vous. Grâces soient rendues à Dieu pour son don ineffable. Vous connaissez la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ ; bien qu’il fût riche, il s’est fait pauvre à cause de vous afin que vous deveniez riches par sa pauvreté. ”

Samedi (II. Cor. XI, 23-XII, 10). — Comme conclusion, lisons, dans cette Épître, le passage connu de l’apologie de l’Apôtre ; nous pénétrerons ainsi plus intimement dans la vie de saint Paul : “ j’ai supporté de nombreuses fatigues, enduré souvent la prison, reçu de nombreux coups, je me suis vu souvent près de la mort. J’ai reçu des Juifs, en cinq fois différentes, trente-neuf coups de fouet, j’ai été battu de verges trois fois, j’ai fait naufrage trois fois, j’ai été ballotté un jour et une nuit sur la haute mer : des voyages fréquents ; exposé aux périls sur les rivières, aux périls de la part des voleurs, aux périls de la part de mon peuple, aux périls de la part des Gentils, aux périls dans les villes, aux périls dans les déserts, aux périls sur la mer, aux périls de la part des faux frères ; j’ai enduré des travaux et des fatigues, des veilles fréquentes, la faim et la soif, les jeûnes, le froid et la nudité. Outre les maux extérieurs, j’ai mes occupations pressantes de chaque jour, le souci de toutes les Églises. Qui est faible sans que je sois faible avec lui ?.. S’il faut se glorifier (bien que cela ne convienne pas) j’en viendrai aux visions et aux révélations du Seigneur. Je connais un homme en Jésus-Christ qui fut ravi, il y a quatorze ans, jusqu’au troisième ciel (fût-ce avec son corps ou sans son corps. je ne sais, Dieu le sait) mais je sais que cet homme fut ravi dans le paradis et qu’il y entendit des paroles mystérieuses, qu’il n’est pas permis à un homme de rapporter. De cela je me glorifierai, mais pour ce qui me concerne je ne me glorifierai que de mes faiblesses... De peur que la grandeur de mes révélations ne m’inspire de l’orgueil, il me fut donné un aiguillon dans ma chair, un ange de Satan pour me souffleter. C’est pourquoi j’ai prié trois fois le Seigneur de l’éloigner de moi et il m’a répondu : ma grâce te suffit, car la force se perfectionne dans la faiblesse. Je me glorifierai donc volontiers de ma faiblesse, afin que la force du Christ demeure en moi. ” (Nous retrouverons ce passage, comme Épître, le dimanche de la Sexagésime).

TROISIÈME DIMANCHE

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APRÈS L’ÉPIPHANIE

Le Sauveur des Gentils et des pécheurs

A partir du troisième dimanche, la liturgie abandonne la suite chronologique de la vie de Jésus ; désormais elle choisira des miracles et des enseignements de Notre-Seigneur, sans tenir compte de la chronologie. Comme nous l’avons dit, ces péricopes sont un rapport avec les pensées de l’Épiphanie : le Christ paraît dans son royaume comme Sauveur (3e dimanche), comme Vainqueur (4e dimanche), comme Juge (Se dimanche), comme Maître du champ (6e dimanche). Le sens de ce 3e dimanche est celui-ci : Les Gentils et les pécheurs entrent dans le royaume de Dieu ( Les Évangiles des quatre derniers dimanches sont tirés de saint Mathieu, et dans l’ordre des chapitres. C’est peut-être un reste de l’antique coutume de lire les Évangiles à la suite, comme cela se fait encore dans l’Église grecque).

1. Pensées du dimanche. — La journée d’aujourd’hui reste complètement sous l’influence du mystère de l’Épiphanie. Dans les paroles et les chants de l’Église, nous voyons apparaître tes trois principaux personnages ou groupes qui prennent part à la visite royale. L’Introït les signale brièvement : “ Adorez le Seigneur ; vous tous qui êtes ses anges, Sion a entendu sa voix et s’est réjouie ; les filles de Juda ont été dans l’allégresse, le Seigneur est Roi... ” Le Christ-Roi, Sion, c’est-à-dire l’Église, les filles de Juda qui représentent les enfants de l’église, voilà ce dont parle le texte liturgique.

a) Le Christ-Roi occupe tout d’abord la pensée de la liturgie, aujourd’hui ; dès l’Introït, nous voyons rayonner l’éclat de la majesté du Seigneur entouré de ses anges et acclamé par les enfants de l’Église. Le psaume 96, qui est le cantique principal de la journée, nous décrit le Seigneur dans la beauté terrible d’un orage. C’est un effroi pour les pécheurs, mais une “ joie ” et une “ lumière ” pour les “ justes ”. Nous voyons par là que la liturgie se préoccupe de marquer la grandeur de l’hôte illustre qui vient visiter sa ville. C’est encore ce Roi divin que chante le Graduel :

Les Gentils craindront ton nom, Seigneur, et tous les rois de la terre connaîtront ta gloire, le Seigneur a rebâti Sion et il y paraîtra dans sa gloire. ” Ce sont là de vraies pensées d’Épiphanie. Le Grand Roi est le constructeur de Sion, il y fait sa visite solennelle et tous les rois de la terre, ainsi que les Gentils viennent lui rendre hommage. Et que fait-il dans sa ville ? La liturgie fait ressortir qu’il y étend “ le bras de sa Majesté ” pour protéger les siens (Or. Ev. Off.). Il exerce dans sa ville des actes de bienfaisance. — Alors son aspect se transforme et le Grand Roi qui est descendu de la montagne (céleste) ” devient le Fils de l’Homme, le Sauveur qui touche le paralytique et le guérit, qui reçoit amicalement le centurion et guérit son serviteur.

b) Comment se présente aujourd’hui l’Église elle-même ? Elle est Sion qui se “ réjouit ” de la visite festivale, que le Seigneur “ bâtit ”, elle est le centre de rassemblement des Gentils et des rois de la terre, c’est — chez elle que le Seigneur “ paraît dans sa majesté ”.

En outre, la liturgie décrit la vie dans l’Église : le Baptême, l’Eucharistie, la charité. Y a-t-il rien de plus beau que ces trois joyaux ? Le Baptême est représenté dans la guérison du lépreux. C’est une image qu’aimait beaucoup l’ancienne Église (les antiennes de Benedictus et de Magnificat ne traitent que de ce sujet). C’est le grand thème pascal que reprend si souvent le dimanche (cf. aussi l’Offert.). A l’Eucharistie font allusion ces paroles du Christ “ être assis à table avec Abraham, Isaac et Jacob ”. La belle Epître traite de la charité. Enfin la liturgie nous dit encore, à propos de l’Église, que les pécheurs (le lépreux) et les Gentils (le centurion) ont la première place dans le “ royaume de Dieu ” sur la terre.

c) Nous-mêmes, nous sommes représentés aujourd’hui par les filles de Juda “ les filles de Juda sont dans l’allégresse ”. Nos sentiments sont donc des sentiments de joie. Quelle en est la raison ? C’est que nous sommes des enfants de Dieu, rachetés du sang de Jésus-Christ :

La main du Seigneur me soutient, je ne mourrai pas mais j’ai la vie divine... ” Nous sommes encore représentés par les deux figures de l’Évangile, le lépreux et le paralytique. Quelle leçon ne nous donne pas le lépreux ! Comme il est modeste et humble : “ Si tu le veux, tu peux me purifier. ” Il ne demande pas. il se contente d’avoir confiance ; c’est avec cette foi profonde et cette confiance, que nous devons venir aujourd’hui dans la maison de Dieu. Le centurion nous apparaît sous des traits particulièrement sympathiques. Il est le porte-étendard de la gentilité, il reçoit le Roi qui “ fait son entrée ”, en notre nom. De quelles vertus n’est-il pas orné ! Il a de la charité pour son esclave, il est humble. Lui, le fier Romain, il n’ose pas approcher du Christ. Il a la foi : “ Je n’ai pas trouvé une telle foi en Israël ” -’le sens du devoir professionnel. C’est un soldat, de la tête aux pieds ;il exige l’obéissance, mais il sait aussi obéir. Nous comprenons que l’Église ait élevé à cet homme un monument impérissable, en empruntant ses paroles, au moment de la communion : “ Seigneur, je ne suis pas digne... ” C’est donc avec le centurion que nous approchons de la sainte Table.

2. La messe (Adorate Deum). — Ce que nous venons de dire nous a déjà indiqué les idées principales de la messe. Nous ne dirons que quelques mots sur les différentes parties. Les chants psalmodiques (Introït, Graduel, Offertoire, Communion) sont communs aux quatre derniers dimanches après l’Épiphanie. Ils sont caractéristiques de ce temps. Nous adorons le Christ-Roi avec respect et joie, il a bâti Sion et il paraît dans sa gloire. L’Introït est un tableau d’adoration. Le psaume 96 est le psaume principal de la messe. L’Oraison pourrait être la prière du lépreux ou du centurion : que Dieu daigne étendre le bras de sa majesté pour nous protéger. L’Epître est une belle leçon de charité pour le prochain et les ennemis : “ Ne rendez pas le mal pour le mal... Autant qu’il est possible et que cela dépend de vous, vivez en paix avec tous les hommes... Ne vous vengez pas... Si ton ennemi a faim, donne lui à manger... Ne vous laissez pas vaincre par le mal, mais triomphez du mal par le bien. ” Quels beaux enseignements ! Il nous faudra les suivre pendant toute la semaine. L’Offertoire parle de la “ droite ” du Seigneur. L’Oraison et l’Évangile nous en ont déjà parlé. Baisons aujourd’hui cette main du Sauveur qui veut encore nous apporter la guérison de l’âme.

3. Lecture d’Écriture (GaI. J, 1-4). Cette semaine, l’Église lit deux importantes Épîtres de saint Paul, l’Épître aux Galates et l’Épître aux Éphésiens. La première est un écrit polémique contre le judaïsme, la première hérésie très dangereuse dans l’Église. Il s’agissait de savoir si l’Église resterait enserrée dans les liens des prescriptions mosaïques. Ce fut le grand mérite de l’Apôtre des Gentils, d’avoir brisé ces liens.

Dans cette lettre, il livra la bataille décisive. De plus, cette lettre est riche de passages qui nous montrent le profond amour de saint Paul pour le Christ. Dès le premier chapitre, saint Paul nous apparaît comme un combattant énergique : “ Paul, Apôtre non de la part des hommes ni par commission des hommes, mais par Jésus-Christ et Dieu le Père qui l’a ressuscité des morts, en union avec les frères qui sont avec moi, aux Églises de Galatie. Que la grâce soit avec vous de la part de Dieu le Père et de Notre Seigneur Jésus-Christ. Pour nos péchés il s’est offert lui-même, ;, afin de nous arracher à la perdition du monde présent. fl Telle était la volonté de Dieu notre Père. A lui honneur dans les siècles des siècles. Amen. Je m’étonne que vous vous soyez laissés si vite détourner de celui qui vous a appelés par la grâce du Christ pour vous tourner vers un autre Évangile. Et pourtant, il n’yen a pas d’autre... A supposer que nous-même ou un ange du ciel vous annonce un autre Évangile que celui qui vous a été prêché, qu’il soit anathème... Mes frères, je vous l’assure : l’Évangile que je vous ai annoncé ne vient pas des hommes, je ne l’ai pas reçu d’un homme ni appris par enseignement, mais par révélation de Jésus-Christ. Vous avez en effet entendu parler de ma vie dans le judaïsme : j’ai persécuté avec excès l’Église de Dieu et cherché à la détruire. Je me distinguai dans le judaïsme au-dessus de tous mes contemporains dans ma race, me montrant le plus zélé pour les traditions de nos pères. Alors il plut à celui qui m’avait choisi dès le sein de ma mère et qui m’appela par sa grâce de me révéler son Fils unique. ”

4. Pécheurs et païens. C’est dans ces deux mots que nous renfermerons le contenu principal du troisième dimanche après l’Épiphanie. Pécheurs et païens ? Ce sont justement les deux catégories dont nous avons le moins à nous occuper, diront certains lecteurs. Les pécheurs se sont séparés de Dieu, ce sont des rebelles qui se sont soulevés contre le divin Roi ; quant aux païens, ils ne savent rien de Dieu et n’appartiennent pas au royaume du Christ. Que viennent donc faire ces deux catégories de gens dans l’aimable temps de Noël ? Si nous lisons la vie de Jésus d’après les évangiles, nous verrons comment Jésus s’est comporté justement à l’égard des pécheurs et des païens. Il est à remarquer que ce sont justement les “ pieux et les saints” du judaïsme, les Pharisiens, les Scribes et même les prêtres, qui ont montré de l’hostilité envers le Seigneur. Ce sont eux également qui l’attachèrent à la Croix. N’est-il pas tragique de voir que c’est un païen comme Pilate qui voulut arracher le Christ des mains des Juifs acharnés et qui finalement fut forcé, contre sa volonté, de le condamner à la croix ? Par contre, le Seigneur est reçu avec enthousiasme par les pécheurs et les païens. Nous pourrions citer une série d’exemples. Le brave centurion de Capharnaüm ne :s’estime pas digne que le Seigneur “ vienne sous son toit ”. La Chananéenne païenne crie avec supplication vers le Seigneur pour obtenir la guérison de sa fille. Avec quelle foi, la femme païenne, atteinte d’un flux de sang, touche la robe du Seigneur ! Avec quelle sincérité, le païen guéri, du pays de Gérasa, supplie le Seigneur de lui permettre de le suivre. Enfin les Mages païens vinrent du lointain Orient vers Bethléem pour adorer le Roi des Juifs nouveau-né, alors que le Roi Hérode et le grand conseil ne bougent pas le petit doigt pour répondre au message. Et après l’Ascension du Christ, les Apôtres et particulièrement saint Paul firent la même expérience sans cesse renouvelée. Les Juifs repoussèrent la bonne nouvelle que les païens accueillirent avec enthousiasme.

II en fut absolument de même pour les pécheurs, pendant la vie terrestre du Christ. “ Il est entré chez un pécheur ”, “ il mange et boit avec les pécheurs ”, voilà ce que disent avec mépris les Juifs, en parlant du Seigneur. Et lui ne repoussa pas ce reproche : “ Ce ne sont pas les biens portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. ” Le Christ est venu “ chercher ce qui était perdu ”. Alors qu’il prononçait contre les “ pieux ” d’Israël un septuple “ malheur ”, il eut de la commisération pour la pauvre femme adultère, pour la pécheresse au banquet, pour la Samaritaine, pour le bon larron sur la croix et leur rendit la joie avec le pardon. “ Je ne veux pas te condamner, ne pèche plus. ” “ Aujourd’hui même, tu seras avec moi en paradis. ”

Son attitude envers les pécheurs, Jésus l’a exprimée : une fois pour toutes dans ses trois paraboles de la miséricorde : la parabole de l’Enfant prodigue, la parabole de la brebis perdue et celle de la drachme perdue. Le Christ ne connaît pas de réserve, pas de conditions humiliantes pour le pardon. Un mot, et tout est pardonné. Au fils prodigue le père a rendu tous ses droits passés : celui-ci voulait, en expiation, devenir esclave ; le père en fait de nouveau un fils de roi. Si le fils retrouvé avait erré çà et là, dans son désespoir, en criant : J’ai péché, je ne suis pas digne d’être l’enfant de mon père, je pense que le père l’aurait chassé de sa maison.

Quelles conclusions tirer de ces considérations ? Ayons pour les pécheurs et les païens les mêmes sentiments que le Christ. Ne soyons pas des pharisiens qui n’ont que des regards de mépris pour les pauvres gens. Ce n’est pas par des disputes et des contestations que nous arriverons à les amener à nous ; nous n’arriverons à aucun résultat par des actes inamicaux et des condamnations. Nous n’avons pas besoin d’abandonner un iota de nos principes ; mais la fidélité à nos principes est compatible avec une tolérance de la charité. Ne jugeons pas les hommes d’après les doctrines théoriques f de leur parti ou de leur confession. Dans la vie réelle, nous sommes beaucoup plus rapprochés et la charité est le chemin qui mènera à leur cœur... Ce n’est pas par l’apologétique, la dogmatique et la casuistique que nous convertirons le monde ; mais, comme le Sauveur, par la charité, la compréhension et la compassion. Nous autres, catholiques, nous sommes toujours portés à nous poser en juges et à condamner, et nous sommes souvent tout près du pharisaïsme. Il y a beaucoup de bon dans l’âme de ceux qui ne pensent pas comme nous, mais nous ne le voyons pas. La résolution pratique de cette semaine devrait donc être celle-ci : Dans nos relations avec ceux qui ne pensent pas comme nous, inspirons-nous de l’esprit du Christ. Et puis pensons aux pauvres païens des missions.

LECTURE D’ÉCRITURE DANS LA SEMAINE QUI SUIT LE TROISIÈME DIMANCHE

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APRÈS L’ÉPIPHANIE

Lundi : Quelques beaux passages de l’Epître aux Galates. — Nous allons essayer, cette fois, une autre méthode et rassembler les plus beaux textes de l’Épître : “ Celui qui a donné son appui à Pierre pour l’apostolat parmi les Juifs, me l’a donné à moi pour l’apostolat parmi les Gentils. Quand ils reconnurent la grâce qui m’avait été accordée, Jacques et Céphas et Jean qui m passaient pour être les colonnes, nous donnèrent la main à Barnabé et à moi ; nous devions prêcher parmi les Gentils et eux parmi les Juifs. Nous devions seulement nous souvenir des pauvres” (II, 8 sq.). — “ Avec le Christ, je suis crucifié, ce n’est donc plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. Ma vie actuelle dans la chair est une vie dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi” (II, 19 sq.). — “ Vint la plénitude des temps et Dieu envoya son Fils qui, né d’une femme, fut soumis à la Loi, afin de racheter ceux qui étaient sous la Loi, afin que nous recevions la qualité d’enfants adoptifs. Et comme vous êtes des enfants, Dieu a envoyé, dans notre cœur, l’Esprit de — son Fils, qui nous fait crier : Abba, Père. Tu n’es donc plus un esclave mais un fils ; mais si tu es un fils, tu es aussi héritier par Dieu” (IV, 4 sq.). — “ Vous savez comment je vous ai annoncé l’Évangile, la première fois, dans l’infirmité de mon corps, et quelle épreuve a été pour vous mon infirmité. Cependant vous ne m’avez ni méprisé ni poussé, mais vous m’avez reçu comme un ange de Dieu, comme le Christ Jésus. Où sont vos bienheureuses dispositions ? Je puis en rendre témoignage : s’il avait été possible, vous vous seriez arraché les yeux, pour me les donner” (IV, 13 sq.). — “ Mes enfants, je souffre de nouveau les douleurs de l’enfantement à votre sujet, jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous ” (IV, 19). — “ Dans le Christ Jésus, il n’y a ni circoncision ni incirconcision qui vaille, mais seulement la foi qui agit par la charité ” (V, 6).

Mardi (GaI. V, 13 — VI, 18). — Selon sa coutume, saint Paul donne à la fin de son Épître des avis pratiques ; il met en garde contre l’abus de la liberté : “ Mes frères, vous avez été appelés à la liberté, mais ne considérez pas la liberté comme une autorisation de vous livrer aux œuvres de la chair ; mais, par la charité du Saint-Esprit, servez-vous mutuellement. Car toute la loi de Dieu est accomplie dans un seul précepte : tu aimeras le prochain comme toi-même. Si vous vous mordez et vous déchirez mutuellement, prenez garde de ne pas vous détruire mutuellement. Je vous le dis : marchez dans l’Esprit et vous n’accomplirez pas les désirs charnels... les deux s’opposent, afin que vous ne fassiez pas tout ce que vous voulez... les œuvres de la chair sont manifestes, ce sont : l’impureté, l’idolâtrie, l’inimitié, les discordes, la jalousie, la colère, les dissensions, l’esprit de parti, l’envie, l’homicide, l’ivresse, les orgies et autres choses de ce genre. Je vous l’ai déjà dit auparavant et je vous le répète maintenant ceux qui font de ces choses, ne posséderont pas le royaume de Dieu. Les fruits de l’Esprit sont : la charité, la joie, la paix, la patience, la bénignité, la bonté, la longanimité, la mansuétude, la foi, la modestie, la continence, la chasteté. Contre ceux qui sont de ce genre, il n’y a pas de loi. Or ceux qui sont au Christ ont crucifié leur chair avec ses vices et ses convoitises... Ne vous y trompez pas, on ne se rit pas de Dieu. Ce que l’homme sème, il le récoltera. Celui qui sème dans sa chair, récoltera de la chair la corruption, celui qui sème dans l’Esprit, récoltera de l’Esprit la vie éternelle. Ne nous lassons pas de faire le bien, car nous récolterons, en son temps, si nous ne défaillons pas... Mais loin de moi la pensée de me glorifier, si ce n’est dans la Croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Par lui, le monde est crucifié pour moi et je suis crucifié pour le monde. Dans le Christ Jésus, ni la circoncision ni l’incirconcision n’ont quelque valeur, mais seulement la nouvelle créature... Au reste, que personne ne me fasse plus de peine, car je porte les stigmates du Seigneur Jésus dans mon corps. ”

Mercredi (Éph. I, 1-14). — L’Épître aux Éphésiens est une des lettres composées par saint Paul durant sa première captivité romaine (61-63). Cette Épître est le type classique des lettres de la maturité de saint Paul. Elle décrit la grandeur de l’œuvre du salut, la dignité des chrétiens et la sublimité de l’Église, puis tire, pour la vie des chrétiens, des conclusions pratiques. Le début de l’Épître est un hymne célèbre à la grâce de Dieu. Ce passage, un peu difficile, comprend trois groupes d’idées : saint Paul célèbre le dessein éternel du Père : “ Loué soit Dieu, le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ ! Il nous a, par le Christ, comblés de toute bénédiction céleste dans le ciel. Dès avant la constitution du monde, il nous a choisis en lui, afin que nous soyons saints et immaculés devant lui. Dans son amour, il nous a prédestinés à être ses enfants adoptifs par Jésus-Christ selon la libre décision de sa volonté, afin que nous puissions louer la gloire de sa grâce qu’il nous a donnée dans son Fils bien-aimé. ” L’exécution du dessein divin de la Rédemption se fit par le Christ. “ En lui nous possédons la Rédemption par son sang. la rémission des péchés, selon les richesses de sa grâce qui a surabondé en nous, en toute sagesse et prudence. Il nous a manifesté le mystère de sa volonté, selon sa libre détermination, qu’il a arrêtée en lui-même pour la réaliser dans la plénitude des temps, de tout restaurer dans le Christ, ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre. En lui aussi, nous avons été appelés à l’héritage auquel nous avons été prédestinés selon le dessein de celui qui fait tout d’après la décision de sa volonté. Nous devons servir à sa gloire, nous qui, auparavant, avons mis notre espoir dans le Christ. ” Mais c’est le Saint-Esprit qui opère dans chaque âme l’œuvre rédemptrice de la grâce. “ En lui, vous aussi, quand vous avez entendu la parole de la vérité, la bonne nouvelle du salut, et que vous y avez cru, vous avez été marqués du sceau de l’Esprit-Saint qui vous a été promis, et celui-ci est le gage de notre héritage qui nous garantit le rachat de ceux que Dieu s’est acquis pour la louange de sa gloire. ”

Jeudi (Éph. l, 17 -II, 23) : Saint Paul décrit la grandeur de l’œuvre du salut : “( Que Dieu, le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de gloire, vous donne pour le -connaître un esprit de sagesse et de révélation. Qu’il illumine les yeux de votre cœur afin que vous reconnaissiez à quelle espérance vous avez été appelés, combien riche et glorieux est son héritage pour ses saints, et combien suréminente est sa puissance à notre égard, du même ordre que la puissante manifestation de force qu’il a montrée dans le Christ, quand il l’a ressuscité d’entre les morts et fait asseoir à sa droite dans les hauteurs des cieux, au-dessus de toute principauté, puissance, vertu, domination et au-dessus de tout nom qui est nommé non seulement dans le siècle présent mais encore dans le siècle futur. Et il a tout mis sous ses pieds et il en a fait le chef de toute l’Église qui est son corps, remplie de lui qui remplit tout en tout. Et vous, vous étiez morts dans vos délits et vos péchés... Mais Dieu qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont il nous a aimés, et alors que nous étions morts par nos péchés, nous a vivifiés dans le Christ, par la grâce de qui nous sommes sauvés. Il nous a ressuscités avec le Christ et nous a fait asseoir avec lui dans le ciel, pour montrer aux siècles futurs l’abondante richesse de sa grâce, par suite de sa bonté à notre égard, dans le Christ Jésus. Car, par la grâce, vous êtes sauvés en vertu de la foi et cela ne vient pas de vous, c’est, en effet, un don de Dieu.

Cela ne vient pas des œuvres, on ne doit donc pas s’en glorifier. Nous sommes son œuvre, créés dans le Christ Jésus, pour les bonnes œuvres que Dieu nous a destinées, pour que nous marchions en elles... Ainsi vous n’êtes plus des étrangers mais des concitoyens des saints et des familiers de Dieu. Vous êtes bâtis sur le fondement des Apôtres et des Prophètes alors que le Christ est la pierre d’angle, par laquelle toute la construction se tient et croît dans le Seigneur, pour devenir un temple saint. Sur lui vous êtes construits ensemble vous aussi, pour devenir la demeure de Dieu dans l’Esprit. ”

Vendredi (Éph. IV, 1 — V, 2). — Saint Paul donne des avis pour la vie chrétienne : “ Comme prisonnier du Christ, je vous fais cette recommandation, conduisez-vous d’une manière digne de la vocation que vous avez reçue, soyez pleins d’humilité, de mansuétude, de patience, vous supportant mutuellement dans la charité. Soyez zélés pour conserver l’unité de l’esprit dans le lien de la paix. Vous n’êtes qu’un corps et qu’un esprit, de même que vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation. Un seul Seigneur, une seule foi, un seul Baptême. Un seul Dieu et Père de tous ; qui est au-dessus de tous et (agit) par tous et en tous... Ainsi vous ne serez plus des enfants mineurs... mais plutôt nous croîtrons dans l’amour pour celui qui est le chef : le Christ. Par lui, tout le corps, par-le service de chaque articulation, est réuni et maintenu, et à chaque partie un travail spécial est attribué et ainsi s’accomplit l’accroissement du corps jusqu’à ce qu’il soit édifié dans la charité... Ne contristez pas le Saint-Esprit dans lequel vous avez été marqués, pour le jour, de la Rédemption. Que toute amertume, toute colère, toute indignation, tout cri, tout blasphème et surtout toute méchanceté, soient loin de vous. Soyez plutôt mutuellement bons et miséricordieux et pardonnez-vous les uns aux autres, comme Dieu vous a pardonné dans le Christ. Soyez comme des enfants chers, imitateurs de Dieu, et marchez dans la charité comme le Christ lui aussi vous a aimés et s’est livré pour vous, en sacrifice et en hostie d’agréable odeur à Dieu.”

Samedi (Éph. V, 21 — VI, 9). — Saint Paul parle des devoirs d’état en s’appuyant sur la notion profonde du corps mystique : “ Soyez soumis les uns aux autres, dans la crainte du Christ. Que les femmes soient soumises à leurs maris, comme au Seigneur, car le mari est le chef de la femme comme le Christ est le chef de l’Église, lui le Sauveur de son corps. De même que l’Église est soumise au Christ, les femmes doivent être soumises à leurs maris. Hommes, aimez vos femmes, comme le Christ a aimé son Église et s’est livré pour elle, afin de la sanctifier. Il l’a purifiée dans le bain de l’eau, par la parole (de vie), afin de se préparer une Église glorieuse, sans tache, sans rides ou rien de semblable, mais elle devait être sainte et immaculée. Ainsi les hommes doivent aimer leurs femmes, comme leur propre corps. Celui qui aime sa femme s’aime lui même. Personne n’a jamais haï sa propre chair, mais chacun la nourrit et l’entretient. Ainsi fait le Christ pour son Église parce que nous sommes les membres de son corps, la chair de sa chair et les os de ses os. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme et ils seront deux dans une seule chair. C’est là un grand mystère, je veux dire à cause des relations du Christ et de l’Église. Aussi, de même, chacun de vous doit aimer sa femme comme lui-même, quant à la femme, elle doit avoir du respect pour son mari.))

QUATRIÈME DIMANCHE

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APRÈS L’ÉPIPHANIE (Semi-d.)

Le Roi vient en vainqueur dans sa ville

Le troisième dimanche, le Christ se manifestait comme Sauveur des pécheurs et des Gentils. Le quatrième dimanche, il apparaît en vainqueur dans le tableau de la tempête sur la mer.

1. La tempête sur la mer : Demandons-nous, d’abord, ce que cet Évangile signifie. Qu’est-ce qui a déterminé l’antique liturgie à choisir ce passage pour le dimanche que nous célébrons aujourd’hui ?

a) y a-t-il dans l’apaisement de la tempête une “ manifestation ” du Seigneur ? Si, l’avant dernier dimanche, l’Église nous a présenté le miracle des noces pour nous montrer la gloire du Christ, c’est-à-dire sa divinité, le miracle d’aujourd’hui n’est pas moins propre à cette fin. Représentons-le nous. C’est la nuit. Les douze hommes rament. Soudain s’élève une tempête furieuse. Ces marins expérimentés connaissent sans doute la perfidie de la mer, mais cette fois, ils sont désemparés. Ils réveillent le Maître endormi. Jésus se lève, avec majesté et calme, il commande aux éléments en fureur et ceux-ci lui obéissent comme des chiens qui se couchent aux pieds de leur maître. Cette vision du Seigneur commandant avec puissance, les disciples ne l’oublieront de leur vie. C’était donc bien une ” manifestation ” du Seigneur. — Mais était-ce bien l’intention de l’Église de nous montrer cette manifestation ?

b) Ou bien l’Église voulait-elle représenter dans cette tempête les persécutions et les combats auxquels elle est elle-même en butte ? La barque de Pierre a toujours été considéré comme une image de l’Église du Christ. Comme le petit bateau, l’Église est de tout temps ballottée par la tempête, mais “ les portes de l’enfer n’ont pas prévalu contre elle ”. On a sans cesse vu, au cours des siècles, le Seigneur, qui semblait endormi, se lever, commander aux vagues et à la tempête et faire apparaître le calme et la paix.

c) Ou bien pensons-nous à l’âme chrétienne en particulier ? Elle aussi est un petit bateau exposé à la rage du vent et des flots. Quel cœur chrétien est à l’abri des combats extérieurs et intérieurs ? Ce sont des afflictions de toutes sortes, des tentations, des souffrances, des persécutions. L’enfer conspire sans cesse contre le royaume de Dieu dans l’âme. L’Église pense-t-elle à ces tempêtes ? L’oraison du jour pourrait nous le faire croire, c’est une explication de l’Évangile.

L’ermite saint Antoine avait été violemment tenté par le démon, mais avait résisté courageusement. Il vit enfin briller une lumière et demanda : “( Où étais-tu, Seigneur ?” Une voix lui répondit : “ J’étais là, Antoine, mais j’attendais pour voir ton combat ; puisque tu as courageusement résisté, je serai toujours ton aide. ” Que cela soit une consolation pour nous, combattons vaillamment et, en temps voulu, le Christ viendra et commandera à la tempête.

d) Pourtant l’Église a peut-être voulu nous faire entendre les premiers accents du drame de la Passion. La pensée fondamentale du cycle de Noël était celle-ci : Le Christ a fondé sur la terre le royaume de lumière. Maintenant l’Église nous prépare au cycle pascal, dans lequel nous verrons d’abord la lumière combattue par les ténèbres. Cet accent de la Passion se fait déjà entendre légèrement à travers le temps de Noël, aujourd’hui il retentit dans le mugissement des flots en fureur. Nous ne tarderons plus guère à voir le Sauveur environné des flots de la douleur, il sera englouti par eux, mais il sortira vainqueur.

e) C’est peut-être cette dernière pensée qui nous rapproche le plus de l’intention de la liturgie. L’Évangile est une image du combat et de la victoire pascale du Christ. Chaque dimanche est un dimanche de Pâques. Chaque dimanche nous célébrons la mort et la résurrection du Christ en nous-mêmes. Alors même que, pendant la semaine, nous aurions été ballottés par la tempête et les flots, à la messe du dimanche le Seigneur monte à bord de la nacelle, il commande à la tempête et achève la victoire de sa Résurrection. Chaque dimanche notre âme s’approprie quelque chose de cette victoire pascale. Ainsi chaque dimanche est un anneau de la grande chaîne qui va du Baptême jusqu’au dernier combat et à la victoire finale.

2. La messe (Adorate Deum). — Les chants alternés sont les mêmes que le dimanche précédent. Nous voyons encore, à l’Introït, le sublime tableau d’adoration : les anges adorent le Roi du ciel, nous sommes dans l’allégresse avec eux. L’Oraison se rattache à l’Évangile. Dans notre vie, se renouvelle la tempête de la mer, des dangers menacent notre âme de toutes parts, il importe de crier du fond du cœur : Seigneur sauve-nous ! A l’extérieur le combat, à l’intérieur la charité, voilà la vraie vie chrétienne. L’Épître nous fait encore entendre de précieuses paroles sur l’amour du prochain : “ L’amour est l’accomplissement de la loi ”. Le chant de l’Offertoire peut être considéré aujourd’hui comme un reflet de l’Évangile : la puissante main du Christ qui apaisa la tempête nous a tirés des flots de l’enfer et nous maintient debout. Le chant de la Communion peut être considéré, lui aussi, comme un écho de l’Évangile.

3. Lecture d’Écriture (Phil. chap. 1). — L’Épître aux Philippiens est un des écrits que saint Paul composa pendant sa première captivité romaine. Cette lettre est la plus personnelle et la plus aimable de toutes. Philippes était l’Église préférée de l’Apôtre, la première qu’il ait fondée sur le continent européen, elle lui resta toujours fidèle et attachée. L’Apôtre remercie l’Église de ses cadeaux, l’entretient de sa situation et en même temps lui donne des conseils pour sa vie chrétienne (l, 1-18). Nous ne disposons que de deux jours pour la lecture de cette belle Épître. (Peut-être, quelques lecteurs se décideront-ils à la lire dans son entier). Saint Paul commence par remercier Dieu pour le zèle des Philippiens dans la foi : “ Je remercie Dieu chaque fois que je pense à vous. Continuellement, dans toutes mes prières, je prie pour vous tous, avec joie, parce que vous avez eu part à l’Évangile depuis le premier jour jusqu’à maintenant. Et j’ai la ferme confiance que ", Celui qui a commencé cette bonne œuvre en vous, l’achèvera jusqu’au jour du Christ Jésus. Et il est juste que j’aie ces sentiments à votre égard, car je vous porte dans mon cœur, vous tous qui avez part avec moi à la grâce, dans mes liens et dans la défense et l’affermissement de l’Évangile. Dieu m’est témoin que je vous désire tous dans le cœur du Christ Jésus. ” Ensuite saint Paul raconte comment sa captivité n’a pas nui à l’Évangile ; au contraire, elle a servi à la cause du Christ. Pour ce qui concerne l’issue du procès, il s’en remet entièrement à la volonté de Dieu. “ Mon désir et mon espérance sont que je ne sois pas confondu, mais que plutôt maintenant comme toujours, librement et ouvertement, le Christ soit glorifié dans mon corps, soit dans la vie, soit dans la mort. Car ma vie c’est le Christ et la mort m’est un gain. Si la vie dans la chair m’est destinée, cela signifie pour moi un labeur fécond, ainsi il m’est difficile de choisir et je suis entraîné dans. les deux sens. Je voudrais être dissous pour être avec le Christ, ce serait pour moi de beaucoup le meilleur, cependant rester encore dans la chair à cause de vous est. plus nécessaire. Et, dans cette espérance, je sais que je resterai encore et que je demeurerai avec vous tous, pour votre progrès et la joie de votre foi ” (1, 20-25). Ensuite il s’adresse à son Église et l’exhorte à marcher sur les traces du Christ : “ Ayez en vous les sentiments qui sont dans le Christ Jésus. Bien qu’il fût dans la forme de Dieu, il ne s’attacha pas avidement à son égalité avec Dieu, mais il s’anéantit lui-même, il prit la forme de l’esclave, devint semblable à un homme et fut trouvé extérieurement comme un homme. Il s’humilia lui-même et se fit obéissant. jusqu’à la mort, jusqu’à la mort de la Croix. C’est. pourquoi aussi Dieu l’a exalté et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom. Au nom de Jésus tout. genou doit fléchir, au ciel, sur la terre et dans les enfers. Et toutes les langues doivent confesser pour la gloire de Dieu le Père : Jésus-Christ est le Seigneur ” (II, 5-11).

4. Ténèbres et lumière. C’est ainsi qu’on pourrait caractériser brièvement le contenu de cette semaine. Telle est la vie humaine : ténèbres à l’extérieur, lumière à l’intérieur. Elle ressemble, extérieurement, à la traversée nocturne du lac de Génésareth au milieu du vent et de la tempête, intérieurement, à la procession lumineuse de la Chandeleur.

La vie chrétienne est une tempête sur la mer. Comme le bon Dieu traite parfois rudement ses enfants ! C’est qu’il n’est pas comme ces mères déraisonnables dont la tendresse consiste à caresser et à gâter leurs enfants. Il est le premier à appliquer le principe de la Sainte Écriture : Celui qui aime son enfant n’épargne pas la verge. Et c’est pour notre bien. Les enfants de Dieu supportent malles jours heureux ici-bas. L’histoire de l’Église et l’histoire particulière des âmes le prouvent. Comme l’Église était grande au temps des persécutions ! Les chrétiens détestés, persécutés, méprisés extérieurement, étaient, parfaits et saints. Mais, au moyen âge, quand l’Église brilla de son plus grand éclat et que les empereurs et les rois la dotèrent de biens terrestres, la lumière intérieure pâlit de plus en plus. Oui, il est bon pour nous, chrétiens, que notre situation extérieure ne soit pas trop bonne. Il est vrai que nous avons besoin de ce que le Sauveur exigea de ses disciples pendant la tempête sur le lac : une foi forte et une ferme confiance en Dieu. “ Pourquoi avez-vous si peu de foi ? ” La grande souffrance, les grandes épreuves, la grande misère peuvent être un remède, mais aussi un poison. Certains trouvent dans les souffrances, de nos Jours, le chemin qui mène à Dieu ; mais, pour beaucoup, la crise économique est un poison qui apporte la mort de l’âme. Priez, mes frères, pour tous ceux qui sont éprouvés, afin que leur misère et leur souffrance les purifient et les sanctifient. Aimons à penser surtout et souvent à ceux qui sont, comme nous, membres du corps du Christ et qui sont en butte à la tempête sur la mer. Représentons-nous, par exemple, les chrétiens de Russie. Voyons tel enfant de Dieu en Sibérie ou au Caucase. Il est, à cause de sa foi, condamné aux travaux forcés. Jour après jour, sans dimanche, sans messe, sans communion, il lui faut abattre des arbres ; il est à peine vêtu, mal nourri et, sous le knout des soldats, il s’avance peu à peu vers la mort. Combien de fois ces pauvres gens doivent crier vers le ciel : “ Seigneur, sauvez-nous, nous périssons. ” Pour ces pauvres, qui sont en même temps des riches, nous devons prier, afin qu’ils demeurent forts, afin qu’ils soient vainqueurs. Car leur souffrance nous profite à tous. Ils accomplissent et achèvent ce qui manque au corps du Christ. Mais ce n’est pas seulement en Russie. Chez nous, dans notre entourage, il y a des “ tempêtes sur la mer ”, il y a la misère et les autres souffrances qui anéantissent. Portons secours là où nous le pouvons.

Nous arrivons maintenant au second spectacle de cette semaine. Nous voyons une procession de la Chandeleur. Dehors, c’est la nuit, les enfants du monde dorment encore. Mais les enfants de Dieu s’avancent autour de l’Église, un cierge à la main. Il leur faut se défendre contre le vent qui essaie d’éteindre leur lumière. C’est l’image de la vie intérieure du chrétien. Le Chrétien est un porte-lumière, un porte-Christ. Depuis son baptême, il porte et entretient en lui la divine lumière de la grâce ; bien plus le Christ lui-même est dans son âme, en dépit de la nuit et des tempêtes du dehors. Sans doute, l’ennemi des âmes voudrait bien éteindre cette lumière et il souffle dessus de toutes ses forces. Ce sont là les tempêtes de la vie. Mais l’enfant de Dieu maintient sa lumière et continue de la porter. Dans la maison de Dieu, à l’Évangile et dans la communion, il reçoit un nouvel aliment et une nouvelle force pour entretenir cette lumière. Ainsi il pourra traverser les tempêtes de la vie et porter sa lumière jusqu’au temple de gloire, au ciel.

LECTURE D’ÉCRITURE DANS LA SEMAINE QUI SUIT LE QUATRIÈME DIMANCHE

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APRÈS L’ÉPIPHANIE

Lundi (Phil. III et IV). — Jusqu’à quel point la doctrine de l’Évangile a mis son empreinte sur la vie de saint Paul, nous le voyons par le passage suivant ; “ Ce que je regardais jadis comme un gain, je le considère comme une perte à cause du Christ. Oui, je considère toujours tout comme une perte, parce que la connaissance de mon Seigneur Jésus-Christ, pour qui j’ai tout abandonné, est plus précieuse de beaucoup ; je considère tout cela comme une balayure, afin. de gagner le Christ et d’être trouvé en lui — non pas selon ma propre justice, celle qui vient de la Loi, mais selon celle qui naît de la foi dans le Christ, la justice qui vient de Dieu sur la base de la foi. Je veux le connaître ainsi que la puissance de sa Résurrection et la participation à sa Passion, afin de lui devenir semblable dans la mort, dans la pensée de parvenir à la résurrection des morts. Je ne dis pas que j’ai atteint le but et que je suis déjà parfait, mais je tends vers ce but et je voudrais bien l’atteindre comme je suis déjà atteint aussi par le Christ Jésus. J’oublie ce qui est derrière moi et je m’étends vers ce qui est devant moi. Je poursuis le but qui m’est destiné, le prix de la victoire auquel Dieu m’a appelé d’en-haut par le Christ Jésus ” (III, 7-4). “ J’ai appris à me contenter de ce que j’ai. Je puis vivre dans la pauvreté et je puis vivre dans l’abondance. Je suis habitué à tout, à être rassasié et à avoir faim, à la richesse et à la pauvreté. Je puis tout par Celui qui me donne la force” (IV, 11-13). Que celui qui possède une Bible se donne la peine de lire toute l’Épître, il ne le regrettera pas.

Mardi (Épître aux Colossiens, chap. 1). — L’Épître aux Colossiens appartient, elle aussi, aux écrits de la première captivité romaine (61-63). Elle se caractérise surtout par ses beaux passages sur la divinité du Christ. Le plus important est celui-ci : “ Rendez grâces avec joie au Père, de ce qu’il vous a rendus capables de participer à l’héritage de ses saints dans la lumière. Il nous a arrachés à la puissance des ténèbres et transportés dans le royaume de son Fils bien-aimé. En lui nous avons la Rédemption par son sang, la rémission des péchés. Il est l’image de Dieu invisible, le premier-né de toute créature ; car en lui tout a été fait, ce qui est dans le ciel et ce qui est sur la terre, ce qui est visible et ce qui est invisible, que ce soit les Trônes ou les Dominations, les Principautés ou les Puissances : tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant tout et tout subsiste en lui. Il est la tête du corps de l’Église. Il est le commencement, le premier-né parmi les morts, afin d’avoir en tout le premier rang. Il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude, afin de tout se réconcilier, par lui, tout ce qui est sur la terre et tout ce qui est dans le ciel, parce que par son sang sur la Croix, il a créé la paix. Vous aussi qui, autrefois, étiez éloignés de Dieu et par vos mauvaises actions étiez ses ennemis, il vous a maintenant réconciliés par la mort de son corps humain pour vous présenter saints, sans tache et sans reproche devant lui.” — “ Aussi je me réjouis de mes souffrances pour vous et, pour ma part, j’accomplis ce qui manque aux souffrances du Christ, dans ma chair, pour son corps, l’Église, dont j’ai été fait le serviteur en vertu du ministère que Dieu m’a donné pour votre utilité. Il fallait que j’annonce la parole de Dieu, le mystère qui depuis des siècles et des générations était resté caché mais maintenant a été manifesté à ses saints. Dieu a voulu leur montrer la richesse de gloire de son mystère parmi les Gentils : le Christ au milieu de vous, l’espoir de la gloire. ”

Mercredi (Col. III et IV). — Recueillons encore quelques passages, dans l’Épître aux Colossiens : “ Si vous êtes ressuscités avec le Christ, cherchez ce qui est en haut, là où le Christ est assis à la droite de Dieu. Pensez à ce qui est en haut, non à ce qui est sur la terre. Vous êtes morts et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Mais quand le Christ, notre vie, paraîtra, vous paraîtrez vous aussi avec lui dans la gloire. Mortifiez donc ce qui, dans vos membres, est terrestre : l’impureté, les passions mauvaises et l’avarice qui est une idolâtrie ; toutes ces choses attirent la colère de Dieu sur les fils de l’incrédulité. Vous aussi vous étiez autrefois adonnés à ces choses, quand vous viviez en elles. Maintenant, mettez de côté tout cela : la colère, l’indignation, la méchanceté ; que les injures et les propos honteux ne sortent pas de votre bouche. Ne mentez pas les uns avec les autres. Dépouillez le vieil homme avec toutes ses œuvres et revêtez le nouveau qui se renouvelle selon l’image de son créateur, pour la connaissance parfaite. Là, il n’y a plus ni Grec, ni Juif, ni circoncis, ni incirconcis, ni barbare, ni Scythe, ni esclave, ni homme libre, mais le Christ est tout en tous. Revêtez-vous donc comme des élus de Dieu, saints et chers, de pitié cordiale, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous mutuellement et pardonnez réciproquement si l’un a à se plaindre de l’autre. Comme le Seigneur vous a pardonné, faites de même, vous aussi. Au-dessus de tout, placez, la charité qui est le lien de la perfection. Que la paix du Christ règne dans votre cœur, car c’est pour cela que vous avez été appelés comme un seul corps. Et soyez reconnaissants. Que la parole du Christ _’, demeure parmi vous dans toute sa richesse et enseignez-vous et exhortez-vous mutuellement en toute sagesse. Chantez Dieu d’un cœur reconnaissant avec des psaumes, des hymnes et des cantiques spirituels. Tout ce que vous faites en parole et en œuvre, faites-le au nom du Seigneur Jésus-Christ et remerciez Dieu le Père par lui. ”

Jeudi (1. Thés. 1, 1-26). — La plus ancienne des lettres de l’Apôtre et sans doute la première Épître aux Thessaloniciens. Saint Paul l’écrivit au cours de son second voyage apostolique, peu de temps après son discours d’Athènes. Cette lettre aussi, comme celle aux Philippiens, est très personnelle et remplie -de sentiments. Saint Paul songe avec joie à son ministère -dans cette Église et il l’exhorte à la persévérance. Il donne aussi des éclaircissements sur le retour du Seigneur que les fidèles croyaient imminent : “ Nous remercions continuellement Dieu pour vous tous quand nous pensons à vous dans nos prières. Inlassablement, nous pensons devant Dieu notre Père à votre foi active, à votre charité dévouée et à votre espérance ferme en Notre Seigneur Jésus-Christ et nous sommes persuadés, frères aimés de Dieu, que vous avez été élus. Car notre prédication de l’Évangile chez vous ne s’est pas faite seulement en paroles, mais en force et dans le Saint-Esprit et dans une grande persuasion. Vous savez comment nous avons paru parmi vous, à cause de vous. Et vous avez été nos imitateurs et ceux du Seigneur, en recevant la parole, au milieu de nombreuses tribulations, avec joie, dans le Saint-Esprit. Ainsi vous avez été un modèle pour tous les fidèles en Macédoine et en Achaïe. Car de chez vous la parole de Dieu s’est répandue non seulement en Macédoine et en Achaïe, mais partout votre foi en Dieu a été manifestée. Nous n’avons pas besoin d’en parler ; car tous racontent, en parlant de nous, l’accueil que nous avons trouvé chez vous et comment vous avez quitté les idoles pour vous convertir à Dieu et pour servir le Dieu vivant et véritable et pour attendre son Fils du ciel, qu’il a ressuscité des morts, Jésus qui nous sauve -du jugement de colère à venir. ” “ Nous sommes entrés parmi vous... avec douceur comme une mère qui soigne ses enfants. Nous nous sentions tellement attirés vers vous que nous vous aurions donné volontiers non seulement l’Évangile mais notre vie, car vous nous étiez devenus très chers. Vous vous souvenez, mes frères, de nos labeurs et de nos fatigues. Jour et nuit nous avons travaillé pour n’être à charge à personne. Ainsi, nous vous avons prêché l’Évangile de Dieu. Vous êtes témoins, et Dieu aussi, avec quelle sainteté, quelle justice, quelle manière irréprochable nous nous sommes comportés avec vous qui avez cru. Vous savez que nous avons été pour chacun de vous comme un père pour ses enfants, vous exhortant, vous consolant et vous adjurant de vous conduire d’une manière digne de Dieu qui vous a appelés à son royaume et à sa gloire. ” “ Mes frères, après avoir été éloignés un certain temps de votre vue, non de votre cœur, nous avions le vif et ardent désir de vous revoir. C’est pourquoi, nous avions fait le projet de venir vers vous moi Paul, même plus d’une fois — mais Satan nous en a empêchés. Car quelle est notre espérance, notre joie, notre couronne devant Notre Seigneur Jésus-Christ à son retour ? N’est-ce pas vous ? Oui, vous êtes notre gloire et notre joie...v

Vendredi (1 Thés IV, 1-12 ; V, 5-25). — Comme un père, saint Paul donne des conseils à sa chère Église : “ Mes frères, nous vous prions et nous vous adjurons, dans le Seigneur Jésus, d’avoir une conduite juste, agréable à Dieu, comme vous l’avez appris de nous : Vous vous conduisez aussi de cette façon, marchez donc de plus en plus dans. cette voie. Vous connaissez les préceptes que nous vous avons donnés, au nom du Seigneur Jésus. Car, telle est la volonté de Dieu : vous devez être saints et vous abstenir de l’impureté... Personne ne doit se permettre d’attaquer ni de circonvenir son frère dans une affaire, car le Seigneur punit tout cela comme nous vous l’avons déjà dit et assuré précédemment. Dieu en effet ne nous a pas appelés à l’impureté mais à la sainteté. Ainsi donc celui qui méprise ces préceptes, ne méprise pas un homme, mais Dieu qui vous a donné son Saint-Esprit. Au sujet de la charité fraternelle, il est inutile que je vous écrive, vous avez appris de Dieu lui-même à vous aimer les uns les autres. Et en effet vous le faites envers tous les frères dans toute la Macédoine. Nous vous prions seulement, chers frères, d’accroître toujours (votre charité). Ayez à cœur de vivre paisiblement, de vous occuper de vos propres affaires et de travailler de vos mains, comme nous vous l’avons recommandé. Conduisez-vous d’une manière honorable vis-à-vis de ceux qui sont du dehors et ne désirez rien de personne... Vous êtes tous enfants de la lumière, enfants du jour. Nous n’appartenons pas à la nuit ni aux ténèbres. Ne dormons donc pas comme les autres, mais veillons et soyons sobres. Celui qui dort, dort pendant la nuit, celui qui est ivre est ivre pendant la nuit. Quant à nous, armons-nous de la cuirasse de la foi et de la charité et du casque de l’espérance et du salut, car Dieu ne nous a pas destinés à la colère, mais à l’acquisition du salut par Notre Seigneur Jésus-Christ, qui est mort pour nous afin que soit que nous veillions, soit que nous dormions, nous vivions avec lui. C’est pourquoi, consolez-vous et édifiez-vous mutuellement comme d’ailleurs vous le faites... Ensuite, nous vous avertissons, chers frères, de reprendre ceux qui sont déréglés, de consoler les pusillanimes, de recevoir les faibles, d’avoir de la patience avec tous. Veillez à ce que personne ne rende le mal pour le mal, veillez plutôt à vous faire du bien mutuellement et à tous. Réjouissez-vous toujours, priez sans cesse. Soyez en toutes choses reconnaissants, car telle est la volonté de Dieu en Jésus-Christ à votre égard à tous. N’éteignez pas l’Esprit, ne dédaignez pas les prophéties ; examinez tout, ce qui est bon gardez-le ; tenez-vous loin du mal sous toutes ses formes. Que le Dieu de paix vous sanctifie en toutes choses. Que votre esprit, votre âme, votre corps se gardent sans tache pour le retour de Notre Seigneur Jésus-Christ. Celui qui vous a appelés est fidèle, il accomplira aussi (sa promesse). ”

Samedi (II Thes. II,1 — III,16). — La seconde Épître aux Thessaloniciens cherche à corriger l’erreur de ceux qui considéraient le retour du Christ comme imminent et stigmatise la conduite déréglée de quelques fidèles : “ Mes frères, en ce qui concerne le retour de Notre Seigneur Jésus-Christ et notre réunion avec lui, ” ne vous laissez pas si vite déconcerter et effrayer, ni par un esprit ni par une conversation ni par une lettre que nous aurions envoyée comme si le jour du Seigneur était imminent. Ne vous laissez égarer par personne et d’aucune manière. Car d’abord doit venir l’apostasie et se manifester l’homme de péché, le fils de la perdition, l’adversaire qui s’élèvera au-dessus de tout ce qui s’appelle Dieu et chose sainte, jusqu’à s’asseoir dans le temple de Dieu et se faire passer pour Dieu. Ne vous souvenez-vous pas que je vous le disais quand j’étais parmi vous ? Et ce qui le retient encore et fait qu’il ne paraîtra qu’en son temps, vous le savez. Sans doute le mystère d’iniquité est déjà à l’œuvre, seulement, il faut d’abord que celui qui le retient disparaisse. Mais le Seigneur Jésus le tuera du souffle de sa bouche, par l’éclat de son avènement, il l’anéantira Il (deux événements doivent donc précéder l’avènement du Christ, l’apostasie et la venue de l’Antéchrist). “ Nous vous ordonnons, chers frères, au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, de vous écarter de tout frère qui a une conduite déréglée et ne s’en tient pas à l’enseignement que vous avez reçu de nous. Vous savez bien comment vous devez nous imiter. Nous n’avons pas mené de vie déréglée parmi vous et nous ne sommes laissé offrir notre pain par personne. Au contraire, nous avons travaillé péniblement jour et nuit afin de n’être à charge à personne. Non pas que nous n’ayons aucun droit à cela, mais pour vous donner un exemple que vous devez suivre. Car quand nous étions parmi vous, nous avons souvent donné ce précepte : Celui qui ne travaille pas ne doit pas manger. Et maintenant nous apprenons que quelques-uns parmi vous mènent une vie déréglée et, au lieu de travailler, s’occupent de vaines bagatelles. A ces gens-là, nous ordonnons expressément, dans le Seigneur Jésus-Christ, de travailler paisiblement pour gagner leur pain. Quant à vous, mes frères, ne vous lassez pas de faire le bien. Que si quelqu’un ne veut pas obéir aux ordres que nous donnons par cette lettre, notez-le et évitez d’avoir des relations avec lui afin qu’il soit confondu. Ne le traitez pas cependant comme un ennemi mais corrigez le comme un frère. ”

CINQUIÈME DIMANCHE

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APRÈS L’ÉPIPHANIE (semi-double)

Le Roi vient comme un Juge sage

La manifestation du divin Roi devant le monde demande aussi qu’il se manifeste dans sa puissance et son action : Il se montre d’abord comme Sauveur (38 dimanche), comme médecin des âmes lépreuses. dans le royaume duquel sont reçus les pécheurs et les Gentils. Il apparaît ensuite comme vainqueur des flots de l’Enfer (48 dimanche). Sa victoire pascale se poursuit dans l’Église et dans l’âme. Enfin il se montre aujourd’hui comme juge sage et patient (58 dimanche). Il laisse croître et mûrir la bonne et la mauvaise semence, Il ne veut pas intervenir violemment, il peut attendre. Ce n’est qu’à la fin du monde qu’aura lieu sa dernière et grande “ Épiphanie ” ; alors tous paraîtront devant son tribunal pour être jugés. Alors le psaume du jugement, le ps. 96 que nous chantons, maintenant, trois fois tous les dimanches (Introït, Alleluia, Communion) se réalisera pleinement.

1. La messe (Adorate Deum). — Nous connaissons déjà les chants psalmodiques. Nous les avons chantés le troisième et le quatrième dimanche. Ils sont caractéristiques du temps après l’Épiphanie : le Seigneur a bâti Sion et y paraît dans sa gloire. L’Oraison voit, dans la société chrétienne, la famille de Dieu. Le rôle continuel de Dieu est de la garder, de la protéger, de la défendre. Cette famille ne s’appuie pas sur ses propres forces, mais uniquement sur la grâce de Dieu. Il faut maintenant que cette prière se réalise à la messe. Notre préparation est la confiance, le fruit du Sacrifice est la protection divine. Les lectures nous montrent deux tableaux opposés de l’Église, un tableau aimable et un tableau sombre. Dans l’Epître, saint Paul nous décrit l’idéal de la vie de l’Église : une communauté de saints, que pare toute une couronne de vertus. La charité y domine en reine et, dans son cortège, on voit la paix du Christ. Saint Paul nous fait entrevoir la vie cultuelle et la vie privée de cette communauté, où la parole de Dieu a toute sa richesse. Nous l’entendons chanter des psaumes et des cantiques spirituels et, chez eux, les fidèles vivent, en tout, au nom de Jésus. L’Évangile nous montre le tableau opposé. Nous voyons encore une communauté chrétienne, mais on y remarque des faiblesses humaines, des péchés et même de graves scandales, de la tiédeur, de l’indifférence, de la jalousie, de la part des chrétiens. Cela nous fait de la peine, mais le Sauveur nous aide à résoudre l’énigme du mal dans l’Église et dans l’âme.

Voici d’après l’Évangile quel sera notre programme de la semaine : pour ce qui nous concerne, nous essayerons de réaliser en nous l’idéal ; pour ce qui concerne les autres, nous apprendrons à imiter la patience de Dieu vis-à-vis du mal et à ne pas nous en scandaliser. L’Évangile nous fait pénétrer dans les mystères du royaume de Dieu et nous montre la croissance mystérieuse et souvent inexplicable du royaume de Dieu dans l’Église et dans l’âme. Ce mystère est la permanence du mal dans l’Église. Le mal est la semence du démon, il peut et doit se développer librement et parvenir à maturité. La liberté est accordée sur la terre au bien et au mal. Le mal lui-même a un rôle à jouer dans le plan de Dieu : il doit purifier le bien, éprouver sa fermeté, il est dans la main de Dieu une férule pour le bien. A proprement parler, il ne peut pas nuire au royaume de Dieu et c’est là une consolation pour nous quand nous voyons tant de mal sur la terre. Appliquons aussi l’Évangile à notre âme. Le divin semeur jette aujourd’hui, dans notre âme, le bon grain de l’Eucharistie ; ce grain doit lever dans la semaine. Sans doute, dans la semaine, le démon sèmera aussi son ivraie parmi ce bon grain. Mais il faut que, par notre pénitence, nous détruisions l’ivraie. Que le Sacrifice d’aujourd’hui, le Sacrifice de la “ réconciliation ” fasse disparaître cette ivraie et raffermisse nos “ cœurs chancelants ” (Secrète). L’Eucharistie est le “ gage ” de l’accomplissement de notre salut. Pour employer le symbole de l’Évangile, le divin moissonneur rentre déjà nos gerbes mûres dans les greniers célestes.

2. Le Psaume directeur 96. — Aux Matines de l’Épiphanie, nous avons vu, pendant toute une semaine, la manifestation du Christ devant le monde, dans le tableau que nous donne ce psaume et, les dimanches après l’Épiphanie, ce psaume est chanté à trois reprises à la messe (Intr. Grad. Comm.) pour rendre hommage au divin Roi qui fait une visite festivale dans sa ville. Il convient donc que nous essayions de connaître plus à fond ce psaume :

I. Apparition de Dieu.

Le Seigneur est Roi, que la terre jubile,

Que se réjouissent les nombreuses îles.

Voici que les nuées sombres sont son manteau,

Le droit et la justice sont les soutiens de son trône.

Le feu marche devant lui

Et dévore à la ronde ses ennemis.

Ses éclairs illuminent la terre,

La terre le voit et tremble.

Comme de la cire s’écoulent devant le Seigneur les montagnes,

Toute la terre, devant la face du Seigneur.

Le ciel annonce sa justice

Et tous les peuples contemplent sa majesté.

II. Le jugement.

Là se tiennent confondus les adorateurs d’idoles

Qui se font gloire de leurs vains simulacres ;

Adorez-le, vous qui êtes ses anges. Sion entend et se réjouit ;

Les filles de Juda tressaillent,

A cause de ton jugement, Seigneur.

Car toi, Seigneur, tu es le plus haut sur toute la terre,

Élevé bien haut au-dessus de tous les princes.

Vous qui aimez Dieu, haïssez le mal,

Les âmes de ses saints, Dieu les garde,

Il les délivre de la main des pécheurs.

La lumière se lève sur les justes

Et la joie sur ceux qui ont le cœur droit.

Ainsi vous qui êtes justes, réjouissez-vous dans le Seigneur

Et louez mon saint nom.

Le psaume appartient à la série des psaumes royaux (92, 94-98) qui chantent le Dieu qui a fait alliance avec Israël comme le Roi du monde entier et le vainqueur des Gentils. Quelques-uns de ces psaumes commencent par l’acclamation : le Seigneur est Roi (Dominus regnavit).

Dans notre psaume, l’avènement messianique est représenté sous l’aspect, cher au psalmiste, d’un orage, terrible et dévorant pour les méchants, purifiant et rafraîchissant pour les bons. Ce cantique énergique est divisé en deux strophes de plan assez semblable. La première strophe décrit l’apparition de Dieu pour le jugement, la seconde décrit le jugement lui-même.

Ce qu’Israël, aveuglé en partie par des préjugés nationalistes, n’a vu qu’obscurément, le Christ en a fait pour nous une réalité. Le Dieu de l’alliance qui doit venir, recouvert du manteau de l’orage, pour juger le monde, c’est Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. Sans doute, extérieurement, il paraît vêtu du manteau de l’humilité, mais, en réalité, il est “ le plus fort ” ; il est venu dans le monde pour vaincre le “ fort ”. le prince de ce monde et, avec lui, les idoles et les idolâtres. Les Juifs attendaient la venue du Messie, pour juger, pour anéantir les nations et pour établir la domination d’Israël sur le monde. Comme les choses se sont passées différemment ! Le Christ est bien venu pour juger, mais d’une toute autre manière. Le jugement messianique, chacun l’exécute en soi-même : “ celui qui croit en lui ne sera pas jugé, mais celui qui ne croit pas est déjà jugé (Jean III, 18). Maintenant, dans le temps qui suit l’Épiphanie, nous avons l’hôte divin dans nos murs, c’est pourquoi notre âme est toujours joyeuse et les “ nombreuses îles ” elles-mêmes se réjouissent (ce sont les Gentils, dont les Mages furent les prémices). La venue du Seigneur est la préparation de son dernier avènement “ en grande puissance et gloire ” pour l’effroi des méchants et la joie des “ filles de Sion ” (c’est-à-dire des enfants de l’Église) ; à la messe, il est environné de ses anges et, à la communion, ” il garde les âmes de ses saints et les délivre de la main des pécheurs. ”

3. Lecture d’Écriture (1. Tim. 1, 1-16). — Saint Paul a écrit trois Épître$ à ses disciples préférés. deux à Timothée et une à Tite. Comme ces lettres contiennent surtout des avis sur les devoirs des pasteurs d’âmes, on les appelle volontiers les Épîtres pastorales. Elles sont d’abord pour les prêtres un guide précieux dans la direction des âmes, mais tous les chrétiens appelés à l’apostolat laïc, peuvent trouver, dans ces Épîtres, d’édifiantes leçons. Elles nous font connaître aussi la tendresse humaine de l’Apôtre et son amour surnaturel pour ses chers disciples.

Je rends grâces à Notre Seigneur Jésus-Christ qui m’a donné la force, de ce qu’il m’a jugé fidèle et m’a destiné à son ministère, moi qui jadis étais un blasphémateur, un persécuteur et un insulteur. Mais j’ai trouvé la miséricorde de Dieu, parce que j’agissais sans savoir, dans l’incrédulité. Or la grâce de Notre-Seigneur a surabondé en moi, avec la foi et l’amour dans le Christ Jésus. Sûre et digne de toute créance est la parole : le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs dont je suis le premier. Mais j’ai obtenu miséricorde, afin que, d’abord en moi, Jésus-Christ montrât sa patience. Je devais être un exemple pour ceux qui croiront en lui et parviendront à la vie éternelle. A lui, le Roi des siècles, l’Immortel, l’Invisible, le seul Dieu soit honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen. ” “ Avant toutes choses j’insiste pour qu’on fasse des supplications, des invocations, des prières pour tous les hommes, pour les rois et toutes les autorités, afin qu’ils mènent une vie tranquille et paisible en toute piété et chasteté. Ceci en effet est bon et agréable devant Dieu notre Sauveur qui veut que tous les hommes soient, sauvés et parviennent à la reconnaissance de la vérité. Car il n’y a qu’un Dieu et un seul médiateur entre Dieu et les hommes : l’Homme, le Christ Jésus. Il s’est donné lui-même comme rançon pour tous les hommes et cela a été connu en son temps. C’est pourquoi j’ai été établi prédicateur et Apôtre — je dis la vérité, je ne mens pas — comme docteur des Gentils dans la foi et la vérité. ”

4. Le péché. — C’est la pensée essentielle de ce dimanche. Quel rôle joue le péché dans le royaume de Dieu ? Comment les textes liturgiques traitent-ils le péché ? Si nous feuilletons le missel et si nous examinons les lectures (Épîtres et Évangiles) de l’année, nous n’entendrons que très rarement parler du péché. Même dans les messes de Carême, l’Église parle peu du péché. En dehors du Carême, il n’y a peut-être que trois dimanches dans lequel l’Église fasse un exposé un peu plus long sur le péché. Ce sont : le dimanche d’aujourd’hui, le quatrième dimanche après la Pentecôte, où il est question de l’amour de Dieu qui va à la recherche du pécheur et le neuvième dimanche, qui traite de l’enfer. C’est là la première notion du péché que nous puisons dans la liturgie. La liturgie aime peu parler du péché et elle ne le fait que rarement. Elle veut justement élever les chrétiens ; elle veut être l’Évangile, c’est-à-dire la bonne nouvelle ; elle aime donc mieux parler du bien, des biens et des trésors de l’Église.

La liturgie suit l’exemple du Seigneur, qui, lui non plus, n’aimait pas parler du péché. Certes il ne prend pas le péché à la légère, il est mort pour le péché ; mais ; il ne fait pas beaucoup de bruit à propos de chaque péché particulier. Dès qu’il voit que le péché a été exclu de la volonté humaine, il n’existe plus pour lui : “ Je ne te condamnerai pas, ne pèche plus. ” C’est la !g seule parole qu’il adresse à la femme adultère. Et nous le voyons toujours faire preuve de douceur envers les pécheurs ; par ex. : envers la Samaritaine, le bon larron, sur la croix, la Madeleine. Cette douceur apparaît sous son jour le plus beau dans la parabole de l’Enfant prodigue. Le Seigneur n’a pas de rancune pour le péché, tout est oublié dès que le repentir a chassé le péché du cœur.

Agissons de même. Ne voyons dans les hommes que ce qu’il y a de bon et fermons les yeux sur leurs défauts et leurs faiblesses et surtout ne les menaçons pas de châtiments et d’enfer. Aimons à trouver des excuses pour les faiblesses des hommes. “ Ils ne savent pas ce qu’ils font. ” A quoi bon se lamenter sur les péchés du monde actuel ? Que nous sert-il de lancer l’interdit contre les adversaires de notre foi ? Cela ne fait qu’élargir le fossé entre eux et nous. N’y a-t-il pas du bon, même chez nos adversaires ? Ceci nous fait apercevoir immédiatement une différence profonde entre la piété liturgique (objective) et la piété moderne (subjective). Cette dernière part de l’homme, examine particulièrement les actions des hommes et, par suite, s’occupe beaucoup du péché. On peut dire que toute son attention tend à éviter le péché. Ces chrétiens ressemblent à ces hommes méticuleux qui passent toute leur journée à faire disparaître de leurs vêtements la moindre trace de poussière. “ Pourvu qu’il n’y ait pas de péché !”, c’est leur devise. Dominés par la conscience du péché, ces gens n’arrivent jamais à la vraie joie du christianisme. Leur piété consiste en examens de conscience, en examens particuliers, en inscriptions de manquements, en gains d’indulgences, en confessions, en retraites, en récollections. Ils sont incapables d’arriver à un travail positif dans leur vie religieuse.

Que fait la piété liturgique ? Elle part de Dieu. Elle sait que, malgré nos défauts et nos faiblesses, Dieu nous a élus et choisis et nous a donné la grâce. Or il s’agit d’ouvrir son cœur tout grand à la grâce. La vie doit croître et se nourrir. Là où il y a la vie, il y a joie, mouvement, santé. C’est là un travail positif. La piété liturgique garde davantage “ ce qui est en haut ”. Certes elle ne prend pas le péché à la légère. Le péché est justement une maladie, un danger pour la vie divine. Ce serait insensé de ne pas tenir compte de la maladie ; il faut se procurer des remèdes. Mais que, comme un neurasthénique, on pense continuellement à la maladie, au risque d’empoisonner sa vie, cela ne peut pas être la volonté du Créateur. Jouissons de la vie, j’entends la vie divine ; nourrissons-la du pain céleste ; faisons-lui porter des fleurs et des fruits par les bonnes œuvres, tel est le résumé de la piété liturgique.

Assurément il y a des temps où nous devons penser aux maladies et à leur guérison. Mais ces temps sont les plus rares de l’année et de la vie. Ayons l’impression que nous sommes des hommes rachetés du péché. Aujourd’hui cependant l’Église nous dit quelques paroles très importantes sur le péché : 1. Le péché est. une semence du diable. Le diable est toujours en jeu. Sur la terre, c’est toujours un maître puissant ; ne sous-estimons pas sa force. 2. Sur la terre, nous avons la liberté pour le bien et le mal. Le péché lui aussi peut se répandre. C’est un fait avec lequel il nous faut compter. 3. Ce n’est qu’à la fin qu’il y aura une sanction juste. Alors le péché non expié recevra son châtiment. Quel calme et quelle certitude ne nous donne pas l’Évangile de ce dimanche !

LECTURE D’ÉCRITURE DANS LA SEMAINE QUI SUIT LE CINQUIÈME DIMANCHE

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APRÈS L’ÉPIPHANIE

Lundi (1. Tim. III, 1-IV, 1). — Dans la seconde partie de l’Épître, saint Paul donne des conseils aux divers états, aux hommes et aux femmes (II, 8-15),. aux prêtres et aux diacres (chap. III), aux diaconesses et aux veuves (chap. VI), aux maîtres et aux esclaves (chap. VI). “ Je t’écris ceci, dans l’espoir de venir bientôt vers toi. Au cas où ma venue tarderait, tu dois savoir comment on doit se comporter dans la maison de Dieu. C’est en effet l’Eglise du Dieu vivant, la colonne et le fondement de la vérité. Et manifestement grand est le mystère de la piété :

Il est paru dans la chair

Accrédité par son Esprit,

Manifesté aux anges,

Annoncé aux peuples,

Reçu dans la gloire. ”

La piété est une source importante de gain, quand elle est jointe à la modération. Nous n’avons en effet rien apporté dans le monde et nous n’en emporterons rien. Si nous avons de quoi nous nourrir et nous vêtir, contentons-nous en. Car ceux qui veulent être m riches tombent dans la tentation et les pièges du démon et dans de nombreux désirs inutiles et nuisibles qui précipitent l’homme dans la perdition et la ruine. Car la racine de tout mal est l’amour de l’argent ; beaucoup déjà qui s’y sont adonnés ont erré loin de la foi et se sont fait beaucoup de mal. Pour toi, homme de Dieu, fuis ces choses, mais efforce-toi d’acquérir la justice, la piété, la foi, la charité, la patience et la mansuétude. Combats le bon combat de la foi, atteins la vie éternelle pour laquelle tu as été appelé et pour laquelle tu as fait une belle profession de foi devant de nombreux témoins. Je te l’ordonne devant Dieu qui donne la vie à tout et devant Jésus-Christ qui a rendu témoignage devant Ponce-Pilate : observe le commandement sans faute et sans blâme jusqu’à l’avènement de Notre Seigneur Jésus-Christ que manifestera en son temps le seul bienheureux et puissant, le Roi des rois et le Seigneur des Seigneurs, qui seul possède l’immortalité et habite une lumière inaccessible qu’aucun homme n’a jamais vu ni ne peut voir : à lui soit honneur et puissance éternelle. Amen ” (VI, 6-17).

Mardi (II. Tim. l, 1-13). — La seconde Épître à Timothée est sans doute la dernière lettre que l’Apôtre ait écrite avant sa mort. Vers 66, l’Apôtre vint à Rome. Il y fut bientôt jeté en prison et cette captivité fut plus dure que la première. Saint Paul écrit cette lettre de sa prison, pour demander à son disciple chéri de venir le trouver avant l’hiver. Cette lettre est remplie de pressentiments de mort. L’Apôtre souffrit en effet le martyre en 67. Cette Épître est son chant du cygne :

Je rends grâces à Dieu que je sers ainsi que mes ancêtres, dans une conscience pure, en faisant continuellement mémoire de toi dans mes prières, nuit et jour. Je pense à tes larmes et j’ai le désir de te voir pour être rempli de joie. Car j’ai le souvenir de ta foi sincère qui animait déjà ta grand’mère Loïs et ta mère Eunice et qui, j’en suis certain, t’anime toi aussi. C’est pourquoi, je t’exhorte à ranimer la grâce de Dieu qui est en toi par l’imposition de mes mains. Car Dieu ne nous a pas donné l’esprit de crainte, mais l’esprit de force, d’amour et de modération. Ne rougis donc pas du témoignage à rendre à Notre-Seigneur ni de moi son prisonnier, mais prends part à mes souffrances pour l’Évangile dans la force de Dieu. Il nous a délivrés et appelés de sa vocation sainte. Cela, il ne l’a pas fait à cause de nos œuvres, mais selon son dessein et la grâce qui nous a été donnée dans le Christ Jésus, avant le commencement des siècles et maintenant a été manifestée par l’apparition de Notre Sauveur Jésus-Christ, lequel a surmonté la mort et a fait briller la vie et l’immortalité par l’Évangile, c’est pour cela que j’ai été établi prédicateur et Apôtre et maître des Gentils... Comme un bon soldat du Christ Jésus, supporte les peines. Aucun soldat de Dieu ne s’adonne aux affaires temporelles, afin de plaire à celui qui l’a enrôlé. Celui qui combat dans l’arène ne reçoit la couronne que s’il a combattu selon les règles. Le laboureur qui peine a droit le premier aux fruits. Comprends bien ce que je veux dire : le Seigneur te donnera l’intelligence pour tout. Songe que le Seigneur Jésus-Christ, le rejeton de David, est ressuscité des morts : tel est mon Évangile pour lequel je souffre et suis emprisonné comme un malfaiteur ; mais la parole de Dieu ne se laisse pas enchaîner. C’est pourquoi je supporte tout à cause des élus, afin qu’ils obtiennent le salut qui est dans le Christ Jésus ainsi que la gloire éternelle. Certaine est la parole : si nous sommes morts avec lui, nous vivrons avec lui, si nous supportons avec lui, nous régnerons avec lui. Mais si nous le renions, il nous reniera aussi ; si nous sommes infidèles, il demeure fidèle, il ne peut pas se renier lui-même. ”

Mercredi (II Tim. III, 1-13). — Saint Paul exhorte son disciple à l’endurance : “ Tu as pris comme ligne de conduite ma doctrine, ma conduite, mes desseins, ma foi, ma longanimité, mon amour, ma patience, mes persécutions, mes souffrances, telles que celles auxquelles j’ai été en butte à Iconium et à Lystres. Quelles persécutions n’ai-je pas éprouvées, mais de toutes le Seigneur m’a sauvé. De même, tous ceux qui veulent vivre pieusement dans le Christ Jésus doivent souffrir des persécutions. Mais les méchants et les séducteurs iront de pire en pire, ils s’égarent et ils égarent. Pour toi, tiens t’en à ce que tu as appris et dont tu t’es persuadé ; tu sais de qui tu l’as appris et que depuis ton enfance tu es familiarisé avec les Écritures qui peuvent t’instruire, pour le salut, par la foi en Jésus-Christ. Car toute Écriture inspirée de Dieu est utile pour l’enseignement et la correction, pour l’amendement et l’éducation dans la justice. Ainsi l’homme de Dieu est parfait, équipé pour toute bonne œuvre... ” Saint Paul a des pressentiments de mort. “ Je suis près d’être immolé, le temps de ma dissolution est imminent. J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai conservé ma foi, maintenant est mise de côté pour moi la couronne de justice que le Seigneur, le juste juge, m’accordera en ce jour et non seulement à moi mais à tous ceux qui saluent son avènement. ”

Jeudi (Tit. l, 1-15). — La Lettre à Tite est la troisième des Épîtres dites pastorales. Au sujet de Tite, nous parlerons plus en détaille 6 février. L’Apôtre a composé cette lettre vers l’an 65, entre ses deux captivités. Cette brève lettre contient quelques passages classiques sur la Rédemption et la grâce : “ Paul, serviteur de Dieu et Apôtre de Jésus-Christ, pour communiquer aux élus de Dieu la foi et la connaissance de la vérité (religieuse) qui conduit à l’espérance de la :vie éternelle qu’a promise le Dieu qui ne ment pas, avant les temps les plus anciens. Or, en son temps, il a manifesté sa parole par la prédication dont j’ai reçu la charge de Dieu notre Sauveur. A Tite son fils chéri selon la foi commune. Grâce et paix de Dieu notre Père et de notre Sauveur Jésus-Christ. Je t’ai laissé en Crète pour que tu mettes en ordre ce qui est encore défectueux et que, dans chaque ville, tu établisses des Anciens, comme je t’en ai chargé. Il faut qu’un Ancien soit sans reproche, n’ait été marié qu’une fois, n’ait que des enfants fidèles qui n’aient pas une renommée de débauchés et ne soient pas indociles. Car un évêque, en tant qu’administrateur de la maison de Dieu, doit être sans blâme, il ne doit pas être orgueilleux, coléreux, adonné au vin, violent, avide de gains honteux, mais hospitalier, bienveillant, sobre, juste, pieux, continent. Il doit s’attacher à la parole sûre de la doctrine qui lui a été enseignée, alors il sera capable d’instruire dans la doctrine saine et de réfuter les contradicteurs... Quant à toi, prêche ce qui est conforme à la saine doctrine : recommande aux vieillards d’être sobres, chastes, prudents, sains dans la foi, la charité et la patience ; aux vieilles femmes de se conduire comme il convient aux saints, sans être calomnieuses, sans s’adonner au vin ; qu’elles donnent de bons enseignements, afin d’apprendre aux jeunes femmes à aimer leurs maris et leurs enfants, à être prudentes, chastes, sobres, ayant soin de leur maison, bienveillantes, soumises chacune à son mari, afin que la parole de Dieu ne soit exposée au blâme. Instruis aussi les jeunes gens à avoir une conduite réservée. En toutes choses montre-toi toi-même comme l’exemple des bonnes œuvres ; dans ton enseignement, mets de l’intégrité et de la gravité ; que chaque parole soit pure, inattaquable. Alors l’adversaire sera confondu et n’aura rien à dire contre nous. Apprends aux esclaves à être soumis à leurs maîtres, à leur plaire en tout, sans les contredire ; qu’ils ne cherchent pas à être infidèles mais qu’ils montrent en tout une fidélité parfaite, afin qu’ils fassent, en tout, honneur à la doctrine de Dieu notre Sauveur. A tous les hommes, en effet, s’est manifestée la grâce de notre divin Sauveur. Elle nous porte à renoncer à l’impiété et aux désirs mondains, pour vivre avec sobriété, justice et piété, dans ce monde. Nous attendons dans l’espérance bienheureuse l’apparition de la gloire de notre grand Sauveur Jésus-Christ qui s’est livré pour nous afin de nous racheter de toute iniquité et de se faire un peuple pur, zélé pour les bonnes œuvres” (Nous entendons la dernière partie à la première messe de Noël.)

Vendredi (Tit. II, 15-III, II). -Nous continuons la lecture de l’Épître à Tite : “ Prêche ainsi, exhorte et reprends avec toute autorité. Personne ne doit te mépriser. Avertis-les d’être soumis aux autorités, d’être obéissants et prêts à toute bonne œuvre. Que personne n’injurie, ne soit querelleur, mais qu’ils soient condescendants et très doux à l’égard de tous les hommes. Autrefois nous étions nous aussi insensés et indociles, nous étions dans l’erreur nous laissant aller à toutes sortes de désirs et de passions, nous vivions dans la malice et l’envie — objet de haine et réciproquement haineux. Alors se manifesta la bonté et l’humanité de notre divin Sauveur qui nous apporta :le salut, non par suite des œuvres de justice que nous avons faites, mais d’après sa miséricorde, par le bain ode la régénération, et du renouvellement, par le Saint-Esprit dont il a fait en nous une effusion abondante, par notre Sauveur Jésus-Christ, afin que nous soyons justifiés par sa grâce et devenions les héritiers de la vie éternelle que nous espérons. Vraie est cette parole et je veux que tu gardes fermement ces enseignements, afin que ceux qui par la foi sont arrivés à Dieu s"appliquent avec zèle aux bonnes œuvres. Cela est bon et utile pour les hommes. ”

Samedi (Philémon). — Nous lisons aujourd’hui la plus courte des lettres de saint Paul. Le contenu d’ailleurs est sans importance : c’est une lettre privée, une lettre de recommandation pour un esclave fugitif. Et pourtant cette lettre est un document hors pair de la charité chrétienne et du tact délicat. C’est un modèle de la vraie lettre sacerdotale et, en même temps, une preuve touchante que la mission universelle de saint Paul ne lui faisait pas oublier les âmes particulières. Un esclave, Onésime, s’était enfui de chez son maître, Philémon, un industriel chrétien très en vue, de Colosses. Cet esclave vint à Rome et saint Paul le convertit au christianisme. Maintenant, saint Paul qui est en captivité pour la première fois, le renvoie à son maître, avec une lettre. Ce cas touche à la question capitale du christianisme primitif : l’esclavage. Saint Paul la résout chrétiennement. Il respecte le droit du maître, mais il fait appel à sa charité chrétienne. Il est admirable de voir la manière calme et sûre dont saint Paul propose sa demande. “ J’ai trouvé beaucoup de joie et de consolation dans ta charité, car en toi, mon frère, se sont ranimés les cœurs des. saints. Sans doute j’aurais tout droit dans le Christ : de te commander ce qui est ton devoir. Mais à cause de ta charité, je préfère te prier. Moi Paul, vieux : comme je suis et, de plus, maintenant prisonnier pour le Christ, je te prie pour mon fils à qui j’ai donné la vie dans mes chaînes, pour Onésime. Autrefois il t’était inutile, maintenant il est pour toi et pour moi d’une grande utilité. Je te le renvoie, reçois-le comme : s’il était mon propre cœur. Je l’aurais volontiers gardé" pour qu’il me serve à ta place dans ma captivité pour l’Évangile. Cependant je n’ai rien voulu faire sans que tu sois d’accord, afin que le bien que tu fais ne soit pas fait par force mais librement. Peut-être s’est-il séparé de toi, pour un temps, afin que tu le reçoives éternellement, non comme un esclave mais comme un frère. Il l’a été pour moi dans une large mesure, combien ne le sera-t-il pas davantage pour toi, auquel il appartient, tant dans son corps que dans le Seigneur. Si donc tu m’es attaché, reçois le comme moi-même. S’il t’a causé du dommage ou qu’il te doive quelque chose. inscris-le à mon compte. Moi Paul, je té l’écris de ma. propre main ; je le paierai, pour ne pas dire que tu es mon débiteur et même de ta propre personne. Oui. mon frère, je voudrais tirer utilité de toi dans le Seigneur, prépare à mon cœur une joie dans le Christ. ”

Comme conclusion pratique prenons cette résolution pour notre vie : que nos lettres, à nous aussi, soient débarrassées des vaines phrases et des mensonges, qu’elles soient remplies de tact, de politesse, de charité chrétienne. Soyons chrétiens non seulement à l’église, mais encore dans nos lettres. Quel bien ne fait pas, dans la joie et la peine, une lettre écrite avec un cœur chaud !

SIXIÈME DIMANCHE

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APRÈS L’ÉPIPHANIE (semi double)

Le royaume de Dieu grandit intérieurement et extérieurement

Le dernier dimanche du cycle de Noël ! Nous arrivons au terme du développement des pensées de ce temps. L’Église voulait nous montrer la fondation du royaume de Dieu par le divin Roi Jésus-Christ. Pendant l’Avent, nous avons préparé sa venue ; à Noël, le Roi est venu ; à l’Épiphanie, il est paru dans sa gloire et a exercé ses premiers droits et ses premiers devoirs de souverain. Dans les dimanches après l’Épiphanie, nous voyons l’organisation du royaume de Dieu : le Christ comme Sauveur (3e dimanche), comme Vainqueur(4e dimanche), comme Juge (Se dimanche). Aujourd’hui, nous contemplons le développement de son royaume dans les âmes et à l’extérieur — dans la double parabole du grain de sénevé et du levain.

1. La messe (Adorate Deum). — Une dernière fois nous chantons, dans les chants psalmodiques, le Roi qui “ a bâti Sion et est paru dans sa ville ”, qui est “ adoré des anges et entouré des filles de Sion qui tressaillent de joie ”. Mais nous nous demandons quelles sont les pensées maîtresses de ce dimanche. Jusqu’ici nous avons considéré le Roi dans ses diverses fonctions, comme Sauveur, comme Vainqueur, comme Juge patient ; l’Église nous montre aujourd’hui l’accroissement progressif, organique et incessant du royaume de Dieu. Malgré les ennemis intérieurs et extérieurs (4e et Se dimanches), le royaume de Dieu grandit extérieurement comme le sénevé ; parti d’un petit commencement, il devient un grand arbre et les peuples sont les oiseaux qui habitent ses branches ; intérieurement, la vie divine portée par le dogme et la morale du christianisme pénètre tout l’homme, comme le levain pénètre la pâte et fait grandir l’Église.

Dans l’Épître, l’Église notre Mère, nous montre le tableau d’une communauté chrétienne privilégiée, mais aussi d’un pasteur idéal. Nous voyons là, pratiquement, ce que signifient les deux paraboles du grain de sénevé et du levain. A la fin du temps de Noël, faisons un examen de. conscience et demandons-nous si nous méritons, nous aussi, les éloges de notre Mère l’Église : “ Nous remercions Dieu continuellement pour vous tous... Nous songeons à votre foi active, à votre amour dévoué, à votre espérance constante... ” Où en sont chez nous les trois vertus théologales ? Est-ce que l’Évangile, que la sainte liturgie nous fait entendre tous les jours, nous est apparu dans sa force et dans la plénitude du Saint-Esprit ? Sommes-nous, nous aussi, “ un modèle pour tous les fidèles ” ? Songeons que l’Évangile devient une réalité à la messe. Le grain de sénevé est le Sauveur lui-même qui, descendu dans le monde, dans son Église, croît et devient un arbre ; c’est aussi l’Eucharistie qui, descendue comme une divine semence dans le sol de l’âme, doit croître dans la vie chrétienne et devenir un arbre. Le Sauveur est aussi le levain, que la femme, la sainte Église, prend et mélange à toute la pâte, c’est-à-dire aux cœurs de tous les chrétiens pour qu’il les fasse tous lever et devenir semblables à lui. C’est là le rôle de l’Eucharistie. Ce n’est pas un sénevé ni un pain déjà levé, c’est une petite graine, un levain. C’est une force et une grâce qui ne devient efficace que par la coopération de la volonté humaine. Puisse le Saint-Sacrifice d’aujourd’hui avoir en nous une action “ purifiante, rénovatrice, directrice et protectrice ” (Secr.).

Les antiennes du commencement et de la fin du jour chantent les deux paraboles de l’Évangile :

Le royaume des cieux est semblable au grain de sénevé qui est la plus petite de toutes les semences ; mais, quand il a grandi, il est plus grand que tous les autres légumes ” (Ant. Ben.).

Le royaume des cieux est semblable à un levain que prend une femme et qu’elle mêle à trois mesures de farine jusqu’à ce que le tout soit levé ” (Ant. Magn.).

2. Les deux paraboles. — Examinons de plus près ces deux paraboles. Dans la première parabole, Notre Seigneur compare le royaume des cieux au grain de sénevé. Voici ce qu’il dit de ce grain : il est semé dans les champs ou dans les jardins, c’est une toute petite graine, plus petite que toutes les semences de légumes. Cette plante est une légumineuse du genre des choux, et annuelle ; elle pousse rapidement, devient presque semblable à un arbre et donne de grandes branches, sur lesquelles se posent les oiseaux. C’est la plante à moutarde cultivée aussi dans nos régions et dont on retire la moutarde comestible et la moutarde médicinale. La petitesse de la graine était proverbiale chez les Juifs. Les oiseaux aiment beaucoup la graine de moutarde et volent par bandes sur les branches pour picoter les petits grains noirs qui se trouvent dans les gousses mûres. L’image est claire, maintenant vient l’explication.

a) La parabole du grain de sénevé. Quel enseignement Notre Seigneur veut-il donner par là à ses disciples et à nous ? Il veut encore dévoiler un mystère du royaume de Dieu et faire disparaître un doute. Notre Seigneur dit aux Apôtres : la masse du peuple, y compris les Pharisiens, n’appartiendra pas au royaume de Dieu. Il n’y aura donc que la petite troupe des Apôtres et des disciples ? Ce sera là tout le royaume de Dieu ? Cela ne devait-il pas être une déception pour les disciples ? Par ailleurs, ils avaient lu dans les Prophètes que le royaume de Dieu s’étendrait sur toute la terre. Alors Jésus leur donne le grand enseignement qui les consolera. Le royaume de Dieu aura de petits commencements, mais il se répandra rapidement à travers le monde entier. Il y a donc deux pensées principales dans la parabole : 1. Le petit grain de sénevé signifie les commencements faibles et peu apparents du christianisme. 2. La croissance rapide et la grandeur de la plante signifient la diffusion rapide de l’Église sur toute la terre.

1. Les faibles commencements. — Le Sauveur nous met sous les yeux, dans cette simple image de la nature, une des lois fondamentales de son royaume qui est entièrement opposée à l’attente des Juifs. Cette loi domine et pénètre tout le christianisme, dans les grandes et les petites choses.

Elle s’est accomplie d’abord dans la vie du Christ lui-même. Petit enfant, couché sur la rude paille de l’étable de Bethléem, il a annoncé au monde son programme royal, auquel il s’est tenu aussi pendant toute sa vie. C’est ce programme qu’il proclame au début de son sermon sur la montagne : Heureux les pauvres, heureux les petits, heureux les enfants déshérités de la terre ; à eux appartient le royaume des cieux. Une autre fois, il remercie son Père de ce qu’il a caché les mystères du royaume de Dieu aux sages et aux prudents et les a révélés aux petits. Et c’est également dans la petitesse qu’il a continué son pèlerinage sur la terre. Dans sa mort sur la Croix, il disparaît totalement, il “ s’est anéanti ”, selon l’expression de saint Paul. Oui, sur la montagne du Calvaire, il a enfoui dans la terre la petite graine de sénevé et l’a arrosée de son sang.

Sa destinée est aussi celle de l’Église, son corps mystique. Petits et humbles, méprisables aux yeux du monde, devaient être ses débuts. C’est un pauvre petit troupeau que le céleste berger avait rassemblé, mais il peut lui dire avec confiance : “ Ne craignez pas, petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner le royaume. ” Et il en a toujours été ainsi. Partout et toujours, les débuts de l’Église sont petits. Les grands et les riches du monde la méprisent ; les petits, les aveugles et les paralytiques sont ses premiers adeptes.

Même dans la vie des particuliers, doit s’accomplir la parabole. Chacun doit commencer par l’humilité et l’abaissement, être petit. L’homme doit descendre de son trône, il doit se baisser, s’il veut entrer par la porte étroite du royaume de Dieu.

2. La croissance rapide. — Cependant la petite graine devient vite une grande plante. C’est une image de l’extension rapide de l’Église. Le christianisme s’est développé comme le grain de sénevé. Il ne lui fallut que peu de temps pour se répandre dans tout l’empire romain. Il suffit de lire l’histoire des Apôtres, pour se rendre compte de cette croissance du grain de sénevé. Dès le jour de la Pentecôte, des milliers de convertis sont baptisés. Bientôt, l’Apôtre des nations commence son ministère et porte l’Évangile jusqu’en Europe ; de ville en ville, il fonde des communautés chrétiennes. Dès la fin du premier siècle, il n’y a pas une ville dans l’empire romain où le christianisme n’ait pénétré. Les empereurs romains mirent tout en œuvre pour étouffer le christianisme dans le sang de ses enfants, mais en vain. Le sang des martyrs était une semence de chrétiens. En l’an 312, l’empereur Constantin dut donner la liberté à l’Église. Le paganisme était vaincu, sans épée, sans argent, par la seule force de l’amour, de la foi et de la vie des chrétiens. Ainsi la petite graine du Golgotha est devenue un grand arbre qui étend ses branches sur toute la terre. Les oiseaux du ciel qui habitent ses branches sont les peuples qui se hâtent d’entrer dans l’Église et reposent à son ombre.

Cette parabole nous fournit une méditation saisissante aussi bien au début qu’à la fin de l’année liturgique, au début où nous voyons croître la petite graine et à la fin où nous contemplons en esprit la fin du monde. Et à tous, elle nous donne une grande leçon : Devenez petits et vous serez grands.

b) La parabole du levain

Les deux paraboles forment un tout, elles se complètent. La première traite de l’accroissement extérieur, la seconde de la force et de l’action intérieures du royaume de Dieu. La première se rapporte davantage au royaume de Dieu en grand, à l’Église, la seconde considère surtout le royaume de Dieu en petit, dans l’âme.

Examinons la parabole en détail. Le levain fut en usage de très bonne heure chez les Juifs. Au moment de la sortie d’Égypte, il est déjà question de levain. Les Juifs faisaient le pain tous les jours. La fabrication du pain est encore, dans nos campagnes, un travail. de femmes. Elles mélangent le levain à la pâte et il en faut une toute petite quantité pour faire lever toute la ma ;se de farine.

Venons-en maintenant à l’interprétation. De même que le petit grain de sénevé renferme en lui une force capable de le faire devenir un grand arbre, de même la toute petite quantité de levain renferme assez de force pour faire lever toute une masse de pâte. Cette parabole représente donc, elle aussi, le développement du royaume du Christ, qui, parti de faibles débuts, a atteint une imposante grandeur. Cependant cette parabole a encore une. signification particulière. L’action du levain est cachée à l’intérieur de la masse de pâte. La parabole veut donc nous montrer la pénétration universelle de l’action du royaume de Dieu, dans l’âme et dans le monde. Le christianisme, dès son apparition, a profondément modifié toutes les situations de la vie humaine, dans l’individu, dans la famille, dans l’État. Le christianisme a vraiment été un levain qui a “ renouvelé la face de la terre ”. Il constitue la plus grande révolution morale de l’histoire. De cet aspect du christianisme, cette simple parabole nous donne une image d’une grande beauté évocatrice.

Il ne serait pas difficile de montrer par des exemples comment le christianisme a transformé le monde. Songeons seulement à l’esclavage. C’est un des plus beaux titres de gloire de l’Église, d’avoir supprimé l’esclavage. Pensons aussi à la situation de la femme et de l’enfant, dans le paganisme. Pensons aussi à une autre tache sombre dans l’histoire de l’humanité, à la sensualité et à l’impureté du monde païen et comparons cette corruption à l’idéal de chasteté que nous a donné Jésus.

Mais la parabole exige quelque chose de nous. Il faut qu’en nous aussi le christianisme soit un levain. Il doit transformer notre vie et notre âme. Il faut que nous soyons chrétiens, non seulement à l’église, mais aussi en dehors de l’église, dans notre profession, dans nos récréations, dans nos souffrances. Nos pensées, nos sentiments, nos résolutions, nos paroles, nos affections doivent être pénétrés du levain du christianisme. Il faut que, dans notre âme aussi, “ soit renouvelée la face de la terre ”. Dépouillons le vieil homme pour nous revêtir du nouveau, de Jésus-Christ.

Combien, encore une fois, cette parabole convient au début et à la fin de l’année liturgique ! Elle nous invite à faire un examen de conscience et à nous demander si notre âme est vraiment pénétrée du levain de l’Évangile. Quelle responsabilité n’avons-nous pas, nous qui, si souvent, au cours de l’année liturgique, avons déposé, dans notre âme, le divin levain de l’Eucharistie et qui constatons qu’il reste bien des parties, dans cette âme, qui n’en sont pas renouvelées !

3. Lecture d’Écriture (Épître aux Hébreux, chap. 1). — Nous surtout, les amis de la liturgie, nous devrions consacrer toute notre attention à l’Épître aux Hébreux, car c’est manifestement un écrit liturgique. Son thème principal est le sacerdoce du Christ. Cette Épître est adressée aux Juifs chrétiens de Jérusalem qui étaient exposés à devenir infidèles à leur foi. Car ils observaient toujours la loi mosaïque, ils prenaient part aux cérémonies magnifiques qui se déroulaient dans le temple et ils étaient en butte au fanatisme des Juifs. Dans ces conditions, le découragement pouvait paralyser le zèle de leur foi. C’est pourquoi saint Paul leur montre la supériorité du Nouveau Testament sur l’Ancien, du sacerdoce du Nouveau Testament sur celui de l’Ancien. Méditons, au cours de cette semaine, les considérations de l’Apôtre et recueillons les plus beaux passages de l’Épître. Saint Paul commence par exposer que le Christ est le médiateur et le Grand-Prêtre de la Nouvelle Alliance. “ En maintes occasions et de diverses manières, Dieu a parlé autre fois à nos pères par les Prophètes ; mais dans ces derniers temps, il nous a parlé par son Fils. Il l’a établi héritier de l’univers qu’il a aussi créé par lui. Et comme il est la splendeur de la gloire du Père et l’image de sa substance, il soutient l’univers par sa parole toute puissante. Après nous avoir purifiés de nos péchés, il est assis à la droite de la Majesté dans le ciel. Il est d’autant plus élevé au-dessus des anges (même dans sa nature humaine) que le nom qu’il a reçu est plus excellent que le leur. Car auquel des anges Dieu a-t-il jamais dit : “ Tu es mon Fils, je t’ai engendré aujourd’hui ” (Psaume 2) et encore “ Je serai son Père et il sera mon Fils” (II Reg. VII, 14) ? Et quand il fait paraître dans le monde son Fils premier-né, il dit : “ que tous les anges de Dieu l’adorent ” (Psaume 96). Sans doute, il est écrit des anges : “ Il fait ses anges des esprits et ses serviteurs des flammes ardentes ” (psaume 103) ; mais le Père dit à son Fils : “Ton trône, ô Dieu, est un trône éternel, un sceptre d’équité est le sceptre de ton royaume, tu as aimé la justice et haï l’iniquité, c’est pourquoi Dieu t’a distingué parmi tous tes compagnons et t’a donné l’onction royale ” (Psaume 44). Et ailleurs : “ Au commencement, Seigneur, tu as fondé la terre et les cieux sont l’œuvre de tes mains. Ils passeront, mais toi tu demeures, ils vieilliront comme un vêtement, tu les changeras comme un manteau et ils seront changés, mais toi tu es toujours le même et tes années ne finiront jamais.” (Psaume 101).

LECTURE D’ÉCRITURE DANS LA SEMAINE QUI SUIT LE SIXIÈME DIMANCHE

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APRÈS L’ÉPIPHANIE

Lundi (Hébr. chap. III). — Dans les deux premiers chapitres, saint Paul prouve que le Christ est élevé au-dessus des anges. Voici sa conclusion : “ Il ne s’est jamais chargé des anges, mais il s’est chargé de la postérité d’Abraham. C’est pourquoi il fallait qu’il fût en tout semblable à ses frères, afin qu’il devint un Pontife miséricordieux et fidèle pour ce qui regarde Dieu, pour expier les péchés du peuple. Car, par le fait qu’il a lui-même souffert et qu’il a été tenté, il peut aider ceux qui sont tentés. ” Dans le troisième chapitre, saint Paul expose que le Christ est le médiateur du Nouveau Testament, élevé au-dessus de Moïse qui fut le médiateur de l’Ancien Testament. Dans la fidélité à sa vocation, il n’est pas inférieur à Moïse, mais il le surpasse en dignité, comme l’architecte est supérieur à ta maison bâtie par lui (nous autres chrétiens nous sommes la maison de Dieu). “ Ainsi considérez, mes frères saints, participants de la vocation céleste, l’Envoyé et le Grand-Prêtre que nous reconnaissons. Il est fidèle à Celui qui l’a établi, comme Moïse fut fidèle dans toute sa maison. Mais celui-ci a été jugé digne d’une plus grande gloire que Moïse. Car le constructeur de la maison mérite plus d’honneur que la maison. Car toute maison a son constructeur. Mais celui qui a construit l’univers, c’est Dieu. Et Moïse était fidèle dans toute la maison comme un serviteur qui devait annoncer la révélation divine. Mais le Christ était fidèle comme le Fils dans sa maison. Or sa maison, c’est nous, si nous avons la foi assurée et l’espérance à ce qui fait notre gloire, d’une manière inébranlablement fidèle jusqu’à la fin. ” Saint Paul ajoute ici une exhortation à la persévérance. Il se sert pour cela du psaume que nous récitons tous les jours à l’Invitatoire de Matines. “ C’est pourquoi, remarquez comment parle le Saint-Esprit (Psaume 94) : “ Aujourd’hui si vous entendez ma voix. n’endurcissez pas votre cœur comme dans l’exaspération au jour de la tentation dans le désert. Là vos pères m’ont tenté pour m’éprouver, bien que, pendant quarante ans. ils aient vu mes œuvres. C’est pourquoi je m’irritai contre cette génération et je dis : Leurs cœurs sont toujours égarés, ils n’ont pas connu mes voies. C’est pourquoi je jurai dans ma colère : ils n’entreront pas dans mon repos. ” Veillez donc, mes frères, à ce que, chez aucun de vous, un cœur méchant et incrédule ne se manifeste par l’éloignement du Dieu vivant. Mais exhortez-vous mutuellement chaque jour, tant qu’on peut encore dire “ aujourd’hui ”, afin que personne d’entre vous ne soit endurci par le péché trompeur. En effet, nous sommes devenus participants du Christ, pourvu que nous conservions la fermeté initiale jusqu’à la fin d’une manière stable. ”

Mardi (Hébr. Chap. V). — Jusqu’ici saint Paul a montré que le Christ est supérieur aux Anges et à Moïse. Maintenant il établit la supériorité du sacerdoce du Christ sur le sacerdoce de l’ancienne Loi. ( Maintenant que nous avons un grand Pontife qui a pénétré le ciel, Jésus Fils de Dieu, tenons fermement à notre confession. Car nous n’avons pas un Grand-Prêtre qui ne puisse pas compatir à nos infirmités, mais quelqu’un qui a été tenté de toutes manières comme nous, mais sans commettre de péché. Approchons donc avec confiance du trône de grâce, afin de trouver miséricorde et grâce pour nous aider en temps opportun. Car tout pontife, pris du milieu des hommes, est constitué pour les hommes dans leurs rapports avec Dieu, afin d’offrir des dons et des sacrifices pour les péchés. Il peut compatir avec ceux qui sont dans l’ignorance et l’erreur, car lui-même est entouré d’infirmité. C’est pourquoi il doit, tant pour lui-même que pour le peuple, offrir des sacrifices pour les péchés. Et personne ne prend pour lui-même cet honneur, mais il faut être appelé par Dieu comme Aaron. Ainsi le Christ aussi n’a pas pris de lui-même l’honneur de Grand-Prêtre, mais il l’a reçu de Celui qui a dit : “ Tu es mon Fils, je t’ai engendré aujourd’hui. ” De même, il dit dans un autre endroit : “ Tu es prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédech. " Et Celui-ci, dans les jours de sa vie mortelle, a offert des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, avec un grand cri et avec des larmes et il fut exaucé pour sa piété. Et bien qu’il fût le Fils de Dieu, il a appris à l’école de la souffrance l’obéissance et, après la consommation, il est devenu pour tous ceux qui le suivent cause de leur salut éternel. "

Mercredi (Hébr. chap. VII). — Maintenant saint Paul compare le sacerdoce du Christ avec celui de Melchisédech : “ Melchisédech était roi de Salem et prêtre du Très-Haut. Il alla à la rencontre d’Abraham comme celui-ci revenait de la victoire sur les rois et il le bénit. Abraham lui donna la dîme de tout. Son nom signifie d’abord “ roi de justice ”, mais ensuite, il est roi de Salem, c’est-à-dire “ roi de paix ”. Il est (dans l’Écriture) sans père, sans mère, sans généalogie, sans commencement de ses jours et sans fin de sa vie, semblable au Fils de Dieu — et il demeure prêtre éternellement. Mais considérez combien celui-ci (Melchisédech) est grand, lui à qui Abraham a donné la dîme de ce qu’il y avait de meilleur, lui le Patriarche. ” Les prêtres juifs meurent, mais Jésus est le Prêtre éternel : “ ceux-ci (les prêtres juifs) sont devenus prêtres en grand nombre, parce que la mort les empêche de demeurer, quant à lui, parce qu’il demeure éternellement, il a un sacerdoce perpétuel. C’est pourquoi il peut sauver pour toujours ceux qui par lui approchent de Dieu, car il est toujours vivant afin d’intercéder pour eux. Oui, il nous convenait d’avoir un tel Grand Prêtre, saint, innocent, sans souillure, qui n’a rien de commun avec les pécheurs et qui est élevé au-dessus des cieux. il n’a pas besoin comme les (autres) prêtres, d’offrir chaque jour des sacrifices d’abord pour ses propres péchés ensuite pour ceux du peuple, car il l’a fait une fois pour toutes en s’offrant lui-même en sacrifice. ”

Jeudi (Hébr. chap. IX). — Saint Paul montre la supériorité du sacrifice du Christ sur les sacrifices juifs. “ Le Christ est apparu comme Grand-Prêtre des biens futurs (c’est-à-dire messianiques), et en passant par un tabernacle plus grand et plus parfait, qui n’est pas fait de main d’hommes, c’est-à-dire qui n’est pas de ce monde, et sans verser le sang des boucs et des veaux, mais son propre sang, il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire, après nous avoir apporté une Rédemption éternelle. Car si le sang des boucs et des taureaux et la cendre aspergée d’une génisse sanctifie ceux qui ont été souillés en purifiant leur chair, combien plus le sang de Jésus-Christ qui, par le Saint-Esprit, s’est offert lui-même, purifiera-t-il notre conscience des œuvres mortes (coupables) et nous rendra-t-il dignes de servir le Dieu vivant ? C’est pourquoi il est le médiateur du Nouveau Testament. Sa mort étant survenue, pour expier les péchés commis sous l’ancienne alliance, ceux qui sont appelés doivent recevoir l’éternel héritage promis. Car là où il y a un testament, il est nécessaire qu’intervienne d’abord la mort du testateur. Car ce n’est que par sa mort que le testament entre en vigueur, autrement il n’a aucune valeur, tant que le testateur vit encore. C’est pourquoi le premier (Testament) lui-même n’a pas été consacré sans effusion de sang. Quand Moïse, en effet, conformément à la Loi, eut lu tous les préceptes au peuple, il prit du sang de veaux et de boucs avec de l’eau, de la laine rouge et de l’hysope et en aspergea le livre lui-même et tout le peuple en disant : “ Ceci est le sang de l’alliance que le Seigneur a conclue avec vous ” (Ex. XXIV, 8). Et, de la même manière, il aspergea avec le sang le tabernacle et tous les objets servant au culte. Et presque tout, d’après la Loi, est purifié par le sang et sans effusion de sang il n’y a pas de rémission. ”

Vendredi (Hébr. chap. XI). — Après ces considérations, saint Paul passe aux conseils pratiques. Que devons-nous faire ? 1. Nous devons approcher de Dieu par la foi, l’espérance et la charité (X, 19-39). 2. Nous devons réfléchir au sens de la foi. 3. “ La foi est la possession en germe de ce qu’on espère, une ferme conviction des choses qu’on ne voit pas. C’est en elle, en effet, que les ancêtres ont reçu témoignage. ” Saint Paul parcourt ensuite toute l’histoire sainte et montre comment les grands personnages de l’Ancien Testament ont maintenu fermement leur foi. “ Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu. Car celui qui approche de Dieu doit croire qu’il existe et qu’il récompensera ceux qui le cherchent...” “ Mais faut-il parler encore ? Le temps me fera défaut si je veux signaler Gédéon, Barach, Samson, Jephté, David, Samuel et les prophètes qui par la foi ont renversé des royaumes, rendu la justice, reçu les promesses, fermé la gueule des lions, éteint l’ardeur du feu, échappé au tranchant du glaive, recouvré leur force, été forts dans le combat et fait reculé des armées ennemies. Des femmes ont par la résurrection retrouvé leurs morts. D’autres ont été torturés et refusèrent le rachat (qu’on leur offrait) afin de participer à une résurrection meilleure. D’autres encore ont subi les moqueries et les fouets et en plus les fers et la prison. Ils furent lapidés, tourmentés, coupés à la scie, tués par le glaive, ils errèrent couverts de peaux de moutons ou de chèvres, affamés, opprimés, affligés. Eux dont le monde n’était pas digne, ils errèrent dans les déserts, dans les montagnes, dans les grottes et les cavernes de la terre. Tous se sont acquis par la foi un bon témoignage, mais ils ne reçurent cependant pas le bien promis, car Dieu avait prévu pour nous quelque chose de meilleur ; ceux-ci ne devaient pas obtenir l’achèvement complet sans nous. ”

Samedi (Hébr. XIII,). — Pour conclure, saint Paul exhorte à l’endurance et à la pratique de toutes les vertus : “ Regardons vers Jésus, l’auteur et le consommateur de notre foi, qui, pouvant avoir la joie, préféra la Croix, sans se préoccuper de l’opprobre, et qui est assis à la droite de Dieu. Oui, pensez à lui qui a souffert de la part des pécheurs une telle contradiction contre lui, afin que vous ne soyez pas fatigués et que vos âmes ne défaillent pas. Car vous n’avez pas encore, dans le combat contre le péché, résisté jusqu’au sang... ” (XII, 2-5). “ Que la charité fraternelle demeure en vous. Quant à l’hospitalité, ne l’oubliez pas, car plusieurs ont par elle hébergé, sans le savoir, des anges. Pensez aux prisonniers, comme si vous étiez prisonniers avec eux, et à ceux qui sont maltraités, comme des :gens qui demeurent encore dans un corps. Que le mariage soit honorable chez tous, et le lit conjugal, Sans souillure, car les impudiques et les adultères seront jugés par Dieu. Que votre conduite soit sans avarice, contentez-vous de ce que vous possédez, car il a dit : “ Je ne t’abandonnerai jamais, je ne te délaisserai pas. ” Aussi nous pouvons dire avec confiance : “ Le Seigneur est mon aide, je ne craindrai pas. Que pourrait me faire un homme ? ” Pensez à vos chefs qui vous ont annoncé la parole de Dieu. Considérez la fin de leur conduite et imitez leur foi. Jésus-Christ était hier, il est aujourd’hui, il est pendant l’éternité. Ne vous laissez pas égarer par toutes sortes de doctrines étrangères. Car il vaut mieux fortifier son cœur par la grâce, que par des aliments qui ne sont d’aucune utilité pour ceux qui s’en servent. Nous avons un autel auquel ne peuvent manger ceux qui servent le Tabernacle. ”

FÊTES DES SAINTS

TRANSITION

Quelle est l’impression de l’alpiniste, quand il quitte les sommets neigeux, pour revenir dans la plaine ? Il se sent le cœur serré. C’est un peu notre impression quand, après un temps de fêtes, nous revenons à la vie de tous les jours. Nous revoilà dans le tempus per annum, le temps pendant l’année. Nous comprenons bien qu’il ne peut pas y avoir que des jours de fête, il faut qu’il y ait aussi des jours ordinaires, autrement nous apprécierions moins les jours de fête. Cependant, nous autres chrétiens, qui sommes déjà citoyens du ciel, nous nous sentons à notre aise les jours de fête, car nous éprouvons comme un pressentiment des fêtes éternelles. Nous sommes faits pour es jours de fête, c’est pourquoi nous appelons même es jours de la semaine des féries. Nous lisons au sujet du pape saint Silvestre, dans le bréviaire du 31 décembre : “ Il voulut que les autres jours de la semaine fussent appelés féries, comme c’était déjà l’usage autrefois dans l’Église. Cela signifierait que les clercs devraient s’abstenir de tout le reste, pour se consacrer à Dieu seul. ” Cela s’applique d’une certaine manière à tous les chrétiens. Nous sommes donc descendus dans les jours ordinaires. Que nous reste-t-il dont nous puissions nous réjouir ? Celui qui a contemplé les hautes montagnes et en a fait l’ascension, en garde le souvenir quand il est redescendu dans la plaine, et il estime même les collines de son pays. Le grand Roi qui a fait une visite festivale dans notre Ville est-il déjà reparti ? Oui et non ; dans le drame sacré de la liturgie, il n’est plus là et pourtant nous recevons tous les jours la visite du divin soleil “ qui se lève sur les hauteurs ”. Il est vrai que c’est plutôt une Pâque — un passage, qu’une visite de fête. L’Eucharistie est le pain de ces jours ordinaires et, dans la plaine, les saints nous reçoivent pour guider notre pèlerinage quotidien.

Quelle utilité doivent avoir pour nous les saints ? Il veulent être pour nous, par leur vie, des maîtres et des éducateurs. Chaque jour se lève une petite étoile, dans le ciel nocturne de notre vie, et elle nous montre la direction de la céleste patrie. Ils sont ensuite nos intercesseurs devant le trône de Dieu. Chaque jour, dans la liturgie, nous nous recommandons souvent à leurs prières. Ils nous prêtent leur robe nuptiale et couvrent notre nudité, quand nous voulons aller à la rencontre de l’Époux dans les saints mystères. Recouverts de leurs mérites et même sous leur aspect, nous paraissons devant Dieu, à la messe et dans la prière. Tel est le sens du culte liturgique des saints. L’oraison de saint Félix que nous récitons aujourd’hui exprime bien cette pensée : “ Que les exemples des saints nous excitent à une vie meilleure et que nous imitions les actions de ceux dont nous célébrons la fête. ” Comme l’aigle enlève ses petits vers le soleil, ainsi les saints veulent nous élever des bas-fonds de la vie terrestre vers le divin Soleil.

14 JANVIER

Saint Hilaire, évêque et docteur de l’Église (double)

Saint Félix, prêtre et martyr

Dieu protège les siens même avec une toile d’araignée.

2. Saint Hilaire. — Jour de mort : 13 janvier 367. Tombeau : dans la cathédrale de Parme (Italie). Image : On le représente en évêque, avec le livre des docteurs ; à ses pieds des serpents ou des dragons, symboles des erreurs qu’il a combattues. Sa vie : Saint Hilaire est un de ces héros qui, pour la foi à la divinité du Christ, ont éprouvé de grandes souffrances et accompli de grandes œuvres. A peine le temps des persécutions sanglantes était-il passé, que s’éleva un autre ennemi terrible dans le sein de l’Église : l’arianisme. Cette hérésie niait la divinité du Christ et n’était, sous le masque de la foi chrétienne, qu’une forme de paganisme. En très peu de temps, se déchaîna un conflit qui s’étendit sur toute l’Église, avec d’autant plus de rapidité que les empereurs soi-disant chrétiens favorisèrent puissamment l’hérésie. Il fallut encore que de nombreux martyrs scellassent, de leur sang, la foi à la divinité du Christ. Les évêques orthodoxes qui s’opposaient à l’hérésie furent envoyés en exil où ils souffrirent toutes sortes de privations.

Au premier rang des défenseurs de la foi se trouvait saint Hilaire. Il était issu d’une famille distinguée et avait reçu une éducation soignée. Bien que marié, il fut nommé, à cause de sa vie vertueuse, évêque de Poitiers ; bientôt, à cause de sa défense de la vraie foi, il fut exilé en Phrygie. C’est là qu’il composa son ouvrage principal sur la Sainte-Trinité (en douze livres) où il défend avec enthousiasme la foi de l’Église qui triomphe quand elle est combattue ”. Enfin il put revenir dans sa patrie. Par sa sage douceur, il arriva à débarrasser les Gaules de l’hérésie d’Arius. Comme écrivain ecclésiastique, il eut aussi une influence heureuse ; c’est pourquoi l’Église l’a élevé à la dignité de docteur de l’Église.

Pratique. Depuis le Baptême, notre plus grand bien est la Sainte-Trinité, mais aussi notre adhésion à la Trinité par le Christ. Toutes nos prières, tous nos travaux et tous nos sacrifices sont un culte rendu à la Trinité. Avec quel zèle ne devrions-nous pas nous acquitter de nos prières à la Sainte Trinité depuis le signe de la Croix et Gloria Patri jusqu’au Gloria in excelsis, au Te Deum, au Credo. Depuis le Baptême nous sommes ;la propriété de la Sainte Trinité. Puissions-nous l’être consciemment dans notre intelligence, notre volonté, notre cœur, notre âme tout entière. Saint Hilaire peut être notre guide.

3. Saint Félix. — Jour de mort : 14 janvier 260. Tombeau : à NoIe (Campanie) ; au-dessus de ce tombeau s’élève une église célèbre. Image : On le représente enchaîné et en prison ou bien dans une caverne avec une toile d’araignée. Sa vie : Le prêtre Félix de Nole, après avoir été torturé sur le chevalet, fut jeté en prison. Là, chargé de chaînes, il dut se coucher sur des coquillages et des tessons. Mais, dans la nuit, apparut un ange qui fit tomber ses chaînes et l’emmena hors de la prison. Plus tard, lorsque la persécution -fut finie, il parvint, par ses prédications et ses saints exemples, à convertir beaucoup de gens à la foi chrétienne. Mais ensuite, comme il montrait de nouveau son zèle contre le culte impie, il se produisit contre lui un soulèvement. Il s’enfuit et se réfugia dans une cachette située entre deux murs. Soudain l’entrée de la cachette fut recouverte d’une épaisse toile d’araignée, si bien que personne ne put soupçonner qu’il se trouvait là Après avoir quitté cette cachette, Félix se réfugia, pendant trois mois, chez une femme pieuse. Il mourut en paix (260). Saint Paulin de Nole (v. 22 juin) a composé en l’honneur de ce saint, pour lequel il avait de la prédilection, quatorze hymnes (carmina natalicia). Au temps, de saint Paulin (4e siècle), son tombeau était visité par des foules de pèlerins qui venaient des contrées les plus éloignées, et des guérisons miraculeuses le rendirent glorieux.

Pratique : Soyons persuadés que, lorsque nous travaillons et combattons pour Dieu, nous pouvons être assurés de sa protection. Dieu nous protège de nos ennemis, quand bien même il lui faudrait tendre une toile d’araignée.

4. La messe du commun des docteurs (In medio) est très plastique. L’Église voit dans le prêtre célébrant notre saint docteur (cette conception rend les chants plus intelligibles). Quand le prêtre (autrefois l’Évêque) s’avance vers l’autel, nous chantons : “ Au milieu de l’Église, Dieu lui ouvre la bouc e, le Seigneur le remplit de l’esprit de sagesse et d’intelligence ; il l’a revêtu de la robe de gloire ” (Intr.). Le docteur de l’Église nous adresse en tout temps la parole, dans l’Église de Dieu. C’est dans la personne du prêtre qu’il nous parle aujourd’hui, le vêtement sacerdotal est l’image de la stola gloriae, de la robe de gloire. Dans le psaume 91, nous louons Dieu dans ses saints. L’Oraison mérite elle aussi d’être méditée : le docteur de l’Église est pour nous, sur la terre, un doctor vitae — un maître de vie (c’est-à-dire de la sagesse de vie mais aussi de la vie divine) et en même temps un intercesseur au ciel. Dans Epître, nous voyons le saint marcher sur les traces de saint Paul : il a été un combattant et un prédicateur sans peur -et infatigable du royaume de Dieu — “ opportunément ou importunément ” -, il a fait œuvre d’évangéliste (nous ne voyons la facilité d’adaptation du texte de la messe que lorsque nous connaissons, d’une certaine manière, la vie du saint). Aujourd’hui est le jour de sa mort, le jour du retour du Seigneur pour lui, où il peut dire : “ J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, maintenant est réservée pour moi la couronne de justice que me donnera en ce jour le Seigneur le juste Juge. ” Et nous pouvons aujourd’hui, à la messe, assister avec le saint au retour du Seigneur. Le saint docteur est le sel de la terre, une lumière de l’Église, une ville sur la montagne (songeons à l’Évêque assis sur un trône élevé), une lumière dans la maison du Seigneur, placée sur le chandelier, lumière à laquelle nous pouvons allumer notre petite lumière ; il est appelé grand, car il a fait et enseigné de grandes choses (Év.). Quand nous approchons de l’autel, pour offrir nos dons, le saint “ se multiplie" en nous comme “ se multiplie le palmier ou le cèdre " ; nous lui devenons semblables. (Off). Au moment de la communion, nous voyons encore dans le prêtre qui nous la distribue, le docteur de l’Église. Nous voyons en esprit l’Évêque de la primitive Église, dans ses fonctions liturgiques de prédicateur et de prêtre. Dans l’avant-messe, nous entendons son enseignement ; au Saint-Sacrifice, nous le voyons dans l’administration de la communion. La doctrine et l’Eucharistie sont le froment divin que l’administrateur de la famille de Dieu distribue “ prudemment et fidèlement ”. Aujourd’hui encore le prêtre qui célèbre nous distribue le même froment des élus dans l’esprit de saint Hilaire.

15 JANVIER

Saint Paul, premier ermite et confesseur (double)

Saint Maur, abbé

Le silence et l’obéissance sont des conditions préalables pour la bonne tenue liturgique.

1. Nos maîtres de vertu. — Les saints veulent être nos guides vers le ciel. L’Église déroule devant nos yeux la vie des saints, elle exalte leurs vertus et les propose à notre imitation. Considérons les moyens que l’Église emploie pour cela. Aux Matines, nous lisons avec attention la vie du saint, parfois même, l’Église nous fait lire quelques passages de ses écrits. A l’Oraison, il n’est pas rare que l’Église insiste sur sa vertu préférée. Dans les deux lectures de la messe (Ép. Év.) le saint est caractérisé par des paroles de l’Écriture, afin de nous exciter à l’imiter. Il y a même des messes où les chants psalmodiques sont empruntés à la vie du saint. L’Église brosse ainsi un portrait brillant du saint, elle nous invite à le contempler toute la journée et à en reproduire les traits en nous. C’est là le côté éducateur du culte des saints. Les deux saints d’aujourd’hui nous enseignent l’amour de la solitude, le silence et l’obéissance. La solitude et le silence sont la clôture de l’âme. “ Pendant que le silence enveloppait la terre ”, le Fils de Dieu est descendu ici-bas ; c’est ainsi qu’il descend dans notre âme, qu’il aime environner de silence et de solitude. Dans l’agitation du monde, la voix de Dieu ne se fait pas entendre. L’obéissance est une condition préalable pour devenir enfants de Dieu. La désobéissance a introduit le péché sur la terre. L’obéissance du Fils de Dieu, portée jusqu’à la mort, nous a valu la Rédemption et le ciel.

2. Saint Paul : jour de mort (d’après le martyrologe) : 15 janvier 347, à l’âge de 113 ans. Tombeau : reliques insignes à Rome (Saint Pierre et Sainte Marie du Capitole). Image : On le représente en ermite, vêtu de feuilles de palmier, et avec un corbeau. Sa vie : Paul “ le premier ermite ” (il est rare que le Missel et le Bréviaire fassent une mention particulière comme celle-ci) est le porte-étendard de ces hommes courageux qui, par amour pour le Christ, quittèrent le monde et peuplèrent le désert où ils s’adonnèrent à la contemplation, au milieu de toutes sortes de privations. Les ermites furent les grands suppliants dans ces jours terribles où l’Église devait, dans des combats violents, se défendre contre les hérésies. Pendant des siècles, leur exemple fut l’école de la perfection chrétienne. Ils furent les précurseurs de la vie monastique et religieuse dans l’Église. Le bréviaire raconte cette légende édifiante au sujet de saint Paul : Un jour, saint Antoine, un vieillard de quatre-vingt dix ans, vint le visiter sur l’ordre de Dieu. Bien qu’ils ne se connussent pas, ils se saluèrent cependant par leurs noms et s’entretinrent de conversations spirituelles ; alors le corbeau qui avait coutume d’apporter à Paul. un demi-pain, apporta un pain entier. Quand le corbeau se fut éloigné, Paul dit : “ Vois, le Seigneur qui est vraiment bon et bienveillant, nous a envoyé de la nourriture. Il y a déjà soixante ans que je reçois,. tous les jours un demi-pain, mais, à ton arrivée, le Christ a doublé la ration de ses soldats. ” Ils prirent donc, en remerciant Dieu, leur nourriture auprès d’une source, et, après avoir pris un peu de repos, ils offrirent de nouveau leurs actions de grâces au Seigneur, comme ils avaient toujours coutume de le faire, et passèrent toute la nuit dans les louanges de Dieu. Le lendemain, de bonne heure, Paul révéla à Antoine sa mort imminente et le pria de lui apporter le manteau qu’il avait reçu de saint Athanase, pour l’ensevelir dedans. Lorsque Antoine revint de ce voyage, il vit l’âme de Paul, entourée d’anges et au milieu du chœur des Prophètes et des Apôtres, s’envoler au ciel. — Saint Jérôme écrivit, en 376, la vie du premier ermite.

3. Saint Maur. — Jour de mort : 15 janvier 565. — Tombeau : à Glanfeuil (St-Maur-sur-Loire). Image : en bénédictin, auprès de saint Benoît, ou bien au moment où il sauve l’enfant Placide. Sa vie : Maur fut un des plus célèbres disciples de saint Benoît. Il fut amené tout enfant par son père, en même temps que Placide, au patriarche des moines pour être élevé en vue de la vie monastique. Un épisode de sa vie nous montre quelle était son obéissance enfantine. Le jeune Placide se hâtait un jour vers la mer. Avec un zèle actif, mais aussi de l’étourderie juvénile, Placide s’acquittait de la tâche qui lui avait été confiée. Il se précipitait vers la mer pour puiser de l’eau, mais il se pencha trop en avant pour puiser plus vite, et le poids de la cruche, qui s’emplissait rapidement, l’entraîna dans les flots. Déjà les vagues l’entraînaient, à la distance d’un jet de flèche, loin de la rive. Saint Benoît qui était dans sa cellule connut immédiatement le danger et appela Maur qui était sans doute occupé dehors : “ Cours aussi vite que tu pourras vers la mer, Placide est tombé à l’eau. ” Avec la bénédiction du Père vénéré, Maur se précipite, saisit l’enfant par les cheveux et le ramène à terre. Quelle ne fut pas son effroi quand, après avoir mis Placide en sûreté, il constata qu’il avait marché pendant plusieurs pas sur les flots. Seul l’ordre de son maître avait pu opérer ce miracle . L’opinion d’après laquelle Maur fut plus tard abbé de Glanfeuil, en France, ne peut pas se démontrer historiquement.

4. La messe (Justus ut palma). — La messe reflète d’une manière très belle la vie de saint Paul. Quand, à l’Introït, on le compare à un palmier, nous nous souvenons de sa vie dans le désert où le palmier lui fournissait vêtement et nourriture (de même le Graduel). L’Épître est très belle, c’est un des plus sublimes passages de saint Paul. “ Ce qui était pour moi un gain, je l’ai regardé à cause du Christ comme une perte... tout me semble une ordure, afin que je gagne le Christ... en lui devenant semblable dans la mort pour parvenir à la résurrection. ” L’Évangile aussi est une des plus belles pages de la Sainte Écriture. Le Christ y trace son propre portrait. D’une part il est Dieu, d’autre part il est le Sauveur miséricordieux, dans son humilité et sa douceur. “ Venez tous à moi, vous qui êtes fatigués... et je vous soulagerai. ” Cela se réalise au Saint-Sacrifice, mais nous devons, par contre, réaliser à l’Offrande cette parole : “ Prenez mon joug sur vous. ” Considérons qu’à l’Épître c’est notre saint qui parle ; à l’Évangile, c’est Notre-Seigneur. Tous les deux se sont caractérisés d’une manière merveilleuse. Avec les sentiments de l’Épître, approchons-nous, au Saint-Sacrifice, du Seigneur et du Sauveur de l’Évangile.

16 JANVIER

Saint Marcel, pape et martyr (semi-double)

Épitaphe composée par saint Damase pour le pape saint Marcel.

 

Le pape ami de la vérité, ayant ordonné aux apostats de pleurer leur faute, fut pour tous les méchants un ennemi acharné.

Il s’ensuivit la rage, la haine, la division, le conflit, le soulèvement, le meurtre.

Les liens de la paix (de l’Église) se relâchèrent.

A cause de la faute d’un autre qui, au temps de la paix, avait renié le Christ,

Marcel fut banni du sol de la patrie par le cruel tyran .

1. Saint Marcel. — Jour de mort : 16 janvier 309. — Tombeau : à Rome, dans le cimetière de saint Priscille, plus tard dans l’église qui lui fut dédiée, sur la Via lata. Image : On le représente avec des chevaux ou des ânes, dans l’écurie où il fut obligé de les soigner comme valet d’écurie. Sa vie : Marcel régna comme pape (308-309) au temps de la dernière grande persécution, sous l’empereur Maxence. D’après l’épitaphe de saint Damase, le saint pape admit les fidèles qui avaient renié leur foi (les lapsi) à la pénitence et à la réconciliation avec l’Église. C’est ce qui lui attira la colère de la secte rigoriste et intolérante des Donatistes. Dans un soulèvement populaire, il y eut même des morts. L’empereur Maxence prit prétexte de ces troubles, pour condamner le pape au bannissement où il succomba aux privations. — L’église qui lui a été dédiée aurait, d’après les Actes (apocryphes), été érigée par lui dans la maison d’une pieuse matrone. A cette nouvelle, Maxence aurait transformé l’église en écurie de chevaux et condamné Marcel à être valet d’écurie et l’aurait attaché au service public de la poste de transport. Là il serait mort par suite des privations endurées.

2. La messe (Statuit). — La messe est composée de différentes parties du commun et nous montre, dans les chants, le pontife (Intr. All.) qui, par sa dignité papale, a reçu cinq talents (Comm.). Les deux lectures nous représentent le martyr. Ces deux lectures sont riches de pensées. Immédiatement après la confession solennelle de saint Pierre à Césarée de Philippe, Notre-Seigneur entreprend de préparer les siens à sa mort sur la Croix ; il fait la première prophétie de la Passion et adresse à ses Apôtres le premier sermon sur la Croix ; Dans ce sermon, il fait un pas de plus : il ne suffit pas qu’il souffre lui-même, il faut aussi que ses disciples se chargent de leur croix et le suivent. Ce sermon de la Croix, l’Église nous le fait entendre dans la fête de notre martyr pontife, car celui-ci l’a mis en pratique dans sa vie : il s’est renoncé lui-même, il s’est chargé de la Croix, il a haï sa vie sur la terre, c’est pourquoi il a eu part lui aussi à cette promesse : le Fils de l’Homme viendra dans la majesté de son Père avec ses anges et donnera la récompense. Au jour de sa mort, saint Marcel a vu venir le Seigneur. Ce retour de Jésus, nous le célébrons à la messe et nous pouvons y participer. A l’Épître, le saint martyr se tient devant nous et nous parle : ce n’est qu’en participant à mes souffrances que vous pouvez avoir part à ma consolation. A la communion, nous entendons, comme saint Marcel, l’invitation du Christ : “ Entre dans la joie de ton Seigneur. ” Nous sommes émus quand nous lisons, au sujet de saint Marcel, qu’il accomplit le dur service de la poste de transports, vêtu d’un cilice. Il fut donc à la fois pénitent et martyr. Le saint nous montre par là, de quelle manière, dans les circonstances où nous nous trouvons, nous pouvons être à la fois pénitents et martyrs. La guerre a enlevé à beaucoup leur fortune, leur situation, leur rang. Certains se trouvent aux prises avec les difficultés et doivent lutter contre le mauvais sort. Ils peuvent imiter saint Marcel, en acceptant cette souffrance comme une pénitence et un martyre, c’est-à-dire comme expiation de leurs péchés et par amour pour le Christ. Alors la croix, qui jusque là pesait si lourd sur leurs épaules, deviendra un joug léger et doux. De plus, nous pouvons chaque jour déposer cette souffrance sur l’autel, au moment de l’Offrande ; elle sera consacrée avec les oblats et ne sera plus notre souffrance, mais la souffrance du Christ, une part de la Croix du Christ.

17 JANVIER

Saint Antoine, abbé (double)

Soyez un bon soldat contre le démon.

1. Saint Antoine. — Jour de mort : 17 janvier 356. — Tombeau : d’abord en un lieu inconnu sur la montagne Kolzin au bord de la mer Rouge, puis, en 561, les restes du saint furent déposés à Alexandrie. Ils se trouvent maintenant à Saint-Julien d’Arles. Image : on le représente en ermite, avec la croix égyptienne en forme de T, avec un livre, avec la cloche de mendiant, avec un porc (symbole des tentations diaboliques). Sa vie : Antoine “ le Grand ”, le “ père des moines ”, est du nombre de ces saints dont la vie exerça sur les générations suivantes une grande influence. Né dans la moyenne Égypte, de parents distingués, il se consacra complètement, après la mort prématurée de ceux-ci, à la mortification. Un jour, il entendit, à l’église, ces paroles de l’Évangile : “ Si tu veux être parfait, va, vends tous tes biens et donne-les aux pauvres ” (Math. XIX, 21). Il crut que le Christ avait dit ces paroles spécialement pour lui et qu’il devait obéir au Seigneur. Il vendit donc tous ses biens-fonds et en donna le prix aux pauvres. Il n’eut plus désormais pour lit que la terre nue où il se couchait quand le sommeil l’emportait. Il observait un jeûne si rigoureux, qu’il ne mangeait que du pain et du sel et étanchait sa soif avec de l’eau. De plus, il ne mangeait et ne buvait rien avant le coucher du soleil. Parfois, il resta jusqu’à deux jours sans prendre de nourriture ; il passait souvent les nuits entières en prières. Le saint souvent et longtemps tenté par l’Esprit mauvais, mais il n’en resta que plus ferme dans le bien. Il exhortait ainsi ses disciples à combattre le démon : “ Croyez-moi, le démon a peur de vos pieuses veilles, de vos jeûnes, de votre pauvreté volontaire, de votre piété, de votre humilité et surtout de votre amour enflammé pour le Christ Notre-Seigneur. Dès qu’il voit le signe de la sainte Croix, il s’enfuit confondu. ” Il mourut en 356, à l’âge de 105 ans, sur le mont Kolzin, près de la mer Rouge. Un an après, son ami, le courageux confesseur de la foi, saint Athanase écrivit sa vie qui, pendant des siècles, fut le manuel de l’ascétisme. Le but et la tâche de l’ascétisme, pour lui, est le calme, la sérénité et l’équilibre de l’âme ; l’ascétisme ne tend pas à l’anéantissement du corps, mais à sa soumission, afin de rétablir l’harmonie primitive, la vraie nature de l’homme.

2. La messe (Os justi). — La messe est celle du commun des Abbés, avec l’Évangile du serviteur vigilant. L’Église nous indique ainsi de quels points de vue principaux nous devons considérer notre saint. Il est, avant tout, le grand ermite, l’Abbé et le père des moines. Il est le grand silencieux ; la solitude est la mère des pensées sages et le silence enseigne le bon usage de la langue (Intr.). Dans la Leçon, saint Antoine est dépeint comme un second Moïse, le bien-aimé de Dieu et des hommes ; sa parole a chassé les démons, comme nous le savons par sa vie. Dieu l’a glorifié devant les rois et les peuples. C’est pourquoi l’on vante sa “ douceur” et sa “ fidélité” (Au sens littéral, la leçon parle de Moïse, c’est pou(quoi on parle de la nuée à travers laquelle Dieu le conduisit, mais la comparaison de saint Antoine avec Moïse prête à de belles considérations. Le désert d’Égypte, à travers lequel Moïse conduisit le peuple de Dieu, fut peuplé par Antoine d’ermites et de moines). A l’Evangile, l’Église abandonne le commun et choisit de préférence la parabole du serviteur vigilant. Tel était notre saint. Toute sa vie il porta dans ses mains “ la lampe allumée ” de l’amour de Dieu et, debout, les “ reins ceints ” de la mortification la plus rigoureuse, il attendit le Seigneur qui devait venir. Maintenant il est assis au banquet nuptial, dans le ciel. La messe est une image de ce divin banquet et une participation à sa gloire. (Nous voyons une fois encore que les messes du commun ne sont vivantes et plastiques que lorsque nous les appliquons à la vie des saints).

3. La biographie de saint Antoine. — C’est un usage antique dans l’Église de lire la vie des saints, le jour de leur fête. Or, je voudrais recommander aux lecteurs de ce livre de se procurer des vies classiques de saints, ou bien d’autres ouvrages qui mettent en lumière leur physionomie. On pourrait lire la vie d’un saint, le jour de sa fête, et en continuer la lecture pendant toute l’Octave. Au premier rang de ces livres, il faudrait placer la célèbre “ Vie de saint Antoine ” de saint Athanase. C’est un saint qui écrit au sujet d’un saint. Des siècles ont trouvé, dans ce livre, édification et profit spirituel. Il a converti beaucoup de gens, comme on peut s’en rendre compte, par exemple, en lisant les Confessions de saint Augustin.

Antoine vécut environ vingt ans dans la solitude. “ Mais son âme était purifiée, il n’était chagriné d’aucune douleur et n’était adonné à aucune joie. Il n’y avait en lui ni rire ni tristesse ; la vue de la foule ne l’égarait pas, le salut cordial de tant d’hommes ne l’émouvait pas, mais il était entièrement fermé aux vaines illusions, comme un homme gouverné par la raison, dans un état harmonieux. ”

Voici un extrait du grand discours de saint Antoine aux moines. “ Que ceci soit de préférence l’effort commun : ne pas défaillir dans l’œuvre commencée, ne pas perdre courage dans les épreuves et ne pas dire : il y a si longtemps que nous nous livrons à l’ascèse ! Au contraire, recommençons, pour ainsi dire, chaque jour et augmentons sans cesse notre zèle. Car toute la vie humaine est courte par rapport aux temps futurs, tellement courte que notre temps n’est rien comparé à la vie éternelle. Aussi, mes enfants, persévérons dans l’ascèse. Mais pour ne pas défaillir, il est bon de méditer la parole de l’Apôtre : “ Je meurs tous les jours. ” Si nous vivons avec l’image de la mort devant les yeux, nous ne pécherons pas. Mais cette parole nous dit que, le matin, nous devons nous réveiller comme si nous ne devions pas voir le soir et, le soir, nous endormir comme si nous ne devions pas nous réveiller. Car, naturellement, notre vie est incertaine et nous est mesurée chaque jour par la Providence. Si nous nous mettons dans ces dispositions, et que nous vivions ainsi chaque jour, nous ne tomberons pas dans le péché, aucune passion ne il nous enchaînera, aucune colère ne nous émouvra, aucun trésor terrestre ne nous retiendra, mais, nous rendant chaque jour la mort présente, nous ne nous attacherons à aucune chose. ”

18 JANVIER

La Chaire de Saint Pierre à Rome (double maj.)

Sainte Prisque, vierge et martyre

Nous appartenons à l’Église romaine.

1. La chaire de saint Pierre. — L’Église célèbre solennellement, en ce jour, le souvenir de l’entrée du Prince des Apôtres à Rome et de sa prise de possession du siège épiscopal de la ville éternelle. Les Actes des Apôtres font allusion à cet événement d’une importance primordiale dans l’histoire du monde. Quand saint Pierre, emprisonné par le roi Hérode, eut été délivré par l’ange, il visita dans la nuit la communauté chrétienne rassemblée, lui donna les recommandations nécessaires puis, disent les Actes, “ il se leva et se rendit dans un autre lieu ” (Act. XII, 17). Où se rendit R Pierre ? Les Actes ne le disent pas, peut-être pour ne pas trahir sa résidence, mais la tradition indique Rome. C’était en l’an 42 après J.-C. C’est pourquoi la Tradition admet que Pierre a été évêque de Rome pendant 25 ans. — En 1558, Paul IV décida que l’accession de Pierre au siège de Rome serait célébrée solennellement, le 18 janvier. Jusque là on ne célébrait que le pontificat de Pierre (le 22 février). Dès lors, le 18 janvier fut consacré à la Chaire de saint Pierre à Rome. et, le 22 février, on fêta la fondation de l’Eglise d Antioche, la première que saint Pierre ait gouvernée. Il y a maintenant dans l’Église deux fêtes de la Chaire de Saint-Pierre. La vénérable Chaire de Pierre qui, jusqu’au Ve siècle. se trouvait dans le Baptistère de Saint-Pierre, se trouve aujourd’hui dans l’abside de la basilique vaticane. La précieuse relique ne se compose plus que de quelques morceaux de bois, reliés depuis les temps anciens par des plaques d’ivoire, sur lesquelles se trouvent des figures. Malheureusement, le Pape ne peut plus s’asseoir sur cette antique Chaire, car, au temps de la Renaissance, elle fut renfermée dans un reliquaire colossal, œuvre de Bernin.

2. Sainte Prisque. — Le martyrologe relate :

A Rome, la sainte vierge et martyre Prisque. Sous l’empereur Claude II, elle remporta, après de nombreux tourments, la couronne du martyre ” (vers 270). C’est par erreur qu’on l’a identifiée avec la femme d’Aquila dont il -est question dans les Actes des Apôtres (Sa fête remonte aux temps anciens de l’Église).

3. La messe (Statuit). — La messe (assez récente) place au milieu de nous le premier évêque de Rome, saint Pierre. A l’Introït, nous le voyons dans la personne du prêtre célébrant. A l’Épître, nous l’entendons nous parler, à nous “ les élus étrangers de la dispersion ” et il nous annonce le message vraiment joyeux de l’héritage que rien ne peut détruire ni corrompre ni flétrir, qui nous est réservé dans le ciel et dont le gage est la Sainte Eucharistie. Assurément il vaut la peine d’être, “ pendant un court temps ”, purifiés comme l’or dans le feu des épreuves, pour la manifestation de Jésus-Christ, qui se réalise aujourd’hui au Saint-Sacrifice. A l’Évangile, nous revivons, avec saint Pierre, le grand jour de Césarée de Philippe où le Christ l’établit le rocher de son Église. Mais notre âme, à nous aussi, doit être ferme comme le roc, afin que le Christ y bâtisse le royaume de Dieu. Cette parole : “ Tu es Petrus ” est le leitmotiv de la messe (All. Off. Comm.) et elle s’applique non seulement à Pierre, mais à nous. Au Graduel, l’Église chante l’exaltation de saint Pierre sur sa Chaire. Dans l’Eucharistie, le Seigneur bâtit en nous son Église (Comm.).

3. L’Église romaine. La fête d’aujourd’hui â, pour notre vie liturgique, une grande importance. Nous rendons-nous bien compte que toute notre liturgie est, à proprement parler, celle de la ville de Rome ? Nous célébrons, en majorité, des saints romains, nous célébrons la dédicace des églises romaines. Bien plus, dans l’office des stations, la liturgie nous conduit, une centaine de fois, dans la ville de Rome où nous assistons aux solennités de la messe, avec l’évêque de Rome. Or il importe que nous puissions nous sentir membres de l’Église de Rome, que cette Église soit notre diocèse. C’est ce qu’exige le développement actuel de la liturgie occidentale. Les choses auraient pu se passer autrement. Si la liturgie avait suivi la ligne des trois premiers siècles, les diverses nations auraient pu avoir un patriarcat spécial et une liturgie particulière, à laquelle il aurait été plus facile de s’accoutumer. Mais il faut tenir compte de ce qui existe. Il faut nous unir à l’Église romaine, nous sommes membres de la communauté romaine. Dans l’église de chez nous, il faut voir souvent une église de Rome et célébrer les saints mystères avec l’évêque de Rome. De cette façon, la liturgie romaine nous deviendra familière. — Quelle différence y a-t-il maintenant entre la fête d’aujourd’hui et la fête de saint Pierre et de saint Paul ? C’est que, le 29 juin, nous célébrons l’Apôtre et le Vicaire de Jésus-Christ, le Pape de l’Église universelle. Aujourd’hui nous fêtons l’Évêque de l’Église romaine à laquelle nous sommes incorporés (c’est pourquoi on a, au bréviaire, le commun des confesseurs Pontifes). C’est comme une fête patronale de notre liturgie romaine.

19 JANVIER

Saint Marius, Sainte Marthe et leurs fils, martyrs (simple)

Saint Canut, roi et martyr

Nous avons besoin de familles courageuses dans la foi.

1. Saint Marius et ses compagnons. — Jour de mort : 19 janvier vers 27°. — Tombeau : à Rome, dans la diaconie de saint Adrien et l’église du titre de sainte Praxède. Leur vie : Marius, Perse de noble extraction, vint avec sa femme Marthe, qui était également de noble race, et ses deux fils Audifax et Abachum, à Rome, sous le règne de l’empereur Claude (268-270) pour y vénérer les tombeaux des martyrs. Ils visitèrent les chrétiens prisonniers, les aidèrent de leurs conseils et de leurs services, partagèrent leurs biens avec eux et ensevelirent les corps des saints. Ils furent bientôt arrêtés, à leur tour, et comme ni les menaces ni la terreur ne pouvaient les déterminer à sacrifier aux idoles, ils furent cruellement fouettés. Marthe souffrit la première le martyre, après avoir vivement exhorté son mari et ses enfants à souffrir courageusement tous les tourments pour la cause de la foi. Après elle, les autres furent décapités, au même endroit, et leurs cadavres furent jetés dans le feu. Félicité, une dame romaine, les fit retirer, à demi brûlés, des flammes, et les ensevelit dans sa propriété.

Pratique : Nous célébrons aujourd’hui une famille de martyrs. Une famille de quatre membres, morts le même jour pour le Christ, quel admirable spectacle ! Quelle leçon nous donnent-ils ! Nous avons besoin non seulement de chrétiens à la foi forte, mais encore de familles.. courageuses dans la foi, de familles qui ne forment qu’un cœur par l’amour et le dévouement pour le Christ.

2. Saint Canut, roi de Danemark, tomba sous les coups des meurtriers, dans l’église de Saint-Alban à Odensée, le 10 juillet 1086. Le martyrologe le confond avec un saint du même nom, le duc Canut, neveu du premier, qui mourut le 8 novembre 1131 et fut canonisé le 8 novembre 1169 par le pape Alexandre III. Le saint roi Canut fut canonisé en 1100 par le pape Pascal II.

3. La messe (Justi epulentur). — Bien que les nombreux grands saints du moyen âge et des temps modernes soient plus connus et plus près de nous par le temps, nous devons cependant être remplis du plus grand respect, quand nous célébrons la fête des anciens martyrs. Quelle force dans la foi, quel courage dans les souffrances, quel amour pour le Christ se manifestent dans leur mort héroïque, qui les rend si semblables à Notre-Seigneur ! Ils sont la semence d’où est sortie la riche moisson des peuples, d’où nous sommes sortis nous-mêmes. Avec quelle ferveur se célèbre le Saint-Sacrifice, un jour de fête de martyr ! L’Église nous transporte au tombeau du martyr, sur lequel nous célébrons les saints mystères. Les martyrs renouvellent là le sacrifice de leur vie et l’unissent au Sacrifice rédempteur du Christ. Nous recevons une part de leur foi courageuse et nous sommes associés :à leur gloire. Le martyre est une continuation et un renouvellement de la mort du Christ dans son corps mystique.

Le missel est riche en formulaires pour les martyrs (en dehors des trois du commun, il y en a encore un certain nombre de propres). Ces formulaires sont très anciens et tout pénétrés de l’enthousiasme de la primitive Église. On y respire, pour ainsi dire, l’air des Catacombes. La messe d’aujourd’hui est composée, pour la majeure partie, de textes du commun. L’Introït nous transporte immédiatement au céleste banquet de noces où les justes (ce sont ici les martyrs) se réjouissent dans la contemplation divine. L’Epître est un morceau d’une rare beauté : c’est l’Église qui nous montre les portraits de nos glorieux ancêtres (la famille de Dieu) et nous exhorte à nous montrer dignes d’eux. Nous appartenons à la famille des martyrs, nous devons donc, au moins, avoir la patience et la confiance, si nous n’avons pas, comme eux, à donner notre vie. Enfin, nous entendons le grand thème de l’ancienne Église, le retour du Seigneur. Encore un peu de temps et il viendra celui qui doit venir. Le verset de l’Alleluia est aussi un morceau très ancien : “ Dieu est admirable dans ses saints. ” C’est là en effet le motif qui détermine l’Église à nous faire célébrer, presque chaque jour, les saints, afin que nous admirions en eux la grandeur de Dieu. A l’Évangile, nous sommes sur le mont des Oliviers, aux pieds de Notre-Seigneur qui nous donne les signes de son avènement, les douleurs messianiques ; de ce nombre sont les souffrances des martyrs : “ Ensuite, ils vous tueront et tous les peuples vous haïront à cause de mon nom. ” C’est ce qui est arrivé aux martyrs que nous fêtons. Dans la messe d’aujourd’hui nous assistons par avance au retour du Christ, dans la splendeur des saints. La communion nous donne aujourd’hui la force pour de nouveaux combats. Le Christ lie amitié avec nous et nous encourage à souffrir. La messe d’aujourd’hui a été comme une heure du Thabor. Nous avons vu le Christ à son retour, dans la splendeur des martyrs. Nous descendons maintenant la montagne de la Transfiguration, pour reprendre le chemin de Croix de la vie.

20 JANVIER

Saint Fabien, pape et Saint Sébastien, martyrs (double)

Il sortait une force de lui qui guérissait tout le monde.

Nous fêtons deux saints martyrs, pour qui on a eu, de tout temps, une grande dévotion. Leurs noms sont dans les Litanies des saints. Au moyen âge, on invoquait spécialement saint Sébastien contre la peste.

1. Saint Fabien. — Jour de mort : 20 janvier 250. — Tombeau : à Rome, dans la catacombe de saint Callixte. Image : en pape, avec une colombe ou une épée. Sa vie : Fabien fut élevé à la papauté d’une manière miraculeuse, et gouverna l’Église de 236 à 250. Peu de temps après son élection, l’assassinat de Maximin mit fin à la persécution de cet empereur. Les empereurs qui lui succédèrent étaient favorables au christianisme. Il en résulta une période de paix pour l’Église, sous le règne de Fabien. Celui-ci en profita pour organiser l’Église. A chacun des sept diacres, il assigna une partie de la ville pour avoir soin des pauvres. Les sept sous-diacres eurent mission de recueillir les Actes des martyrs. Quand commença la sanglante persécution de Dèce, Fabien fut une des premières victimes. Il fut martyrisé le 20 janvier 250 et fut enseveli dans la catacombe de saint Callixte, où l’on a même, de notre temps, retrouvé sa pierre tombale.

Pratique : Le pape saint Fabien se préoccupait également du soin des pauvres et de la liturgie. Apprenons de lui à unir la vie liturgique à une charité cordiale et active, à la véritable charité fraternelle du Christ.

2. Saint Sébastien. — Jour de mort : 20 janvier vers 280. — Tombeau : Dans la catacombe qui porte son nom, sous une magnifique basilique, à Rome. Image : On le représente comme un jeune homme, transpercé de flèches, attaché à un arbre. Sa vie : Autour du nom de Sébastien s’est enroulée toute une guirlande de légendes. Le plus ancien récit historique, au sujet de saint Sébastien, se trouve dans le passage suivant de l’explication des psaumes de saint Ambroise :

Laissez-nous vous proposer l’exemple du saint martyr Sébastien. Il était Milanais par sa naissance. Peut-être, le persécuteur des chrétiens avait-il quitté Milan, ou bien il n’y était jamais venu, ou bien il était quelque peu adouci. Sébastien vit qu’il n’y avait là aucune occasion de combat ou bien qu’il s’amollissait. Il partit donc pour Rome où, à cause du zèle des chrétiens pour leur foi, la lutte était chaude. Il y souffrit, il y fut couronné. ”

Au moyen âge, saint Sébastien était considéré -comme un protecteur contre la peste. Paul Diacre raconte qu’en 670, la peste cessa à Rome quand on eut dédié un autel au saint. Voici ce que le bréviaire raconte à son sujet : “ Dioclétien chercha par tous les moyens à le détourner de la foi au Christ. Comme il ne réussissait à rien, il ordonna de l’attacher à un pieu et de le percer de flèches. Comme tout le monde le croyait mort, une pieuse femme, du nom d’Irène, le fit enlever pendant la nuit, mais, ayant trouvé qu’il était encore vivant, elle le soigna dans sa propre maison. Peu de temps après, il fut rétabli ; alors, il se présenta devant l’empereur et, avec la plus grande hardiesse, lui reprocha son impiété. L’empereur fut si irrité du blâme sévère du saint, qu’il ordonna de le battre de verges jusqu’à ce qu’il ait rendu l’esprit. Son cadavre fut ensuite jeté dans un cloaque. ”

3. La messe (Intret). — Quand l’Église célèbre une fête de martyr, elle sent battre son cœur, car les martyrs sont ses enfants chéris ; en eux, elle cherche à devenir semblable à son divin Époux et elle peut dire ces paroles : “ Avec le Christ je suis attachée à la Croix. ” L’Église aime beaucoup célébrer les saints mystères sur le tombeau des martyrs. Par conséquent, nous ne comprendrons complètement le texte, que si nous nous transportons au tombeau des saints et contemplons l’affluence des pèlerins qui se pressent autour de ce tombeau. Les chants psalmodiques supposent presque tous la présence du tombeau. Quel accent n’a pas l’Introït, en présence du saint corps, qui porte encore sur lui les traces de ses souffrances ! C’est pourquoi l’Église commence par un cri douloureux, pour demander la punition des ennemis. On a l’impression que la furie, l’horreur d’une exécution en masse, a arraché à l’Église ce cri douloureux. Comme l’Épître est saisissante, auprès du tombeau, quand l’Église nous décrit les terribles souffrances des martyrs, et nous montre les cellules funéraires (les loculi). Celui-ci aussi “ a été trouvé éprouvé par le témoignage (le martyre) de la foi ”. Et maintenant, au Graduel, l’Eglise chante son allégresse au sujet de la gloire de Dieu qui se montre si puissamment dans nos saints. C’est le bras puissant du Seigneur qui a opéré en eux des œuvres si admirables et qui, maintenant encore, fait “ des prodiges ”. Pour comprendre l’Évangile, il faut nous rappeler qu’au tombeau des martyrs, il se faisait de nombreuses guérisons miraculeuses et que, depuis l’antiquité, saint Sébastien, spécialement, était honoré comme thaumaturge et protecteur contre la peste. Il était aussi d’usage d’amener des malades à l’église et de placer des linges sur le tombeau, car on était persuadé “ qu’une vertu sortait de lui et guérissait tout le monde ”. Que la liturgie ait spécialement ce passage en vue, nous le voyons par la Communion. Il est vrai que cette antienne a un double sens : elle se rapporte non seulement à la vertu miraculeuse du saint tombeau, mais encore à la vertu du corps de Christ (la Communion est donc particulièrement bien choisie) ou, pour mieux dire, dans la messe d’aujourd’hui, la grâce de saint Sébastien passe en nous, car saint Sébastien est la grâce que le Christ nous donne aujourd’hui.

21 JANVIER

Sainte Agnès, vierge et martyre (double)

A Lui je suis fiancée... à Lui seul je garde ma foi

Dans la virginale et héroïque fiancée de Dieu, Agnès, l’Église se représente aujourd’hui et c’est pourquoi elle nous laisse contempler son âme brûlante d’amour de Dieu ; la prière des Heures est aujourd’hui un cantique des cantiques, un chant nuptial de l’Église à son divin Époux. Notre âme aussi, qui est une image de l’Église, doit ressembler à sainte Agnès.

1. Sainte Agnès. — Jour de mort : 21 janvier (à la fin du Ille siècle). Tombeau : dans l’église du tombeau à Rome. Image : On la représente comme une toute jeune fille, avec la couronne du martyre, avec un agneau. Sa vie : Sainte Agnès est une des plus célèbres figures de saints de l’Église romaine et les Pères de l’Église les plus illustres chantent à l’envi sa gloire. Saint Jérôme écrit : “ Toutes les nations, et particulièrement les Églises chrétiennes, célèbrent, en paroles et en écrits, la vie de sainte Agnès. Elle triompha de son âge tendre comme du tyran sans cœur. En plus de : la couronne de l’innocence sans tache, elle conquit — la gloire du martyre ”. Le nom de la sainte est grec (Hagne = la pure), il ne vient pas du latin agna = agnelle. Cependant l’interprétation latine a prévalu dans la primitive Église (Agnès apparut huit jours après : sa mort à ses parents, environnée d’une troupe de vierges, avec un agneau blanc auprès d’elle). Saint Augustin connaissait les deux interprétations. “ Agnès signifie en latin un agnelle et en grec la pure. ” C’est de l’interprétation latine que vient l’usage de bénir, tous les ans à pareil jour, dans l’église Sainte-Agnès, à Rome, des agneaux dont la laine sert ensuite à faire le pallium des archevêques. Le martyre de sainte Agnès ne tarda pas à être célèbre dans toute l’Église. Dans l’église bâtie par Constantin, au-dessus de son tombeau, le pape saint Grégoire le Grand a prononcé quelques-unes de ses plus belles homélies. Au sujet de la vie de la sainte, nous n’avons que peu de renseignements sûrs. Nous trouvons les plus anciens dans l’ouvrage de saint Ambroise sur les vierges, dans un passage que nous lisons aujourd’hui au bréviaire. Par contre, la Passion postérieure est pour nous très importante, car c’est d’elle que, depuis l’antiquité, sont tirés les chants de la prière des Heures.

Vie de la sainte d’après les chants liturgiques :

Comme la jeune Agnès, âgée de treize ans, revenait de l’école, elle rencontra le fils du préfet de la. ville, Symphronius, qui s’éprit d’amour pour elle. Pour la gagner, il voulut lui offrir des joyaux précieux, mais Agnès le repoussa : “ Loin de moi, nourriture de mort, car je possède déjà un autre fiancé ” (2e A. I. N.). “ Avec son anneau, mon Seigneur Jésus-Christ m’a fiancée à lui et il m’a parée de la couronne de fiancée ” (3e A. Laud.). “ Il a entouré ma main droite et mon cou de pierres précieuses et m’a donné des boucles d’oreilles avec des perles sans prix, il m’a parée de beaux brillants” (2e Rép.). “ Il m’a donné une ceinture brochée d’or, et m’a parée de bijoux inestimables ” (4e A). “ J’ai reçu du miel et du lait de sa bouche et son sang a rougi mes joues ” (5e A.). “ J’aime le Christ dans la chambre duquel j’entrerai, dont la Mère est vierge, dont le Père ne connaît pas de femme, dont la musique me fait entendre d’aimables chants. Quand je l’aime, je reste chaste, quand je le touche je reste pure, quand je le reçois je reste vierge. Son corps est déjà uni à mon corps et son sang a rougi mes joues. Je lui suis fiancée, à lui que les anges servent, dont le soleil et la lune admirent la beauté. A lui seul je garde ma foi, à lui je me donne de tout mon cœur. ” Irrité de voir repousser ses avances, le fils du préfet de la ville dénonça Agnès à son père. Celui-ci la menaça de l’envoyer dans une :maison de débauche, mais Agnès répondit : “ J’ai à mon côté un ange qui me protège, un ange de Dieu” ( 2e Ant. Laud.). “ Quand Agnès entra dans la maison de débauche, elle trouva l’ange du Seigneur prêt à la défendre ” (1ère Ant. Laud.). Une lumière l’environna et aveugla tous ceux qui voulurent s’approcher d’elle. Un autre juge la condamna au bûcher, parce que les prêtres païens l’accusaient de sorcellerie. Sainte Agnès pria au milieu des flammes : “ Je te supplie, Père tout-puissant, adorable et vénérable, par ton saint Fils j’ai échappé aux menaces d’un tyran impie et j’ai foulé d’un pied sans souillure les immondices du péché, voici maintenant que je viens vers toi que j’ai aimé, que j’ai cherché, que j’ai toujours désiré.” Elle remercie : “ Tout-Puissant, adorable, vénérable, redoutable, je te loue, car par ton adorable Fils, j’ai échappé aux menaces des hommes impies et j’ai passé, sans me souiller les pieds, à travers les immondices de Satan. Je te confesse avec mes lèvres et je te désire de tout mon cœur et de toutes mes forces. ” Alors les flammes s’éteignent :“Je te loue car, par ton Fils, le feu s’est éteint autour de moi ” (4e Ant. Laud.). Maintenant elle soupire après son union avec le Christ : “ Voici que ce que je désirais ardemment, je le contemple, ce que j’espérais, je l’ai déjà reçu, je suis unie dans le ciel avec Celui que j’ai aimé de tout mon cœur. ” Son vœu fut exaucé, le juge la fit décapiter par l’épée.

2. La messe (Me expectaverunt). Cette belle messe de fiançailles, qui était d’abord la messe propre de la sainte, servit ensuite de modèle pour le commun des vierges. La parabole des vierges sages domine toute la messe (Ailel. Évang. Comm.) ; puis vient le psaume 44, le chant nuptial de l’Église dont Agnès est aujourd’hui l’image (Grad. Off. Com. dans son développement entier). A l’Introït, nous sortons avec Agnès du monde hostile qui nous guette pour nous perdre, et, avec la jeune vierge, nous suivons le chemin immaculé. A l’Offertoire, nous voyons la virginale Épouse, l’Église, unir son offrande au sacrifice rédempteur du Christ. Elle est accompagnée de la blanche troupe des fidèles, sous la conduite d’Agnès (les anciens textes portent non pas “ afferentur ”, mais “ offerentur ”, ce qui indique une offrande). A la Communion, nous entendons encore le leitmotiv de l’Évangile : Voici venir l’Époux, allez à sa rencontre. Quelle impression devait faire ce chant, dans la primitive Église, alors qu’on croyait encore au retour imminent du Seigneur, quand on le chantait, en pleine nuit, dans les catacombes, près du tombeau de la sainte !

22 JANVIER

Saint Vincent et Saint Anastase, martyrs (semi-d).

Soyons des diacres, des serviteurs du corps du Christ.

1. Saint Vincent. — Jour de mort : 22 janvier 304. Tombeau : église du tombeau à Castres (Aquitaine). Image : On le représente en diacre, avec un corbeau (qui protégea son cadavre). Sa vie : Vincent est, avec saint Étienne et saint Laurent, le troisième des illustres saints diacres de l’Église : il est le plus célèbre des martyrs d’Espagne. Il fut, en présence de plusieurs témoins, frappé de coups, étendu sur le chevalet, mais aucune torture, aucune flatterie, aucune menace ne put ébranler le courage de sa foi. On le plaça ensuite sur un gril rougi au feu, on le déchira avec des ongles de fer, on le brûla avec du fer rouge, puis on le ramena dans la prison, dont le sol était couvert de tessons. Là, une lumière céleste illumina tout le cachot, à la grande stupéfaction de tous ceux qui la virent. Là dessus, on le mit dans un lit moelleux, afin de l’amener à l’apostasie par les délices, puisque tous les tourments avaient été inutiles. Mais le courage invincible de Vincent, que fortifiaient la foi à Jésus-Christ et l’espérance de la Vie éternelle, triompha de tout, de la mollesse comme il avait triomphé du feu et des tourments.

Enfin il conquit victorieusement la couronne du martyre.

2. Saint Anastase. — Jour de mort : 22 janvier 628. Tombeau : à Rome, aux bains Salviens (où se trouve son chef). Image : On le représente comme moine, avec une hache (instrument de son supplice). Sa vie : Le martyrologe relate : “ Anastase était un moine de Perse. Il avait, à Césarée de Palestine, souffert une grande quantité de tourments ; en prison, il avait aussi été battu de fouets et verges. Ensuite, le roi de Perse, Chosroas, le fit de nouveau tourmenter de diverses manières et enfin décapiter. Ses soixante-dix compagnons avaient été auparavant noyés dans les flots, si bien qu’ils le précédèrent dans le martyre. Sa tête fut plus tard apportée à Rome ainsi qu’une image de lui qui jouit d’un culte universel. Devant cette image, les mauvais Esprits s’enfuyaient et les malades étaient délivrés de leurs souffrances. Ces effets ont été attestés par les Actes du second concile de Nicée. ” Le saint fut en effet très vénéré à Rome.

Pratique. L’Église a toujours témoigné un grand respect pour les reliques et les images des saints. Ce culte ne nous détourne pas du Christ, mais au contraire nous conduit à Lui, car nous voyons dans les saints des membres glorieux de son corps ; à leur vue s’enfuient véritablement les mauvais Esprits

3. La messe (Intret). — L’Introït est le même que celui d’avant-hier. En pensant à saint Vincent, nous comprendrons mieux ce chant. L’homme naturel s’indigne des tourments des martyrs. L’accent de la Leçon est plus consolant : “ Les âmes des justes sont dans la main de Dieu. Aux yeux des insensés ils ont paru mourir, mais ils sont dans la paix (de la vision béatifique). Dieu les a seulement éprouvés et les a trouvés dignes de lui... il les a acceptés comme victimes, maintenant ils brillent et règnent, et le Seigneur est leur Roi pour toujours. ” Comme l’Église s’entend à placer le martyre dans sa plus belle lumière et à nous inspirer le courage de souffrir ! A l’Évangile, nous entendons, de la bouche du Christ, les signes avant-coureurs de son retour : “ Ils mettront la main sur vous, ils vous persécuteront... ils vous traîneront devant les rois et les gouverneurs à cause de mon nom... Vous serez haïs de tous. ” Cette parole s’est réalisée à la lettre pour nos saints. Nous aussi, nous devons sentir en nous un peu du souffle de leur héroïsme et être, tout au moins, capables d’un martyre non sanglant : “ Dans votre patience, vous posséderez vos âmes. ” Dans la communion, nous recevons une nouvelle force pour offrir notre vie comme un “ holocauste ”.

4. Le diaconat de la Sainte Église. — La fête d’aujourd’hui nous amène à penser au diaconat de la sainte Église. Diacre veut dire serviteur. Le premier diacre est le Christ lui-même qui a dit, à son sujet : “ Le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rédemption pour plusieurs. ” (Math. XX, 28). Le diaconat, comme ministère ecclésiastique et Ordre, fut institué par les Apôtres. Les Actes (VI, 1 et sq.) racontent le choix des sept premiers diacres, dont le rôle était en premier lieu le service des pauvres. Peu à peu, ce ministère ecclésiastique prit une grande importance. C’est le premier des Ordres sacrés qui confère le caractère sacramentel. Ceci se manifeste dans la liturgie par le fait que le diacre a déjà le droit de saluer le peuple en disant : Dominus vobiscum, salut auquel le peuple répond par ces mots : Et cum spiritu tuo (c’est-à-dire avec le Saint-Esprit qui vous a été conféré dans l’ordination). Dans la primitive Église, le diacre avait trois fonctions principales : 1° le service des pauvres, 2° la prédication de l’Évangile, 3° la distribution de la sainte Eucharistie aux fidèles ; en un mot, le service du corps du Christ, de son corps mystique (les pauvres) et de son corps eucharistique (l’Évangile et la Communion). Aujourd’hui, dans l’Église d’Occident, ce ministère est presque entièrement tombé en désuétude, mais chaque prêtre doit se rappeler qu’il est aussi diacre et qu’il doit accomplir fidèlement ces trois fonctions : service des pauvres, prédication de l’Évangile administration de l’Eucharistie. Mais le fidèle aussi est diacre. De même qu’il y a un sacerdoce général, auquel participent tous les fidèles, on peut aussi parler d’un diaconat général. Le laïc ne peut-il pas, d’une certaine manière, remplir envers le corps du Christ les trois services du diacre ? Il peut accomplir, dans toute son étendue, le service des pauvres (n’y avait-il pas autrefois des diaconesses ?). Sans doute, il n’a pas le droit de prêcher l’Évangile, mais, par contre, il peut et doit avoir toujours avec lui le livre des Évangiles (dans les anciennes mosaïques, on représente toujours les diacres avec le livre des Évangiles). Il peut propager l’Évangile, les pères et mères peuvent l’expliquer à leurs enfants et le leur lire chaque dimanche ; le laïc peut exercer l’apostolat de la Bible et des bons livres. De cette façon, le fidèle peut être diacre. Enfin le service à l’autel. Jadis, les fidèles eux-mêmes pouvaient porter la Sainte Eucharistie aux malades ; ce ministère est, aujourd’hui, réservé aux prêtres, mais il reste aux laïcs bien des possibilités de servir le Christ eucharistique : le soin de la propreté de l’Église, des linges sacrés, des vêtements sacerdotaux, la décoration des autels ; ils peuvent propager, expliquer le missel, travailler à la renaissance et au développement de l’esprit liturgique, tout cela constitue un beau diaconat. Quelle que soit la nature de nos occupations particulières, restons, toute notre vie, des diacres, des serviteurs du corps de Jésus-Christ.

23 JANVIER

Saint Raymond de Pennafort, confesseur (semi-d.)

Sainte Émérentienne, vierge et martyre

De dignes fruits de pénitence.

1. Saint Raymond. — Jour de mort : 7 janvier 1275. Tombeau : à Barcelone (Espagne). Image : On le représente en dominicain, debout sur son manteau qui le porte sur la mer. Sa vie : Raymond fut un canoniste remarquable qui, par sa codification et sa rédaction des décrétales de Grégoire IX, une collection de décisions ecclésiastiques, rendit de grands services. A l’âge de 45 ans, il entra chez les dominicains. Il travailla à la fondation de l’Ordre de Notre-Dame de la Merci pour le rachat des captifs et il en rédigea la règle. Il avait le don des miracles. L’un des plus célèbres fut celui-ci : Pour revenir des îles Baléares à Barcelone, il étendit son manteau sur la mer et parcourut 160 milles en six heures, puis il entra dans son couvent malgré les portes fermées. Il mourut, âgé de près de cent ans, en 1275. Ce saint excellait dans le ministère de la confession et est considéré comme le patron des confesseurs.

2. Sainte Émérentienne. — Jour de mort : 23 janvier au IIIe s. Tombeau : à Rome, dans l’église de Sainte-Agnès. Image : On la représente comme une vierge, avec une palme et des pierres (instrument de son supplice). Sa vie : Émérentienne, vierge romaine et sœur de lait de sainte Agnès, se faisait déjà remarquer -comme catéchumène par sa foi et son amour pour le -Christ. Un jour qu’elle reprochait vivement aux idolâtres leur rage contre les chrétiens, elle fut assaillie de coups de pierres par la foule furieuse ; elle s’endormit dans le Seigneur, en priant près du tombeau de sainte Agnès, baptisée dans son propre sang qu’elle versait courageusement pour le Christ. Son corps fut découvert au XVIe siècle dans l’église de Sainte Agnès et Paul V l’y fit solennellement ensevelir.

Pratique : Nous avons, en sainte Émérentienne, un exemple de baptême du sang. Elle n’était pas encore baptisée et son martyre lui tint lieu de baptême. Comme elle désirait le baptême véritable ! Cultivons en nous notre conscience de baptisés.

3. La messe (Os justi). — C’est la première messe du commun des confesseurs, la plus typique pour ce groupe de saints. L’image dominante, pendant les saints mystères, est la parabole du serviteur vigilant qui, “ les reins ceints, et une lampe allumée à la main, attend le Seigneur ” à son retour. Telle fut la vie de notre saint. Dans la : nuit de la vie terrestre, il était toujours prêt au voyage et le flambeau de son amour de Dieu brillait toujours ; sa vie était une attente du Seigneur qui doit revenir. Au moment de la mort, le Seigneur a “ frappé à la porte ” et il lui a “ ouvert immédiatement ”, “ le Seigneur l’a trouvé veillant ”, il l’a emmené au festin céleste où il le sert lui-même. Or cet Évangile s’applique à nous aussi. Au Saint-Sacrifice, il se réalise mystiquement. Le Seigneur frappe à la porte, nous lui ouvrons, il nous invite au festin des noces “ transiens ministrabit — il passe et nous sert ”. C’est la meilleure expression de l’Eucharistie : le Christ passe, ce n’est pas encore la “ jouissance éternelle de sa divinité ” dans le ciel. Notre tâche est de “ veiller ” avec le saint, de ceindre nos reins et d’avoir un flambeau allumé. Car le Seigneur nous fait déjà participer à l’élévation du saint au-dessus de tous ses biens. On voit encore ici quelle forte impression fait l’antienne de la communion, quand on la chante au moment où l’on s’approche de la sainte Table, “ quand le Seigneur vient ”.

4. L’oraison. Comme l’Église sait bien utiliser la vie des saints pour notre instruction morale ! La collecte d’aujourd’hui (composée par le pape Clément VIII) le montre parfaitement (on sait que la plupart des oraisons sont composées de trois parties : l’invocation, le motif de la prière tiré de la fête, la prière proprement dite). Le motif fait ressortir deux traits de la vie du saint : son zèle pour les confessions et sa marche sur les flots de la mer. Ces motifs déterminent les deux prières suivantes : a) que nous “ fassions de dignes fruits de pénitence ” et b) que nous parvenions au port du salut éternel. Si saint Raymond est le patron des confesseurs, il peut nous obtenir la grâce de bien user du sacrement de Pénitence. La collecte emploie les paroles de saint Jean-Baptiste dans l’Évangile : “ faites de dignes fruits de pénitence ” (conversion). La pénitence est, dans ce passage, comparée à un arbre dont on reconnaît la bonté à ses fruits, ces dignes fruits sont la persévérance dans la conversion. Combien de fois, hélas, avons-nous fait nous-mêmes l’expérience que la conversion ne dure que peu de temps ! Ce n’étaient pas de dignes fruits. Après demain (25 janvier) l’Église nous donnera un exemple classique, en nous montrant comment saint Paul “ fit de dignes fruits de pénitence ”. La seconde demande est enveloppée dans un beau symbole que la liturgie utilise volontiers : que la barque de notre vie malgré les tempêtes et les vagues, parvienne heureusement au port de l’éternité. Pour que se réalisent ces deux prières, que la sainte Eucharistie nous donne grâce et force.

24 JANVIER

Saint Timothée, évêque et martyr (double).

Garde le commandement jusqu’à l’apparition de Notre Seigneur.

En général, l’Église célèbre les saints au jour de leur mort. Quand le jour de leur mort est inconnu, elle fixe le jour de leur fête à son gré, souvent en tenant compte du temps liturgique ou des relations avec des fêtes analogues. C’est aujourd’hui le cas. Demain, nous célébrons la fête de la conversion saint Paul. La fête de son disciple chéri, Timothée, en est comme le prélude.

1. Saint Timothée : Tombeau : dans l’église des Apôtres, à Constantinople. — Sa vie : Timothée est le disciple préféré et le compagnon constant de saint Paul. Ils’était sans doute converti au cours du premier voyage de mission de l’Apôtre. Quand, au cours de son second voyage, saint Paul repassa à Lystre, Timothée s’adjoignit à lui malgré sa grande jeunesse (environ 20 ans). A partir de ce moment, une amitié filiale l’unit à l’Apôtre. Saint Paul l’appelle son cher enfant qui lui est dévoué “ comme un fils a son père ” (Ph. Il, 22). Timothée était affectueux, désintéressé, prudent et zélé, et personne n’avait une pareille communauté de sentiments avec son maître. Il fut, particulièrement pour l’Apôtre devenu vieux, une consolation dans ses souffrances et un soutien dans ses difficultés. Il fut son collaborateur dans toutes les fondations importantes d’Églises et c’est pourquoi l’Apôtre le chargea des missions les plus graves. — : Il partagea la première captivité de saint Paul. Saint Paul en fit le premier évêque d’Éphèse. Son maître lui-même lui a élevé le plus beau monument dans les deux Épîtres qu’il lui adressa.

2. La messe (Statuit). — La messe, à part Epître, est du commun d’un martyr pontife. Les chants célèbrent l’Évêque qui est une image du divin pontife et qui nous apparaît dans le prêtre célébrant. L’Évangile nous montre les chemins escarpés de l’imitation du Christ : “ Haïr son père et sa mère... sa propre vie ” c’est-à-dire en faire peu de cas, en face de la vocation du Christ ; “ se charger de la Croix et suivre le Seigneur” c’est-à-dire accepter l’opprobre et le mépris. C’est par le mépris du monde et la haine de soi-même, en portant notre croix à la suite du Christ que nous construirons la tour du royaume de Dieu, dans notre âme, et que nous marcherons au combat victorieux contre le démon. — Nous le voyons, l’Église nous montre le chemin à suivre pour être martyrs, même sans verser notre sang.

3. Le testament de saint Paul. — Timothée, le disciple préféré de saint Paul, a compris, mieux que personne, l’esprit de son maître et l’a transmis à l’Église ainsi qu’à nous tous. Nous devons lui en être reconnaissants. Saint Paul a écrit à son disciple deux lettres qui sont comme un héritage qu’il lui laisse. Timothée garda assurément toujours ces lettres ; les exhortations de son maître ne cessaient de retentir à ses oreilles, il aura réglé sa vie d’après ces lettres. Aujourd’hui, jour de sa fête, nous devrions lire ces Épîtres et en faire la norme de notre vie. Mais qui prend seulement le temps de lire ces lettres, aujourd’hui ? C’est pourquoi l’Église choisit, dans l’Épître, un passage de l’une de ces lettres et veut que nous le méditions, au cours de la journée, pour régler notre vie d’après les conseils qu’il contient. Appliquons-nous les paroles de saint Paul, comme si nous étions ses disciples préférés. Que nous disent-elles ? Tout d’abord, elles nous recommandent la pratique des vertus : la justice, la piété, la foi, la charité, la patience, la douceur ; nous devons combattre le bon combat de la vie et saisir des deux mains la vie éternelle. Et saint Paul nous rappelle les deux grands moments de notre vie, les limites de notre pèlerinage terrestre : le baptême et la mort. Au baptême, nous avons fait notre profession de foi, devant de nombreux témoins, c’est-à-dire à la face de l’Église entière et, depuis lors, nous devons être des “ confesseurs et des martyrs” de cette foi. Nous devons rendre active dans notre vie cette profession de foi ; à chaque Credo de la messe ou du bréviaire, nous devons songer aux engagements de notre baptême. Saint Paul nous rappelle le Roi de tous les confesseurs et de tous les martyrs, Jésus-Christ, qui a rendu devant Ponce-Pilate un beau témoignage. L’Église nous rappelle en outre saint Timothée qui, fidèle aux “ exhortations ” de son maître, a rendu “ son bon témoignage” et l’a scellé de son sang. Et cela nous amène à la seconde borne de notre vie : l’avènement du Christ dans la mort. C’est le but de notre vie et tous nos efforts doivent tendre à rester “ sans tache et sans reproche ” jusque-là La sainte Eucharistie unit ces deux points extrêmes, elle se rattache au baptême, elle nous donne force et grâce pour le “ témoignage” et nous conduit jusqu’à l’avènement du Seigneur qui se réalise déjà mystiquement.

25 JANVIER

Conversion de Saint Paul (double majeur).

Cette fête n’avait pas pour objet, originairement, la conversion de saint Paul, mais une translation de ses reliques, et elle était en relation, par le temps, avec la fête de la Chaire de Saint-Pierre (huit jours plus tard). Cependant peu à peu on oublia ce rapport historique et, à la place d’une translation de reliques, on célébra la Conversion de l’Apôtre.

1. Conversion de saint Paul. — L’Église célèbre la conversion de l’Apôtre des Gentils à cause de l’importance de cet événement pour toute la chrétienté. La conversion eut lieu environ cinq ans (le martyrologe dit deux) après la mort du Sauveur ; elle fut soudaine, indépendante de l’action de saint Paul ; ce fut une œuvre de la grâce. L’Apôtre en parle souvent dans ses Épîtres, mais toujours avec un sentiment de saisissement et une reconnaissance profonde (la Sainte Écriture rapporte trois fois en détail cet événement capital dans la vie de l’Apôtre des nations, Act. IX, 1-22, XXII, 3-21, XXVI, 9-18). La conversion de saint Paul est en effet un événement décisif dans le développement du royaume de Dieu sur la terre. Grâce à saint Paul, l’Église fut délivrée des chaînes du judaïsme et se tourna vers les Gentils. Il apporta l’Évangile en Europe et jusqu’à Rome. Grâce à lui, l’Église fut une Église universelle, une Église catholique. Par conséquent, nous sommes même redevables à l’Apôtre des nations de notre christianisme. C’est pourquoi nous célébrons avec reconnaissance le grand événement de la conversion de saint Paul, dans laquelle la grâce triompha si visiblement de la nature et de la volonté humaines. Sans doute la volonté de saint Paul ne resta pas passive. La grâce s’unit à sa volonté : “ La grâce de Dieu ne fut pas vaine en moi. ”

2. La messe (Scio cui). — A l’Introït, saint Paul dit qu’il s’abandonne entièrement à la main de Dieu et qu’il espère, en retour, le bien qui lui est réservé, au jour de l’avènement du Christ. Cet Introït, nous pouvons le faire nôtre et, dans la communion, nous recevons le gage du bien promis. Le ps. 138, que nous réciterons en entier, nous donne la joyeuse certitude que nous avons été choisis de toute éternité avec saint Paul. Puisse notre conversion être complète aussi (Or.). La Leçon décrit, d’une manière vivante, l’événement de la fête. A l’Évangile, nous entendons les promesse de Notre-Seigneur à ceux qui le suivent : “ Quand Fils de l’Homme sera assis sur le trône de sa majesté vous serez assis vous aussi sur douze trônes... ” Ceci s’est réalisé pour saint Paul à sa mort, et la sainte messe nous donne une participation à sa gloire. A l’Offrande que chacun de nous “ abandonne ” ce que la grâce lui inspire de sacrifier ; au banquet eucharistique, nous recevrons le gage du “ centuple ” promis (Comm.).

3. Notre conversion. — Ce grand événement n’a-t-il pas, dans notre vie, son pendant ? Oui. Le premier jour de notre conversion fut notre baptême, ce fut l’intervention du Christ dans notre vie. Ce fut un jour de pure grâce, sans le moindre mérite de not part. Il est vrai que nous n’en eûmes pas conscience dans un certain sens, c’est dommage. Quelle action puissante exerçait le baptême, dans la primitive Église sur les baptisés adultes ! C’était, dans le plein sens mot, une conversion, un redressement de toute la vie Pensons, par exemple, à saint Augustin. Pour nous, qui sommes baptisés les premiers jours de notre enfance, nous avons souvent besoin d’une seconde conversion qui nous fait passer d’une vie tiède ou peut-être pécheresse, en tout cas d’un christianisme inconscient à une vie chrétienne zélée et consciente, qui comporte un renouvellement de la grâce et des promesses baptismales. Ce jour devrait être consacré à la pensée reconnaissante de ces deux conversions : la conversion inconsciente et la conversion consciente .

Il y a encore une autre heure de Damas, dans notre vie, c’est la messe. Là le Christ vient à notre rencontre, sa grâce se rattache à la première grâce qu’il nous donna et veut achever ce qu’elle commença alors. Elle veut maintenir en nous le sentiment de la conversion, ce sentiment que nous admirons dans la vie de saint Paul. Vingt ans, trente ans après sa conversion, il est encore ému jusqu’aux larmes, quand il pense au chemin de Damas. C’est là la marque d’un homme vraiment grand, quand une impression décisive ne s’affaiblit pas en lui. Car la conversion seule ne suffit pas, il faut qu’elle soit durable et l’heure de Damas de la messe nous aide à la rendre telle. A chaque messe se produit une conversion, une transsubstantiation. J’apporte à l’autel ma misère humaine et je reçois en échange la vie divine : j’apporte du pain terrestre (à l’Offrande) et je reçois en retour le pain divin (à la Communion). C’est un Saul qui vient à la messe, c’est un Paul qui s’en retourne.

26 JANVIER

Saint Polycarpe, évêque et martyr (double).

Une voix retentit du haut du ciel : Courage, Polycarpe, combats virilement.

1. Saint Polycarpe. — Jour de mort : 23 février 155. Tombeau : église du tombeau sur le mont Mustapha, en Asie Mineure. Image : On le représente en évêque, avec la palme et la couronne et aussi avec une épée. Sa vie : Le martyrologe raconte avec respect : “ A Smyrne, la mort de saint Polycarpe, disciple de saint Jean ; il avait été consacré par lui évêque de cette ville et se tenait à la tête de toutes les Églises d’Asie Mineure. Sous Marc Antonin et Lucius Aurelius Commode, le proconsul tint un jour à Smyrne des assises judiciaires. Alors, toute la population commença, dans l’amphithéâtre, à manifester contre Polycarpe et à réclamer sa tête. C’est pourquoi on le condamna à la mort sur le bûcher. Mais comme il était sorti sain et sauf de ce supplice, on le décapita avec l’épée, et ainsi il fut orné de la couronne du martyre. Avec lui douze autres chrétiens qui venaient d’arriver de Philadelphie souffrirent aussi la mort pour la foi. ”

Saint Polycarpe est du petit nombre de ces hommes de l’âge apostolique dont le nom est venu jusqu’à nous. L’évêque de Smyrne est une des plus vénérables figures de martyrs de l’antiquité chrétienne. Sa vie et sa mort nous sont attestées par des Actes authentiques de son martyre, — les plus anciens que nous possédions — et par des écrivains contemporains. Rien n’est émouvant comme de lire dans saint Irénée, un disciple de saint Polycarpe : “ Le souvenir de ce temps où j’étais -encore enfant auprès de Polycarpe, en Asie Mineure, est aussi vivant dans ma mémoire que le présent. Maintenant encore, je pourrais montrer l’endroit où il s’asseyait pour enseigner, je pourrais décrire ses allées et venues, son extérieur et même sa manière de parler devant le peuple. Il me semble que je l’entends encore parler de Jean et des autres qui avaient vu le Seigneur, rapporter leurs paroles et ce qu’il avait appris d’eux sur le Seigneur et ses miracles... ”

Ceux de nos lecteurs, qui peuvent se procurer les Actes de son martyre, feront bien de les lire, tous les ans, au jour de sa fête. On sent, dans ses écrits, le souffle de l’esprit de la primitive Église. Le proconsul le pressait d’apostasier en lui disant : “ Abjure et je te rends la liberté, maudis le Christ. ” “ Alors saint Polycarpe de répondre : “ Il y a soixante ans que je le sers. il ne m’a jamais fait de mal, comment pourrais-je blasphémer mon Roi et mon Sauveur ? ” — Attaché sur le bûcher, il pria ainsi vers le ciel : “ Seigneur, Dieu Tout-Puissant, Père de ton Fils béni, Jésus-Christ, par lequel nous avons eu connaissance de toi, Dieu des anges, des Puissances, de toute la création et de toute la légion des justes qui vivent devant ta face ! Je te loue parce que, en ce jour et en cette heure, tu m’as jugé digne de participer, en union avec tes martyrs, au calice de ton Christ, pour la résurrection dans la vie éternelle selon le corps et l’âme, dans. l’immortalité du Saint-Esprit. Parmi eux je voudrais ; être reçu aujourd’hui comme une victime grasse et agréable, comme tu m’y as préparé, Dieu infaillible : et véridique, comme tu me l’as annoncé d’avance et comme maintenant tu l’as accompli. C’est pourquoi je te loue aussi pour tout, je te bénis et te glorifie par ton Pontife éternel et céleste, Jésus-Christ, par lequel soit à toi et à lui et au Saint-Esprit honneur maintenant et dans tous les siècles. Amen. ” Dès qu’il eut dit Amen et achevé sa prière, les bourreaux allumèrent le feu. “ La flamme s’éleva violemment, alors nous (les chrétiens présents) vîmes un miracle. Le feu se courba comme une voile que bombe le vent et entoure ainsi le corps du martyr. Quant à lui, il se tenait au milieu, non comme une chair qui grille, mais comme un pain qui est déjà cuit ou comme de l’or et de l’argent que purifie le feu... a Pour finir, encore un passage d’une grande importance liturgique : “ De cette façon, nous avons ensuite reçu ses ossements qui sont plus précieux pour nous que des pierreries... et nous les avons ensevelis dans un endroit convenable. Là, avec la grâce de Dieu, nous nous rassemblerons avec joie et allégresse et nous célébrerons l’anniversaire de son martyre en mémoire de ceux qui ont déjà soutenu le combat et pour préparer au combat ceux qui l’attendent encore. ”

2. La messe (Sacerdotes Dei). — La messe (empruntée pour la plus grande partie aux textes des messes de commun) évoque souvent la vie de notre saint. Le vieil et vénérable évêque se tient devant nous dans la personne du prêtre célébrant. (Intr. Allel.). A l’Épître, le maître apostolique de notre saint nous parle de la charité : “ Nous reconnaissons l’amour de Dieu, en ce qu’il a donné sa vie pour nous. Ainsi devons-nous donner notre vie pour nos frères. ” C’est ce qu’a fait Il saint Polycarpe. A la messe se renouvelle mystiquement cette double mort : celle du Christ et celle du Saint martyr. Le saint a également réalisé l’Évangile, il a, dans la lumière du monde, annoncé la foi au Christ, il a “ confessé le Seigneur devant les hommes ” ; main tenant le Seigneur “ le confesse devant son Père céleste. ” Au banquet eucharistique, nous recevons un rayon de cette gloire dont Polycarpe jouit dans la splendeur des cieux.

27 JANVIER

Saint Jean Chrysostome, évêque et docteur de l’Église (double)

Je porte les stigmates de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans mon corps.

1. Saint Jean Chrysostome. — Jour de mort : 14 septembre 407, en exil. Tombeau : son corps fut d’abord apporté à Constantinople ; plus tard, il fut transporté à Rome, à Saint-Pierre. Sa vie : le martyrologe annonce au 14 septembre : “ A Constantinople, la mort de saint Jean, évêque de cette ville ; à cause du flot d’or de son éloquence, il avait reçu le surnom de Chrysostome (Bouche d’or). Par les intrigues d’un parti ennemi, il fut exilé. Mais, après que le pape Innocent 1er eut décidé en sa faveur, on fut obligé de le rappeler. Comme le saint avait beaucoup souffert des mauvais traitements des soldats qui l’accompagnaient, il succomba sur le chemin du retour. ”

Faisons aujourd’hui un pèlerinage à Saint-Pierre de Rome, au tombeau du grand évêque. Il est difficile de dire en peu de mots toute son importance : c’est un docteur de l’Église, un évêque et un martyr. Maintenant encore, il se tient “ au milieu de l’Église ” et toujours “ le Seigneur ouvre sa bouche ”, car ses écrits continuent son influence dans l’Église. Ce fut un prédicateur béni de Dieu, peut-être le plus grand de tous les temps, il eut un culte ardent pour saint Paul, si bien qu’on croyait que l’Apôtre l’avait aidé dans la rédaction de ses écrits. Ses commentaires de l’Écriture, à cause de leur caractère concret, sont plus intelligibles pour nous que les commentaires allégoriques des autres Pères de l’Église. Ses écrits sont très nombreux, et ses œuvres complètes forment treize volumes in-folio. Elles comprennent des traités sur la vie monastique, la virginité, le sacerdoce, des sermons, des homélies.

Ce fut aussi, dans tout le sens du mot, un pasteur des âmes, un protecteur de la veuve et de l’orphelin, un évêque courageux, qui savait “ reprendre opportunément et importunément ”, qui ne craignait pas le mécontentement des princes, même celui de l’impératrice. Son devoir pastoral fit de lui un martyr : deux fois il dut partir pour l’exil, et bien que l’Église ne le fête pas comme martyr, il porte cependant la palme du martyre à la main, car sa mort fut la conséquence des mauvais traitements qu’il subit. Signalons encore qu’il exerça une grande influence sur la liturgie de l’Église d’Orient : les cérémonies de la messe qui sont, aujourd’hui encore, les plus employées dans l’Église grecque, s’appellent liturgie de saint Jean Chrysostome.

2. La fin de sa vie. — Les soldats de la garde de l’empereur le conduisaient et le forçaient de marcher rapidement. Ils espéraient parvenir, au moyen des fatigues excessives, à se débarrasser du saint. En dépit de la pluie qui tombait violemment, les soldats le poussaient sans pitié devant eux. Jamais on ne faisait halte dans les villes et les bourgades. Malgré tous ces mauvais traitements, le saint garda, pendant ces trois mois d’un voyage pénible, son calme et sa sérénité. Après avoir traversé, sans s’y arrêter, la ville de Komona, on fit halte à cinq ou six milles de là, près du sanctuaire d’un martyr. Là, pendant la nuit. le saint évêque vit, dans une vision, saint Basilisque évêque de Komona. qui avait été martyrisé en Bithynie, sous l’empereur Maximin ; il était accompagné du martyr Lucien d’Antioche : “ Courage Jean, mon frère”, lui dit-il, “ demain nous serons réunis ensemble. ” Dans la foi à cette promesse, le saint demanda le lendemain matin aux soldats de le laisser en ce lieu jusqu’à la cinquième heure. Ceux-ci refusèrent et le forcèrent à partir. Mais à peine avaient-ils fait trente stades, qu’ils se virent forcés de revenir sur leurs pas, car Jean était tombé malade. Le saint évêque demanda des habits blancs qui convenaient à la pureté de sa vie. n distribua ses propres habits aux personnes présentes, ne gardant que ses chaussures. Après avoir reçu les saints mystères et fait devant les fidèles rassemblés sa dernière prière, avec la formule accoutumée “ Béni soit Dieu pour tout ”, celui dont les pieds s’étaient fatigués pour amener les pénitents au salut et détourner les grands pécheurs de la voie de la perdition, entra dans l’éternel repos.

3. La messe (In medio) du commun des confesseurs.

28 JANVIER

Sainte Agnès (pour la seconde fois) vierge et martyre (simple).

A sa droite se tenait un agneau.

C’était un antique usage, le huitième jour après la fête d’un saint, de se rassembler autour de son tombeau et de célébrer le Saint-Sacrifice. Cet usage s’est maintenu pour la fête de sainte Agnès ; seulement, dans les livres liturgiques, on n’appelle pas ce jour l’Octave, mais “ Sanctae Agnetis secundo ”, c’est-à-dire pour la seconde fois. Cette seconde fête est célébrée avec une solennité moindre (rite simple). Cet antique usage a été repris dernièrement pour les trois fêtes qui suivent Noël. Cependant la fête d’aujourd’hui a, dans les anciens sacramentaires, une importance particulière : c’est le jour de la naissance de sainte Agnès, qu’on célébrait, par exception, à cause de la grande vénération qu’on avait pour la sainte.

1. Sainte Agnès. On lit aujourd’hui au bréviaire cette édifiante leçon : “ Comme, un jour, les parents d’Agnès veillaient, selon leur coutume, auprès de son tombeau, elle leur apparut dans la nuit entourée d’un chœur de vierges et leur adressa les paroles suivantes : Chers parents, ne me pleurez pas comme une morte car, en compagnie de ces vierges, je vis au ciel auprès de Celui que, sur la terre, j’ai aimé de tout mon cœur. ” Quelques années plus tard, Constance, fille de Constantin le Grand, qui souffrait d’un ulcère inguérissable, priait, bien qu’elle ne fût pas encore chrétienne, au tombeau de la sainte. S’étant endormie, elle entendit ces paroles de sainte Agnès : “ Constance, sois constante. Crois en Jésus-Christ, le Fils de Dieu et tu seras guérie.” Elle fut en effet guérie ; peu de temps après, elle reçut le baptême avec beaucoup d’autres membres de la famille impériale et elle fit bâtir, en l’honneur de sainte Agnès, une église sur son tombeau. ” — Cette leçon nous renseigne sur un usage des premiers chrétiens : ils aimaient passer la nuit près du tombeau des martyrs. Ils y amenaient même leurs malades, car ils étaient persuadés qu’une vertu de guérison sortait du tombeau des martyrs.

2. La messe (Vultum tuum). — La messe est empruntée aux textes du commun. Le thème dominant est celui de l’épouse ; dans tous les chants, on entend l’écho du psaume nuptial, le ps. 44. Dans l’Épître, courte mais très significative, l’Église nous assure qu’elle nous a tous fiancés à un seul Homme, Jésus-Christ, comme une vierge pure, et que, dans son zèle maternel, elle veille sur notre fidélité. L’Évangile nous montre le Christ et le “ royaume des cieux ” comme une perle précieuse et un trésor caché. Agnès a tout sacrifié pour ce trésor : elle a renoncé au plaisir, à la richesse, au bonheur terrestre et à la vie, pour l’acheter. Dans la communion, nous recevons les arrhes de ce divin trésor. Les deux antiennes du coucher (1ères Vêpres) et du lever du soleil (Laudes) sont d’une grande beauté : “ A sa droite se tenait. un Agneau blanc comme la neige. C’est le Christ qui s’est consacré Agnès comme épouse et comme martyre” (Vêp.).

Ce que j’espérais, je le possède déjà

Avec lui je suis unie au ciel.

Lui que sur la terre j’ai aimé de tout mon cœur. ”)

(Laudes).

29 JANVIER

Saint François de Sales, évêque et docteur de l’Église (double)

On prend plus de mouches avec une cuillerée de miel, qu’avec cent tonneaux de vinaigre (paroles de saint François).

1. Saint François. — Jour de mort : 28 décembre 1622, à Lyon (29 janvier, translation de ses reliques). Tombeau : église de la Visitation à Annecy (Savoie). Sa vie : François naquit le 21 août 1567 ; il fut ordonné prêtre en 1593 ; de 1593 à 1598, il fut chargé de la mission du Chablais qui se termina par la conversion de 70.000 protestants ; en 1602, il devint évêque de Genève. La douceur et l’amabilité résument toute sa vie, mais constituent aussi le secret de sa sainteté et de son influence. De ses nombreux écrits, où se reflètent la bonté et le charme de sa personne, le plus répandu, aujourd’hui encore, est l’“ Introduction à la vie dévote ”. Ce livre est, avec l’“ Imitation de Jésus-Christ ”, le meilleur manuel de la perfection chrétienne. Ce petit livre prouve au monde que la piété est aimable et doit rendre les hommes aimables. Son amitié sainte avec sainte Françoise de Chantal est aussi très célèbre. Son “ Introduction à la vie dévote ” et ses autres écrits lui valurent d’être proclamé docteur de l’Église.

Son amabilité et sa douceur ont aussi leur histoire. Il ne les avait pas trouvées dans son berceau. Au contraire, il avait un tempérament violent et ardent, un esprit excessivement vif et impétueux. Il lui fallut de nombreuses années pour dompter son tempérament emporté et violent. Durant son épiscopat, ce tempérament l’emporta encore une fois, parce que, pendant un de ses sermons, on sonna avant qu’il eût terminé. Il arriva cependant à se dominer en “ prenant toujours vite la colère au collet ”. Faisons de même nous aussi.

2. La messe (In medio). — La messe est empruntée au commun des docteurs (cf. 14 janvier, p. 203). L’Oraison seule est propre, elle caractérise très bien notre saint : elle parle d’abord du pasteur des âmes, qui a fait sienne la devise de saint Paul : je me suis fait tout à tous pour les sauver tous (1. Cor. X, 22) ; elle parle ensuite de sa douceur et la demande pour nous, comme fruit de Rédemption, en ce jour : “ afin que, pénétrés de la douceur de ta charité, dirigés par ses avis et soutenus par ses mérites, nous obtenions les joies éternelles. ” — Quand le saint du jour possède une vertu caractéristique ou une grâce spéciale (comme c’est le cas aujourd’hui), il faut en faire, non seulement à la messe et au bréviaire, mais pendant toute la journée, l’objet de nos méditations et le principe de nos résolutions. Le saint doit être notre maître. A l’Offrande de la messe, nous apporterons notre volonté de pratiquer cette vertu ; à la communion, nous recevrons la force et la grâce de la pratiquer. Aux heures de l’Office, notre prière et notre intention doivent avoir cette vertu pour objet. Lisons aujourd’hui, dans l’“ Introduction ”, précisément le chapitre qui traite de la mansuétude et de la douceur. Ainsi le saint du jour nous deviendra plus familier, il sera notre maître et notre professeur de vertu.

3. La douceur d’après l’Introduction à la vie dévote. “ Cette misérable vie n’est qu’un cheminement à la bienheureuse. Ne nous courrouçons donc point en chemin les uns avec les autres, marchons avec la troupe de nos frères et compagnons doucement et amiablement. Mais je vous dit nettement et sans exception, ne vous courroucez point du tout s’il est possible et ne recevez aucun prétexte quel qu’il soit pour ouvrir la porte de votre cœur au courroux, car saint Jacques dit tout court et sans réserve que “ l’ire de l’homme n’opère point la justice de Dieu ”.

Il faut vraiment résister au mal et réprimer les vices de ceux que nous avons en charge, constamment et vaillamment, mais doucement et paisiblement. Rien ne mâte tant l’éléphant courroucé que la" vue d’un agnelet et rien ne rompt si aisément la force des canonnades que la laine. On ne prise pas tant la correction qui sort de la passion, quoique accompagnée de raison. que celle qui n’a aucune autre origine que la raison seule ; car l’âme raisonnable étant naturellement sujette à la raison, elle n’est sujette à la passion que par tyrannie ; et partant, quand la raison est accompagnée de passion, elle se rend odieuse, sa juste domination étant avilie par la société de la tyrannie...“ Il est mieux, dit saint Augustin, de refuser l’entrée à l’ire juste et. équitable que de la recevoir pour petite qu’elle soit, parce que, étant reçue, il est malaisé de la faire sortir. ” Que si une fois elle peut gagner la nuit et que le soleil couche sur notre ire (ce que l’Apôtre défend) se convertissant en haine, il n’y a plus moyen de s’en défaire. ”

30 JANVIER

Sainte Martine, vierge et martyre (semi-double)

Vous êtes les concitoyens des saints et les familiers de Dieu.

1. Sainte Martine. — jour de mort : 1er janvier, vers 226. Tombeau : Sous le règne d’Urbain VIII, ses reliques furent découvertes et déposées dans l’église Sainte-Martine sur le forum, à Rome. Image : On la représente avec les instruments de son supplice : l’épée et les tenailles. Sa vie : Martine, vierge romaine,. dont le père était consulaire, perdit de bonne heure ses parents. Par amour pour le Christ, elle distribua ses biens aux pauvres. Sous l’empereur Alexandre Sévère, elle reçut l’ordre d’adorer les dieux. Elle repoussa avec horreur un pareil sacrilège. C’est pourquoi elle fut battue de verges, déchirée avec des tenailles et, après beaucoup d’autres tortures, elle fut décapitée par l’épée. Elle mourut, sous le pape Urbain l, vers 226.

2. La messe (Loquebar). — La messe unit le thème de l’Épouse avec celui du martyre. A l’Introït, nous. voyons la sainte se tenir, sans crainte, devant son juge et de plus l’entrée du prêtre nous rappelle la “ démarche”) immaculée de la vierge sainte. Il est émouvant d’entendre, dans la Leçon, les actions de grâces de la sainte pour le secours du Christ, du “ Roi ”, au milieu des “ rugissements des lions ” et de la “ flamme oppressante ”. Dans les deux chants qui suivent, nous voyons le cortège nuptial du Christ et de son Épouse l’Église, qui, dans cette sainte, est si semblable à l’Époux divin. L’Évangile des vierges sages qui, dans la nuit, attendent, avec des lampes allumées à la main, l’Époux qui va" venir, s’applique à l’Église, à sainte Martine et à nous aussi. Comme cette parabole s’est merveilleusement accomplie dans la mort de la sainte martyre ! Au Saint-Sacrifice, elle se réalise. C’est pourquoi, à l’Offertoire, nous nous avançons comme des vierges sages vers l’autel, avec les lampes allumées de l’amour de Dieu et de notre union au Sacrifice : les vierges sont offertes au Roi (qui a son trône sur l’autel) “ offerentur” (Off.). A la Communion, nous comprenons une fois de plus que c’est l’Eucharistie qui donne la force de souffrir.

3. La lumière dans la liturgie. — “ Toutes les vierges se levèrent et allumèrent leur lampe. ” Cette belle parabole de la lumière peut nous servir de préparation à la fête imminente de la Chandeleur. Il importe de nous demander quelle est la signification de la lumière dans la liturgie. La lumière est le symbole de Dieu et de la vie divine, alors que, par contre, les ténèbres sont le symbole du démon et de ses œuvres (le péché). Toute l’année liturgique est un grand symbole de lumière. Le cycle d’hiver ou de la nuit exprime nos efforts pour sortir de la nuit et tendre vers la lumière. Le cycle d’été ou du jour représente la victoire de la lumière, du Christ, sur les ténèbres. Le jour liturgique lui aussi est tout pénétré des pensées de lumière. De même, dans les offices liturgiques, on se sert fréquemment de la lumière comme symbole. Le sens symbolique se résume toujours ainsi : le Christ et la vie divine qui procède de lui. C’est pourquoi on se sert de la lumière partout où le Christ paraît. C’est pourquoi il est prescrit d’avoir des cierges allumés pour célébrer la messe ; c’est pourquoi brûle toujours, devant le Saint-Sacrement, la lampe du sanctuaire ; c’est pourquoi, aussi, on porte des cierges pendant le chant de l’Évangile ; c’est pourquoi on allume des cierges au moment de la Consécration ; c’est pourquoi enfin, à Pâques, on bénit et on allume solennellement le cierge pascal. Mais il convient aussi que le chrétien ait à la main un cierge allumé, car il possède la vie divine : il le reçoit solennellement des mains de l’Église au moment de son Baptême ; il le porte le jour de sa première communion ; chez lui, il l’allume dans les périls et le besoin ; enfin, au moment de sa mort, il le reçoit dans sa main tremblante, pour s’en aller dans la nuit du trépas au-devant de l’Époux. Au jour de la Chandeleur, nous recevons de nouveau, de la main du prêtre, un cierge bénit. L’Église nous exhorte, par là, à rester toute l’année des fils de lumière et à passer à travers le monde, en portant le Christ en nous.

31 JANVIER

Saint Pierre Nolasque, confesseur (double)

Le Seigneur a envoyé la Rédemption à son peuple (Ps. 110).

1. Saint Pierre. — Jour de mort : 25 décembre 1256. Tombeau : à Barcelone (Espagne). Image : on le représente en vêtements blancs, avec, sur la poitrine, un écusson aux armes d’Aragon, et entouré de chrétiens délivrés de l’esclavage. Sa vie : Saint Pierre Nolasque fonda l’Ordre de la Merci pour le rachat des captifs. Un jour qu’il priait, la sainte Vierge lui apparut (1228) et lui déclara qu’il serait très agréable à son divin Fils et à elle, qu’il fondât un Ordre en son honneur pour le rachat des chrétiens, de l’esclavage des infidèles. Saint Pierre obéit et fonda avec saint Raymond de Pennafort et Jacques 1, roi d’Aragon, l’Ordre de Notre-Dame de la Merci pour le rachat des captifs. On imposa aux membres de cet Ordre un !quatrième vœu, celui de rester eux-mêmes captifs des païens si le rachat des chrétiens l’exigeait. Pierre mourut avec ces paroles du psaume sur les lèvres : “ Il a envoyé la rédemption à son peuple. ”

2. La messe (Justus ut palma). — La messe reflète la vie de notre saint. Saint Pierre a tout abandonné pour acquérir le trésor éternel ; sa vie fut vraiment un spectacle pour les anges et les hommes. A l’Offertoire, nous apportons ce grand renoncement du saint sur l’autel et, à la communion, nous participons à sa gloire. La messe est toute pénétrée de la pensée de l’imitation du Christ, dans la pauvreté et la faiblesse. Dans l’Épître, il semble que saint Pierre oppose à notre fierté, à notre vie confortable, sa pauvreté et ses opprobres.

3. L’Oraison. — La collecte résume brièvement la vie du saint et nous indique les conclusions que nous devons tirer. Nous trouvons quatre belles pensées : 1° La charité héroïque de notre saint, qui le porta à racheter les chrétiens, n’est qu’une émanation de l’amour de Dieu (“ Dieu a tant aimé le monde... ”). Et même, somme toute, c’est un acte d’amour de la part de Dieu d’envoyer au monde des saints qui, dans leur vie, sont le reflet de ses perfections. 2° Le nouvel Ordre a donné à l’Église de nouveaux enfants dont saint Pierre, en tant que fondateur d’Ordre, est le père. C’est là une pensée qui a de profondes racines dans la liturgie : saint Paul se déclare le père des Corinthiens : “ Alors même que vous auriez des milliers de pédagogues dans le Christ, vous n’avez pas plusieurs pères, car je vous ai engendrés dans le Christ Jésus par l’Évangile. ” Par conséquent, quand le prêtre, dans les cérémonies liturgiques ou les relations ordinaires, est appelé : Pater, Père, cette dénomination a un sens profond. Nous pouvons, nous aussi, avoir part à cette a dignité paternelle en donnant, par l’apostolat, de nouveaux enfants à l’Église. 3° La délivrance des chrétiens captifs est une image de la délivrance des chaînes du démon, de l’“ esclavage du péché ” (Jean VIII, 34). Assurément le baptême nous a délivrés de l’empire du démon (rappelons-nous les nombreux exorcismes que comporte le rite du baptême), cependant, tant que nous vivons, nous portons des chaînes spirituelles par notre attachement au péché et notre inclination au mal. 4° La véritable liberté ne se trouvera que dans la patrie céleste. Quel bonheur ce dut être, pour les pauvres chrétiens captifs, de revoir leur patrie et de recouvrer la liberté tant désirée, après avoir désespéré déjà de sortir d’esclavage. Il en est de même pour nous : ce n’est que lorsque nous serons arrivés dans notre patrie céleste, que nous jouirons de la pleine liberté. Cette “ liberté des enfants de Dieu ” nous devons nous efforcer de la conquérir de plus en plus, en nous rendant maîtres de l’homme inférieur : l’esprit doit dominer sur la chair. “ La vérité vous rendra libres. ”.

1er FÉVRIER

Saint Ignace, évêque et martyr (double)

Je suis le froment du Christ.

1. Saint Ignace. — Jour de mort : le 17 octobre entre 110 et 118. Tombeau : à Antioche. Sa vie : le martyrologe relate : “ A Rome, saint Ignace évêque et martyr, il fut le second successeur de l’Apôtre saint Pierre sur le siège d’Antioche ; pendant la persécution de Trajan, il fut condamné aux bêtes et amené enchaîné à Rome. Là, il fut, sur l’ordre de Trajan, exposé, devant le Sénat, aux peines les plus cruelles et ensuite jeté aux lions. Dévoré par leurs dents, il fut une victime pour le Christ. ”

Parmi les héros de la primitive Église, saint Ignace est au premier rang. Son voyage pour le martyre est un voyage nuptial et en même temps un chemin de Croix ; les sept lettres qu’il écrivit, pendant ce voyage, sont, pour ainsi dire, sept stations du chemin de la Croix ; mais chacune est comme un chant nuptial où le saint martyr exhale son amour pour le Christ et son ardent désir d’être uni à lui. Ces lettres sont l’un des legs les plus précieux que nous ait laissé la primitive Église. La date de son martyre est inconnue. Peut-être mourut-il pendant les fêtes de victoire où Trajan offrit, pour amuser la populace sanguinaire, la vie de dix mille gladiateurs et celle de onze mille bêtes sauvages. C’est sans doute dans l’immense Colisée, qui venait d’être achevé et qui brillait de tout l’éclat de l’or et du marbre, que notre saint remporta la victoire du martyre.

La liturgie romaine honore particulièrement la mémoire de saint Ignace en nommant chaque jour son nom au Canon de la messe avec respect, et. en choisissant une parole de ce saint — honneur rare — comme antienne de Communion. “ Depuis la Syrie jusqu’à Rome, j’ai à lutter contre les bêtes sauvages sur terre et sur mer, car, nuit et jour, je suis enchaîné avec dix léopards, c’est-à-dire, avec les soldats qui me gardent et qui sont d’autant plus méchants qu’on leur fait plus de bien. Leurs mauvais traitements sont pour moi une instruction, mais malgré cela je suis encore loin d’être justifié. Oh ! si j’étais déjà arrivé auprès des ; bêtes sauvages qui me sont destinées ! Je les prierai de se hâter de me donner la mort et d’accélérer mon exécution. Je les exciterai à me dévorer, afin qu’elles ne fassent pas comme avec d’autres martyrs, en s’abstenant de toucher à mon corps. Si elles ne veulent pas se précipiter sur moi, je les forcerai à m’attaquer et à me dévorer. Mes petits enfants, pardonnez-moi ces paroles, je sais bien ce qui me convient. Maintenant. je commence à devenir un disciple du Christ, je ne désire plus rien de visible afin de trouver Jésus. Le feu, la croix, les bêtes féroces, la rupture de mes membres, l’écrasement de tout mon corps et les tourments du diable peuvent venir, pourvu que je parvienne au Christ.” Quand notre saint eut été condamné à combattre contre les bêtes féroces et que, plein d’ardeur pour le martyre, il entendit le rugissement des lions, il s’écria : “ je suis le froment du Christ, je serai broyé par la dent des bêtes afin d’être trouvé un pain pur (du Christ) ” (Comm.).

2. La messe (Mihi autem). — La messe (nouvelle) a été composée spécialement pour saint Ignace et reflète sa vie. La marque caractéristique de sa vie est l’ardent amour de la Croix, c’est pourquoi la plupart des textes de la messe parlent de l’amour pour le Christ. Dès l’Introït, nous nous chargeons joyeusement de la Croix ou plutôt nous prenons place sur la Croix avec le Christ. L’Épître est le sublime passage de la lettre aux Romains, où saint Paul proclame son amour pour le Christ : “ Qui nous séparera de l’amour du Christ ? Les tribulations, le besoin, la faim, la nudité, le danger, la persécution ou le glaive ? ” Quel bel accent a le verset de l’Alleluia : “ Avec le Christ, je suis attaché à la Croix, c’est pourquoi ce n’est plus moi qui vis mais le Christ qui vit en moi ! ” Cette belle parole est encadrée par l’Alleluia. Mais ce qu’il y a de plus beau dans la messe, c’est l’image du grain de froment. Cette image se retrouve dans toute la messe, dans l’Évangile comme parabole, à l’Offrande sous l’aspect de l’hostie faite de pur froment, à la Communion dans les paroles même de saint Ignace. A l’Évangile, c’est tout d’abord le Christ qui est le grain de froment. On lit dans le bréviaire d’aujourd’hui : “ Le Seigneur Jésus était lui-même le grain de froment qui devait mourir et se multiplier, mourir par l’incrédulité des Juifs, se multiplier par la foi des peuples. Et il nous exhorte tous à marcher sur les traces de sa Passion. Celui qui aime sa vie la perdra ” (Saint Augustin). Par la mort de ce grain de froment s’est produit un gros épi (le corps mystique, l’Église). Chaque chrétien à son tour devient un grain de froment qui mûrit et en même temps est moulu dans le martyre. Nous aussi, nous sommes ce grain de froment. A la Communion, la parole de saint Ignace : je suis le froment du Christ, s’applique non seulement au saint martyr, mais à nous aussi. Chacun de nous doit être moulu. Qu’est-ce qui sera pour nous la dent des bêtes ? Seront-ce les persécutions, les souffrances, les hommes ? Il est certain que le grain de froment doit mourir, soit qu’il soit enfoui en terre pour devenir un nouveau germe, soit qu’il soit moulu pour devenir du pain. Telle est notre tâche dans la vie : mourir au monde, à la chair, à l’homme inférieur.

3. Les lettres du saint. — Que ceux de nos lecteurs qui peuvent se procurer les sept lettres de saint Ignace, en lisent l’une ou l’autre, aujourd’hui et les jours suivants, et les considèrent comme des conseils que leur adresse personnellement le vieil évêque. La lettre aux Romains, spécialement, respire un ardent désir de la palme du martyre. Saint Ignace supplie les Romains de ne rien entreprendre pour sa délivrance. Möhler appelle cette lettre “ ce qu’il y a de plus charmant dans la littérature chrétienne ”. Une pensée revient sans cesse, dans toutes les lettres : l’exhortation à la concorde et à l’unité, dans la communauté chrétienne. Pour nous, amis de la liturgie, l’étude de ces lettres est particulièrement importante, on y sent le souffle de cet esprit chrétien antique qui a créé la liturgie. Nous devons nous approprier cet esprit afin de parvenir à la piété liturgique.

2 FÉVRIER

Dernière fête du cycle de Noël

Purification de la Sainte Vierge (Chandeleur) (double de 2e classe)

L’Épouse prépare sa chambre nuptiale.

La Chandeleur est la dernière fête du cycle de Noël. Les pensées de la fête sont une transition entre Noël et Pâques. Nous voyons encore le divin Enfant dans les bras de sa Mère, mais elle l’offre déjà en sacrifice.

1. La fête. — L’Église chante : “ Aujourd’hui la bienheureuse Vierge Marie présenta l’Enfant Jésus au temple et Siméon rempli de l’Esprit-Saint le prit dans ses bras et bénit Dieu pour l’éternité. ” La fête est célébrée exactement quarante jours après Noël. L’Église romaine célèbre de préférence ses fêtes d’après la chronologie de l’Écriture (par exemple : la Circoncision, l’Annonciation, l’Ascension, la Pentecôte, la naissance de saint Jean-Baptiste).

La fête d’aujourd’hui est, en premier lieu,. une fête de Notre Seigneur et, en second heu, une fête de la Sainte Vierge. Pour bien comprendre cette fête, il faut la situer dans la série des grandes fêtes du cycle de Noël : Noël, l’Epiphanie et la Chandeleur sont les points dominants du cycle d’hiver. Nous pouvons même remarquer une belle progression, tant dans le symbole de la lumière que dans la participation de l’humanité à la manifestation de Dieu. A Noël, la lumière “ brille dans les ténèbres ” et bien peu nombreux sont ceux qui “ la reçoivent ” (la Mère de Dieu, les bergers à la Crèche). A l’Épiphanie, la “ lumière ” rayonne sur Jérusalem (l’Église), “ la gloire du Seigneur s’est levée sur Jérusalem ” et le monde païen “ afflue ” des ténèbres vers la ville de lumière. Aujourd’hui, à la Chandeleur, la lumière est dans nos mains, nous la portons en procession et à la messe ; la lumière fait aujourd’hui partie essentielle de la liturgie. Mais, aujourd’hui aussi, l’Église s’avance comme une Épouse au-devant du Seigneur et “ reçoit avec amour la miséricorde (faite Homme) dans ses bras ” (Intr.). C’est précisément cette progression qui donne toute sa beauté à cette fête. A Noël, l’Église est encore à l’arrière-plan, le divin Roi qui vient de naître domine toute la liturgie ; à l’Épiphanie, l’Église apparaît déjà comme l’Épouse “ ornée du vêtement du salut comme une Épouse, parée de joyaux ”. La liturgie célèbre ses noces. Aujourd’hui, la fête marque donc un progrès important : l’Épouse orne sa chambre nuptiale et va au-devant de l’Époux, c’est pourquoi nous chantons le cantique nuptial :

Pare ta chambre nuptiale, Sion,

Reçois le Christ, le Roi,

Entoure Marie, la Porte du ciel,

Car elle porte le Roi de gloire, la nouvelle lumière.

Là se tient debout la Vierge, elle porte dans ses mains son Fils

Engendré avant l’étoile du matin,

Siméon le reçoit dans ses mains et annonce aux peuples

Qu’il est le Maître de la vie et de la mort, le Sauveur du monde.

C’est justement dans cette participation de l’humanité que se trouve le sens principal de la fête. C’est pourquoi les Grecs l’appellent d’une manière très significative, “ la Rencontre ”. L’humanité rencontre le Seigneur dans le temple (dans l’Église). L’Invitatoire de Matines (qui d’ordinaire exprime d’une manière très concise le sens de la fête) nous dit : “ Voici que vient dans son saint temple le Souverain Seigneur ; Sion, va au-devant de ton Dieu, pleine de joie et d’allégresse. ” De même, pendant la messe, nous nous tenons les bras tendus prêts à recevoir l’Époux, c’est pourquoi nous chantons trois fois le psaume 47 avec le verset : “ Nous avons reçu ta miséricorde au milieu de ton temple... ” Ainsi donc le thème de la rencontre domine la fête. Le médiateur de cette rencontre est le vieillard Siméon, c’est pourquoi la liturgie aime à s’arrêter aujourd’hui devant cette figure vénérable.

Un second thème important de cette fête, c’est la lumière. Nous connaissons déjà le haut symbolisme de la lumière. Elle signifie le Christ et la vie divine du Christ en nous. Les paroles du vieillard Siméon : “ la lumière qui éclaire les nations ” donnent à l’Église l’occasion de célébrer une véritable fête de lumière. (Notre fête fut instituée pour remplacer les Lupercales païennes, fêtes dévergondées qui consistaient dans des processions nocturnes aux flambeaux, c’est pour cette raison que le célébrant et ses ministres portent, à la bénédiction des cierges et à la procession, des ornements violets). L’Église bénit aujourd’hui des cierges pour son usage liturgique, mais elle met aussi des cierges dans les mains des fidèles. Ils doivent faire brûler ces cierges chez eux, dans leurs cérémonies domestiques, au moment de l’orage et du péril, et, spécialement, au moment du Saint-Viatique et de l’Extrême-Onction. — L’Église veut nous faire souvenir en même temps de notre cierge de Baptême, signe de notre titre d’enfants de Dieu et du ministère sacerdotal constant des fidèles. Tous les ans, nous recevons de nouveau le cierge du Baptême, afin que nous puissions aller en hâte “ avec une lampe allumée ” au-devant de l’Époux quand il viendra pour les noces.

Qu’il est beau ce symbolisme de la lumière ! Nous recevons les cierges des mains de l’Église. (Il faudrait que les prêtres de paroisse, conformément aux prescriptions liturgiques, remettent vraiment les cierges aux fidèles). Quel est le sens de ce rite ? L’Église nous donne sans cesse le Christ et la vie divine. Nous portons aujourd’hui, en procession, la lumière allumée, c’est le symbole de la vie chrétienne ; ainsi devons-nous porter le Christ en nous . Avec la lumière dans nos mains, nous rentrons, après la procession, dans l’église ; c’est la maison de Dieu, symbole du ciel. Ainsi marchons-nous avec le Christ à travers la vie en nous dirigeant vers le ciel. Il est particulièrement beau et significatif de voir les fidèles, pendant le chant de l’Évangile et pendant le Canon jusqu’à la Communion, tenir leurs cierges allumés à la main. Quel est le sens de cette cérémonie ? A l’Évangile et au Canon, le Christ est présent parmi nous. C’est pourquoi, à la grand’messe, on porte à ces deux moments les cierges et l’encens. Mais aujourd’hui, l’Église nous dit : il faudrait qu’à chaque messe, vous portiez des cierges à la main ; d’ordinaire, les acolytes vous remplacent, mais aujourd’hui vous remplirez ce ministère du sacerdoce général. Ainsi la messe d’aujourd’hui est une véritable messe de “ Chandeleur ” presque la seule de l’année. (Aux messes des morts, les fidèles portent souvent aussi des cierges à la main, mais c’est pour une autre raison).

2. La messe. — a) La bénédiction des cierges et la procession. La couleur violette et l’Exurge, comme aux Rogations, nous étonnent un peu. Une fête de lumière et un cortège nuptial avec cette ombre de tristesse ! Si cette procession fut jadis une protestation contre les débordements païens, elle est aujourd’hui un acte expiatoire pour ceux aux yeux de qui n’a pas brillé “ la lumière pour la révélation des nations ”. Hélas ! cette révélation est loin d’être complète. Suivons attentivement, pendant la procession, le magnifique chant nuptial.

b) La messe elle-même (Suscepimus). Nous nous tenons comme Siméon et nous avons, en esprit, les bras tendus pour recevoir le Fils de Dieu, c’est l’attitude qui convient pendant l’avant-messe (Intr. Grad.). Considérons que, dans chaque messe, il y a une double “ Rencontre ” : dans l’avant-messe, la parole humaine se rencontre avec la parole divine et, dans le sacrifice, le Pain terrestre se rencontre avec le Pain divin. Dans la Leçon, le dernier Prophète, Malachie, prédit que le Messie paraîtra dans le temple. A l’Évangile, nous assistons à la réalisation de cette prophétie. D’une manière plus haute, cette prophétie se réalise au Saint-Sacrifice : le “ Souverain, le Messager de l’Alliance ” paraît sur l’autel. Il vient, aujourd’hui encore, comme le “ Roi de la nouvelle lumière ”, si brillant qu’aucun regard humain ne peut soutenir son éclat, si ardent qu’il purifie notre or (Leçon). A l’Offrande, nous nous approchons de l’autel avec Marie qui offre des tourterelles, mais aussi le Fils de Dieu (cf. le dernier chant de la procession, au moment de l’entrée dans l’église). A la Communion, nous sommes semblables au vieillard Siméon qui put contempler l’Oint du Seigneur, “ la lumière” (c’est pourquoi nous portons un cierge allumé à la main). La maison de Dieu est aujourd’hui le temple de Jérusalem (c’est pourquoi, dans la messe, il est si souvent question du temple) où le Christ paraît au Saint-Sacrifice.

3. Pensées de fête. — Recueillons encore quelques pensées de la fête.

a) Aujourd’hui se réalisent les prophéties de quelques Prophètes qui avaient annoncé que le temple de Jérusalem serait illustré par le fait que le Messie y paraîtrait et s’y manifesterait comme tel. Jésus entre aujourd’hui, pour la première fois, dans la maison de son Père, comme il l’appelait, dans le temple, il s’y manifestera encore souvent comme Messie et Fils de Dieu. Cette pensée domine en grande partie la messe de la fête, elle apparaît dans l’Introït, le Graduel et la Leçon. Le temple est le type de l’Église.

b) Aujourd’hui le Christ est offert dans le temple en sacrifice à Dieu le Père. D’après la Loi, tout premier-né était consacré à Dieu, il devait être présenté au temple et racheté. Mais, pour Notre Seigneur, la Présentation avait un sens plus profond : Dieu ne Il libère pas son Fils, la Présentation par les mains de Il Marie est, pour ainsi dire, l’Offertoire de sa vie. Si nous comparons la vie rédemptrice de Jésus avec le Sacrifice de la messe, sa Présentation dans le temple est l’Offertoire, et sa mort sur la Croix la Consécration et l’Élévation sanglante. Aujourd’hui, le divin Agneau est en quelque sorte placé sur la patène et présenté à son Père ; dans trente-trois ans, il achèvera son Sacrifice sur la Croix. Oui, c’était l’Offertoire de toute la Rédemption et la volonté de sacrifice de tous les fidèles y était unie.

c) Aujourd’hui, la sainte Vierge offre un sacrifice de Purification. D’après la loi, toute mère devait, après la naissance d’un enfant, se purifier des souillures lévitiques, car, à tout enfant, s’appliquait la parole du psaume (psaume 50) : “ dans l’injustice j’ai été conçu, et dans les péchés m’a conçu ma mère. ” — A la vérité, Marie n’était pas tenue à cette prescription, car elle était la plus pure des vierges, et son enfant, l’Agneau immaculé de Dieu. Néanmoins, avec humilité et en esprit d’immolation, elle offre le sacrifice des pauvres : un couple de tourterelles.

En imitation et en souvenir de la Purification de Marie, il y a, dans l’Église, un bel usage, malheureusement trop délaissé : dès qu’une mère, après la naissance d’un enfant, peut quitter la maison, sa première visite est pour l’église. Là, elle remercie Dieu de son heureuse délivrance, elle offre son cher enfant au Seigneur et le prêtre la bénit, elle et son enfant. C’est la cérémonie liturgique des relevailles. Cette cérémonie ne consiste pas, comme dans l’Ancien Testament, en une purification de la mère, chez les chrétiens, il n’est pas besoin de purification après la naissance, — mais, dans cette cérémonie, la jeune mère imite l’acte d’humilité de Marie : elle se tient auprès de la porte de l’église et est conduite par le prêtre à l’autel.

d) D’une beauté émouvante est la figure du vieillard Siméon. Dans un ardent désir, il a, toute sa vie, attendu le Sauveur. Avec sa foi enfantine, dans le pauvre fils d’ouvriers, il adore le Fils de Dieu ; avec son amour ardent, il sent son cœur rajeuni, quand, dans ses bras de vieillard, il tient l’Enfant Jésus. Désormais il ne demande plus rien à la terre, il a vu le Sauveur et, plein de reconnaissance, il chante la prière du soir de sa vie : “ Maintenant, tu laisses partir ton serviteur, Seigneur... ”

De ce beau chant, l’Église a fait la prière du soir et la prière de remerciement pour les bénédictions et les grâces du jour de, Rédemption. A Complies, nous trouvons ce chant à la fin. Nous voyons devant nous le vieillard Siméon, il tient dans ses bras l’Enfant Jésus et, le cœur rempli de reconnaissance, il achève le service de Dieu. Quand nous prions, nous sommes dans une situation semblable. Nous sommes tous, nous aussi, au service de Dieu. Maintenant, aux heures de la soirée, nous tenons en esprit le Sauveur dans nos bras, le Sauveur que nous possédons par la foi, par la grâce, par les sacrements ; nous remercions, du fond du cœur, Dieu de tous ses bienfaits et nous sommes prêts, si telle est sa volonté, à quitter la terre : Maintenant, laisse partir ton serviteur, les yeux de ma foi ont vu aujourd’hui et dans ma vie passée le Sauveur Jésus-Christ, j’appartiens moi aussi à la troupe des élus, il est mon salut,. ma lumière qui a éclairé les ténèbres de mon intelligence et de mon cœur, il est ma gloire, ma récompense éternelle. Ah si nous pouvions toujours terminer nos journées sur de telles pensées ! Il n’est pas de pensées plus ferventes pour une prière du soir. — Et quelle beauté n’a pas cette prière dans la bouche d’un chrétien mourant, comme prière du soir de sa vie !

3 FÉVRIER

Saint Blaise, évêque et martyr.

Bénédiction de saint Blaise.

1. Saint Blaise. — Jour de mort : 3 février, vers 316. Tombeau : à Paris. Image : On le représente en évêque avec un séran de fer (l’instrument de son supplice), avec deux cierges dans la main. Sa vie : Le martyrologe relate : “ A Sébaste, en Arménie (Asie Mineure), la mort de saint Blaise, évêque et martyr ; il avait accompli plusieurs miracles, quand le gouverneur Agricolaus le fit battre très longtemps de verges et le fit étendre sur un chevalet de bois. Là, avec des peignes de fer, on lui arracha la chair des os et ensuite on l’enferma dans un horrible cachot. Après avoir essayé en vain de le noyer dans un lac, le juge dont on a parlé le fit décapiter avec deux jeunes compagnons. Déjà avant lui, sept femmes, qu’on avait arrêtées comme chrétiennes, au moment où elles recueillaient, comme une relique, le sang du martyr qui coulait à terre, furent mises à mort par le glaive, après de terribles tortures. ” (Cette relation est en grande partie légendaire). Blaise, avant son élévation à l’épiscopat, exerçait la médecine et, en imitation du Sauveur, l’unissait, pour des motifs de zèle pastoral, au ministère sacerdotal. Il souffrit probablement sous Licinius (316). Il compte, comme thaumaturge, parmi les quatorze saints auxquels on a recours dans les besoins extrêmes ; on l’invoque particulièrement dans la détresse spirituelle causée par des péchés graves non avoués, ainsi que contre les maux de gorge. On recourt à lui, dans ce dernier cas, à cause de la guérison miraculeuse d’un enfant qui avait avalé une arête de poisson. C’est pour la même raison que, dans nos régions, on donne, le jour de sa fête, la bénédiction de saint Blaise, contre tous les maux de gorge.

2. La messe (Sacerdotes Dei). — La messe est la seconde du commun d’un martyr pontife. L’entrée du cortège sacerdotal symbolise le vénérable évêque. L’Église exhorte non seulement les prêtres mais encore les laïcs de cœur saint et humble ” à louer Dieu et, dans le Benedicite qui suit, toute la création s’unit à ce chant de louange. Les deux lectures représentent le martyr, toutes deux sont riches d’enseignements. Immédiatement après la profession solennelle de saint Pierre, près de Césarée de Philippe, Notre Seigneur entreprend de préparer les siens à sa mort sur la Croix. Il prédit pour la première fois sa Passion et donne son premier sermon de la Croix. Dans ce sermon, il fait un pas de plus. Il ne suffit qu’il souffre lui-même, ses disciples doivent, eux aussi, se charger de leur croix et le suivre. L’Église nous adresse ce sermon de la Croix en la fête de notre saint martyr pontife, car celui-ci l’a mis en pratique dans sa vie. Il s’est renoncé lui-même, il s’est chargé de la croix et il a haï sa vie sur la terre, c’est pourquoi, il a part à la promesse : le Fils de l’Homme viendra dans la majesté de son Père, entouré de ses anges et il donnera la récompense (Év.). Notre saint, au jour de sa mort, a vu le Seigneur venir à lui. A l’Épître, le saint martyr se tient devant nous et nous dit : ce n’est qu’en participant à mes souffrances que vous aurez part à ma “ consolation ”. Ainsi, nous déposons, à l’Offertoire, notre croix sur l’autel et nous recevons, à la Communion, le gage de la céleste “ couronne ornée de pierres précieuses” (Comm.).

3. Les sacramentaux. — Aujourd’hui, l’Église nous donne la bénédiction de saint Blaise. Ceci nous invite à penser aux bénédictions. L’amour maternel de l’Église ne se manifeste pas seulement dans les riches dons, qu’elle nous accorde à pleines mains dans le Sacrifice eucharistique, dans les sacrements et dans le Saint-Office ; il se montre encore dans le souci qu’elle a de nos petits besoins journaliers. Elle nous suit dans nos occupations les plus simples et nous aide dans nos besoins personnels. Et cela, elle le fait au moyen des sacramentaux, que nous appelons aussi bénédictions. Nous Pouvons distinguer trois sortes de sacramentaux : ceux qui nous facilitent la voie de la sainteté, ceux qui rehaussent pour nous le culte divin et ceux qui nous accompagnent dans la vie quotidienne. Les premiers sont les bénédictions d’objets qui servent au culte ; ce dont on se sert pour Dieu doit être séparé du monde qui se trouve encore sous la malédiction du péché, mis à part et sanctifié. Les seconds ont pour objet de donner au culte divin plus d’attrait et d’édification pour notre foi ; à ce second genre appartiennent : tout l’ensemble des cérémonies, l’encens, les lumières, l’eau bénite, les ornements et les vases précieux. Le troisième ; groupe essaie de faire dériver le flot de la Rédemption jusque dans les occupations ordinaires de la vie de chaque jour. Ce dernier groupe n’est pas encore assez connu et honoré. L’Église a, pour presque chaque objet d’usage dans la vie, pour chaque action et chaque démarche du chrétien, une bénédiction spéciale, pour chaque mal, un adoucissement et une guérison. Dans cette catégorie rentrent : la bénédiction de saint Blaise d’aujourd’hui, en partie la bénédiction des cierges d’hier, la bénédiction des maisons le jour de l’Épiphanie, la bénédiction du vin à la fête de Saint-Jean, la bénédiction des aliments à Pâques, etc. Assurément le chrétien obéit à la parole du Seigneur : “ Cherchez d’abord le royaume de Dieu ”. la vie divine de la grâce est ce qui lui tient le plus au cœur et il se soumet de bon gré à la volonté de Dieu même lorsque quelque désagrément le menace ; mais il sait aussi que la seconde partie de la parole du Sauveur s’applique à lui : “ tout le reste vous sera donné par surcroît. ”

4 FÉVRIER

Saint André Corsini, évêque (double)

Pour la conversion des âmes gravement égarées.

1. Saint André. — Jour de mort : 6 janvier 1373. Tombeau : à Florence, dans le couvent des Carmes. Image : on le représente en évêque, avec un loup et un agneau à ses pieds. Sa vie : Saint André Corsini vécut de 1302-1376. Comme sa mère le portait encore dans son sein, elle eut un songe : il lui sembla qu’elle avait enfanté un loup qui courait vers le couvent des Carmes et qui, arrivé à la porte de l’église, se changeait immédiatement en agneau. L’enfant fut élevé par ses parents dans la piété et la crainte de Dieu, mais il s’adonna peu à peu aux joies du monde, ce qui lui attira souvent des reproches de sa mère. Mais ayant appris que, par un vœu de ses parents, il avait été consacré à la Sainte Vierge, il rentra en lui-même et, à l’âge de 17 ans, se fit :admettre dans l’Ordre des Carmes. Là, il eut à souffrir beaucoup d’attaques et de tentations de l’Esprit mauvais, mais rien ne put le détourner de sa résolution d’entrer dans cet Ordre. Ce fut un homme d’une pénitence austère, il jeûnait sans relâche, ne quittait jamais son cilice et récitait chaque jour les psaumes de la pénitence. Il eut le don particulier de ramener à Dieu les âmes gravement égarées. En 1360, il fut nommé, malgré ses efforts pour se dérober à cet honneur, évêque de Fiesole.

2. La messe (Statuit) est la première du commun des confesseurs pontifes. L’Évêque est l’“ administrateur ” fidèle des sources de vie divine dans l’Église : la parole de Dieu et les sacrements ; en lui aussi le sacerdoce du Christ s’exerce dans toute son étendue. Le prêtre à l’autel est son représentant et son symbole. Sans cesse, le texte de la messe voit, dans les actions et les mouvements du prêtre, le saint lui-même et, dans le saint, le divin Pontife. Quand le prêtre s’avance vers l’autel, l’Église célèbre la grâce de son élection : “ Le Seigneur lui a confié l’alliance de la paix ” (ce sont les trésors de l’Église), il est un prince du royaume de Dieu (Intr.). Alors l’Église chante le ps. 131. Ce psaume est un serment réciproque : David jure de bâtir une maison au Seigneur et le Seigneur promet, par serment, à David, un trône éternel. David est le symbole de notre saint évêque qui a eu pour l’Église un soin si fidèle et qui reçoit en retour la récompense éternelle et des grâces pour l’Église. La Leçon célèbre, de nouveau, la grâce de l’élection du saint évêque : “ Voici devant vous, (dans la personne du prêtre célébrant) le grand prêtre (le saint mais aussi le Christ) qui, dans ses jours, a plu à Dieu. ” Il a été porteur et médiateur de la Rédemption ; des paroles enthousiastes célèbrent son élévation : “ Il lui donna la couronne de gloire, il conclut avec lui une éternelle alliance... Il voulut qu’il soit prêtre et qu’il loue son nom et qu’il lui offre un encens digne, pour faire un parfum d’agréable odeur.” Le Graduel est un écho, il se contente de répéter avec admiration les paroles de la Leçon. A l’Alleluia, le divin Pontife, qui veut offrir le sacrifice “ selon l’ordre de Melchisédech ”, montre sur l’ambon : Le Seigneur qui revient demande compte des talents confiés. Ces talents sont les grâces du sacerdoce. Aujourd’hui, au jour de sa mort, notre saint évêque “ entre dans la joie de son Seigneur” (Evang.) Nous n’avons pas reçu autant de talents, cependant nous devons administrer fidèlement ! les deux que nous avons reçus. Maintenant commence le Sacrifice. Le saint évêque se tient à l’autel “ David oint de l’huile sainte ”, il se tient là, au nom du Christ, “ le bras ” du divin Pontife le soutient (Off) ; à l’Offrande, nous déposons sur l’autel tous les talents gagnés pendant notre vie ; au Saint-Sacrifice, “ le Maître de ces serviteurs est venu pour leur demander leurs comptes, mais aussi pour leur donner la grande récompense. ” Le gage de cette grande récompense est la sainte Eucharistie que le saint évêque nous distribue aujourd’hui à la table sainte “ comme le fidèle serviteur que le Seigneur a établi sur sa famille et qui nous donne maintenant la mesure convenable du divin froment ” (Comm.).

5 FÉVRIER

Sainte Agathe, vierge et martyre (double).

Que notre âme soit bonne (Agathe = la bonne).

1. Sainte Agathe, la “ Bonne ”, est la quatrième des quatre grandes vierges martyres de l’Église romaine (dont les fêtes tombent dans chacun des mois d’hiver : Cécile, en novembre, Lucie (la Brillante), en décembre, annonçant la lumière de Noël, Agnès (la Pure), en janvier, et Agathe (la Bonne), en février). Sainte Agathe souffrit le martyre sous l’empereur Dèce (254). Elle fut autrefois très honorée, son nom est au Canon de la messe. L’histoire de ses souffrances est empruntée aux antiques Actes des martyrs qui ont été utilisés dans les chants du bréviaire. Agathe était une jeune fille distinguée de Sicile. Le gouverneur Quintianus s’éprit pour elle d’un violent amour, mais il fut repoussé. Il la fit alors arrêter comme chrétienne et conduire devant son tribunal. Aux questions sur son origine elle répondit : “ Je suis noble et issue d’une famille distinguée comme toute ma parenté en témoigne ”

(1ère Ant. 1er Noct.) A la question du juge qui lui demandait pourquoi elle menait la vie d’esclave des chrétiens, elle répondit : “ Je suis une servante du Christ et c’est pourquoi j’ai l’extérieur d’une esclave, mais la plus grande noblesse est d’être esclave du Christ (2. et 3. Ant. 1er Noct.) Le gouverneur la menaça des plus terribles supplices si elle refusait d’abandonner le Christ. La sainte lui répondit : “ Si tu me menaces des bêtes féroces, sache qu’au nom du Christ elles s’apaiseront, si tu veux employer le feu, alors les anges feront tomber pour moi, du ciel, une rosée bien (I. et 2. Ant. 2e Noct). Après avoir été torturée “ Agathe s’en alla rayonnante de joie et la tête haute, dans sa prison, comme si elle avait été invitée à un festin, et elle recommanda son agonie au Seigneur dans la prière ” (3. Ant. 2e Noct).

Le jour suivant, elle fut de nouveau amenée devant le juge et lui dit : “ Si tu n’ordonnes pas que mon corps soit déchiré par les bourreaux, mon âme ne pourra pas entrer au Paradis avec les martyrs” (I. Ant. 3e Noct.). Elle fut étendue sur le chevalet, on la brûla avec un fer rouge et on lui arracha les seins. Dans cette torture, elle priait ainsi : “ Par amour pour la chasteté, j’ai été suspendue sur le chevalet, assiste-moi, Seigneur mon Dieu, dans la torture de mes seins” (2. Ant. 3e Noct,). Agathe reprocha au gouverneur sa cruauté : “ Impie, cruel et infâme tyran, tu n’as pas honte d’enlever à une femme ce avec quoi ta mère t’allaita ! ” (I. Rép.).

De retour dans sa prison, elle pria ainsi : “ Tu as vu, Seigneur, mon combat, comme j’ai combattu sur le champ de bataille, mais parce que je n’ai pas voulu obéir aux ordres des princes, j’ai été torturée dans mes seins” (3. Ant. 3e Noct.). Dans la nuit, lui apparut un vénérable vieillard, l’Apôtre Pierre, avec des remèdes. Agathe, dans sa délicate pudeur, ne voulut pas lui montrer les plaies de son corps. “ Je suis l’Apôtre du Christ, n’aie pas de doute à mon sujet, ma fille ” (I. Ant. Laud.). “ Je n’ai jamais employé pour mon corps de médecine terrestre, mais je m’en rapporte à Notre Seigneur Jésus-Christ qui, par sa parole, renouvelle toutes choses” (2. Ant. Laud.). Elle fut complètement guérie par saint Pierre : “ Je te loue, Père de mon Seigneur Jésus-Christ, de ce que par ton Apôtre tu m’as restitué mes seins” (4. Ant. Laud.). Une lumière éclaira le cachot toute la nuit, si bien que les gardiens, effrayés, s’enfuirent. Ses compagnons de captivité l’exhortaient à fuir, mais elle refusa : “ Je veux, maintenant qu’un secours m’a été accordé par le Seigneur, persister dans la confession de Celui qui m’a guérie et m’a apporté de la consolation ” (4. Rép.). Quatre jours après, elle fut de nouveau amenée devant le juge. Celui-ci fut étonné de sa guérison. A la sommation d’adorer les idoles, elle répondit par une nouvelle profession de foi au Christ. Alors, le gouverneur la fit rouler sur des tessons et des charbons ardents. A ce moment, toute la ville fut ébranlée par un tremblement de terre. Deux murailles s’écroulèrent et ensevelirent sous leurs débris deux amis du gouverneur. Celui-ci, craignant un soulèvement populaire, fit ramener Agathe à demi-morte dans sa prison. Là, elle récita sa prière de mort : “ La bienheureuse Agathe, debout dans sa prison, les bras étendus, priait le Seigneur : Seigneur Jésus-Christ, bon Maître, je te remercie de ce que tu m’as accordé la victoire sur les tortures du bourreau. Fais, Seigneur, que je parvienne heureusement à ta gloire immortelle. ” Puis elle mourut.

Un an après sa mort, la ville de Catane fut éprouvée par une éruption de l’Etna. Dans leur frayeur, les païens eux-mêmes se précipitèrent au tombeau de la sainte. On prit son voile et on le tint en face du torrent de flammes, et, immédiatement, le péril fut écarté. C’est ce fait que rappelle l’antienne du lever du soleil : “ La multitude des païens se précipita au tombeau de la vierge, ils tinrent son voile contre le feu et ainsi le Seigneur confirma que, par les mérites de la sainte martyre Agathe, il les avait sauvés du feu. ” Son tombeau est vénéré à Catane, en Sicile.

2. La messe (Gaudeamus). — La messe commence solennellement : “ Réjouissons-nous tous dans le Seigneur... ”. Cet Introït, tiré du grec, fut composé pour la fête d’aujourd’hui et plus tard employé pour d’autres fêtes : l’Assomption de la Sainte Vierge, la Toussaint... Nous entendons le chœur joyeux des anges qui se réjouit de la Passion de la sainte. Dans la plupart des chants, nous entendons le cantique nuptial de l’Église (Ps. 44). Les deux lectures sont propres. Dans l’Épître, on entend l’écho de la justification de la sainte devant son juge païen, mais on y voit aussi le développement du thème de l’Oraison : Dieu choisit ce qui est petit et faible pour confondre ce qui est fort. “ Le Christ est devenu pour nous, d’après l’ordonnance de Dieu, notre sagesse, notre justification, notre sanctification et notre Rédemption. ” Ceci se réalise pour nous dans l’Eucharistie. Dans l’Évangile, le Christ nous parle de la virginité “ à cause du royaume des cieux ”. Agathe est de celles qui ont pu “ saisir” ce langage et, pour sa couronne virginale, elle a versé son sang. Au Graduel, nous voyons la vierge “ lutter contre les flots de la passion ” ; à l’Alleluia, elle parle devant les “ rois” des “ témoignages de Dieu ”. A la Communion, la communauté des fidèles chante une parole de la sainte : “ Celui qui a daigné me guérir de toute blessure et rendre à ma poitrine mon sein arraché, je l’invoque comme le Dieu vivant. ” De ce chant résultent des conséquences importantes pour notre vie liturgique. La communauté chrétienne s’approche de la Sainte Table, en quelque sorte, dans la personne de sainte Agathe. La sainte Eucharistie a une vertu de guérison. Cette guérison corporelle de sainte Agathe est l’image de la guérison spirituelle que nous apporte l’Eucharistie.

6 FÉVRIER

Saint Tite, évêque (double)

Sainte Dorothée, vierge et martyre

Que nous vivions avec justice et piété dans ce monde.

1. Saint Tite. — Jour de mort (d’après le martyrologe) : 4 janvier, vers 100 ap. J.-C. Tombeau : dans sa ville épiscopale de Gortina, en Crète ; son chef est à Venise. Sa vie. Saint Tite est un des plus intimes disciples de saint Paul. Il était païen de naissance. Il accompagna son maître dans ses voyages apostoliques et reçut de lui d’importantes missions à remplir. Enfin, il accompagna saint Paul dans l’île de Crète où l’Apôtre le laissa comme évêque de l’île. Il s’acquitta de ses fonctions selon le conseil de son maître “ en se montrant lui-même un modèle de bonnes œuvres ”. D’après la tradition, il garda la virginité jusqu’à sa mort. Il serait mort à 94 ans, de mort naturelle. Saint Paul a élevé à son disciple un digne monument, dans la magnifique Épître pastorale qu’il lui a envoyée, l’Épître à Tite. Sa fête n’est célébrée que depuis 1854.

2. L’Epître à Tite. — Il serait tout à fait conforme à l’esprit de l’Église que, les jours où nous célébrons la fête d’un saint, nous lisions quelques pages de ce saint ou au sujet de ce saint et même, si possible, des écrits de son époque. Cela nous permet d’entrer dans l’esprit de ce saint et de vivre de cet esprit. Nous avons déjà donné quelques exemples, au cours des semaines passées, en parlant de la vie de saint Antoine par saint Athanase, des Actes authentiques du martyre de saint Polycarpe, des lettres de saint Ignace. Aujourd’hui et les jours suivants, nous pourrons lire et méditer l’Épître à Tite. Cette lettre que Tite a reçue de son illustre maître, il a dû toujours la conserver et en faire la règle de sa vie. Essayons, nous aussi, pendant quelques jours, de vivre dans l’esprit de la lettre à Tite. Sans doute, cette lettre est avant tout une lettre pastorale, et les pasteurs des âmes peuvent y voir le résumé de leurs devoirs, la magna charta de leurs fonctions. Mais les laïcs eux-mêmes trouveront, dans cette belle lettre, bien des paillettes d’or. L’Épître contient quelques passages sublimes sur le Christ (ces deux morceaux sont utilisés comme Épître aux messes de Noël (Tit. II, 11-15, III, 4-8). — Dans la bibliothèque liturgique de notre maison, doivent se trouver des livres de ce genre, ayant pour auteur les saints dont nous célébrons la fête, ou parlant d’eux.

3. La messe (Statuit) est du commun des confesseurs pontifes, nous l’avons commentée voilà deux jours. Mais l’Évangile est propre et traite de la mission des 72 disciples. Nous y voyons Tite aux côtés de l’Apôtre des nations, dans ses voyages apostoliques. Dans l’Oraison du jour, nous pouvons encore admirer un détail significatif du travail de la liturgie. Une parole de l’Épître à Tite y est insérée : “ Que notre. vie soit juste et pieuse dans ce monde” (Tit. II, 12).

4. Sainte Dorothée (le “ Don de Dieu ”), vierge et martyre de Césarée de Cappadoce, souffrit pour la foi vers 311 ; ses reliques sont vénérées à Rome dans l’église du Transtévère qui porte son nom. (C’est aux portes de sainte Dorothée qu’on affichait le nom de ceux qui n’avaient pas fait leur communion pascale). Au nom de sainte Dorothée se rattache une légende charmante. Au moment où Dorothée, à cause de sa foi au Christ, était menée à la mort, elle pria ainsi : “ Je te remercie, ô Ami des âmes, de ce que tu m’as appelée dans ton Paradis ”. Un certain Théophile, employé du gouverneur, lui dit en se moquant : “ Adieu, Dorothée, envoie-moi du jardin des délices de ton Époux des pommes et des roses. ” “ Je le ferai ”, répondit Dorothée. Ayant obtenu la permission, avant de recevoir le coup mortel, de faire une courte prière, elle vit soudain devant elle un jeune enfant d’une grande beauté qui avait dans un petit linge trois pommes et trois roses. “ Je te conjure ”, lui dit-elle, “ de porter cela à Théophile. ” Peu de temps après, elle fut décapitée par le glaive et s’envola vers le Christ. Comme ensuite Théophile racontait en riant, à ses amis, la promesse de Dorothée, il vit soudain devant lui un jeune enfant qui portait dans un petit linge trois pommes et trois roses magnifiques. “ Voici que le vierge Dorothée t’envoie ceci du Jardin de son Époux comme elle l’a promis. ” Étonné au plus haut point — on était en février et toute la campagne était glacée — Théophile prit les présents et s’écria : “ En vérité, le Christ est Dieu ”. Il confessa ouvertement sa foi au Christ et mourut lui aussi martyr.

7 FÉVRIER

Saint Romuald, Abbé (double)

La pénitence dans l’allégresse du cœur.

1. Saint Romuald. — Jour de mort : 19 juin 1027. Tombeau : dans le couvent de Saint-Blaise, à Fabriano. Image : on le représente avec l’habit blanc des Camaldules, avec une échelle céleste sur laquelle ses moines montent au ciel. Sa vie : Saint Romuald, le fondateur des Camaldules, hésita dans sa jeunesse entre Dieu et le monde. Mais son père ayant tué un parent en duel, et lui-même ayant été forcé d’assister à cet acte sanglant, il se retira pour une pénitence de quarante jours dans le monastère de Saint-Apollinaire, près de Ravenne, dans lequel il entra ensuite comme moine. Puis il se mit à l’école du solitaire Marin. Il fonda ensuite un Ordre d’ermites qu’on appela les Camaldules, du nom de son célèbre ermitage. C’est un des Ordres d’hommes les plus sévères de l’Occident (à proprement parler, c’est une branche de l’Ordre des Bénédictins). Les religieux vivent dans des petites maisons isolées, observant un silence et un jeûne continuels, s’occupant à la prière et au travail des mains. Romuald avait la grâce particulière de convertir les pécheurs, spécialement les puissants de ce monde. Il mourut vêtu de son cilice, sans s’être jamais couché sur un lit, après avoir passé sa vie dans la plus dure pénitence. Il était âgé d’un peu plus de soixante-dix ans. Son disciple, le saint docteur de l’Église, Pierre Damien, écrivit sa biographie. “ La grandeur de sa vie consiste dans une conception et un développement austère et simple, bien que toujours original, de sa vocation religieuse. Romuald était, dans le plus intime de son être, un ascète, un moine. Certes, ce n’était pas un moine possédant cette sérénité calme et assurée, cette mesure et cet équilibre, dont saint Benoît a fait l’idéal du moine, idéal, qu’il a lui-même réalisé dans sa vie. Ce n’était pas non plus un organisateur qui, par une législation sage, perpétue son esprit dans son œuvre. Son image nous rappelle les austères figures monastiques des déserts d’Orient. Il nous fait penser à ces hommes qui, par la plus dure mortification et la plus sévère pénitence, donnèrent à un monde débauché, de sérieux exemples, pour l’amener à la réflexion et la conversion. L’exemple de sa vie fut la prédication la plus efficace. Et ce souvenir perpétue la vie de saint Romuald. ”

2. De la vie de saint Romuald. — Romuald, qui n’était pas très habile dans la lecture, se trompait souvent. Aussitôt Marin, qui se tenait en face de lui, lui donnait un coup de baguette sur la joue gauche. A la fin, Romuald trouva que c’était trop : “ Ah ! cher maître ”, dit-il modestement, “ frappez-moi désormais sur la joue droite. Mon oreille gauche est presque sourde. ” Le maître fut surpris d’une telle patience et désormais il modéra ses corrections trop sévères. Il avait coutume de dire : “ Mieux vaut réciter un — psaume avec piété et componction que d’en réciter cent avec un esprit distrait. ” Quand le saint sentit sa fin prochaine, et qu’après tant de pérégrinations, il fut sur le point d’entreprendre le voyage de la céleste patrie, il se retira dans le monastère de Val di Castro. Là il se fit bâtir une petite cellule et une petite chapelle pour attendre la mort dans le silence. Malgré les défaillances de son corps sénile, il ne se coucha pas et, autant que possible, il n’abandonna pas son jeûne austère. Un jour, la respiration devint plus difficile, ses forces l’abandonnèrent et il sentit une grande fatigue. Vers le coucher du soleil, il ordonna aux deux frères qui le veillaient de s’en aller, de fermer la cellule et de ne revenir que pour les Laudes du matin. Cependant, ils restèrent près de la porte et écoutèrent. Au bout d’un certain temps, ils n’entendirent plus de respiration. Ils entrèrent et firent de la lumière. Romuald était décédé comme il l’avait prédit, vingt ans avant, aux frères, dans la solitude et le silence. Aujourd’hui est l’anniversaire de la translation de ses reliques

3. La messe (Os justi) du commun des Abbés. — L’Abbé occupe une place intermédiaire entre les confesseurs pontifes et les confesseurs non pontifes : il est, dans sa famille religieuse, chef et père, mais il ne possède pas la plénitude du sacerdoce comme l’Évêque. Cela est exprimé dans la messe. Nous le voyons comme l’administrateur fidèle qui est placé à la tête de sa “ famille ” religieuse pour lui distribuer en temps voulu la juste mesure de froment (Comm. ; le même verset se trouve au Commun des Pontifes, et des docteurs) ; le religieux a suivi le conseil du Seigneur de la manière la plus fidèle, il a “ tout quitté ”, “ sa maison, ses frères, son père, sa mère et ses champs ”, pour l’amour du Seigneur, c’est pourquoi il aura, plus que d’autres, part à la gloire du retour du Seigneur (Év.). Aujourd’hui, au jour de sa mort, il est entré dans la gloire, “ le désir de son cœur ” a été comblé, il est couronné de la “ couronne de pierres précieuses ” (Grad. Off.). Nous aussi, nous pouvons, à la messe, participer à cette gloire. Dans la leçon, il est question de son élévation à la dignité d’Abbé et du mystérieux dialogue de Dieu avec lui. Rempli de l’esprit de la plus austère pénitence, Romuald fonda un nouvel Ordre d’ermites. Mais il laissa à ses disciples, avec la charge d’expier pour les autres, la joie du cœur et la liturgie commune. Le visage de ce saint austère était si joyeux que tous ceux qui le voyaient se réjouissaient. Dans la liturgie, nous pouvons unir l’esprit de pénitence et la joie.

8 FÉVRIER

Saint Jean de Matha, confesseur (double)

La délivrance de la captivité du corps et de l’âme.

1. Saint Jean de Matha. — Jour de mort : 17 décembre 1213. Tombeau : à Madrid. Image : On le représente avec un esclave enchaîné. Sa vie : Saint Jean est le fondateur de l’Ordre des Trinitaires ou Ordre de la Sainte Trinité, pour le rachat des captifs, Ordre qui se donna pour tâche l’œuvre héroïque et alors très opportune du rachat des chrétiens captifs. Comme saint Jean célébrait sa première messe, il eut une apparition céleste. Il vit un ange qui portait un vêtement d’une blancheur éclatante avec une croix rouge et bleue sur la poitrine et qui étendait ses deux bras sur deux captifs enchaînés, un chrétien et un Maure. Transporté en extase par cette apparition, l’homme de Dieu reconnut aussitôt qu’il était appelé par la Providence à l’œuvre du rachat des captifs. Il travailla à cette grande œuvre en union avec saint Félix de Valois ; il se rendit plusieurs fois dans l’Afrique du Nord et sur les côtes d’Espagne et travailla sans repos au rachat des captifs. — C’était là de l’héroïsme de la charité. Aidons, nous aussi, notre prochain à se délivrer de la captivité du péché.

2. La messe. — La messe est du commun des confesseurs (Os justi), la belle messe du serviteur vigilant (voir le commentaire, au 23 janvier, p. 409). L’Oraison propre comporte une application particulière pour notre vie : puissions-nous être délivrés de la captivité du corps et de l’âme !

9 FÉVRIER

Saint Cyrille d’Alexandrie, évêque et docteur de l’Église (double)

Sainte Apolline, vierge et martyre

Un défenseur de la maternité divine de Marie.

1. Saint Cyrille. — Jour de mort : 27 juin 444. Tombeau : inconnu. Image : On le représente en évêque, avec un livre dans la main et une colombe sur l’épaule. Sa vie : Saint Cyrille est un des plus grands docteurs de l’Église grecque, il fut l’instrument choisi de la Providence et le premier défenseur de l’Église contre l’erreur de Nestorius qui niait l’unité de Personne du Christ et, par voie de conséquence, refusait à la Sainte Vierge le titre de Mère de Dieu. Dans le combat contre l’hérésie, il n’a d’égal, dans toute l’histoire de l’Église, qu’Athanase et Augustin. Son plus grand mérite fut l’heureuse conduite du concile général d’Éphèse dont il fut l’âme (il était le représentant du Pape). A ce concile, on prit des décisions dogmatiques de la plus haute importance. On proclama, entre autres, le dogme qui déclare que Marie peut être appelée, au vrai sens du mot, Mère de Dieu (Theotokos). Son plus beau titre de gloire est d’avoir défendu ce dogme. Aussi l’Oraison du jour relève ce fait à son honneur. Ses écrits témoignent d’une telle profondeur et d’une telle clarté d’esprit que les Grecs l’appellent “ le sceau des Pères ”. Il mourut en 444, après avoir été évêque pendant trente-deux ans. — Il y a à Rome un monument vénérable de l’hommage rendu à Marie au Concile d’Éphèse : la basilique de Sainte-Marie Majeure. Sur l’arc triomphal de l’église les principaux événements de la vie de Jésus et de Marie sont représentés en mosaïque.

2. La messe. C’est la messe des docteurs (In medio), cf. le 14 janvier p. 203. Certaines parties de cette messe conviennent tout particulièrement à notre saint, par exemple : l’Epître “ Prêche la parole, insiste à temps et à contre temps,… il viendra un temps. où ils ne supporteront plus la saine doctrine. ” Saint Cyrille connut ce temps. Il eut à soutenir de durs combats contre les hérétiques. Mais par contre, comme sa lumière brille et se voit de loin sur le chandelier de l’Église (Év.) ! Les trois Oraisons sont propres, la Collecte célèbre dans saint Cyrille le “ défenseur invincible de la maternité divine de Marie ” et demande que, sous la protection de la Mère de Dieu, nous soyons sauvés. La Secrète demande (toujours en faisant discrètement allusion aux combats de Cyrille pour la foi) que “ nous recevions dignement Jésus-Christ Notre Seigneur qui partage la gloire éternelle de Dieu. ” La Postcommunion demande que “ nous puissions servir dignement la Très Sainte Mère de Dieu ”. — L’introduction des fêtes des saints de l’Eglise grecque, sous Léon XIII, avait pour but d’exciter le zèle de la chrétienté pour l’union des Églises.

3. Sainte Apolline. — Le martyrologe relate : “ A Alexandrie, la mort de la sainte vierge Apolline. On lui avait d’abord, sous l’empereur Dèce (249-251), brisé toutes les dents. Ensuite les persécuteurs dressèrent un grand bûcher et y mirent le feu, ils menacèrent alors la sainte de l’y brûler vive si elle ne voulait pas répéter une formule blasphématoire. Après quelques instants de réflexion, la sainte s’arracha soudain des mains des persécuteurs et se jeta dans les flammes ardentes. Le feu du Saint-Esprit qui la brûlait était plus ardent que les flammes du bûcher. Les cruels bourreaux furent eux-mêmes vivement impressionnés de voir une faible femme aller, avec une telle décision, volontairement à la mort, avant qu’ils aient pu exécuter leur menace. ” La sainte était déjà âgée. Le récit de son martyre a pour auteur l’évêque Denys d’Alexandrie qui vivait à son époque (+265). On invoque sainte Apolline contre les maux de dents.

Apolline a commis à proprement parler un suicide. Son exemple était déjà allégué par les anciens pour prouver qu’il est permis d’échapper à la persécution ou au déshonneur par la mort volontaire. Cependant les moralistes les plus notoires déclarèrent que, même dans ce cas, le suicide était illicite et essayèrent de justifier les actes héroïques de ce genre accomplis par des saints, en supposant qu’ils avaient agi sous une inspiration divine et ajoutèrent que, s’il n’y avait pas eu d’ordre de Dieu, on ne devait pas imiter ces exemples. Tous les actes des saints ne sont pas à imiter.

10 FÉVRIER

Sainte Scholastique, vierge (double)

Elle entra au ciel sous la forme d’une colombe.

1. Sainte Scholastique était la sœur chérie de saint Benoît, le Père des moines. Elle se consacra, comme son frère, au Seigneur, dès sa jeunesse. Nous n’avons que peu de détails sur la vie de cette sainte vierge. Le pape saint Grégoire le Grand nous a laissé, dans le deuxième livre de ses Dialogues, un récit charmant de la dernière entrevue du frère et de la sœur :

Scholastique avait coutume de visiter son frère, une fois par an. L’homme de Dieu descendait alors de sa montagne vers un endroit qui n’était pas très éloigné des portes du monastère. Un jour, elle vint, comme d’ordinaire, et son frère descendit la trouver en compagnie de quelques disciples. Ils passèrent toute la journée en conversations saintes et ne prirent leur repas en commun qu’à la tombée de la nuit. Comme ils étaient encore à table, la vierge consacrée à Dieu dit : “ Je t’en prie, ne m’abandonne pas cette nuit, afin que nous puissions parler jusqu’au matin des joies de la vie éternelle. ” Le saint Abbé lui répondit : “ Que dis-tu là ? Je ne puis pas rester, la nuit, en dehors du monastère. ” Le ciel était alors entièrement serein. Scholastique, ayant entendu la réponse négative de son frère, inclina sa tête sur la table, joignit les mains et adressa sa prière au Dieu Tout-Puissant. Quand elle releva la tête, il tomba une telle pluie battante, avec un tel déchaînement de tonnerre et d’éclairs, que Benoît et ses frères ne purent mettre le pied hors du seuil. La vierge avait versé un flot de larmes et imploré de Dieu ce changement de temps. Alors, quand l’homme de Dieu vit que la pluie qui tombait à torrents l’empêchait de retourner, il devint triste et se plaignit à sa sœur : “ Que te Dieu Tout-Puissant te pardonne, ma sœur, pourquoi as-tu fait cela ? ” Scholastique répondit : “ Tu m’as refusé ce que je te demandais, alors j’ai prié le Seigneur et il m’a exaucée. Va-t-en maintenant si tu peux.,” Benoît ne put pas faire un pas hors de la porte et dut rester malgré lui à cet endroit. Ils veillèrent toute la nuit et se réconfortèrent mutuellement dans de saints entretiens. Le lendemain, la vierge retourna dans son monastère et son frère, avec ses compagnons, prit le chemin du retour. Trois jours après, Benoît était dans sa cellule, il leva les yeux au ciel et vit l’âme de sa sœur s’envoler au Paradis sous la forme d’une colombe (542). Ravi de sa gloire, il remercia Dieu dans des chants de louange et annonça à ses disciples le trépas de sa sœur. Il fit venir le cadavre au monastère et le fit déposer dans le tombeau qui était préparé pour lui-même. Il arriva ainsi que ce frère et cette sœur, qui n’avaient été qu’un cœur et qu’une âme en Dieu, trouvèrent aussi leur repos dans un seul tombeau. Leur tombeau est sur le Mont Cassin.

2. La messe. — La messe est du Commun des vierges (Dilexisti). — C’est celle des messes du commun qui présente le plus d’unité, c’est une vraie messe de fiançailles. L’Église est l’Épouse sans tache du Seigneur, et elle se présente sous l’aspect de la vierge sainte que nous fêtons ; celle-ci, de son côté, est notre modèle. Cette image de l’Épouse se retrouve dans toutes les parties de la messe. A l’Introït, nous chantons le cantique nuptial. Notre marche vers l’église est un cortège nuptial, Scholastique marche en avant et nous la suivons. Représentons-nous l’entrée solennelle de l’Évêque se dirigeant, en habits pontificaux, vers l’autel. Pendant ce temps, chantons tout le ps. 44, le cantique nuptial : le Christ est l’Époux royal, l’Église – Scholastique — est la royale Épouse. Dans l’Epître, tous les fidèles sont considérés comme la fiancée du Christ. Le Christ est un fiancé jaloux, il ne veut partager avec personne la possession de sa fiancée, qui doit lui être présentée comme une vierge pure. — Le chant nuptial se continue à travers les autres parties de la messe. Quand le diacre, dans ses ornements de fête, se rend processionnellement avec le livre l’Évangile (c’est-à-dire le Christ) vers l’ambon, nous avons, de nouveau, devant nos yeux, l’image du cortège nuptial. Puis, vient le chant de l’Évangile, avec la parabole significative des cinq vierges sages (les cinq vierges folles forment seulement une sombre antithèse). Ces vierges sages qui accompagnent l’Époux, nous représentent (les acolytes avec leurs cierges pendant le chant de l’Évangile nous facilitent cette représentation). A l’Offrande, nous allons, comme les vierges sages, à la rencontre de l’Époux. L’autel est le Christ, nos dons, nos lampes remplies d’huile, sont notre don total au divin Époux. Pendant l’offrande, on chante de nouveau le chant nuptial. Ce chant nous permet une nouvelle représentation. L’autel avec son riche antipendium (d’or et de couleurs variées) nous rappelle la royale Épouse, l’Église, que nous entourons au moment de l’Offrande. Au Saint-Sacrifice (à la Consécration), l’Époux divin paraît, et, au moment de la Communion, nous allons de nouveau, comme les vierges sages, “ obviam Christo Domino — au-devant du Christ le Seigneur ”. “ Voici venir l’Époux ” (Remarquons que les chants ne prennent tout leur sens qu’en union avec l’Action de la Messe). Nous chantons pour la quatrième fois le cantique nuptial. Rappelons-nous, toute la journée, que notre âme est l’Épouse du Christ et que les paroles de l’Épître retentissent à nos oreilles : “ je suis jaloux pour vous de la jalousie de Dieu. ”

Sous l’aspect d’une colombe, l’âme innocente de sainte Scholastique s’envola vers le ciel ; puissions-nous, nous aussi, vivre dans l’innocence et parvenir aux joies éternelles.

11 FÉVRIER

L’Apparition de la Vierge Immaculée (double maj.)

La femme vêtue du soleil avec la lune à ses pieds.

Il faut que nous comprenions bien la fête d’aujourd’hui. La liturgie utilise souvent un fait historique pour représenter et développer une idée plus haute. C’est ainsi que nous devrons interpréter les fêtes de la Croix et d’autres messes votives. Au reste, depuis des siècles, on célèbre aussi l’apparition de saint Michel. Nous verrons donc, dans la fête d’aujourd’hui, une extension de la fête de l’Immaculée-Conception.

1. L’Apparition de la Sainte Vierge. Les nombreux miracles qui se sont produits par l’intercession de Marie, sur la terre privilégiée de Lourdes, en France, ont déterminé l’Église à instituer une fête spéciale de “ l’Apparition de la Bienheureuse Vierge Marie Immaculée ”. Le bréviaire raconte les événements historiques, sur lesquels s’appuie cette fête. Quatre ans s’étaient écoulés depuis la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception de Marie (1854), quand la Sainte Vierge apparut plusieurs fois, dans une grotte, aux bords du Gave, auprès de Lourdes, à une pauvre et pieuse jeune fille nommée Bernadette. L’Immaculée, qui avait un visage juvénile, était vêtue d’une robe blanche et d’un manteau blanc, avec une ceinture bleue et elle avait une rose d’or sur ses pieds. Le premier jour des apparitions, c’était le 11 février 1858, la sainte Vierge exhorta l’enfant à faire pieusement la signe de Croix et à réciter son chapelet. Elle-même prit dans ses mains le rosaire qui pendait à son bras, elle fit de même aux apparitions suivantes. A la seconde apparition, Bernadette, dans sa simplicité enfantine ; lui jeta de l’eau bénite, car elle craignait d’être victime d’une illusion du Malin Esprit, mais la sainte Vierge, souriant doucement, montra un visage encore plus bienveillant. A la troisième apparition, Marie invita la jeune fille à venir pendant deux semaines à la grotte. A partir de ce moment, elle parla assez souvent à Bernadette. Plus tard, elle lui ordonna de demander au clergé de lui bâtir là une chapelle et d’organiser des processions. Elle reçut de même l’ordre de boire de l’eau à la source, qui était encore cachée sous le sable, mais ne devait pas tarder à jaillir, et de s’y laver. Enfin, le Jour de la fête de l’Annonciation, la Vierge indiqua à la jeune fille son nom : “ Je suis l’Immaculée Conception. ” Plus se répandait le bruit des guérisons qui, au dire des croyants, se produisaient dans la sainte grotte, plus les chrétiens se rendaient en foule au lieu saint. Poussé par la renommée des événements merveilleux et par l’innocence de la jeune fille, l’évêque de Tarbes fit faire une enquête juridique et déclara ensuite, quatre ans après les apparitions, que celles-ci étalent surnaturelles et il autorisa le culte public de la Vierge Immaculée, dans la grotte. Bientôt on éleva, au-dessus de la grotte, une chapelle et, depuis, les foules de pèlerins affluèrent à Lourdes tous les ans, soit pour accomplir un vœu soit pour implorer une grâce.

2. La messe (Vidi civitatem). — La plupart des textes de la messe sont propres et se rapportent à l’apparition miraculeuse de Lourdes. L’Immaculée est la cité sainte qui descend comme une fiancée parée (Intr.) L’Oraison reprend, dans sa première partie, les termes de celle du 8 décembre. ( Un grand signe nous est apparu dans le ciel, la femme vêtue du soleil, avec, sur la tête, une couronne de douze étoiles ” (Leç.). “ Lève toi, ma bien aimée, ma toute belle, viens, ma colombe, dans le creux de la pierre, dans la grotte ” (Grad.). Ce verset s’applique ici à la grotte de l’apparition. L’“ Ave ” qui retentit sans cesse à Lourdes se fait entendre à l’Évangile et dans le chant de l’Offertoire. L’Eucharistie est la source jaillissante qui fertilise la terre de l’âme. La source miraculeuse de Lourdes en est le symbole (Comm.). Dans la post-communion, le pèlerinage de Lourdes est encore une image et un symbole ; nous demandons la protection pour notre pèlerinage vers la céleste patrie.

12 FÉVRIER

Les sept Saints Fondateurs de l’Ordre des Servites

Voyez comme c’est réjouissant quand des frères vivent pacifiquement ensemble.

1. Les Sept Saints Fondateurs. — Un spectacle rare parmi les hommes : sept hommes de famille distinguée quittent le monde et vivent ensemble dans la concorde fraternelle. Il semble que ces sept corps sont animés par une seule âme : la même vertu et la même piété les unit. Bien plus, ils sont restés unis après leur mort. Leurs ossements qui reposent dans le même tombeau sont tellement mêlés ensemble qu’il est impossible de les distinguer les uns des autres. Ils sont les fondateurs de l’Ordre des Servites qui s’est donné la mission particulière de cultiver l’esprit de pénitence et de s’adonner à la méditation de la Passion de Notre-Seigneur et des sept douleurs de Marie. Conformément à son esprit d’humilité, cet Ordre n’exerça pas d’action bruyante et sensationnelle, mais, dans le domaine des missions intérieures, il a fait de grandes choses ; parmi des millions d’hommes, il a réveillé et ranimé le culte de Notre-Dame des sept Douleurs.

Le bréviaire raconte : Dieu suscita, au milieu des rivalités de partis, sept hommes de la noblesse de Florence. En l’an 1223, ils priaient un jour, avec grande ferveur, dans une réunion. Alors apparut à chacun d’entre eux la Mère de Dieu, qui les exhorta à mener une vie plus parfaite. Ils firent part de ceci à l’évêque de Florence. Sans tenir compte de leur noblesse ou de leur richesse, ils mirent sous leurs habits pauvres et usés, une ceinture de pénitence et se retirèrent, le 8 septembre, dans une petite maison de campagne, pour inaugurer une vie plus sainte, le jour où la Mère de Dieu a commencé sa vie sainte. Peu de temps après, ces sept hommes allaient de porte en porte, dans les rues de Florence, pour demander l’aumône. Il arriva que soudain des voix d’enfants les acclamèrent : Serviteurs de Sainte Marie. Parmi ces enfants se trouvait saint Philippe Benitiqui venait d’entrer dans son cinquième mois. Ce nom crié par les enfants, leur — resta dans la suite pour toujours. Plus tard, ils se retirèrent dans la solitude, sur le Monte Scénario et s’y donnèrent pleinement à la méditation et à la pénitence. Leur tombeau est sur le Monte Scénario. — Léon XIII canonisa ces saints fondateurs et, en 1888, institua leur fête.

2. La messe (Justi). — Ce formulaire de messe récent et propre n’observe pas toujours les anciennes règles liturgiques , mais il trahit le goût classique de Léon XIII. Il reflète la vie des sept saints. A l’Introït, nous entendons l’éloge commun des “justes” “et on nous rappelle, en même temps, que ce sont les enfants de Florence qui leur ont donné leur nom. C’est pourquoi aussi, nous récitons le ps. 8 dans lequel il est dit : “ De la bouche des enfants et des nourrissons tu t’es procuré la louange. ” Dans l’Oraison, l’Église se réjouit d’avoir été, par les saints fondateurs, enrichie d’une nouvelle famille et elle indique en même temps le but principal de l’Ordre : la méditation des sept douleurs de la Sainte Vierge. La Leçon célèbre “ les hommes glorieux et nos pères qui ont accompli tant de grandes choses et nous ont laissé, à nous leurs descendants, un magnifique exemple. ” A l’Évangile, c’est le Seigneur lui-même qui leur promet la récompense, parce qu’ils ont “ tout quitté pour le suivre ”. “ La récompense du centuple et la vie éternelle ”, ils en jouissent maintenant. A l’Offertoire, nous voyons les saints sur le mont Scénario où ils offrent un sacrifice agréable à Dieu. A la Communion, nous voyons mûrir les fruits dont la semence a été jetée dans les fatigues et dans les larmes. Ces fruits, nous pouvons les cueillir, nous aussi, dans la communion ; à la fin, nous demandons de nous tenir comme les saints Fondateurs “ avec Marie au pied de la Croix, pour recueillir le fruit de la Rédemption ”. Le bréviaire dit : “ Un seul amour de véritable fraternité et de vie religieuse commun les avait unis, un seul tombeau les renferma quand ils furent morts, un seul culte populaire leur fut décerné. C’est pourquoi les papes Clément XI et Benoît XIII confirmèrent le culte qu’on leur avait rendu en commun au cours des siècles. ”

14 FÉVRIER

Saint Valentin, martyr (simple)

La couronne du martyr.

1. Saint Valentin. — Jour de mort (d’après le martyrologe) : 14 : février 269. Tombeau : à Rome dans sa basilique. Image : On le représente en prêtre, avec un glaive (instrument de son supplice). Sa vie : Ce saint prêtre (par exception, le missel l’appelle prêtre) souffrit le martyre sous l’empereur Claude II. Le martyrologe relate : “ A Rome, sur la voie flandrienne, le jour de naissance céleste du saint prêtre et martyr Valentin qui, après de nombreuses guérisons miraculeuses et beaucoup de preuves de sa sagesse, fut battu de verges et décapité sous l’empereur Claude. ” L’église de son tombeau s’élevait déjà au 5e siècle et était la première que les pèlerins de Rome visitaient, à leur entrée dans la ville éternelle (Il ne faut pas confondre ce saint avec l’évêque de Terni du même nom).

2. La messe (In virtus). — Dans la première messe d’un martyr non pontife règne la joie au sujet de sa passion glorieuse. Dès l’Introït, nous voyons (d’une certaine manière dans la personne du célébrant qui fait son entrée) le saint (justi), dans sa gloire et son bonheur. Il se réjouit dans la force de Dieu, il tressaille de joie au sujet de son salut, ses désirs sont comblés, il apparaît comme vainqueur avec la couronne (tout le psaume 20 convient très bien ici, il suffit de remplacer le mot : Roi par celui de saint). L’Oraison demande que le saint “ nous préserve des maux menaçants ”. Dans la Leçon, l’Église décrit la vie de notre saint, comment “ le Seigneur l’a conduit par des voies droites et lui a montré le royaume de Dieu ”, comment “ il l’a guidé à travers tous les combats ; il ne l’a pas abandonné dans le besoin, il est descendu avec lui dans la fosse du cachot, il a été auprès de lui dans ses chaînes et puis il lui a donné “ le sceptre du royaume ” et “ la gloire éternelle ” (Ce passage a trait originairement au patriarche Joseph : la Leçon devient plus plastique si nous nous représentons les souffrances de Joseph vendu par ses frères et la gloire qu’il eut ensuite). Le chant psalmodiques qui suit est un véritable morceau choral où la communauté fait écho à la Leçon. Heureux l’homme qui craint Dieu, puissants sont ses descendants sur la terre. Nous sommes les descendants du saint, nous qui nous unissons à lui dans le Saint-Sacrifice. A l’Évangile, Notre-Seigneur nous parle de la nécessité de le suivre à la Croix. Ceci nous apprend à comprendre le sens du martyre et à en pénétrer notre vie. Le Christ nous dit ces austères paroles : “ Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive. ” La vie chrétienne n’est pas une vie d’idylle, mais une vie de combat. Il faut d’abord livrer la guerre à la chair et au sang, il faut surtout “ prendre notre croix et suivre le Christ. Le Christ nous montre avec insistance le saint martyr qui a suivi ces prescriptions à la lettre. Nous mêmes qui n’aurons sans doute pas à livrer d’aussi grands combats que notre saint martyr, nous pouvons cependant participer à l’honneur du “ témoignage ” rendu au Christ, en confessant le Christ dans les petites choses, quand ce ne serait qu’en donnant un verre d’eau en son nom à ses serviteurs. A l’Offertoire nous voyons encore le martyr s’avancer vers l’autel, le front orné de la couronne de victoire. A la Communion. nous ne chantons pas comme à l’ordinaire un chant de gloire pour le saint et pour nous, mais nous répétons une parole sérieuse du Christ : “ Que celui qui veut me suivre prenne sur lui sa croix...” Pourquoi ce chant au moment de la Communion ? Peut-être la pensée de l’Église est-elle celle-ci : Après le Saint-Sacrifice, commencera votre chemin de Croix et la source de votre force est dans ce banquet sacré.

15 FÉVRIER

Saint Faustin et Saint Jove, martyrs (simple)

Amour fidèle du Christ.

1. Saint Faustin et Saint Jove. — Jour de mort : {d’après le martyrologe) 15 février vers 120. Tombeau : à Brescia (Italie Supérieure). Leur vie : Les deux frères, Faustin et Jove, étaient originaires de Brescia où ils prêchèrent la foi pendant la persécution de Trajan, avec un grand courage. Quand l’évêque Apollons qui, dans ces temps troublés, s’était caché, l’apprit, il ordonna le premier, prêtre et le second, diacre. Peu de temps après, ils furent jetés en prison et, sous l’empereur Hadrien, qui à ce moment se trouvait à Brescia, soumis à de nombreux tourments et finalement décapités (vers 120). Le bréviaire raconte qu’ils souffrirent également à Milan, à Rome et à Naples. Leurs reliques sont vénérées à Brescia.

2. La messe. — C’est la troisième du commun des martyrs (Salues autem). Nous pouvons caractériser cette messe à peu près ainsi : Le Christ apparaît au Saint-Sacrifice entouré de la “ blanche armée des martyrs ” et c’est la réalisation anticipée de son avènement au dernier jour (Ép. et Év.). Introït chante la vie des martyrs (l’image est plus claire, si on lit le psaume en entier) : Les méchants étaient puissants et heureux, ils opprimèrent les bons, les torturèrent et les conduisirent à la mort, mais Dieu fut leur salut, il ne les abandonna pas dans le temps du besoin. A l’Épître, les martyrs nous adressent la parole. Ils nous parlent des (c jours anciens ” où les premiers chrétiens, “ après leur illumination (le Baptême) avaient à soutenir de durs combats. ” Ils gémirent dans les prisons, ils supportèrent avec joie la perte de leurs biens..., maintenant ils se tournent vers nous et nous demandent : “ voulez-vous être nos compagnons ? ” Il faut que vous aussi vous ayez de la patience, ce n’est qu’ainsi que vous pouvez accomplir la volonté de Dieu. Car il n’y a plus guère longtemps à attendre, le Seigneur “ viendra bientôt et il ne tardera pas ” (maintenant, dans le Saint-Sacrifice, il anticipe sa venue). Le Graduel est un écho de l’Épître : les martyrs ont crié dans leur besoin et Dieu les a exaucés, il agira de même avec nous, car “ Dieu est tout près de ceux dont le cœur est troublé, et ceux dont l’esprit est humilié, il les sauve. ” A l’Évangile, le Seigneur apparaît dans la splendeur de ses martyrs (All.) et il nous inspire l’esprit du martyre. Ce que le Seigneur nous révèle dans le silence des saints mystères, nous devons le prêcher dans le monde. En le faisant, nous ne devons pas craindre les hommes qui ne peuvent que tuer le corps. En dehors de la crainte de la mort éternelle, nous ne devons avoir aucune crainte. Il faut nous rappeler, pour cela, que nous sommes dans la main de Dieu, et que pas un cheveu ne tombera de notre tête sans sa permission. Confessons le Christ sur la terre, afin qu’au jour de son avènement il nous confesse “ devant les anges de son Père ”. Ainsi les deux lectures veulent nous inspirer l’esprit du martyre ; dans la première, les martyrs nous parlent ; dans la seconde, c’est le Christ ; l’une et l’autre nous montrent, comme terme ultime, le dernier avènement du Christ. A l’Offertoire, nous voyons encore le martyre sous son aspect glorieux : “ Les âmes des justes sont dans la main de Dieu... aux yeux des insensés, ils ont paru mourir, mais, en vérité, ils sont dans la paix ”, c’est-à-dire dans la gloire bienheureuse. La Communion nous rappelle l’obscurité des Catacombes d’où sortaient les martyrs. Ce que le Seigneur leur disait là, dans le silence nocturne de la messe, ils l’ont annoncé et confessé devant le monde. Telle est aussi notre tâche. Le matin, à la messe, le Christ vient silencieusement à nous, et pour ainsi dire dans l’obscurité ; il nous parle à l’oreille. Nous devons ensuite retourner dans le monde ennemi et être les témoins du Christ. — Quel est le secret de la force des martyrs ? C’est leur fidèle amour du Christ. Que le Corps du Christ et l’exemple des saints nous donnent cet amour et cette fidélité.

18 FÉVRIER

Saint Siméon, évêque et martyr (simple)

Un parent du Christ.

1. Saint Siméon. — Parent du Sauveur “ selon la chair ”, saint Siméon qui appartient à l’âge apostolique par ses origines, est une des plus vénérables figures de martyrs de la chrétienté primitive. Fils de Cléophas, il succéda à saint Jacques comme évêque de Jérusalem. Sous l’empereur Trajan, il fut dénoncé au gouverneur Atticus comme chrétien et parent du Christ. Car, à cette époque, on recherchait tous ceux qui descendaient de David. Après avoir souffert de nombreuses tortures, il fut, comme son Sauveur, attaché à la croix. Tous les assistants s’étonnèrent qu’un homme d’un âge si avancé (il avait 120 ans) supportât les indicibles tourments du crucifiement avec tant de constance et de joie. Il mourut le 18 février, vers 106 ap. J.-C. C’est sous son épiscopat qu’eut lieu le siège et la prise de Jérusalem ; il se réfugia temporairement, avec la communauté chrétienne, à Pella. — Nous avons donc devant les yeux, aujourd’hui, dans la liturgie, un vénérable évêque qui, à cent vingt ans, souffrit les tortures du crucifiement. Parent du Christ par le sang, il le devint encore davantage par son martyre et sa mort sur la croix à Jérusalem. Ce saint est puissant pour nous obtenir la force dans notre faiblesse et nous aider à nous débarrasser du fardeau de nos péchés.

2. La messe. — Du commun (Statuit). Nous essaierons de célébrer le Saint-Sacrifice avec le saint et dans son esprit. La messe a quatre parties : l’enseignement, l’Offrande, la Consécration, la Communion. Je récite le Kyrie en union avec le martyr. Avec quelle ferveur a-t-il dû crier, avant son martyre : Seigneur, ayez pitié de nous. Ensuite, dans le Gloria, je chante avec lui son cantique de louange et d’action de grâces. Mais Siméon est aussi notre prédicateur, dans Epître et dans l’Évangile. “ Bienheureux l’homme qui supporte l’épreuve. ” Il peut parler ainsi, car il l’a supportée. Aujourd’hui il porte la “ couronne de vie ”. Maintenant il se tourne vers nous et nous dit : Où sont vos épreuves, vos tentations, comment les supportez-vous ? — Puis il nous parle de la “ haine ” de tous ceux qu’il aime et de son âme même ; c’est là un rude enseignement. Tout ce qui plaît à l’homme naturel, il faut le sacrifier pour le Christ. Celui qui ne supporte pas avec patience la croix de la vie, avec toutes les épines de sa profession, de son entourage, du sort, celui-là ne peut pas être disciple du Christ. Nous voulons bâtir une tour, c’est-à-dire édifier le royaume de Dieu dans notre âme, est-ce que nous laisserons cette tour inachevée ? Le martyr peut nous adresser cette prédication, car il l’a réalisée dans sa vie. Voici maintenant l’Offertoire : Siméon fait sa dernière Offrande ; avec quelle volonté et quel esprit de sacrifice, avec quel abandon total ! Essayons de l’imiter. Puis vient la Consécration. D’où la mort du martyr tire-t-elle sa sainteté ? de la mort du Christ dans son corps. Enfin c’est la Communion. Nous fêtons aujourd’hui l’éternelle communion de saint Siméon, c’est-à-dire son éternelle union avec le Christ. Comme ses plaies sont désormais brillantes ! Nous recevons nous-mêmes un rayon de cette lumière éternelle.

LE SAMEDI PENDANT LE TEMPS DE NOEL

L’Office de la Sainte Vierge (simple)

Quand, le samedi, il n’y a pas de fête ou seulement une fête simple, on prend l’Office et la Messe de la Sainte Vierge, car le samedi lui est consacré. Ce jour-là, c’est la Mère de Dieu qui est notre guide dans la journée et qui dirige le chœur à la messe.

1. La messe (Vultum tuum). — La messe de la sainte Vierge pendant le temps de Noël (du 26 décembre au 1er février) est encore toute remplie des pensées de Noël. Les deux lectures (Ép. et Évang.) sont empruntées à la seconde messe de Noël, La liturgie nous transporte donc en esprit dans la nuit sainte et nous montre le divin Enfant (“ la bonté et l’humanité de Dieu notre Sauveur ”) dans l’Épître. Elle nous montre, dans l’Évangile, la Sainte Vierge méditant pendant que les bergers adorent son divin Enfant, L’Église nous donne ici une indication importante : jusqu’à la fête de la Chandeleur, nous devons porter dans notre cœur les pensées de Noël. Cependant, alors qu’à Noël toute notre attention se porte sur le Seigneur qui vient de naître, aujourd’hui nous nous arrêtons, dans nos méditations, auprès de la Mère du Sauveur humain et bon, Les chants célèbrent surtout Marie. A l’Introït, nous assistons au cortège nuptial, Marie est l’Épouse et nous formons sa suite (Psaume 44). Au Graduel, nous voyons, dans sa Crèche, l’aimable Enfant qui est en même temps l’Époux divin. A l’Offertoire, nous louons la Vierge Mère de laquelle “ est sorti le Soleil de justice, le Christ, notre Dieu ”. A la Communion, nous disons bienheureuses les entrailles de Marie qui ont porté “ le Fils du Père éternel ” et en même temps nous chantons notre propre bonheur, car nous recevons une grâce semblable.

2. La prière des Heures nous offre des leçons courtes mais pleines de sens. La leçon de janvier est tirée d’une lettre de saint Ambroise au pape Siricius. “ On entend dire aux hérétiques : Marie a bien conçu comme vierge, mais elle n’a pas enfanté comme vierge. Elle pouvait donc concevoir comme vierge, mais elle ne pouvait pas enfanter comme vierge, alors que la conception précède toujours l’enfantement ? Mais si on ne veut pas croire aux enseignements des prêtres, qu’on croie du moins aux déclarations du Christ, qu’on croie aux paroles des anges qui nous disent : “ Pour Dieu il n’y a rien d’impossible. ” On doit croire au symbole des Apôtres que l’Église a toujours gardé et garde encore inaltérable. Marie écouta la parole de l’ange, après avoir demandé : comment cela pourra-t-il se faire ? et cette demande ne se rapportait pas au fait de la naissance ; elle fit (une fois rassurée) cette réponse : “ Voici la servante du Seigneur qu’il me soit fait selon ta parole. ”

La leçon de février est tirée du livre de saint Jérôme contre Jovinien : “ Le Christ était vierge, la Mère de notre Christ virginal fut toujours vierge, vierge et mère en même temps. Jésus, en effet, est entré par la porte fermée. De même, dans son tombeau qui était neuf et. taillé dans la pierre, personne n’a été placé avant lui et personne après lui : “ Un jardin fermé, une source scellée. ” De cette source coule, d’après le Prophète Joël, ce flot qui fertilise le torrent des cordes ou des épines, des cordes, c’est-à-dire des péchés dont nous sommes enlacés, des épines, qui menacent d’étouffer la semence du père de famille. Marie est la porte tournée vers l’Orient, dont parle Ézéchiel, qui est toujours fermée et brillante, qui renferme en elle ou laisse sortir le Tout-Puissant, par laquelle le Soleil de justice et notre Grand-Prêtre, selon l’ordre de Melchisédech, entre et sort. ”

PIUS PARSCH

LE GUIDE DANS L’ANNEE LITURGIQUE

Traduit de l’allemand sur la 11e édition

PAR l’Abbé Marcel GAUTIER

 

Tome II

Le cycle Pascal (1re partie)

 

ÉDITIONS SALVATOR

Mulhouse (Haut-Rhin)

1935

LE GUIDE DANS L’ANNÉE LITURGIQUE

LE CYCLE PASCAL

Nous entrons dans le second cycle de fêtes et de temps liturgiques, dans le cycle pascal. Le cycle obscur de Noël peut se caractériser brièvement par ces mots du prologue de saint Jean : “ La lumière brille dans les ténèbres ” (Jean 1, 5). Quant au cycle lumineux de Pâques, on peut le résumer dans ces autres paroles du prologue : “ Les ténèbres ne l’ont pas connue ”. bien plus elles l’ont combattue avec haine, “ mais à ceux qui l’ont connue, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu “. Le Christ a fondé le royaume de lumière : tel est le résultat du cycle de Noël. Ce ne fut pas sans lutte dramatique que la lumière réussit à percer la nuit de l’Avent pour rayonner ensuite dans une clarté toujours grandissante : chant de Noël, — éclat de l’Épiphanie — Chandeleur (messe des lumières). Le cycle s’est donc achevé dans ce seul mot : lumière (en grec -phôs).

Le cycle pascal a un caractère tragique beaucoup plus puissant : les ténèbres entreprennent la lutte contre la lumière et la contraignent provisoirement à un crépuscule sanglant, (Semaine Sainte), mais ensuite le soleil se lève brillant et victorieux et atteint son zénith (Pentecôte). Il ne doit plus descendre, mais il se transforme et devient le soleil éternel de la gloire (Parousie).

Nous pouvons encore caractériser le cycle pascal d’une autre manière. A Noël, c’est surtout comme lumière que le Christ nous est apparu (Épiphanie = apparition) ; il se manifeste maintenant comme vie dans l’Église et dans l’âme. Il est la “ Vie ” et il nous remplit de vie divine dans le baptême et l’Eucharistie. Et le prix dont il a payé ce don inestimable est sa mort. Ainsi donc la vie par sa mort, tel est le sens profond de la seconde partie de l’année liturgique, du cycle pascal. L’antique signe du Christ (phos-zoè, lumière-vie) exprime brièvement les deux cycles festivaux de l’année liturgique. Les deux cycles sont ordonnés l’un à l’autre, le second sort du premier. Il fallait d’abord que la lumière luise pour produire ensuite la vie par sa chaleur. Par ailleurs, les deux cycles ont chacun leur caractère indépendant. Dans l’un comme dans l’autre, on part du commencement. Dans le Carême comme dans l’Avent, nous nous plaçons dans l’état de non rachetés, comme si nous n’étions pas baptisés, comme si nous n’avions pas encore la grâce. C’est précisément là le caractère dramatique du mystère sacré de la liturgie, qui contient une seule et même réalité : la vie divine, la vie en abondance.

Il y a deux grands bienfaits que nous devons à Notre-Seigneur. Le premier est son Incarnation qui fut l’objet du premier cycle de fêtes. Mais ce bienfait ne fut que la condition préalable du second bienfait, plus grand, que nous offre le cycle pascal : la Rédemption. Le Christ veut nous racheter de nos péchés. Nous devons donc avoir conscience que nous sommes de pauvres pécheurs. C’est le but du carême.

Le Christ veut nous racheter par sa Passion, sa Croix et sa Résurrection ; nous fêtons cette Rédemption pendant la Semaine Sainte et à Pâques. Il veut nous faire enfants de Dieu et nous envoyer le Saint-Esprit ; c’est le but de tout le temps pascal et de la Pentecôte. Nous entrons donc dans un temps d’une importance capitale pour l’Église et pour le salut de nos âmes. Aussi comprendrons-nous que l’Église nous y prépare avec soin et nous y conduise par une longue purification avant de nous juger mûrs pour la célébration digne de la fête des fêtes, la grande fête des Chrétiens, Pâques.

Nous n’avons, au cours de l’année liturgique, que deux temps de préparation, l’Avent et le Carême. Ces deux temps sont très différents l’un de l’autre. Tout d’abord, le dernier est près de trois fois plus long que le premier, conformément à l’importance plus grande de la fête de Pâques. Ensuite, l’Avent est un temps de joyeuse attente, tandis que le Carême respire la pénitence austère. Dans l’Avent, on voit progresser la joie et l’attente ; dans le Carême, la tristesse et la pénitence s’accroissent sans cesse. L’Avent fait davantage appel au sentiment ; le Carême fait surtout appel à la volonté des chrétiens.

Avec un vrai sens pédagogique, l’Église répartit cette préparation à Pâques en trois étapes : l’avant-Carême, le Carême et le temps de la Passion. L’avant-Carême a simplement pour but de nous introduire dans le temps de pénitence ; c’est en même temps une transition entre le temps qui suit l’Épiphanie, dont le caractère est plutôt joyeux, et la sainte quarantaine. Le temps de Carême est un temps d’austère pénitence où nous devons rentrer en nous-mêmes. Le temps de la Passion est particulièrement consacré au souvenir des souffrances du Christ.

DIVISION DU CYCLE PASCAL

A. Préparation.

I. Avant-Carême.

dans le miroir de l’Ancien Testament Que veut le temps qui vient ?

1. Septuag. Laurent Le péché d’Adam Invitation

2. Sexag. Paul L’arche de Noë La divine semence

3. Quinq Pierre Le sacrifice d’Abraham Illumination

II. Le Carême : La Lumière en lutte avec les ténèbres.

1. Défensive : Par le combat à la gloire (1. et 2. Semaines de Carême).

2. Offensive : Le plus fort est vainqueur du fort (3 et 4. Semaines de Carême).

III. La voie douloureuse de Notre-Seigneur.

1. Histoire des douleurs de l’âme (Semaine de la Passion).

2. La Passion (Semaine Sainte).

B. Temps de Fête (temps pascal).

1. Le Seigneur est ressuscité ! (Pâques).

2. Le Seigneur est monté aux cieux (Ascension).

3. Le Seigneur envoie son Esprit (Pentecôte).

C. Echos prolongés (Dimanches après la Pentecôte)

1. Regards en arrière vers Pâques.

2. Lutte entre la Lumière et les ténèbres (surtout les dimanches du milieu).

3. Le retour du Seigneur (surtout du ISe dimanche au dernier).

ADIEU A L’ALLELUIA.

Avec la Septuagésime se produit, dans la liturgie, un changement brusque de sentiments ; c’est alors que disparaît des chants liturgiques un petit motif. Enfants d’un siècle de peu de foi, nous n’en sommes pas frappés ; mais le Moyen Age croyant ressentait vivement ce changement : l’Alleluia cesse et nous ne l’entendrons plus que dans la nuit de Pâques. A la messe, le Roi divin, qui fait son entrée au moment de l’Évangile, n’est plus salué par le chant solennel de l’Alleluia. De même, les huit Heures de prière du jour ne commencent plus par l’Alleluia. On le remplace par le chant ou la récitation de cette formule : Louange à toi, Seigneur, Roi de la gloire éternelle. C’est assurément un beau salut ; mais ce n’est qu’un supplément qui nous fait deviner toute l’importance que l’Église attribue à l’Alleluia.

Qu’est donc l’Alleluia ? Ce mot vient de l’hébreu (Hallelu-Iah) et veut dire : louez Jahvé (Dieu). Mais déjà, dans l’ancien Testament, il avait perdu son sens primitif et était devenu un cri de joie. On lit dans le livre de Tobie : “ Dans les rues de Jérusalem (de la Jérusalem céleste),on chantera Alleluia” (XIII, 22). C’est dans ce sens que les premiers chrétiens ont adopté ce mot dont ils ont fait un chant de joie, un chant céleste, un chant de résurrection. Il appartient à la liturgie primitive, et, depuis lors, il a retenti à travers tous les siècles ; on l’entendra jusqu’à la fin du monde, et là-haut, dans la Jérusalem céleste, il sera chanté sans fin. L’Apocalypse nous dit : “ Le chant victorieux de l’Alleluia retentit comme le bruit des grandes eaux, comme le roulement de tonnerres puissants “ (Apoc. XIX, 6).

Dans les premiers temps du christianisme, l’Alleluia était en usage même dans la vie privée des chrétiens ; les fidèles le chantaient chez eux, les paysans en poussant leur charrue, les artisans dans leur boutique. Les navigateurs chantaient : Entonnons notre chant de rameurs : Alleluia. Les soldats chrétiens en avaient fait leur cri de guerre. “ Alleluia, le Seigneur est ressuscité ! ”, c’est ainsi que les chrétiens se saluaient au matin de Pâques. Bien plus, ils enterraient leurs morts au chant de l’Alleluia. Quelle foi, quelle espérance de la résurrection, n’exprime pas ce chant de l’Alleluia sur un cercueil !

Mais la véritable place de l’Alleluia est dans la liturgie. Au début, on ne le chantait qu’à Pâques, comme le chant proprement dit de la Résurrection. Maintenant il accompagne l’âme fidèle à travers toute l’année ; il imprime à la vie chrétienne son caractère de joie à la pensée de la résurrection, et d’attente assurée de la victoire. L’Église le chante ou le récite plusieurs fois par jour : au commencement de chacune des Heures de l’Office (huit fois par jour). Elle le chante surtout à la messe dans l’antienne Alleluia qui est le chant annonciateur de l’Évangile, la proclamation du héraut annonçant l’arrivée du Christ dans l’Évangile ; ce chant est un des plus riches et des plus précieux parmi les chants choraux de notre liturgie. Seulement dans l’avant-carême et le carême, temps consacrés à la pénitence pour nos péchés, l’Église ne peut pas chanter son cri de joie. Il lui faut, pour un certain temps, se séparer de son cher Alleluia. Cette séparation a lieu le samedi avant la Septuagésime. A la fin des vêpres, on ajoute deux fois Alleluia au verset “ Benedicamus Domino ” et le chœur répond en ajoutant lui aussi deux Alleluia.

On a aimé comparer le temps de l’avant-carême aux soixante-dix ans de la captivité des Juifs qui symbolise la douleur du pécheur. Durand, un liturgiste du Moyen Age, écrit : Nous interrompons l’Alleluia qui est le chant des anges, parce que, par le péché d’Adam, nous sommes exclus de la société des anges, captifs dans la Babylone de la vie terrestre ; assis près des fleuves, nous pleurons à la pensée de Sion. De même que les fils d’Israël, sur la terre étrangère, suspendaient leurs harpes aux saules, nous devons, nous aussi, oublier le chant de l’Alleluia, dans la pénitence et l’amertume de notre cœur (Cf. ps. CXXXVI : Près des fleuves de Babylone nous nous assîmes, et nous pleurâmes...). Dans un certain nombre d’églises, on prenait solennellement congé de l’Alleluia. Durand nous dit : On se sépare de lui comme d’un ami très cher au moment d’un long voyage, on l’embrasse plusieurs fois, on couvre de baisers sa bouche, son front et ses mains.

Aujourd’hui, nous chantons l’Alleluia pour la dernière fois. Puisse-t-il nous rappeler toujours notre vocation ! Nous sommes des hommes ressuscités, des hommes célestes, des hommes joyeux. Nous sommes ressuscités par le baptême, nous devons rompre avec le péché ; nous sommes citoyens du ciel, nos pieds marchent sur la terre, mais notre cœur est au ciel : “ votre séjour est au ciel ”. La marque de la véritable vie chrétienne est la joie. Le chrétien est un enfant du soleil qui répand la lumière, la chaleur, la vie et la joie. Apprenons à être gais et joyeux ; que le caprice et la mélancolie n’aient pas de place dans notre cœur ! Soyons joyeux et répandons la joie autour de nous. Voilà ce que nous prêche l’Alleluia quotidien.

Le Seigneur dit à Adam : De l’arbre qui est au milieu du paradis, tu ne mangeras pas ; dès que tu en mangeras tu mourras “ (Ant. Magn.).

Le Seigneur dit à Noé : La fin de toute chair est arrivée devant moi. Fais-toi une arche de bois de cèdre afin qu’en elle soit sauvées toutes les semences (Ant. Magn.).

Le père de notre foi, Abraham, offrit un holocauste sur l’autel à la place de son fils “ (Ant. Magn.).

L’AVANT -CARÊME

L’Église a disposé un vestibule avant le temps de Carême, pour nous permettre de passer de la joie du temps de Noël à l’austérité de la sainte quarantaine. C’est l’avant-Carême. Ce temps est constitué, à proprement parler, par trois dimanches qu’on appelle : la Septuagésime, la Sexagésime et la Quinquagésime, c’est-à-dire le soixante-dixième, le soixantième et le cinquantième jour avant Pâques. A la vérité, en comptant bien, le nombre n’est pas exact, mais comme le premier dimanche de Carême s’appelle Quadragésime (le quarantième), on a nommé les trois dimanches précédents en arrondissant les chiffres.

Quand nous examinons la liturgie de ces trois dimanches, nous découvrons un ensemble d’une belle architecture. Nous trouvons, déjà, dans les stations qu’indique le missel (Saint Laurent, Saint Paul et Saint Pierre, dans l’ordre ascendant), la preuve de l’importance que l’Église attribue à ces dimanches. De même, dans la prière des Heures, l’abondance des textes propres nous indique le rôle de premier plan de ces dimanches.

Ces trois dimanches constituent, en quelque sorte, le prélude du cycle pascal ; c’est un prélude à un double titre.

1. Tout d’abord l’Église nous représente, dans le miroir de l’Ancien Testament, ce que nous devons attendre dans le temps qui vient. Trois hommes, trois Patriarches des premiers temps de l’humanité, se tiennent devant nous : Adam, Noé, Abraham. Chacun des trois dimanches, la liturgie nous montre l’un de ces trois Patriarches. Et alors, nous nous rendons compte qu’ils sont les précurseurs des “ biens futurs “. Adam est sans doute l’auteur du péché, mais il est aussi l’image du second chef de l’humanité, du Christ. Noé, sauvé du déluge, est le symbole de l’humanité rachetée dans les eaux du baptême et dans l’Église. Le sacrifice d’Abraham nous fait pressentir le sacrifice de Jésus-Christ. Quel magnifique triptyque nous offre l’Église ! Le Christ est le véritable Adam, le véritable Noé, le véritable Abraham.

2. Mais les trois Évangiles de ces dimanches nous montrent également, dans une large perspective, le temps qui s’approche : l’invitation, la tâche, le but. Le premier dimanche, nous recevons de Dieu l’invitation d’entrer dans la vigne du royaume des cieux. Il nous faut, en effet, reprendre notre. œuvre par le commencement. Le second dimanche, l’Église nous indique ce que Dieu veut faire. L’Église et l’âme sont un champ immense. Le divin semeur veut maintenant y jeter sa semence et récolter des fruits en abondance. Et quel est le but de ce travail ? L’illumination dans le baptême, l’illumination à Pâques et la glorification dans le ciel. Ainsi, ces trois péricopes forment un tout harmonieux. Sans doute, elles sont destinées d’abord aux catéchumènes ; mais elles veulent aussi donner aux fidèles un programme pour le temps du renouveau qui approche.

La liturgie de l’avant-Carême, avec la belle ordonnance des textes du missel, est sûrement du temps de saint Grégoire-le-Grand qui en est probablement lui-même l’auteur. Leur contenu reflète les inquiétudes de ce temps troublé par les guerres et les invasions.

LA SEMAINE DE LA SEPTUAGÉSIME

1. Deux groupes de pensées occupent toute la semaine : la parabole de la vigne et la personne d’Adam. Ce n’est pas seulement dans la journée du dimanche, mais encore durant la semaine, que l’Église nous invite à méditer la parabole de là vigne. La vénérable figure d’Adam nous accompagne dans la lecture de l’Écriture, à travers la semaine.

2. Propagande. — Les enfants du siècle ne craignent ni les dépenses ni les peines pour faire de la propagande en faveur de leurs intérêts ou de leurs affaires. Le chef de la publicité, dans une grande maison d’affaires, est aujourd’hui l’une des personnalités les plus importantes de l’entreprise. Il doit travailler jour et nuit pour trouver de nouvelles méthodes, de nouveaux moyens de réclame, de nouveaux modèles, des débouchés convenables malgré la crise. Avec quelle fiévreuse activité les bolchevistes font de la propagande pour leurs idées ! Ils ne se laissent pas décourager par les échecs. Sans cesse, et sans relâche, ils travaillent à “ faire le bonheur du monde “. En considérant ces diverses propagandes, le Sauveur pourrait dire : Les enfants du siècle sont plus prudents, dans leurs intérêts, que les enfants de lumière.

Or le bon Dieu, au cours de trois dimanches, fait, lui aussi, de la propagande pour son royaume et sa doctrine. Les dimanches de la Septuagésime, de la Sexagésime et de la Quinquagésime sont des dimanches d’enrôlement pour le royaume de Dieu. C’est là leur tâche principale.

Les dirigeants de l’Église devraient consacrer entièrement ces deux semaines et demie à l’œuvre des missions intérieures et extérieures. Les directeurs d’œuvres des diocèses et des paroisses devraient se concerter sur la meilleure manière d’atteindre le cœur des hommes. Faut-il employer les méthodes du monde, les affiches, les réclames lumineuses, etc. ? C’est à la prudence de ces directeurs d’en décider. La méthode variera naturellement d’après les circonstances et les pays. Mon intention n’est pas de prôner l’emploi des méthodes américaines dans le ministère des âmes. Mais il est bien certain que la volonté du Christ est que nous employions tous les moyens humainement utilisables pour répandre sa doctrine dans le monde. Nous devons faire connaître le christianisme aux hommes, à tous les hommes, sur la terre entière. Ce travail doit être accompli jusqu’à la fin du monde. C’est là une tâche dont le Christ ne nous dispense pas. “ Allez, enseignez toutes les nations... apprenez-leur à garder tout ce que je vous ai ordonné. “ Dans cet ordre de mission, sont certainement inclus tous les moyens psychologiques et éducatifs que nous devons employer pour porter aux hommes les enseignements du Sauveur. Cela ne veut pas dire que, dans la réalité, l’humanité acceptera le christianisme et deviendra tout entière chrétienne. Cela dépend de deux autres facteurs importants : d’abord de la grâce de Dieu et ensuite de la libre volonté de l’homme. Par nous-mêmes, nous ne pouvons convertir et rendre chrétien un seul homme. Celui-là seul vient au Christ “ que mon Père tire “. Mais notre tâche est d’inviter tous les hommes et de leur faire connaître la doctrine chrétienne.

Sur ce point, je crois, nous avons encore beaucoup à faire. Ce travail pour le salut des âmes doit être accompli par chacun de nous, par chaque chrétien, en raison du sacerdoce général et surtout en raison de la Confirmation. Tel est principalement le sens de l’action catholique à laquelle nous convoque le Saint-Père. Nous avons le devoir de faire connaître, à tous les hommes que nous pouvons atteindre et dont chacun est notre “ prochain “, car il est proche de nous par l’espèce ou par l’esprit, la doctrine du christianisme, et de les inviter à entrer dans le royaume de Dieu. En agissant ainsi, rendons-nous toujours compte que ce n’est pas le succès de la “ conversion “ qui importe : la conversion dépend de Dieu seul. Par suite, nous ne devons pas chercher des moyens de propagande captieux, viser purement à la persuasion, voire même à la persuasion illusoire. Notre but doit être celui-ci : Que la doctrine du Christ soit connue et que la grâce de Dieu saisisse l’homme. Nous voyons déjà que notre choix des moyens de propagande sera souvent différent de celui des enfants du siècle. Par contre, notre zèle de propagande ne doit pas être moindre. C’est de ce zèle et non des moyens, que parle le Sauveur dans la parabole de l’intendant infidèle.

Il faudrait maintenant que chacun réfléchisse et se demande comment il doit accomplir lui-même l’ordre de. mission du Christ. Chacun d’entre nous dispose de beaucoup de possibilités. Que chacun examine son rayon d’action et se dise : ici, c’est moi-même qui suis à la première place. C’est à moi que s’adresse, au jour de la Septuagésime, l’invitation du Père de famille : Pourquoi te tiens-tu oisif tout le jour ? Va, toi aussi, à ma vigne. Charité bien ordonnée commence par soi-même. C’est tout d’abord pour moi-même que je dois répondre à l’invitation et je dois y répondre complètement ; je dois me laisser convertir et “garder ce que le Christ a commandé “. Alors le Carême qui approche sera pour moi un temps d’instruction et de conversion. Il faut bien nous rendre compte, tout d’abord, que la propagande de Dieu agit en nous-mêmes, afin que “ après avoir prêché aux autres, nous ne soyons pas nous-mêmes réprouvés “, selon le mot de saint Paul.

Vient ensuite le prochain. Entendons ce mot au sens littéral, “ nos proches “. Ce sont d’abord nos parents, nos amis et les gens de notre profession. Ici, il nous faut parler tout de suite des moyens de propagande. Avec nos proches, point n’est besoin de manifestations grandiloquentes ; ce qu’il faut, c’est le spectacle d’une vie vraiment chrétienne. C’est uniquement par nos actions et nos omissions, bref par notre vie chrétienne que nous pouvons prêcher. C’est la propagande la plus efficace. Soyons de bons chrétiens et nous serons les meilleurs prédicateurs et les meilleurs apôtres pour notre entourage. A la vérité, nous ne devons pas nous inquiéter si notre travail de propagande ne porte pas rapidement des fruits. Le succès dépend de Dieu et de la correspondance de nos proches à l’invitation divine.

Nous passerons ensuite à notre entourage plus éloigné, par conséquent au prochain au sens large. Là encore nous disposons de nombreuses possibilités. Souvent c’est le hasard qui semble mettre les hommes à notre portée ; en réalité, c’est Dieu qui nous les envoie : dans le train, au cours d’une promenade, dans notre voisinage, etc. C’est aussi le cas des membres d’une même paroisse (membres au sens le plus profond, c’est-à-dire membres du Christ). Quels moyens de propagande ne possédons-nous pas ! Outre ceux qu’on a signalés, il y a deux moyens précieux que le monde ne connaît pas : l’amour et la prière.

Comme nous pourrions gagner les hommes par l’affabilité, la politesse, la complaisance, la bonne humeur ! Quelle amabilité, quelle politesse ne doivent pas montrer les hommes d’affaires, agents et représentants, même quand les clients sont désagréables et exigeant ! Pourquoi usons-nous si peu de la véritable affabilité chrétienne ? Et les œuvres de charité chrétienne, quelle importance n’ont-elles pas de nos jours comme moyens de propagande pour la doctrine du Christ ! Cela ne veut pas dire qu’il faille faire du prosélytisme au moyen de nos aumônes. Mais le don, j’entends le don fait avec amour, est ce qui dispose le mieux l’âme à recevoir la doctrine du Christ. Je me permets de donner un conseil : chacun d’entre nous devrait avoir un pauvre, un pauvre enfant ou une pauvre famille, qu’il mettrait en confiance, qu’il visiterait, avec qui il converserait, qu’il consolerait, à qui, de temps en temps, il ferait un plaisir ou un cadeau..., Je prétends que tout le monde pourrait le faire, même les enfants, même les jeunes gens. Ce serait en même temps la meilleure manière de s’occuper des âmes.

N’oublions pas non plus la prière. La transformation d’un homme en chrétien est uniquement affaire de la grâce, et nous faisons descendre la grâce du sein de Dieu par la prière fervente et persévérante. C’est peut-être le moyen de propagande le plus puissant... Retenons bien ceci : le dimanche de la Septuagésime est le dimanche de la propagande.

DIMANCHE

Index

DE LA SEPTUAGÉSIME

STATION A SAINT LAURENT

Dieu nous invite dans la vigne du royaume des cieux.

Le martyrologe annonce”aujourd’hui avec une insistance caractéristique : “ Le dimanche de la Septuagésime à partir duquel cesse la louange de Dieu par l’Alleluia. “

1. Septuagésime (Soixante-dix). — Quelle que soit l’explication historique de cette relation, le nom rattache ce dimanche au point central de l’année liturgique, à Pâques. C’est donc le premier pas dans la préparation de Pâques. Au Moyen Age, on aimait les allégories et on songeait volontiers aux soixante-dix ans de la captivité de Babylone, dans laquelle on voyait un symbole de ce temps. Comme les Juifs, nous suspendons aux saules notre harpe de l’Alleluia, en songeant à Sion, c’est-à-dire à Pâques.

Le cycle pascal pénètre plus profondément dans notre vie que le cycle de Noël. Il faut que nous. devenions des hommes nouveaux ; il faut qu’à Pâques nous soyons de nouveaux baptisés, que nous soyons une nouvelle créature. La journée d’aujourd’hui est l’aurore de ce grand jour de conversion. Nous pouvons pressentir, par conséquent, que l’Église nous donnera aujourd’hui un programme pour le temps qui vient. Elle nous propose cinq choses.

a) Nous devons de nouveau reconnaître que nous sommes des pécheurs,. le premier point est donc d’avoir une conscience profonde de notre état de pécheurs. C’est pourquoi, dès que nous franchissons le seuil de la maison de Dieu, l’Église nous fait entonner ce chant saisissant : “ Je suis envahi par les gémissements de la mort, les douleurs de l’enfer m’ont envahi “ (Intr.). Quand nous ouvrons le bréviaire, il nous montre des images de la chute originelle. Cependant, il ne faut pas que l’espérance fasse défaut à notre conscience de pécheurs. “ Dans ma tribulation, j’ai crié vers le Seigneur et il m’a exaucé de son saint temple. “ Déjà, dans le lointain, nous voyons briller la lumière de Pâques.

b) Le second point est l’invitation. Nous recevons l’invitation de Dieu. Dieu, le Père de famille et le Maître de la vigne, appelle les ouvriers et il les appelle à toute heure. Comme cela est consolant ! Il n’est jamais trop tard ; Dieu nous appelle à tout âge ; que nous soyons enfant, jeune homme ou jeune fille, homme ou femme, vieux ou vieille, nous sommes invités ; répondons donc à l’appel. Le dimanche que nous célébrons aujourd’hui est le grand jour d’enrôlement du Seigneur. Dieu, dans son amour, recherche l’âme humaine.

c) Une tâche nous est prescrite. La vie chrétienne n’est pas une vie idyllique, une vie oisive ; c’est un rude labeur à la chaleur du jour, un dur combat dans l’arène. Pour nous montrer d’une manière vivante ce qui nous attend, l’Église nous conduit au tombeau du vaillant lutteur qu’est saint Laurent. Son combat pour le Christ, sur le gril du martyre, doit être notre idéal.

d) Au combat est réservée la couronne de la victoire et le travail mérite un salaire. C’est le denier de la vie éternelle, la couronne impérissable du ciel. Si les enfants du siècle dépensent tant de fatigue pour obtenir une couronne périssable, que ne devons-nous pas faire pour mériter la couronne éternelle !

e) Enfin, l’Église affiche un autre avis à l’entrée du temps pascal. Nous entrons maintenant dans la vie sacramentelle de l’Église. Le Baptême et l’Eucharistie sont au point central du cycle pascal. Malheur à nous si notre vie ne correspond pas à la volonté de Dieu ! Alors nous aurons le sort des Israélites dans le désert. Eux aussi reçurent un baptême et furent nourris d’une nourriture céleste, et cependant ils moururent et furent ensevelis dans le désert sans voir la terre promise. Telles sont les pensées principales du dimanche.

2. La Messe (Circumdederunt). — Nous nous rassemblons au tombeau de saint Laurent. L’Introït nous donne l’impression générale. Quelle différence entre l’Introït de dimanche dernier et celui d’aujourd’hui ! Alors c’était la joie et un tableau d’Épiphanie ; aujourd’hui c’est l’entrée saisissante dans le temps de pénitence. Qui fait la prière de l’Introït ? C’est saint Laurent sur le gril “ dans les gémissements de la mort et les tortures de l’enfer “ ; c’est aussi le Christ qui entre dans les combats de sa Passion ; c’est aussi l’Église qui, avec l’âme chrétienne, s’unit au Christ et à saint Laurent et, par la mortification de la chair, entre dans le temps de pénitence. Cet Introït caractérise tout le Carême et no s permet déjà de jeter un regard vers Pâques : “ et il a entendu ma voix de son saint temple “.

L’Oraison, aux accents si humbles, suppose les tentations. Nous acceptons les souffrances en expiation de nos péchés, mais nous implorons la délivrance.

L’Epître contient tout un programme pour le temps de Carême. La vie est un combat ; deux adversaires se disputent notre âme : le Christ et le démon. Il faut que le Christ soit vainqueur. Le temps de Carême est un temps de combat, il s’agit de reprendre la lutte. Mais le symbole a un sens plus profond encore. Le divin David entre dans l’arène pour vaincre le Goliath infernal. Dans sa victoire est renfermée notre victoire ainsi que celle de saint Laurent. L’Épître renferme encore une autre pensée : les deux sacrements de Pâques, le Baptême et l’Eucharistie, qui seront au centre des préoccupations de l’Église pendant le temps qui vient. La liturgie nous met aujourd’hui en garde contre l’abus de ces sacrements. Le baptême et l’Eucharistie, sans une vie agréable à Dieu, nous conduisent à notre perte.

Au Graduel, l’humanité exprime encore sa soif de Rédemption ; c’est le “ pauvre “ qui, de la prison profonde de son péché, lève les yeux vers le Rédempteur. Le De profundis fait une impression saisissante quand il sert à exprimer le désir de la Rédemption.

L’Évangile, avec la parabole des ouvriers de la vigne, est aujourd’hui une invitation solennelle de l’Église à travailler dans le royaume de Dieu, de l’âme. Pourquoi vous tenez-vous là oisifs ? Ne faites pas attention aux autres, laissez-les et répondez à l’invitation. Le Saint-Sacrifice nous donne aujourd’hui des forces pour la lutte. Dans la sainte communion, nous recevons par avance, avec saint Laurent, la couronne de la victoire. Dieu nous verse les arrhes du céleste denier ; déjà brille sur nous l’éclat de la gloire dont l’âme de saint Laurent a été inondée. Remarquons la progression des quatre chants : les angoisses de la mort — des profondeurs — la victoire — la gloire. Ces chants se rapportent : à saint Laurent, au Christ, à l’Église, à l’âme.

3. Lecture d’Écriture (Genèse I, 1-13). — Dans le haut Moyen Age, on lisait, après le chant des Vêpres, trois leçons du premier livre de Moïse. Par cette pratique, l’Église voulait, à chaque fois, marquer l’importance du recommencement de la lecture de l’Écriture sainte et, en même temps, exprimer son respect pour l’ancienne Loi. C’est avec respect et solennité que nous devrions, nous aussi, tourner aujourd’hui la première page de la Genèse. Il s’agit de l’œuvre des six jours, mais les répons de Matines nous disent clairement que les pensées de la liturgie vont plus loin et s’arrêtent de préférence à la création de l’homme et au péché originel. L’Église veut ainsi, pendant l’avant-Carême, dérouler devant nous la préhistoire de la Rédemption : le premier péché, le péché originel et ses conséquences ; Adam, l’ancêtre de l’humanité, auprès duquel elle place immédiatement le second Adam, le Christ.

Aujourd’hui, nous lisons la première moitié de l’œuvre des six jours : “ Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. Mais la terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et l’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux. Et Dieu dit : Que la lumière soit et la lumière fut. Et Dieu vit que la lumière était bonne et il sépara la lumière des ténèbres et il nomma la lumière jour et les ténèbres nuit et il y eut un soir et un matin et ce fut un jour. Dieu dit ensuite : Qu’il y ait une étendue entre les eaux et qu’elle sépare les eaux des eaux. Et Dieu fit l’étendue et sépara les eaux qui étaient au-dessous de l’étendue de celles qui étaient au-dessus de l’étendue. Et cela fut ainsi. Et Dieu nomma l’étendue ciel. Et il y eut un soir et un matin, ce fut le second jour. Mais Dieu dit : Que les eaux qui sont au-dessous du ciel se rassemblent en un seul lieu et que paraisse le sec. Et ce fut ainsi. Et Dieu nomma le sec terre et l’amas d’eau, il le nomma mer. Et Dieu vit que c’était bon. Et il dit : Que la terre fasse pousser de l’herbe qui verdisse et porte semence et des arbres à fruits qui portent leurs fruits selon leur espèce, dans lesquels soit leur semence sur la terre. Et cela fut ainsi. Et la terre fit pousser de l’herbe qui verdit et porte semence d’après son espèce et des arbres qui portent des fruits qui tous ont leur semence selon leur espèce. Et Dieu vit que c’était bon. Et il y eut un soir et un matin, ce fut le troisième jour. ”

Loin de nos la pensée de subtiliser sur le sens de ces jours. Nous acceptons avec reconnaissance la révélation de Dieu dont l’essentiel est le dogme du Créateur Tout-Puissant. Remarquons encore que le récit de la création présente une belle harmonie. Les six jours sont partagés en deux groupes : les trois premiers jours nous montrent l’œuvre de séparation ; les trois autres, l’œuvre d’organisation. Dans les deux groupes, le récit va de haut en bas : la lumière, l’air, l’eau, la terre. Dans le premier groupe : séparation de la lumière d’avec les ténèbres, de l’air d’avec l’eau, de la terre d’avec l’eau.

A la prière des Heures, les hymnes des Vêpres de toute la semaine chantent l’œuvre des six jours. Ces hymnes mériteraient d’être méditées. Dans ces hymnes, l’Église nous présente des pensées pratiques. Résolution : Passons cette semaine dans l’esprit de l’œuvre des six jours et prenons des résolutions de vie en conséquence. Aujourd’hui, nous pensons à la lumière divine et aux ténèbres spirituelles (le péché).

La nuit descend, le chaos noir,

Entends nos pleurs et nos prières :

Lourd de ses fautes journalières,

Du ciel le cœur perdrait l’espoir... “

4. La prière des Heures. — Aux Matines, les leçons de la Genèse et de l’Évangile des ouvriers de la vigne sont comme les deux foyers où se concentrent tous les rayons de l’ellipse. Les Répons sont tous tirés de la Genèse. L’Église veut nous montrer par là que nous devons nous attacher fortement aujourd’hui aux pensées de la Création et de la chute originelle. Dans une formule concise et profonde, la liturgie extrait, à l’Antienne de Magnificat, l’essentiel du récit de la chute que raconte la Genèse. “ Le Seigneur dit à Adam : de l’arbre qui est au milieu du jardin, tu ne dois pas manger ; dès que tu en mangeras, tu mourras. ” Nous sommes là aux origines

de l’histoire du salut ; c’est là le point de départ des malheurs et des souffrances sur la terre, mais aussi du salut et du bonheur de la Rédemption. Mais nos pensées s’en vont aussi vers un autre arbre planté au milieu du royaume de Dieu, sur lequel est mort le second Adam, un arbre dont le fruit nous donne la vie.

Cette antienne rattache immédiatement la lecture de la Bible à l’Heure du jour. Au cours de la journée, l’Église nous entretient beaucoup de l’Évangile, elle va même jusqu’à nous faire revivre la parabole ; elle en répartit les événements principaux et les paroles entre les différentes Heures du jour. A Laudes, “primo mane ”, nous sommes invités par Dieu à travailler dans sa vigne. A Prime, Dieu conclut avec nous le contrat et nous envoie au travail. A Tierce, “ tertia hora ”, il invite les retardataires. A None, vers le soir, il nous convoque pour recevoir le salaire. A Vêpres, nous sommes à la onzième heure.

LUNDI APRÈS LA SEPTUAGÉSIME

Le deuxième jour de la Création.

Les flots de grâce de l’amour divin.

1. Évangile du dimanche. — Pendant les jours de semaine de l’avant-Carême, on célèbre les fêtes des saints qui tombent ces jours-là A la messe, il n’y a qu’une différence avec ce qui se faisait précédemment. L’Alleluia est supprimé et, à sa place, on chante le Trait. Quand il n’y a pas de fête de saint, on célèbre la messe du dimanche précédent, mais, on omet le Trait. Le Trait donne à une messe une certaine solennité qui n’est pas de mise à une simple férie de semaine. Mais, à part cela, l’intention de l’Église, maintenant plus qu’auparavant, veut prolonger la méditation des pensées du dimanche pendant la semaine et les faire passer dans notre vie. Aussi chante-t-elle maintenant, tous les jours, au coucher du soleil, une Antienne de Magnificat tirée de l’Évangile du dimanche. Elle chante aujourd’hui : “ Ceux-ci n’ont travaillé qu’une heure et tu leur as donné autant qu’à nous qui avons porté le poids du jour et de la chaleur. ” Ainsi, pendant toute la semaine, retentit dans notre âme l’Évangile de l’invitation de Dieu. Répondrons-nous à son appel ?

2. Lecture de l’Écriture (Gen. l, 1-11, 3). — La lecture de l’Écriture sainte elle-même est liée plus intimement que dans les semaines précédentes avec la vie de notre âme. Ceci nous apparaît dans les Répons, à la prière des Heures, qui maintenant ont toujours pour objet la Genèse. Ce que l’on chante et, spécialement, ce qui se répète comme un écho doit occuper notre cœur et notre esprit. Nous nous appliquerons donc avec plus de zèle à la lecture et à la méditation de l’Écriture sainte et nous essaierons d’en tirer du profit pour nos âmes.

Nous lisons aujourd’hui la seconde partie de l’œuvre des six jours : “ Mais Dieu dit : qu’il y ait des lumières dans l’étendue du ciel, pour séparer le jour et la nuit : qu’elles soient des signes, qu’elles marquent les temps et les jours et les années, afin de briller dans l’étendue du ciel pour éclairer la terre. Et cela fut ainsi. Et Dieu fit les deux grands luminaires : le plus grand luminaire pour présider au jour, le plus petit pour présider à la nuit, et les étoiles. Et il les plaça sur l’étendue du ciel pour éclairer la terre, pour présider au jour et à la nuit et pour séparer la lumière des ténèbres. Et Dieu vit que c’était bon. Et il y eut un soir et un matin, ce fut le quatrième jour. Dieu dit aussi : Que les eaux foisonnent d’animaux rampants et animés et que les oiseaux volent sur la terre sous l’étendue des cieux. Et Dieu créa les grands animaux aquatiques et tout être qui vit et se meut, foisonnant dans les eaux selon son espèce, et tous les volatiles selon leur espèce. Et Dieu vit que c’était bon. Et il les bénit et il dit : Croissez et multipliez et remplissez les eaux de la mer et que les oiseaux se multiplient sur la terre. Et il y eut un soir et un matin et ce. fut le cinquième jour. Et Dieu dit : que la terre fasse sortir des êtres vivants, selon leur espèce, les animaux domestiques, les reptiles et les bêtes sauvages de la terre, selon leur espèce. Et cela fut ainsi. Et Dieu fit les bêtes sauvages de la terre d’après leur espèce et les animaux domestiques et tout ce qui rampe sur la terre, d’après son espèce. Et Dieu vit que c’était bon et il dit : Faisons l’homme à notre image et ressemblance et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur les animaux domestiques et sur toute la terre et sur les reptiles qui rampent sur la terre. Et Dieu créa l’homme à son image et ressemblance ; à son image Dieu le créa, il les a créés comme homme et femme. Et Dieu les bénit et leur dit : Croissez et multipliez, remplissez la terre et soumettez-la et dominez sur les poissons de la mer et sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui se meut sur la terre. Et Dieu dit : Voici que je vous donne toute herbe portant semence à la surface de la terre et tous les arbres qui ont en eux-mêmes leur semence selon leur espèce pour vous servir de nourriture, et à toutes les bêtes de la terre et à tous les oiseaux du ciel et à tout ce qui se meut sur la terre ayant en lui un souffle de vie, je donne toute herbe verte pour nourriture. Et il en fut ainsi. Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait et c’était très bon. Et il y eut un soir et un matin, ce fut le sixième jour.

Ainsi furent achevés le ciel et la terre et toute leur armée. Et Dieu eut achevé, le septième jour, son œuvre qu’il avait faite et il se reposa le septième jour de toute l’œuvre qu’il avait faite. Et Dieu bénit le septième jour et le sanctifia parce qu’en ce jour-là il s’était reposé de toute l’œuvre qu’il avait créée pour la faire. “

Comme dans le premier groupe, le récit va de haut en bas : la lumière, l’eau, l’air et la terre. Mais maintenant c’est l’œuvre d’organisation qui est décrite : la région lumineuse est animée par les corps célestes (4e jour), l’eau l’est par les poissons, l’air par les oiseaux (Se jour), la terre par les animaux et finalement par l’homme, le roi de la Création. Nous avons donc un plan artistique :

Introduction : Création en partant du néant : le chaos.

Exécution : Deux parties principales de trois jours chacune.

I. Œuvre de séparation : II. Œuvre d’organisation : a) Lumière et ténèbres, a) Lumière,

b) Eau supérieure et inférieure, b) Eau et air, c) Terre et eau. c) La terre.

Conclusion : Le divin sabbat.

La profonde signification liturgique de ce récit réside dans ceci : Le récit de la Création est présenté dans le cadre d’une semaine de sept jours dont le dernier apparaît comme un jour de repos sanctifié par Dieu. Ainsi l’œuvre divine de la Création est offerte à l’homme comme un modèle de sa propre vie, dont l’activité doit s’exercer pendant six jours consacrés au travail professionnel et réserver le septième au repos et à la sanctification. Mais c’est surtout la sanctification du sabbat que veut nous enseigner la Sainte Écriture. Dieu lui-même nous donne l’exemple. Il sanctifie et bénit son propre jour de repos ; il le consacre, c’est-à-dire le soustrait au service des hommes. Une remarque encore. L’Écriture ne nous dit rien de la fin du sabbat de la Création. Il continue ; il est un symbole de l’éternité, comme les six jours sont un symbole du temps. Pour nous aussi, le jour du Seigneur est une image de ta félicité éternelle dans laquelle nous entrerons après les jours de travail de la vie. Ceci doit être le fruit principal de notre lecture.

Résolution du second jour de la Création : l’ordonnance des eaux doit nous rappeler les flots de grâce qui, de l’océan de l’amour de Dieu, coulent dans notre cœur :

Verse en nos cœurs, Dieu de bonté,

Les dons éternels de ta grâce ;

Qu’aucun péché nouveau ne fasse

Revivre notre iniquité” (Hymn. Vêp.).

MARDI APRÈS LA SEPTUAGÉSIME

Le troisième jour de la création : les plantes de l’âme sont les vertus.

1. Évangile du dimanche. — L’Antienne du coucher du soleil chante : “ Le père de famille dit : mon ami, je ne te fais pas tort, ne sommes-nous pas convenus ensemble d’un denier ? Prends ce qui est à toi et va-t’en. “ Comme il est beau de voir l’Église faire entendre, pendant toute la semaine, les échos de l’Évangile du dimanche ! Ne discutons pas, nous non plus, avec Dieu quand apparemment notre lot est plus mauvais que celui des autres. Même alors doit se manifester notre confiance en Dieu et notre amour pour lui ; nous devons accepter avec reconnaissance et joie toute notre vie des mains de notre Père céleste.

2. Lecture d’Écriture (Gen. Il,4-15). — Après l’introduction (le récit de la Création) vient la première partie (Gen. Il, 4-IV, 26) qui parle de nos premiers parents et de leurs enfants. Cette partie se divise en trois sections d’une belle ordonnance architecturale ; c’est comme une trilogie : 1. La création des hommes. 2. La chute originelle (chap. II). 3. Le fratricide. La section intermédiaire est la principale, la première est l’introduction et la condition préalable, la troisième indique les effets du péché originel chez les premiers descendants d’Adam et d’Ève.

Ainsi donc Dieu forma l’homme du limon de la terre et souffla sur son visage un souffle de vie et ainsi l’homme devint un être animé. Or le Seigneur avait, dès l’origine, un jardin de délices et il y plaça l’homme qu’il avait créé. Et le Seigneur fit pousser du sol toutes sortes d’arbres beaux à voir et agréables à manger et l’arbre de la vie au milieu du jardin et l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Et un fleuve sortait du lieu de plaisir pour arroser le jardin et de là, il se partageait en quatre bras... Ainsi Dieu le Seigneur prit l’homme et le plaça dans le jardin de délices pour qu’il le cultivât et le gardât. Et il lui ordonna et lui dit : tu peux manger de tous les arbres du jardin, mais de l’arbre de la science du bien et du mal tu ne dois pas manger ; car au jour où tu en mangeras tu mourras de mort. Dieu le Seigneur dit aussi : Il n’est pas bon pour l’homme qu’il reste seul ; faisons-lui donc une aide qui lui soit semblable. Et le Seigneur Dieu, ayant formé de la terre tous les animaux de la terre et tous les oiseaux du ciel, les amena à Adam pour voir comment il les appellerait, car le nom que donna Adam à chaque être vivant, c’est son nom. Et Adam donna les noms qui leur convenaient, à tous les animaux domestiques et à tous les oiseaux du ciel et à toutes les bêtes de la terre ; mais, pour Adam, il ne se trouvait pas d’aide semblable à lui. C’est pourquoi Dieu envoya un profond sommeil sur Adam, et, quand il fut endormi, il prit une de ses côtes et reforma la chair à sa place. Et Dieu forma, de la côte qu’il avait prise à Adam, une femme et l’amena à Adam. Et Adam dit : Celle-ci, cette fois, est os de mes os et chair de ma chair. On l’appellera Virago parce qu’elle a été prise de l’homme. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme et ils seront deux dans une seule chair. Or ils étaient tous les deux nus, Adam et sa femme, et ils n’en avaient point honte. “

Très importants du point de vue liturgique sont les deux arbres du paradis terrestre. L’arbre de vie, dont les fruits avaient le pouvoir mystérieux de conserver la vie terrestre, est une image de l’Eucharistie. L’arbre de la science du bien et du mal fait le pendant de l’arbre expiatoire de la Croix : “ Dieu a fondé le salut du genre humain sur le bois, afin que du principe de la mort sortît aussi la vie et que celui qui avait été vainqueur par le bois (le démon), fût aussi vaincu par le bois par le Christ (Préface de la Croix). “

La création mystérieuse de la femme a aussi sa signification liturgique. Saint Augustin dit à ce sujet : “ Ceci a été dit en figure ou bien a été fait en figure, mais, assurément, ce n’est pas sans une intention profonde de Dieu que cela a été dit ou fait :c’est un mystère.” Le fait est pour la liturgie un symbole du Christ et de l’Église. Adam est l’image du Christ ; Ève, de l’Église. Le divin Adam est endormi du sommeil de la mort ; de son côté sort Ève, l’Église (le sang et l’eau, symboles des deux sacrements principaux).

Résolution du troisième jour de la Création. La création des plantes doit nous exciter à la reconnaissance envers Dieu. Les plantes sont chères et précieuses à la liturgie. Comment pouvons-nous faire rentrer Je monde des plantes dans la vie liturgique ? (décoration de l’autel, Quatre-Temps, froment, vin, huile, la rose d’or). Les plantes nous rappellent la parure qui doit orner notre âme : les vertus.

Qu’à notre esprit sec et meurtri

Ta grâce soit la fraîcheur pure,

Que nos pleurs lavent la souillure

Du vice honteux qui nous flétrit” (Hymne Vêpr.).

MERCREDI APRÈS LA SEPTUAGÉSIME

Le quatrième jour de la Création : le soleil est le symbole du Christ.

1. Évangile du dimanche. — Au coucher du soleil, nous chantons encore une Antienne tirée de l’Évangile du dimanche : “ Prends ce qui est à toi et va-t’en, car je suis bon, dit le Seigneur. ” Etre content de son sort dans la vie, c’est la marque d’un vrai chrétien. Dieu est “ bon ”. Cette vérité devrait toujours retentir dans notre cœur et le remplir de reconnaissance. Dans ce sentiment de reconnaissance, chantons le Magnificat.

Le symbolisme animalier de l’ancienne Église : L’art chrétien antique, tel que nous le retrouvons dans les catacombes et les anciennes basiliques, aimait beaucoup le symbolisme. Ce sont surtout les animaux et les plantes qui fournissent des images et des symboles aux réalités surnaturelles. Ces images n’ont, pour ainsi dire, que deux tendances : elles symbolisent l’au-delà ou la vie cultuelle de l’Église ; souvent même elles réunissent les deux objets. Il est très important de le savoir, car ceci nous montre que les premiers chrétiens vivaient entièrement de la liturgie et que, d’autre part, leur espérance de la vie future était fortement ancrée. C’est aussi le but du mouvement liturgique de donner cet esprit du christianisme antique à la chrétienté d’aujourd’hui, afin de la tirer de la piété subjective et terrestre. De ce point de vue, on a donc raison d’entretenir les antiques symboles chrétiens. En cette semaine justement, qui est consacrée au récit de la création, il faudrait considérer avec plus d’intérêt les symboles. Nous rencontrons le paon qui est à la fois le symbole de l’immortalité et de la vie divine que nous puisons dans l’Eucharistie (le paon picorant des raisins) ; la colombe qui est l’image de l’âme, laquelle puise également la vie divine ; l’agneau qui est l’image de l’Agneau divin, mais aussi du chrétien qui suit le Bon Pasteur ; le poisson qui est le symbole très usité du Christ, mais aussi du chrétien (symbole du Baptême et de l’Eucharistie) ; le phénix qui se brûle et renaît rajeuni de ses cendres, symbole de la résurrection ; l’aigle, symbole des chrétiens ; le cerf qui soupire après les sources d’eau, symbole du rafraîchissement, ici-bas par le Baptême et l’Eucharistie, là-haut par la gloire et la résurrection. Signalons ici particulièrement le symbole d’Orphée qui est même emprunté à la mythologie païenne. Orphée, aux sons de sa lyre, charmait les bêtes sauvages. Dans l’antique symbolisme chrétien, il représente le Christ qui, par sa doctrine, attire et transforme les hommes que leurs passions rendent semblables à des bêtes fauves.

2. Lecture de l’Écriture (Gen. III, 1-10). — Nous lisons le second acte et le plus important de la trilogie de nos premiers parents : la chute originelle. C’est un des passages les plus importants de la Sainte Écriture et, en même temps, la lecture principale de toute la semaine. Dans le vestibule du sanctuaire du temps de Carême est suspendu le tableau de la faute originelle.

Le serpent était le plus rusé de tous les animaux de la terre que Dieu avait faits. Il dit à la femme : Pourquoi le Seigneur vous a-t-il ordonné de ne pas manger de tout arbre du jardin ? La femme lui répondit : Nous mangeons des fruits des arbres qui sont dans le jardin, mais des fruits de l’arbre qui est au milieu du jardin Dieu a dit : Vous n’en mangerez point et vous n’y toucherez point, de peur que vous ne mouriez. Mais le serpent dit à la femme : Non, vous ne mourrez point ; mais Dieu sait que, du jour où vous aurez mangé des fruits de cet arbre, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. Alors la femme vit que (le fruit de) l’arbre était bon à manger, beau à voir et d’aspect agréable et elle prit du fruit de l’arbre et elle en donna à son mari qui en mangea. Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils remarquèrent qu’ils étaient nus et ils tressèrent des feuilles de figuier et s’en firent des ceintures. Et ayant entendu la voix de Dieu, le Seigneur, qui marchait dans le jardin au souffle frais de l’après midi, Adam se cacha, ainsi que sa femme, devant la face du Seigneur parmi les arbres du jardin. “

Résolution du quatrième jour de la Création : Le soleil, la lune et les étoiles sont des bienfaits de Dieu dont je profite, moi aussi. Le soleil est l’image du Christ ; la lune, l’image de la Mère de Dieu ; les étoiles nous rappellent l’étoile des Mages. Combien de fois, le soleil surtout est-il nommé dans la liturgie !

JEUDI APRÈS LA SEPTUAGÉSIME

Le cinquième jour de la Création : Oiseaux et poissons, symboles dans la liturgie.

1. Évangile du dimanche. — Quand le soleil se couche, l’Église chante : “ N’ai-je pas le droit de faire ce que je veux ? Est-ce que ton œil est envieux car je suis bon, dit le Seigneur ?” La jalousie est un vice. C’est elle qui a enlevé le paradis terrestre à nos premiers parents. C’est elle qui a causé le premier meurtre. Que cette vilaine passion ne vienne jamais souiller notre cœur !

2. Lecture d’Écriture (Gen. III, 11-24). – “ Dieu le Seigneur appela Adam et dit : Où es-tu ? Celui-ci dit : J’ai entendu ta voix dans le jardin et j’ai eu peur, car je suis nu, et je me suis caché. Dieu lui dit : Qui t’a dit que tu étais nu, si ce n’est que tu as mangé (du fruit) de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? Et Adam dit : La femme que tu m’as donnée comme compagne m’a donné (du fruit) de l’arbre et j’en ai mangé. Et Dieu le Seigneur dit à la femme : Pourquoi as-tu fait cela ? Elle répondit : Le serpent m’a trompée. Et Dieu le Seigneur dit au serpent : Parce que tu as fait cela, tu seras maudit parmi tous les animaux et les bêtes de la terre, tu marcheras sur ta poitrine et tu mangeras de la terre tous les jours de ta vie. Je mettrai de l’inimitié entre toi et la femme et entre ta postérité et sa postérité ; elle écrasera ta tête et tu essaieras de la mordre au talon. Il dit aussi à la femme. Je multiplierai tes tribulations et tes enfantements ; tu enfanteras dans la douleur et tu seras sous la puissance de l’homme et il te dominera. Or il dit à Adam : Parce que tu as écouté la voix de ta femme et mangé (du fruit) de l’arbre dont je t’avais défendu de manger, que la terre soit maudite dans tes œuvres. C’est avec beaucoup de peine que tu te nourriras (de ses fruits) tous les jours de ta vie. Elle produira pour toi des épines et des chardons tous les jours de ta vie et tu mangeras les plantes de la terre. C’est à la sueur de ton front que tu mangeras ton pain jusqu’à ce que tu retournes dans la terre dont tu as été tiré, car tu es poussière et tu retourneras en poussière. Et Adam appela sa femme du nom d’Ève, parce qu’elle était la mère de tous les vivants. Dieu fit aussi pour Adam et son épouse des tuniques de peaux et les en revêtit et il dit : Voilà qu’Adam est devenu comme l’un de nous, connaissant le bien et mal ; mais maintenant qu’il n’aille pas étendre la main et prendre (du fruit) de l’arbre de vie et en manger et vivre éternellement. Et Dieu le Seigneur le chassa du paradis de délices, pour qu’il cultivât la terre dont il a été tiré. Et il chassa Adam et il plaça devant le paradis de délices les chérubins brandissant une épée de flamme pour garder le chemin qui mène à l’arbre de vie. ” La première promesse du Rédempteur est appelée aussi le protévangile, c’est-à-dire le premier message joyeux. Par là commence déjà l’œuvre de la Rédemption. Il serait très attachant de suivre dans l’Écriture l’annonce toujours plus précise du Rédempteur. Elle n’apparaît encore ici que dans ses grandes lignes : le vainqueur futur de Satan sera un descendant de ta femme.

Résolution du cinquième jour de la Création. — Les poissons et les oiseaux ont été créés aujourd’hui. Comme saint François d’Assise prenait plaisir à regarder ces frères et ces sœurs ! Remercions Dieu qui a fait ces créatures pour notre usage à nous aussi. Les poissons et les oiseaux sont des symboles liturgiques. Le poisson est l’image du Christ et des chrétiens. Les oiseaux ont diverses significations. Ainsi la colombe est le symbole du Saint-Esprit, mais aussi de l’âme ; le coq est le symbole de la vigilance ; le paon, le symbole de l’immortalité.

VENDREDI APRÈS LA SEPTUAGÉSIME

Le sixième jour de la Création : L’homme créé d l’image de Dieu.

Lecture d’Écriture (Gen. IV, 1-16). — La troisième partie de la trilogie est le fratricide de Caïn : “ Adam connut sa femme Ève, et elle conçut et elle enfanta Caïn et elle dit : J’ai possédé un homme par Dieu. Et de nouveau elle enfanta Abel, frère de Caïn. Abel fut un pasteur de troupeaux et Caïn un cultivateur. Or il arriva, après plusieurs jours, que Caïn offrit en présent au Seigneur des fruits de la terre. Abel aussi offrit des premiers-nés de ses troupeaux et de leur graisse. Et le Seigneur regarda vers Abel et ses présents, mais il ne regarda pas vers Caïn et ses présents. Et Caïn s’irrita violemment et son visage fut abattu. Et le Seigneur lui dit : Pourquoi t’irrites-tu et pourquoi ton visage est-il abattu ? N’est-ce pas ainsi ? Si tu fais le bien tu recevras ta récompense ; si tu fais le mal, le péché sera immédiatement devant la porte. Mais ton désir doit être sous toi et tu dois le dominer. Et Caïn dit à Abel son frère : Sortons. Et quand ils furent dans la campagne, Caïn se leva contre son frère Abel et le tua. Et le Seigneur dit à Caïn : Où est ton frère ? Mais lui répondit : Je ne sais pas, suis-je le gardien de mon frère ? Et il lui dit : Qu’as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie vers moi de la terre. Aussi tu seras maudit sur la terre qui a ouvert sa bouche et reçu le sang de ton frère (versé) de ta main. Quand tu la laboureras, elle ne te donnera pas ses fruits : tu seras errant et fugitif sur la terre. Et Caïn dit : Mon crime est trop. grand pour que j’en mérite le pardon. Voici que tu me chasses de la surface de la terre et je me cacherai devant ta face et je serai errant et fugitif sur la terre et quiconque me rencontrera me tuera. Et le Seigneur dit : Il n’en sera pas du tout ainsi, mais quiconque tuera Caïn sera puni sept fois. Et le Seigneur mit sur Caïn un signe, afin que personne de ceux qui le rencontreraient ne le tue. “

Deux pensées importantes pour comprendre la Sainte Écriture. La Sainte Écriture n’est pas une histoire du monde, mais une histoire sainte : elle ne veut pas nous raconter des faits dignes d’être connus, mais le développement de l’œuvre de la Rédemption. Tout l’Ancien Testament est la préparation à la venue du Rédempteur. Le récit que nous venons de lire est placé, lui aussi, à ce point de vue : Quel sera l’ancêtre du Messie futur ? On penserait que ce devrait être le premier-né d’Adam. Il n’en sera rien. Après la mort d’Abel, ce sera Seth. Telle est la raison profonde de ce récit. Encore une pensée importante : Dès le temps de nos premiers parents, s’accomplit la séparation des hommes entre enfants de Dieu et enfants du monde, qui doit durer jusqu’à la fin des temps. Caïn et Abel sont les ancêtres et les fondateurs des deux royaumes : le royaume de Dieu — le royaume du monde.

Résolution du sixième jour de la Création. — Aujourd’hui ont été créés les animaux, pour mon usage. Quels sont mes devoirs envers les animaux ? N’ai-je pas beaucoup à apprendre des animaux ? Le Sauveur ne nous donne-t-il pas lui même les animaux comme exemple : Soyez simples comme la colombe et prudents comme le serpent ? Que rie nous enseigne pas la fidélité du chien ! Les animaux sont aussi d’importants symboles dans l’ancienne Église, par exemple : l’agneau, le cerf.

SAMEDI APRÈS LA SEPTUAGESIME

Le septième jour de la Création : le jour de repos du Seigneur.

1. Lecture d’Écriture (Genèse V, 1-32). — La Sainte Écriture s’occupe de l’histoire de la famille des Séthistes, des enfants de Dieu. Ce chapitre nous donne la généalogie de Seth jusqu’à Noé, qui comprend dix générations. Ces dix chefs de famille sont les dépositaires de la Révélation, les ancêtres du Rédempteur. L’arbre généalogique commence à Adam : “ Adam vécut 130 ans et il engendra un fils à son image et à sa ressemblance et il l’appela Seth. Adam après avoir engendré Seth vécut encore 800 ans et le temps total de la vie d’Adam fut de 930 ans et il mourut. “ L’Écriture ne donne pas d’autres détails sur la vie d’Adam. Il est saisissant d’entendre ce mot : “ il mourut “. C’est l’accomplissement de la parole de Dieu : “ Tu es poussière et tu retourneras en poussière. “ Dans la série des ancêtres, trois se signalent particulièrement : Seth, Enos et Hénoch ; ce sont les représentants du culte divin et les dépositaires de la Révélation. Au sujet d’Hénoch, l’Écriture dit : “ Quand Hénoch eut 65 ans, il engendra Mathusalem. Et Hénoch, après la naissance de Mathusalem, marcha encore 300 ans devant Dieu. Et le total des jours d’Hénoch fut de 365 ans. Et il marcha avec Dieu et il ne parut plus, car Dieu l’enleva. “ Alors que l’Écriture dit de tous les autres : il mourut, elle dit d’Hénoch : Dieu l’enleva. En récompense de sa conduite fidèle devant Dieu, il fut exempt de la mort, comme plus tard Élie ; il fut enlevé et transporté dans un état paradisiaque. Il fut le prédicateur de la justice, pour annoncer à ses contemporains impies la pénitence et le jugement. Il s’opposa à la corruption des mœurs et essaya d’empêcher les mariages des Caïnites avec les Séthistes. (La Sainte Écriture parle, à mainte reprise, d’Hénoch, par exemple Hébr. XI, 5 ; Jud. 14-15). “ Lorsque Lamech eut 182 ans, il engendra un fils et le nomma Noé, en disant : Celui-ci nous consolera des œuvres et des fatigues de nos mains sur la terre que le Seigneur a maudite. “ Cette parole est messianique.

Résolution du septième jour de la Création. — Le septième jour, Dieu s’est reposé. Aujourd’hui je veux réfléchir et me demander comment je dois passer le dimanche selon l’intention de Dieu et de l’Église. Quelle n’est pas l’importance de ce jour pour la vie liturgique !

2. Veille du dimanche. — Les premières Vêpres amènent devant nous les deux prédicateurs. Saint Paul commence par l’histoire de sa vie, dans le capitule ; dans l’antienne de Magnificat, nous voyons Noé debout devant l’arche. Ce chant résume brièvement la lecture de l’Ancien Testament : “ Le Seigneur dit à Noé : La fin de toute chair est venue devant moi. Fais-toi une arche en bois de cyprès, afin qu’en elle soient sauvées toutes les semences. “ C’est la figure de l’Église et de la Croix du Christ.

LA SEMAINE DE LA SEXAGÉSIME

La semaine dernière, l’Église, par l’image du combat du stade et la parabole des ouvriers de la vigne, nous a invités au combat et au travail, dans le royaume de Dieu. Cette semaine, elle fait un pas de plus : elle nous montre le travail de Dieu et, en même temps, notre participation à ce travail dans la parabole du semeur. Le semeur jette sa semence et la laisse tomber sur le sol ; mais il dépend du sol que cette semence prospère. L’Église nous fait aussi entendre deux grands hommes : Noé et saint Paul.

DIMANCHE

Index

DE LA SEXAGISIME

STATION A SAINT PAUL

Noé, Saint Paul, Le Christ.

Il y a une belle harmonie et une progression merveilleuse dans les pensées de ce jour. C’est comme si nous entrions dans une magnifique basilique à trois parties. Nous voyons ,d’abord, dans le sombre vestibule, le semeur de la chair, Noé. Il incarne la nature qui est la condition préalable et, en même temps, l’image de la surnature. Dans le miroir du déluge et de l’arche, nous voyons déjà l’indication de la Rédemption. Maintenant nous entrons dans le sanctuaire de la basilique ; là se tient debout devant nous le semeur de la Parole, saint Paul. Il incarne la foi qui sans doute appartient déjà à la surnature, mais cependant n’est pas encore le bien suprême dans le royaume de Dieu. Nous montons enfin vers le Saint des Saints, nous y rencontrons le semeur de la Vie, le Christ. Il apporte la grâce.

1. Le semeur de la chair. — Noé est l’homme de la justice au sein de l’impiété. Une puissante figure-t Nous le voyons, obéissant à l’ordre de Dieu, travailler pendant plusieurs années à la construction de l’arche, pendant que ces contemporains, adonnés à tous les vices, se moquent de ses avertissements. Saint Ambroise, aux Matines, caractérise ainsi notre Patriarche : “ Pour indiquer la corruption des hommes qui vivaient alors et, en même temps, pour montrer l’amour divin, il est dit : Noé trouva grâce devant le Seigneur. Il est montré, en même temps, comment la méchanceté des autres n’obscurcit pas la justice des hommes pieux : Noé le juste est conservé pour la propagation de tout le genre humain. Ce n’est pas à cause de la noblesse de sa naissance, mais à cause des mérites de sa justice et de sa perfection qu’il est loué. La vraie noblesse de l’homme éprouvé est la noblesse de la vertu. Car, de même que la race humaine produit des hommes, l’âme produit des vertus. Les familles des hommes sont anoblies par leur ascendance, mais la beauté de l’âme est illustrée par l’éclat des vertus. “

Lecture d’Écriture (Genèse VI, 1-22). — Le saint récit nous raconte la triste conclusion de l’histoire de la famille d’Adam. Par suite des mariages entre Caïnites et Séthites, la corruption pénétra parmi les enfants de Dieu. Et ainsi Dieu se décida au premier châtiment universel : le déluge. Il Quand les hommes eurent commencé à se multiplier sur la terre, les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles et ils en prirent pour femmes parmi toutes celles qu’ils avaient choisies. Alors Dieu voyant que la méchanceté des hommes était grande sur la terre et que toutes les pensées de leur cœur étaient tournées vers le mal toujours, il se repentit d’avoir créé l’homme sur la terre et, dans la douleur intérieure de son cœur, il dit : Je détruirai l’homme que j’ai créé de sur la surface de la terre, l’homme et les animaux, ainsi que les reptiles et les oiseaux, car je me repens de les avoir créés. Mais Noé trouva grâce devant le Seigneur. Noé était un homme juste et parfait parmi ses contemporains ; il marchait avec Dieu. Et il engendra trois fils : Sem, Cham et Japhet. Mais la terre était corrompue devant Dieu et remplie d’iniquité. Et Dieu, voyant que la terre était corrompue (car toute chair avait corrompu sa voie sur la terre), dit à Noé : La fin de toute chair est venue devant moi, la terre est remplie d’iniquité par eux et je les détruirai avec la terre. Fais-toi une arche de bois charpenté, et tu feras des chambres dans cette arche et tu l’enduiras intérieurement et extérieurement de poix... Voici que je vais amener un déluge d’eau sur la terre et tuer toute chair dans laquelle il y a un souffle de vie sous le ciel ; tout ce qu’il y a sur la terre sera anéanti. Mais avec toi j’établirai une alliance et tu entreras dans l’arche, toi et tes fils, ta femme et les femmes de tes fils avec toi. Et de toutes les bêtes de toute chair tu feras entrer un couple dans l’arche, afin qu’elles vivent avec toi, un mâle et une femelle... Noé fit tout ce que lui avait commandé le Seigneur. Telles sont les considérations qui nous occupent pendant les Heures nocturnes. Au lever du soleil, nous voyons devant nous.

2. Le semeur de la Parole. — Nous nous rendons aujourd’hui au tombeau du grand saint Paul. Nous y célébrons, avec l’Église entière, la messe de station. Peu d’offices dans l’année ont une relation aussi intime avec le saint de la station. Nous ne sommes pas seulement devant le tombeau de saint Paul ; l’Apôtre, dans l’esprit de la liturgie, est au milieu de nous. Il est aujourd’hui notre intercesseur (Or.) ; il est aussi notre prédicateur (Ep.). Il est le coryphée pour le Saint-Sacrifice. Saint Paul est aujourd’hui, et pendant toute l’année, le semeur de la parole. Comme un fidèle semeur, il répand, presque chaque dimanche, la semence de la parole divine dans l’âme des chrétiens. Que nous raconte-t-il aujourd’hui ? Il déploie sa vie au service du Christ, dans son extension, son élévation et sa profondeur. Dans son extension : tous ses travaux, ses souffrances, ses sacrifices sont pour le Christ ; nous devrions rougir de faire si peu pour le Christ. Dans son élévation : il nous laisse jeter un regard sur sa vie d’union avec Dieu ; sans doute nous ne pouvons pas nous élever à une telle intimité, nous pourrions pourtant y tendre plus que nous n’avons fait jusqu’ici. Dans sa profondeur : Il était homme, lui aussi, et soumis aux tentations ; mais la grâce en lui a triomphé de toute faiblesse. Nous devons, nous aussi, utiliser le Carême pour réformer notre vie dans son extension, son élévation et sa profondeur.

3. Le semeur de la Vie. — Le Christ est le semeur proprement dit, il sème la grâce. Comment cela ? Il est à la fois semeur et semence dans l’Eucharistie. Aussi l’Église nous rappelle le grand moyen de renouvellement spirituel qu’est le Carême. Le divin semeur parcourt actuellement son champ : c’est maintenant le printemps de l’âme. Il sème sa semence, qui est lui-même, dans les cœurs des hommes. Notre tâche est de devenir une bonne terre. Ne soyons pas un chemin sur lequel passe le monde entier ; ne soyons pas un sol pierreux (manque de dispositions et de persévérance) ; ne soyons pas une terre couverte d’épines (passions et amour du monde). Soyons une bonne terre que Dieu puisse ensemencer. Qu’il puisse ensemencer notre chair par la victoire sur nous-mêmes et la mortification, notre esprit par l’enseignement et la foi, notre âme par la semence de la grâce !

4. La Messe (Exsurge). — L’Introït est un appel poignant (Était-on dans les terreurs de la guerre ?) Aujourd’hui, il exprime les angoisses de notre Mère l’Église. Nous faisons monter vers le sanctuaire ce cri qui sort de la bouche et du cœur de l’humanité non rachetée. Sur le seuil de l’église de l’Apôtre des Gentils, l’ange des peuples païens fait entendre ce cri de détresse. L’oraison présente une exception rare : une collecte du dimanche s’adresse au saint de station. Dans l’Epître, l’Apôtre se tient devant nous. Il fait son propre portrait, un portrait d’une beauté sans égale. Il semble que saint Paul nous prenne par la main et nous dise : C’est ainsi que vous devez combattre ; c’est un combat de Carême, une semence de Carême. Au Graduel, nous pensons de nouveau à la détresse des âmes. La terre des âmes, elle aussi, a de “ graves blessures “ ; puisse le Carême qui approche les guérir ! L’Évangile : Le temps du Carême, le printemps des âmes est proche ; le divin semeur répand la grâce, de même que le “ froment eucharistique “, plus que jamais dans le champ du cœur. Au Saint Sacrifice, l’Évangile réalise sa vérité symbolique, le froment eucharistique est semé dans le sol de notre cœur : Le Christ meurt en nous et, avec nous, il ressuscite ; malgré notre faiblesse, “ la force du Christ demeurera” en nous. Les deux chants eucharistiques sont vraiment des chants de route : “ Dirige mes pas sur tes sentiers, afin que mes pieds ne s’égarent pas (Off.). “ Je monterai à l’autel de Dieu... “ (Comm.).

5. Office du jour. — La liturgie, pendant ce dimanche aussi, veut que l’Évangile nous accompagne tout au long du jour ; à chacune des Heures du jour, elle nous fait vivre la parabole. A ce sujet, il est intéressant de remarquer quelles sont les parties que l’Église fait particulièrement ressortir. Au lever du soleil, nous entendons le commencement et l’introduction de la parabole. Par là, la liturgie veut nous dire : le drame sacré commence : “ Le semeur sortit pour semer sa semence. “ C’est l’image du Christ aujourd’hui. Dans les trois stations suivantes du jour (de prime à sexte), nous chantons à chaque fois un passage de la parabole ; cependant la liturgie se tait complètement sur le sort de la semence qui n’a pas réussi, elle ne parle que de la bonne semence et des fruits abondants. Combien cela est instructif pour l’emploi des péricopes ! La liturgie pense tout d’abord aux croyants et aux bons, non aux pécheurs. “ La semence tomba sur de la bonne terre et produisit du fruit dans la patience” (Prime). “ Ceux qui gardent la parole de Dieu dans un cœur parfait et bon portent du fruit dans la patience ” (Tierce). Remarquons comme on insiste, dans les deux antiennes, sur la patience ; l’Église semble vouloir dire : le meilleur terrain où germera la semence de Dieu est la patience dans la vie chrétienne. “ La semence tomba sur une bonne terre et porta du fruit, l’une cent pour un, l’autre soixante pour un ” (Sexte). C’est intentionnellement que le chant s’arrête à soixante pour un : c’est que nous sommes à l’Heure de Sexte. “ Si vous voulez, frères, être vraiment riches, aimez la véritable richesse “ (None). Cette antienne n’est pas comme les autres tirée de l’Évangile, mais de l’homélie de saint Grégoire. Ainsi les quatre stations du jour, avec leurs antiennes, étaient l’image de la vie chrétienne florissante. Le soir, l’Église murmure à ses enfants le mystère du royaume de Dieu : Vous le connaissez.

LUNDI APRÈS LA SEXAGÉSIME

Le déluge, image du jugement.

1 Pensées du dimanche. — Cette semaine aussi, l’Église veut que les pensées de l’Évangile du dimanche nous accompagnent à travers les jours suivants. C’est pourquoi, au soir de chacun des trois premiers jours de la semaine, la liturgie chante une antienne qui a trait à la parabole du semeur, et ce qui est un fait très rare, ces chants sont empruntés non pas au texte biblique, mais à l’homélie de saint Grégoire (ce qui est un honneur particulier pour le saint docteur). Aujourd’hui nous chantons : “ Si vous cherchez le sommet du véritable honneur, hâtez-vous aussi vite que possible vers cette patrie céleste... “ Le soleil couchant nous appelle vers la patrie céleste. Cette antienne est tirée de l’homélie de saint Grégoire que nous avons lue hier au bréviaire.

2. Lecture d’Écriture (Genèse VII, 1-23). — Nous entendons maintenant raconter le terrible châtiment du déluge : “ Le Seigneur dit à Noé : Entre dans l’arche, toi et toute ta maison, car je t’ai vu juste devant moi au milieu de cette génération... Car encore sept jours et je ferai pleuvoir pendant quarante jours et quarante nuits et je détruirai de la surface de la terre tous les êtres que j’ai créés. Alors Noé fit tout ce que le Seigneur lui avait ordonné. Il avait six cents ans, quand les eaux du déluge inondèrent la terre. Et Noé entra dans l’arche... De même, de tous les animaux purs et impurs et des oiseaux et de tout ce qui se meut sur la terre, il entra un couple auprès de Noé dans l’arche, un mâle et une femelle, comme le Seigneur l’avait ordonné à Noé. Et quand sept jours furent passés, les eaux du déluge inondèrent la terre. Dans la six-centième année de Noé, le dix-septième jour du mois, toutes les sources du grand abîme se rompirent et les cataractes du ciel s’ouvrirent et il tomba de la pluie sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits... Et les eaux s’élevèrent sur la terre, et toutes les hautes montagnes furent couvertes sous tout le ciel. L’eau était plus haute de quinze coudées que les montagnes qu’elle couvrait. Alors fut détruite toute chair qui se mouvait sur la terre, celle des oiseaux, des animaux, des bêtes et de tous les reptiles qui rampent sur la terre ; tous les hommes et tous les êtres, en qui il y avait un souffle de vie sur la terre, moururent. Et l’eau demeura cent cinquante jours sur la terre. “

Le déluge est un châtiment exercé par Dieu contre les péchés des hommes. Cette image est à sa place dans le vestibule du Carême, tout près de la chute originelle et du premier fratricide.

MARDI APRÈS LA SEXAGÉSIME

La colombe est une image de l’âme chrétienne.

1. Pensées du dimanche. — L’antienne chantée au coucher du soleil est la suivante :

La semence est la parole de Dieu,

Le semeur est le Christ ;

Quiconque l’a trouvé demeurera éternellement. “

C’est là une belle parole de l’Église. ”

2. Lecture de l’Écriture (Genèse VIII, 1-13). — Nous lisons le récit de la fin du déluge. “ Dieu se souvint de Noé et fit souffler le vent sur la terre et les eaux baissèrent. Et les sources de l’abîme et les cataractes du ciel se fermèrent et la pluie fut écartée du ciel. Et r., les eaux s’écoulèrent sur la terre, allant et venant, et elles commencèrent à baisser après cent cinquante jours. Et l’arche s’arrêta sur les monts d’Arménie. Or l’eau s’écoula et baissa jusqu’au dixième mois et les sommets des montagnes apparurent. Et quand il y eut quatorze jours, Noé ouvrit la fenêtre de l’arche et lâcha un corbeau, le corbeau s’enfuit et ne revint pas jusqu’à ce que l’eau fût desséchée sur la terre. Après lui, Noé lâcha aussi une colombe. Comme celle-ci ne trouvait pas où poser son pied, elle revint vers lui dans l’arche, car les eaux étaient encore sur toute la terre et il étendit la main, la saisit et la fit rentrer dans l’arche. Puis il attendit encore sept autres jours et il lâcha de nouveau la colombe hors de l’arche. Celle-ci revint vers lui, au moment du soir, portant dans son bec une branche d’olivier aux feuilles vertes ; alors Noé comprit que les eaux avaient disparu de la terre. Néanmoins il attendit encore sept autres jours et lâcha de nouveau la colombe, mais elle ne revint plus vers lui. ”

MERCREDI APRÈS LA SEXAGÉSIME

L’arche est l’image de l’Eglise.

1. Pensées du dimanche. — Nous chantons l’antienne suivante au coucher du soleil : “ Ce qui est tombé dans la bonne terre, ce sont ceux qui, dans un cœur bon et excellent, produisent du fruit dans la patience. ” C’est là la méthode de méditation de la liturgie ; la pensée du dimanche continue de se dérouler à travers la semaine, elle est reprise en quelques mots.

2. Lecture d’Écriture (Genèse VIII, 13-IX, 17). — Noé quitte l’arche. “ Noé ouvrit le toit de l’arche, regarda au dehors et vit que la surface de la terre était desséchée : Et Dieu parla à Noé et lui dit : Sors de l’arche, toi et ta femme, tes fils et les femmes de tes fils avec toi, fais sortir avec toi tous les êtres vivants qui sont près de toi, et allez sur la terre, croissez et multipliez-vous sur elle. Noé sortit donc... Or Noé construisit un autel au Seigneur et prenant de tous les animaux et de tous les oiseaux purs, il offrit un holocauste sur l’autel. Et le Seigneur odora l’odeur agréable et dit : Je ne maudirai plus jamais la terre à cause des hommes, car les pensées du cœur humain sont inclinées au mal depuis son adolescence. Je ne veux donc plus jamais frapper toute âme vivante comme je l’ai fait. Tous les jours, tant que la terre existera, la semence et la moisson, le froid et la chaleur, l’été et l’hiver ne cesseront pas... Et Dieu dit encore ceci à Noé ainsi qu’à ses fils : Voici que j’établirai mon alliance avec vous et avec votre postérité après vous... Et Dieu dit : Voici le signe de l’alliance que j’établis avec vous pour les générations sans fin : Je placerai mon arc dans les nuées et il sera le signe de l’alliance entre moi et la terre. Quand je couvrirai le ciel de nuages, je ferai paraître mon arc dans les nuages et je me souviendrai de mon alliance avec vous. ”

Quelles sont les pensées de l’Église au sujet du déluge et de l’arche ? Elle voit, dans le déluge, 1° un instrument de la justice divine pour la punition des mondains corrompus ; 2° un symbole du baptême, parce que les eaux baptismales nous purifient du péché et nous font enfants de Dieu. Dans les eaux du baptême, comme dans les eaux du déluge, le péché est enseveli. Au temps du déluge, Dieu envoya le juste Noé pou

sauver l’humanité déchue ; il nous a envoyé à nous le Christ, le Rédempteur. Le Sauveur, lui aussi, a construit une arche, la Sainte Église, et seul celui qui y entre par le baptême sera sauvé. L’arche de Noé n’a offert un refuge qu’à une seule famille ; l’arche du Nouveau Testament sauve toute la grande famille de la chrétienté et la transporte sur la montagne céleste où elle s’arrête. La colombe, avec le rameau d’olivier verdoyant, est un symbole du chrétien baptisé. Nous aussi nous portons un rameau d’olivier, la grâce baptismale, la marque indélébile du sacrement reçu, et, par l’onction avec le saint chrême (composé d’huile d’olive et de baume), nous sommes devenus d’autres “ Christ ”. L’arc-en-ciel, signe de paix et d’alliance, est l’image du Rédempteur qui réunit de nouveau le ciel et la terre.

JEUDI APRÈS LA SEXAGÉSIME

Sem, l’ancêtre du Rédempteur.

Lecture d’Écriture (Genèse IX, 18-29). — La Sainte Écriture nous raconte encore un épisode qui paraît sans importance, mais qui exerce une grande influence sur le cours ultérieur de l’histoire du salut ; cet épisode explique l’attitude des trois fils de Noé par rapport à l’espérance messianique (la Sainte Écriture est toujours l’histoire du salut) : “ Sem, Cham et Japhet étaient les trois fils de Noé, et c’est d’eux qu’est descendu tout le genre humain sur toute la terre. Noé commença à devenir agriculteur et il planta une vigne. Puis il but du vin et fut ivre et était couché nu dans sa tente. Alors Cham, le père de Chanaan, vit la nudité de son père et le dit à ses deux frères, dehors. Alors Sem et Japhet mirent un manteau sur leurs épaules et, marchant à reculons, ils couvrirent la nudité de leur père ; mais leur visage était détourné et ils ne virent pas la nudité de leur père. Il (L’inconvenance du plus jeune fils Cham envers son père, qui s’était enivré parce qu’il ne connaissait pas la force du vin, était un signe de la bassesse de son cœur. Inspiré par l’Esprit de Dieu, le vieux Patriarche prophétisa ensuite l’histoire future de ses fils et de leur descendance). “Quand Noé fut dégrisé, il apprit ce que lui avait fait son plus jeune fils. Alors il dit :

Maudit soit Chanaan. Qu’il soit le dernier des esclaves pour ses frères,

Que Sem soit béni du Seigneur mon Dieu, que Chanaan soit son esclave

Que Dieu crée un vaste espace à Japhet et qu’il habite dans les tentes de Sem, et que Chanaan soit son esclave. “

De nouveau, on voit apparaître, parmi les fils de Noé, les deux tendances, comme chez Caïn et Abel. Noé annonce prophétiquement le sort futur de ses fils : Les descendants de Cham seront un peuple d’esclaves (les nègres) ; Sem est le dépositaire de la promesse messianique, c’est du sang de Sem que Dieu prendra un corps humain. Nous avons ici la seconde prophétie messianique (la première est le protévangile). Cette seconde prophétie marque un progrès ; la race du Messie est déjà déterminée. Mais Japhet aussi participera à la bénédiction messianique ; c’est la première prophétie de la vocation des païens. Les fils de Japhet (Indo-Européens) dominent le monde et constituent, dans l’Église du Christ, le plus grand nombre.

VENDREDI APRÈS LA SEXAGÉSIME

Préparation au Carême.

1. Lecture d’Écriture (Genèse X, I-II). — L’Écriture nous offre le célèbre tableau des peuples, c’est-à-dire l’énumération des 70 peuples issus des trois fils de Noé. Ce ne sont pas des individus, mais des peuples qui sont énumérés. Ce tableau des peuples est cc le document le plus ancien, le plus précieux et le plus complet concernant la répartition des peuples sur la terre dans l’antiquité la plus reculée. “ Ce tableau généalogique est le titre d’origine impérissable de tous les peuples de la terre. Les Grecs et les Romains, malgré leur haute culture, ne pouvaient deviner qu’ils étaient plus proches parents des Germains que des Syriens ; pourtant cela est depuis longtemps établi dans le tableau des peuples et la science linguistique comparée le confirme aujourd’hui. Le tableau des peuples est pour nous une exhortation pressante. Nous sommes une grande famille, les enfants d’un même père. Le patriotisme, qui est légitime et voulu de Dieu, ne doit pas dépasser les bornes. — Nous lisons maintenant l’histoire de la tour de Babel. “ Or la terre n’avait qu’une langue et les mêmes mots. Comme (les hommes) s’avançaient de l’Orient, ils trouvèrent une plaine dans le pays de Sennar et y habitèrent. Et ils se dirent l’un à l’autre : Venez, faisons des briques et faisons-les cuire dans le feu. Et ils se servirent de briques en guise de pierre, et de bitume en guise de ciment. Et ils dirent : venons, bâtissons une ville et une tour dont le sommet atteigne le ciel et rendons notre nom célèbre avant de nous disperser sur la terre. Mais le Seigneur descendit pour voir la ville et la tour qu’édifiaient les fils d’Adam et il dit : Voici qu’il n’y a qu’un peuple et qu’une langue parmi eux tous et ils ont commencé à faire ceci et ils ne renonceront pas à leurs pensées avant de les avoir réalisées par l’œuvre ; aussi venez, descendons et confondons ici leurs langues, afin que personne ne comprenne plus le langage de son voisin. Et ainsi le Seigneur les dispersa de ce lieu dans toute la terre et ils cessèrent de construire la ville. C’est pourquoi on l’appela Babel, parce que là le langage de toute la terre fut brouillé et, de là, le Seigneur les dispersa dans toutes les régions. “

Nous voyons une fois encore la tendance hostile à Dieu dominer et pénétrer même la postérité de Sem. Les descendants de Sem eux-mêmes se montrèrent indignes de la bénédiction divine. On entend la construction de la tour dans ce sens que les hommes voulaient établir un empire universel dont le point central aurait été une ville. Le symbole de cet empire ennemi de Dieu, dans lequel régnait l’orgueil, est une tour d’une hauteur gigantesque. Ce plan fut détruit par Dieu qui permit les conflits entre les différentes tribus ; les tribus se séparèrent et ce n’est qu’alors, par suite de la séparation, que les langues se différencièrent. — L’image de la construction de la tour de Babel a sa place dans le vestibule de l’Avant-Carême. Nous y avons déjà rencontré trois autres images : la chute originelle, le premier fratricide, le déluge. La confusion des langues a son pendant dans le miracle des langues à la première Pentecôte. Le péché brouille les langues, le Christ les réunit.

2. Préparation au Carême. — Le Carême est, pour notre vie religieuse, d’une grande importance ; c’est la retraite de quarante jours de l’Église, la grande époque de la réforme spirituelle et du renouvellement intérieur. Comme catéchumènes et pénitents, entrons avec le Christ dans l’arène pour célébrer avec lui la Résurrection à Pâques. Mais le temps de Carême est aussi le point culminant de la liturgie ; aucun temps ne possède d’aussi nombreux textes liturgiques que celui-ci. Si donc nous voulons prendre la liturgie comme guide de notre piété, ce sera justement dans le temps de Carême que nous pourrons entretenir une vie religieuse élevée, dans l’esprit de l’Église.

a) Préparation. — Le sens de l’avant-Carême est la préparation convenable à la célébration du Carême. Toute bonne œuvre demande une préparation convenable. Que chacun de nous emploie les quelques jours qui nous séparent du mercredi des Cendres à se demander sérieusement : Comment vais-je passer, cette année, le Carême ? La communauté liturgique se réunira une fois avec son chef pour délibérer sur ce sujet : Qu’allons-nous faire, cette année, durant le Carême ? Observons d’abord la recommandation suivante. N’ayons pas des projets trop ambitieux, car un début bref et zélé pourrait être suivi d’une fin lamentable. En agissant autrement, nous ressemblerions à cet homme de l’Évangile, qui entreprend la construction d’une tour et, ne pouvant l’achever, devient la risée de ses voisins. Ainsi donc n’en faisons pas trop, mais faisons cependant quelque chose qui distingue le temps de Carême de tous les autres temps. Allons, par exemple, dans un monastère de Bénédictins ; nous y trouverons une manière de vivre entièrement changée, une sainte gravité s’est emparée de tous les habitants ; les relations épistolaires et orales avec le monde extérieur sont restreintes ; le silence sacré, le recueillement, les exercices de pénitence, une vie de prière plus intense montrent qu’un temps de l’âme est venu. Que ces communautés liturgiques idéales nous servent de modèle ! D’abord quelques résolutions personnelles : Comment vais-je me comporter pendant le Carême ? Ne méprisons pas le jeûne ; la liturgie parle du jeûne avec un saint respect. Pensons seulement à la Préface du Carême : “ Par le jeûne corporel, tu réprimes les péchés, tu élèves l’esprit, tu confères vertu et récompense. “ Établissons, avec précision, ce que nous prendrons au petit déjeuner et au repas du soir ; demandons-nous combien de fois par semaine nous pourrons nous passer de viande. Mais nous observerons aussi le jeûne au sens large, en nous privant de certaines habitudes chères. Celui-ci renoncera au tabac, un autre aux sucreries, un troisième à l’alcool, un quatrième à la sieste du midi, un autre limitera les visites, les entretiens. Bien entendu, il faudra éviter les divertissements extérieurs, théâtre, etc. pendant ce temps. L’hymne du Carême indique de brèves résolutions pour ce saint temps : “ Montrons-nous plus modérés dans les paroles, la nourriture, la boisson, le sommeil, les plaisanteries ; demeurons d’autant plus zélés dans la vigilance. “ Presque chaque jour, nous offrons au Seigneur le jeûne corporel (souvent avec de fortes expressions comme castigare, macerare). Nous devrions avoir honte, si, en réalité, nous ne faisons rien. Au jeûne s’unit intimement l’aumône, qu’au moment de l’Offertoire nous déposerons sur l’autel pour les frères indigents du Christ. Et quelles seront n ;s prières durant ce saint temps ? Assurément nous aurons plus souvent recours au livre de prière de l’Église, au bréviaire. Peut-être nous engagerons-nous à réciter quelques Heures déterminées : Laudes, Prime, Vêpres et Complies.

b) La messe de Carême. — Ce qui doit surtout attirer notre attention, c’est la célébration digne de la messe de Carême. L’idéal serait que cette messe soit une messe de communauté. Notre modèle doit être la primitive Église. Alors le peuple et le clergé, avec l’évêque, célébraient presque quotidiennement la liturgie eucharistique du Carême. C’est cette liturgie qui préparait les catéchumènes au baptême du jour de Pâques, qui convertissait les pénitents et renouvelait tout le peuple fidèle. Les amis de la liturgie sont persuadés que c’est justement la messe qui est le centre de la vie religieuse ; c’est là que jaillit la source de toutes les grâces ; la nourriture et le remède de la vie divine, c’est l’Eucharistie. Ce que je proposerais c’est une messe de communauté quotidienne avec une courte homélie. Est-ce possible ? Je connais quelques exemples de cette pratique. Rappelons surtout les offices de station que le cardinal La Fontaine célébrait dans sa ville épiscopale de Venise. Ce que fait un évêque dans une grande ville, les curés pourraient le faire dans leur paroisse. Quand l’église est grande et possède plusieurs autels, on pourrait établir une sorte d’office de station aux autels particuliers. L’idéal serait la rénovation de la paroisse par l’Eucharistie quotidienne et la parole de Dieu quotidienne.

La plupart des lecteurs n’auront pas la possibilité d’assister en commun aux messes de station : ils devront alors se rattacher en esprit à la communauté de toute la chrétienté qui s’exprime si magnifiquement dans l’office de station. L’ami de la liturgie assistera chaque jour à la messe durant tout le temps de Carême, il s’y préparera attentivement et prendra soin d’en conserver, pendant la journée, les leçons et les pensées.

SAMEDI APRÈS LA SEXAGÉSIME

Abraham, le père de notre foi.

1. Lecture d’Écriture (Genèse XI, 10-30). — Le récit sacré parcourt rapidement l’arbre généalogique de Sem, jusqu’à Tharé, le père d’Abraham. C’est la ligne de la promesse messianique ; il comprend dix générations (comme d’Adam à Noé). On indique également les dates de vie. On en indique trois : la naissance du premier-né, la vie de l’homme ensuite, et le total de ses années. On remarque que la durée de la vie diminue fortement : 600, 500, 400, 200 ans. De même, dans cette tribu choisie, le mal de l’apostasie et de l’idolâtrie avait déjà pénétré. C’est pourquoi Dieu décide de séparer un reste saint, une famille, qu’il chargera de conserver et de propager la bénédiction messianique ; ce sera la famille d’Abraham. Pour la préserver. de la contagion du paganisme, Dieu l’envoie loin de son pays. Il la fait quitter Ur en Mésopotamie et la fait émigrer dans la terre de Chanaan, la future “ terre promise “. “ Et voici les générations de Sem. Sem avait cent ans quand il engendra Arphaxad, deux ans après le déluge. Et Sem, après avoir engendré Arphaxad, vécut cinq cents ans et il engendra des fils et des filles... Tharé engendra Abram, Nachor et Aran. Et Aran engendra Lot. Et Aran mourut avant Tharé son père, à Ur en Chaldée, dans la terre de son pays. Abram et Nachor prirent des femmes ; le nom de la femme d’Abram était SaraÏ. SaraÏ était stérile et n’avait pas d’enfant. Tharé prit Abram son fils et Lot le fils d’Aran, son petit-fils et SaraÏ sa belle-fille, la femme d’Abram, son fils, et ils sortirent ensemble d’Ur en Chaldée pour aller dans la terre de Chanaan et ils arrivèrent jusqu’à Horan et y demeurèrent. “ Les Patriarches, de Sem à Abraham, constituent les colonnes intermédiaires sur lesquelles s’élève la construction du salut qui s’étend dans le lointain du passé. Ils attestent que Dieu est resté fidèle à sa promesse, malgré l’infidélité des hommes.

2. Veille du dimanche. — Les samedis de l’avant-Carême forment un triptyque et expriment les pensées principales de la lecture d’Écriture extraite de l’Ancien Testament. L’antienne d’aujourd’hui est le point culminant des trois antiennes du samedi ; c’est une magnifique antienne de Magnificat : (Pater fidei nostrae)

Le père de notre foi, le grand Abraham, offrit un holocauste en place de son fils, sur l’autel. “ Cette antienne, l’Église ne l’a pas empruntée à l’Écriture, mais l’a composée elle-même ; ce sont des paroles saintes et élevées et, dans la mélodie chorale, la liturgie a exprimé ses sentiments avec une beauté merveilleuse.

LA SEMAINE DE LA QUINQUAGÉSIME

1. Le troisième dimanche est le point culminant de l’avant-Carême. Nous trouvons une progression par rapport aux dimanches précédents : dans la série des Patriarches, dans l’église de station, dans le contenu de la liturgie. C’est le troisième et dernier appel de l’Église nous invitant à nous préparer au Carême, c’est le sommet de la préparation. Il y a de nouveau trois hommes qui nous parlent. C’est d’abord Abraham, le rocher de l’Ancienne Alliance, le héros de l’obéissance dans la foi, sur le mont Moria (celui où mourut le Christ), le père héroïque qui fut sur le point d’offrir le sacrifice de son fils. Puis vient saint Pierre, le rocher de la Nouvelle Alliance ; c’est sur son tombeau que nous offrons aujourd’hui le sacrifice de la messe ; par la bouche de son frère dans l’apostolat, saint Paul, il nous enseigne aujourd’hui le but de notre travail de Carême, la charité. Enfin, devant nous, se tient le Christ, l’“ Illuminateur “, qui nous guérit de la cécité spirituelle ; il nous conduit à Jérusalem pour la Passion. L’Église a soulevé le rideau. Nos regards s’étendent jusqu’à la Semaine Sainte et à Pâques. Nous sommes dans la semaine que commence déjà le temps de Carême, dont la porte d’entrée est le mercredi des Cendres.

2. Le catéchuménat. — Nous comprendrons mieux les trois dimanches de l’avant-Carême si nous les examinons du point de vue du catéchuménat de l’ancienne Église. Ils sont comme d’une seule coulée, d’une grande beauté et d’une grande harmonie ; c’est un magnifique triptyque.

Les trois Évangiles nous montrent les progrès du catéchumène (candidat au baptême). Ces progrès comprennent trois degrés : la vocation — l’instruction — l’illumination. Ce qui vient en premier lieu, c’est l’appel de Dieu. Une foule de païens se tenaient oisifs sur la place. Alors vint à passer le divin Père de famille et il invita l’un ou l’autre à se rendre dans la vigne de l’Église. Pourquoi celui-ci et non pas celui-là ? C’est le mystère de la vocation divine. Et comment s’est-il fait que celui-ci, précisément, a été appelé ? Ce fut apparemment un hasard qui lui fit acheter une esclave chrétienne ou apercevoir sur le chevalet un chrétien courageux. C’était en réalité l’appel de Dieu. C’est ainsi qu’agit le bon Dieu dans tous les temps. Il appelle les hommes sans aucun mérite de leur part, souvent même malgré leur démérite. Il saisit quelqu’un parmi des centaines et des milliers et il l’appelle. Vous qui lisez ces lignes, vous êtes peut-être du nombre des appelés. Pourquoi restez-vous oisifs sur la place du monde ? Allez dans la vigne de Dieu.

La vocation est le commencement, mais elle est loin d’être tout. Le bon Dieu envoie ensuite l’homme à l’école. C’était, dans les temps antiques, le catéchuménat. On imposait aux candidats au baptême un sérieux travail. L’antique ordonnance ecclésiastique de saint Hippolyte (vers 216) prescrit trois ans pour cette instruction et cette éducation du futur chrétien.

Aujourd’hui les circonstances ont changé, mais le principe reste essentiellement le même. Même pour nous, l’appel est suivi de l’instruction et de l’éducation chrétiennes. Je n’entends pas par là l’instruction chrétienne à l’école, mais l’école de Dieu dans notre vie.

Nous sommes tous des catéchumènes, et nous pouvons dire que ce catéchuménat dure jusque vers la trentième année. Vers cette époque, le caractère chrétien est substantiellement formé en nous. Cela ne veut pas dire que nous n’ayons pas encore besoin plus tard d’instruction et d’éducation. L’école de Dieu dure jusqu’à la fin de notre vie. Il importe, pour se servir de la parabole du semeur, d’être une terre apte à recevoir la semence, afin que le grain divin ne soit pas gaspillé et qu’il ne reste pas sans fruit. Chrétiens, usons des grâces que Dieu nous offre si abondamment. Je crois que, nous autres, chrétiens éveillés, qui voulons vivre avec l’Église, nous avons reçu une abondance extraordinaire de grâces. Nous disposons de toute la richesse de la vie ecclésiastique et liturgique. Nous pouvons dire avec le psalmiste : “ Le cordeau a mesuré pour moi une portion délicieuse ; un splendide héritage m’est échu. “

Quand les catéchumènes étaient assez avancés pour finir leur école (le temps de Carême), alors venait le grand jour du baptême. Ils avaient le droit d’entrer dans le “ royaume du ciel” sur la terre, dans la “ terre promise où coulent le lait et le miel ”. C’était l’illumination. C’est le troisième et le plus haut degré. On ne peut même pas le comparer avec les deux degrés précédents. La vocation et l’éducation sont la poussée de Dieu, une invitation et une semence du bon grain ; l’illumination est une transformation, une nouvelle création.

Mais l’illumination n’a pas seulement lieu pour les catéchumènes ; elle se produit aussi pour nous. Car l’illumination n’est pas seulement le baptême, elle progresse jusqu’au jour clair du Christ, jusqu’à ce que “ la lumière éternelle brille” à nos yeux, au ciel. C’est pourquoi ce stade nous concerne nous aussi. “ Réveille toi, toi qui dors, et lève-toi d’entre les morts et le Christ t’illuminera” (Eph. V, 14). C’est ce que chante une antique hymne chrétienne. Le Carême doit nous préparer, nous aussi, à recevoir du Christ une illumination plus grande. La nuit de Pâques, avec la colonne de feu, doit être l’aurore d’un nouveau jour de lumière dans notre âme.

Comprenons-nous maintenant la belle ordonnance des trois dimanches de l’avant-Carême : vocation — instruction — illumination ? Mais nous ne sommes pas encore à la fin. Les Épîtres elles-mêmes donnent, aux catéchumènes et à nous, un beau programme : combat — travail — amour. C’est encore une image tripartite (triptyque). “ Tel est l’aspect de la vie chrétienne “, veut dire l’Église aux futurs chrétiens : c’est un combat, une course, une lutte pour la couronne ; c’est un dur combat, il faut en sortir vainqueur. La vie chrétienne n’est pas une vie paresseuse ; c’est un dur labeur, rempli de souffrances et d’efforts, de renoncements et de tentations. L’Église ne pouvait pas en donner une plus belle image qu’en nous présentant le portrait de saint Paul fait par lui-même. Mais ce n’est pas encore le point culminant. Le combat et le travail sont quelque chose de grand dans le christianisme, mais l’amour les domine, il est plus grand et plus noble. Le combat, la souffrance et le travail ne seraient que de u l’airain sonnant et des cymbales retentissantes” si l’amour faisait défaut. N’y a-t-il pas encore là une merveilleuse progression ?

Enfin l’Église place encore trois modèles devant nos yeux, trois puissantes statues, qui semblent faites de pierre et d’airain et qui se dressent à l’entrée du Carême : Adam, Noé et Abraham. Adam, l’ancêtre du genre humain, dont nous tenons tous notre chair et notre sang, mais dont nous avons reçu aussi la souillure originelle ; Noé, l’homme juste au sein de l’impiété, et Abraham, le père des croyants, l’homme de l’obéissance dans la foi. Et ces trois hommes sont les symboles des biens futurs. Adam est l’image du Christ, le second chef de l’humanité ; l’arche représente l’Église qui nous sauve du déluge du jugement ; le sacrifice d’Abraham annonce le sacrifice du Christ. Ô sainte Mère Église, comme tu es donc sage et sublime dans ta liturgie !

DIMANCHE

Index

DE LA QUINQUAGÉSIME

STATION A SAINT PIERRE

Voici que nous montons vers Jérusalem.

1. Pensées du jour. — L’Église nous fait assister aujourd’hui à un drame en trois parties :

1er Acte. Un mystère de la Passion dans [‘Ancien Testament. — On voit apparaître le patriarche Abraham, l’homme de l’obéissance dans la foi. Le sens, le trait principal de sa vie, ce fut l’abandon complet à Dieu. Dès sa jeunesse, Dieu le retira de son pays et le conduisit dans la terre étrangère de Chanaan. Sans patrie, il devait mettre toute sa confiance en Dieu. Dieu lui promit un héritier de sa race, Abraham espéra contre toute espérance jusqu’à l’âge de cent ans. Alors Sara lui donna un fils. Cet enfant fut la joie de ses parents. L’enfant devint un jeune homme. Une nuit Dieu se présenta devant Abraham et lui ordonna d’immoler son fils de sa propre main. Abraham obéit. Sur la montagne où plus tard coula le sang des agneaux pascaux, symboles du Christ, où le Christ lui-même devait mourir, nous voyons le vieux Patriarche devant son fils Isaac lié sur l’autel. C’est un prêtre sacrificateur. La victime qu’il offre, c’est sa foi, c’est sa volonté sincère. Nous savons que Dieu fit, à son tour, un présent à Abraham. Il lui rendit son fils et, dans Isaac, lui donna son propre Fils ; il fit d’Abraham l’ancêtre du Christ. — Durant le Carême qui va commencer, nous ne pouvons pas offrir à Dieu un plus beau sacrifice que notre volonté. Le Carême doit fortifier notre volonté.

2e Acte. Au tombeau de saint Pierre. — L’Église nous conduit au tombeau de saint Pierre, à Rome ; c’est là que se rassemblent tous les chrétiens pour célébrer un office mondial. Là., au tombeau de l’Apôtre, nous voyons surgir devant nos yeux quelques scènes de la vie de saint Pierre. Nous sommes dans la nuit du Jeudi-Saint. Pierre se tient dans la cour du grand prêtre Caïphe ; il veut voir la fin. Il est reconnu par une servante. Il jure avec imprécation qu’il ne connaît pas cet homme. Alors le regard du Seigneur prisonnier s’arrête sur lui, le coq chante ; Pierre sort et pleure amèrement. — Une autre scène : C’est quelque temps après la Résurrection du Christ, aux bords du lac de Génésareth. Le Seigneur se tient devant Pierre et lui demande trois fois : “Pierre m’aimes-tu ? “ On connaît la réponse :

Tu sais que je t’aime ; tu sais tout, tu sais aussi que je t’aime. “ Maintenant Pierre se tourne vers nous comme prédicateur : Je vous enseigne le grand amour de Dieu ; l’amour du Christ pour une créature pécheresse, l’amour d’un homme pour le Christ et maintenant écoutez de la bouche de mon frère Paul le cantique de l’amour,

3e Acte. Illumination, — Nous voyons le Seigneur dans son dernier voyage vers Jérusalem. Devant Jérusalem, il fait à ses Apôtres sa troisième prédiction de la Passion, Puis il entre dans la ville des palmes ; il descend chez le publicain Zachée, Quand il en sort, le mendiant aveugle est agenouillé sur la route ; cet aveugle crie de toutes ses forces vers la lumière pascale. Jésus le guérit et cet homme, qui voit maintenant, suit la procession vers Jérusalem, — L’aveugle, c’est moi, je dois être illuminé à Pâques. Dans le Saint-Sacrifice, nous pouvons reproduire ces trois actes, Nous donnons ce que nous avons de plus cher, notre moi, et nous recevons, en retour, ce que Dieu a de plus cher, le Christ. Nous pouvons, comme saint Pierre, expier notre infidélité et recevoir le gage du plus grand amour dans le renouvellement de la Passion. Nous voyons déjà le dénouement sanglant du drame de la Croix, la mort du Christ et sa Résurrection et nous recevons nous-mêmes la grâce de l’illumination,

2. La messe. — Cette messe constitue le point suprême dans la progression des trois dimanches qui doivent nous préparer au temps sacré du renouvellement : aujourd’hui nous célébrons la sainte Eucharistie sur le tombeau de saint Pierre. Nous revenons implorer le secours dans la maison de Dieu, près du rocher de Pierre ; mais ce ne sont plus des plaintes amères, ce sont des prières pleines de confiance : “ Sois mon guide et celui qui me nourrit “ — aujourd’hui et pendant les quarante jours de “ séjour dans le désert “ du Carême. Le psaume 3° nous accompagne à travers les abîmes de la Passion jusqu’au Thabor de la glorification (Pâques). — L’Epître. La troisième Épître de l’avant-Carême nous conduit au plus haut degré de la préparation du Carême : la charité. Saint Paul chante le cantique de la charité ; c’est ce qu’il y a de plus grand dans le royaume de Dieu, cette charité qui s’oublie elle-même, qui supporte tout, qui ne passe jamais. Le Graduel. L’Epître est suivie d’un chant d’action de grâces pour la Rédemption, c’est même un psaume de Résurrection. Dans l’Évangile, l’Église nous montre le Sauveur sur sa voie douloureuse, mais aussi dans la gloire de sa Résurrection : la Semaine Sainte et Pâques apparaissent devant nos yeux étonnés. Dans le Saint-Sacrifice, nous sommes, comme le mendiant aveugle, assis sur le bord de la route. Le Christ, en passant près de nous, veut nous ouvrir les yeux. A l’Offertoire, “ suivons-le en rendant grâces “. Dans l’antienne de la Communion, l’Église nous assure que, par l’Eucharistie, nos désirs du bonheur pascal seront satisfaits.

3. La prière des Heures. — Ce dimanche est également d’une grande beauté et d’une grande harmonie dans la prière des Heures. L’aveugle sur le chemin (Évangile) et le héros de la foi, Abraham (Matines), nous accompagnent comme modèles, le jour et la nuit. En outre, l’Apôtre des nations, saint Paul, nous fait entendre, à toutes les Heures du jour comme à la messe, le cantique de la charité.

C’était vraiment un grand homme qu’Abraham. Il est orné de l’éclat de nombreuses vertus, dont la grandeur n’a pu être atteinte par aucune sagesse humaine “ (Saint Ambroise dans le bréviaire d’aujourd’hui). — Aujourd’hui, l’Écriture nous parle du départ du Patriarche qui quitte sa famille incroyante et s’en va vers la “ terre promise “. Le Seigneur dit à Abraham :

Sors de ton pays, du lieu de ta naissance, de la maison de ton père et va dans le pays que je te montrerai. Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai et je rendrai grand ton nom qui sera une bénédiction. Et je bénirai ceux qui te béniront et je maudirai ceux qui te maudiront et toutes les tribus de, la terre seront bénies en toi. “ (C’est là une prophétie messianique qui s’est accomplie dans le Christ). “ Abraham partit, comme le Seigneur le lui avait ordonné, et Lot s’en alla avec lui. Abraham avait 75 ans quand il sortit de Haran. Et Abraham prit sa femme Sarai et Lot, fils de son frère, ainsi que tous les biens qu’ils possédaient et ils vinrent dans la terre de Chanaan. Le Seigneur apparut à Abraham et lui dit : “ Je donnerai ce pays à ta postérité. “ Et Abraham bâtit, là, un autel au Seigneur qui lui était apparu.

Alors que l’office de nuit s’occupe surtout de l’Ancien Testament, d’Abraham (huit répons lui sont consacrés), l’office du jour, avec ses magnifiques et riches répons, est presque exclusivement consacré au Nouveau Testament. L’Évangile nous prend par la main et nous conduit à travers la journée. “ L’aveugle est le genre humain ; chassé, dans son premier père, du paradis de paix, il ne connaît plus l’éclat de la lumière céleste et souffre de cécité — c’est une conséquence de son bannissement “) (Saint Grégoire).

L’Église nous fait encore prendre part, durant le jour, au mystère de l’Évangile. Au lever du soleil, nous entendons de la bouche du Christ : “ Voici que nous montons à Jérusalem et tout ce qui a été écrit du Fils de l’Homme sera accompli. Il sera livré aux païens, moqué, maltraité, conspué, il sera flagellé et mis à mort ; mais, le troisième jour, il ressuscitera. “ C’est une antienne magnifique et qui convient tout à fait au lever du soleil. — Aux quatre stations du jour, nous sommes l’aveugle qui implore du Seigneur “ la lumière “, et, à chaque station, nous l’implorons avec plus d’instance et de ferveur. Le soir, au coucher du soleil, le drame sacré a son dénouement heureux. Le Seigneur me donne la vue, à moi l’aveugle : “ Immédiatement il put voir, et il le suivait glorifiant Dieu ” (magnificans). Nous chantons en action de grâces le magnificat, qui est aujourd’hui le chant de reconnaissance de l’aveugle guéri. Ainsi le jour forme une unité complète. La nuit appartient au symbole annonciateur : Abraham, qui est la figure de notre travail de Carême, comme il est la figure du Christ. Le jour appartient à l’accomplissement : le Christ entre dans sa Passion ; nous implorons la lumière pascale et nous la recevons d’avance.

LUNDI APRÈS LA QUINQUAGtSIME

Aie pitié de moi, Fils de David.

1. Pensées du dimanche. — Au coucher du soleil, nous crions vers le Seigneur avec l’aveugle : “ Ceux qui marchaient devant l’invectivaient pour qu’il se taise, mais lui criait encore plus fort : aie pitié de moi, fils de David. J) C’est avec ces aspirations ardentes que nous devons implorer la lumière pascale. L’Église nous prépare, avec cette antienne, à entrer dans l’esprit du Carême. C’est comme des mendiants aveugles que nous devons entrer dans le temps de pénitence.

2. Lecture d’Ecriture. (Genèse, chap. XVIII). — La lecture d’aujourd’hui contient le beau passage de l’apparition de Dieu. Le Seigneur vient avec deux anges trouver Abraham et lui promet que Sara aura un fils. “ Le Seigneur apparut à Abraham dans la vallée de Mambré, comme il était assis à la porte de sa tente, à l’heure chaude du jour. Il leva les yeux et il aperçut trois hommes debout devant lui. Dès qu’il les vit, il courut à eux de la porte de sa tente et se prosterna à terre. Et il dit : “ Seigneur, si j’ai trouvé grâce devant tes yeux, ne passe pas, je t’en prie, loin de ton serviteur. Permets que j’apporte un peu d’eau pour vous laver les pieds. Reposez-vous sous cet arbre. J’apporterai un morceau de pain pour que vous puissiez fortifier votre cœur et continuer votre route ; car c’est pour cela que vous êtes passés devant votre serviteur. Et ils lui dirent : Fais comme tu as dit. Abraham s’empressa de revenir dans sa tente vers Sara et il lui dit : Pétris vite trois mesures de farine et fais cuire des gâteaux sous la cendre. Puis il courut vers le troupeau et prit le plus tendre et le meilleur veau et le donna au serviteur qui se hâta de le préparer. Il prit aussi du beurre et du lait et le veau qu’on avait préparé et il les mit devant eux ; lui se tenait debout devant eux sous l’arbre. Et, quand ils eurent mangé, ils lui dirent : Où est Sara, ta femme ? Il répondit : Elle est là dans la tente. Et il dit : Je reviendrai chez toi à un temps où vous serez encore vivants et ta femme aura un fils. Sara, entendant ces paroles, se mit à rire derrière la porte de la tente. Or Abraham et Sara étaient tous deux vieux et avancés dans leurs jours. “

MARDI APRÈS LA QUINQUAGÉSIME

C’est aujourd’hui le dernier jour avant le Carême.

Dans les communautés liturgiques et monastiques, le mardi gras se passe dans une gaîté innocente. Cette gaîté a une importance liturgique, car elle forme un contraste avec le sérieux du mercredi des Cendres.

1. Pensées du dimanche. — Au moment où le soleil s’incline vers l’horizon, nous crions encore du fond du cœur, avec l’aveugle : “ Aie pitié de moi, fils de David. “ “ Que veux-tu que je te fasse ?” “ Seigneur, que je voie. “ C’est là le contenu de tout le cycle pascal, l’illumination spirituelle.

2. Lecture d’Écriture (Genèse, chap. XXII). — Nous lisons le magnifique passage du sacrifice d’Isaac. Abrham est ici la figure du Christ qui, par son obéissance sacrificale, a racheté le monde. C’est pourquoi nous faisons, chaque jour, au Canon, mention de ce sacrifice figuratif : ( Daigne regarder nos dons d’un visage propice et serein et accepte-les... comme tu as accepté le sacrifice de notre patriarche Abraham. “ Sur le mont Moria, le Patriarche apparaît dans toute sa grandeur. Quand Isaac fut devenu grand, Dieu voulut éprouver la fermeté et la durée de la foi d’Abraham. Il lui dit, une nuit : Abraham, prends ton fils unique, celui que tu aimes, Isaac, et va sur le mont Moria et sacrifie-le-moi en holocauste. Abraham se leva de bon matin, fendit le bois pour l’holocauste, en chargea son âne, prit avec lui deux serviteurs et son fils Isaac. Abraham obéit sur-le-champ, malgré l’angoisse que causait à son cœur paternel le sacrifice demandé. Il semblait même que la promesse messianique, d’après laquelle il serait le père du Rédempteur, était pour jamais anéantie. Lorsque, le troisième jour, il aperçut le lieu du sacrifice, il dit à ses serviteurs : Attendez ici avec l’âne, je vais aller plus loin avec l’enfant. Il prit le bois et le chargea sur les épaules d’Isaac. Il portait lui-même le feu de l’holocauste et le couteau avec lequel il devait immoler Isaac. En chemin ; l’enfant dit : Mon père, voici le feu et le bois. Où est la victime ? A cette question le père dut sentir le sol se dérober sous ses pas. Il répondit cependant avec magnanimité : Dieu pourvoira à la victime, mon fils. Ils montèrent sur la montagne. Arrivés en haut, Abraham éleva un autel, plaça le bois dessus, lia son fils Isaac et le plaça sur le bûcher. Il étendait la main pour immoler son fils. Alors un ange u Seigneur cria : “ Arrête, Abraham, n’étends pas ta main sur l’enfant et ne lui fais rien, car je reconnais maintenant que tu crains Dieu et que, à cause de lui, tu n’as pas épargné ton fils unique. “

De même qu’Isaac porta son bois, le Christ porta la Croix sur la montagne où il allait être immolé. Le Père céleste, non plus, n’épargna pas son divin Fils.

LE CARÊME

1. C’est un principe, maintes fois appliqué dans la liturgie, de faire progresser peu à peu les pensées festivales. Nous l’avons déjà vu clairement dans l’Avent. L’Église nous a montré le Roi qui vient, avec une précision grandissante, jusqu’à ce qu’il se tînt devant nous dans sa majesté royale. On peut remarquer quelque chose de semblable dans le temps de la préparation pascale ; il y a comme trois stades dont chacun marque un progrès interne.

1er stade. L’avant-Carême, qui est le temps de l’invitation. L’Église veut nous inviter à bien utiliser le saint temps de la conversion. Nous connaissons déjà la progression des trois dimanches. Extérieurement, c’est un temps dans l’année (tempus per annum), cependant l’Alleluia fait défaut.

2e stade. Le Carême, le temps du jeûne ; ce temps commence, dans le missel, avec le Mercredi des Cendres ; dans le bréviaire, avec le premier dimanche de Carême (Ce n’est qu’à partir de ce dimanche que commence l’ordinaire de Carême) et il se termine avec la quatrième semaine de Carême. Nous pouvons le caractériser brièvement par les paroles de la Préface : “ Par le jeûne corporel, tu réprimes les péchés, tu élèves l’esprit, tu donnes la vertu et la récompense. “ C’est donc un temps de renouvellement intérieur. Mais le contenu liturgique le plus profond de ce temps est le combat spirituel, la lutte entre la lumière et les ténèbres. Dans ce combat, nous distinguons deux phases, une défensive et une offensive. Dans les deux premières semaines, le Christ et l’Église se tiennent davantage sur la défensive ; dans les deux semaines suivantes, ils passent à l’offensive. Ce qui est typique pour ces deux phases, ce sont les Évangiles du premier et du troisième dimanches. Le premier dimanche, le Christ est attaqué par le diable, le Seigneur le repousse (tentation) ; le troisième dimanche, le Christ attaque, il est le plus fort qui triomphe du fort. De même, sur le champ de bataille de notre âme, il faut passer de la défensive à l’offensive.

3e stade. Le temps de la Passion. Ce temps est exclusivement consacré au souvenir de la Passion du Christ. Dès le lundi qui suit le quatrième dimanche de Carême, la liturgie commence à s’occuper de la Passion du Seigneur dans ses chants et ses prières. Maintenant, c’est saint Jean qui est notre guide à l’Évangile. Chaque jour, il nous raconte une phase de l’histoire de la Passion morale du Christ. Dans les chants, nous entendons des plaintes sorties de la bouche du Christ. Cependant, avec le dimanche de la Passion, la liturgie sort de sa réserve et parle maintenant ouvertement de la Passion du Seigneur.

2. Il s’agit maintenant d’entrer dans l’esprit du carême. Par le triple vestibule de l’avant-Carême, nous pénétrons dans le sanctuaire du Carême. Que nous demande le Carême ? Que veut-il nous donner ? La vie divine. C’est le centre et l’étoile de la piété chrétienne. Cette vie divine, le Christ, par son dur combat contre les ténèbres (dans la Passion), l’a conquise au monde ; dans le baptême, il nous l’a communiquée et dans le “ second baptême ” (la pénitence), il la renouvelle. Nous avons là, exprimé brièvement, le contenu principal du temps de Carême : la Passion du Christ — le baptême — la pénitence.

a) Déjà après Noël et dans les dimanches après l’Épiphanie, l’Église a entonné le chant de la Passion, dans l’avant-Carême, ce chant prend un ton plus accentué ; maintenant, il domine. Le Christ, le héros divin, entre en lutte avec le prince des ténèbres. Dans la première moitié du Carême. on représente surtout l’aspect intérieur de ce combat ; dans la seconde moitié, le thème de la Passion est au premier plan et, dans la Semaine Sainte, il atteint son apogée... Remarquons bien cependant que, comme dans le cycle de Noël, nous ne sommes pas seulement des spectateurs qui s’intéressent à la lutte gigantesque entre la lumière et les ténèbres ; le combat se déroule dans l’âme de chacun de nous ; c’est dans notre âme que le Christ lutte contre le diable. Pour mieux dire, en tant que membres du Christ mystique, nous prenons part à ce combat. Nous devons être en état de chanter, à Pâques, avec notre chef, l’Alleluia de la victoire. Mais la victoire ne peut se remporter qu’en faisant mourir et en crucifiant l’homme naturel. C’est ainsi que, pendant le Carême, nous vivons la Passion du Christ. Nous mourons avec le Christ comme catéchumènes, nous mourons avec le Christ comme pénitents, nous mourons avec le Christ comme disciples du Christ, pour ressusciter avec lui comme des hommes nouveaux. La Passion du Christ n’est pas seulement le motif le plus élevé du renouvellement intérieur ; nous devons, conformément à la doctrine de saint Paul, incorporer la Passion à notre vie qui doit être une participation à la mort du Seigneur.

b) Le Carême est le printemps de l’année liturgique. Le divin grain de froment, en mourant, doit faire lever une semence nouvelle et magnifique : ce sont les catéchumènes. Le Carême est le temps de préparation au baptême. Dans la primitive Église, le baptême était administré aux adultes. Après une préparation éloignée, qui durait parfois des années, les catéchumènes étaient admis, au début du Carême, au nombre des candidats au baptême (competentes). Dans des offices religieux presque quotidiens (dans la messe des catéchumènes), on les instruisait ; on les soumettait à de nombreux exorcismes et on leur faisait accomplir d’autres actes de pénitence. Les anciennes messes du Carême proviennent de cette époque et ont souvent en vue les candidats au baptême. C’est ce qui explique le ton d’assurance et souvent de joie d ces messes. Le thème du baptême s’élève, maintes fois, jusqu’au thème joyeux de Pâques. La préparation au baptême a, sans doute, son aspect sérieux et grave : la mort du vieil homme ; mais elle a aussi son aspect joyeux : la joie maternelle de l’Église, la transfiguration de l’âme, la joie pascale prochaine. Ces considérations sont d’une grande importance pour comprendre la liturgie de ce temps ; le ton le plus ancien des textes liturgiques n’est pas la pensée sévère de la pénitence, mais la pensée joyeuse du baptême.

c) Le Carême est aussi le temps du “second baptême”, du baptême pénible — de la pénitence - ; c’est le temps du renouvellement intérieur. Dans l’antiquité, les pécheurs devaient se soumettre, pendant le Carême, à la pénitence publique ; le mercredi des Cendres, après avoir reçu la bénédiction solennelle des pénitents, ils revêtaient l’habit de pénitence, demeuraient exclus, jusqu’au Jeudi-Saint, de la communauté des fidèles et n’étaient admis qu’à la messe des catéchumènes. Le thème de la pénitence est le troisième et le plus récent dans les messes de Carême (spécialement des jeudis). Il pénétra peu à peu dans la liturgie après la cessation du catéchuménat. Ce thème est, pour nous, le plus accessible et, pour les chrétiens modernes qui considèrent souvent la vie chrétienne du point de vue de la lutte contre le péché, c’est le plus intelligible. Considérons-nous comme des pénitents ; recevons, avec la croix de Cendres, la bénédiction des pénitents, sans cependant être exclus de la communion de l’Église (au Moyen Age, le parement de Carême était comme une excommunication volontaire) et cherchons à entrer dans le véritable esprit de pénitence de l’Église.

Et nous, les fidèles ? Comment devons-nous utiliser le Carême ? Ce n’est pas l’instruction qui est l’affaire principale pour la liturgie, mais la vie divine. Les messes de Carême nous donnent, sans doute, des enseignements sur le renouvellement intérieur (un peu à la manière d’une conférence de retraite). Cependant, le but des lectures de la messe est moins l’instruction que la représentation de l’efficacité de la grâce. C’est pourquoi l’antique liturgie romaine aime représenter, dans les lectures de la messe, les actions dramatiques, c’est-à-dire des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Les leçons et tout le texte propre des messes sont le plus souvent des images et des paraboles de la grâce de Rédemption, qui a été méritée par la mort du Christ et qui est communiquée à l’Église dans ses membres. Cette grâce nous est appliquée soit par le Baptême (ou la Pénitence), soit par l’Eucharistie. Ce sont les deux grandes sources du salut. Le Baptême est le commencement ; l’Eucharistie, le développement et l’achèvement. Cependant ces deux sacrements ont essentiellement le même effet. Il en résulte que non seulement les catéchumènes et les pénitents, mais encore les fidèles, doivent tirer des fruits du Carême. A tous, il apporte la grâce de Rédemption : aux uns la grâce commençante encore en germe, aux autres la grâce complète dans sa maturité. L’Évangile de la guérison de l’infirme, malade depuis 38 ans, est un exemple typique. Nous y trouvons représentés et symbolisés le Baptême, la Pénitence et l’Eucharistie. Le catéchumène est vivifié dans le bain de l’eau ; le pénitent, dans le bain de la Pénitence ; le fidèle, dans le sang du Christ. Le Christ opère ce miracle pendant le Carême, dans sa plus haute réalité, par le Baptême, la Pénitence, l’Eucharistie. Le caractère symbolique des miracles de l’Ancien et du Nouveau Testament est très important pour comprendre le temps du Carême.

Nous voyons donc que le temps de Carême signifie la grande période de Rédemption, non seulement pour les catéchumènes et les pénitents, mais encore pour les fidèles parfaits. Les catéchumènes atteignent par le Baptême (dans la nuit de Pâques), les pénitents, par la réconciliation, le Jeudi-Saint, le but pour lequel le Carême doit les mûrir ; quant aux fidèles, ils reçoivent, à la messe quotidienne de Carême, une mesure plus élevée et plus complète de vie divine. Ils doivent, le Jeudi-Saint, être débarrassés de toutes les scories et de toutes les laideurs du péché, et, dans la nuit de Pâques, posséder l’accroissement et la maturité de la vie divine.

3. Ce qui est encore important pour comprendre la liturgie du Carême, c’est l’office des stations. La communauté chrétienne de Rome se rassemblait, à certains jours, dans une église (église de rassemblement — ecclesia collecta), et s’en allait, en procession, avec le pape, dans une autre église, l’église de station (statio). Cette église était d’ordinaire l’église titulaire d’un saint célèbre. C’est là qu’on célébrait la messe.

La communauté se représentait d’une manière si vivante le saint de station, qu’il lui semblait le voir, en personne, présent dans son assemblée. C’est pourquoi le Missel dit encore aujourd’hui : Statio ad Sanctum Paulum. Cela veut dire que J’office religieux est célébré non seulement dans l’église de Saint-Paul, mais encore près de saint Paul lui-même. Il faut donc, dans l’office de station, se représenter saint Paul comme présent, comme le chef et le modèle de la communauté. Il faut même aller plus loin : la communauté rassemblée contracte avec le saint une union mystique ; elle participe à la gloire de ce saint et, dans sa personne, jouit, par avance, au Saint-Sacrifice, du retour du Seigneur.

Mais quelle signification a l’office des stations pour le temps de Carême ? L’antique Église de Rome voulait sanctifier ce temps important de la vie commune ecclésiastique, par la célébration quotidienne de l’Eucharistie ; elle voulait relever l’efficacité de cette célébration par la réunion de toute la communauté, par la procession de station, par l’église de station. Le Baptême, la Pénitence, l’Eucharistie intéressaient toute la communauté ; en commun, les catéchumènes, les pénitents, les fidèles passaient en procession à travers les rues, chantaient et priaient. Le zèle de chacun devait exciter les autres, la ferveur première des catéchumènes devait édifier tout le monde. Ensuite, le lieu saint, l’église du saint de station, devait avoir son efficacité. L’exemple de ce saint, sa parole, sa personne même exerçaient une action vivante sur l’assemblée. Telle était la méthode de conversion de l’ancienne Église. L’opus operantis renforçait l’opus operatum. A l’efficacité intérieure de l’Eucharistie s’alliait la puissante action psychologique propre à l’office de station. Essayons de rendre la chose plus claire. L’ancienne Église ne connaissait pas la célébration quotidienne de la messe ; or, pendant le Carême, la messe a lieu presque tous les jours ; le domnus apostolicus, le pape, est présent ; les catéchumènes et les pénitents sont une prédication vivante ; la procession commune, l’affluence de nombreux fidèles, l’église vénérable, le tombeau d’un saint célèbre, tous ces éléments psychologiques ont leur importance. L’office de station a souvent exercé une si grande influence sur le choix des péricopes et des chants, que nous ne pouvons les comprendre que de ce point de vue. C’est pourquoi nous en tiendrons toujours compte dans l’explication de la liturgie de la messe.

4. Dans le temps de Carême qui va commencer, les fêtes des saints passent au second plan. Le prêtre a le choix entre la messe de Carême et la messe des saints (sauf aux fêtes de 1ère et 2ème classe). Mais il est dans l’esprit de la liturgie de célébrer toujours et exclusivement les antiques et vénérables messes du Carême. Par conséquent, nous n’expliquerons que les messes du Carême et nous traiterons brièvement la vie des saints. Le fidèle doit toujours lire la messe du Carême, même quand le prêtre prend la messe des saints. Il est à souhaiter que le plus grand nombre possible de pasteurs des âmes célèbrent la liturgie du Carême pour le plus grand bien spirituel des fidèles.

Les rubriques prescrivent que, pendant tout le temps de Carême (à l’exception du dimanche Laetare), le diacre et le sous-diacre ne portent pas de dalmatique et de tunique aux messes du temps. Dans les grandes églises, on doit porter, en place, la casula plicata (une chasuble repliée). De même, pendant tout le Carême, on ne doit pas orner les autels de fleurs et les orgues gardent le silence. Pendant les trois premiers jours de Carême (du mercredi au vendredi), on célèbre les Vêpres à l’heure ordinaire ; à partir du samedi, et sauf le dimanche, on les célèbre avant le repas principal (midi). L’Église veut, par là, rappeler et honorer l’usage des premiers chrétiens qui, les jours de jeûne, ne mangeaient pas avant le soir. Les complies se récitent toujours avant d’aller dormir.

LES QUATRE PREMIERS JOURS

Ces quatre premiers jours sont d’origine récente. Jusqu’à saint Grégoire 1er, le Carême commençait avec le premier dimanche. Leur contenu est très instructif et ils nous font pénétrer dans l’esprit du jeûne chrétien. Les pensées principales sont : gardons-nous d’un jeûne purement extérieur, d’une pénitence pharisaïque ; jeûner (mercredi), prier (jeudi), faire l’aumône et exercer la charité (vendredi), observer les commandements (samedi), dans un véritable esprit de pénitence, tels sont les exercices extérieurs du temps de Carême.

MERCREDI DES CENDRES

RASSEMBLEMENT A SAINTE-ANASTASIE

STATION A SAINTE-SABINE

Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière.

Le jour des Cendres. La cérémonie liturgique se déroule en deux églises ; dans l’église de rassemblement, on. bénit et on impose les cendres ; dans l’église de station, on célèbre la messe.

1. La bénédiction des Cendres. — La cérémonie à laquelle nous participons aujourd’hui n’est qu’un reste de l’action solennelle que l’évêque accomplissait autrefois avec les pénitents publics. Quiconque avait commis des fautes graves et publiques, devait, au début du Carême, accepter la pénitence publique ; ce fut l’usage ecclésiastique, du IVe au XIIe siècle. La pénitence publique consistait surtout dans l’exclusion de la participation à l’Eucharistie ; en outre, on accomplissait des œuvres de satisfaction ; prières, mortifications, aumônes. Avant de les exclure de la communauté ecclésiastique, on revêtait solennellement les pénitents de l’habit de pénitence et on leur couvrait la tête de cendre ; puis, l’évêque les :conduisait hors de l’église, devant la porte. Cette “ expulsion des pénitents “ était une cérémonie saisissante qui constituait, pour les fidèles eux-mêmes, une prédication sérieuse. Plus tard, l’Église adoucit sa discipline pénitentielle ; désormais, la pénitence s’accomplit en secret. Cependant, depuis le Moyen Age, tous les fidèles acceptaient volontairement l’habit de pénitent et se faisaient imposer les cendres. Des rois et des empereurs, par exemple Charlemagne, allaient pieds nus, avec les autres fidèles, chercher les cendres bénites et entraient ainsi solennellement dans le temps de Carême.

A Rome, la bénédiction des cendres se faisait dans la basilique de Sainte-Anastasie. C’est dans cette église, située au centre, que l’on conservait les anciennes croix de station qui servaient aux processions. A l’entrée du clergé, on chantait un Introït qui indique l’esprit de la bénédiction des pénitents : sans doute, nous devons faire jaillir de notre âme les pensées et les sentiments les plus profonds de pénitence ; cependant, ces vagues de pénitence s’apaisent dans ces paroles de l’antienne : “ car bienveillant est ton cœur éternel... ” Viennent ensuite les quatre oraisons de bénédiction. Elles ont deux particularités : elles sont de plus en plus courtes et, dans chacune, s’atténue la sévérité de la pénitence. La première oraison est d’une belle construction ; elle se compose de trois parties et la partie médiane est divisée en quatre membres. Elle dit brièvement : que la cendre bénite soit, pour la communauté pénitente, un moyen de salut efficace, un sacramental pour le corps et l’âme. La seconde oraison s’étend sur le symbolisme de la cendre (la cendre symbolise notre nature pécheresse et périssable). La troisième oraison montre plus d’assurance ; elle implore d’abondantes bénédictions par le moyen de la croix de cendre. La quatrième oraison nous donne comme modèles les Ninivites pénitents. — Le prêtre distribue ensuite les cendres aux fidèles et, par là même, les bénit pour le temps de Carême qui commence. La cendre provient des rameaux bénits du dimanche des Rameaux de l’année précédente. “ Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière et que tu retourneras en poussière. Il Rappelons-nous que ces paroles furent prononcées pour la première fois au paradis terrestre et adressées à nos premiers parents — ce fut le premier et triste mercredi des cendres de l’humanité. Pendant la distribution des cendres, le chœur chante des chants pénétrés des graves sentiments de pénitence. Le prêtre chante, ensuite, une magnifique oraison (l’antique collecte) ; on sait que cette oraison était récitée dans l’église de rassemblement (collecta) ; d’où son nom. L’Église rassemble ses enfants en compagnies de combat ; chaque paroisse est une escouade ; tous s’en vont, en ordre, occuper leur poste (statio) et “ combattre contre les Esprits du mal “ ; les armes défensives sont “ les exercices de l’abstinence “.

2. La messe (Misereris). — Notre escouade se rend aujourd’hui à la station de Sainte-Sabine. C’est près de son tombeau et sous sa protection que nous commençons le combat du Carême. Sainte Sabine fut une martyre (v. 29 août). Convertie par sa servante, elle confessa courageusement sa foi et versa son sang pour elle. Elle est aujourd’hui notre modèle et notre alliée dans le combat. I”a messe est tout à fait conforme à nos sentiments. L’impression générale est exprimée dans l’Introït : la confiance dans la miséricorde de Dieu (la pénitence chrétienne est toujours pénétrée de confiance). L’oraison demande que les fidèles célèbrent convenablement “ les vénérables solennités du jeûne” et les continuent avec persévérance. Nous demandons donc deux choses : un bon commencement et la persévérance. La leçon est saisissante ; c’est une scène de pénitence tirée de l’Ancien Testament. On insiste sur deux points : la pénitence intérieure et la pénitence commune : “ Convertissez-vous à moi de tout votre cœur. “ Tous les états doivent prendre part à la pénitence : les enfants, les jeunes gens, les gens mariés, les prêtres ; ce ne doit pas être une pénitence individuelle, mais une pénitence commune. Pour finir, nous jetons un regard sur Pâques. — Pour la première fois, nous chantons le Trait de Carême, qui nous accompagnera pendant tout ce saint temps. L’Évangile est un extrait de la prédication de pénitence du Christ. Le Christ parle du jeûne secret et découvre, par là, la plus grande plaie de l’âme, la recherche de soi-même qui trouve le moyen de s’introduire même dans le jeûne et la pénitence. Si l’on compare les deux lectures, on pourrait presque y découvrir un contraste : ici, le jeûne de la communauté ; là, le jeune en dehors de la communauté. Telle n’est pas cependant l’intention de l’Église ; ce qu’elle veut, c’est montrer et faire éviter les dangers qui résultent de la communauté. L’Évangile élève nos esprits des trésors terrestres aux trésors célestes. Le Carême est précisément le temps qui convient pour amasser ces trésors, par la prière, le jeûne, l’aumône, la pénitence. — La seule pièce de cette messe que nous avons quelque peine à accorder avec nos sentiments est l’antienne de l’Offertoire. C’est un chant pascal, un chant de victoire (Ps. 29). C’était sans doute l’action de grâces des fidèles : alors que les pénitents devaient quitter la maison de Dieu, les fidèles, qui étaient restés exempts de la souillure du péché, pouvaient rester et assister maintenant au Saint-Sacrifice. A la Communion, nous commençons le premier psaume ; nous continuerons la série des psaumes pendant tout le Carême. L’antienne recommande “ la méditation de la Loi, jour et nuit “ ; elle nous annonce aussi le fruit “ en temps opportun” c’est-à-dire à Pâques. L’oraison sur le peuple (oratio super populum), que nous réciterons désormais tous les jours, est un héritage liturgique vénérable.

3. Le jeûne qui plait à Dieu. — Telle est à peu près la pensée unique de ce jour : a) motifs du jeûne (Leçon), b) l’âme du jeûne (Évangile), c) valeur du jeûne (Préface). Le motif le plus profond du jeûne est le péché, c’est pourquoi, aussi, il n’a de valeur que s’il est uni à l’aversion du péché. Le sens de tout le temps de Carême et de la cérémonie de pénitence d’aujourd’hui est la réforme de la vie. Le jeûne ne vaut pas par lui-même, ce n’est qu’un moyen d’arriver à la piété. L’âme du jeûne est l’humilité ; il est sans valeur et même coupable s’il est au service de l’amour-propre (Evangile). En termes d’une beauté inimitable, la préface expose l’importance du jeûne : “ Par le jeûne corporel, tu réprimes les péchés, tu élèves l’esprit, tu confères la vertu et la récompense. “ Le jeûne nous délivre des forces inférieures de l’âme et du corps et, par suite, il renforce l’homme spirituel et affermit surtout la volonté. Or la volonté est, pour l’œuvre de notre salut, le facteur humain décisif.

4. Psaume I — Les deux voies. — Le pape Saint Grégoire 1er réorganisa les chants de communion pour les féries de Carême. Il choisit pour cela les 26 premiers psaumes qu’il fit succéder dans l’ordre. On les chantait alors en entier. C’est une indication qui nous montre que, pendant le Carême, nous devons consacrer une attention particulière à ces psaumes. Nos lecteurs pourraient prendre aussi cette résolution de Carême : apprendre à mieux comprendre et à mieux réciter les psaumes.

Le premier psaume est l’introduction du psautier. Saint Jérôme l’appelle praefatio Spiritus Sancti, la préface du Saint-Esprit. Ce psaume, en effet, exprime les pensées principales qui parcourent la plupart des psaumes : heureux ceux qui craignent Dieu, malheur aux impies. Nous y trouvons aussi une pensée qu’aimait beaucoup l’Église primitive : la doctrine des deux voies, la voie de la vie et la voie de la mort. Notre psaume est facile à comprendre, édifiant et instructif ; il coule comme un frais ruisseau des bois.

Heureux l’homme

qui ne marche pas dans le conseil des impies,

qui ne se tient pas dans la voie des pécheurs,

qui ne s’assied pas dans la compagnie des moqueurs,

mais qui, plutôt, a son plaisir dans la loi du Seigneur

et qui la médite jour et nuit.

Il est comme un arbre planté près d’un cours d’eau,

qui porte ses fruits en temps opportun.

 

Son feuillage ne se flétrit pas et tout ce qu’il fait lui réussit.

Il n’en est pas ainsi des impies, il n’en est pas ainsi,

ils sont comme une paille que la tempête chasse de la terre.

C’est pourquoi les impies ne subsisteront pas au jugement,

ni les pécheurs dans l’assemblée des justes.

Car le Seigneur connaît la voie des justes,

mais le sentier des impies mène à la ruine.

 

Plan du psaume.

I. L’homme craignant Dieu v. 1-3.

1. Aspect négatif : triple gradation du péché, v. 1.

marcher — péché

se tenir — habitude

s’asseoir — vice.

2. Aspect positif : la fidélité à la Loi v. 2.

3. Image : l’arbre fécond, v. 3.

II. L’impie.

1. Image : la paille sur l’aire (ou le feuillage desséché), v. 4.

2. le jugement, v. 5.

3. Sentence finale, v. 6.

JEUDI APRES LE MERCREDI DES CENDRES

STATION A SAINT GEORGES

Triomphons du dragon.

Le Christ nous a enrôlés, hier, dans l’armée chrétienne ; aujourd’hui, l’Église veut nous inspirer du courage en nous faisant parcourir une galerie de héros.

1. La galerie de héros. — a) Le premier héros est le chevalier saint Georges, dans l’église duquel a lieu l’office de station. Cette église est une des plus récentes églises de station : elle fut fondée par saint Léon Il (682-683). Le pape saint Zacharie (741-752) fit transporter, dans cette église, le chef du martyr saint Georges qu’il avait découvert au Latran. Le texte de la messe s’inspire entièrement de la station. Au point central, se tient le chevalier Saint Georges, le vainqueur du dragon. C’est un magnifique symbole du travail du Carême : le Christ s’avance au combat contre les ténèbres, il lui faut combattre le dragon infernal et il doit lui écraser la tête. C’est aussi le devoir du Christ mystique de l’Église. Les catéchumènes, les pénitents, les fidèles doivent combattre le dragon. C’est mon devoir à moi aussi, c’est mon travail de Carême ; je dois conquérir un peu de terre sainte en l’arrachant à la terre ennemie. Puissions-nous nous rappeler souvent que nous sommes les soldats de Dieu. Aujourd’hui, nous combattons sous les drapeaux et sous la conduite du chevalier saint Georges.

b) Le second héros est le roi Ézéchias, un des meilleurs rois juifs. C’est déjà quelque chose que de pouvoir se présenter devant Dieu et dire : je marche dans la vérité et d’une manière parfaite, avec un cœur pur. Quand ce roi pleure si amèrement à la pensée de quitter la vie, il ne faut pas trop lui en vouloir, car les Juifs ne connaissaient pas encore l’éternité bienheureuse. L’Église ne veut d’ailleurs pas le proposer à notre imitation ; son intention est de nous montrer, dans sa maladie corporelle, une image de la maladie spirituelle du pénitent. Nous devons, nous aussi, pleurer sur la santé perdue de notre âme et implorer la guérison. La victoire d’Ézéchias est une victoire de la prière. Il nous indique, comme arme spéciale, la prière. Or, durant le temps de Carême, nous devons faire usage de cette arme avec ardeur et persévérance.

c) Le troisième héros est le centurion de Capharnaüm. Il nous est incomparablement plus sympathique. Il est le porte-bannière des Gentils ; ses vertus sont pour nous un modèle merveilleux : sa charité pour ses esclaves, son humilité envers le Christ, sa foi, son sens du devoir. Le Sauveur voit même en lui le conducteur de l’Église des Gentils. Sa victoire est une victoire de l’humilité. Il a véritablement “ rejeté sur le Seigneur le souci “ de son serviteur et il a été exaucé. Or que veut nous enseigner la liturgie ? Ce que le centurion a fait pour son serviteur, faisons-le pour notre âme. — La liturgie lui consacre, dans le bréviaire, un répons spécial ; c’est un cas exceptionnel qui ne se reproduit que trois fois dans tout le Carême. Ce répons est très dramatique ; il contient trois discours directs : la prière du centurion, la réponse du Christ, la parole d’humilité du centurion :

Seigneur, mon serviteur est couché, paralysé, et souffre beaucoup “ — “ En vérité, je te le dis, j’irai et je le guérirai “ — “ Seigneur, je ne suis pas digne que tu viennes sous mon toit, mais dis seulement une parole et mon serviteur sera guéri. “

d) Le quatrième héros est le Roi de tous les héros, le Christ. Pendant le Carême, nous nous armons pour prendre part à sa grande victoire pascale ; aussi nous assistons chaque jour au Saint-Sacrifice qui est la représentation de son combat héroïque sur le Golgotha. Sa victoire renferme celle dès trois héros ; bien plus, dans sa victoire, se trouve compris aussi le combat de Carême de toute l’Église et de tous les chrétiens. Unissons-nous à lui et puisons, dans le prix de sa victoire, le courage et la force.

2. La messe (Dum clamarem). — La messe comprend deux motifs : celui de la station et celui de la pénitence. Dans l’Introït, le chevalier saint Georges s’adresse à chacun de nous, personnellement ; il nous raconte sa victoire sur le dragon ; ce fut une victoire de la prière. Dieu, l’éternel et l’immuable, a abaissé ses ennemis. C’est pourquoi il se tourne vers nous et nous dit : faites de même, jetez vos soucis sur le Seigneur. Ces paroles doivent s’entendre précisément des soucis angoissants, dans le sens du Sermon sur la montagne ; il faut plutôt comprendre, ici, que notre travail de Carême n’est pas un travail humain, mais un travail divin. Dieu nous “ nourrira “ ; ici, la liturgie pense sans doute à l’Eucharistie. Tout le psaume 54 nous fait jeter un regard sur les combats spirituels des catéchumènes, des pénitents et des chrétiens ; sans doute aussi sur ceux du Christ. La liturgie met alors sous nos yeux un triptyque : au milieu, nous voyons saint Georges ; à gauche et à droite, deux figures bibliques chevaleresques : le roi Ézéchias et le centurion païen de , Capharnaüm. Tous les deux ont remporté une victoire de la prière ; le premier, pour sa propre vie le second, pour celle de son serviteur. Le Graduel reprend les pensées de l’Introït et nous exhorte à la confiance en Dieu qui nous exauce comme il a exaucé Ézéchias.

Remarquons cependant que la messe s’adresse surtout aux pénitents. Elle est une consolation pour eux ; elle leur crie : combattez comme saint Georges, priez comme Ézéchias, humiliez-vous comme le centurion ; alors viendra la victoire pascale : vous serez exaucés et relevés. Les pénitents ont perdu la vie divine ; maintenant, ils pleurent comme Ézéchias : “ Il pleura abondamment “ ; ils se tiennent devant la porte de l’église et disent : Seigneur, je ne suis pas digne d’entrer sous ton toit. (Quand nous récitons ces paroles avant fi la communion, mettons-nous à la place des pénitents, comme nous l’avons fait hier en recevant les cendres). Nous comprenons à présent pourquoi cette messe contient des prières instantes de pénitence : l’oraison qui est devenue l’oraison classique de la pénitence,. l’oraison finale sur le peuple (“ Épargne, Seigneur, épargne ton peuple ”), ainsi que l’antienne de communion qui est le psaume de pénitence 50. C’est avec les sentiments d’humilité du centurion et la contrition du pénitent que nous approchons aujourd’hui de la Table sainte. L’offertoire, avec le psaume d’Avent 24, est rempli de graves sentiments de pénitence .

VENDREDI APRES LE MERCREDI DES CENDRES

STATION A SAINT JEAN ET SAINT PAUL

L’esprit de l’aumône.

L’Eglise nous a montré, hier, une image guerrière, elle nous montre, aujourd’hui, une image pacifique : deux oliviers dans le jardin de Dieu. L’Eglise nous instruit au sujet de l’aumône qui est un exercice de Carême.

1. L’aumône. — Nous nous rendons, aujourd’hui, n pèlerinage dans la basilique de deux saints bienfaiteurs des pauvres, saint Jean et saint Paul. Cette église était précédemment une diaconie (maison des pauvres au sens chrétien). A l’origine, c’était la maison privée des deux saints frères, par conséquent un lieu de miséricorde et de charité. Les deux martyrs (v. 26 juin) sont très honorés à Rome ; le bréviaire les appelle “ les hommes de miséricorde, deux oliviers et deux candélabres brillants devant le Seigneur “. Ils partagèrent eux-mêmes leurs biens entre les pauvres, “ afin de pouvoir entreprendre plus aisément le voyage de l’éternité. “ Il convenait donc que les lectures de la messe traitent de l’aumône. L’aumône, en effet, est un des trois exercices principaux du Carême. Le jeûne et l’aumône se complètent. Faisons donc régulièrement, pendant le Carême, notre offrande de Carême, si petite soit-elle. Mais l’Église, qui entreprend notre renouvellement spirituel, nous explique immédiatement quel doit être “ l’esprit de l’aumône. L’aumône n’est, pour ainsi dire, que le fruit de l’arbre ; l’arbre c’est l’amour du prochain. Nous nous rappelons que, le dimanche de la Quinquagésime, l’Église nous a prêché l’Épître de la charité. Elle voulait nous faire comprendre que le centre vital du travail de Carême c’est la charité, la divine charité qui supporte tout, qui fait abnégation de soi-même et qui ne cessera jamais. Les deux lectures traitent principalement de la charité. Quelles belles pensées n’exprime pas la leçon ! “ Délie les nœuds de la méchanceté, déchire les liens de l’oppression, affranchis les esclaves et brise tout joug. Offre ton pain à celui qui a faim. “ Ce que le Prophète exprime d’une manière plutôt négative, le Christ l’expose d’une manière positive : il annonce le précepte de l’amour des ennemis. En ce jour, notre Mère l’Église implore aussi pour ses enfants, comme fruit du Saint-Sacrifice, la charité : “ Verse dans nos cœurs l’esprit de ton amour et fais que tous ceux que tu rassasies d’un seul pain soient un seul cœur dans ta bonté” (Postcommunion). Par l’aumône, nous combattons également un mauvais esprit et nous le chassons : l’esprit de l’amour propre, de l’avarice. C’est ce mauvais esprit qui dévore la substance du christianisme et c’est pourquoi le Christ l’a si vivement combattu. L’égoïsme, en effet, enlève leur valeur aux saints exercices du Carême : la prière, le jeûne et l’aumône. Aussi, dans l’Évangile, le Christ nous met en garde contre ce danger. Et l’Église fait ressortir, dans le bréviaire, deux paroles qui doivent écarter l’esprit d’égoïsme : “ Quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait la droite “ (Laudes). “ Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme la porte et prie ainsi ton Père” (Vêpres). Réfléchissons à ces pensées pendant tout le jour : l’aumône entretient l’esprit de charité et fait disparaître l’esprit d’égoïsme.

2. La messe (Audivit), — C’est avec une prière d’action de grâces sur les lèvres que nous nous rendons dans la maison de Dieu. Pourquoi ces actions de grâces ? Nous remercions Dieu d’avoir eu pitié de nous. Que nous soyons dans les rangs des catéchumènes ou dans ceux des pénitents, c’est à la miséricorde de Dieu que nous devons d’avoir “ été admis” au nombre de ses enfants. Récitons en entier le psaume 29 ; c’est déjà un chant pascal ; il nous fera entrer dans le véritable esprit du Carême. Cet esprit n’est pas seulement un esprit de pénitence. Ce que veut surtout le Carême, c’est faire vivre en nous la grâce du baptême. L’oraison demande, pour ce début du Carême, la grâce et la bénédiction. Dans les deux lectures, l’Église no s enseigne le véritable exercice de la miséricorde et de l’amour du prochain. Au Graduel, nous demandons d’être admis dans la maison paternelle céleste : “ Je n’ai demandé qu’une chose au Seigneur, c’est de pouvoir habiter dans la maison de Dieu. “ Les deux saints martyrs ont donné à Dieu leur maison paternelle terrestre pour en faire une église, ils demandent en retour (et nous avec eux) d’être reçus dans la maison paternelle céleste. A l’Offertoire, nous demandons la grâce de la filiation divine. A la Communion, l’Église nous recommande de servir le Christ avec une crainte et une joie filiales, de nous attacher à la “ discipline “ du jeûne, afin d’être armés pour le grand combat qui se livre en nous entre le Christ et Satan (Psaume 2). Comme fruit du sacrifice, nous demandons l’esprit de charité, puisque nous mangeons d’un seul pain. Toute la messe retentit des chauds accents de l’amour paternel de Dieu et de l’amour filial des chrétiens.

3. Le psaume 2. — Un chant du Christ-Roi. — Le psaume 2 est un chant célèbre, directement messianique ; c’est en même temps un des psaumes poétiques et classiques. Nous pouvons l’appeler un chant du Christ-Roi. Saint Bernard l’appelle : “ le rugissement du lion de Juda” contre ses ennemis. Le psaume nous place en plein combat du royaume de Dieu et commence d’une manière très dramatique :

Pourquoi les nations s’agitent-elles en tumulte et les peuples méditent-ils de vains projets ?

Les rois de la terre se soulèvent et les puissants tiennent conseil pour combattre contre Dieu et contre son Oint :

Brisons leurs liens et jetons loin de nous leurs chaînes. “

 

Celui qui est assis dans le ciel rit,

Le Seigneur se moque d’eux.

Mais ensuite il les domine dans sa colère et il les épouvante dans sa fureur :

Moi-même, je l’ai établi Roi sur Sion ma montagne sainte.

Je vais publier son décret :

Le Seigneur m’a dit :

Tu es mon Fils, je t’ai engendré aujourd’hui.

Demande et je te donnerai les nations pour héritage, pour domaine les extrémités de la terre.

Avec un sceptre de fer tu les conduiras, tu les briseras comme le vase du potier. ”

 

Et maintenant, rois, soyez sages, laissez-vous instruire, juges de la terre,

Dans la crainte, soyez soumis au Seigneur et dans le tremblement rendez-lui hommage.

Recevez la sagesse ; autrement le Seigneur s’irritera contre vous, et votre chemin conduira à la ruine. Quand bientôt s’allumera sa colère,

Heureux ceux qui mettent en lui leur confiance ;

Plan. — Notre psaume est d’une grande beauté et d’une construction harmonieuse. Il se compose de quatre strophes distinctes par les idées, mais semblables dans la forme :

1. Soulèvement des rois terrestres contre Dieu (v. 1-3).

2. Réponse de Dieu (v. 4-6).

3. L’institution royale du Messie (v. 7-9).

4. Enseignement aux rois de la terre (v. 10-13).

SAMEDI APRÈS LE MERCREDI DES CENDRES

STATION A SAINT TRYPHON (S. AUGUSTIN)

Récompense et consolations pour le Carême.

1. Récompense et consolations. — Aujourd’hui est une pause dans le travail du Carême. Les trois premiers jours, l’Église nous a décrit, à grands traits, notre tâche : jeûne, aumône, prière. Peut-être sommes-nous un peu découragés en raison du but élevé et de notre faiblesse. L’Église vient à notre secours. Elle nous montre la récompense, mais aussi la force efficace. La leçon (la continuation de celle d’hier) montre aux enfants de Dieu de vastes perspectives : “ Ta lumière se lève dans les ténèbres ”, ton âme est “ comme un jardin arrosé, comme une source d’eau dont.l’eau ne s’en va pas “, “ tu es un constructeur du temple de Dieu, tu es élevé au-dessus des profondeurs de la terre et nourri de l’héritage de Jacob. ” Que signifie cela ? La lumière en toi est la vie divine ; l’âme ressemble au paradis dans lequel croissent les fleurs des vertus et mûrissent les fruits des bonnes œuvres, où fleurit la vie intérieure. La troisième image est particulièrement profonde : “ Tu poses des fondements pour les races à venir “, tu travailles à la construction du royaume de Dieu. Chacun de nous est une pierre dans les murs de ce temple, mais mieux encore, chacun est, en même temps, une pierre d’attente sur laquelle s’appuiera une nouvelle construction. Pensons aux saints dont l’exemple continue l’action efficace à travers les siècles. Voulons-nous, nous aussi, être des constructeurs ? Notre travail de Carême peut être utile à un grand nombre. La dernière image nous conduit donc déjà dans le ciel. Nous autres chrétiens, nous sommes invincibles, nous n’avons rien à craindre, pourvu que nous évitions cette seule chose : le péché. Quand les Juifs entrèrent dans la terre promise, ils furent invincibles aussi longtemps qu’ils gardèrent la fidélité envers Dieu. Il en sera de même pour nous.

L’Évangile nous offre une grande consolation. L’image est saisissante. Les Apôtres rament. avec le vent contraire et ne peuvent avancer ; pendant ce temps, le Christ prie sur la montagne ; puis il vient, à la quatrième veille de la nuit, dans la barque ; la traversée devient alors facile jusqu’à la rive du lac. C’est l’image de notre vie. Nous ramons dans la barque de notre vie avec le vent contraire et, apparemment, nous n avançons pas. Nous nous plaignons : je ne fais pas de progrès. C’est la vérité, l’enfant de Dieu navigue toujours contre le vent. La chair, le monde, Satan unissent leurs forces contre nous. Et cependant là-haut, sur la montagne céleste, quelqu’un prie pour nous : le Christ, notre médiateur auprès du Père. Cette prière du Christ sur la montagne est aussi la prière du Christ mystique, de l’Église. Cela n’est pas encore tout ; à la quatrième veille de la nuit, le Christ vient lui-même dans la barque de notre vie ; à la messe, il est vraiment là, il vient en personne ; avec son secours, tout est facile. Avec son secours, nous accomplirons la difficile traversée du Carême et nous débarquerons heureusement sur la rive de fête de Pâques.

2. La messe (Au divit) ne forme pas, à proprement parler, une unité complète. Les anciens missels n’indiquent pas de messe pour aujourd’hui, parce que la vigile du premier dimanche de Carême était célébrée pendant toute la nuit suivante et que, par suite, il n’y avait pas de messe le matin du samedi. La messe d’aujourd’hui n’a pas de chants propres (ils sont empruntés à la messe d’hier). Les lectures semblent provenir d’une antique messe de vigile (elles traitent de la nuit et de la vigile). De même, l’église de station a changé bien des fois. L’église de Saint-Tryphon, citée dans le missel, n’existe plus depuis le XVIIIe siècle ; son héritage a été recueilli par l’église de Saint-Augustin, qui se trouve dans le voisinage de l’église de station. On y transporta aussi les reliques de saint Tryphon martyr (v. 10 novembre). Dans la chapelle à gauche du chœur, reposent les reliques de sainte Monique, qui y furent amenées d’Ostie. C’est donc un temple vénérable. L’Évangile raconte à la fin que la foule pressait Jésus et qu’on touchait ses vêtements pour être guéri. On rapporte volontiers ce passage aux miracles accomplis par le contact des reliques des saints martyrs.

3. Prière des Heures. — Saint Bède le Vénérable donne une belle explication de notre Évangile : “ La peine qu’ont les disciples à ramer et le vent contraire signifient les nombreuses peines de la Sainte Église ; au milieu de la tempête déchaînée, elle fait tous ses efforts pour arriver au repos de la céleste patrie dans un havre sûr. C’est pourquoi il est dit justement que le bateau se trouvait au milieu de la mer, mais qu’il (le Seigneur) était seul sur la terre ; car parfois l’Église est l’objet, de la part des incrédules, de telles tribulations, qui non seulement la saisissent, mais encore la souillent, que, s’il était possible, on pourrait croire que son Sauveur l’a entièrement abandonnée. C’est pourquoi, au milieu des vagues du monde hostile et des tentations de l’enfer qui l’assaillent, elle crie d’une voix suppliante : “ Pourquoi, Seigneur, demeures-tu si loin, pourquoi caches-tu ta face dans le temps de détresse ? ” (Ps. 9.)

Ici, l’Église nous indique comment nous devons réciter les psaumes de prières)... Cependant il n’oublie pas la prière des pauvres et ne détourne pas son visage de ceux qui espèrent en lui. Au contraire, il fortifie ceux qui combattent contre l’ennemi et il couronne les vainqueurs éternellement. C’est pourquoi il est écrit qu’il les vit, alors qu’ils faisaient effort avec leurs rames. Oui, le Seigneur voit ceux qui luttent sur la mer, bien qu’il soit lui-même sur le rivage. Quand bien même il semblerait retarder quelque temps son secours, il les fortifie cependant en considération de sa bonté, pour qu’ils ne se découragent pas dans leurs tribulations. “

4. La valeur du jeûne. — Le jeûne est-il véritablement quelque chose de si précieux ? Toutes les fois que je réfléchis à la valeur d’un exercice religieux, je considère la vie terrestre du Sauveur. Il est la norme de notre vie et il a vécu parmi les hommes afin de nous enseigner ce que doit être notre vie intérieure et extérieure. Le Christ a lui-même beaucoup jeûné et, dans son enseignement, il a donné une grande valeur au jeûne. Rappelons seulement son jeûne de quarante jours au début de son ministère public. (Au commencement du Carême, l’Église veut, une fois encore, graver ce souvenir profondément dans notre cœur ; notre jeûne doit donc se faire à l’imitation du Christ et en union avec lui).

Songeons à la réponse mystérieuse, mais significative, du Seigneur. Lorsque les disciples virent qu’ils ne pouvaient guérir l’enfant possédé et en demandèrent la raison : “ Pourquoi ne pouvons-nous pas chasser le démon ? “ Jésus leur répondit : “ Cette espèce ne peut être chassée que par la prière et le jeûne” (Marc IX, 29) Cette parole du Seigneur m’a toujours beaucoup impressionné. La prière et le jeûne sont donc des moyens extraordinaires, disons même des moyens violents, qui réussissent quand les moyens ordinaires échouent, surtout contre l’enfer.

Songeons à une autre parole de Jésus. Quand les disciples de Jean firent au Seigneur ce reproche : “ Pourquoi tes disciples ne jeûnent-ils pas ? ” il répondit : “ Les amis de l’Époux peuvent-ils jeûner tant que l’Époux est parmi eux ? Tant qu’ils ont l’Époux avec eux, ils ne peuvent pas jeûner. Des jours viendront, certes, où l’Époux leur sera enlevé. Alors, dans ces jours, ils jeûneront “ (Luc V, 35). Cette parole aussi est très significative. La venue du Christ parmi les hommes était une fête de noces, le jeûne alors n’était pas de saison. Les jours qui suivent le départ de l’Époux, sont, d’après la volonté du Christ, des jours de jeûne. Ainsi donc le jeûne du vendredi, le jeûne de la Semaine Sainte est un jeûne voulu par le Christ.

Citons encore une troisième parole du Christ, qui éclaire le jeûne sous un autre aspect. Le Seigneur caractérise, un jour, le Baptiste et lui-même par ces mots : “ Jean est venu, il ne mangeait pas et il ne buvait pas, et on disait : il est possédé. Le Fils de l’Homme vient, il boit et mange, et on dit : voici un viveur et un buveur. “ C’est encore là une parole importante. Jean est un homme mortifié, un ascète, qui jeûne toute sa vie. Il n’en est pas de même du Christ ; sa manière de vivre ne vise pas exclusivement aux privations et à la mortification, mais à la jouissance ordonnée de la vie. Nous apprenons donc, encore, du Sauveur que le jeûne n’est qu’une exception et ne doit pas être la règle dans la vie chrétienne.

Pour compléter le tableau, rappelons encore le Sermon sur la Montagne, dans lequel Jésus parle des trois exercices importants de la piété : de la prière, du jeûne et de l’aumône. Il les recommande, mais il nous met en garde contre les déformations pharisaïques.

Si donc nous voulons tirer, des enseignements de Jésus, les points principaux concernant le jeûne, ce sont les suivants : 1. Le jeûne est un moyen particulièrement puissant contre les influences de l’enfer (d’où le jeûne du Carême) ; 2. Le jeûne doit être pratiqué en mémoire de la mort du Christ (vendredi, Semaine Sainte) ; 3. C’est une exception dans la vie chrétienne et non un exercice régulier ; 4. Cependant, en tant qu’exercice de piété, il mérite de prendre place à côté de la prière et de l’aumône.

Et maintenant, demandons-nous comment l’ancienne Église a pratiqué le jeûne. J’ai devant les yeux un écrit vénérable du premier siècle du christianisme : la Doctrine des douze Apôtres ou Didaché. Il y est question du jeûne : “ Vous jeûnerez le mercredi et le vendredi “, à la différence des Juifs qui “ jeûnent le lundi et le jeudi “. On lit plus loin : “ Avant le baptême, celui qui baptise et celui qui va être baptisé jeûnent, ainsi que quelques autres, s’ils le peuvent ; ordonne à celui qui va être baptisé de jeûner un ou deux jours avant. “ Nous apprenons ainsi, d’une manière très précise, que, environ 90 ans après le Christ, le jeûne était pratiqué dans l’Église dans toute son extension. Remarquons que le jeûne n’était pas, comme pour nous, l’abstinence de viande ou un unique repas complet, mais qu’on l’entendait comme une abstinence complète de nourriture.

Je pourrais maintenant citer les Pères de l’Église. Il n’en est pas un seul qui n’ait recommandé fortement le jeûne. Dans le bréviaire, nous lisons, par exemple, un sermon de saint Basile (+379). Il parcourt toute l’histoire sainte et nous montre comment le jeûne a produit de grandes actions, alors que l’intempérance a causé de grands malheurs.

Si nous voulons enfin interroger les textes liturgiques au sujet du jeûne, nous ne pourrons trouver que des éloges. Mais l’éloge le plus beau et le plus concis est celui que contient la Préface du Carême. Ce ne sont que trois phrases, mais des phrases pleines de sens : “ Par le jeûne corporel, tu réprimes les vices, tu élèves l’esprit ; tu confères la vertu et les récompenses. “ Il y a dans ces paroles toute une philosophie du jeûne.

LA PREMIÈRE SEMAINE DE CARÊME

1. Veille du dimanche. — Avec les premières vêpres, qu’à partir d’aujourd’hui on célèbre avant le repas de midi, nous entrons dans le Carême complet. Les Vêpres, sans doute, n’ont pas, comme en Avent, des antiennes propres, mais elles ont un capitule propre et l’hymne est celle de l’ordinaire du Carême. Les Vêpres nous font déjà entendre tous les thèmes du premier dimanche du Carême. Le capitule annonce que le temps de grâce a commencé. L’antienne de Magnificat nous fait entendre, de la bouche de notre Mère l’Église, une parole consolante :

Alors tu appelleras et le Seigneur t’exaucera, tu crieras et il te répondra : me voici. ”

2. Après les quatre jours de préparation, l’Église commence, avec le premier dimanche, le Carême (Quadragesima) proprement dit. La messe du dimanche est l’introduction solennelle dans le saint temps, dont elle nous donne en même temps le programme. Les deux premières semaines mettent en lumière ces pensées : le combat du Christ conduit 3 la victoire ; de même, notre combat de Carême nous conduira 3 la gloire pascale. Dans la semaine qui commence, l’Église célèbre aussi la vénérable solennité des Quatre-Temps. Les trois messes (mercredi, vendredi et samedi) sont antiques et toutes remplies de pensées du Carême : par le combat de Carême, nous marchons vers la gloire pascale.

1er DIMANCHE

Index

DE CARÊME

STATION A SAINT-JEAN DE LATRAN

Suivons le Christ dans sa mortification et ses combats.

1. Premières impressions. — Le dimanche de la Septuagésime, nous nous rendions au tombeau de saint Laurent ; le dimanche de la Sexagésime, à celui de saint Paul ; et le dimanche de la Quinquagésime, à celui de saint Pierre. Aujourd’hui, la liturgie nous conduit dans le sanctuaire du “ Saint Sauveur “, dans la première église de la chrétienté romaine. Cela nous indique, déjà, que ce jour est d’une grande importance. Il est très important, en effet. C’est dans l’église du Baptiste, l’homme du désert, que nous accompagnons le Seigneur au désert pour son jeûne de quarante jours. C’est dans cette église baptismale, que nous reviendrons, dans quarante jours, célébrer, dans la nuit pascale, le mystère de la Résurrection. Nous venons y demander, aujourd’hui, la grâce pour le temps de la préparation. L’église de station est donc le cadre qui convient pour célébrer aujourd’hui le commencement du Carême.

La liturgie de ce jour est très ancienne. Nous ne trouvons qu’un petit nombre de ces messes antiques et classiques, dans le missel. L’Église nous propose aujourd’hui trois choses : 1. L’invitation au Carême et le programme de ce saint temps ; 2. Un modèle, et 3. Un chant de combat.

a) L’invitation a un ton très solennel. Je la compare il, celle du premier dimanche de l’Avent. L’Église considérait tout le cycle de Noël comme un seul jour, dont l’aurore est le premier dimanche de l’Avent, alors que le jour de Noël en est le lever du soleil et l’Épiphanie, le plein midi. Il y a quelque chose de semblable dans le cycle pascal. Tout ce temps est “le jour du salut ” qui se lève aujourd’hui. A Pâques, le soleil monte il, l’horizon et, il, la Pentecôte, il est il, son zénith. L’Église nous rappelle notre devoir de “ ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu “). Maintenant, le programme de Carême. Il est vrai que nous avons déjà dit bien des choses, pendant l’avant-Carême, sur notre travail de Carême : l’invitation à se rendre dans la vigne, à prendre part il, la lutte ; la préparation du sol pour recevoir la semence ; la primauté de la charité. Aujourd’hui, l’Église nous donne de nouveau un programme de Carême :Ce qui est encore plus important que le jeûne, la prière et l’aumône, c’est une bonne vie chrétienne qui surmonte toutes les difficultés. L’Église formule ce programme dans l’antienne de Magnificat : “ Voici le temps de grâce, voici les jours du salut ; dans ces jours, montrons-nous les serviteurs de Dieu dans beaucoup de patience, dans le jeûne, dans la vigilance, dans la charité non feinte. “ Le travail principal, c’est une vie chrétienne véritable, une vie sanctifiée, un cœur purifié du péché et de l’amour-propre. — Saint Paul nous expose d’une manière merveilleuse sa propre vie chrétienne et nous la propose en exemple : “ traités d’imposteurs et pourtant véridiques ; d’inconnus et pourtant bien connus ; regardés comme mourants bien que nous vivions, comme châtiés et nous ne sommes pas mis à mort, comme attristés nous qui sommes toujours joyeux, comme pauvres nous qui enrichissons plusieurs, comme dépourvus de tout nous qui possédons tout. “ C’est là le sort du chrétien dans sa pauvreté extérieure et sa richesse intérieure. C’est ce double état que doit nous faire acquérir le Carême, le dépouillement (par le jeûne) et la possession de tout (nous serons d’autant plus riches dans notre âme).

b) L’Évangile nous montre le Christ sous un double aspect : le Christ mortifié et le Christ combattant. Nous suivons maintenant le Christ mortifié, dans le désert du renoncement, pour y jeûner quarante jours avec lui. Son jeûne sanctifie le nôtre, parce que nous jeûnons en union avec lui et participons à son propre jeûne. Cette pensée doit nous rendre le Carême plus vénérable ; les membres sont unis à leur Chef. Le jeûne du Christ appartient à son œuvre rédemptrice ; de même, notre jeûne de quarante jours contribue à édifier le royaume de Dieu sur la terre. C’est peut-être le temps le plus important de toute l’année. Ainsi donc, le Chef et les membres entrent dans la grande période de la pénitence. — Le Seigneur nous précède aussi comme combattant. Nous voyons le divin héros remporter la victoire dans trois passes d’armes. Les deux princes sont en face l’un de l’autre, le prince du monde et le prince du royaume de Dieu. lis se mesurent dans le combat. Le prince de ce monde fait avancer toute son armée : le monde avec toutes ses pompes, l’enfer, le moi avec ses désirs insatiables. Le Christ est vainqueur. Le champ de bataille où nous entrons n’est pas loin de nous, il est dans notre âme ; l’homme inférieur y lutte contre l’homme supérieur. Mais le Christ, qui est en nous, doit vaincre. C’est là, pour nous, une force et une consolation. Nous ne sommes pas seuls au combat : le Chef et les membres combattent, le Chef et les membres doivent remporter la victoire. Ainsi l’Évangile nous mène à l’école de combat du Christ ; aujourd’hui, nous ne sommes encore que des recrues ; à Pâques, nous devons être des vainqueurs.

Autrefois, nous nous sommes peut-être représenté notre travail de Carême comme une œuvre purement personnelle et nous l’avons accompli sans tenir compte de la grande communauté. Aujourd’hui, nous apprenons et nous comprenons, d’une manière toujours plus profonde, que nous devons accomplir ce travail comme membres de l’Église et membres du Christ. L’oraison nous dit, d’une manière caractéristique, que Dieu, “ par l’exercice du jeûne de quarante jours, purifie son Église ”. Tout péché que nous commettons souille aussi l’Église, toute vertu qui orne notre âme ajoute une parure à la robe de l’Église. Disons plus. L’Église est le Christ mystique dont nous sommes les membres. Nous devons ressembler en tout au Christ, ici-bas dans l’humiliation, là-haut dans la gloire. Le travail du Carême nous rend semblables au Christ.

c) Nous comprendrons mieux maintenant le troisième morceau liturgique, le psaume directeur du jour, le psaume 90. C’est notre char de combat pendant tout le temps de Carême. Le psaume décrit le champ de bataille horrible ; des milliers tombent à droite et à gauche, les flèches sifflent ; il faut marcher sur des aspics et des dragons. Néanmoins, la troupe des héros ne craint rien : elle est enveloppée des ailes de Dieu et les anges la gardent sur son chemin. Son épée est la confiance en Dieu.

Voici le texte du psaume :

Celui qui se tient sous la protection du Très-Haut, qui habite sous la garde du Roi du ciel,

Il peut dire au Seigneur : “ Tu es mon refuge et ma forteresse, mon Dieu, en toi je me confie. ”

Car c’est lui qui te délivre des filets de l’oiseleur et de la peste funeste.

Il te couvrira de ses ailes et, sous ses plumes, tu trouveras un refuge ;

Sa fidélité est un bouclier et une cuirasse.

Tu n’auras à craindre ni les terreurs de la nuit, ni la flèche qui vole pendant le jour, ni la peste qui se glisse dans les ténèbres, ni l’attaque du démon en plein midi.

Que mille tombent à ton côté et dix mille à ta droite, tu ne seras pas atteint.

Mais de tes yeux tu regarderas et tu verras la rétribution des méchants.

Tu es mon refuge, ô Dieu “ ;

Oui, tu as fait du Très-Haut ton refuge.

Aucun malheur ne t’atteindra, aucun fléau n’approchera de ta tente,

Car il ordonnera pour toi à ses anges de te garder dans toutes tes voies.

Ils te porteront dans leurs mains, pour que tu ne heurtes pas ton pied à la pierre.

Tu marcheras sur l’aspic et le basilic et tu fouleras aux pieds les lions et les dragons.

Puisqu’il a espéré en moi, je le délivrerai, je le protégerai, car il honore mon nom ;

Il m’invoquera et je l’exaucerai, je serai avec lui dans la détresse,

Je le délivrerai et le glorifierai, je le rassasierai de longs jours et je lui ferai voir mon salut. “

Ce que l’on chante ici déborde de cœur et de sens. Entrons donc avec courage dans le combat. L’Église nous donne t’arme la plus puissante ; c’est le “ Saint Sauveur “ lui-même, dans l’église duquel nous nous trouvons. Nous nous y sentons sous sa protection. Le divin Maître de maison se tient à la porte et nous parle ainsi : “ Il m’invoquera et je le délivrerai et je le glorifierai, je le rassasierai de longs jours “ (Introït). Quand, aujourd’hui, à l’Offertoire et à la Communion, nous nous approchons de l’autel (l’autel est le Christ), nous sentons bien que, dans le Saint-Sacrifice, le Christ est notre bouclier protecteur, l’aile qui nous couvre.

2. La messe (Invocabit). — La messe a la simplicité d’un monument classique. A l’Introït, le Christ nous accueille comme ses compagnons de combat et nous adresse cette parole de consolation : Après le combat de Carême viendra la “ gloire” du Baptême et le “ rassasiement de la vie éternelle “. L’oraison nous dit que Dieu, par le jeûne de quarante jours, “ purifie “ son Église. C’est donc la grande purification du temple de Dieu. Elle nomme en même temps deux moyens de purification : l’abstinence et la pratique des bonnes œuvres. L’Épître est l’invitation solennelle de l’Église, ainsi que son programme pour le temps qui commence. Aujourd’hui, l’Église prend les candidats au baptême sous son aile tutélaire. Alors même que tout l’enfer est déchaîné contre eux, ils sont protégés ; l’armée céleste les accompagne. Au Trait, nous chantons presque en entier le psaume 9° comme introduction à l’Évangile. Dans les deux processions eucharistiques (l’Offertoire et la Communion), nous entrons dans le combat héroïque du Christ, protégés par les ailes et le bouclier de Dieu, c’est-à-dire l’Eucharistie.

3. La prière des Heures. — La prière des Heures d’aujourd’hui nous apparaît comme un monument d’antiquité. Peu de jours présentent une pareille unité et une telle beauté classique. Les leçons du premier nocturne nous annoncent le programme du Carême, c’est l’Épître, plus développée ; au second nocturne, nous entendons un beau sermon de Carême du pape saint Léon 1er. Au troisième nocturne, c’est saint Grégoire-le-Grand qui est notre docteur ; il nous donne une explication édifiante de l’Évangile. Saint Paul, saint Léon, saint Grégoire, trois voix qui nous viennent de Rome ! Les répons qui suivent les neuf leçons sont riches de pensées et de sentiments ; ils chantent le caractère sérieux de la pénitence et disent notre travail de Carême.

Voici quelques-uns de ces répons :

Corrigeons-nos fautes commises dans l’ignorance, de peur que, surpris soudain par le jour de la mort, nous cherchions le temps de la pénitence, sans pouvoir le trouver.

Fais attention à nous, Seigneur, et aie pitié, car nous avons péché contre toi.

Aide-nous, Ô Dieu, toi notre salut ; à cause de ton nom, délivre-nous Seigneur. “

 

Déchirez vos cœurs et non vos vêtements et convertissez-vous au Seigneur votre Dieu,

Car il est bon et miséricordieux.

Que le pécheur abandonne sa voie de péché, et l’injuste ses mauvais desseins ; qu’il se convertisse au Seigneur et Dieu sera bienveillant pour lui,

Car il est bon et miséricordieux. “

LUNDI DE LA PREMIÈRE SEMAINE DE CARÊME

STATION A SAINT PIERRE ÈS LIENS

Le Bon Pasteur dans le temps de Carême.

Au début de chaque nouvelle période, l’Église nous donne une messe du Bon Pasteur (Cf. le deuxième dimanche après Pâques, le mardi de la Pentecôte, le troisième dimanche après la Pentecôte). Dans chaque temps liturgique, le Christ se manifeste comme Bon Pasteur et il le fait toujours d’une manière différente. L’image du Bon Pasteur est une image qu’aimait l’Église primitive ; des murs des catacombes ou de la couronne d’abside des basiliques, elle s’inclinait doucement vers les fidèles.

1. Le catéchuménat. — L’office d’aujourd’hui est l’ouverture du cours d’instruction des catéchumènes (je comparerais volontiers cet office à la messe du Saint-Esprit, à la rentrée des classes). Les candidats au baptême paraissent, pour la première fois, devant le Seigneur. Quels grands yeux ils doivent ouvrir et comme ils doivent regarder l’image du Bon Pasteur qui les reçoit aujourd’hui dans sa bergerie ! Ils ne peuvent encore se dire ses brebis, mais, avec la timidité des esclaves, ils lèvent les yeux vers le Christ, leur protecteur (Introït et Graduel). Comme nous comprenons l’oraison quand elle demande : “ Convertis-nous et remplis notre cœur des enseignements célestes. “

Il faut remarquer aussi l’alternance dramatique des personnes qui parlent. A l’Introït, les catéchumènes parlent comme des esclaves ; dans la leçon, le Christ leur parle comme Pasteur : “ Je m’occuperai moi-même de mes brebis. “ Il les tire du paganisme et les conduit dans les grasses prairies d’Israël (de l’Église). Au Graduel, les catéchumènes parlent encore comme des esclaves, mais il semble qu’ils aient déjà moins de timidité. A l’Évangile, le Christ parle encore comme Pasteur. Plein d’amour, il invite ses brebis élues à entrer dans son royaume céleste sur la terre. “ Venez les bénis de mon Père. “ Même au Saint-Sacrifice proprement dit, où ne sont présents que les fidèles, le drame se continue. A l’Offertoire, ce sont les brebis qui parlent ; à la Communion, le Bon Pasteur les invite de nouveau. Célébrons donc la messe d’aujourd’hui avec des cœurs de catéchumènes.

2. La station. — A Saint-Pierre-les-liens. L’église, dans laquelle nous nous réunissons aujourd’hui en esprit, est un des 25 anciens titres qui furent fondés au quatrième siècle. Dans cette église, il y avait, dès la fin du IVe siècle, un sanctuaire spécial consacré au souvenir de la captivité de saint Pierre à Jérusalem ; depuis le Ve siècle, on y conserve une chaîne de fer avec laquelle saint Pierre avait été enchaîné. Le 1er août est le jour anniversaire de la consécration de cette église, d’où la fête de Saint Pierre-les-liens. L’église de station semble avoir influé sur le texte de la messe : Pierre est le premier vicaire du Bon Pasteur (Leçon et Évangile). On lit dans l’Évangile : “ J’étais en prison “, et l’oraison sur le peuple demande C( la délivrance des chaînes du péché “.

3. La messe (Sicut oculi) ; Introït. — Sous l’impression des chaînes de saint Pierre, les catéchumènes (et nous aussi) paraissent devant le Christ comme des esclaves enchaînés ; ils lèvent les yeux vers lui, pour qu’il étende la main pour le pardon, qu’il ait pitié d’eux et leur accorde la grâce du baptême (c’est un véritable Introït). Dans l’oraison, nous demandons la “ conversion “ — cette grâce est demandée pour les catéchumènes, les pénitents et les fidèles — : “ que le jeûne de quarante jours favorise notre progrès. “ La leçon et l’Évangile se correspondent parfaitement. Ces deux textes envisagent d’abord les catéchumènes, mais ils pensent aussi aux fidèles : le Bon Pasteur qui cherche ceux qui sont dispersés (Baptême), les conduit “ dans les grasses prairies sur les monts d’Israël (l’Église) et les nourrit” (Eucharistie). En même temps, le Bon Pasteur développe son programme de Carême : “ Ce qui était perdu, je le rechercherai ; ce qui était dispersé, je le ramènerai (catéchumènes) ; ce qui était brisé, je le panserai (les pénitents) ; ce qui était faible, je le fortifierai ; ce qui était fort, je le conserverai (les fidèles). Ces paroles contiennent tout le travail de renouvellement de l’Église dans le temps de Carême. Le Graduel — “ Notre protecteur, regarde vers nous” — se rattache très bien à la leçon. Le Bon Pasteur est vraiment le protecteur de ses brebis. L’Évangile nous montre l’image du Bon Pasteur au moment de la parousie. Nous en retirerons trois enseignements importants : 1. La charité envers le prochain est la mesure du jugement. Nous nous rappelons que l’Église, le dimanche de la Quinquagésime, nous a indiqué (Épître) la charité comme le but de notre travail de Carême. 2. Nous devons voir, en tout, le Christ. L’Église nous donne le Christ, l’autel est le Christ ; à l’Evangile, parle et paraît le Christ ; le prochain est le Christ. Ce n’est que lorsque nous aurons bien compris cela que nous pénétrerons le vrai sens de la liturgie. A l’Offertoire, nous réalisons la parole du Christ : nos dons aux pauvres sont reçus par le Christ. Aussi, regardons docilement vers le Christ pour comprendre ses commandements, et, tout d’abord, son commandement principal : la charité. La communion, elle aussi, est un de ces chants classiques que nous n’entendrons parfaitement que s’ils sont chantés pendant qu’on distribue la sainte Eucharistie.

4. Le psaume 3 — Confiance en Dieu. — Bien que, dans le missel actuel, le psaume III ne paraisse plus, il est cependant supposé dans toute son extension.

Ce psaume es t attribué par la tradition au chantre royal, David. Nous ferons bien de nous rallier à l’opinion générale et d’admettre que ce chant doit son origine à la fuite du roi David devant son fils rebelle, Absalon. A la nouvelle du soulèvement, David s’enfuit, avec l’armée relativement peu nombreuse de ses fidèles, par delà le mont des Oliviers. Là, sur le mont des Oliviers, malgré le grand danger, il s’arrêta pour se reposer. Il se leva le lendemain avec un grand sang-froid. C’est à ce moment que ses pensées de la nuit durent prendre la forme d’un chant et ce chant c’est notre psaume 3. C’est un spectacle sublime de voir un homme, au moment où tout semble crouler devant lui, diriger, avec confiance et calme, ses pensées vers Dieu et trouver, dans cette méditation, la tranquillité de l’âme et la paix du cœur. Le chantre royal décrit magistralement ce qui se passe en lui. Les sentiments de son âme se développent graduellement. Chaque phase de ces sentiments s’explique dans une strophe. On peut, sans faire violence au psaume, le diviser en quatre strophes égales :

Seigneur, qu’ils sont nombreux ceux qui m’oppriment, quelle multitude s’est élevée contre moi !

Nombreux sont ceux qui disent à mon sujet :

Plus de salut pour lui auprès de son Dieu. “

 

Mais toi, Seigneur, tu es mon bouclier, tu es ma gloire et tu relèves ma tête.

A haute voix, je crie vers le Seigneur et déjà il m’exauce de sa sainte montagne.

 

Je me suis couché et me suis endormi et je me suis levé, car le Seigneur me protégeait ;

Je ne crains pas devant le peuple innombrable qui m’assiège de toute part.

 

Seigneur, lève-toi ; sauve-moi, mon Dieu, car tu as frappé tous ceux qui étaient injustement mes adversaires, tu brises les dents des méchants.

Au Seigneur, le salut ; que sur ton peuple soit ta bénédiction !

5. La prière des Heures. -Toute la journée, nous restons sous l’impression des pensées de l’Évangile. Le soleil levant nous montre aujourd’hui le juge éternel : “ Venez, les bénis de mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé avant la constitution du monde “ (Ant. de Benedictus). Au coucher du soleil, nous entendons de nouveau la voix du souverain juge : “ Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait” (Ant. Magnificat). Chantons encore un chant de pénitence :

Dans le jeûne et les larmes les prêtres prieront : Épargne, Seigneur, épargne ton peuple et n’abandonne pas ton héritage à la ruine. Entre le vestibule et l’autel les prêtres pleureront et diront : Epargne, Seigneur, épargne ton peuple et n’abandonne pas ton héritage à la ruine. ”

MARDI DE LA PREMIÈRE SEMAINE DE CARÊME

STATION A SAINT-ANASTASIE

Les voies de Dieu et les voies des hommes.

1. Premières impressions. — Les messes de Carême ne sont pas d’une même coulée et n’appartiennent pas à la même époque. Les plus anciennes sont, sans doute celles des trois “ feriae legitimae ” du lundi, du mercredi et du vendredi. Ces messes envisagent presque toujours les catéchumènes. Les messes des mardi, jeudi et samedi sont d’une époque postérieure et ont un caractère plus doctrinal. On y remarque plusieurs thèmes : le thème de la Passion, le thème de la pénitence, le thème de la vie chrétienne. Cela s’applique à la messe d’aujourd’hui. La pensée que l’Église veut nous proposer aujourd’hui est, sans doute, l’efficacité de la grâce. Dieu nous offre la grâce, nous devons l’utiliser ; il y a pourtant des époques où la grâce agit plus fortement qu’à d’autres moments. C’est comme dans la nature : on ne peut pas semer tous les jours et on ne peut pas moissonner tous les jours : le printemps convient aux semailles et l’automne à la récolte. Or il s’agit, pour nous de préparer le terrain et de le rendre apte à recevoir la semence (cf. Sexagésime). La messe d’aujourd’hui part de cette pensée. L’ordre des idées est sans doute celui-ci : Utilisez le temps de Carême, pénitents et fidèles, car Dieu est maintenant disposé à donner sa grâce. Et la grâce agit soit par la sanctification, soit par l’endurcissement ; elle ne revient jamais sans effet. L’efficacité de la grâce nous apparaît d’une manière sensible dans l’Évangile. La venue du Christ à Jérusalem était aussi un temps de grâce. Pour les uns, ce fut une bénédiction ; pour les autres, ce fut la perdition. Les Pharisiens décidèrent sa mort, les aveugles et les paralytiques se groupèrent autour de lui et crièrent : Hosannah. En outre, le Seigneur chasse les vendeurs du temple et, d’une caverne de voleurs, il fait une maison de prière. Ce que la leçon nous exprime d’une manière doctrinale et l’Évangile, d’une manière imagée, doit trouver, dans l’Eucharistie du Carême, sa réalisation par la grâce. Le temps de Carême est un temps de grâce, dans lequel Dieu “ est tout prêt à pardonner “). L’Eucharistie est la pluie de grâce qui, dans ce saint temps, tombe abondamment du ciel. Maintenant, le Christ entre dans la ville pour mourir ; maintenant, il purifie son temple, l’Église ; il faut que ce soit une maison de prière, un lieu de sacrifice. Nous, les enfants et les aveugles, nous nous groupons autour du Seigneur et nous crions avec enthousiasme : Hosannah !

2. Le thème de la station. — La station est à Sainte-Anastasie. Au sujet de cette sainte de station dont on fait mémoire le 25 décembre, le martyrologe nous dit : “ Elle subit de la part de son mari, Publius, des traitements durs et cruels, mais elle fut maintes fois consolée et encouragée par saint Chrysogone. Enfin, on l’attacha, pieds et mains liés, à un pieu et on alluma du feu autour. C’est ainsi qu’elle mourut de la mort du martyre. “ L’église de station est un des plus anciens titres (Ive siècle) et c’est le seul qui se trouve au milieu de l’antique Rome païenne, là où les grands monuments du forum dominent tout. Devant l’église, s’étend une grande place, où se tenaient deux marchés ; c’est là, aussi que se trouvaient les boutiques des changeurs. La procession traversait cette place pour se rendre à l’église de station. C’est, sans doute, cette circonstance qui a déterminé le choix de l’Évangile du nettoyage du temple, peut-être aussi celui de la leçon des voies de Dieu et des voies des hommes.

3. La messe (Domine refugium). — La messe commence par un véritable Introït : le psaume 89 chante les aspirations de l’homme non racheté. L’homme marqué de la croix de cendres s’adresse au Dieu éternel et implore ardemment la lumière du jour de Pâques (il convient de réciter le psaume entier). La réponse à l’introït est la leçon de notre prédicateur de Carême, Isaïe : “ Cherchez le Seigneur tant qu’on peut le trouver ; que l’impie abandonne sa voie, car le Seigneur est tout prêt à pardonner. “ Le Père miséricordieux attend, les bras ouverts, prêt à nous donner le baiser de paix et de réconciliation. Il ne s’agit pas d’une faible exhortation de la grâce ; non, son attrait est puissant ; elle ne vient pas en vain du ciel. La merveilleuse mélodie du Graduel peint réellement la montée des nuages d’encens et l’élévation des mains suppliantes. A l’Évangile, nous voyons clairement apparaître les voies de Dieu et les voies des hommes : le Christ — les profanateurs du temple ; les enfants qui chantent — les Juifs qui murmurent. A l’Offertoire, nous mettons nos voies, “ mon sort ”, dans les mains de Dieu, afin qu’elles soient illuminées par le rayonnement de la face divine (le Christ sur l’autel), qu’elles soient élevées et deviennent des voies de Dieu. La Communion (qui était d’abord tout le psaume 4) décrit, en traits accusés, la transformation de nos voies et ce qui les distingue des actions et des pensées des enfants des hommes. C’est là, en effet, le but du Carême : faire, de nos voies humaines pécheresses, des voies droites, des voies divines.

4. Dans la prière des Heures, nous pensons, le matin et le soir, au nettoyage du temple. Cela nous montre que l’Église tient, par-dessus tout, à la sainteté de la maison de Dieu, mais aussi à celle des âmes.

Jésus entra dans le temple de Dieu et il chassa les vendeurs et les acheteurs ; il renversa les tables des changeurs et les chaises des marchands de colombes” (Ant. Benedictus).

Il est écrit : ma maison est une maison de prière pour tous les peuples, mais vous en avez fait une caverne de voleurs ; et il enseignait tous les jours dans le temple” (Ant. Magnificat).

Que l’impie abandonne sa voie, l’injuste ses desseins, qu’il revienne au Seigneur qui aura pitié de lui.

Car le Seigneur notre Dieu est bon et miséricordieux et très prêt à pardonner.

Le Seigneur ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et vive” (Rép.).

5. Le psaume 4. — Prière nocturne. Le psaume 4 est une prière remplie de sentiments profonds. De l’avis des exégètes, il faut l’attribuer au roi David. Le contenu suppose encore une grave situation dans la vie du roi. Le peuple d’Israël a pris parti pour son fils rebelle, Absalon. On en veut à la vie du roi. Il a fui de la ville sainte. Dans la plaine de Jéricho, aura lieu la rencontre entre le père et le fils. Mais David ne se décourage pas et ne perd pas l’espoir. Il exprime son assurance, sa confiance inébranlable en Dieu, dans un cantique. Ce chant apaise la douleur de son âme. Mais pour nous, c’est une magnifique méditation, dont le thème est à peu près le suivant : Quelle est l’attitude du fidèle dans la détresse : envers Dieu, envers ses ennemis, envers ses amis ? Les trois parties, dans lesquelles se divise logiquement ce psaume, peuvent être considérées comme trois strophes. De ces trois strophes, la seconde et la troisième sont sensiblement égales, la première est nettement plus courte. On peut y voir surtout un prélude.

Quand je t’invoque, exauce-moi, Dieu de ma justice, j’étais opprimé et tu m’as mis au large.

Aie pitié de moi et entends ma prière.

Vous tous, fils des hommes, jusque à quand aurez-vous le cœur endurci, jusque à quand aimerez-vous la vanité et rechercherez-vous le mensonge ?

Sachez que le Seigneur s’est choisi un homme pieux ; le Seigneur m’exauce quand je l’invoque.

Irritez-vous, mais ne péchez point ; les projets que vous formez dans votre cœur, regrettez-les sur votre couche.

Offrez des sacrifices de justice et espérez dans le Seigneur.

Beaucoup disent :. Qui nous fera voir le bonheur ? “

La lumière de ta face brille sur nous, Seigneur, et tu m’as mis la joie dans le cœur, plus qu’au temps où abondent le froment, le vin et l’huile.

En paix je me coucherai et je m’endormirai aussitôt,

Car toi, mon Dieu, toi seul, tu me fais habiter en sécurité.

QUATRE-TEMPS DE CARÊME

Les Quatre-Temps de Carême sont les plus récents dans les quatre séries de Quatre-Temps et n’ont pas la même importance que les trois autres. En effet, tout le Carême” est consacré au renouvellement intérieur. Les trois jours, mercredi, vendredi et samedi, sont au service de la préparation quadragésimale : ce sont des jours de pénitence dans un temps de pénitence. Le mercredi est le jour consacré à Marie, dans la semaine des Quatre-Temps, c’est le jour de l’esprit intérieur et du recueillement. Le vendredi est un jour de pénitence. Le samedi (autrefois, c’était la nuit du samedi au dimanche) est la fête d’action de grâces et de renouvellement de l’alliance.

MERCREDI DES QUATRETEMPS

STATION A SAINTE-MARIE MAJEURE

Morse et Elie jeûnent.

1. Prédicateurs de carême. — Nous voyons devant nous, aujourd’hui, quatre prédicateurs de carême ; le Christ, la Sainte Vierge, Moïse et Élie. Ils nous disent comment nous devons observer le Carême. Dimanche dernier, nous avons vu comment le Christ jeûna pendant quarante jours et fut ensuite tenté par le diable. Le jeûne et la tentation sont en étroite relation. Le jeûne fut la préparation au combat contre le prince de ce monde. Aujourd’hui, le Seigneur nous parle de l’entrée du diable dans la demeure de l’âme. Le Christ nous enseigne l’importance du jeûne dans le combat contre le démon, dans le combat contre notre nature inférieure. “ Par le jeûne corporel, tu réprimes les vices, “ dit la Préface du Carême. Il faut sans cesse répéter que c’est là le travail principal du carême. Tous les autres exercices seront sans valeur si nous ne triomphons pas du diable. Marie, qui est le coryphée dans le sacrifice d’aujourd’hui, nous prêche la soumission à la volonté de Dieu. L’Évangile nous présente Marie dans une situation subordonnée. Le Christ laisse de côté sa Mère ; son regard embrasse ses disciples, il les appelle sa mère et ses frères, s’ils “ accomplissent la volonté de son Père céleste. ” C’est Marie qui nous précède, à l’Offertoire, et qui chante ces paroles : “ Je veux méditer sur tes commandements, je les aime extrêmement. ” — Moïse nous apprend à utiliser le jeûne de quarante jours comme un temps d’union avec Dieu et de prière. La prière et le jeûne se complètent mutuellement. Si nous voulons nous entretenir avec Dieu, il faut imposer silence à la chair, au monde, à la nature. Le Christ ne nous dit-il pas : “ Cette espèce (de mauvais Esprits) ne peut être chassée que par la prière et le jeûne ” Élie jeûne dans son voyage à travers le désert et, fortifié par la nourriture céleste, il marche, pendant quarante jours, jusqu’au mont Horeb, la montagne de Dieu. — Ainsi, chacun des quatre prédicateurs de Carême nous fait voir ce temps de grâces sous un aspect différent : le jeûne dans le combat contre le diable, le jeûne dans l’accomplissement des commandements, le jeûne et la prière, le jeûne sur le rude chemin de la vie.

Considérons encore que la messe d’aujourd’hui est le point de jonction qui relie les trois premiers dimanches de Carême. Le premier dimanche, nous voyons le Christ jeûner pendant quarante jours ; aujourd’hui, on nous raconte la même chose de Moïse et d’Élie. Le dimanche suivant, nous voyons le Christ, Moïse et Élie r’ ; ;unis au “moment de la Transfiguration. La liturgie veut nous dire par là : la Loi, les Prophètes et l’Évangile nous enseignent cette grande vérité : La voie qui mène à la Transfiguration (à la fête de Pâques) passe par les quarante jours de jeûne.

2. L’église de station : Sainte-Marie Majeure. — Le mercredi des quatre semaines de Quatre-Temps, l’office de station se célèbre, depuis l’antiquité, dans la plus grande église romaine de Marie. Cette basilique est du IVe siècle, elle fut reconstruite sous le pape Sixte III (431-440) et, à l’occasion de la définition du concile d’Éphèse qui proclamait la véritable maternité divine de Marie, elle fut dédiée à la Sainte Vierge. Il est probable que, dans la seconde moitié du Ive siècle, la solennité des Quatre-Temps fut réorganisée et qu’on choisit dès lors, pour l’office de station, les trois plus grandes églises romaines (Sainte-Marie Majeure, les Saints-Apôtres, Saint-Pierre). Nous nous rendons donc aujourd’hui dans la plus grande et la plus vénérable église mariale du monde. On ne peut pas nier qu’il y ait une relation entre la messe et l’église de station, dans l’apparition de Marie dans l’Évangile. Elle se présente comme le type de l’Église. L’Église, en tant que mère de ceux qui font la volonté du Père céleste, est aussi la mère du Christ.

3. Le thème des catéchumènes. — L’avant-messe doit donner aux catéchumènes eux-mêmes un pressentiment de la voie qu’il leur faudra suivre. S’ils peuvent déjà voir, dans la montée de Moïse et d’Élie sur la montagne sainte après quarante jours de jeûne, une image de leur baptême, l’Évangile parle, d’une. manière toute spéciale, de leur élection. Le peuple élu des Juifs est rejeté. Par contre, les païens sont appelés. Ce n’est plus la descendance charnelle qui est décisive, mais l’esprit intérieur de l’homme : “ celui qui fait la volonté de mon Père. “ C’est là la résolution des catéchumènes : ils veulent faire la volonté du Père. Ils veulent briser avec ce qu’ils ont aimé jusqu’ici, ils veulent vivre une nouvelle vie. C’est ainsi qu’ils trouvent le Christ, deviennent ses frères et ses sœurs et sont, en lui, frères et sœurs entre eux. Ils entrent ainsi dans la famille divine, dans laquelle se trouvent les trésors de la grâce et du salut. “ Les habitants de Ninive (les païens) se lèveront au jugement contre cette génération (contre le peuple élu d’Israël) et la condamneront. “ Les païens, les catéchumènes sont donc le peuple élu, le peuple de la grâce, les héritiers de la bénédiction. Mais l’allusion au sort du peuple d’Israël est, en même temps, pour les catéchumènes, un sérieux avertissement. Ils doivent se rendre dignes de leur vocation par une fidélité complète.

4. Le thème de la Passion. — Les deux antiennes du lever et du coucher du soleil nous parlent de Jonas. “ De même que Jonas a été trois jours et trois nuits dans le ventre du poisson, de même le Fils de l’Homme sera dans le sein de la terre ” (Ant. Magnificat). “Le signe de Jonas est la figure de la mort du Christ ” (Saint Ambroise dans le bréviaire d’aujourd’hui).

Nous chantons de nouveau un des beaux répons :

Romps ton pain à ceux qui ont faim,

Les indigents et les abandonnés, conduis-les dans ta maison.

Alors la lumière se lèvera comme l’éclat du matin.

Et ta justice marchera devant ta face.

Quand tu verras un homme nu,

Revêts-le

Et ne méprise pas ta chair. “

5. Psaume 5. — Le fidèle se rend le matin à l’église. — De l’auteur de ce psaume nous ne savons rien. Cependant la situation du cantique est claire pour nous. Nous l’attribuons à un homme (prêtre ou lévite) qui, de grand matin, monte au temple pour le sacrifice et la prière. En s’y rendant, il récite cette prière du matin. Cette situation peut très bien s’appliquer à la vie de prière du chrétien et nous pouvons intituler ce cantique : “Le fidèle se rend le matin à l’église. ” Le psaume contient plusieurs pensées qui conviennent parfaitement à une prière du commencement du jour. Le psaume nous paraît divisé en cinq strophes, qui, même extérieurement, sont construites de la même manière. Seulement la première strophe est un peu plus longue et semble vouloir donner le mouvement.

Seigneur, prête l’oreille à mes paroles et entends mes soupirs.

Sois attentif à mes supplications, mon Roi et mon Dieu.

Dès le matin je crie vers toi,

Ecoute mes cris, Seigneur ;

Dès le matin je me tiens devant toi et j’attends.

 

Tu n’es pas un Dieu qui prenne plaisir au mal,

Aucun méchant ne peut habiter avec toi, les insensés ne subsistent pas devant tes yeux.

Tu hais tous les artisans d’iniquité, tu fais périr les menteurs.

Les hommes de sang et de fraude sont en horreur devant toi, Seigneur.

 

Pour moi, je me réjouis de ta grande miséricorde,

J’ai droit d’entrer dans ta maison, de me prosterner avec crainte dans ton sanctuaire ;

Seigneur, conduis-moi dans ta justice, et aplanis la voie sous mes pas.

Il n’y a point de vérité dans leur bouche, leur cœur est plein de malice, leur gosier est un sépulcre ouvert, Ils font leur langue caressante ;

Châtie-les, ô Dieu,

Qu’ils soient renversés dans leurs intrigues ; à cause de leur grande méchanceté, rejette-les de toi, car ils sont en révolte contre toi, Seigneur.

 

Mais que se réjouissent tous ceux qui se confient en toi ; qu’ils soient dans une perpétuelle allégresse, tu les protèges.

Ils se glorifient en toi, ceux qui aiment ton nom, car tu bénis le juste.

Et semblable à un bouclier, Seigneur, ta grâce nous couvre.

JEUDI DE LA PREMIÈRE SEMAINE DE CARÊME

STATION A SAINT LAURENT IN PANEPERNA

La Chananéenne est “image des pénitents.

1. Les prédicateurs de pénitence. — Les messes du jeudi constituent, dans la liturgie du Carême, un type tout spécial ; ce sont nettement des messes de pénitence et elles envisagent les pénitents (Au VIIIe siècle, époque où elles apparurent, la discipline pénitentielle était fortement organisée et dominait tout le Carême). L’Évangile nous offre une image touchante des pénitents. Pendant que les “ enfants” (les fidèles), à l’église, mangent le pain eucharistique, les “ petits chiens “, les pénitents, se tiennent dehors, devant la porte de l’église, et ils attendent que tombent quelques miettes de la table du Seigneur.

Nous nous revêtons de l’habit des pénitents et nous prenons place parmi eux, devant la porte de l’église. Trois prédicateurs de pénitence nous adressent la parole : Saint Laurent, Ézéchiel et la Chananéenne. Saint Laurent est notre coryphée et le saint de station. Nous le voyons sur son gril ardent. Il supporte ses tourments avec joie et va même jusqu’a railler ses bourreaux. Et il nous dit : Votre gril, c’est la vie avec ses ennuis, ses sacrifices et ses difficultés. Demeurez sur ce gril. Dominez votre vie. Soyez contents, soyez même joyeux dans vos difficultés. Cela aussi est une pénitence efficace. C’est ce que disait l’Apôtre, dimanche dernier, dans son Épître programme : Montrons-nous des serviteurs de Dieu dans toutes les situations de la vie. — Ézéchiel, le Prophète et le prédicateur de pénitence, parle aussi à notre conscience : Ne rejetez pas votre faute sur d’autres, mais considérez-vous comme responsables de vos manquements. C’est une faiblesse humaine, depuis Adam, de s’excuser aux dépens d’autrui. Adam rejeta sa faute sur sa femme et celle-ci en rendit responsable le serpent. Il est certain que Dieu tiendra compte de toutes les circonstances atténuantes, mais vous-mêmes, soyez pour vous un juge sévère, sans ménagement. Être sévère pour soi-même, indulgent pour les autres, que ce soit votre principe ! — La Chananéenne est une figure favorite de la liturgie ; l’Église en a fait le type des pénitents. Que nous prêche-t-elle ? La persévérance dans la prière et la pénitence humble. Elle ne se décourage pas, même quand le Seigneur ne la regarde pas et ne daigne pas lui adresser la parole. Cette persévérance est déjà une grande preuve d’humilité. Comment reçoit-elle l’humiliation ? Le Seigneur la compare aux chiens. Elle accepte la comparaison et en fait un motif de sa prière : Oui, je suis un petit chien et je me contente des miettes qui tombent de la table des enfants. Elle a supporté victorieusement l’épreuve : celui qui s’abaisse sera élevé. Pénitence humble. Par là, nous atteignons la racine de tout notre malheur ; nous combattons notre susceptibilité, notre amour de l’honneur, notre orgueil.

Les deux antiennes du lever et du coucher du soleil chantent le commencement et la fin de la scène évangélique : “ Voici qu’une Chananéenne vint de cette région et cria : Aie pitié de moi, Fils de David “ (Ant. Benedictus) ; “ Ô femme, grande est ta foi, qu’il te soit fait comme tu veux “ (Ant. Magnificat). L’Église veut nous enseigner par là, que, pendant toute la journée, notre âme doit être la Chananéenne, le matin, avec sa grande détresse, le soir, avec sa foi forte. Aujourd’hui, la prière des Heures nous offre un répons propre, d’une grande beauté, qui se rattache à notre Évangile (c’est un cas très rare en Carême).

Je serais inconsolable si je ne connaissais pas tes miséricordes, Seigneur ; tu as dit : je ne veux pas la mort du pécheur mais qu’il se convertisse et qu’il vive.

Toi qui as appelé la Chananéenne et le publicain à la pénitence,

Selon la multitude de mes douleurs dans mon cœur, tes consolations ont réjoui mon âme. ”

2. Thème de la station — Station à Saint Laurent in Panepema. D’après la tradition, c’est à cet endroit que Saint Laurent fut torturé sur le gril ; la crypte est honorée comme le lieu du martyre du saint. C’est dans cette église, depuis l’introduction de l’office de station le jeudi (sous Grégoire II, fin du VIIe siècle), que se célèbre la messe d’aujourd’hui. La station a exercé son influence sur le texte de la messe. L’Introït chante la mort glorieuse du martyr (à sa fête, le 10 août, c’est le même introït). En, outre, l’église de station était célèbre à cause de sa beauté. L’introït est donc comme un cri d’étonnement des fidèles qui entrent. “ Confessio ”, ce mot, dans l’antiquité, avait un sens plus plein (déclaration, profession de foi). Le psaume, dans son entier, chante la grandeur de Dieu. On aimait beaucoup célébrer la grandeur de Dieu dans ses saints. Le Graduel, lui aussi, présente la pensée de notre saint de station. Dans le psaume 16, se trouve le verset qu’on mettait sur les lèvres du saint pendant son martyre : “ Tu as éprouvé mon cœur, Seigneur, et tu l’as visité pendant la nuit. Tu m’as purifié par le feu et il ne s’est pas trouvé de péché en moi.” A l’offrande, nous entrons avec saint Laurent dans le sacrifice du Christ. L’antienne de l’Offertoire fait allusion au saint (d’après les Actes des martyrs, un ange le consola sur le gril et essuya sa sueur). Saint Laurent était déjà un prédicateur de carême, en tant que combattant et travailleur dans la vigne du Seigneur. Tous les jours, nous demandons, dans l’action de grâces après la messe, “ d’éteindre les flammes des passions comme le bienheureux Laurent surmonta les flammes du feu ”. Il doit donc être pour nous un modèle et un patron dans le temps de pénitence et de Carême. Quand nous sommes sur le gril de la tentation, soyons fermes et persévérants.

3. L’Eucharistie. — Aujourd’hui jeudi, l’Eglise pense au pain divin de l’Eucharistie. Cette pensée se poursuit à travers toute la messe. Déjà, quand la Chananéenne parle des miettes qui tombent de la table des enfants, nous pensons au pain des enfants de Dieu. Nous sommes si heureux, dans ce temps de carême, de recevoir, en mangeant ce pain, une vie divine renouvelée” alors que les pénitents sont exclus de la table sainte ! Comme les pénitents devaient quitter l’église après l’Évangile, les fidèles pensaient encore davantage, à l’Offertoire, au pain divin ; c’est pourquoi ils chantent l’ancien psaume de communion avec le refrain connu : “ Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux. ” A l’antienne de communion, ils chantent : “ Le pain que je donnerai est ma chair pour la vie du monde ”. Dans l’oraison sur le peuple, le prêtre demande “ que nous aimions les dons célestes que nous recevons si souvent ”.

VENDREDI DES QUATRE-TEMPS

STATION AUX SAINTS APOTRES

Voici que tu es guéri ; ne pèche plus.

Le Christ est le “ guérisseur ” des catéchumènes, des pénitents et des fidèles. Nous ressemblons au paralytique et nous sommes guéris dans la piscine de l’Église (Baptême et Eucharistie).

1. Thème de station. — Comme on l’a déjà dit pendant l’Avent, l’office de station, chaque vendredi des Quatre-temps, a lieu, depuis l’antiquité, dans la basilique des douze Apôtres. Grisar présume que cette église était l’église pénitentielle de Rome, c’est-à-dire l’église de réconciliation. En tout cas, ce qui est frappant, c’est qu’à chaque vendredi de Quatre-temps on y récite un Évangile qui est nettement un Évangile de pénitence et que, le jeudi de Pâques, où l’on se rend à la même station, l’Évangile est celui de Madeleine la pécheresse.

L’Église nous prêche, aujourd’hui, de bien des façons, la pénitence. Les douze Apôtres, qui se tiennent devant nous, sont aussi des prédicateurs de la pénitence, surtout les deux premiers : Pierre, sur les joues duquel coulent encore les larmes de repentir par suite de son reniement, et Paul, qui est pour nous un modèle de la fidélité dans la conversion. C’est là aussi que reposent les ossements des deux Apôtres Jacques et Philippe. Jacques le Mineur fut un homme de prière et de jeûne. — En pratique, nous pouvons faire, de chaque vendredi de Quatre-temps, un jour de pénitence pour les fautes du trimestre écoulé. Autour de l’église, il y avait des portiques et des piscines. C’est peut-être ce qui a déterminé le choix de l’Évangile du malade couché depuis trente-huit ans. Comme, dans l’antiquité, les Romains aimaient faire revivre le souvenir des lieux célèbres de Jérusalem, il n’est pas impossible que l’une de ces piscines ait porté le nom de Béthesda. Ranke fait remarquer que notre vendredi “ est exactement le 38e jour avant Pâques “. On aurait ainsi comparé “les souffrances du malade avec le temps de tristesse du Carême, et sa guérison avec le jour de joie de la Résurrection du Seigneur. “

2. Le thème des pénitents et des catéchumènes. — Il est difficile, aujourd’hui, de dire auquel de ces deux groupes s’adresse surtout l’Église : aux pénitents ou aux catéchumènes. Cependant, le thème de la pénitence est souligné plus fortement par les Quatre-temps. Le Prophète Ézéchiel nous fait entendre une prédication pénétrante de pénitence ; il emploie des paroles de consolation et d’avertissement : Dieu est miséricordieux ; Dieu est juste. Dieu ne fait pas acception de personne ; quand on se repent de ses péchés ; il n’y pense plus ; mais quand le juste abandonne obstinément la voie droite, il perd la vie divine et est rejeté. L’Évangile nous dévoile une action dramatique très consolante. Le monde est une maison de malades, où gît l’humanité accablée sous le poids du péché originel et des nombreux péchés personnels. La piscine miraculeuse est l’Église avec ses sources intarissables du baptême et de l’Eucharistie, qui jaillissent de la Croix du Christ. Le Christ, le divin médecin, vient visiter les malades privés de secours et qui aspirent à la délivrance. Il s’avance à travers les galeries et il trouve un malade. Ce malade c’est chacun de nous ; il lui demande : veux-tu être guéri ? Le Christ, dans le baptême, nous a donné la vie divine, et il la renouvelle sans cesse dans son Église. Pendant le carême, nous venons encore vers l’Église, implorant la délivrance et la guérison de nos faiblesses. Le Seigneur nous rencontre et nous adresse cet avertissement : “ Te voilà guéri, ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire. “ Dans la source salutaire de l’Eucharistie, notre jeunesse de grâce trouve son renouvellement et sa fleur.

3. La messe (De necessitatibus). — L’Introït tire du psaume 24 de graves accents de pénitence : “ Regarde vers ma misère et ma souffrance, pardonne tous mes péchés. ” Nous entendons le malade (que nous sommes) crier vers le Seigneur. Dans la leçon, notre prédicateur de Carême, Ézéchiel, inscrit dans notre cœur deux paroles lapidaires, une parole de consolation et une parole d’avertissement : “ Dieu te pardonnera tous tes péchés si tu te convertis sérieusement ; Dieu rejette le juste, quand il se détourne du bien. “ Pas de certitude pharisaïque du salut, pas d’orgueil des mérites passés. Le graduel fait la liaison entre la leçon et l’Évangile : c’est une prière pour obtenir la guérison et la véritable vie. L’Évangile est le modèle classique d’une action dramatique, c’est un “ mystère “. Le malade, c’est chacun de nous : le sabbat de la guérison est le grand samedi de la nuit pascale que nous anticipons, aujourd’hui, au Saint-Sacrifice. Dans l’Évangile, nous comprenons clairement que les deux sacrements, le Baptême et l’Eucharistie, se complètent, que ce sont les deux sacrements de Pâques qui, d’un homme pécheur, font un homme nouveau exempt de péchés. Dans le Baptême, l’homme reçoit la grâce en germe ; dans l’Eucharistie, il la reçoit dans son achèvement. Que l’on approche des fonts baptismaux ou de la table sainte, c’est toujours la même grâce de Rédemption qui nous est accordée. Cette constatation est importante pour bien comprendre les messes de Carême. A l’Offertoire, nous remercions Dieu, avec émotion, de la grâce du Baptême et de la vocation. Dans le sacrifice, nous recevons, comme dans le Baptême, “ une jeunesse nouvelle et florissante “. Les versets, avec la répétition : “ Ta jeunesse se renouvellera semblable à l’aigle”, sont d’une grande beauté. A la Communion, retentit le psaume 6 qui est un psaume de pénitence, mais dont la tristesse s’éclaire de la conscience de la guérison et du pardon. Nous portons le Christ en nous ; il confondra, par sa présence, tous les ennemis du salut. C’est aussi l’impression du malade guéri que le psaume exprime parfaitement. “ Je suis malade, guéris-moi... je baignais ma couche de larmes... ”

4. La prière des Heures. — Saint Augustin essaie d’expliquer allégoriquement le nombre 38. Cette manière de faire paraît un peu recherchée aux modernes que nous sommes. Cependant, les pensées qu’il expose ont une grande importance pour nous : Il Le nombre 40 contient une certaine perfection... Les Saintes Écritures l’attestent souvent ; que le jeûne soit consacré par ce nombre, vous le savez bien (par conséquent, vers 400, le Carême de 40 jours existait déjà). Car Moïse a jeûné pendant quarante jours, et Élie autant de jours. De même, notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ a sanctifié ce nombre de jours de jeûne. Par Moïse est signifiée la Loi, par Élie sont signifiés les Prophètes, par le Seigneur est signifié l’Évangile. C’est pourquoi ils apparurent, tous les trois, sur la montagne où le Seigneur se montra dans l’éclat de son visage et de ses vêtements ; il apparut, en effet, entre Moïse et Élie, pour nous indiquer que l’Évangile reçoit le témoignage de la Loi et des Prophètes... C’est pourquoi nous célébrons, dans l’effort, cette quarantaine avant la fête de Pâques ; mais nous célébrerons avec joie, comme des gens qui ont reçu leur récompense, la cinquantaine qui précède la Pentecôte. “ Les deux antiennes du lever et du coucher du soleil songent, peut-être, au baptême (“ l’ange du Seigneur descendait et agitait l’eau ”) et à la Pénitence (“ celui qui m’a guéri m’a ordonné : prends ton lit et va en paix”).

Le temps du jeûne nous a ouvert les portes du paradis, recevons-le en priant et en suppliant,

Afin qu’au jour de la Résurrection nous puissions nous glorifier avec le Seigneur ;

Montrons-nous en tout des serviteurs de Dieu, dans une grande patience,

Afin qu’au jour de la Résurrection nous puissions nous glorifier avec le Seigneur, (Rép.).

5. Psaume 6. — Un cantique de pénitence. — Ce cantique, d’après le titre, a été composé par le roi David. Il se divise en trois strophes :

1. Demande de pardon (ne t’irrite pas, aie pitié, guéris-moi, je suis affligé).

2. Motif de la prière et image de la Passion (ma misère doit t’incliner à la pitié).

3. Confiance dans l’efficacité de la prière (certitude d’être exaucé).

 

Seigneur, ne me punis pas dans ton courroux et ne me châtie pas dans ta colère.

Aie pitié de moi, Seigneur, car je suis sans force ; guéris-moi, Seigneur, car mes os sont tremblants,

Mon âme est dans une affliction extrême ;

Mais toi, Seigneur, jusqu’à quand (tarderas-tu ?)

 

Seigneur, tourne-toi vers moi, délivre-moi, aide-moi dans ta miséricorde.

Dans la mort, personne ne pense plus à toi et, dans les enfers, qui pourrait te louer ?

Je suis épuisé à force de gémir et, chaque nuit, mes larmes baignent ma couche, mon lit est arrosé de mes pleurs.

Mon œil est consumé par le chagrin et j’ai vieilli parmi tous ceux qui me haïssent.

 

Eloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal, le Seigneur a entendu la voix de mes gémissements, le Seigneur a accueilli ma supplication.

Que mes ennemis soient confondus et saisis d’épouvante, qu’ils s’enfuient couverts de honte !

Le cardinal Faulhaber appelle les deux premières strophes un petit Miserere. Récitons ce psaume. Nous jetons un regard en arrière sur notre vie passée, nous y voyons péchés sur péchés ; nous regardons vers l’avenir, nous voyons devant nous le juge éternel : Mon Dieu, j’ai mérité le châtiment éternel, ne me damne pas dans ton courroux ; aie pitié de moi ; je suis une pauvre créature, guéris les plaies de mon âme ; mon corps et mon âme sont profondément ébranlés ; sauve mon âme. Que puis-je invoquer en ma faveur ? 1. Je ne puis pas faire appel à ta justice, non, je fais appel à ta miséricorde. 2. Le motif : si tu me repousses éternellement, je ne pourrai pas te louer dans l’enfer, je serai obligé de te haïr et tu veux être aimé ! (Nous pouvons donner à la conception juive de la mort une interprétation chrétienne). 3. Autre motif : c’est la profonde douleur de mon âme, la contrition : mes larmes baignent ma couche (quel beau passage !) Puis vient la transformation, l’allégement ; l’angoisse de l’âme a disparu ; péchés, éloignez-vous de moi — Dieu m’a pardonné ; il a accepté la douleur de mon âme ; loin de moi, ennemi mauvais, je ne veux rien avoir de commun avec toi : cette strophe exprime le bon propos sérieux et l’assurance du pardon.

SAMEDI DES QUATRE-TEMPS

STATION A SAINT PIERRE

Premiers rayons de la lumière de Pâques dans la nuit du Carême.

1. Solennité des Quatre-Temps. — Nous ne pouvons plus guère nous faire une idée de la solennité que l’ancienne Église donnait à la célébration des Quatre-temps. Les chrétiens se rassemblaient, après avoir jeûné toute la journée, le samedi soir. Ils passaient toute la nuit en prières, en lectures, en chants, près du tombeau de saint Pierre et célébraient de très bonne heure, le dimanche matin, la sainte Eucharistie. C’est pendant cette messe qu’on conférait les Ordres. L’Église brillamment éclairée au milieu de la nuit, le peuple réuni en grand nombre, tout le clergé groupé autour du pape, les chants célestes de la Schola, les nuages d’encens qui s’élevaient autour du tombeau de saint Pierre, tout cela faisait un cadre merveilleux à la fête des Quatre-Temps. Aujourd’hui, c’est le grand jour d’action de grâces pour les bienfaits du trimestre écoulé et, en même temps, un jour de renouvellement de l’alliance avec Dieu. Le pape saint Léon (+461) termine la plupart de ses homélies de Quatre-Temps par ces mots : “ Mercredi et vendredi, jeûnons ; samedi célébrons la vigile près de l’Apôtre saint Pierre. “ Nous savons aussi qu’en ce même jour il a fait une homélie sur l’Évangile de la Transfiguration. Ainsi donc, il y a au moins 1.500 ans que l’Église célèbre, en ce jour, notre messe, dans l’église de station de Saint-Pierre.

2. La messe (Intret). — La solennité d’aujourd’hui s’occupait moins, dans l’ancienne Église, des catéchumènes que de la communauté des chrétiens. L’Église voulait les fortifier de nouveau dans leur vocation à la grâce. Les chrétiens apportaient en ce jour leur offrande du Carême (la “ dîme” — Ire leçon). Les prières de la messe nous mènent de la nuit au matin radieux, de la nuit de la conscience du péché au clair soleil de la vie glorieuse, de la nuit du Carême au matin de Pâques, de la nuit de la vie terrestre au retour joyeux du Seigneur glorifié. La messe est une fête de Pâques anticipée (c’est sans doute une des plus belles de l’année). A l’Introït, nous touchons la corde la plus grave de notre harpe spirituelle : “ Intret “ (Introït). J’appelle, le jour ; je crie, la nuit. C’est la nuit dans nos dispositions intérieures et dans notre cœur, comme dans la réalité. Il faudrait réciter en entier le psaume 87 ; c’est un des plus sombres de tout le psautier. Les leçons qui suivent montrent déjà un beau progrès. D’abord, dans les deux premières leçons, c’est Dieu qui nous parle. Comme l’aigle entraîne ses petits vers le soleil, Dieu nous appelle vers lui dans les hauteurs ; dans les deux leçons qui viennent ensuite, nous lui répondons par deux prières faites de supplication profonde ; dans la cinquième leçon, brille l’aurore. L’Épître est une image idéale du vrai chrétien et, dans l’Évangile, brille le soleil divin, le Christ transfiguré.

Dans la première leçon, nous renouvelons l’alliance avec Dieu : “ Aujourd’hui, j’ai choisi le Seigneur pour qu’il soit mon Dieu — aujourd’hui, le Seigneur m’a choisi pour que je sois son peuple saint. “ (Cette leçon est pleine de sentiment). La seconde leçon est, elle aussi, très belle. Nous entendons les promesses de Dieu. Si nous lui sommes fidèles, nous serons invincibles : “ Tout le sol que foulent vos pieds sera vôtre. “ Si nous connaissions notre force ! Notre seul ennemi est le péché. La seconde oraison est une belle prière : elle demande que nous soyons humbles dans le bonheur et pleins d’assurance dans la souffrance. Aux deux promesses de Dieu correspondent deux leçons qui sont la réponse de l’Église. La troisième leçon est une offrande fervente de la communauté. C’est précisément là que nous voyons que la messe du samedi de Quatre-Temps est un sacrifice d’action de grâces pour le trimestre. La quatrième leçon est connue de tous ceux qui disent le bréviaire ; ils la récitent chaque samedi, aux Laudes, comme cantique. C’est une supplication ardente pour demander l’extension de l’Église ; c’est, en même temps, une prière de parousie : “ Montre-nous la lumière de tes miséricordes (par le jeûne, à la fête de Pâques)... Hâte le temps et souviens-toi de la fin (le temps de la nuit était rempli, pour l’ancienne Église, de la pensée de la parousie). Nous sommes encore dans la nuit, au “ sacrifice du soir “ (Graduel). Cependant, le jour commence à poindre. La quatrième leçon est comme la formule d’une bonne intention au commencement du jour : “ Préviens nos actions...” La cinquième leçon, avec l’hymne, est déjà une prière de Laudes. Les jeunes gens dans la fournaise étaient, pour l’ancienne Église, le symbole de la résurrection. Le temps des Laudes est venu, l’hymne est un cantique de résurrection. Il fait jour. Sixième leçon : saint Paul écrit à sa communauté de prédilection — l’Église nous donne un miroir du chrétien : ( Réjouissez-vous toujours, priez sans cesse, soyez reconnaissants en tout. “ On entend comme un Maranatha — l’appel ardent qui implore le retour du Seigneur. Le Trait : ce sont les Laudes de l’humanité. Et maintenant, voici que le soleil s’élève par-dessus les montagnes — le soleil eucharistique, le soleil de Pâques se lève. Une vision : Pâques et la parousie. Le Christ transfiguré renaît de nouveau et se tient devant la communauté qui l’attend. C’est le sens de l’Évangile de la Transfiguration. Travaillons sans relâche, “afin que l’esprit, l’âme et le corps se conservent irréprochables pour la venue de Notre Seigneur Jésus-Christ “. L’Évangile devient une réalité au Saint-Sacrifice, c’est un accomplissement anticipé de Pâques et de la parousie. Nous célébrons la messe au tombeau de saint Pierre. Il se tient au milieu de nous ; avec lui, nous assistons à la Transfiguration du Seigneur et nous disons comme lui : “Il fait bon ici 1” Saint Pierre a vu la nuit du Mont des Oliviers, mais il a vu aussi la nuit de la Transfiguration ; il a passé la nuit du repentir dans les larmes amères, mais il a eu sa transfiguration dans sa mort. Qu’il daigne prier pour nous, afin qu’après la nuit du carême nous puissions célébrer une fête pascale lumineuse, ici-bas et là-haut. A première vue, nous pourrions trouver étonnant, après cette ascension jusqu’aux hauteurs du Thabor, d’entendre résonner de nouveau les graves et sombres accents du psaume 87. Et pourtant, il y a là une pensée profonde. La vision de la Transfiguration n’avait d’autre but que de préparer les Apôtres à la Passion. Ils auraient dû suivre le Seigneur non seulement sur le Thabor, mais encore sur le Calvaire. La vision du Thabor n’était qu’une première lueur. Il doit en être de même pour nous. Nous aussi, nous montons maintenant au Calvaire dans le Saint-Sacrifice. Les dispositions, dans lesquelles nous a mis l’Introït, sont d’une importance capitale pour nous aider à mourir avec le Christ. La Communion parle du jugement prononcé sur les ennemis : c’est encore un prélude à la Passion. Pour nous, c’est un appel au secours, adressé à celui que nous portons en nous, afin qu’il daigne nous délivrer des ennemis du salut.

3. Au sujet de la construction interne du Carême. — L’Évangile de la Transfiguration nous paraît, au premier abord, ne pas convenir au temps du Carême. Pour ne pas tirer de conclusions erronées et ne pas introduire d’éléments étrangers dans la liturgie, recherchons les pensées des plus anciennes messes de Carême. Ce sont celles du premier dimanche de Carême, du mercredi et du samedi des Quatre-Temps. Ces trois jours nous donnent les grandes lignes de la pensée de l’Église primitive :

1. Dimanche de Carême. — Le Christ jeûne pendant quarante jours, il est tenté, il triomphe du diable, il est servi par les anges.

Mercredi des Quatre-Temps. — Moïse et Élie jeûnent pendant quarante jours sur la sainte montagne, dans le désert ; le premier reçoit la Loi, le second parvient à la montagne de Dieu.

Samedi des Quatre-Temps. — Le Christ, Moïse et Élie, sur la montagne de la Transfiguration.

Nous remarquons encore une liaison interne :

1. Dimanche de Carême. — Le Christ dit : “ Tu ne serviras que Dieu seul. ”

Mercredi des Quatre-temps. — “ Celui qui fait la volonté de mon Père est mon frère, ma sœur et ma mère. “

Samedi des Quatre-Temps. – “ Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis ma complaisance, écoutez-le. “

Que nous enseigne ce rapprochement ? Examinons quatre points :

a) Le Christ, Moïse et Élie jeûnent quarante jours.

b) Ce jeûne est la préparation à la tentation, aux relations avec Dieu, à la marche dans le désert.

c) Il y a une direction commune : servir Dieu.

d) Le but est la Transfiguration.

Nous avons donc, ici, une philosophie du jeûne. Le jeûne nous prépare efficacement aux difficultés de la vie chrétienne, qui est remplie de tentations, qui est une véritable marche dans le désert, mais aussi une vie d’intimité avec Dieu. Il nous prépare au service de Dieu et nous conduit au but suprême : la transfiguration glorieuse. C’est ce que nous dit la préface du Carême en termes d’une beauté classique : ( Par le jeûne corporel,. tu réprimes les vices ; tu élèves l’esprit, tu donnes la vertu et la récompense. “

4. Psaume 7 — Le juste juge. — Situation : David poursuivi par Saül ( ?) Plan : Le Psaume représente une séance de jugement dans toutes ses phases :

1. L’accusation : Aide-moi contre ceux qui me persécutent 2-3.

2. La preuve de l’innocence : Je suis innocent 4-6.

3. L’action judiciaire : Dans l’image du jugement universel 7-10.

4 Le jugement 11-14 :

a) concernant l’innocence 11-12,

b) avertissement aux méchants 13-14 (magnifique image du guerrier).

5. Exécution du châtiment 15-17 (en trois images).

Sentence finale : Remerciement 18.

Seigneur mon Dieu, je me réfugie auprès de toi : sauve-moi de tous mes ennemis et délivre-moi.

Autrement ils me déchireraient comme des lions et il n’y aurait pas de salut pour moi, pas de secours.

 

Seigneur mon Dieu, si j’ai fait cela, s’il y a de l’iniquité dans mes mains,

Si j’ai rendu le mal à ceux qui m’en faisaient, que je tombe impuissant devant mes ennemis, je le mérite.

Que l’ennemi me poursuive et m’atteigne, qu’il foule à terre ma vie, qu’il couche ma gloire dans la poussière.

 

Lève-toi, Seigneur, dans ta colère marche contre la fureur de mes ennemis.

Seigneur mon Dieu, lève-toi, selon le jugement que tu donnes toi-même, que l’assemblée des peuples t’environne, et au-dessus d’elle remonte dans les hauteurs,

Seigneur, juge les peuples.

Juge-moi, Seigneur, selon mon droit et mon innocence.

Anéantis la malice des méchants mais affermis le juste, toi, mon Dieu, qui sondes les reins et les cœurs.

 

Mon juste secours vient du Seigneur qui sauve les hommes au cœur droit.

Dieu est un juste juge, fort et patient et chaque jour sa colère peut s’enflammer.

Si vous ne vous convertissez, il brandira son glaive ; il bande son arc et le tient prêt à tirer ;

Il dirige déjà sur vous des traits meurtriers, ses flèches sont brûlantes.

 

Voici (le méchant) en travail d’iniquité ; il a conçu le malheur et il enfante le mensonge.

Il ouvre une fosse, il la creuse, il tombe dans l’abîme qu’il préparait ;

Le malheur retombe sur sa tête et son iniquité descend sur son front.

Je louerai le Seigneur pour son juste jugement, je chanterai le nom du Seigneur, le Très-Haut.

Tout le psaume est une image de la justice de Dieu ; v. 8 : le psalmiste fait appel à Dieu pour qu’il châtie les ennemis. Cette pensée est développée d’une manière grandiose qui rappelle le jugement universel. V. 13 : considérons les fortes images employées pour exprimer le châtiment du coupable, mais aussi la patience de Dieu. Ecce parturiit (l’impie, — auparavant, c’est Dieu qui était le sujet). V. 15. Remarquons le changement de sujet. Le châtiment est présenté en trois images : 1. L’image de la naissance : le méchant a conçu le malheur et il enfante le mensonge (la désillusion, le châtiment). 2. L’image de la chasse (on creuse des fosses recouvertes de branchages pour prendre les bêtes sauvages). 3. Image : la flèche de malheur que le méchant a lancée et qui revient contre lui-même.

LA SECONDE SEMAINE DE CARÊME

Le dimanche qui suit le samedi de Quatre-Temps était, dans l’antiquité, dépourvu de liturgie. Quand, plus tard, l’office nocturne fut renvoyé au samedi matin, on composa la messe du dimanche avec des textes de la semaine précédente (chants du mercredi, Évangile du samedi). Il ne nous est donc pas possible de chercher, dans la messe du dimanche, les pensées directrices pour la semaine qui vient. Au contraire, après le souvenir du Thabor du samedi des Quatre-temps, l’Église nous fait pénétrer plus profondément dans les pensées de la Passion. Dans les trois messes les plus antiques de la semaine qui va commencer (lundi, mercredi et vendredi), le thème de la Passion est fortement accentué. Cela confirme notre manière de voir au sujet de la Transfiguration. Les messes de cette semaine (à l’exception, peut-être, de mardi) sont d’une grande unité et d’une beauté classique.

Pensées principales des messes de la semaine. — Lundi : Le Christ se prépare à sa Passion (“ Je m’en vais. “ — “ Quand vous aurez élevé le Fils de l’Homme. ” — Daniel l’intercesseur). — Mercredi : L’Église (sous la figure de sainte Cécile) nous conduit au “ calice du Christ” -la prière d’intercession d’Esther (l’Église). — Vendredi.. Sous la figure de Joseph d’Égypte et celle des vignerons infidèles, l’Église nous montre la Passion. — Le Mardi nous montre le Christ comme docteur de l’abaissement et de l’humilité. — Le Jeudi et le Samedi appartiennent aux pénitents (paraboles du pauvre Lazare et de l’Enfant prodigue).

DEUXIÈME DIMANCHE

Index

DE CARÊME

STATION A SAINTE MARIE IN DOMNICA

La volonté de Dieu c’est que vous soyez saints.

Ce dimanche est la récapitulation de la cérémonie des Quatre-Temps. Notre Mère l’Église veut donner, à tous ceux qui n’ont pu célébrer l’antique et vénérable solennité des Quatre-Temps, l’occasion de le faire. En outre, ce dimanche doit nous apporter un nouvel encouragement dans le combat du Carême. Le Seigneur nous invite à le suivre dans la voie de la Passion, en nous montrant son but et le nôtre : la transfiguration pascale.

1. La Transfiguration. — Nous avons déjà vu que l’Évangile de la Transfiguration n’est pas seulement une image de la messe, mais encore une leçon pour nous. Il nous enseigne le but du travail de Carême. Le Christ mystique jeûne pendant quarante jours dans ses membres et puise, dans ce jeûne, la force de combattre victorieusement le diable. Il s’avance aussi, précisément par ce jeûne, vers la transfiguration. Les membres suivent, en tout, le Chef. Mais les Évangiles ne veulent pas seulement nous donner une instruction, ce sont des actions dramatiques, des “ mystères “, qui symbolisent ce qui se réalise par la grâce au Saint-Sacrifice. Que se passe-t-il ? A la messe, le Christ se rend présent. Celui qui se rend présent, c’est le Christ glorifié qui “ est assis à la droite du Père “. Il est vrai que nous ne le voyons qu’avec les yeux de la foi. A la messe, paraissent également Moïse et Élie ; la Loi et les Prophètes attestent que le sacrifice de la messe est l’accomplissement de ce qu’ils ont préfiguré et prédit. A la messe, nous n’entendons pas seulement Moïse et Élie parler de la mort du Seigneur, nous savons que celui-ci est présent. Quant à nous, nous nous tenons sur la montagne mystique, comme saint Pierre, et nous disons : Seigneur, il est bon d’être ici. Ce n’est pas assez de dire que nous sommes témoins de la Transfiguration, nous y prenons part par la communion. L’Eucharistie est, pour nous, le grand moyen d’arriver à la transfiguration de notre âme. Par l’Eucharistie, nous bâtissons cette tente, ou plutôt ce temple de l’éternité où nous serons réunis avec le Christ, Moïse et Élie, pour être heureux à jamais.

2. La messe (Reminiscere). — La messe est de date récente ; c’est pourquoi l’église de station, Sainte-Marie in Domnica, est, elle aussi, assez récente. C’est l’église d’une ancienne “ diaconie ”. Ces diaconies étaient des maisons de pauvres, auprès desquelles s’élevait toujours une église. Nous nous rendons donc, aujourd’hui, auprès de la Mère de Dieu, dans laquelle se reflète, avec le plus de splendeur, l’éclat de la Transfiguration du Christ. Cette messe présente, dans sa composition actuelle, trois ordres de pensées : un De profundis ému (depuis l’Introït jusqu’à l’oraison), une voix d’en haut qui appelle vers les hauteurs (Épître et Évangile) et une suite joyeuse (Offertoire et Communion).

a) Un De profundis. Dans les trois premières pièces de la messe, l’introït, l’oraison et le graduel, se manifeste fortement la conscience du péché. L’ennemi du genre humain règne dans notre nature inférieure. La détresse spirituelle qui vient du péché est grande, grand aussi le besoin de Rédemption. Avec ce sentiment profond de pénitence s’harmonisent parfaitement les prières graduelles, avec le confiteor que nous devons méditer, précisément dans ce temps de Carême. Le confiteor est récité aussi par les pénitents. La supplication ardente du Kyrie rentre également dans cet ordre de pensée. L’oraison contient les mêmes prières et les mêmes émotions profondes. Nous sommes dépourvus de force. La conscience de notre faiblesse est la condition préalable de toute amélioration. Nous devons faire front de deux côtés ou, plutôt, il faut que Dieu nous protège de deux côtés : à l’intérieur et à l’extérieur. Nous avons un ennemi à l’intérieur de la forteresse du cœur (le moi) ; nous avons des ennemis autour de cette forteresse (le diable, le monde). L’ennemi que nous portons dans notre cœur est particulièrement terrible. A cette chaîne de pensées s’ajoute, comme dernier anneau, le Graduel, qui décrit avec émotion la misère du pécheur : “ Les tribulations de mon cœur se sont étendues ; arrache-moi, Seigneur, de ma détresse. Contemple ma misère et mes peines et pardonne-moi tous mes péchés. “

b) A ce De profundis répond une voix claire qui vient du ciel : dans Epître et dans l’Évangile. Epître est tirée de la belle lettre aux Thessaloniciens. Les Thessaloniciens étaient une des communautés préférées de saint Paul ; la lettre est écrite avec un véritable amour maternel. Mais aujourd’hui, c’est notre Mère l’Église qui nous parle avec le même amour. Elle nous recommande et nous demande de mener une vie agréable à Dieu et de faire, de plus en plus, des progrès dans la vertu et la perfection. Elle nous dit une parole qui, pendant toute la semaine, doit retentir dans notre cœur : La volonté de Dieu, c’est que vous soyez saints. C’est là le but de la Rédemption, c’est la tâche de l’Église. Le Baptême, l’Eucharistie, la Confirmation, tous les moyens de salut tendent à ce but : nous rendre saints. Que veut dire cela : être saint ? Cela veut dire posséder la filiation divine, participer à la vie divine du Christ, passer de la grâce à la transfiguration. Nous sommes devenus saints par le Baptême, nous renouvelons sans cesse notre sainteté par l’Eucharistie. La sainteté est, en premier lieu, l’affaire de Dieu ; lui seul peut nous rendre et nous conserver saints. Mais, nous-mêmes, nous devons lui aplanir les voies. L’Épître nous indique deux de ces voies : la pureté et l’équité. L’âme que Dieu veut sanctifier doit être pure et chaste dans sa vie ; l’impureté détruit la sainteté. Mais Dieu demande aussi la justice et la vérité dans nos relations mutuelles. C’est encore un programme de réforme que l’Église nous présente. Cet avertissement de l’Église produit dans notre âme un double sentiment. D’abord, une nouvelle plainte (Graduel). Ah ! que je suis donc loin encore de l’idéal de l’Église ! Contemple, Seigneur, ma misère et ma peine. Cependant, nous triomphons de ce retour vers les profondeurs et nous louons Dieu, car il nous donne la grâce de remonter et d’atteindre à la sainteté. C’est pourquoi (dans le Trait) on entend ce joyeux cantique de louange : “ Heureux ceux qui observent son commandement et pratiquent la justice en tout temps ! “ Nous ne pouvons parvenir à la sainteté que par un seul, celui que nous attendons à Pâques, Jésus-Christ. C’est pourquoi le Trait conclut par cette prière : Visite-nous dans ta grâce. La réponse nous est donnée dans l’Évangile de la Transfiguration. Dans l’Évangile, le Christ veut nous dire : je vous conduirai à la sainteté et à la gloire que vous montre ma Transfiguration. Tel est le sens de l’Évangile.

c) Devant cet appel du ciel, pouvons-nous rester sourds ? L’Église a fait comme l’aigle qui entraîne ses petits vers le soleil. Que répondrons-nous à ces avances ? Un joyeux oui. A l’Offertoire, portons à l’autel notre obéissance et notre amour des commandements de Dieu : “ J’élève mes mains vers tes commandements que j’aime ardemment. ” Au Saint-Sacrifice, le Seigneur transfiguré paraît au milieu de nous ; dans la Communion, il s’unit à notre âme et la pénètre des rayons de sa gloire et de sa sainteté. Il est “ mon Roi et mon Dieu. ” L’Eucharistie nous donne, aussi, la force et la grâce de faire ce qui dépend de nous pour arriver à la sainteté et à la gloire, c’est-à-dire de “ servir Dieu dignement par une conduite qui lui plaise. ”

3. Lecture d’Écriture. — Pendant le Carême, le bréviaire, dans sa rédaction actuelle, ne contient pas, à part le dimanche, de lecture d’Écriture. Dans l’antiquité, on lisait, chaque jour, avec un grand zèle, les livres de Moïse. Nous n’en lisons plus que des fragments, le dimanche. Dans ces lectures, l’Église poursuit un but particulier. A partir de la Septuagésime, elle nous présente, chaque dimanche, un des grands Patriarches : Adam (Septuagésime), Noé (Sexagésime), Abraham (Quinquagésime), Jacob (2e dimanche de Carême), Joseph (3e dimanche de Carême), Moïse (4e dimanche de Carême). C’est Jacob que nous voyons paraître aujourd’hui. L’histoire sainte nous apprend comment, sur le conseil de sa mère Rébecca, il trompa son vieux père, Isaac, en se faisant passer pour son fils premier-né, Ésaü, et en captant ainsi la bénédiction de l’aîné (Gen. XXVII, 1-26). Nous ne rapporterons pas ici cette histoire, elle est trop connue. Nous en donnerons cependant une brève explication. Il faut distinguer, ici, deux choses : les desseins divins et l’action humaine. Il est certain que Dieu avait décidé que Jacob serait l’ancêtre du peuple élu et, par suite, du Messie. Ésaü, par sa conduite indigne, avait perdu ses droits à la bénédiction messianique. Cependant, la ruse, dont se servirent Rébecca et Jacob pour tromper Isaac, est blâmable. Dieu n’a pas besoin, pour exécuter ses desseins, des ruses et des mensonges des hommes. Cette faute fut cause, pour Jacob, de nombreux embarras ; il fallut que Dieu le purifiât par de nombreuses peines. Après être passé par le creuset de la souffrance, il nous apparaît, à la fin de sa vie, comme un noble et saint vieillard. Pour les Pères de l’Église, Jacob est le symbole du Christ : “ la peau de chevreau signifie les péchés ; quand Jacob couvre ses membres de cette peau, il annonce celui qui a porté non pas ses péchés, mais les péchés des autres. ”

4. A travers le jour. — L’image de la Transfiguration, selon l’esprit de l’Église, nous accompagne toute la journée et nous devons participer à cette transfiguration. A Laudes, l’Heure du lever du soleil, nous gravissons la sainte montagne comme disciples du Seigneur et nous assistons à sa Transfiguration. Les trois Heures suivantes veulent fixer ce moment sacré, elles nous font dire avec Pierre : Il est bon d’être ici ; bâtissons-y trois tentes. Nous sommes donc, de Prime à Sexte, tout pénétrés de la vision du Seigneur dans sa gloire. Ce n’est qu’avec le coucher du soleil que nous descendons de la montagne de la Transfiguration et que nous chantons, à None et à Vêpres, la parole du Seigneur que nous avons déjà chantée, hier, à Vêpres : “ Ne parlez à personne de la vision que vous avez vue, avant que le Fils de l’Homme ne soit ressuscité d’entre les morts. “ Que signifie cette parole mystérieuse dans notre bouche ? Est-ce une allusion à la fête de Pâques qui approche ? La liturgie veut-elle caractériser le dimanche comme un jour consacré à la Résurrection ? Le dimanche de la Transfiguration est-il une anticipation de la Résurrection du Seigneur ?

5. La Préface du Carême :

Car par le jeûne corporel

tu réprimes les vices,

tu élèves l’esprit

tu accordes la vertu

et les récompenses. ”

Voilà ce que nous chantons dans la Préface que l’Église nous fait réciter, tous les jours, depuis le mercredi des Cendres jusqu’au dimanche de la Passion. Dans ces quelques mots est renfermée toute la sagesse de l’Église au sujet de la valeur du jeûne.

Parlant par parabole, Saint Paul dit quelque part : “ Ce que l’homme sème, il le récoltera. Celui qui sème sur le champ de la chair récoltera sur le champ de la chair, il récoltera la chair périssable. Mais celui qui sème sur le champ de l’esprit, récoltera les fruits de l’esprit, la vie impérissable” (GaI. VI, 8). Que veut dire cette parabole ? Quand le paysan laboure son champ, le herse, l’ensemence, bref le prépare soigneusement, il est tout naturel qu’il récolte, de ce champ, les fruits qu’il en espère. Le résultat tient à deux choses : le sol et la semence. Le paysan ne peut recueillir dans son champ que ce qu’il a semé, il ne peut récolter du froment que s’il a semé du froment. Tout cela est évident.

Passons maintenant de la parabole à la réalité. L’homme a, lui aussi, deux champs qu’il doit cultiver. Saint Paul appelle le premier la chair et, par ce mot, nous pouvons entendre la nature humaine ou la vie terrestre. Il appelle l’autre l’esprit et nous pouvons y voir l’âme ou la vie surnaturelle. Or, il est clair que plus on cultivera l’un de ces champs et plus on en récoltera de fruits. Qu’un commerçant travaille jour et nuit, il peut espérer atteindre la fortune. Qu’un joueur de football s’entraîne pendant des semaines, il pourra arriver au championnat. Ce sont les fruits de ces champs terrestres. Si, par contre, un chrétien s’adonne à la pratique des vertus, aux bonnes œuvres, à la prière persévérante, etc., il arrivera à la sainteté : ce sont là les fruits du champ de l’âme.

Or, il peut arriver qu’un même homme cultive ardemment les deux champs, le champ terrestre et le champ spirituel ; il pourra, par exemple, être un virtuose du violon, un champion de sport, et, en même temps, un saint. Cela est possible et les catholiques ne peuvent que se réjouir quand ils voient un des leurs se distinguer dans tous les domaines de l’activité. Tout savant, tout artisan, tout artiste, tout sportif, qui est, en même temps, un bon chrétien, fait honneur à notre foi devant le monde.

Cependant, il y a certaines semences qui sont plus ou moins incompatibles, si bien que, lorsqu’on sème un champ, on fait tort à l’autre. Parlons d’une manière pratique. Quand quelqu’un cultive le champ de la chair, c’est-à-dire quand il s’adonne aux voluptés et aux jouissances de la vie, il récoltera les mauvaises habitudes et les passions ; il ne pourra renoncer à ses jouissances. Par contre, le champ de son esprit sera tellement appauvri qu’il restera en friche et dépérira. L’âme sera de plus en plus incapable de s’élever au-dessus de ce qui est terrestre. La situation se renversera dans l’autre cas. L’homme vertueux, qui vit entièrement dans le royaume de Dieu, perdra le goût des plaisirs sensuels et terrestres. Le champ de la chair restera en friche.

Je voudrais attirer l’attention sur ces relations mutuelles entre l’esprit et la chair. Le Sauveur en parle lui aussi : On ne peut pas servir deux maîtres si différents ou bien — pour rester dans la parabole — on ne peut pas cultiver deux champs si différents. De la culture ou de la négligence de l’un dépend, d’ordinaire, la négligence ou la culture de l’autre. C’est une relation interne.

Nous comprendrons mieux, maintenant, la Préface de Carême. Elle parle, elle aussi, de deux champs. A la vérité, elle s’occupe moins longtemps du champ de la chair que du champ de l’esprit. Elle nous dit que le jeûne a une grande influence sur la situation de ces deux champs. Le jeûne stérilise et fait dépérir le champ de la chair, mais il donne au champ de l’esprit l’aptitude à recevoir la semence et à la faire fructifier. Tel est, en résumé, le sens de la Préface, telle est la grande importance du jeûne.

Examinons encore de plus près. Il est dit : “ Par le jeûne, tu réprimes les vices. “ Sous le nom de vices, il faut entendre les péchés de la jouissance sensuelle défendue. Les jouissances terrestres sont unies entre elles, l’une favorise et développe l’autre. C’est un fait qu’on peut observer maintes fois dans la vie. Combien de jeunes gens ont perdu, dans l’ivresse, l’innocence de leur âme ! Les anciens disaient déjà : Bacchus (le dieu du vin) et Vénus (la déesse de la volupté) sont amis. D’autre part, la privation et la répression d’une jouissance sensuelle ont une efficacité salutaire pour nous aider à triompher d’une autre jouissance sensuelle et à y renoncer. C’est le cas du jeûne. La privation de nourriture et de boisson est une arme puissante contre les instincts de la chair et contre la prédominance de la sensualité en nous. Ainsi donc, même du point de vue naturel, c’est une vérité que le jeûne réprime les passions.

Nous pouvons déjà tirer une série de conséquences. C’est dans ces considérations que les adversaires de l’alcool trouvent leurs plus puissants arguments. Ils peuvent dire avec raison : l’abstinence de l’alcool vous permettra de réprimer vos vices. Combien de péchés et de vices sont imputables à l’usage immodéré de l’alcool ! Personne ne pourra affaiblir la force probante de cet argument.

C’est précisément le renoncement à une jouissance permise qui nous donne la force de renoncer à une jouissance défendue. On peut affirmer : Le jeûne (dans le sens large de privation des jouissances permises) est la meilleure éducation de la chasteté.

Or, la surnature bâtit sur la nature. Jusqu’ici, nous avons parlé des relations naturelles entre la chair et l’esprit. Maintenant, il nous faut penser aux deux royaumes : le royaume de Dieu et le royaume du diable ; ces deux royaumes s’élèvent sur les fondements naturels de la chair et de l’esprit. D’un seul coup, la parole de Jésus devient brillante comme un éclair : “ Cette espèce (de démon) ne se chasse que par la prière et le jeûne. “ Le jeûne est donc une affile puissante dans le combat contre l’enfer. L’éternelle Vérité le dit elle-même. Voilà qui nous fait comprendre le premier membre de phrase de notre Préface de Carême.

La suite résulte d’elle-même. Un vieux proverbe oit : Plenus venter non studet libenter (le ventre plein n’aime pas l’étude). L’abus dans les jouissances du boire et du manger diminue l’élasticité de l’esprit. Il faut aussi que le contraire soit vrai : Non plenus venter studet libenter (le ventre qui n’est pas plein aime l’étude). Passons de nouveau de la nature à la surnature et songeons aux relations réciproques de la chair et de l’esprit. L’abstinence des plaisirs des sens donne de l’élan à l’âme. Les jouissances sont comme un poids de plomb qui retient l’âme au sol. Si ce poids est enlevé, si ces jouissances sont écartées, l’âme peut s’élever vers les hauteurs célestes. Cela nous fait comprendre aussi la grande importance de la continence, de la chasteté et de la virginité, pour le royaume de Dieu. La jouissance des sens empêche le vol de l’âme et la chasteté nous rend aptes à voir Dieu. Le jeûne élève donc l’esprit et confère de la force à l’âme pour la pratique de la vertu et pour la vie sainte ; il nous aide, enfin, à conquérir la couronne de la gloire éternelle.

Le jeûne est donc un puissant moyen pour l’exercice et le développement de la vie chrétienne. Il nous aide dans le combat contre notre nature inférieure, il nous fait vaincre nos passions, il nous permet de nous élever vers Dieu, il nous donne la force de pratiquer la vertu et il nous promet la récompense éternelle. Cela nous explique pourquoi ce temps, qui est consacré au renouvellement de la grâce du baptême, à la réforme de la vie intérieure, est sanctifié par le jeûne.

Une dernière pensée. Examinons les deux Évangiles du dimanche. Dimanche dernier, nous avons vu le Seigneur combattre contre le démon après son jeûne de quarante jours ; aujourd’hui, nous le voyons transfiguré. Ces deux Évangiles ne sont-ils pas l’arrière-plan magnifique de notre Préface ?

Par le jeûne corporel, tu réprimes les vices (tentation du Christ), tu élèves l’esprit, tu confères la vertu et les récompenses (Transfiguration).

LUNDI DE LA SECONDE SEMAINE DE CARÊME

STATION A SAINT CLEMENT

Je m’en vais.

La journée d’aujourd’hui nous permet de signaler une petite évolution dans la liturgie du Carême. Assurément, on ne peut pas parler d’une construction systématique des messes du Carême, car elles ne datent pas de la même époque. Nous découvrons cependant, dans les grandes lignes, un mouvement en avant. Les quatre premiers jours forment une unité ; ils veulent nous conduire à une pratique du jeûne agréable à Dieu. La première semaine, elle aussi, peut être considérée comme formant un tout. La pensée directrice est celle-ci : Le Christ, Moïse, Élie nous enseignent à voir, dans le jeûne de quarante jours, une arme contre le diable et le chemin qui nous mènera à la transfiguration pascale. Aujourd’hui, nous voyons apparaître au premier plan le thème de la Passion. Le Seigneur se dispose à mourir. Les Évangiles annoncent sa Passion. D’autres pièces (Leçon, Offertoire) nous montrent le Seigneur comme médiateur et rédempteur. Les leçons préfèrent les récits.

1. Le thème de la Passion. — Aujourd’hui, pour la première fois, nous voyons le Seigneur en lutte contre le judaïsme. Il parle aussi de sa mort. L’Évangile commence par cette parole significative : Je m’en vais. Le Christ parle de son “ élévation “ sur la Croix. La leçon est la prière de Daniel qui est, ici, la figure du Christ ; c’est la prière du Seigneur mourant pour les péchés. Qu’est donc le Sauveur dans la messe d’aujourd’hui ? Il est le Daniel priant, qui prend sur lui la dette des péchés d’Israël (de l’Église), qui prend aussi nos péchés. Il est animé, aujourd’hui, des mêmes sentiments d’offrande et d’abandon qu’il avait durant sa vie, des sentiments dont il parle dans l’Évangile et qu’il a manifestés dans sa mort sur la Croix.

2. La messe (Redime me). — Le saint de station, le pape saint Clément, est le troisième successeur de saint Pierre sur la chaire épiscopale de Rome. Ce pape très vénéré (90-101) fut exilé dans la presqu’île de Crimée et y mourut martyr. La basilique élevée en son honneur remonte au Ive siècle, mais la tradition rapporte que c’est dans cette maison que Clément réunissait les chrétiens avant la persécution sanglante de Trajan. Cette église serait donc un des plus anciens sanctuaires chrétiens de Rome. Les ossements de saint Clément furent rapportés à Rome par les apôtres des Slaves, saint Cyrille et saint Méthode, et déposés dans cette église ; c’est là que repose le corps de saint Cyrille. Cette église a conservé intacte la décoration des anciennes églises romaines, telle qu’elle servait, dans l’antiquité finissante, pour la célébration de l’office de station.

L’Introït est un cantique de voyage : “ Mon pied se tient sur la voie droite, je m’avance dans l’innocence. “ Cette parole est-elle mise dans la bouche des catéchumènes qui implorent la Rédemption et sont heureux d’avoir trouvé le vrai chemin ? Ou bien mettons-nous ces paroles dans la bouche du saint de station qui nous accueille dans sa maison ? L’oraison est une des oraisons typiques des stations de Carême, qui font du jeûne corporel le symbole du “ jeûne du péché “. La leçon est une prière saisissante du Prophète Daniel en exil. Daniel est l’image du Christ qui prend sur lui les péchés de l’humanité, les expie, souffre pour eux et prie pour sa ville, l’Église, et pour son peuple. Jérusalem détruite est le symbole de l’Église dans son humiliation du Carême : “ A cause de nos péchés, Jérusalem est dans la honte. “ L’Église pense, en premier lieu, aux pénitents. Ceux-ci ont été tirés de l’Egypte (baptisés), mais ils sont dans l’exil (excommuniés). Toute la leçon est une belle prière de pénitence. L’Église veut maintenant se purifier, elle veut restaurer bien des temples spirituels détruits : “ Montre ta face sur ton sanctuaire “ (thème pascal). Toute messe est une prière rédemptrice efficace du divin Daniel. “ Ne tarde pas ”, supplie la leçon ; nous insistons à notre tour : “ Ne tarde pas ” (Graduel). L’Évangile nous transporte dans le combat du Christ contre les ténèbres. C’est au moment de la fête des Tabernacles, les vagues de la haine se soulèvent. Le Seigneur annonce sa mort : “ Je m’en vais ” ; “ quand vous aurez élevé le Fils de l’Homme... ”. Il creuse le fossé entre l’Église et le monde : “ Vous êtes d’en bas je suis d’en haut. ” Il annonce aux Juifs la mort éternelle. La conclusion est d’une beauté particulière : “ Quand vous aurez élevé le Fils de l’Homme”, alors ses ennemis reconnaîtront qu’il est Dieu. Nous aussi, nous devons lever les yeux vers le Christ élevé en Croix ; c’est précisément dans ses souffrances que nous apprendrons à le connaître. (A ce passage, les regards des chrétiens s’élevaient, sans doute, vers la magnifique croix de l’abside de Saint-Clément). Il y a comme un écho de la voix divine au moment de la Transfiguration dans ces paroles : “ Celui qui m’a envoyé est avec moi et ne me laisse pas seul, parce que je fais toujours ce qui lui plaît ” (“ en lui j’ai mis ma complaisance ”). — L’obéissance, pour moi aussi, est le chemin qui mène à la gloire. Les dernières paroles du Seigneur, dans l’Évangile, résonnent encore aux oreilles des fidèles au moment de l’Offertoire ; c’est pourquoi nous chantons presque les mêmes paroles : dans notre procession vers l’autel, nous regardons vers le Golgotha mystique : “ J’ai toujours le Seigneur devant les yeux, il se tient à ma droite afin que je ne chancelle pas. ” Certes “ il ne me laisse pas seul ”, quand je m’en vais au combat du Carême. A la Communion, nous chantons le cantique de l’abaissement de Dieu vers l’homme et de l’élévation de l’homme jusqu’à la hauteur de Dieu (Ps. 8). Comme ce cantique a une signification profonde à la communion !

A la chute du jour, à Magnificat, nous chantons : “ Celui qui m’a envoyé est avec moi et il ne me laisse pas seul, parce que je fais toujours ce qui lui plaît. ” Ah ! si ces paroles pouvaient sortir de notre bouche ! Quelle belle oraison jaculatoire !

3. Le psaume 8. — L’homme est semblable à Dieu et roi.

Seigneur, notre Seigneur,

Que ton nom est admirable sur toute la terre ! Tu as revêtu les cieux de ta majesté.

De la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle, tu t’es préparé une louange pour confondre tes ennemis, pour imposer silence aux adversaires et aux blasphémateurs.

Quand je contemple les cieux, l’ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles que tu as créées, (je m’écrie) : Qu’est-ce que l’homme pour que tu te souviennes de lui et le fils de l’homme pour que tu en prennes soin ?

 

Tu ne l’as placé que peu au-dessous de Dieu, tu l’as couronné de gloire et d’honneur, tu l’as établi roi de tes œuvres, tu as mis toutes choses sous ses pieds : les brebis et les bœufs, tous ensemble, et tous les animaux des champs ; les oiseaux du ciel et les poissons de la mer et tout ce qui parcourt les sentiers des mers.

 

Seigneur, notre Seigneur, que ton nom est admirable sur toute la terre !

 

Plan : Introduction : grandeur de Dieu, (verset refrain).

I. 1. Gloire de Dieu dans la nature (ciel nocturne) 2-4.

2. Condescendance de Dieu pour l’homme, 5.

II. Élévation de l’homme.

1. Jusqu’à la hauteur de Dieu, 6.

2. L’homme, roi de la création, 7-9.

Conclusion : la grandeur de Dieu (verset refrain).

Le cardinal Faulhaber résume ainsi le contenu. Le :nom de Dieu brille merveilleusement sur le front de l’enfant, dans les étoiles du ciel, sur le front de l’homme, du roi de la création.

Le psaume est un cantique d’action de grâces pour remercier Dieu, le Créateur éternel, d’avoir accordé une grâce si élevée à l’homme misérable et d’en avoir fait le roi de la création. Remarquons qu’au v. 6 il est dit, dans le texte hébreu : tu ne l’as placé que peu au-dessous de Dieu (dans la vulgate : au-dessous des anges). Le texte hébreu donne une pensée bien plus puissante : l’homme est élevé presque jusqu’à la hauteur de Dieu ; le point de comparaison est la royauté sur la création. Le psaume est simple, mais d’une grande solennité.

MARDI DE LA SECONDE SEMAINE DE CARÊME

STATION A SAINTE BALBINE

Vous n’avez qu’un Père qui est dans le ciel, Vous n’avez qu’un docteur, le Christ, Vous êtes tous frères.

Aujourd’hui, nous célébrons une messe qui n’est ni une messe de catéchumènes, ni une messe de pénitents. Elle est d’un temps où le catéchuménat n’était plus une institution vivante et où la pénitence ne dominait pas : tout le Carême, du temps de la floraison de vie liturgique de communauté (Saint Grégoire le Grand, vers 600). Aussi la messe s’adresse à la communauté des fidèles qui veut se purifier et tendre à la perfection. Pour comprendre cette messe, je me représente une antique mosaïque romaine, dans l’abside : au milieu, on voit le Seigneur dans sa majesté, assis sur la cathèdre, tenant à la main un parchemin (“Vous n’avez qu’un docteur ”) ; au-dessus de lui, la main de Dieu (“ Vous n’avez qu’un Père “), au-dessous, un troupeau de brebis qui se hâtent vers le Bon Pasteur (“ Vous êtes tous frères ”). A côté du Seigneur, se tient la sainte de station, sainte Balbine, la vierge sage qui porte à la main sa lampe à huile. C’est, sans doute, cette représentation qui a déterminé le texte de la messe. L’église de station était, de fait, consacrée autrefois au divin Rédempteur, mais elle prit le nom de sa fondatrice, sainte Balbine. Deux thèmes circulent à travers cette messe : le thème de la vie du Christ et le thème de la station.

1. Le thème de la vie du Christ. — Les antiennes du lever et du coucher du soleil sont les suivantes : “ Vous n’avez qu’un docteur qui est dans le ciel, le Christ, le Seigneur ” (Ant. Benedictus). “ Quant à vous, vous êtes tous frères ; et n’appelez personne père sur la terre, car vous n’avez qu’un Père qui est dans le ciel ; ne vous faites pas appeler docteurs, car vous n’avez. qu’un docteur, le Christ ” (Ant. Magnificat). Dans ces deux antiennes, la liturgie a, en trois pensées, caractérisé toute la vie avec l’Église : Dieu notre Père, le Christ notre docteur, nous tous frères entre nous.

2. Le thème de la station. — Au sujet de la sainte de station, sainte Balbine, le martyrologe dit le 31 mars : “ A Rome, la sainte vierge Balbine ; elle était fille du saint martyr Quirinus et avait reçu le baptême des mains du pape Alexandre. Après sa mort, elle fut ensevelie sur la voie Appienne, à côté de son père. “ Certainement sainte Balbine fut une de ces vierges charitables de l’ancienne Église, qui consacraient toute leur vie au service du prochain. Peut-être était-ce une diaconesse qui visitait les martyrs dans leur prison, prenait soin de l’église et des prêtres, secourait les pauvres, soignait les malades. L’église de station est un très ancien sanctuaire ; c’est, à proprement parler, un antique atrium romain très bien conservé. Au-dessous du maître-autel, qui est isolé, on conserve, dans une urne antique, les cendres de sainte Balbine qui furent apportées dans cette église en même temps que les reliques de son père, saint Quirinus. C’est là que se rend, aujourd’hui, la famille chrétienne de l’Occident pour la célébration de la messe. L’Église a élevé un monument à la sainte de station dans la personne de la veuve de Sarepta.

3. La messe. (Tibi dixit). — L’Introït est un beau cantique d’entrée. Dans des sentiments de désir ardent, la procession des chrétiens s’approche du sanctuaire où rayonne la face du Seigneur. “Je cherche ton visage... (les fidèles), le Seigneur est ma lumière (les catéchumènes), ne détourne pas de moi ton visage (les pénitents). “ Le but de la recherche est Pâques. C’est ce que chante le psaume, en de beaux accents : “ Je ne demande qu’une chose au Seigneur : pouvoir demeurer dans la maison de Dieu tous les jours de ma vie, pouvoir goûter l’amabilité du Seigneur et visiter son sanctuaire. “ Avec quelle ardeur les pénitents et les catéchumènes devaient réciter cette prière ! La leçon n’est pas, aujourd’hui, un sermon de pénitence, mais une histoire édifiante qui nous présente une aimable figure de femme, la veuve de Sarepta. Cette veuve obéit à la première parole, sacrifie son amour maternel et partage son repas avec un étranger. C’est un exemple d’obéissance dans la foi. Cette histoire comporte un enseignement : L’aumône apporte la bénédiction ; notre vase d’huile et notre mesure de farine ne tariront jamais si nous ne laissons pas notre prochain dans le besoin. La leçon veut donc nous recommander l’aumône de Carême, mais aussi la miséricorde et l’amour du prochain. Le Graduel est un écho de la leçon : Dieu prend soin de toi ; n’aie pas de soucis anxieux, il te “ nourrira “ (cette nourriture s’entend dans un double sens, du pain temporel et du pain spirituel). L’Évangile n’a aucune relation avec la leçon. Le Seigneur se présente encore devant nous. Il est en lutte avec les ténèbres (thème de la Passion). Ce passage est tiré du grand discours de malédiction contre les Pharisiens. Après ce discours, le Christ quitte le temple pour ne jamais y rentrer. Dans ce discours, il nous présente deux images opposées : les Pharisiens et les disciples. Les Pharisiens disent et ne font pas ce qu’ils disent. Il en est tout autrement des disciples : ils doivent être des serviteurs. Le Christ est notre docteur ; Dieu est notre Père. Le chemin de la gloire est celui-ci : “ Celui qui s’abaisse... “ Le Christ nous précède dans la souffrance, l’humiliation, l’obéissance ; suivons-le, soyons ses disciples. Sous l’impression de la grave prédication du Seigneur, nous présenterons à l’autel, au moment de l’Offertoire, non pas une offrande, mais notre “ cœur contrit et humilié “. Il est rare de voir, à l’Offertoire, le thème de la pénitence (ps. 50) ressorti ! d’une manière aussi directe. A la Communion, nous chantons un cantique fervent d’action de grâces pour la victoire de la Rédemption et nous demandons à Dieu de “ garder toujours les commandements “. Comparons l’Introït et la Communion : ce que nous cherchons et implorons dans l’introït, est accompli dans la communion. Nous voyons maintenant la face du Christ Dans l’Oraison et la Postcommunion, nous demandons l’accomplissement des commandements du “ Docteur” Il y a aussi, dans la messe d’aujourd’hui, un encouragement et une joie pour les catéchumènes. Les plus beaux et les plus héroïques exemples de foi nous sont offerts par le monde païen : la veuve, la Chananéenne le centurion.

4. Le psaume 9. — Le Christ est vainqueur. Le psaume 9 réunit deux cantiques différents ; le premier est un cantique d’action de grâces et de victoire ; l’autre une lamentation et une prière. (Ces deux cantiques son souvent distingués dans la numérotation). La communion de notre messe indique que nous ne devon : envisager, ici, que la première partie :

Je te louerai, Seigneur, de tout mon cœur et j’annoncerai toutes tes merveilles.

Je me réjouirai et je tressaillirai en toi et je chanterai ton nom, Ô Très-Haut.

 

Tu as renversé mes ennemis, ils trébuchent et tombent devant ta face.

Tu as fait triompher mon droit et ma cause, et tu t’es assis sur le trône en juste juge.

 

Tu as châtié les nations, tu as fait périr l’impie, tu as effacé leur nom même pour tous les temps.

L’épée des ennemis est tombée pour toujours,

Tu as mis leurs villes en ruines et jusqu’à leur souvenir a disparu.

 

Mais Dieu siège à jamais, il a dressé son trône pour le jugement.

Il juge la terre avec justice, il dirige les peuples avec droiture.

Le Seigneur est un refuge pour les pauvres, il aide au temps de la détresse.

C’est pourquoi doivent espérer fermement en toi ceux qui connaissent ton nom, car tu n’abandonnes jamais ceux qui te cherchent, Seigneur.

 

Louez le Seigneur qui a son trône dans Sion,

Publiez parmi les peuples ses hauts faits.

Car lui, qui venge le sang versé, se souvient des pauvres, il n’oublie pas leur cri.

C’est pourquoi le Seigneur a eu pitié de moi, il a vu la détresse où m’ont réduit mes ennemis.

Il m’a retiré des portes de la mort, afin que je puisse annoncer ses louanges aux portes de Sion.

 

Je tressaille de joie à cause de ton salut : les nations sont tombées dans la fosse qu’elles ont creusée.

Le lacet qu’elles avaient placé en cachette a entouré leur propre pied.

Ainsi le Seigneur s’est manifesté comme juge ; dans l’œuvre de ses propres mains, s’est enlacé l’impie.

Tous les impies descendront aux enfers et tous les peuples qui oublient Dieu.

Car le malheureux n’est pas toujours oublié, ni l’espérance des pauvres éternellement déçue.

 

Lève-toi, Seigneur, que l’homme ne triomphe pas ! entre en jugement avec les peuples,

Etablis sur eux quelqu’un qui les dompte afin que les peuples sachent qu’ils sont des hommes.

 

Ordre des idées : Introduction : Action de grâces à Dieu, 2-3 ; raison : à cause de son secours :

1. Par le triomphe sur les ennemis, 4-7.

a) Dieu vainqueur, 4 ;

b) Dieu juge, 5,

c)Dieu exterminateur, 6-7 ;

2. Par la protection des siens, 8-11 ;

a) Dieu arbitre du droit, 8-9 ;

b) Dieu protecteur des petits, 10-11 ;

3. C’est pourquoi nous lui devons remerciement et louange, 12-15 ;

(le cri de ceux qui souffrent 14-15) ;

4. Châtiment des ennemis, 16-19 ;

Prière finale pour les païens, 20-21.

Application liturgique. — Dans notre prière chrétienne, nous séparons le psaume de ses circonstances historiques pour en faire une prière d’action de grâces, dans laquelle nous remercions Dieu des victoires remportées et du secours accordé dans son royaume. En somme, cette victoire historique n’est qu’une phase du grand combat et de la victoire de Dieu sur ses ennemis. Nous entendons donc le combat et la victoire dans le sens le plus large. Le champ de bataille est la vaste terre et, surtout, le cœur de tout homme. Ce combat durera jusqu’à la fin du monde. Le vainqueur est Jésus-Christ ; il remporte ses victoires dans le monde, dans l’Église, dans les âmes.

MERCREDI DE LA SECONDE SEMAINE DE CARÊME

STATION A SAINTE CECILE

L’Eglise nous conduit d la pénitence, au baptême, au calice du Christ.

Comme cela s’est produit plusieurs fois dans les messes précédentes, nous pouvons, aujourd’hui encore, distinguer deux groupes de pensées : le thème de la station et le thème de la Passion.

La messe antique d’aujourd’hui s’adresse, en premier lieu, aux catéchumènes. On leur indique le but et la tâche du temps qui vient. Les pénitents, non plus, ne sont pas oubliés. En outre, les pensées de la Passion tiennent une grande place. Le thème de la station paraît, lu : aussi, au premier plan. Comme on le voit, tous les thèmes du temps de Carême se trouvent rassemblés dans cette belle messe.

1. Le thème de la Station. — La station est à Sainte-Cécile. Cette circonstance est ce qui nous permet d’expliquer cette messe. La sainte est une des vierges martyres les plus vénérées de l’ancienne Église. Son martyre eut lieu vers 250. Deux sanctuaires romains sont consacrés à sainte Cécile : son premier tombeau dans le caveau papal de la catacombe de Saint-Callixte et son église titulaire, dans le Transtévère, où repose maintenant son corps. (Nous avons un témoignage ancien qui nous montre qu’il y avait un office de station dans cette église dès l’an 545. Quand le commissaire impérial de Constantinople, Anthème, fut envoyé à Rome pour s’emparer du pape Vigile, “ il trouva le pape dans l’église de Sainte-Cécile, le 22 novembre, car c’était la fête de cette sainte “. (Liber Pont.). Aujourd’hui, nous entrons avec respect dans cette église. Dans la crypte, se trouve, enfermé dans un sarcophage, le corps de la sainte. En 1599, le cardinal du titre, Paul Sfondrati, fit faire des recherches pour retrouver le corps de la sainte. Un cercueil en cyprès contenait ce saint corps. Il était encore intact, couché sur le sol, comme si la sainte venait d’expirer ; le genou était légèrement replié, les bras étendus le long du corps et le visage tourné vers la terre. Il resta, environ un mois, exposé à découvert à la vénération des fidèles. Le sculpteur Stefano Maderna, qui vit souvent le corps, fit la célèbre statue de grandeur naturelle qui se trouve maintenant sur le maître-autel de l’église. Dans cette même église, reposent les corps des deux frères, Valérien et Tiburce, que sainte Cécile conduisit au baptême et au martyre.

2. La messe (Ne derelinquas). — Les actes (légendaires) du martyre de la sainte racontent un fait qui est important pour l’intelligence de cette messe. Cécile avait fait le vœu de virginité. Un jeune homme, Valérien, l’épousa contre sa volonté. Mais la nuit des noces, Cécile lui confia un secret : “ J’ai un ange de Dieu pour protecteur, qui garde jalousement mon corps. ” Valérien affirma qu’il se ferait chrétien s’il pouvait voir cet ange. Cécile lui déclara que cela était impossible sans avoir reçu le baptême. Valérien consentit à le recevoir. La sainte, toute heureuse. l’envoya. avec un signe de reconnaissance, au pape Urbain qui se cachait dans les catacombes. Le pape tomba à genoux pour remercier Dieu qui faisait porter à la semence de Cécile des fruits si abondants. Il baptisa Valérien. A son retour, celui-ci “ trouva Cécile en prière dans sa chambre, et, à côté d’elle, l’ange du Seigneur debout. A cette vue, Valérien fut saisi d’une grande crainte “. L’ange remit à Cécile et à lui une couronne de roses rouges et de lis blancs, venant du paradis, pour les récompenser de leur amour de la chasteté. Valérien put alors exprimer un désir que l’ange exauça. Il demanda la conversion de son frère Tiburce. Quand Tiburce arriva pour féliciter les jeunes époux, il fut surpris par ce parfum inexplicable de roses et de lis. Il en apprit la raison et se laissa, lui aussi, baptiser. Le préfet de Rome, apprenant la conversion des deux frères, les fit arrêter par son officier Maximus, et, sur leur refus de sacrifier à Jupiter, ordonna leur exécution.

Ainsi donc Cécile a conduit les deux frères au baptême et au martyre. Cécile, la vierge et, en même temps, la mère spirituelle des deux frères, est l’image de l’Église qui se préoccupe, en ce moment, de conduire les catéchumènes et les fidèles aux fonts baptismaux et de les amener à compatir aux souffrances du Christ. Or, cette double figure, Cécile et l’Église, nous est présentée magnifiquement dans les deux lectures, sous l’aspect de deux femmes. C’est d’abord Esther qui prie pour son peuple (dans les plus anciens manuscrits, on lisait : “ Esther pria “, et non comme aujourd’hui : Mardochée pria). C’est ensuite Salomé, la mère des Apôtres, qui conduit au Christ ses deux fils. Examinons la leçon : Le peuple juif, en Perse, était menacé d’extermination ; Mardochée, l’image du Christ (comme Daniel, lundi dernier), prie pour la délivrance de son peuple ; ou bien, si nous admettons l’antique conception, la reine Esther, image de l’Église (Cécile), prie pour son peuple, pour les pénitents et pour nous, qui sommes dans l’humiliation du Carême : “ Ne méprise pas le peuple de ton héritage que tu as sauvé de l’Égypte (les pénitents sont baptisés)... transforme notre tristesse de jeûne en joie (pascale), afin que nous puissions te louer dans la vie éternelle. “ Il s’agit, pendant le Carême, de notre âme précieuse que nous devons arracher au diable. L’Évangile est un des plus beaux du Carême. Nous sommes à environ une semaine de la mort du Seigneur. Sur le chemin, il annonce, pour la troisième fois, sa Passion (le thème de la Passion retentit dans tout l’Évangile). Vient alors l’épisode. Salomé vient demander, pour ses fils, des places de ministres dans le royaume du Christ. Jésus leur propose d’abord le calice de sa Passion, puis il adresse à ses disciples une exhortation saisissante à l’humilité : “ Le Fils de l’Homme est venu pour servir et donner sa vie en rançon pour plusieurs. “ Mais la liturgie consacre surtout son attention à Salomé qui est l’image de l’Église et de sainte Cécile. Cela nous permet de remarquer, encore une fois, la manière dont la liturgie utilise les passages de l’Écriture. Elle néglige le rôle assez peu honorable de la mère des Apôtres, elle oublie entièrement sa prière inconsidérée et ses projets ambitieux ; elle ne veut voir que la mère qui conduit ses deux fils au Christ et le Christ qui leur promet le calice de la Passion. C’est, pour elle, l’image principale et elle s’en sert pour nous représenter sainte Cécile qui conduit deux frères au baptême et au calice du Seigneur. Mieux encore, elle veut nous représenter l’Église, l’Église mère et vierge, qui conduit maintenant ses enfants au baptême, à la pénitence qui est un nouveau baptême, et au calice de la Passion. Remarquons aussi l’oraison sur le peuple, qui se rapporte à la sainte de station. Dieu est le restaurateur et l’ami de l’innocence, il nous rend fermes dans la profession de la foi et actifs dans les œuvres. C’est là un résumé de la vie de sainte Cécile : vierge, martyre, providence des pauvres. La célèbre peinture de Raphaël est une illustration de cette oraison. On y voit Madeleine et Augustin (qui ont recouvré leur innocence), les deux frères Jean et Paul (amis de l’innocence). Au Saint-Sacrifice, nous voyons aujourd’hui le Sauveur “ monter vers Jérusalem “ pour souffrir ; de nouveau “ il donne sa vie en rançon pour plusieurs “, il nous offre son ( calice” de la Passion et de l’Eucharistie.

L’Église souligne fortement, aujourd’hui, le thème de la Passion. Nous le voyons encore dans les antiennes du lever et du coucher du soleil : “Voici que nous montons à Jérusalem et le Fils de l’Homme sera livré pour être crucifié” (Ant. Ben.). “ Il sera livré aux païens pour être insulté, flagellé et crucifié “ (Ant. Magn.).

C’est donc le désir de l’Église que, pendant toute la journée, nous montions avec le Seigneur à Jérusalem, pour la Passion. Remarquons qu’en nous inspirant cette pensée de la Passion, l’Église ne mentionne pas la Résurrection.

3. Le psaume 10. — Sécurité dans la confiance en Dieu. — Le psaume est, sans doute, de David et dut être composé pendant sa fuite. C’est un des psaumes typiques qui respirent la confiance de David en Dieu... Le psaume se divise en trois strophes : 1. Le doute des amis timides (1-3) : 2. La confiance est la réponse du psalmiste (4-5) ; 3. La victoire — Dieu est juste (6-7).

En Dieu je me confie ; comment dites-vous à mon âme :

Fuis vers la montagne comme un oiseau, car voici que lés méchants bandent l’arc, ils ont ajusté leur flèche sur la corde pour tirer dans l’ombre sur le juste ;

Quand les colonnes de l’ordre sont renversées, Que peut faire le juste ? “

 

Mais le Seigneur siège toujours dans son saint temple, son trône est toujours ferme dans le ciel.

Ses yeux regardent vers le pauvre, ses paupières sondent les enfants des hommes ;

Le Seigneur sonde le juste comme le méchant, mais celui qui aime l’iniquité, il le hait.

 

II fait pleuvoir sur les méchants des lacets, leur sort est le feu, le soufre, un vent brûlant.

Car Dieu est juste, il aime la justice, son visage considère ceux qui sont droits.

JEUDI DE LA SECONDE SEMAINE DE CARÊME

STATION A SAINTE MARIE DU TRANSTEVERE

Le riche, qui refusa à Lazare un morceau de pain, dut implorer une goutte d’eau.

La messe d’aujourd’hui est nettement une messe de pénitents. La pensée principale est claire et précise. L’Église montre les deux voies : la voie de la vie et la voie de la mort.

1. Le thème des pénitents. — Transportons-nous dans l’Église primitive. Nous apercevons une troupe de pénitents, vêtus d’habits en poil de chèvre, agenouillés, pleins de repentir et de componction. Jusqu’à l’Évangile, ils sont autorisés à demeurer dans la maison de Dieu, mais ensuite ils sont renvoyés. Ils n’ont pas droit de s’asseoir à la table du Père de famille. Devant la porte de l’église, ils implorent une goutte d’eau pour rafraîchir leur langue. C’est dans ce sens que nous entendons la parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare, c’est ainsi également qu’il faut entendre la double image de la leçon. L’Église, dans ces deux lectures, caractérise le ciel et l’enfer dans l’autre monde et le ciel et l’enfer ici-bas.

Le ciel et l’enfer dans l’autre monde. — L’image du ciel, c’est Lazare dans le sein d’Abraham. L’image de l’enfer, c’est le mauvais riche dans les tourments, la langue desséchée, implorant une goutte d’eau fraîche ; c’est aussi l’arbre du désert desséché et aride.

Le ciel et l’enfer ici-bas. — Le ciel sur la terre, c’est la filiation divine, la vie dans le sein de l’Église avec la consolation et le rafraîchissement mystérieux des sacrements. C’est le ciel, alors même que la vie extérieure serait aussi misérable que celle du mendiant Lazare. L’enfer sur la terre, c’est d’être exclu de l’Église, séparé de la source de la vie divine. L’âme de celui qui est dans cet enfer terrestre ressemble au mauvais riche tourmenté par la soif, à l’arbre desséché du désert. — C’est l’état actuel des pénitents.

L’Église chante les antiennes suivantes au commencement et à la fin du jour : “ Songe, mon fils, que tu as eu du bonheur dans ta vie, mais que Lazare n’a eu que du malheur ” (Ant. Ben.).

Ce riche implorait une goutte d’eau, lui qui avait refusé à Lazare un morceau de pain” (Ant. Magn.).

Nous allons vivre, aujourd’hui, la parabole du mauvais riche. Remarquons que la liturgie dirige surtout nos pensées vers le mauvais riche. Dès le matin, il nous semble que nous sommes le mauvais riche dans l’enfer et que nous entendons les douces paroles de reproche du Christ. Le soir, on nous montre la dureté impitoyable du mauvais riche, mais, en même temps, son terrible châtiment. Ce passage nous présente une belle antithèse, comme le remarque le pape saint Grégoire dans son livre de Morale (1 Mor. l, 18, c. 19 et 30).

2. Thème de la station. — L’église de station, Sainte-Marie au-delà du Tibre, une des plus anciennes églises mariales de Rome, se trouvait dans le grand quartier juif de l’antique Rome. C’est cette circonstance qui a déterminé le choix de l’Évangile du mauvais riche et du pauvre Lazare. Dans l’Église primitive, on voyait volontiers dans le mauvais riche l’image du peuple juif, alors que le pauvre Lazare était le symbole du peuple chrétien formé de petites gens. Saint Grégoire donne la même interprétation dans l’homélie d’aujourd’hui. “ Que représente, mes frères, ce riche vêtu de pourpre et de soie... si ce n’est le peuple juif qui s’adonna au soin extérieur de la vie terrestre ?... Et que signifie le pauvre Lazare tout couvert d’ulcères, sinon le peuple des païens ? “ Les blessures purulentes signifient la confession des péchés. “ En confessant nos péchés, que faisons-nous autre chose que de découvrir le mal qui est en nous ? “

3. La messe (Deus in adjutorium). — Le psaume d’Introït (69) se récite, encore aujourd’hui, à la fin des litanies des saints. C’est donc la véritable conclusion d’une procession de station et, en même temps, une belle transition du monde pécheur au sanctuaire. Nous nous sentons, comme le pauvre Lazare, à la porte d’entrée du vrai et bon riche : le Christ. L’oraison demande que le jeûne et la prière triomphent des ennemis de l’âme et du corps. Les deux lectures forment un parallèle voulu, et nous montrent les deux camps : le bien et le mal. Dans la leçon nous entendons Jérémie, le prédicateur du Carême : “ Maudit soit le méchant qui met sa confiance dans le monde, il ressemble à l’arbre aride du désert ; béni soit le bon, il ressemble à l’arbre vert, planté sur les bords du ruisseau. ” L’image de l’arbre est une image très aimée. Sur les anciennes mosaïques, l’olivier et le palmier symbolisent les enfants de Dieu ; les textes liturgiques comparent souvent le juste au palmier, au cèdre, à l’olivier. Le Prophète gémit sur le cœur pervers et inconnaissable de l’homme. Mais ce cœur impénétrable, quelqu’un le pénètre, un seul, celui qui sonde les reins et les cœurs. Le Graduel est l’écho de la leçon : “ Aie pitié, ô Dieu 1” L’Évangile nous présente la même image dans la magnifique parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare. Cet Évangile peut nous enseigner beaucoup de choses : 1. La véritable valeur du malheur et du bonheur terrestres. N’est-ce pas précisément le bonheur et le malheur qui constituent pour beaucoup un terrible écueil ? Nous devons nous rendre compte de ceci : une vie remplie de joie terrestre, de richesse et de jouissance, quelle que soit sa durée et l’abondance de ses plaisirs, n’est qu’un bonheur apparent, si elle doit être suivie de l’enfer éternel ; une vie chargée de privations, de souffrances, de maladies, d’humiliations, est une vie heureuse, si elle conduit à l’éternel bonheur. Deux classes d’hommes, surtout, ont besoin de la protection de la foi : les fortunés et les infortunés du monde. (“ Ne me donne pas la richesse, ni la pauvreté, donne-moi juste autant qu’il me faut ”). Les premiers chrétiens ne pensaient pas comme les hommes d’aujourd’hui. Ils vivaient dans l’au-delà, ils étaient des étrangers, leur patrie était dans le ciel. Le martyre était la conclusion désirée d’une vie de privations. 2. Celui qui n’emploie pas les moyens ordinaires de la foi et de la piété n’a pas à espérer de conversion ; il ne doit pas attendre que Dieu fasse un miracle en sa faveur. “ Ils ne croient pas l’Église ; ils ne croiront pas, même si quelqu’un ressuscite des morts. ” 3. L’Église nous fait jeter un regard sur le triste séjour de l’enfer. Il y a un enfer et il nous menace tous, il me menace, il vous menace. Terrible vérité ! Le Christ ne veut pas nous effrayer, mais nous avertir. L’Offertoire n’est pas un psaume, mais une prière (comme lundi et mercredi, dans la leçon). Ici, Moïse est l’image du Christ ; Moïse prie pour le peuple infidèle et Dieu se laisse apaiser. Cela se réalise au Saint-Sacrifice : Dieu se laisse toujours apaiser par l’offrande présente de son Fils. A la communion, nous nous rappelons que c’est aujourd’hui le jour de l’institution de l’Eucharistie. Quelle consolation de réciter le psaume 691 “ Je suis indigent et pauvre ”, “ il demeure avec moi et moi en lui ” (même dans la tentation, toute la vie). La demande du pauvre Lazare est surabondamment exaucée. L’oraison sur le peuple est une belle prière de Carême : Que Dieu créateur et conducteur renouvelle, dans le temps de Carême, le bien de la foi et de la vertu, péniblement acquis au cours de notre vie précédente ; qu’il le renouvelle, mais aussi qu’il le conserve ; que notre travail de conversion soit une œuvre permanente !

VENDREDI DE LA SECONDE SEMAINE DE CARÊME

STATION À SAINT VITAL

L’image voilée de la croix.

La messe d’aujourd’hui est encore dominée tout entière par le thème de la Passion. Les antiennes du matin et du soir ont aussi pour objet la Passion.

Les méchants, il les fera périr misérablement, et il donnera sa vigne à d’autres vignerons qui lui rapporteront du fruit en leur temps ” (Ant. Bened.).

Ils cherchaient à l’arrêter, mais ils craignaient le peuple, parce que le peuple le considérait comme un prophète ” (Ant. Magn.).

Nous devons ressentir, aujourd’hui, la tragédie du peuple juif qui, après avoir été le peuple élu, fit mourir son Messie.

1. La station. — Le saint de station lui-même est, aujourd’hui, au service de la pensée de la Passion. Au sujet de notre saint de station, saint Vital, le martyrologe relate, le 28 avril : “ A Ravenne (Haute-Italie), mort du saint martyr Vital ; il était le père de saint Gervais et de saint Protais. Il avait emporté secrètement chez lui le corps du bienheureux Ursicinus et l’avait enseveli avec le respect convenable. Ensuite, le consulaire Paulinus le fit arrêter ; il le fit torturer et jeter dans une fosse qui fut comblée avec des pierres et de la terre. Par ce martyre, il s’en alla vers le Christ. “ Le saint subit le martyre vers 70. Au Ve siècle, on dédia une église à ce saint et à ses deux fils, saint Gervais et saint Protais. C’est la plus récente des 25 églises titulaires primitives qui ont une grande importance dans la vie liturgique. Dans cette église qui, au cours des siècles, fut plusieurs fois modifiée dans sa construction se trouvent trois tableaux qui intéressent notre messe au fond de l’abside, un tableau représente le crucifiement du Christ et, sur les murs de l’avant-chœur deux grandes fresques représentent des scènes du martyre de saint Vital (l’une d’entre elles nous le montre jeté dans la fosse). C’est dans cette vénérable église que se rend, aujourd’hui, la communauté chrétienne de l’Occident pour célébrer la messe.

2. La messe (Ego autem). — Cette messe d’une belle unité, la seule qui soit nettement une messe de la Passion pendant le Carême, peut se comparer à une composition de quatre tableaux. Au milieu, la scène du crucifiement (si l’on veut, celle de notre église de station) ; au-dessus le martyre de saint Vital jeté dans la fosse ; à gauche Joseph jeté par ses frères dans la citerne ; à droite la parabole des mauvais vignerons. — C’est aujourd’hui vendredi, quatre semaines avant le Vendredi-Saint, et nous comprenons que la liturgie parle, à la messe, de la Passion du Seigneur, bien que ce soit en images et en figures. L’Introit est une magnifique prière qui nous suggère de nombreuses pensées : “ Pour moi, je paraîtrai dans la justice, devant ta face ; je serai rassasié quand ta gloire se révèlera. “ Nous nous demandons : Qui parle ainsi ? On peut mettre ces paroles dans la bouche des catéchumènes, des pénitents, des fidèles, qui font leur entrée. Plus tard, ce sera l’espérance pascale ; maintenant, ils sont encore dans l’humiliation du Carême. Dans la nuit de Pâques, les catéchumènes paraîtront en habits blancs devant la face du Seigneur et se rassasieront du pain de vie. Les pénitents seront réconciliés le Jeudi Saint. Quant aux fidèles, ils goûtent déjà, par avance, au Saint-Sacrifice et dans la communion, la gloire pascale. Pour ces trois groupes, cette parole est le but du long voyage de Carême, qui est décrit en termes très beaux dans le psaume entier (l’antienne est le dernier verset du psaume) : “ Écoute, Seigneur, ma juste prière, fais attention à ma supplication... Tu éprouves mon cœur et le visite pendant la nuit... à cause de tes commandements j’ai dû suivre une voie pénible... “ — Cependant, nous pouvons aussi mettre cette parole dans la bouche du Christ et dans celle de saint Vital. Eux aussi marcher vers le but du “ pénible chemin” de la souffrance, dans lequel ils sont entrés. L’Introït est, en tout cas, une belle prière d’entrée, que nous pourrions réciter comme oraison jaculatoire avant la messe. Dans chaque messe, nous contemplons la face du Seigneur (Canon) et nous nous rassasions de sa gloire (Communion). L’Oraison exprime les mêmes pensées : après le “ pénible chemin” du Carême, puissions-nous parvenir, avec des cœurs purs, aux fêtes qui vont venir — ad sancta ventura — à la fête de Pâques. La leçon nous fait déjà apercevoir la Croix dans le clair-obscur de l’Ancien Testament, en nous rapportant l’histoire de Joseph vendu par ses frères. Objet de la prédilection de son père, envoyé par lui vers les troupeaux de ses frères qui le haïssent, jeté par eux dans une citerne, puis vendu pour vingt pièces d’argent — mais, plus tard, sauveur de son peuple en Egypte, Joseph est une figure du Christ. Le Christ, le bien-aimé en qui le Père a mis sa complaisance, est envoyé en tant qu’homme vers ses frères ; mais il est haï par ses concitoyens, vendu et trahi pour trente pièces d’argent et livré aux païens ; mais c’est justement sa souffrance qui en a fait le Sauveur de son peuple et du monde entier. Au Graduel, nous entendons Joseph, le Christ, Vital, s’écrier dans la détresse de leur souffrance : “ J’ai invoqué le Seigneur dans mon oppression et il m’a exaucé. “ Ce que la leçon faisait pressentir obscurément, le Seigneur l’exprime dans l’Évangile, en parabole sans doute, mais cependant d’une manière claire. C’est au moment des derniers discours de combat, peu de jours avant la mort du Seigneur. Le Christ annonce, sans réticence, aux Juifs, sa mort, sa filiation divine, la réprobation du peuple élu, la vocation des païens. Dans cette parabole, se trouve contenue toute l’histoire du salut : ( Ils cherchèrent à s’emparer de lui, mais ils craignaient le peuple. “ L’antienne de l’Offertoire est un écho des lectures ; par là est indiqué le sens de la procession de l’Offrande : entrer en communion avec la Passion du Christ. La Communion, elle aussi, est en relation avec les lectures. Ce sont les paroles du Christ souffrant : “ Tu nous garderas et nous protégeras de cette génération mauvaise. “ La postcommunion est d’une beauté classique et d’un contenu très riche : “Nous avons reçu le gage du salut éternel. “

3. Psaume 11. — Parole de Dieu et phrases des hommes. — Le psaume est la plainte de l’homme au cœur noble en face du mal qu’il voit dans le monde : partout le péché, le mensonge, l’égoïsme. Alors le psalmiste se réfugie vers la seule chose qui soit vraie et noble : la parole de Dieu.

Seigneur, aide-moi, car il n’y a plus d’hommes pieux, plus de fidélité parmi les hommes.

Ils se disent des mensonges les uns aux autres, ils parlent avec des lèvres trompeuses et un cœur double.

Retranche, Seigneur, les lèvres trompeuses et les langues qui discourent avec jactance ;

Ils disent : “ Par notre langue nous sommes forts et nos lèvres sont à nous ; qui est notre maître ? ”

A cause de l’oppression des affligés et du gémissement des pauvres, je me lève, dit le Seigneur.

J’aide tous ceux qui soupirent après le secours. ”

Les paroles du Seigneur sont des paroles pures, elles sont comme de l’argent éprouvé dans le feu, qui est passé au creuset, purifié sept fois.

Toi, Seigneur, tu nous garderas et nous protégeras à jamais contre cette génération.

Autour de nous les méchants se promènent avec arrogance et au milieu des hommes triomphe la bassesse.

SAMEDI DE LA SECONDE SEMAINE DE CARÊME

STATION A SAINT PIERRE ET SAINT MARCELLIN

In voulait, pour pénitence, devenir esclave, le Père en lit un fils de roi.

Le Seigneur appelle, sans mérites préalables, les catéchumènes et les pénitents. Nous qui sommes appelés. célébrons le mystère de l’élection et de la conversion,

Dans les antiennes du lever et du coucher du soleil, l’Église nous fait, pendant toute la journée, prendre part au drame de l’Enfant prodigue. Le matin, nous allons, pleins de repentir et de componction, “ vers le Père “, c’est-à-dire dans l’Église ; le soir, nous sommes revêtus de la dignité de fils de roi.

Je me lèverai et j’irai vers mon père et je lui dirai : Père, fais de moi un de tes journaliers “ (Ant. Bened.).

Le père dit à ses serviteurs : Apportez vite sa première robe (stolam primam) et revêtez-l’en, mettez-lui un anneau à sa main et des chaussures à ses pieds “ (Ant. Magn.).

Il voulait, pour pénitence, devenir esclave — le père en fit un fils de roi. Remarquons la sublime scène liturgique de l’élévation à la dignité de fils de roi ; elle rappelle la vêture solennelle d’un évêque à qui on met ses vêtements pontificaux. Ainsi donc, ces deux antiennes constituent les termes essentiels de toute pénitence, mais nous y voyons aussi la pédagogie consolante de l’Église dans le temps de Carême et de Pâques.

1. Vocation et conversion. — Aujourd’hui, nous remercions Dieu de deux grandes grâces, celle de notre vocation et celle de notre conversion. En tant que catéchumènes, nous célébrons le mystère de la vocation ; en tant que pénitents, la grâce de la conversion. Ayons conscience d’être des hommes élus et appelés. Sans mérites de notre part, nous avons été choisis parmi des milliers. Outre la grâce de l’appel, Dieu nous donne encore celle de la conversion. La conversion ne coïncide plus avec le baptême. La plupart des hommes doivent, en tant qu’adultes, passer d’une vie tiède ou même pécheresse à une vie meilleure et se convertir à Dieu. Enfin, nous devons, tous les ans, pendant le Carême, nous convertir de nouveau. C’est ce que l’Église nous indique aujourd’hui dans la parabole de l’Enfant prodigue, cette parabole d’une beauté impérissable, qui est la vraie parabole de Carême. Le fils plus jeune, c’est chacun de nous. Nous sommes partis loin de la maison paternelle, vers la terre étrangère, la terre où Dieu est étranger et nous avons éprouvé la nostalgie de notre Père et de la maison paternelle. C’est déjà une grande grâce de ne pouvoir vivre en paix avec le péché. Dieu ne nous a pas laissé de repos. Or, voici le joyeux message : le Père attend avec impatience le retour de son enfant, il le laisse à peine dire un mot, il l’embrasse et le couvre de baisers, il lui rend tous ses droits anciens de fils de prince (anneau, chaussures et robe nuptiale). C’est sur cela que la parabole insiste, sur la joie de l’heureux retour. L’Église désire qu’aujourd’hui nous nous mettions à la place du fils retrouvé. Pendant tout le jour, pensons avec reconnaissance que nous sommes des hommes élus et convertis.

2. Le thème de la station. — Les saints de la station d’aujourd’hui sont les martyrs romains, saint Pierre et saint Marcellin ; le premier était prêtre et l’autre, exorciste. Sous l’empereur Dioclétien, ils convertirent, dans leur prison, beaucoup de monde à la vraie foi. Après un dur emprisonnement et de nombreux supplices, ils furent décapités. — Le texte de la messe a subi l’influence des saints de la station. A cause de ces deux saints fraternellement unis, on nous présente, dans chacune des deux lectures, deux frères. Ces saints étaient très vénérés dans l’Église romaine et leurs noms se trouvent, depuis des siècles, dans les diptyques du Canon romain. L’Église de station, dans laquelle nous nous rendons aujourd’hui en pèlerinage, est un antique sanctuaire déjà attesté au VIe siècle et, comme station, au Vile siècle. Aujourd’hui, l’église est entièrement reconstruite et de la basilique primitive il ne reste plus rien.

3. La messe (Lex Domini). — Dans cette messe nous sommes immédiatement frappés par le parallélisme voulu des deux lectures et des deux frères (la messe de samedi prochain est construite absolument sur le même modèle et doit remonter à la même époque). Les chants sont extraordinairement joyeux La messe est, pour nous, une messe d’action de grâce ! et de joie. A l’Introït, nous chantons aujourd’hui le chant du soleil ; nous en extrayons joyeusement la seconde partie qui célèbre la majesté de la Loi. Les catéchumènes et les pénitents pouvaient prendre part à ce chant, célébrer la doctrine chrétienne qui rafraîchi l’âme et apporte la sagesse aux petits. Dans l’Oraison nous demandons que le jeûne corporel contribue : rassasier notre âme. Les deux lectures forment parallèle : deux frères, dont le plus jeune, qui a moins d, droits, est élevé, alors que l’aîné est rabaissé. La leçon convient surtout aux catéchumènes ; l’Evangile, au : pénitents. La leçon traite du mystère de l’élection Jacob reçoit, de préférence à son aîné, Ésaü, la bénédiction du premier-né. L’Évangile traite de la grâce de la conversion. Ces deux frères cadets représentent la vocation de l’Église des Gentils. Le sacrifice eucharistique est le banquet joyeux que le Père nous prépare à tous, aux pénitents et aux catéchumènes, comme avant-goût du Jeudi-Saint et de la nuit de Pâques C’est pourquoi l’antienne de Communion, extraite de l’Évangile, respire la joie et la reconnaissance. L’Église nous dit, pour ainsi dire : Réjouissez-vous, car vos frères, les catéchumènes et les pénitents, sont ressuscités des morts. C’est ce qui nous explique le caractère joyeux de ces chants. C’est le thème pascal : nous nous voyons déjà à la fin de notre travail de jeûne et de conversion. Le soleil de Pâques se lève déjà aux yeux des convertis. A l’Offertoire, nous sommes déjà environnés de la clarté de la lumière pascale et nous demandons la véritable conversion, comme le “ fils ressuscité des morts “. la pensée de la pénitence, que nous aimons retirer de cette parabole, ne semble pas occuper la liturgie, dans cette messe ; elle attire surtout notre attention sur le mystère de l’élection.

4. La prière des Heures. — La prière des Heures approfondit, aujourd’hui, la parabole de l’Enfant prodigue. Aux Matines, nous consacrons même un Répons à ce sujet, ce qui t :st une des rares exceptions en Carême. A la différence de la messe, la prière des Heures semble mettre au premier plan la pensée de la pénitence. Nous lisons, aux Matines, un extrait du commentaire de saint Ambroise sur saint Luc. Citons-en quelques passages caractéristiques : “ Il n’y a pas, dans le royaume de Dieu, d’âge mineur et la foi ne s’apprécie pas d’après les années. ” “ Celui-là perd son patrimoine qui se sépare de l’Église. ” “ Quel plus grand éloignement que de se séparer de soi-même, alors même qu’on n’est pas séparé par des pays étrangers, mais par sa conduite ?... Car celui qui est séparé du Christ est banni de sa patrie, c’est un citoyen de ce monde. Quant à nous, nous ne sommes pas des étrangers et des passants, mais nous sommes des concitoyens des saints et les commensaux de Dieu. Autrefois, nous étions éloignés, mais nous sommes rapprochés dans le sang du Christ. “ “ Le pays éloigné est l’ombre de la mort. Mais nous, pour qui le souffle devant la face est le Christ Notre Seigneur, nous sommes à l’ombre du Christ. “ Quelles profondes pensées dans ces phrases !

Père, j’ai péché devant le ciel et devant toi,

Je ne suis pas digne d’être appelé ton fils.

Fais de moi l’un de tes serviteurs.

Tant de serviteurs ont du pain en abondance dans la maison de mon Père,

Et moi, ici, je meurs de faim !

Je me lèverai et j’irai vers mon Père et je lui dirai :

Fais de moi l’un de tes serviteurs (Rép.).

5. Psaume 12. — De la désolation à l’allégresse de la reconnaissance. — Ce psaume, d’une belle construction, nous fait passer par les trois degrés que doit gravir toute bonne prière : 1. dans la détresse ; 2. demande fervente ; 3. joie d’avoir été exaucé.

Jusqu’à quand, Seigneur, m’oublieras-tu complètement ? jusqu’à quand me cacheras-tu ta face ?

Jusqu’à quand porterai-je le chagrin dans mon âme et mon cœur devra-t-il se consumer dans la peine ?

Jusqu’à quand mon ennemi s’élèvera-t-il contre moi ?

 

Regarde, écoute-moi, Seigneur mon Dieu !

Donne la lumière à mes yeux, afin que je ne tombe pas dans le sommeil de la mort ; afin que mon ennemi ne dise pas :.je l’ai vaincu, et que mes adversaires ne se réjouissent pas en me voyant chanceler.

 

Mais moi j’espère en ta bonté.

Mon cœur tressaille déjà à cause de ton secours ;

Je chanterai le Seigneur pour le bien qu’il m’a fait, je louerai le nom du Très-Haut.

LA TROISIÈME SEMAINE DE CARÊME

Nous entrons dans la seconde partie du Carême. Après les jours de préparation, pendant lesquels l’Eglise nous a expliqué les exercices de Carême et leur esprit, nous sommes entrés à l’école de combat du Christ. Mais il s’agissait de la défensive, nous devions nous défendre contre les attaques du prince de ce monde. Avec les armes de l’abstinence, nous devions nous frayer un chemin jusqu’à la montagne de la Transfiguration. Pendant les deux semaines, le thème de la Passion a traversé ces textes liturgiques. Pendant la première semaine, c’était en figure : le Christ, Moïse et Elie s’avancent vers la Transfiguration par quarante jours de jeûne (c’était la figure de la Passion et de la Résurrection du Seigneur). Maintenant, commence la seconde partie du Carême. Le Christ passe de la défensive à l’offensive. A ce sujet, l’Evangile du “ fort ” qui est vaincu par le “ plus fort ” est typique. La liturgie s’occupe désormais davantage des catéchumènes. Les trois messes antiques de cette semaine (lundi, mercredi et vendredi) sont principalement consacrées aux catéchumènes. Le Christ combat en eux. Les autres messes (mardi, jeudi et samedi) ont beaucoup de ressemblance, dans leur forme et leur contenu, avec celles de la seconde semaine. Si nous voulons caractériser l’image du Christ pendant la semaine qui va commencer, nous pouvons dire brièvement : le médecin et le Sauveur de notre âme est devant nous. C’est ce que nous voyons surtout le lundi (le médecin d’Israël), le jeudi (les saints médecins, Cosme et Damien) le vendredi et le samedi (Jésus et les pécheurs).

Pensées principales de la semaine qui commence. — Dimanche : les catéchumènes sont les “ illuminés “ ; le Christ triomphe, en eux, du diable. — Lundi : le lépreux, Naaman le Syrien, est une belle image des catéchumènes ; par contraste, les Juifs veulent tuer le Seigneur. — Mercredi : les catéchumènes reçoivent la Loi (les commandements). — Vendredi : Deux symboles du baptême : Moïse fait jaillir de l’eau en frappant le rocher -le Christ promet à la Samaritaine de l’eau vive. — Mardi : la messe est copiée sur la messe de mardi dernier : le Christ docteur. — Jeudi : messe du “ guérisseur ” en l’honneur des saints médecins, Cosme et Damien. — Samedi : messe des pénitents ; une double image : Suzanne innocente et la femme adultère repentante.

TROISIÈME DIMANCHE

Index

DE CARÊME

STATION A SAINT LAURENT

Le fort est vaincu par le plus fort.

Le dimanche présente une construction dont l’unité est visible : le Christ veut faire de nous des hommes de lumière, il triomphe du diable en nous, dans le Baptême et dans l’Eucharistie. Assurément la messe se rapporte, d’une manière plus directe, aux catéchumènes, mais on peut aussi en appliquer les textes, dans tout leur sens, aux fidèles.

1. Dans l’antiquité. — Transportons-nous à Rome dans le passé, environ 1500 ans en arrière. Nous voyons une procession traverser la ville sainte. Devant, marchent les catéchumènes et les pénitents en vêtements de poils de chèvre ; puis, viennent les fidèles, suivis du clergé qui entoure le Pape. Ils se rendent dans la célèbre basilique de Saint-Laurent hors les murs. Ce héros parmi les martyrs doit être un modèle dans le combat contre le démon, le “ fort ” qu’il faut vaincre. Tous sont rassemblés autour du tombeau de saint Laurent. Avec quel ardent désir ont-ils dû entrer aujourd’hui dans la maison de Dieu ! Les regards dirigés vers le sanctuaire (l’autel est le Christ), ils se sentent à l’abri des “ filets ” du Mauvais (Intr., le psaume 24, le fervent psaume d’Avent). L’Église maternelle soutient les “ demandes de ceux qui supplient humblement “ et prie pour leur défense (Oraison). Maintenant, notre Mère l’Église élève sa voix. Il y a là des hommes avancés en âge, qui, au prix de grands efforts, sont arrivés à la foi ; de tendres jeunes filles, qui, pour l’amour du Christ, ont refusé un riche mariage ; des jeunes gens déshérités par leurs parents, parce qu’ils se sont faits chrétiens. Tous, ils ont supporté des combats intérieurs et extérieurs ; cependant, la victoire n’est pas encore remportée. Aujourd’hui doit se livrer la bataille décisive : il faut que le Christ règne comme “ Roi et Dieu ”. Et l’Église prend la parole ; elle songe d’abord au passé : “ Quel était votre idéal ? ” Hélas ! vous n’aviez de goût que pour l’avarice, la Passion, la jouissance. Vous étiez dans de profondes ténèbres. Mais voici que s’est levé au-dessus de vous un autre idéal : le Christ, le divin Soleil. Il s’est accompli en vous un grand changement, vous êtes passés de la nuit à la clarté du jour. Il faudra désormais marcher comme des enfants de lumière, comme des étoiles. Soyez donc des hommes de lumière, des étoiles dans un ciel obscur — c’est désormais votre vocation. — L’Église continue par la voix du diacre : Le “ fort “, le prince de ce monde, était jusqu’ici votre roi. Tant que vous lui étiez soumis, il restait tranquille. Maintenant que vous l’avez détrôné, il fait du bruit et soulève une tempête : vos proches, votre entourage, l’enfer, tout se déchaîne contre vous. Il faut que le nouveau Maître, le “ plus fort ”, occupe le trône de votre âme. La victoire du Christ doit se réaliser en vous. Puis, encore, un grave avertissement : De grands sacrifices vous attendent. Il faut renoncer à tout : au monde, à l’honneur, aux biens, aux jouissances. Pourrez-vous persévérer ? Malheur à vous si vous faites défection : “ car ceux qui ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don céleste, qui ont reçu le Saint-Esprit... et qui pourtant sont tombés, on ne peut plus les renouveler une seconde fois en les amenant à la pénitence ” (Hébr. VI, 4). — L’évêque vient de faire entendre sa parole qui a eu de longs échos dans l’âme des “ illuminés ”. Maintenant on les congédie. Les fidèles restent et célèbrent le Saint-Sacrifice. Aujourd’hui, au Canon, on prie aussi pour les parrains des futurs baptisés. Mais les fidèles eux-mêmes peuvent s’appliquer les avertissements donnés aux catéchumènes. Eux aussi combattent pour la couronne. N’y a-t-il pas dans leur âme des coins sombres ? Le “ fort “ est-il vraiment détrôné ? Le Christ règne-t-il complètement dans leur cœur ? Tout danger d’apostasie est-il écarté ? Qu’arriverait-il si le bourreau venait frapper à leur porte ? Cependant, dans tous ces combats, il y a un vainqueur : le Christ en eux, le Christ au Saint-Sacrifice, le Christ qui, par amour pour eux, s’est livré à la mort. C’est pourquoi, à la procession de l’Offrande, ils déposent, sur l’autel de leur volonté, les commandements de Dieu qu’ils promettent de “ garder “. Dans le sacrifice, le Christ met sur eux le sceau de sa victoire, il en fait des hommes de lumière. Il va rentrer dans son royaume ; il est le Roi de leurs cœurs, il est “ leur Roi et leur Seigneur ” (Comm.). Ainsi la messe les a conduits à travers le combat de Carême jusqu’à la victoire pascale.

2. Les scrutins. — Aujourd’hui, au point culminant du combat de Carême, les futurs baptisés, et nous avec eux, se rassemblent de nouveau, comme au début du temps de pénitence (Septuagésime), auprès du patron des catéchumènes, du grand combattant, du grand vainqueur, saint Laurent ; c’est là, dans son église, qu’on aimait, par l’exorcisme, chasser les mauvais Esprits. C’est à cette action que se rapportent tous les textes de l’avant-messe. Saint Laurent qui, dans son martyre, a si héroïquement triomphé du diable, va être notre patron et notre protecteur dans la seconde partie du combat de Carême. En ce dimanche, les catéchumènes font un pas de plus vers l’Église : on l’appelle le dimanche des scrutins. C’est à partir d’aujourd’hui qu’on commençait l’examen des candidats au baptême. Les fidèles étaient invités à venir témoigner au sujet de leur conduite. Il y avait sept de ces scrutins qui avaient lieu, d’ordinaire, le mercredi et le samedi. Le plus important était celui du mercredi de la quatrième semaine de Carême.

3. Lecture d’Écriture. — L’Église nous présente aujourd’hui le Patriarche Joseph. Elle nous met ainsi sous les yeux une des figures les plus attachantes de l’Ancien Testament. Il y a un charme tout particulier dans l’histoire de Joseph. Environné d’une atmosphère d’innocence, chéri de son vieux père, orné d’un vêtement d’honneur, il se présente à nous dans toute la beauté de la jeunesse. Mais, de très bonne heure, il goûte, à l’école de la vie, l’amertume et la souffrance. A l’âge de 16 ans, il est vendu par ses frères. A peine a-t-il commencé à retrouver un peu de bonheur dans la maison de son maître, Putiphar, que son héroïque chasteté le fait jeter en prison. Mais, enfin, il s’élève des ténèbres de la prison jusqu’aux plus grands honneurs dans le royaume d’Égypte. L’esclave devient prince et ministre puissant de Pharaon, et le fils que l’on croit mort va être le sauveur de ses frères ennemis. Toute une couronne de vertus orne le front de ce jeune homme. Comme il sait se réconcilier avec ses frères ! Il est indomptable dans l’épreuve et modéré dans le bonheur. On voit, dans toute sa vie, l’action de la divine Providence qui prend, souvent, des voies merveilleuses. Bien souvent, ce qui nous semble un malheur est notre plus grand avantage. Joseph est une figure du Christ souffrant, nous l’avons déjà vu dans la messe de la Passion de vendredi dernier, dont nous pourrions extraire la lecture d’Écriture d’aujourd’hui.

Saint Ambroise nous donne, au bréviaire d’aujourd’hui, de très édifiantes considérations sur le Patriarche Joseph ; nous y voyons aussi quelle estime on avait, dans l’ancienne Église, pour les Patriarches. Il commence ainsi : “ La vie des saints est une règle de vie pour les autres. C’est pourquoi nous avons reçu toute une série d’Écritures abondamment traitées, afin que, lorsque la lecture nous fait connaître Abraham, Isaac, Jacob et tous les autres justes (de l’Ancien Testament), nous puissions suivre leurs traces sur le chemin qu’il nous ont pour ainsi dire ouvert... Aujourd’hui se présente à nous l’histoire du saint Patriarche Joseph ; en lui, ont brillé plusieurs espèces de vertus, mais ce qui brilla d’une clarté particulière, ce fut sa chasteté. Chaque Patriarche peut nous enseigner une vertu différente. Dans Abraham, nous admirons la foi active ; dans Isaac, la pureté d’un esprit sincère ; dans Jacob, la patience et la force dans la souffrance. Le saint Patriarche Joseph peut nous être proposé comme un miroir de chasteté. Dans ses mœurs, dans ses actions, brillent la pudeur et comme un éclat d’amabilité qui accompagne la pudeur. C’est pourquoi ses parents l’aimaient plus que leurs autres enfants. Mais cela détermina l’envie des autres ; Néanmoins, il exerça, d’une manière héroïque, l’amour des ennemis envers ses frères. Ce qui le rend admirable, c’est qu’il exerça cet amour des ennemis avant l’Évangile. ” Telles sont les considérations de saint Ambroise. Nous devrons, pendant toute cette semaine, consacrer nos pensées et nos sentiments au Patriarche Joseph. C’est ce que nous enseigne l’Eglise qui, dans les Matines, consacre treize répons à Joseph. Dans ces répons, nous voyons passer devant nos yeux toute la vie, si riche en événements, de ce Patriarche.

4. Office des Heures. Le bréviaire s’occupe, nuit et jour, de l’Évangile. Le docteur de l’Église, saint Bède le Vénérable, donne, dans les leçons du troisième nocturne, une explication de cet Évangile : “ Trois miracles furent accomplis dans le possédé guéri : le muet parle, l’aveugle voit, le possédé est délivré du démon. Ces trois miracles se renouvellent tous les jours dans la conversion des fidèles ; d’abord, le démon est chassé ; puis, ils voient la lumière de la foi et ouvrent la bouche pour louer Dieu. “ (Dans ces paroles, saint Bède explique le sens liturgique profond de la péricope). La liturgie désire qu’à toutes les Heures du jour nous nous occupions d’une pensée de l’Évangile. Aux Laudes, alors que le voile d’une demi-obscurité est encore répandu sur la nature, que le monde est encore “ assis à l’ombre de la mort ”, l’Église chante que le “ fort” (le diable) possède encore tranquillement ce qu’il a. Mais au Benedictus, elle annonce déjà qu’avec le “ lever du soleil sur les hauteurs ”, sa domination va prendre fin. “ Quand le fort garde sa cour, en armes, il possède tout ce qu’il a, en paix.” A Prime, nous chantons le miracle accompli sur le possédé ; à Tierce, l’Heure du Saint-Esprit, nous chantons la parole du Seigneur : “ Si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, le royaume de Dieu est véritablement arrivé. “ Les Pères entendent volontiers par le doigt de Dieu le Saint-Esprit (c’est pourquoi on chante dans l’hymne du Saint-Esprit : digitus paternae dexterae). A Sexte, nous méditons sur une parole du Christ : “ Celui qui ne ramasse pas avec moi dissipe ; celui qui n’est pas avec moi est contre moi. “ A None, à l’heure où le jour s’incline, nous chantons le déplorable retour du diable. Quand, à Vêpres, nous chantons le Magnificat, le cantique d’action de grâces de la Mère de Dieu, nous ajoutons comme antienne la louange de cette femme à la Bienheureuse Vierge “ qui a porté le Christ et l’a allaité “. Mais, en même temps, nous entendons de la bouche du Seigneur comment nous pouvons participer à cette béatitude : “ Heureux ceux qui entendent la parole de Dieu et la gardent ! ”

LUNDI DE LA TROISIÈME SEMAINE DE CARÊME

STATION A SAINT-MARC

Le médecin d’Israël.

Des païens (Naaman) cherchent le médecin d’Israël ; les Juifs cherchent à le faire mourir. Ainsi le thème du Baptême et celui de la Passion coïncident.

Les antiennes du lever et du coucher du soleil sont les suivantes : “ En vérité, je vous le dis, aucun prophète n’est considéré dans son pays ” (Ant. Bened.). “ Jésus passa au milieu d’eux et s’en alla ” (Ant. Magn.). L’Église veut que nous passions toute la journée avec Jésus, à Nazareth. Là, ses compatriotes le reçurent avec des sentiments hostiles et voulurent même le faire mourir. C’est un prélude de la mort sur la Croix.

1. La Station. — A Saint-Marc. Le saint de station est le pape saint Marc, qui gouvernait l’Église romaine en 336. La liturgie fait mémoire de lui le 7 octobre. Il ne régna que huit mois, sous l’empereur Constantin. Au sujet de son activité, on signale seulement qu’il bâtit deux églises ; il consacra notre église de station et celle de Sainte-Balbine. Dans l’église où nous nous rendons aujourd’hui, on honore aussi l’évangéliste du même nom, saint Marc. Quand nous entrons dans l’église, nous remarquons immédiatement la grande mosaïque au fond de l’abside (de Grégoire IV, 827-844) : au milieu, se tient le Christ levant la main droite ; à sa gauche, le pape saint Marc, saint Agapit et sainte Agnès ; à sa droite, saint Felicissimus, l’évangéliste saint Marc et Grégoire IV (avec un nimbe carré, pour montrer qu’il était encore en vie) ; à l’arrière-plan, on voit les douze agneaux symboliques, qui viennent des deux villes de Jérusalem (Juifs) et de Bethléem (païens) et s’avancent vers l’Agneau de Dieu. Aujourd’hui, l’église est ornée de revêtements d’un marbre très beau et très rare, comme on en voit dans peu d’églises de Rome. Elle possède aussi de nombreuses reliques qui, à l’occasion de l’office de station qu’on célèbre aujourd’hui, sont exposées à la vénération des fidèles.

2. La messe (In Deo). — Ce qui donne de l’importance à ce jour, c’est que les fidèles sont invités au scrutin pour mercredi. L’invitation se fait en ces termes : “ Très chers frères, vous savez que le jour du scrutin, dans lequel nos élus seront instruits de la doctrine divine, est imminent. C’est pourquoi, rassemblez-vous avec un soin pieux et venez mercredi, à la troisième heure, afin que nous puissions accomplir, dans un service sans faute et avec l’assistance de Dieu, le mystère par lequel le diable, avec ses pompes, sera anéanti et la porte du royaume du ciel sera ouverte. “ Les lectures de la messe concernent les catéchumènes. Ces catéchumènes ont été choisis dans le paganisme, comme Naaman, pour être purifiés dans l’eau du Jourdain (le Baptême). Naaman est le type de l’Église des Gentils. Quant à Israël, il rejette son Rédempteur hors de la ville et veut le faire mourir. Les chants annoncent les combats, les combats spirituels que les catéchumènes auront à supporter avant d’arriver à la victoire, mais aussi la douleur contrite des pénitents : “ Tu as laissé mes larmes arriver jusqu’à ta face. “ Pensons aussi aux combats de notre chef, le Christ. Pour nous, la communauté croyante en qui doit se renouveler la grâce du Baptême, nous avons aussi quelques enseignements à recevoir : 1. Les scrutins nous avertissent de nous éprouver nous-mêmes et d’examiner notre conscience, afin de renouveler le “ mystère céleste “ du Baptême. 2. Les chants sont l’expression de la détresse de notre âme ; notre pauvre âme a des ascensions et des chutes, elle est vite déprimée, mais elle ne doit pas perdre le courage et la confiance. C’est ce qu’exprime très bien le psaume d’introït (55) : “ Avant le haut du jour (du jour de combat), je suis effrayé, mais je me confie en Dieu. “ Le leitmotiv du jour doit être : “ Entre les mains de Dieu, je remets mon sort, je ne crains rien “ et “ Dieu accepte avec bonté mes larmes “ (Graduel). 3. Les lectures nous présentent un saisissant contraste : le païen vient de loin en Israël pour chercher la guérison ; le Christ, dans sa patrie, est rejeté par ses propres concitoyens. Le païen trouve la guérison chez le “ médecin “ d’Israël ; les habitants de Nazareth repoussent leur “ médecin “. C’est un sérieux avertissement pour nous qui sommes les concitoyens du Seigneur. 4. Dans Naaman, nous admirons notre élection parmi un si grand nombre qui ne sont pas appelés. 5. La pensée principale de la messe est : l’humilité et l’obéissance procurent le salut (leçon), sans humilité pas de salut (Évangile). L’épreuve du puissant Syrien fut l’humiliation. Il ne fut même pas reçu par le Prophète ; il dut se baigner sept fois dans le Jourdain. Le Christ nous adresse, nous aussi, à l’Eglise et exige que nous courbions notre orgueil. Toutes les institutions de l’Eglise sont une école d’humilité (par ex. la confession). Le Christ lui-même a pris le premier le chemin de l’humiliation. 6. De nouveau, dans cette messe, apparaît le thème de la Passion : le Christ est rejeté par ses propres compatriotes.

3. La prière des Heures. — Saint Ambroise nous donne de l’Evangile une explication édifiante. Le saint docteur nous montre la laideur de l’envie chez les habitants de Nazareth : “ Celui-là attend vainement le secours de la miséricorde divine, qui envie, chez les autres, les fruits de la vertu. Le Seigneur est l’adversaire des envieux et, de ceux qui combattent chez les autres les bienfaits de Dieu, il éloigne sa puissance miraculeuse. Ce que le Christ fait dans sa vie terrestre est un modèle de ce qu’il accomplit toujours comme Dieu. Et ce qu’il accomplit d’une manière invisible nous est montré par ses actes visibles. “ Dans la veuve, vers laquelle est envoyé Elisée, nous pouvons voir une figure de l’Eglise des Gentils : “ Ce peuple qui, auparavant, était lépreux, ce peuple qui était couvert de plaies avant d’avoir été plongé dans le fleuve mystique, ce peuple, après avoir été lavé par le sacrement de Baptême des taches extérieures et intérieures, n’est plus couvert de lèpre, mais a commencé à devenir une vierge sans souillure et sans ride. ” (Ces paroles nous montrent nettement les relations de cette messe avec le Baptême).

4. Le psaume 13. — Plainte au sujet de l’impiété universelle. — Le psaume provient, sans doute, de l’époque de l’exil. C’est la protestation des opprimés contre la méchanceté des impies.

Ordre des idées. — I. Le psalmiste se plaint de la méchanceté des impies et en vient à songer à la corruption universelle des hommes (péché originel) 1-3 a : II. a) La corruption des impies est exposée dans 3 b ; b) mais ces versets n’appartiennent pas au psaume, ils ont été tirés de Rom. III, 13-16 et introduits dans le psaume. III. Dieu punira les méchants, 4-6. Strophe de conclusion : Prière pour demander la délivrance de l’exil.

L’insensé dit dans son cœur :

Il n’y a pas de Dieu.

Ils sont corrompus, ils commettent des actions abominables ; Il n’en est aucun qui fasse le bien, aucun.

Le Seigneur regarde du haut du ciel vers les hommes, il regarde pour voir s’il y en a un de sage, un craignant Dieu.

Mais tous sont égarés, tous ensemble sont pervertis, il n’en est aucun qui fasse le bien, aucun.

Leur gosier est un sépulcre ouvert, ils se servent de leur langue pour tromper, un venin d’aspic est sous leurs lèvres.

Leur bouche est pleine de malédiction et d’amertume ; ils ont les pieds agiles pour répandre le sang.

L’affliction et le malheur sont dans leurs voies, ils ne connaissent pas le chemin de la paix ; la crainte du Seigneur n’est pas devant leurs yeux.

Ne réfléchiront-ils pas ceux qui commettent l’iniquité, qui dévorent mon peuple comme un morceau de pain ?

Ils n’invoquent pas Dieu. mais alors ils trembleront d’épouvante quand le Seigneur se placera à côté des hommes pieux.

Anéanti sera leur projet contre les pauvres, car le Seigneur est leur espérance.

Ah ! que vienne de Sion le secours pour Israël !

Quand le Seigneur ramènera les captifs de son peuple,

Jacob sera dans la joie, Israël dans l’allégresse.

MARDI DE LA TROISIÈME SEMAINE DE CARÊME

STATION A SAINTE PUDENTIENNE

Le Christ en nous — le miracle de l’huile.

L’Église, dont la veuve est la figure, verse dans notre cœur l’huile de la doctrine et de la grâce, afin que nous soyons délivrés de notre créancier (le diable).

Les deux antiennes du commencement et de la fin du jour chantent la bénédiction de la vie de communauté : “ Quand deux d’entre vous sont d’accord sur la terre, quel que soit l’objet de leur prière, cela leur sera accordé par mon Père des cieux “, dit le Seigneur (Ant. Bened.).

Quand deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux “, dit le Seigneur (Ant. Magn.).

Il est caractéristique de voir que, parmi les nombreux enseignements de l’Évangile d’aujourd’hui, l’Église choisit précisément, pour ses deux chants directeurs, ceux qui ont trait à la communauté. L’Église aime la communauté.

1. Station. — A Sainte-Pudentienne. On lit dans le martyrologe du 19 mai : “ A Rome, la sainte vierge Pudentienne ; elle eut à subir de nombreuses épreuves ; elle avait donné une sépulture honorable à un grand nombre de saints martyrs ; elle avait, par amour du Christ, distribué tous ses biens aux pauvres ; aussi elle monta de la terre au ciel. “ L’église, dans laquelle nous nous rendons aujourd’hui, est une des plus anciennes églises titulaires ; elle doit remonter jusqu’au Ille siècle. A la fin du IVe siècle, on érigea une basilique dont les éléments architecturaux subsistent encore. La mosaïque qui se trouve au fond de l’abside est de cette époque (sous le pape Innocent I, 401-417) ; c’est la plus belle et la plus artistique des antiques mosaïques chrétiennes qu’on puisse encore trouver à Rome. Au milieu, le Sauveur glorifié est assis sur un trône royal orné ; dans la main gauche, il tient un livre ouvert sur lequel on peut lire ces paroles : Dominus conservator Ecclesiae Pudentianae. A sa droite et à sa gauche, on voit le collège des douze Apôtres, avec saint Pierre et saint Paul à leur tête. Derrière les Apôtres assis, se tient debout, de chaque côté, une femme, la tête recouverte d’un long voile ; ces deux femmes tiennent, à la main droite, une guirlande qu’elles présentent au Sauveur. Ce sont les deux saintes vierges Pudentienne et Praxède, dont le culte fut, de bonne heure, rattaché à l’église titulaire. Au-dessus, à l’arcade, derrière le Christ, s’élève une grande croix, accompagnée des symboles des quatre évangélistes. L’arrière-plan représente une ville. Au-dessous de l’image du Sauveur, se trouvait celle de l’Agneau de Dieu. Au-dessus de cet Agneau, planait la colombe du Saint-Esprit, le bec orné de rayons qui tombaient sur la tête de l’Agneau. C’est devant ce magnifique tableau que, pendant des siècles, les chrétiens de Rome célébrèrent l’office de station d’aujourd’hui. — Le formulaire de la messe a été fortement influencé par les pensées de la station. L’église qui, précédemment, portait le nom de “ titulus Pastoris “, passait pour la première résidence de saint Pierre, d’où l’Évangile du pouvoir de lier et de délier accordé aux Apôtres et de l’élection de saint Pierre. La sainte de station, sainte Pudentienne, perdit de bonne heure ses parents et mena une vie de prière et de charité. D’après la légende, le pape saint Pie Ier célébra pendant longtemps le Saint-Sacrifice dans sa maison et Pudentienne subvint à tous ses besoins. Élisée, qui demeure chez la veuve, est l’image du pape qui, par le Saint-Sacrifice, multiplie, dans les “ vases “) des âmes chrétiennes, l’huile de la grâce.

2. La messe (Ego clamavi). — La messe de Carême s’adresse aux pénitents et aux fidèles et est d’un caractère surtout didactique. Comme des orphelins qui cherchent secours, nous entrons dans le sanctuaire (Intr.). Tout le psaume 16 nous montre le chemin du Carême à la joie pascale. La leçon nous enseigne, dans l’image du récit de l’Ancien Testament, l’abondance du fleuve qui découle de la Croix du Christ ; nous n’avons qu’à le recueillir. Dans le miracle de l’huile, l’Église veut nous représenter la bénédiction de notre travail de Carême. La veuve est l’Église. Devenue veuve depuis le départ de l’Époux, elle est persécutée sur la terre ; ses enfants sont tombés dans la captivité où les retient le créancier ; maintenant, pendant le Carême, elle implore pour eux le secours contre le créancier (le diable). Le Christ nous aide. La provision d’huile est notre travail de Carême, Ce travail nous apporte mérite et récompense (Préface de Carême : “ Par le jeûne corporel, tu réprimes les vices, tu confères vertu et récompense “). Le Graduel est un écho de la leçon : “ Puissé-je être purifié de mes dettes secrètes et étrangères ! “ L’Évangile nous donne quatre véritables enseignements de Carême : la correction fraternelle, le pouvoir de lier et de délier de l’Église, les bienfaits de la communauté et, enfin, le pardon des injures. L’Offertoire est un écho de l’Évangile : “ Je bénis la main victorieuse et miséricordieuse de Dieu. “ C’est, en même temps, un thème pascal. Les fidèles demeurés dans l’église songent avec reconnaissance à la victoire de leur conversion. Le psaume 117 est un psaume de Résurrection. A la Communion, nous voyons déjà la montagne de Pâques, la tente de Pâques ; le Carême est une procession vers cette montagne.

3. Enseignements de Carême tirés de l’Évangile : a) La correction fraternelle. C’est là un précepte du Seigneur qui est bien peu observé. Ou bien nous ne pratiquons pas du tout la correction fraternelle, ou bien nous nous y prenons mal. Derrière le dos du prochain, nous nous entendons à merveille à dauber sur ses défauts, mais nous sommes le plus souvent trop lâches pour les lui faire remarquer à lui-même. D’autres fois, nous irritons le prochain en lui jetant inconsidérément ses défauts à la face. Ce serait, pourtant, un acte de charité de lui signaler aimablement ses défauts. La règle de Saint-Augustin dit : Si ton frère avait une blessure cachée, mais mortelle, et qu’il ne voudrait pas montrer au médecin par peur du bistouri, ne serait-ce pas un service d’ami de signaler ce fait ? Assurément, il faut beaucoup de tact et de douceur pour faire supporter la pilule amère de la correction. Mais soyons prêts à avaler cette pilule si quelqu’un nous révèle nos défauts ; nous apprendrons à mieux nous connaître. b) Le pouvoir de lier et de délier. “ Ceux à qui vous remettrez les péchés... “ Quel joyeux message pour nous tous qui passons le Carême comme pénitents ! Remercions Dieu d’avoir donné ce pouvoir à son Église. Le plus grand des maux est le péché. En quels termes saisissants, David, dans le psaume 31, décrit les tourments de la conscience ! “ Tant que je n’avouais pas mon péché, mes os se consumaient dans mon gémissement chaque jour ; car, jour et nuit, ta main s’appesantissait sur moi, je me retournais dans ma douleur et l’épine s’enfonçait davantage. “ De cette terrible souffrance de l’âme on se délivre par une bonne confession. Qui n’a pas déjà éprouvé ce bonheur ? Utilisons le pouvoir des clefs de l’Église pour le salut de notre âme. c) Bienfaits de la communauté. Le péché divise, le Christ unit. C’est pourquoi le Seigneur aime la communauté. Il a fondé l’Église, la “ communauté des saints ”. Dans notre Évangile, le Seigneur parle de la vie de communauté. A la “ communauté ” réunie en son nom, il promet sa propre présence. Il est donc présent dans toute union et association chrétiennes : mariage, amitié ; il demeure surtout dans la communauté paroissiale. C’est là que le Christ donne aux amis de la liturgie de nombreuses consolations et de nombreux encouragements. Que ne fera-t-il pas quand la communauté est rassemblée pour la plus parfaite prière commune, la messe, quand elle prie et sacrifie en commun ! Là, le Christ vit parmi nous, non seulement dans l’Eucharistie, mais encore comme chef du corps mystique. Développons donc en nous cet esprit de communauté dont le Christ parle ici. Ayons conscience des trésors de force qui se trouvent dans la vie de, communauté. d) Le pardon des injures. Une condition préalable pour le succès de notre travail de pénitence, c’est le pardon des injures. Ce pardon doit être inépuisable comme la mer : septante fois sept fois, c’est-à-dire toujours. Ne gardons pas de rancune, pardonnons complètement. Le Christ a ancré cette condition dans le Notre-Père : “ Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons. ”

La leçon, elle aussi, nous donne des pensées de Carême. Le miracle de l’huile opère réellement en nous. La veuve, la Sainte Église, verse l’huile dans notre cœur : ce sont les enseignements et les grâces de Carême. L’huile est le symbole du Christ, l’Oint. L’Église verse le Christ lui-même dans nos âmes. Saint Augustin dit : “ Réjouissons-nous et rendons grâces de ce que nous sommes devenus non seulement des chrétiens, mais le Christ lui-même. “ C’est là l’objet essentiel du Carême : pouvoir dire : “ Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. “ A la messe, l’Église verse en nous son divin Époux par la foi et le sacrement : c’est l’accomplissement du miracle de l’huile.

4. Psaume 14. — Le citoyen de Dieu. — C’est un chant simple, mais beau, que David composa pour le transfert de l’arche d’alliance à Sion.

Ordre des idées.

1. Question : Qui est le vrai serviteur de Dieu ? (v. 1). 2. Réponse :

a) générale : celui qui est sans tache et juste ;

b) particulière : qualités négatives : la langue, l’action, pas d’acception de personne, fuite du parjure, de l’usure, de la corruption, 3-4.

3. Conclusion : Louange ; 5 b.

 

Seigneur, qui habitera dans ta tente ?

Qui demeurera sur ta montagne sainte ? Celui qui marche dans l’innocence et fait ce qui est juste,

Celui qui dit la vérité dans son cœur, et ne calomnie pas avec la langue ;

Celui qui ne fait point de mal à son frère et ne jette point l’opprobre sur son prochain ;

Celui qui n’a que du mépris pour le réprouvé, mais honore ceux qui craignent le Seigneur ;

Celui qui fait un serment à son prochain sans le tromper, qui ne prête pas son argent à usure et n’accepte pas de présent contre l’innocent.

Celui qui agit ainsi ne chancellera jamais.

MERCREDI DE LA TROISIÈME SEMAINE DE CARÊME

STATION A SAINT-SIXT

Le Christ, le législateur nous donne la loi.

1. Tradition des commandements. — La messe d’aujourd’hui forme un tout unique et est entièrement consacrée au thème des catéchumènes. Dans l’Église ancienne, c’était aujourd’hui un jour important. On soumettait les catéchumènes au premier scrutin, leurs noms étaient inscrits dans le livre baptismal, “ dans le livre de vie ” ; aujourd’hui aussi, on leur remettait les dix commandements de Dieu (c’est pourquoi dans, la leçon et l’Évangile, il est question des commandements). Nous, les fidèles, vivons en esprit avec les catéchumènes. L’Église nous propose de nouveau les commandements de Dieu ; nous les recevons même des mains du Christ.

La leçon nous enseigne le grand respect que nous devons avoir pour les commandements de Dieu ; ils sont, en effet, la volonté expressément déclarée de la divine majesté. Le respect est le pivot du monde, dit Shakespeare ; le respect de Dieu est la base de toute morale. C’est la grande faiblesse de notre temps de ne plus avoir ce profond respect de la majesté divine et, par suite, de ne plus prendre les commandements autant au sérieux. L’histoire du salut nous montre pourtant quelle importance Dieu attribue à l’observation des commandements. Nous le voyons au paradis terrestre, après la transgression du premier commandement ; la malédiction de l’humanité, l’océan de misères qui découla du péché originel nous l’attestent ; ce qui nous le montre encore plus, c’est la mort du Christ sur la Croix, car cette mort est, en somme, le jugement et le châtiment du péché. L’Évangile nous fait entrer dans un autre ordre de pensées : nous chrétiens, nous devons accomplir les commandements en esprit et de tout cœur. Pour nous, ce ne sont pas, à proprement parler, des commandements ; pour nous, la volonté de Dieu est une joie : nous sommes comme de bons enfants qui accomplissent avec joie la volonté de leurs parents et qui, au lieu d’y voir un joug pénible, font, de leur obéissance, une preuve et une expression de leur amour. C’est pourquoi nous ne devons pas seulement accomplir la lettre de la loi, mais encore en comprendre et en observer l’esprit. L’esprit de la loi est l’amour, l’amour de Dieu et du prochain.

Encore une considération : Aujourd’hui a lieu le premier scrutin. Les fidèles se rassemblent pour porter un jugement sur les catéchumènes, pour décider s’ils sont dignes d’être admis dans leurs rangs. Nous nous trouvons dans un cas tout à fait semblable. Nous sommes les catéchumènes du ciel. Ce que les “ illuminés” étaient pour l’Église, nous le sommes pour le ciel. La mort est, pour nous, le baptême qui nous fait entrer dans le véritable royaume du ciel. Et les saints, les citoyens du ciel, tiennent, pour ainsi dire, conseil pour décider si nous sommes déjà assez mûrs pour entrer dans le sanctuaire éternel. Quand nous récitons aujourd’hui le Confiteor, nous pouvons nous représenter, d’une manière vivante, ce scrutin du ciel. Sur le trône est assis l’Évêque éternel, les saints sont rangés autour de lui : Marie, Michel, les Apôtres et tous les saints ; tous doivent m’accuser à cause de ma transgression des commandements — je me fais tout petit ; mea culpa, mea maxima culpa. Cependant, la cour céleste ne me condamne pas, mais prie pour moi. — Considérons le Carême comme un temps de catéchuménat pour le ciel. Pâques et le temps pascal sont l’avant-goût de la vie du ciel. A Pâques, nous devons être mûrs pour entrer dans la communauté des citoyens du ciel.

2. La messe (Ego autem). — Le saint de station est le pape Xyste ou Sixte II (+258), que nous voyons apparaître dans le martyre de saint Laurent. Ce saint était très vénéré ; notre église de station lui fut dédiée et on y transporta ses ossements du tombeau des papes de la Catacombe de Saint-Calliste. C’est sous sa conduite que les catéchumènes se rendent à la sainte cérémonie et nous nous y rendons avec eux. Introït : Comme les catéchumènes devaient se réjouir d’avoir fait un pas de plus vers le but ! “ Dieu a regardé leur misère. “) Le psaume 30 est toute une histoire des âmes, il montre comment elles ont souffert, lutté et comme elles sont, enfin, parvenues au terme heureux (thème pascal). Dans la leçon, nous voyons un drame puissant. Les enfants d’Israël campent dans le désert, devant le mont Horeb, et la montagne semble un autel fumant. Alors apparaît la “ Majesté du Seigneur”) au milieu des éclairs et des tonnerres et Dieu promulgue les commandements. Dans le Saint-Sacrifice, la “ Majestas Domini ” paraît aussi aujourd’hui sous la douce et modeste apparence du pain et nous donne sa loi. Mais c’est le moment de nous humilier. Y a-t-il un commandement dont nous puissions dire : “ Je n’ai commis aucune faute grave contre ce commandement ? “ C’est pourquoi nous récitons, au Graduel, le psaume 6, qui est un psaume de pénitence, et nous y ajoutons le Trait. L’Évangile nous fait monter d’un degré : L’Ancien Testament ne voyait que l’acte, Je Nouveau voit aussi le cœur. Malheur à nous si, comme les Pharisiens, nous déformons la loi en en faisant une lettre morte. Notre service de Dieu ne doit pas être un service des lèvres. La prière et la vie doivent être en harmonie. Le véritable travail de Carême consiste dans la sanctification et la purification du cœur. A l’Offertoire, nous retombons dans notre misère, nous implorons miséricorde en récitant le sombre psaume 108, mais, cependant, avec l’antienne : “ car douce est ta miséricorde. “ A la Communion, la communauté voit déjà la gloire pascale du Seigneur. L’antienne de communion est un cantique de procession : “ les chemins de la vie” sont les exercices de Carême et, quand nous sommes rendus au terme, à Pâques, nous pouvons dire “ tu nous remplis de joie devant ta face brillante. “ La messe contient donc deux pensées : la douleur du péché et l’allégresse pascale. C’est l’image de la vie chrétienne.

3. Psaume 15. — Le Seigneur est mon partage. — Ce psaume, au sens littéral, est la prière d’action de grâces d’un prêtre juif pour sa part d’héritage qui est le Seigneur. Cependant le psaume est un cantique messianique, dans lequel le Christ exprime son abandon complet à Dieu ; en même temps, la Résurrection du Seigneur est prédite. Nous récitons ce psaume comme action de grâces pour le bonheur de la filiation divine. D’autres ont des biens terrestres ; nous, nous possédons Dieu.

Garde-moi, Seigneur, en toi je me confie, j’ai dit au Seigneur : “ tu es mon Dieu, mon seul bien c’est toi “.

Les saints qui sont dans le pays, les illustres, sont l’objet de toute mon affection.

On multiplie les idoles, on court après les dieux étrangers.

Je ne prends point part à leurs libations sanglantes et leur nom ne vient pas sur mes lèvres.

Le Seigneur est la part de mon héritage et de ma coupe, c’est toi qui m’assures mon héritage.

Le cordon a mesuré pour moi une part magnifique ; oui, un splendide héritage m’est échu.

Je bénis le Seigneur qui m’a donné l’intelligence, même dans la nuit mon cœur me presse.

J’ai toujours le Seigneur devant mes yeux, car il est à ma droite, je ne chancellerai point.

 

Aussi mon cœur tressaille et ma langue jubile, et mon corps lui-même repose en sécurité,

Car tu ne livreras pas mon âme à l’enfer et tu ne laisseras pas ton saint voir la corruption.

Tu me feras connaître le sentier de la vie, tu me rempliras de joie devant ta face, de délices éternelles à ta droite.

JEUDI DE LA TROISIÈME SEMAINE DE CARÊME

STATION A SAINT-COSME ET SAINT-DAMIEN

Le Christ est le médecin de l’âme malade, la maison de Dieu est la maison des malades et l’Église est une institution de guérison.

Aujourd’hui est la mi-carême. Dans l’antiquité, on passait ce jour d’une manière un peu plus joyeuse. On voulait, au milieu du Carême sévère, accorder au peuple chrétien un peu de répit. Cette impression de joie continue de répartir son action sur dimanche prochain. C’est pourquoi la messe d’aujourd’hui n’est pas, comme celle des autres jeudis, une messe de pénitence. On conduisait la chrétienté dans l’église des célèbres médecins et thaumaturges, saint Cosme et saint Damien.

1. Station. -Les saints de station sont originaires de l’Orient. C’étaient de saints médecins qui mirent leur art entièrement au service du bien des âmes. Fidèles à l’exemple du Christ, ils guérissaient les corps pour pouvoir plus facilement guérir les âmes. Le culte de ces saints se répandit bientôt à Rome sous l’influence des Byzantins et on leur dédia une église sous Félix IV (526-530). Dans cette église, a lieu, depuis son introduction (vile siècle), l’office solennel de station. Nous y voyons encore, au fond de l’abside, la magnifique mosaïque qui y fut exécutée par ordre du pape Félix IV. Au centre, se tient debout la figure majestueuse du Sauveur glorifié, porté sur les nuages, la main droite levée et tenant dans la main gauche un rouleau de parchemin. Au-dessous de lui, saint Pierre et saint Paul conduisent au Roi du ciel les deux saints martyrs Cosme et Damien, qui, en tant que médecins, portent un flacon de remèdes. (Ce symbole est plein de sens : les deux saints étrangers sont introduits par les maîtres de maison de l’Église romaine). — Devant cette magnifique image, de nombreuses générations ont célébré les saints offices, nous nous joignons à elles.

2. La messe (Salus populi) est d’un contenu riche et substantiel et peu de messes ont autant de relation avec la station. En même temps, nous y assistons à un beau “ mystère “. Nous pouvons résumer le contenu de cette messe en trois mots : Cosme et Damien, le divin “ Médecin ”, la maison de Dieu. a) Les saints de station étaient, comme on l’a dit, des médecins et, en même temps, des intercesseurs dans les maladies. C’est pourquoi la messe commence par le mot caractéristique “ Salus ” (guérison, santé). C’est pourquoi aussi, dans l’Évangile, on raconte la guérison de la belle-mère de Pierre et de beaucoup d’autres malades. — En outre, les trois oraisons se rapportent aux saints de station, c’est le seul cas dans une messe du temps (cf. encore le dimanche de la Sexagésime). b) Le divin “ Médecin ”. Notre pensée passe facilement des deux saints médecins au divin “ Médecin ”, au Sauveur. Il est le médecin de l’âme malade, qui, depuis le péché originel, est blessée. L’Évangile décrit la grande journée dite de Capharnaüm, c’est une belle image de l’Église du Christ. Le Christ “ entre dans la maison de Pierre” et guérit la maîtresse de maison, (le type de l’Église), qui sert le Seigneur et ses disciples et leur prépare un repas (l’Eucharistie). Quand le soleil s’est couché (à sa mort), tous les malades viennent dans la maison de Pierre — dans l’Église — pour y trouver la guérison. Le Christ les guérit tous. C’est pourquoi le Sauveur se tient devant nous dès l’Introït et nous dit : “ Je suis votre santé “ ; c’est une invitation à entrer dans la maison des malades qu’est l’Église. Assurément, il donne aussi les remèdes et le régime : “ Écoutez ma loi “ (Psaume 77). L’Offertoire est un cantique de voyage : reconnaissance pour le “ Médecin” de l’âme et confiance en lui. Le mot “ salvare ” revient souvent au cours de la messe. c) La messe nous livre de très belles pensées sur la maison de Dieu (c’est un formulaire de messe de consécration d’église). La leçon est une prédication que Dieu nous adresse : si nous observons ses commandements, il demeure dans notre maison et nous accorde ses plus riches bénédictions. L’Évangile est merveilleusement adapté aux pensées d’une consécration d’église : “ Jésus entra dans la maison de Simon Pierre. “

3. La véritable guérison. — L’Église nous fait réfléchir, aujourd’hui, sur la guérison de notre âme. La Messe commence par le mot : Salus santé ; le tableau que nous présente l’Évangile est la guérison de nombreux malades. C’est en chantant l’antienne : “ Ta droite m’apporte la guérison” que nous approchons de l’autel, à l’Offrande. Comme fruit du sacrifice, nous demandons la “ guérison assurée ” (certa salvatio). Nous réfléchissons à notre besoin de guérison, à notre divin Médecin et à l’institution de guérison qu’est l’Église.

a) Il faut, tout d’abord, que le malade ait conscience de sa maladie ; autrement, il ne peut pas guérir. Hélas ! combien de gens circulent avec une âme malade et ne savent rien de leur état. Est-ce que nous connaissons bien le nôtre ? Il y a, d’abord, les maux héréditaires que nous tenons de nos premiers parents : l’amour-propre qui dégénère en égoïsme et en orgueil. L’intelligence est obscurcie, la volonté affaiblie ; la chair, la nature inférieure ne veut pas obéir à l’esprit. Ce sont des maux qui se tiennent cachés dans chacun de nous et n’attendent que le moment favorable pour faire irruption. A ces maux, il faut ajouter notre maladie particulière, nos inclinations dominantes, notre défaut principal et tous les mille péchés de notre vie. Chacun de nous est obligé de se plaindre avec saint Paul : “Je suis charnel, vendu au péché. Je ne sais pas ce que je fais ; je ne fais pas ce que je veux, le bien, et je fais ce que je hais, le mal... J’ai conscience qu’en moi, c’est-à-dire dans ma chair, n’habite pas le bien ; le vouloir est à ma portée, mais non l’accomplissement du bien... je remarque, dans mes membres, une loi qui contrarie la loi de mon esprit et me tient captif sous la loi du péché qui règne dans mes membres. Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ? ” (Rom, VII, 14 sq.). Mais saint Paul ne laisse pas de nous donner cette saisissante réponse : “ Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur ! ”

b) Le Christ est notre Sauveur, il est le grand médecin de notre âme, il la connaît à fond. Il connaît le siège et la gravité du mal, il connaît aussi le vrai remède. C’est pourquoi, pendant ses jours terrestres, il a opéré tant de guérisons, afin de nous montrer que, dans son Église, il guérirait les âmes malades. Les guérisons des malades sont le symbole de l’action salutaire par laquelle il guérit les âmes. Le divin médecin ne s’est pas contenté de prescrire les antidotes, il a commencé par les employer lui-même. A notre mal principal, l’amour-propre, il a oppose l’humilité. l’humilité est le trait principal de son action rédemptrice, “ il a été obéissant jusqu’à la mort, jusqu’à la mort de la Croix. “ A notre intelligence obscurcie, il a apporté le “ sel de la sagesse céleste ”, de sa doctrine sublime ; à notre volonté affaiblie, il a donné la force de ses sacrements. Bien plus, le divin médecin meurt lui-même, afin de donner, dans son corps et dans son sang, la vie à ceux qui meurent. L’Eucharistie est pour l’âme le plus grand remède.

c) La guérison s’opère lentement ; le convalescent a besoin de soins compatissants. Or l’Église est la maison hospitalière de l’âme malade. Nous n’avons qu’à regarder pour constater que toutes les institutions de l’Église tendent à donner des soins patients et charitables à l’âme malade, et à la guérir. Pensons seulement à la discipline pénitentiaire qui est plutôt une cure de l’âme qu’un jugement. Comme l’Église sait bien, dans ses fêtes et ses temps liturgiques, traiter et soigner l’âme ! Le Carême est un temps de cure pendant lequel on attaque à fond le mal. La messe est, chaque jour, l’heure de consultation du divin médecin. Les nombreuses bénédictions de l’Église sont autant de secours qui doivent aider l’âme à se guérir. L’Église ne cherche pas autre chose, depuis notre baptême jusqu’à notre mort, que notre “ salut “ (c’est-à-dire la santé de notre âme). A la mort, nous devons présenter notre âme en bonne santé devant notre Sauveur.

VENDREDI DE LA TROISIÈME SEMAINE DE CARF.ME

STATION A SAINT LAURENT IN LUCINA

Le Christ, le second Moïse, nous donne l’eau de vie du baptême et de l’Eucharistie.

Cette messe, elle aussi, est un monument de l’antique liturgie chrétienne. Elle apporte, aux catéchumènes comme aux fidèles, un joyeux message. Toute la journée est placée sous le signe de la Samaritaine.

Chants directeurs du jour : “ Celui qui boit de cette eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif” (.4nt. Ben.).

Seigneur, je vois que tu es un Prophète ; nos pères ont adoré sur cette montagne “ (Ant. Magn.).

1. Thème de la station. — Le saint de station est encore le patron des catéchumènes, Saint-Laurent. Il est vrai que c’est dans une autre église. Cette église est un des anciens titres. Elle fut fondée par une chrétienne, une certaine Lucine, peut-être au me siècle. Sur son emplacement, le pape Sixte III (432-440) fit construire une grande basilique qu’il dédia à saint Laurent. C’est là que, depuis l’antiquité, on conserva une grande partie du gril sur lequel Saint Laurent fut torturé. Auprès de l’église de station, il y avait ur. puits célèbre chez les Romains. C’est peut-être ce qui a déterminé les deux lectures sur l’“ eau ”. Ce fut peut-être aussi le contraire ; on put choisir cette station afin de représenter aux catéchumènes le baptême sous l’image du puits historique et des deux lectures. D’après la tradition, la Samaritaine s’appelait Photina. Or ce nom grec est l’équivalent du latin Lucina (la brillante). C’était aussi le nom de la fondatrice de la station.

2. La messe (Fac mecum). — Désormais, à l’Évangile, nous n’entendrons plus que la voix de saint Jean. Mieux que les autres évangélistes, il nous fait pénétrer dans l’âme souffrante de Jésus. Le thème de la Passion ira chaque jour en s’accentuant. La messe d’aujourd’hui est encore consacrée aux catéchumènes. Deux images leur révèlent l’importance du baptême. Moïse conduit à travers le désert le peuple altéré ; Dieu lui apparaît dans sa gloire et lui ordonne de frapper le rocher, pour en faire jaillir de l’eau et apaiser abondamment la soif du peuple (Leçon). Le Christ est le nouveau Moïse qui, du bâton de sa Croix, frappe le rocher ; bien plus, il est, selon Saint Paul, le rocher qui accompagne les Juifs, qui donne aux catéchumènes l’eau vive du Baptême et, avec cette eau, la vie éternelle. C’est de cette eau vive que le Christ parle à la Samaritaine (Évangile) ; cette eau qui devient une source de vie éternelle est, pour les catéchumènes, le Baptême ; les fidèles possèdent déjà cette eau ; elle jaillit tous les jours pour eux dans l’Eucharistie.

A l’Introït, les catéchumènes demandent un “ signe de ta bonté ” (signum). Ce signe est la Croix dont ils sont marqués, c’est le signe indélébile du baptême et, devant ce signe, s’enfuient les ennemis du salut. Le psaume 85, qu’on récite maintenant, est une prière fervente et confiante qui convient très bien dans la bouche des catéchumènes, des pénitents et des fidèles. L’oraison est une des prières typiques de Carême, elle nous montre l’esprit et le sens du jeûne. “ Que nous nous abstenions des péchés, comme nous nous privons des aliments corporels. “ Sous l’influence des lectures, les catéchumènes et les pénitents sentent leur “ chair fleurir” par le rafraîchissement de la boisson salutaire. L’Offertoire se rattache aux dernières paroles de l’Évangile. Les Samaritains reconnurent le Seigneur comme “ Sauveur du monde” et nous, à l’Offrande, nous nous approchons du Christ et nous lui disons : “ mon Seigneur et mon Dieu] “ Nous trouvons réellement dans l’Eucharistie cette eau promise, c’est ce que chante et dit l’antienne de Communion : “ Cette eau deviendra une source vive qui jaillira dans la vie éternelle. ”

3. Notre âme altérée. — Les deux lectures contiennent beaucoup d’enseignements, même pour nous qui renouvelons la grâce du baptême. Pénétrons ces images et mettons-nous au centre. a) Le peuple épuisé, assoiffé et murmurant, c’est l’âme humaine. Sans doute, elle a été délivrée de la servitude d’Égypte, elle a traversé la Mer Rouge du baptême ; maintenant, elle traverse le désert de la vie, accompagnée de la nuée de la divine Providence, nourrie de la manne de l’Eucharistie, sous la direction du divin Moïse ; néanmoins, elle est souvent faible et désorientée, elle soupire, elle murmure, elle voudrait retourner en Égypte (vers son ancienne nature). Combien de fois elle fait entendre ce cri : Je ne puis plus avancer, je suis épuisée. C’est alors que le Christ est le rocher qui lui donne de l’eau vive, qui la réconforte et apaise sa soif. Seigneur, relevez-nous, afin que nous ne succombions pas sur le chemin et que nous puissions voir la terre promise. Le rocher d’où jaillit l’eau vive, c’est le Christ à la messe.

b) La pauvre pécheresse de Samarie, c’est notre âme. Le Christ s’assied, fatigué, au puits de Jacob ; il semble se reposer ; en réalité, il attend la Samaritaine, notre pauvre âme. La messe est le puits de Jacob, c’est là qu’il nous attend chaque jour. -. Et maintenant il nous parle. Comme il sait nous saisir ! Malgré nos rebuffades fréquentes, il ne renonce pas à sa tentative, il ne nous laisse pas partir. Le Christ se préoccupe de toute âme humaine égarée. Aucune n’est trop mauvaise pour lui. Il s’en approche à sa manière. Il nous trouvera sûrement. — Il nous parle de l’eau vive qu’il nous donnera et qui étanchera notre soif. La volupté est comme de l’eau salée qui n’apaise pas la soif ; le Christ, seul, étanche notre soif. L’eau vive qui jaillit dans la vie éternelle est l’Eucharistie. Que d’enseignements ne me donne pas son entretien ! Il m’apprend que les vrais adorateurs peuvent offrir partout leur sacrifice ; est-ce que nous apprécions comme il faut le sacrifice de la messe qui est offert chaque jour, en tout lieu ? Il nous enseigne à adorer en esprit et en vérité. Nous devons ennoblir notre culte ; il faut qu’il soit débarrassé de superstition et d’égoïsme (prières mesquines). — La pécheresse ne veut pas seulement accepter les enseignements du Christ, elle veut exercer l’apostolat ; satisfaisons à la justice de Dieu pour nos péchés par le dévouement envers les âmes. Nous avons profané des créatures par le péché ; en compensation, sanctifions d’autres créatures. Et, maintenant, jetons encore un regard dans le Cœur du Sauveur : il a une telle soif des âmes qu’il en oublie la faim corporelle. Il voit dans l’avenir et aperçoit la grande moisson des âmes ; il faut que chacun de nous soit, dans cette moisson, un épi plein et lourd. Le Seigneur nous donne encore un grand enseignement : “ Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir ses œuvres. “ La volonté de Dieu doit être notre nourriture à nous aussi. — Nous avons donc, aujourd’hui, appris à connaître deux choses : notre pauvreté et notre Sauveur (Saint Augustin : noverim me, noverim te).

4. Psaume 16. — Dieu est le secours de ceux qui le servent. — Celui qui n’est pas initié ne sait pas qu’il faudrait chanter aujourd’hui, à la Communion, le psaume 16, car l’antienne est tirée de l’Évangile. Ce psaume fut composé par David pendant qu’il était poursuivi. C’est un cri vers Dieu, du milieu de la tentation, de l’épreuve et de la persécution. C’est ce psaume que saint Laurent récitait dans son martyre sur le gril (il est donc en harmonie avec l’église de station). Ce cantique se divise en trois strophes : la triple prière est fondée : 1. sur l’innocence du psalmiste, 2. sur la méchanceté des ennemis, 3. sur l’apparente injustice qui règne sur la terre.

Seigneur, entends ma justice, écoute mon cri.

Prête l’oreille à la prière de mes lèvres qui sont exemptes de toute tromperie ;

Que mon jugement vienne devant toi, car tes yeux regardent ce qui est juste.

 

Tu as éprouvé mon cœur, tu l’as visité la nuit, tu m’as visité dans le creuset, et tu n’as pas trouvé d’injustice en moi.

Ma bouche ne parle pas selon la manière des hommes ; à cause de la parole de tes lèvres, j’ai évité les voies mauvaises.

Dirige mes pas sur tes sentiers et mes pieds ne chancelleront pas.

 

Je crie vers toi, car tu m’exauces, Ô Dieu, incline vers moi ton oreille, écoute ma prière.

Opère les merveilles de ta grâce, car tu sauves tous ceux qui se réfugient en toi. Garde-moi de ceux qui se révoltent contre ta droite, protège-moi comme la prunelle de l’œil,

Mets-moi à l’abri à l’ombre de tes ailes contre les impies qui me persécutent.

Garde-moi des ennemis qui m’environnent, qui ferment leur cœur sans pitié et ont à la bouche des paroles hautaines.

De tous côtés ils cherchent à m’encercler ; leurs regards m’épient pour me faire tomber,

Ils m’observent comme un lion avide de butin, comme un lionceau caché dans un fourré.

 

Lève-toi, Seigneur, va à sa rencontre et terrasse-le, délivre-moi du méchant par la force de ton glaive et de mes ennemis par ta main.

Préserve-moi, Seigneur, de ces hommes dont la part est la vie de cette terre, qui remplissent leur ventre de tes biens.

Ils peuvent avoir des fils en abondance et laisser leur superflu à leurs enfants.

 

Pour moi, dans mon innocence, je contemplerai ta face ; à mon réveil, je me rassasierai de ta beauté.

SAMEDI DE LA TROISIÈME SEMAINE DE CAR1J’.ME

STATION A SAINTE SUSANNE

Le Christ, l’ami des pécheurs.

La journée que nous commençons constitue, elle aussi, une unité complète. Nous nous tenons, aujourd’hui, dans les rangs des pénitents. L’âme, qui est adultère devant Dieu (tout péché constitue une infidélité de l’Épouse de Dieu), reçoit son pardon du Christ.

Nous chantons, au commencement et à la fin du jour : “ Jésus se baissa et écrivit sur le sol : que celui qui est sans péché lui jette la pierre” (Ant. Bened.).

Personne ne t’a condamnée, femme ? “ “ Personne, Seigneur. “ “ Moi non plus, je ne te condamnerai pas ; mais ne pèche plus” (Ant. Magn.). Nous vivons donc tout le jour le drame de la femme adultère.

1. Thème de la station. — Station à Sainte-Susanne. Au sujet de la sainte de station, le martyrologe nous dit le 11 août : “ A Rome, la sainte vierge Susanne ; elle était issue d’une famille distinguée et était la nièce du bienheureux pape Caïus ; au temps de Dioclétien, elle eut la tête tranchée et conquit ainsi la palme. “ Le bréviaire ajoute la cause du martyre : “ Elle fut décapitée parce qu’elle avait refusé d’épouser le fils de l’empereur Dioclétien, Galère Maxime, car elle avait déjà fait le vœu de virginité perpétuelle. “ — L’église de station est un très antique sanctuaire, qui remonte peut-être jusqu’au me siècle ; il est vrai qu’aujourd’hui il est entièrement renouvelé. A côté de la sainte martyre Susanne, on honorait, dans cette église, la Susanne de l’Ancien Testament, injustement accusée d’adultère.

2. La messe (Verba mea). — La messe est un chef-d’œuvre de composition. Les deux lectures forment un beau parallèle : deux femmes, l’une, condamnée injustement ; l’autre, coupable et cependant pardonnée. Dans les deux scènes, il y a trois groupes de personnages : une femme accusée d’adultère, de méchants juges qui se donnent l’apparence de défendre la foi ; un libérateur. Le sommet et le point culminant du parallèle est l’absolution du Christ. C’est justement dans le contraste des deux scènes qu’apparaît la sublime grandeur du Christ. L’Ancien Testament pouvait tout au plus préserver l’innocence d’une condamnation injuste, le Nouveau donne le pardon au coupable. Dans le sacrifice, notre âme est la femme adultère qui, par le péché, a été infidèle envers Dieu et à qui Jésus accorde le pardon (Comm.). Ces pensées ont leur écho dans les chants. A l’Introït, cherchant le pardon et la grâce, je m’approche, “ dès le matin, de mon Roi et de mon Dieu “, comme la femme adultère. La leçon, la condamnation et l’acquittement de la chaste Susanne, n’est que le sombre arrière-plan de l’Évangile. Le récit vraiment dramatique était très connu des anciens chrétiens ; on en voyait la représentation dans les Catacombes. Susanne était considérée comme le symbole de l’Église qui est persécutée par les Juifs et les païens, mais est placée sous la protection de Dieu. Suzanne est aussi l’image de l’âme devant le juge éternel ; elle est accusée par le diable, mais elle est sauvée par le divin Daniel (Le Christ). Le Graduel fait écho à cette leçon : “ Quand je devrais passer à travers un enfer de calomnie et de persécution, mais aussi de fautes, je ne crains rien, car le bon pasteur me conduit. ” L’Évangile est un message consolant pour tous les pécheurs. Le Christ ne nous condamne pas. Prend-il donc le péché à la légère ? Non. Ce qu’est le péché pour lui, il le montre dans sa Passion, et même maintenant à la messe. Il est mort pour le péché ; mais, envers les pécheurs, il est miséricordieux et bon. Il est le grand ami des pécheurs, il ne leur pose qu’une condition : “ Ne pèche plus. ” Ainsi la procession de l’Offrande est une image du “ droit chemin ”, d’après la parole de Jésus (c’est un cantique de voyage). La repetenda est très impressionnante : “ Afin que le péché ne règne pas en moi. “ La communion d’aujourd’hui est encore le banquet de réconciliation de l’âme pénitente et retrouvée, comme samedi dernier (au reste ces deux messes ont beaucoup de ressemblance). Les prières sont parfaitement en harmonie avec l’Évangile.

3. C’est toi. — Méditons, pendant la journée, les deux récits.

a) Susanne. — Il y a peu de lectures de la Sainte Écriture qui excitent notre sympathie autant que celle-ci. En quelques traits d’une grande beauté, la noble femme nous est décrite comme un modèle d’honneur et de chasteté ; nous n’en sommes que plus indignés contre les monstres de juges. Peut-il y avoir de tels hommes ? “ Leur cœur est un nid de vipères. “ Nous nous sentons soulagés quand ces deux juges subissent enfin le juste châtiment. Mais l’Église veut nous faire regarder encore dans notre cœur : voilà comment tu es. Elle est si misérable, la nature humaine pour laquelle le Christ veut mourir ! — Depuis la faute d’Adam, un fleuve de boue roule sur la terre — ne m’a-t-il pas atteint, moi aussi ? Pauvre cœur humain ! b) Mais plus impressionnante encore est la seconde lecture : le Sauveur à la fête des Tabernacles. Les Pharisiens lui amènent une malheureuse femme surprise en adultère. Nous ne connaissons pas les circonstances, c’est pourquoi nous n’avons pas à juger. — Il s’agit d’une grande faute. Cette femme avait sacrifié son honneur et violé la foi conjugale ; la loi juive punissait cette faute de la peine de mort. Mais les Pharisiens sont plus coupables qu’elle ; la femme a peut-être péché par faiblesse, mais le cœur des Pharisiens est entièrement corrompu ; ils se repaissent de la vue de leur victime, ils la traînent devant Jésus auquel ils veulent tendre un piège. Observons le Seigneur dans sa majesté. Ils l’interrogent et lui écrit sur le sable. Oui, il écrit le péché sur le sable ; il ne veut rien savoir de ce procès. Il n’est pas venu pour juger. — Ne jugeons pas si nous n’avons pas été établis juges, ne condamnons personne, soyons indulgents. — Mais les Pharisiens le pressent ; il se lève et prononce le “ jugement de Salomon” : “ Que celui qui est sans faute... “ Il veut dire : Certes, d’après la loi, elle devrait mourir, mais la loi exige que les exécuteurs de la sentence soient exempts de la faute. Ils ne s’attendaient pas à cela. Le Seigneur porte le flambeau dans leur âme sombre ; ils craignent que celui qui sait tout ne révèle leurs péchés. Jésus s’incline de nouveau — il ne prend pas plaisir à leur embarras et il veut leur donner la possibilité de s’éloigner sans honte. Et ils s’en vont l’un après l’autre. Le silence se fait, il ne reste plus que Jésus — la femme — le peuple. Jésus lève les yeux. “ Personne ne t’a condamnée ? “ demande-t-il à la femme. “ Non, Seigneur. “ “ Moi non plus, je ne te condamnerai pas ne pèche plus. “ Tombons à genoux et adorons la sainte parole du Christ. C’est un message consolant pour tous les pécheurs. Jésus ne me condamne pas.

4. Psaume 17 — Cantique d’action de grâces pour la victoire — Aujourd’hui encore, il n’est plus possible de voir, dans le texte de la messe, qu’il faudrait chanter, à la Communion, le psaume 17, car l’antienne est tirée de l’Evangile. Le psaume 17 est un cantique célèbre. David le chante à la fin de sa vie, c’est son chant du cygne. Il jette un regard en arrière sur ses combats et sa victoire finale sur tous ses ennemis. Le psaume est un des plus beaux du psautier. A cause de sa longueur, nous ne présenterons que la grandiose théophanie au milieu de l’orage. Ce passage s’harmonise très bien avec la messe où nous voyons Susanne et la pécheresse délivrées d’une grande détresse.

Je t’aime, Seigneur, toi qui es ma force ! le Seigneur est pour moi un roc et une forteresse et un lieu d’asile.

Mon Dieu, mon appui, auprès de qui je trouve un refuge,

Mon bouclier, la corne de mon salut, ma citadelle ! J’ai invoqué, en le louant, le Seigneur et j’ai trouvé secours contre mes ennemis.

 

Les douleurs de la mort m’environnaient, les torrents de l’iniquité m’épouvantaient,

Les liens de l’enfer m’enlaçaient et les filets de la mort étaient tombés sur moi.

Alors dans ma détresse je criai vers le Seigneur, je criai vers mon Dieu.

Et de son saint temple il entendit mon appel et mon cri pénétra jusqu’à ses oreilles.

 

La terre fut ébranlée et trembla, les fondements des montagnes frémirent, ils commencèrent à trembler devant son courroux ;

Un nuage de fumée s’éleva dans sa colère, et un feu dévorant sortit de sa face, il en jaillissait comme des charbons ardents.

Le ciel s’inclina et il descendit ; une sombre nuée était sous ses pieds.

 

Il monta sur les chérubins et il vola, il planait sur les ailes du vent.

Il fit des ténèbres sa retraite, sa tente autour de lui : des eaux obscures et de sombres nuages.

De l’éclat qui le précédait s’élancèrent ses nuées avec de la grêle et des charbons ardents.

 

Le Seigneur tonna dans les cieux, le Très-Haut fit retentir sa voix, grêle et charbons ardents.

Il lança ses flèches et les dispersa, il multiplia ses foudres et les confondit.

Alors le lit des eaux apparut, les fondements de la terre furent mis à nu,

Devant ta menace, Seigneur, au souffle du vent de tes narines.

 

Il étendit sa main d’en haut et me saisit, et me retira des grandes eaux.

Il me délivra des mains de mes ennemis puissants, et de ceux qui me haïssaient et étaient plus forts que moi.

Ils m’avaient surpris au jour de mon malheur, mais lui, le Seigneur, fut mon protecteur.

Il m’a mis au large, il m’a sauvé parce qu’il m’aimait.

QUATRIÈME SEMAINE DE CARÊME

La fête de Pâques est proche. Dans une joie enfantine, l’Église commence à compter les jours. De même qu’au troisième dimanche de l’Avent nous avons éprouvé et célébré par avance la joie de Noël, nous goûtons par avance, durant ce dimanche, la joie de la fête de Pâques. C’est là toute sa signification. Il apporte aux catéchumènes un avant-goût de tous les biens qu’ils recevront à Pâques : la liberté des enfants de Dieu, l’amour maternel de l’Église, l’Eucharistie qui est la véritable manne. Quant à nous, les fidèles, nous prenons une conscience nouvelle de ces biens.

Ce dimanche a, en outre, une certaine ressemblance avec le second dimanche (le premier et le troisième peuvent eux aussi être mis en parallèle). Le second dimanche, la Transfiguration était aussi une anticipation de Pâques : les messes de la seconde semaine de Carême mettent au premier plan le thème de la Passion ; c’est aussi le cas pour les messes de la quatrième semaine. On peut les résumer ainsi : Passion du Christ et baptême.

Pensées principales de la semaine qui commence. — Dimanche : Les trésors de l’Église. — Lundi : Les juifs détruisent le temple du Christ. — Mardi : Le Christ, second Moïse, prie pour son peuple infidèle. — Mercredi. : Le Christ donne l’“ illumination ”. — Jeudi et vendredi : Le Christ est celui qui ressuscite les catéchumènes et les pénitents. — Samedi : Le Christ apporte la lumière et l’eau.

QUATRIÈME DIMANCHE

Index

DE CARÊME

STATION A SAINTE-CROIX DE JERUSALEM

Jérusalem, notre Mère.

Pâques va bientôt venir. Telle est la pensée nouvelle qui domine et influence la liturgie d’aujourd’hui. C’est cette pensée qui explique tous les autres thèmes et toutes les autres pensées de la journée : le Christ, le nouveau Moïse, donne aux siens la manne céleste, l’Eucharistie ; il les conduit dans la Jérusalem céleste, l’Église, et en fait de libres enfants de Dieu.

1. Un jour de joie — Ce dimanche a une situation tout à fait spéciale dans l’année liturgique : un dimanche de joie en plein Carême ! Le prêtre peut porter un ornement rose, les orgues jouent, le diacre et le sous-diacre peuvent revêtir des vêtements de joie et tous les textes ont le ton de la joie. La messe commence par un cri de joie : “ Laetare — réjouis-toi ”. Les motifs de la joie de l’Église sont les suivants :

a) Dans les temps antiques, le jeûne pascal ne commençait à Rome que le lendemain : ce dimanche était donc une sorte de dimanche de Carnaval. Plus tard, quand le Carême dura 40 jours, ce fut le dimanche de Mi-Carême et on en fit un jour de détente dans la sévérité du Carême.

b) L’Église ancienne se réjouissait au sujet des catéchumènes, dont la renaissance spirituelle était imminente : c’est la joie maternelle de l’Église (c’est du reste cette pensée qui donne à l’antique liturgie du Carême une impression joyeuse).

c) Ce dimanche est une fête de Pâques anticipée ; nous ne pouvons plus réprimer la joie de l’attente. Ce jour est aussi la fête du printemps ; l’Église se réjouit de la résurrection de la nature, dans laquelle elle voit encore une image de la résurrection du Christ et de l’âme. C’est pourquoi, à Rome, on apportait aujourd’hui les premières roses à l’Église ; les chrétiens, mais surtout les catéchumènes, s’offraient mutuellement des roses. C’est ce qui explique aussi l’antique usage de la bénédiction de la rose d’or par le Pape. La rose est le symbole du Ressuscité, mais aussi de la joie chrétienne.

d) Enfin, ce jour est aussi un dimanche eucharistique : le Christ est sur le point de fonder sa famille ; c’est au prix de son sang qu’il nous gagne notre pain quotidien, ce pain doit être un fruit de sa Passion ; c’est ce que nous indique l’Évangile. Le Christ est le nouveau Moïse, (le Patriarche de cette semaine) qui, dans le désert de la vie, nous présente la manne céleste. Il y a donc des motifs de joie en abondance : joie pascale, joie maternelle, joie du printemps, fête eucharistique.

2. Le thème de la station. — Pour comprendre cette journée liturgique, il est très important de songer à l’église de station. C’est “ Sainte-Croix de Jérusalem ” ; dans l’antiquité, on disait simplement u Jérusalem D. Aux yeux des chrétiens de Rome, cette église était le symbole de la Jérusalem messianique (l’Église) et de la Jérusalem céleste. En ce jour, les catéchumènes étaient, pour ainsi dire, introduits solennellement dans la Jérusalem de la chrétienté. L’église de station a exercé une grande influence sur le formulaire de la messe. Tous les chants traitent de Jérusalem. Le psaume directeur, 121 : “ Je me suis réjoui de la joyeuse nouvelle : Nous nous rendons dans la maison de Dieu.” Jérusalem, ville bien bâtie, était vraiment l’expression de l’allégresse des catéchumènes et des chrétiens. L’Épître, elle aussi, compare, sous la figure des deux femmes d’Abraham, l’Église et la synagogue, la Jérusalem céleste et la Jérusalem juive. L’église de station doit rappeler aux chrétiens et aux catéchumènes qu’ils ont une bonne Mère : la sainte Église. Aujourd’hui devrait se lire, en lettres d’or, sur le portail de notre église paroissiale : Jérusalem, notre Mère.

3. La messe (Laetare). — L’Introït est un appel à l’allégresse pascale. La u tristesse” du Carême approche de sa fin ; bientôt, les nouveaux enfants seront nés (baptême) et ils se “ rassasieront sur le sein de l’Église “ (Eucharistie). Le psaume 121 se rattache au symbole de l’entrée du prêtre : c’est ainsi qu’entreront les néophytes, vêtus de blanc, dans la nuit pascale ; c’est ainsi que nous entrerons, un jour, dans le sanctuaire du ciel (il faudrait réciter le psaume entier). — Ce dimanche est un moment de détente dans le Carême de la vie. C’est ce que nous indique le mot “ consolation “, dans l’oraison. Dans le symbole profond des deux femmes d’Abraham, Sara et Agar, l’Église veut nous montrer, ainsi qu’aux catéchumènes, le bonheur de notre état de chrétiens. Ce bonheur est encore plus accentué par le contraste avec le judaïsme : nous sommes de libres enfants de Dieu, les héritiers du ciel. La Jérusalem céleste est notre Mère et nous sommes ses enfants : cette liberté nous a été apportée par le Christ (Épître). Le Graduel et le Trait sont un chant de joie en l’honneur de notre Mère qui est pour nous un mur de protection dans tous nos combats. L’Évangile nous représente, d’une manière dramatique, la célébration eucharistique qui va suivre : “ La Pâque est proche ” (chaque messe est Pâques). Le Christ accomplit pour nous, la communauté rassemblée, le miracle de la multiplication des pains et des poissons (les deux symboles eucharistiques de l’arcane), et nous donne un avant-goût de la fête de Pâques. A la Procession de l’Offrande, nous chantons le bon Maître qui nous donne la “ douceur” de son pain (le beau texte, dans toute son extension, parle aussi de Jérusalem). En nous rendant à la Communion, nous chantons, pour la troisième fois aujourd’hui, le cantique de pèlerinage vers la Jérusalem céleste.

4. Moïse. — L’Église nous présente, aujourd’hui, le sixième et dernier Patriarche, le grand Moïse. C’est l’un des plus grands hommes de tous les temps, c’est l’ami de Dieu, le législateur du peuple juif et son conducteur à travers le désert. Il est aussi la figure du Christ : le Seigneur dit lui-même : “ ce n’est pas Moïse qui vous a donné le vrai pain ; le vrai pain, c’est. mon Père qui vous le donne” (Jean VI, 32). En ce dimanche de la multiplication des pains, Moïse est le type du Christ qui donne la manne céleste. L’Église désire que pendant toute la semaine qui commence, nous méditions sur la grande figure du Patriarche.

Le second nocturne de Matines nous offre une prédication du grand docteur de l’Église, saint Basile, sur le jeûne : “ Nous savons de Moïse que c’est en jeûnant qu’il est monté sur la montagne (du Sinaï). Il n’aurait pas osé s’approcher du sommet environné de fumée, s’il n’avait pas puisé de la force dans le jeûne. Parce qu’il avait jeûné, il reçut les tables de la Loi écrite par le doigt de Dieu. Le jeûne procura donc, sur la montagne, l’établissement de l’Ancienne Alliance, mais la gourmandise, dans la plaine, entraîna le peuple à l’idolâtrie. Les fatigues et l’endurance de quarante jours, pendant lesquels le serviteur de Dieu jeûna constamment, furent anéantis par une seule intempérance du peuple. Cela nous fait voir, quand on compare les deux faits, comment le jeûne mène à Dieu, alors que la recherche des jouissances fait perdre le salut. Le jeûne a produit des hommes de Dieu, il affermit et fortifie les forts. Le jeûne apporte la sagesse aux législateurs ; il est pour l’âme la meilleure protection, il chasse les tentations, donne des armes pour la piété, il est le fondement de la continence ; il donne la bravoure aux guerriers ; dans la paix, il enseigne le repos ; il donne la perfection aux prêtres, il est, en effet, défendu de toucher au sacrifice sans jeûne. ” — Ce qui nous montre l’importance de Moïse dans la liturgie du Carême, c’est qu’elle lui consacre, pendant cette semaine, quinze répons différents.

5. Les biens du royaume de Dieu. – “ La fête de Pâques est proche ”, tel est le joyeux message que développe la liturgie ; elle énumère les biens et les avantages contenus dans ce message. Examinons les trois que renferment les trois lectures principales. Ce sont, Moïse, Jérusalem et la manne ou, pour parler sans figure : le Christ, l’Église et l’Eucharistie.

a) Moïse est la figure du Christ. Il a été choisi par Dieu pour être le sauveur, le guide, le nourricier et le docteur du peuple élu. Après un dur combat avec le pharaon, il délivra son peuple de la servitude de l’Égypte, dans cette nuit fameuse de la Pâque, après lui avoir fait immoler et manger l’agneau pascal. Il fit traverser à son peuple la Mer Rouge à pied sec, le conduisit à travers le désert, le nourrit de la manne et l’abreuva de l’eau jaillie du rocher ; il lui donna la Loi et les commandements sur le Sinaï ; il s’entretint avec Dieu ; il fut le médiateur et l’intercesseur d’Israël ; il lui fallut une indicible patience pour supporter les faiblesses de son peuple.

En tout cela, Moïse est la figure du Christ. Envoyé par son Père dans le monde, le Christ lutte contre l’infernal Pharaon ; dans la nuit pascale, il fait sortir son peuple de l’Égypte ; il est lui-même l’Agneau pascal qui est immolé et mangé. Il fait passer son peuple à travers la Mer rouge du Baptême, après avoir traversé, le premier, la Mer rouge de la Passion. Et maintenant, il nous guide à travers le désert de la vie, nous nourrit et nous abreuve de la manne et de la source vivifiante de l’Eucharistie. C’est avec une patience indicible qu’il nous conduit vers la terre promise du ciel. Chrétiens, la fête de Pâques approche, le divin Moïse nous fait sortir de l’Égypte.

b) Or, avant de pouvoir entrer dans la terre promise du ciel, nous avons besoin, sur la terre, d’une patrie, d’une mère. Cette patrie, c’est notre Jérusalem ; cette mère, c’est la sainte Église. Quelle importance a pour nous la Jérusalem sainte, l’Église ? L’Église n’est pas une simple société, une organisation. Si nous voulons saisir sa réalité profonde, voyons en elle le corps du Christ, le Christ mystique. Ce corps croît dans ses membres. Ces membres, ce sont les chrétiens, ce sont aussi les saints du ciel. A travers ces membres, circule la sève vitale divine, comme la sève de la vigne circule dans les sarments. Chacun d’entre nous est donc membre du Christ.

Voyons encore, dans l’Église, l’Épouse du Christ. La synagogue était aussi l’épouse de Dieu, mais c’était une esclave, comme Agar, la femme esclave d’Abraham. L’Église est une princesse, une reine de noble naissance, qui porte sur son front une brillante couronne. C’est pourquoi ses enfants sont des princes, et nous sommes ces enfants. Voyons, enfin, en elle le vestibule du ciel, la sainte Jérusalem “ descendue du ciel “. L’image de cette Jérusalem, de cette Église, c’est la maison de Dieu, aujourd’hui plus que jamais. Aujourd’hui, notre église paroissiale est, dans le sens le plus élevé, la sainte Jérusalem. Dès notre réveil, que notre première pensée soit : “ Je me suis réjoui de la bonne nouvelle, nous allons nous rendre à la maison de Dieu. ” disaient autrefois les Juifs exilés s’applique aussi à l’Église : “ Si jamais je t’oublie, Jérusalem, que ma droite se dessèche, que ma langue se colle à mon palais... ” Chrétiens, la fête de Pâques approche. Pénitents et catéchumènes, nous allons retrouver une mère aimante, la sainte Église.

c) Ce que la liturgie nous a dit sous la figure de Moïse, elle nous le présente sous un jour nouveau dans l’Évangile de la multiplication des pains. Le Christ, nouveau Moïse, nous donne, dans le désert terrestre, la véritable manne, la sainte Eucharistie. Lui-même se réfère à la figure dans le discours qu’il fit, peu de temps après la multiplication des pains, dans la synagogue de Capharnaüm : “ Ce n’est pas Moïse qui vous a donné le vrai pain du ciel ; le vrai pain du ciel, c’est mon Père qui vous le donne... Vos pères ont mangé la manne dans le désert et ils sont morts. Voici le pain descendu du ciel afin qu’on en mange et qu’on ne meure point. ” L’Évangile d’aujourd’hui veut nous indiquer le troisième don de Pâques, que nous offre le Seigneur. Il lui a coûté tant de souffrances et de douleurs ! Recevons-le de nouveau à Pâques et bénissons la main qui nous le donne.

LUNDI DE LA QUATRIÈME SEMAINE DE CARÊME

STATION AUX QUATRE SAINTS COURONNES

Croix et Résurrection.

Pâques est proche ; les Juifs se préparent à détruire le temple du Christ. Quant à lui, il annonce sa Résurrection.

Nous chantons au lever et au coucher du soleil :

Enlevez tout cela et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce” (Ant. Bened.). “Renversez ce temple et, en trois jours, je le rebâtirai ; or il disait cela du temple de son corps “ (Ant. Magn.).

Ces deux antiennes renferment les pensées principales du Carême. La première indique le travail de purification de l’âme ; la seconde parle de la Croix et de la Résurrection.

Au troisième siècle, c’est aujourd’hui que commençait le Carême pascal. Cela est encore nettement visible dans la liturgie. Le thème de la Passion passe décidément au premier plan. Il y a, dans les textes, un changement de ton. Désormais, tous les Évangiles (sauf jeudi) sont tirés de saint Jean. Saint Jean va nous raconter l’histoire intérieure de la Passion : le combat des ténèbres contre la lumière. C’est là tout le thème du quatrième évangile : “ La lumière a brillé dans les ténèbres, mais les ténèbres ne l’ont pas reçue “ (elles l’ont même combattue avec acharnement). C’est ce que saint Jean va nous expliquer dans les jours suivants. Les lectures montrent d’ordinaire des images du Messie souffrant. Même dans les chants, on voit nettement le changement. Jusqu’ici, c’était l’effusion de l’âme pénitente, pleine d’ardents désirs et de joie, le chant de la communauté fidèle ou bien celui des pénitents et des catéchumènes ; désormais, nous voyons le Christ souffrir et nous entendons ses plaintes. En ce qui concerne la messe d’aujourd’hui, on a l’impression que, dans ses pensées principales, elle a été copiée sur celle d’hier. Dans l’Épître, il est également question de deux femmes dont une seule est la véritable mère (l’Église). L’Évangile commence de même avec insistance : La Pâque des Juifs était proche.

I. La station est, aujourd’hui, l’église des quatre saints couronnés. Le martyrologe raconte, à leur sujet, le 8 novembre : “ A Rome, sur la Via Lavicana, la mort de quatre saints martyrs, les frères Sévère, Sévérien, Carpophore et Victorin. Sous l’empereur Dioclétien, ils furent battus de verges plombées, jusqu’à la mort. Leurs noms ne furent connus que plusieurs années plus tard par révélation divine. Comme, précédemment, on ne pouvait découvrir leurs noms, on décida de les célébrer tous les ans sous ce titre : les quatre saints couronnés. “ Cette manière de les désigner fut conservée même après qu’on eut découvert leurs noms. L’église dans laquelle, depuis Léon.IV (847-855), se trouvent leurs reliques qui reposent sous l’autel, est une très antique église titulaire. C’est dans cette église aussi qu’on conserve le chef de saint Sébastien. Cette église a été plusieurs fois restaurée au cours des âges. Cependant, c’est “ une des plus intéressantes et des plus impressionnantes parmi les antiques églises de la ville éternelle. On peut suivre son histoire dans la construction même, grâce aux nombreux vestiges qui ont été conservés soit dans l’intérieur de l’église, soit dans le transept. C’est un sanctuaire très pieux, rempli de souffle religieux, et qui porte à la prière ; elle convient parfaitement aux solennités liturgiques ” .

2. La messe (Deus in nomine).-Après le dimanche joyeux que nous venons de célébrer, les chants d’aujourd’hui nous frapperont par la mobilité des sentiments et des impressions. Alors que les premiers font entendre deux plaintes sorties de la bouche du Christ, nous chantons, à l’Offertoire, un joyeux cantique de Résurrection. Cette union de la Croix et de la Résurrection se retrouve aussi dans l’Évangile. Le Seigneur parle de la destruction et, en même temps, de la reconstruction du temple de son corps. La Croix et la Résurrection nous accompagnent constamment ; la sainte compassion et la sainte joie se complètent mutuellement. Dans la semaine qui commence, nous verrons le thème de la Passion grandir sans cesse, sans que pour cela diminue la joie de la Résurrection. Cette disposition de l’Église doit être aussi celle de l’âme. Notre âme doit se lamenter avec le Sauveur souffrant et pleurer avec lui, mais, en même temps, elle doit tressaillir de joie à la pensée de son exaltation et de sa Résurrection. Bien plus, l’âme doit être à la fois crucifiée et glorifiée. “ Avec le Christ, je suis attaché à la Croix. “ C’est précisément par cette Passion terrestre que l’âme est glorifiée et participe à la Résurrection du Christ. Plus le temple terrestre de notre vie est détruit, plus s’élève le temple spirituel de l’âme. Le corps frémit et se plaint : “ Ô Dieu, à cause de ton nom, donne-moi le salut, délivre-moi dans ta force, les ennemis se sont soulevés contre moi… ” (Intr.). Mais !’âme glorifiée chante : “ Tressaillez d’allégresse en Dieu, tressaille, terre entière, servez Dieu dans la joie” (Off.). Nous pensons à la Croix et à la Résurrection pendant chaque messe, pensons-y pendant toute notre vie. La leçon nous raconte le jugement de Salomon concernant les deux femmes ; ces femmes représentent, comme hier, l’Église et la synagogue. Le Christ, le sage Salomon, tranche le différend entre les deux femmes, l’Église et la synagogue, sauve l’enfant, l’âme humaine, et l’attribue à la vraie mère, à l’Église. Il est vrai que le Christ doit payer ce jugement de la haine des Juifs et, plus tard, de sa mort. Dans l’Évangile, la liturgie souligne intentionnellement, comme hier, l’approche de la fête de Pâques : “ La Pâque des Juifs approchait ”. (Il s’agit sans doute de la première fête de Pâque pendant le ministère public de Jésus, mais il suffit à la liturgie d’attirer l’attention sur la proximité de Pâques). L’Évangile décrit le premier conflit de Jésus avec le judaïsme. Jésus chasse les vendeurs du temple (nous pensons aux exorcismes des catéchumènes, à notre travail de Carême par lequel nous devons faire de notre âme non pas une place de marché, mais la maison du Père céleste). Les princes des prêtres se sentent touchés ; ils exigent, de Jésus, une légitimation de sa mission. Il leur propose un signe de sa mort et de sa Résurrection : “ Détruisez ce temple... “ Il prédit, dès son premier conflit avec le judaïsme officiel, l’issue du combat : le Vendredi Saint et le dimanche de Pâques. Jésus ne se fait pas de disciples à Jérusalem, “car il les connaissait tous “. (Nous avons donc ici le thème de la Passion, de Pâques, de la pénitence). On a l’impression que la liturgie veut choisir, en partant du commencement, tous les passages de saint Jean qui décrivent l’évolution de la haine des Juifs, qui amena finalement la Passion. Maintenant, “ Jésus se fie à nous” (alors qu’il ne se fia pas aux Juifs). A la Communion, nous chantons le cantique du soleil (psaume 18) avec, il est vrai, une antienne de pénitence.

3. Psaume 18 — Le Christ, le vrai Soleil et l’Époux divin.

Ce psaume est l’un des chants les plus souvent utilisés par la liturgie. Il se divise en deux parties distinctes. La première est un hymne au soleil ; la seconde, une louange de la loi divine. Ce qui fait peut-être l’union entre ces deux parties, c’est que la première est une parabole du soleil, et l’autre, l’explication de cette parabole et son application à la loi.

Ce chant est d’une poésie puissante. Dans un beau mouvement, le psalmiste part du symbole de la loi, le soleil terrestre. Il lève son regard vers le ciel et célèbre la voûte azurée dont l’éclat annonce la gloire de Dieu, la nuit, par la magnificence des étoiles, le jour, par la clarté éblouissante du soleil. Dans une alternance sans repos, le jour et la nuit annoncent les louanges de Dieu et les portent au-delà des frontières du globe. Le psalmiste chante surtout le soleil, le chef-d’œuvre de la création. Comme un jeune héros, ardent et joyeux, il sort, dès l’aurore, de sa couche nuptiale et, dans la conscience de sa force, il parcourt avec allégresse sa route gigantesque, répandant partout les bienfaits de sa vertu vivifiante. Le poète pense alors à un autre soleil et il passe sans transition à la louange de la loi.

Dans la liturgie du cycle de Noël, on utilise surtout la première partie de ce psaume ; à présent, pendant le Carême, nous pouvons nous attacher davantage à la seconde partie, l’éloge de la loi.

Les cieux racontent la gloire de Dieu, et le firmament annonce l’œuvre de ses mains.

Le jour crie au jour le message, la nuit le transmet à la nuit.

Ce n’est pas un langage, ce ne sont pas des paroles, dont la voix ne soit pas entendue, —

Leur son parcourt toute la terre, leurs accents vont jusqu’aux extrémités du monde.

 

C’est là qu’il a dressé une tente pour le soleil, et lui, semblable à l’époux qui sort de la chambre nuptiale,

Et comme un héros qui s’élance joyeux, il parcourt sa carrière.

Il part d’une extrémité du ciel et sa course s’achève à l’autre extrémité, rien ne se dérobe à sa chaleur.

 

La loi du Seigneur est droite, elle réjouit le cœur ;

Le précepte du Seigneur est pur, il éclaire les yeux.

La parole du Seigneur est sainte, elle demeure éternellement ; les décrets du Seigneur sont vrais, ils sont tous justes.

Ils sont plus précieux que l’or et les pierres précieuses, plus doux que le miel et que les rayons de miel.

 

Voici que ton serviteur les observe, celui qui les observe reçoit une grande récompense.

Qui connaît ses égarements ? purifie-moi de ceux que j’ignore, préserve ton serviteur des orgueilleux :

Qu’ils ne dominent pas sur moi, alors je serai sans faute et pur des grands péchés.

 

Accueille avec faveur les paroles de ma bouche, et que les sentiments de mon cœur soient devant toi !

Seigneur. tu es mon recours et mon libérateur.

MARDI DE LA QUATRIÈME SEMAINE DE CAREME

STATION A SAINT LAURENT IN DAMASO

Son heure n’était pas encore arrivée.

La pensée de la Passion s’accentue. Le Christ, dans la pleine conscience de sa divinité, prie, nouveau Moïse, pour le peuple infidèle et, pour lui, va à la mort.

Aujourd’hui, l’Église met le premier Répons dans la bouche du Sauveur souffrant :

Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir, moi qui vous ai dit la vérité ? ” “ Si j’ai mal parlé, prouve-le ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? J’ai opéré beaucoup de bonnes œuvres devant vous. Pour laquelle de ces œuvres voulez-vous me faire mourir ? “

Nous chantons, au lever et au coucher du soleil, les antiennes suivantes :

Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir, moi qui vous ai dit la vérité ? “ (Ant. Ben.).

Personne ne porta la main sur lui, car son heure n’était pas encore arrivée ” (Ant. Magn.).

Nous vivons, toute la journée, dans la Passion intérieure du Christ.

1. Station. — A Saint-Laurent in Damaso. Nous nous réunissons, aujourd’hui encore, dans une église du patron des catéchumènes, saint Laurent. L’Eglise de station fut construite par le pape saint Damase (366-384) ; dans le chœur, on peut lire son inscription de consécration : “ A toi, Christ, je dédie, moi Damase, cet édifice ; j’ai été protégé par le secours du martyr Laurent. “ — Le saint pape unit à cette église les archives de l’Église romaine, dont son père s’était occupé. De l’ancienne construction il ne reste rien ; à la place, on a élevé, un peu plus loin, une nouvelle église.

2. La messe (Exaudi Deus). — La messe, dans sa première partie, est entièrement pénétrée par le thème de la Passion ; dans la seconde partie, domine le thème joyeux de Pâques. Ce qu’il y a de remarquable ici, c’est que les chants psalmodiques de l’avant-messe sont mis dans la bouche des catéchumènes et des pénitents ; ceux du Saint-Sacrifice sont mis dans la bouche des fidèles (cela se produit souvent dans les messes de Carême, cf. le troisième dimanche de Carême). Les lectures de la messe sont consacrées au Patriarche de la semaine ; dans les deux lectures, il est question de Moïse. A l’Introït, nous entendons déjà les plaintes du Messie souffrant. La leçon est une scène saisissante : Le peuple juif est au pied du Sinaï ; Moïse reste quarante jours sur la montagne ; le peuple, las d’attendre, se fait un dieu, le veau d’or (le bœuf Apis), danse autour de lui et offre des sacrifices. Moïse descend de la montagne ; il brise les tables de la loi pour signifier que l’alliance avec Dieu est rompue. Dieu veut anéantir le peuple. Moïse prie pour son peuple et Dieu se laisse toucher par l’émouvante prière médiatrice de son serviteur. Moïse est ici la figure du Christ. L’humanité est vouée à la mort ; le Christ ne se contente pas de prier, il meurt pour elle. Dans chaque messe, il renouvelle sa prière médiatrice pour nous ; bien plus, il rend actuelle sa mort rédemptrice soufferte à notre place. L’Évangile nous met en présence d’une phase de l’histoire intérieure de la Passion du Seigneur. Nous sommes à la fête des Tabernacles (environ six mois avant la Passion). Quelques tableaux nous font connaître la situation à Jérusalem. Les pèlerins, répartis par groupes, parlent du Seigneur, mais à voix basse, par crainte des Juifs. Soudain il apparaît lui-même dans le temple et se met à prêcher. Dans les discours de combat, se manifestent la haine des Juifs (les ténèbres) et la divinité de Jésus (la lumière). Les Juifs, qui ont une formation dogmatique, comprennent ses témoignages sur sa divinité : “Je le connais, car je sors de lui et il m’a envoyé ” ; ils veulent le saisir, “ mais son heure n’était pas encore venue ” (thème pascal). L’Offrande et la Communion sont accompagnées de cantiques d’action de grâces pour la Rédemption et la proximité de Pâques.

3. Méditation de l’Église sur la Passion — L’Église veut aujourd’hui, semble-t-il, nous faire pénétrer dans la Passion intérieure du Christ. Ce n’est pas l’histoire extérieure de la Passion qui doit surtout nous occuper, comme dans l’exercice du chemin de la Croix ; nous devons plutôt regarder dans le Cœur du Seigneur, pour y rechercher les motifs qui l’ont déterminé à souffrir et les sentiments qui l’animaient pendant sa Passion. C’est surtout dans les sentiments du Christ souffrant qu’il faut entrer ; il faut entretenir en nous une véritable communion avec sa Passion. Ce sont là les sentiments du Christ mystique dans la tête et dans les membres.

La messe d’aujourd’hui nous aide à lire dans l’âme souffrante du Christ. Nous parcourons les quatre psaumes d’où sont tirés les chants psalmodiques et que, dans l’antiquité, on chantait presque toujours en entier. Le psaume 54 est devenu, pour l’Église, un psaume de Passion. Nous mettons ce psaume dans la bouche du Christ : “ Je suis attristé dans mon épreuve et je tremble devant les menaces de l’ennemi... Mon cœur tremble au dedans de moi et les terreurs de la mort fondent sur moi.. Le Christ pense à Judas, aux chrétiens pécheurs, il pense à chacun de nous : “ Si c’était un ennemi qui m’eût outragé, je l’aurais supporté ; si un adversaire s’élevait contre moi, je me cacherais devant lui. Mais toi, tu étais mon ami et mon confident, tu mangeais avec moi les doux aliments... “ — Le Christ voit la grande détresse des âmes ; il voit les dévastations dont elles sont l’objet ; il voit le péché, le monde et le diable s’acharner à leur perte et il récite le psaume 43 (Graduel) : “ Tu nous as livrés comme des brebis destinées à la boucherie,... tu as vendu ton peuple à vil prix... Tu nous rends la fable des nations et les peuples hochent la tête à notre sujet. “ Ce n’est là qu’un aspect des sentiments du Christ dans sa Passion, nous sommes dans le vestibule du sanctuaire (avant-messe). Dans le sanctuaire même, nous entendons des accents plus sublimes, nous récitons le psaume 39 à l’Offrande. Saint Paul appelle ce psaume la prière du matin du Christ à son entrée dans le monde, et la liturgie des matines du Vendredi-Saint en fait sa prière du soir sur la Croix. Dans ce psaume, le Christ a mis tous ses sentiments de Victime : “ Tu ne désires ni sacrifice ni oblation, mais tu m’as percé les oreilles (tu m’as donné une volonté obéissante). Tu n’as voulu ni holocauste, ni victime propitiatoire, alors j’ai dit : Voici que je vit ;ns — c’est de moi qu’il est écrit dans le Livre — pour faire ta volonté. Ô Dieu, je l’accomplis avec joie ; ta loi est les délices de mon cœur. “ Qu’il est beau, ce psaume, précisément au moment de l’Offrande ! Nous entrons alors dans le sacrifice du Christ, nous entrons aussi dans les sentiments de victime qui sont ceux du Seigneur ; bien plus, nous nous unissons à son offrande : notre sacrifice devient le sacrifice du Christ, notre offrande est consacrée au moment de la Transsubstantiation. Telle doit être notre voie : passer toute notre journée en union avec les sentiments du Christ dans sa Passion et son sacrifice ; faire de nos propres souffrances une partie du sacrifice du Christ. Enfin le psaume de communion, le psaume 19, est une prière sacerdotale du Seigneur, une prière avant le grand combat sur le Golgotha. — Ces quatre psaumes doivent nous exciter à étudier aussi, dans les autres psaumes, la vie intérieure et souffrante du Christ. Ce qui prouve que nous ne risquons pas de nous tromper en le faisant, c’est la parole du Christ : “ Il faut que soit accompli tout ce qui est écrit dans la loi de Moïse, dans les Prophètes et dans les psaumes, à mon sujet ” (Luc, XXIV, 44).

4. Le psaume 19 — Prière avant la bataille. — Le psaume est une prière patriotique avant la bataille. Le roi, avant de partir au combat, offre un sacrifice, les prêtres bénissent ses armes et implorent la victoire. Les soldats, dans leur confiance en Dieu, sont assurés de la victoire. — Il est facile de faire l’application du psaume. Notre Roi, c’est le Christ qui nous conduit aux combats de Dieu jusqu’à la fin des temps ; ce n’est pas nous qui sommes vainqueurs, c’est lui qui est vainqueur en nous. Et chaque jour, avant de partir au combat quotidien, nous récitons la prière avant la bataille : “ Père, je t’invoque ” et, avec notre Roi, nous offrons le sacrifice. Ensuite nous sommes assurés de la victoire, car nous ne combattons pas avec “ des chars et des chevaux ”, mais au nom de Jésus.

Que le Seigneur t’exauce au jour de la détresse, que le nom du Dieu de Jacob te protège.

Que du sanctuaire il t’envoie du secours, que de Sion il te soutienne.

Qu’il se souvienne de toutes tes oblations, et qu’il ait pour agréables tes holocaustes.

Qu’il t’accorde ce que ton cœur souhaite, qu’il accomplisse tous tes désirs.

Puissions-nous nous réjouir de ta victoire, et nous glorifier au nom de notre Dieu.

Que le Seigneur accomplisse tous tes vœux.

Déjà je sais que le Seigneur a sauvé son Oint, il l’exaucera, des cieux, sa sainte demeure :, et sa droite pleine de force se tient victorieuse à son côté.

D’autres se vantent de leurs chars et de leurs chevaux ;

Nous, nous invoquons le nom du Seigneur notre Dieu.

Eux, ils plient et ils tombent ; nous, nous nous relevons et nous tenons rennes.

Seigneur, sauve le roi

Et exauce-nous au jour où nous t’invoquons.

MERCREDI DE LA QUATRIÈME SEMAINE DE CARÊME

STATION A SAINT PAUL

Trois trésors de l’Église.

Le Christ donne aux catéchumènes et aux fidèles l’“ illumination “, il leur ouvre les oreilles. C’est la tradition du Notre-Père, de la profession de foi et des quatre évangiles.

Nous chantons, au lever et au coucher du soleil, les antiennes suivantes :

Maître, quelle faute a commise cet homme pour qu’il soit né aveugle ? “ Jésus répondit : “ Ni lui, ni ses parents n’ont péché ; mais les œuvres de Dieu doivent se manifester en lui “ (Ant. Bened.). “ Cet homme, qui s’appelle Jésus, a fait de la boue avec sa salive et il en a frotté mes yeux et maintenant je vois” (Ant. Magn.). Nous nous considérons, aujourd’hui, comme des aveugles et des mendiants que le Christ “ illumine ”.

Cette journée était très importante dans la vie de l’Église ancienne. C’était le plus important scrutin, le troisième, “ pour l’ouverture des oreilles “. Les catéchumènes ont aujourd’hui l’ouïe spirituelle ouverte. Ils reçoivent les joyaux précieux de l’Église : la profession de foi, le Notre-Père, les quatre évangiles. Sous la figure de l’illumination de l’aveugle, ils reçoivent un avant-goût de la grâce pascale.

1. La station. — L’importance de la journée se manifeste déjà dans l’église de station. On conduit aujourd’hui les catéchumènes vers leur père spirituel, l’Apôtre des nations, Saint-Paul, qui, dans sa conversion sur le chemin de Damas, est le symbole des catéchumènes. La basilique de Saint Paul compte parmi les sanctuaires les plus vénérables de Rome. Cette église a été construite sur le tombeau de l’Apôtre. L’empereur Constantin fit construire, au-dessus de la tombe, une petite église ; en 386, on construisit, à la place de cette petite église, une grande basilique richement ornée. C’était une des plus grandes parmi les antiques basiliques chrétiennes de Rome : elle avait six nefs et un imposant transept. Les nefs étaient séparées par quatre rangs de colonnes. C’étaient les plus belles et les plus grandes colonnes léguées par l’antiquité romaine. C’est de l’époque de Léon 1er (440-461), qui restaura l’église, que date la grande mosaïque de l’arc de triomphe qui fut offerte par l’impératrice Galla Placida et qui subsiste encore aujourd’hui. On y voit le Christ avec les vingt-quatre vieillards de l’Apocalypse ; dans les nuages, se trouvent les symboles des quatre évangélistes. — La grande mosaïque de l’abside fut exécutée entre 1216 et 1227 ; elle représente le Christ et les Apôtres ; elle aussi subsiste encore. Cette magnifique église fut la proie des flammes, en 1823. On ne put sauver que le frontispice, l’arc de triomphe et l’abside. Grâce à la générosité de quelques papes, elle fut restaurée sur le même plan. C’est, de nouveau, une des plus riches églises de Rome ; mais elle ne peut pas remplacer l’ancienne. Un coup d’œil sur la mosaïque de l’arc de triomphe nous reporte à l’époque florissante du catéchuménat.

2. La messe (Cum sanctificatus). — L’office de station d’aujourd’hui était entièrement consacré aux candidats au baptême. Il comprenait de nombreuses cérémonies, dont une partie est encore en usage dans l’administration du baptême. L’office commençait par l’appel nominal des élus, que faisaient les acolytes. Les hommes se plaçaient à droite, les femmes à gauche. Le prêtre leur mettait du sel bénit dans la bouche ; c’était le symbole de la divine sagesse qu’ils ne tarderaient pas à recevoir. Ensuite, ils quittaient l’église et attendaient à la porte jusqu’à ce qu’on les appelât. Pendant ce temps commençait la messe, une des plus belles du Carême. Le chœur chante l’Introït. Le Christ lui-même s’avance devant les catéchumènes : “ Quand j’aurai été sanctifié (c’est-à-dire glorifié) parmi vous, je vous rassemblerai de tous les pays (des païens) et je verserai sur vous de l’eau pure et je vous purifierai de tous les péchés et je vous donnerai un esprit nouveau “ (promesse du Baptême et de la Confirmation). Le psaume 33 est la réponse des catéchumènes. C’est l’action de grâces pour la délivrance. L’évêque récite une oraison pour les catéchumènes : “ Fais, nous t’en prions, Seigneur, que nos élus s’approchent dignement et sagement de la confession de ta gloire, afin que, par ta majesté, ils puissent être rétablis dans la dignité primitive qu’ils ont perdue par le péché originel. ” Ensuite, les catéchumènes sont rappelés et se placent en ordre. Sur l’invitation du diacre, ils s’agenouillent et se relèvent. Ensuite, les parrains sont invités à tracer une croix sur le front des futurs baptisés et les acolytes leur imposent les mains. Cette cérémonie se renouvelle trois fois. Puis, on continue la messe. On lit deux leçons (c’est un signe de l’antiquité de la messe). Ire Leçon :Ézéchiel promet aux Juifs le retour dans la terre promise et le pardon de Dieu. Cela s’applique aux catéchumènes, mais aussi à nous. Nous devons recevoir un nouveau cœur et un nouvel esprit. Pâques est l’accomplissement de cette promesse. 1er Graduel. Notre Mère l’Église nous invite : “ Venez et écoutez-moi, mes enfants, laissez-vous éclairer. ” 2e Leçon : “ Lavez-vous et vous serez purs... quand vos péchés seraient comme l’écarlate et la pourpre, ils seront blancs comme la neige et la laine...) Le 2e Graduel est un écho de la leçon : “ Heureux le peuple que Dieu a choisi comme héritage. ”) Avant le chant de l’Évangile, quatre diacres sont sortis du secretarium (sacristie) avec quatre livres des évangiles, accompagnés de porte-chandeliers et de thuriféraires et se sont placés aux quatre coins de l’autel. Pendant ce temps, la Schola chante : “ Par la voix du Seigneur, les cieux ont été affermis ”, ce qui s’applique à l’ouverture de l’Évangile qui va suivre. L’évêque adresse alors aux catéchumènes une exhortation, dans laquelle il explique le but, le contenu et le nombre des évangiles. Ensuite, le diacre annonce le début de l’évangile de saint Mathieu ; puis, l’évêque explique le symbole de cet évangéliste. On fait la même chose pour chaque évangéliste. La cérémonie s’appelait “ ouverture des oreilles ” et comportait les mêmes rites que ceux que nous trouvons aujourd’hui dans les cérémonies du baptême : le prêtre touche les oreilles du futur baptisé et dit : “ Ephpheta ”, c’est-à-dire “ ouvre-toi. ” Cela signifie que désormais les sens spirituels s’ouvrent pour entendre la parole de Dieu. On récite, ensuite, l’Évangile de la messe qui traite de la guérison de l’aveugle-né. Comme cet Évangile s’adapte bien à la cérémonie précédente ! L’aveugle-né est le symbole du catéchumène qui reçoit, par le baptême, la lumière céleste et, en même temps, doit entrer dans le combat contre les ténèbres (martyre). Les catéchumènes tombent, avec l’aveugle guéri, aux pieds du Seigneur et récitent le Credo joyeux et reconnaissant. Immédiatement après la lecture de l’Évangile, a lieu l’annonce de la profession de foi et du Notre-Père. L’acolyte pose la main sur la tête du catéchumène, tout en chantant, d’abord en grec puis en latin, la profession de foi. Ensuite l’évêque, dans une exhortation, explique, ce “ résumé de notre foi. ” Aussitôt après, on communique aux catéchumènes le Notre-Père, en faisant suivre chaque demande d’une courte explication ; enfin, les catéchumènes sont congédiés. — Après le renvoi des catéchumènes, on célèbre la messe proprement dite. Les fidèles chantent, à l’Offertoire, un cantique d’action de grâces pour leur Rédemption. Le bonheur qui vient d’être promis aux catéchumènes, ils l’ont déjà reçu. Le psaume 65 est un chant pascal. Dans l’antiquité, on y ajoutait même l’Alleluia. Le Christ, dans le sacrifice, est lumière et vie ; voilà ce que les fidèles confessent avec reconnaissance.

3. Et nous ? — La journée d’aujourd’hui présente, à l’âme qui veut faire revivre la grâce du baptême, aliment et lumière. Nous accompagnons, en esprit, les catéchumènes d’il y a environ 1500 ans. Nous entrons dans la basilique de Saint-Paul : il est. notre père spirituel à nous aussi ; presque tous les dimanches, sa voix nous exhorte et nous instruit. Renouvelons sur son tombeau la grâce de notre baptême. Le sens de ce renouvellement nous est expliqué dans les lectures : “ Je mettrai en vous un nouveau cœur et un nouvel esprit. J’enlèverai de votre poitrine votre cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. ” “ J’allai, je me lavai et maintenant je vois. ” Il s’agit donc d’une nouvelle vie et d’une nouvelle créature. — Nous recevons aujourd’hui, de la main de l’Église, trois cadeaux précieux : l’Évangile, la profession de foi et le Notre-Père. Baisons le livre des évangiles. L’Évangile remplace pour nous le Christ ; dans l’Évangile, la liturgie voit et honore le Christ. Selon l’esprit de la liturgie, nous devons vivre de la vie du Seigneur. Sur la terre, le Christ a vécu pour nous aussi ; ce qu’il fit alors aux malades, ce qu’il leur dit, il le fait et il le dit pour nous. Quel prix n’a pas l’Évangile ! Il nous manifeste les sentiments, les actions et les paroles du Christ. Chaque parole de la profession de foi a été scellée du sang des martyrs. Au Moyen Age, on la récitait aux mourants. Le Notre-Père est la seule prière que nous ait enseignée le Seigneur. Récitons-le avec respect. Il occupe la plus belle place à la messe ; dans l’antiquité, on le considérait comme un sacrement.

4. Psaume 20 — Chant d’action de grâces pour la victoire. — Aujourd’hui, non plus, il n’est pas possible de remarquer, dans le missel, que ce psaume était chanté pendant la communion. Le psaume 19 et le psaume 20 forment un tout : le premier est une prière avant le combat, le second est une action de grâces pour la victoire.

Division : Deux strophes :

1. Prière d’action de grâces pour la victoire du roi (3e personne). Dieu a exaucé sa prière, 2-3 ; un long et glorieux règne est réservé, 4-7. Invocation : Qu’il en soit ainsi !

2. Souhaits sous la forme d’une promesse prophétique (28 personne). Le roi sera victorieux de tous ses ennemis, 8-13. Invocation (on revient au début) : Qu’il en soit ainsi !

Seigneur, le roi se réjouit de ta force, et ton secours le remplit d’allégresse.

Tu lui as donné ce que son cœur désirait, tu n’as pas refusé ce que demandaient ses lèvres.

Tu l’as prévenu de bénédictions abondantes, tu as mis sur sa tête une couronne ornée de pierres précieuses.

 

Il te demandait la vie et tu la lui as donnée, tu lui as donné de longs jours à jamais et à perpétuité.

Sa gloire est grande, ,grâce à ton secours, tu mets sur lui splendeur et magnificence.

Tu l’as rendu à jamais un objet de bénédictions, tu l’as réjoui de ton regard favorable.

 

Oui, le roi se confie dans le Seigneur, et le Très-Haut ne le laisse pas chanceler, ta main atteindra tous les ennemis, ta droite anéantira tous ceux qui te haïssent.

Tu les rendras comme une fournaise ardente au jour de ton courroux ; dans ta colère, tu les détruiras, Seigneur.

Tu feras disparaître de la terre leur postérité et leur race d’entre les enfants des hommes.

Ils ont préparé pour toi la ruine, ils ont conçu des desseins pervers, mais ils seront impuissants.

Car tu les mettras en fuite et de tes traits tu les viseras au visage.

 

Lève-toi, Seigneur, dans ta force,

Nous voulons chanter et célébrer ta puissance.

Il est facile de faire l’application du psaume. Pour nous, le Christ est vainqueur ; sous sa direction et en lui, nous remportons, nous aussi, la victoire. Avec quelle joie les fidèles devaient chanter ce psaume, aujourd’hui, dans l’attente de la victoire spirituelle des catéchumènes !

JEUDI DE LA QUATRIÈME SEMAINE DE CARtME

STATION A SAINT-SILVESTRE ET SAINT-MARTIN

Le Christ, celui qui ressuscite les morts.

Nous allons célébrer successivement deux messes de résurrection des morts, aujourd’hui et demain. La messe de demain est plus ancienne et traite des catéchumènes ; celle d’aujourd’hui est plus récente, composée d’après celle de demain et elle pense aux pénitents. Les pénitents, comme les catéchumènes, doivent être ressuscités de la mort spirituelle, par le Christ. Quant à nous, les fidèles, nous recevons chaque jour dans l’Eucharistie une vie nouvelle.

Les antiennes directrices du jour : “ Jésus vint dans une ville nommée Naïm et voici qu’on portait en terre un mort qui était le fils unique de sa mère” (Ant. Bened.).

Un grand prophète s’est levé parmi nous, Dieu a visité son peuple” (Ant. Magn.).

La liturgie chante, le matin, le commencement et, le soir, la fin de la péricope. Elle veut nous enseigner par là que, pendant toute la journée, nous devons en faire l’objet de nos méditations.

1. Thème de la station. — Station à Saint-Sylvestre et Saint-Martin. Les deux saints de station sont les deux premiers saints non martyrs de l’Église romaine. Le pape saint Sylvestre et le grand évêque de Tours, saint Martin, ont toujours joui, dans l’Église, et jouissent encore de la plus grande vénération. Dans notre église de station, qui remonte à un ancien titre (c’est-à-dire une maison appartenant à l’Église romaine et dans laquelle demeuraient des prêtres), on honora d’abord saint Sylvestre. Plus tard, on bâtit à cet endroit une basilique en l’honneur de saint Martin, et le premier saint passa un peu au second plan (c’est sans doute de cette époque C’lue date l’introduction du service de station). Au IXe siècle, on transporta dans cette basilique les ossements de saint Sylvestre et de plusieurs martyrs ; ils reposent aujourd’hui encore dans la crypte. Les lectures de notre messe de station doivent rappeler les résurrections de morts qui rendirent saint Martin célèbre.

2. La messe (Laetetur). — C’est une messe de pénitents. Ce qui frappe, c’est la belle concordance entre la Leçon et l’Évangile. Dans ces deux lectures, il est question de résurrection de mort. Dans les deux cas, il y a trois personnages en scène : une mère veuve plongée dans le chagrin, un jeune homme mort qui va être ressuscité et un thaumaturge. Remarquons cependant la différence. Le Prophète ressuscite le jeune homme après de longs efforts. — Jésus ressuscite le fils de la veuve de Naïm d’un seul mot. Jésus est le maître de la mort et de l’enfer. Dans quelques jours, il scellera sa victoire par sa propre Résurrection. Les ressuscités sont les symboles du pécheur qui doit ressusciter à Pâques. C’est pourquoi, à travers toute la messe, on entend les joyeux accents du thème de Pâques. On chante, à l’Introït : “ Que le cœur se réjouisse. ”. L’Introït et la Communion considèrent les voies de Dieu dans notre vie. Comme il les a bien ordonnées ! (Ps. 104). Il était mon Dieu dans ma jeunesse, il est encore mon Dieu dans ma vieillesse (Ps. 70).

3. La vie et la mort. — Ces deux notions jouent un grand rôle dans la Bible et la liturgie. Que de fois le Christ parle de la vie, de la vie éternelle ! Ce que nous appelons vie et mort n’est pas la vraie vie et la vraie mort. Notre vie terrestre n’est qu’une ombre de vie et la mort terrestre n’est qu’un sommeil. La vraie vie est la participation à la vie divine, à la vie du Christ ; il est “ la Vie), lui seul peut donner la vie. Seul, l’homme en état de grâce peut dire qu’il vit. Cette vie est nourrie et développée dans l’Eucharistie qui est la source de la vie éternelle. Nous trouvons l’image de cette vie dans les deux résurrections de la messe d’aujourd’hui. Considérons les trois personnages, la mère, le jeune homme et le thaumaturge, Jésus-Christ.

a) Les deux femmes représentent très bien l’Église : l’une est l’Église à la prière instante, qui se prosterne aux pieds de Dieu et ne s’éloigne pas avant d’avoir été exaucée ; dans l’autre, nous voyons la douleur maternelle de l’Église qui n’a d’autre souci que les péchés de ses enfants. On lit, au bréviaire, ces belles paroles de saint Ambroise : “ Si tes péchés sont si grands que tu ne peux pas les laver dans tes larmes de pénitence, laisse ta Mère l’Église pleurer pour toi. Elle supplie Dieu pour chacun d’entre vous, comme cette mère veuve pleurait pour son fils unique. Car elle souffre des douleurs spirituelles de mère, quand elle voit ses enfants, par leurs péchés mortels, se précipiter vers la mort. ”

b) Le jeune homme mort est l’image de l’âme morte par le péché. L’âme est jeune, créée pour l’éternelle jeunesse. Le péché lui donne la mort. Dans le bréviaire, on poursuit l’allégorie. Le jeune homme est couché sur une civière de bois. Or, c’est par le bois ( de la science du bien et du mal) que le péché est entré dans le monde. Mais lorsque Jésus toucha le bois, c’est-à-dire monta sur la Croix, le mort revint à la vie. Les porteurs sont nos passions. “ Nous aussi, nous gisons, en quelque sorte, inanimés sur une civière, quand brûle en nous le feu des désirs illégitimes ou bien quand la froideur pour tout ce qui est divin nous pénètre, quand la force de l’esprit est paralysée par la paresse de notre corps ou bien quand notre cœur chargé de péchés trouble l’esprit de la pure lumière. Voilà quels sont les porteurs de notre cadavre ” (Saint Ambroise). Ces porteurs se hâtent de nous déposer dans la tombe de l’enfer.

c) Le miracle de la résurrection se renouvelle en chacun de nous. Le thaumaturge qui nous ressuscite est le Christ. Le Christ s’approche personnellement de chacun de nous et prononce ces paroles ; “ Jeune homme, lève-toi. ” Cette résurrection s’étend sur toute notre vie, depuis le baptême jusqu’à la parousie. Le Christ réveille toutes les forces de l’âme et du corps. Il nous donne un nouvel esprit, un nouveau cœur, un regard nouveau, une ouïe nouvelle. La résurrection est son œuvre. Le Carême, avec Pâques, est une résurrection en petit. “ Jeune homme, lève-toi. ”

VENDREDI DE LA QUATRIÈME SEMAINE DE CARÊME

STATION A SAINT EUSEBE

Allons, nous aussi, et mourons avec lui.

La messe d’aujourd’hui, qui est une messe antique et classique, enseigne aux catéchumènes qu’ils trouveront dans le Christ la résurrection de vie. Bientôt, le Christ exercera en eux sa puissance sur la mort spirituelle du péché. Mais il faut, auparavant, qu’il aille lui-même à la mort pour les catéchumènes.

Antiennes directrices du matin et du soir : “ Lazare, notre ami, dort ; allons l’éveiller du sommeil” (Ant. Bened.). “ Seigneur, si tu avais été ici, Lazare ne serait pas mort, voici qu’il sent déjà, car il y a quatre jours qu’il est au tombeau ” (Ant. Magn.).

1. Thème de la station : Station à Saint-Eusèbe. — Au sujet du saint de station, dont il est question le 14 août, le Martyrologe raconte : “ A Rome, la mort du saint prêtre Eusèbe ; ce défenseur de la foi catholique fut enfermé par l’empereur arien, Constance, dans une chambre de sa maison. Il y persévéra pendant sept mois dans la prière et il s’endormit dans le Seigneur. ”

L’église de station est une antique église titulaire du Ive siècle ; elle se trouve au-dessus de l’immense nécropole, le cimetière païen de l’ancienne Rome. La procession se déroulait, dans l’antiquité, au milieu des ruines des monuments funéraires. C’est ce qui explique que les deux lectures parlent de la résurrection des morts. Quel contraste ! Le paganisme sombre dans la tombe, pendant que le Christ appelle les siens, les catéchumènes, les pénitents et les fidèles, à la résurrection.

2. La messe (Meditatio). — Les catéchumènes entrent dans l’église ; ils ne peuvent pas attendre le jour de Pâques, ils “ pensent sans cesse ” à leur “ Sauveur et Rédempteur ” (Introït). Devant les yeux de leur esprit, se lève déjà le soleil pascal (Ps. 18). Cette fois, l’oraison parle aussi du baptême : “ Tu renouvelles le monde par tes mystères merveilleux. ” Les deux lectures parallèles montrent aux catéchumènes le Christ comme le thaumaturge qui ressuscite des morts, et eux-mêmes doivent se considérer comme des ressuscités. C’est justement la juxtaposition des deux scènes qui fait apparaître le Christ dans toute sa majesté. Élie ne ressuscite l’enfant qu’au prix de nombreuses prières, il lutte avec Dieu pour obtenir la vie de l’enfant. Le Christ se tient debout, comme le Maître de la vie et de la mort ; il n’a qu’à prononcer une parole. Le Graduel est un écho de la leçon. La leçon sert simplement d’arrière-plan à l’Évangile. Le thème de la Passion domine tous les autres thèmes. C’est aujourd’hui vendredi et nous sommes à quinze jours du Vendredi-Saint. La résurrection de Lazare fut ce qui détermina finalement les membres du Sanhédrin à décider la mort de Jésus. “ Allons, nous aussi, et mourons avec lui. ” De ces paroles de saint Thomas. l’Église fait son mot d’ordre pour les jours qui vont suivre. Les catéchumènes entendent ces mots du Christ : “ Je suis la résurrection et la vie. ” Quel effet ne devaient pas produire sur eux ces paroles ! Au sens de l’ancienne liturgie, Lazare est l’image du pécheur et de l’homme non racheté. La résurrection de Lazare est le symbole de la fête de Pâques, du Baptême. Le temps de Carême est le temps de l’humiliation, c’est pourquoi nous demandons, à l’Offertoire.. “ Au peuple humilié apporte le salut, Seigneur. ” Le chant de la Communion est, lui aussi, très impressionnant : il est tiré de l’Évangile. La liturgie veut montrer que la résurrection de Lazare s’accomplit mystérieusement en nous, dans l’Eucharistie.

3. Lazare et nous. — Toute notre attention, aujourd’hui, a été prise par le récit évangélique. Mais ne le considérons pas comme un simple récit historique ; ce n’est pas le genre de la liturgie. L’Église ne veut pas nous annoncer quelque chose de passé, mais quelque chose de présent. Les sentiments, les pensées, les actions du Christ sont aujourd’hui les mêmes qu’alors. Bien plus, ses actions, alors, étaient surtout symboliques ; elles paraissent, maintenant, dans toute leur réalité. Les paroles de Jésus nous sont adressées à nous aussi ; c’est pour nous aussi qu’elles ont été prononcées. Toute la plénitude de l’Évangile appartient aussi à l’Église d’aujourd’hui et, dans l’Église, elle nous appartient.

Nous sommes aux dernières semaines qui précèdent la Passion. Le Seigneur séjourne dans la Pérée, quand un message vient lui annoncer : “ Ton ami est malade. ” Quel délicat message ! On ne lui dit pas : viens vite ; il doit savoir lui-même ce qu’il y a à faire. L’Église répète ces paroles : “ Les hommes que tu aimes sont malades ”, et elle pense à nous. Le Seigneur retarde son secours, afin d’accomplir un plus grand miracle ; mais il parle sans cesse de son ami. Telle est sa délicate sollicitude pour nous, alors même qu’il tarde. Enfin, il déclare que Lazare est mort. Il se met en route. C’est sa marche vers la mort. Allons, nous aussi, avec lui, à la mort. Le Christ à Béthanie ! Considérons comment il traite les personnes en deuil. Comme il sait les ménager, mais comme il est ferme en même temps, comme il les entraîne et les éduque ! Il dit à Marthe : “ Je suis la résurrection et la vie ”, et nous répétons : tu es notre résurrection et notre vie. Il ne dit pas : je donne la résurrection et la vie ; mais je suis la résurrection et la vie. Songeons que nous ne sommes pas seulement chrétiens, mais le Christ même. Sa vie est notre vie, sa résurrection est notre résurrection. Ainsi, à Pâques, quand sa mort aura été notre mort, sa Résurrection sera notre Résurrection.

Comme l’entrevue avec Marie est touchante ! Le Christ frissonne devant la puissance de la mort. Lui, la Vie même, a horreur de la mort. Il voit devant lui le péché avec ses conséquences effroyables. A cause de ce péché, il doit franchir les sombres portes de la mort. Il marche vers le tombeau et il pleure. Les larmes de Jésus sont précieuses pour nous. C’est pour nous aussi qu’il les a versées. Et maintenant une scène sublime : Jésus prie devant le tombeau ouvert. Jésus remercie son Père de l’avoir exaucé, puis il dit : “ Lazare, sors !”

Il nous appelle, nous aussi, qui gisons, pour ainsi dire, dans le tombeau, enlacés des liens de la nature inférieure. Nous n’avons plus que quatorze jours à être couchés, comme Lazare, dans le tombeau de l’humiliation du Carême. Le soleil de Pâques se lèvera ; nous en voyons déjà les premiers rayons (Psaume 18, l’hymne du soleil).

4. Psaume 21 — Le Sauveur souffrant. — C’est une heureuse rencontre qui nous fait chanter aujourd’hui, vendredi, à la communion, le psaume du Messie souffrant. De l’avis unanime des Pères de l’Église et même de la synagogue, ce psaume est directement messianique, c’est-à-dire qu’il traite de la Passion du Christ, même au sens littéral. Nous le concevons comme une vision de David, dans laquelle le Roi-Prophète voit la scène du crucifiement. Le psaume se divise en trois parties nettement distinctes : 1. plainte du Vendredi-Saint, 2. Image de la Passion, 3. Vue consolante sur l’avenir.

Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné, pourquoi restent-elles sans écho les paroles de ma plainte ?

Mon Dieu, je crie pendant le jour et tu ne m’écoutes pas et pendant la nuit je ne puis me taire,

Pourtant, tu demeures dans le sanctuaire, célébré par le peuple d’Israël.

En toi se sont confiés nos pères, ils se sont confiés et tu les as délivrés.

Ils ont crié vers toi et tu les as sauvés, ils ont espéré et ils n’ont pas été confondus.

Mais moi, je suis un ver et non un homme, l’opprobre des hommes et le rebut du peuple.

Tous ceux qui me voient se moquent de moi, ils remuent les lèvres et ils branlent la tête :

Il a eu confiance dans le Seigneur, qu’il le sauve, qu’il le délivre, puisqu’il l’aime ! ”

Oui, c’est toi qui m’as tiré du sein maternel, qui as été mon espérance sur les mamelles de ma mère.

Dès le sein de ma mère je t’ai été confié, dès le sein de ma mère tu as été mon Dieu.

Ne t’éloigne pas de moi, car l’angoisse est proche et il n’est personne pour m’aider.

 

Autour de moi sont de nombreux taureaux, les taureaux de Basan m’environnent.

Ils ouvrent contre moi leurs gueules, comme un lion qui déchire et rugit.

Je suis comme l’eau qui s’écoule, et tous mes os sont disjoints.

Mon cœur est comme de la cire, il se fond dans mes entrailles.

Mon gosier s’est desséché comme un tesson et ma langue se colle à mon palais, tu m’as couché dans la poussière de la mort.

La meute des chiens m’environne et une foule de scélérats rôde autour de moi.

Ils ont percé mes mains et mes pieds et ils ont compté tous mes os.

Eux, ils m’observent et me contemplent : ils se partagent mes vêtements et ils tirent au sort ma tunique.

Mais toi, Seigneur, ne t’éloigne pas de moi, toi qui es ma force, hâte-toi de venir à mon secours.

Délivre mon âme de l’épée, ma vie du pouvoir des chiens.

Sauve-moi de la gueule du lion, tire-moi des cornes du buffle.

Alors j’annoncerai ton nom à mes frères et je te louerai au milieu de l’assemblée.

 

Vous tous qui craignez le Seigneur, louez-le,

Vous tous, postérité de Jacob, glorifiez-le !

Craignez le, vous tous, race d’Israël !

Car il n’a pas méprisé la supplication des pauvres et ne l’a pas rejetée.

Il n’a pas caché sa face devant moi, j’ai crié vers lui et il m’a entendu.

Maintenant mon hymne retentira dans la grande assemblée, j’acquitterai mes vœux en présence de ceux qui le craignent.

Les affligés mangeront et seront rassasiés, ceux qui cherchent le Seigneur le loueront et leur cœur vivra à jamais.

Toutes les extrémités de la terre se souviendront et se tourneront vers le Seigneur.

Et toutes les familles des nations se prosterneront devant lui.

Car au Seigneur appartient l’empire et il domine sur tous les peuples.

Les puissants de la terre lui rendront hommage et devant lui se courberont ceux qui descendent dans la poussière.

Mais mon âme vivra pour lui et ma postérité le servira.

 

On parlera du Seigneur à la génération future.

Au peuple qui viendra on annoncera : l’œuvre du salut qu’il a accomplie.

Ce psaume nous est d’autant plus cher que le Seigneur, sur la Croix, en a récité un verset et a peut-être même récité tout le psaume. Ce chant représente le paroxysme du drame de la Croix : le délaissement du Seigneur. En récitant ce psaume, mettons-nous en esprit au pied du Golgotha et laissons agir sur nous l’image douloureuse. Bien entendu, nous ne pourrons pas appliquer chaque mot et chaque image à une scène déterminée de la Passion. Le psalmiste essaie de dépeindre le terrible abandon du crucifié et s’efforce, par ses paroles et ses images, d’en faire sentir la réalité. Dans la première partie, nous trouvons une hésitation dans les sentiments : d’une part, l’attachement inébranlable à Dieu, l’abandon à Dieu, la confiance et l’obéissance envers Dieu et, d’autre part, le plus terrible délaissement et la plus profonde désolation. Les ennemis sont présentés sous la figure de bêtes dévorantes. Nous entendons aussi quelques prophéties littérales : “ Ils ont percé mes mains et mes pieds, ils se partagent mes vêtements. ” “ Mon gosier est desséché comme un tesson. ” La troisième partie apporte un revirement complet des sentiments. Le calice a été vidé jusqu’à la lie et déjà, dans les ténèbres, brille un rayon de la gloire de la Résurrection. Le. Christ fait encore entendre un chant d’action de grâces pour la rédemption du monde.

SAMEDI DE LA QUATRIÈME SEMAINE DE CARÊME

STATION À SAINT-NICOLAS IN CARCERE

VOUS qui avez soif, venez boire.

Le grand jour du baptême approche. La messe d’aujourd’hui est comme un dernier appel aux catéchumènes.

Ils comprennent de plus en plus ce que le Christ est pour eux. Il est pour eux le Soleil qui apporte la chaleur et la vie ; il est la source d’eau vive qui calme leur soif ; il est le Bon Pasteur, l’hôte généreux, tendre comme la meilleure des mères. Pour nous aussi, le Christ est tout cela dans l’Eucharistie.

Nous chantons les antiennes suivantes au lever et au coucher du soleil : ( Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie, dit le Seigneur. ” (Ant. Bened.). “ C’est moi qui donne témoignage de moi-même, et mon Père qui m’a envoyé donne aussi témoignage de moi ” (Ant. Magn.). Au lever du soleil, la parole concernant la lumière divine convient très bien.

1. La messe (Sitientes) : Nous nous rendons, avec les catéchumènes des siècles anciens, dans l’Église de Saint-Laurent hors les murs ( ce n’est que dans le haut Moyen Age, par conséquent à une époque où le catéchuménat avait depuis longtemps disparu, que la station fut modifiée et que l’office fut célébré à Saint-Nicolas in carcere). L’église de station (celle du patron des catéchumènes) montre déjà l’importance du jour pour les catéchumènes. Aujourd’hui encore a lieu un scrutin. En outre, la magnifique avant-messe est une dernière invitation au baptême, adressée aux catéchumènes. Les catéchumènes et les fidèles trouvent aujourd’hui dans la messe : nourriture, lumière et eau. C’est précisément dans la messe d’aujourd’hui que la relation intime entre le Baptême et l’Eucharistie nous apparaît dans toute sa clarté. Ce que le Baptême a commencé, l’Eucharistie le continue ; le Baptême crée la vie divine, l’Eucharistie l’entretient et la nourrit. Dans les deux sacrements, l’Église est notre Mère ; dans le premier, en nous enfantant ; dans le second, en nous nourrissant. Ces considérations nous donnent de nouvelles lumières sur notre vie de Carême et elles s’adressent aussi bien aux fidèles qu’aux catéchumènes. Ce que le Baptême a fondé, l’Eucharistie doit le développer. Les catéchumènes grandissent dans le sein de l’Église et les fidèles reçoivent d’elle leur nourriture.

C’est avec ces pensées que nous nous rendons à la messe. Introït est comme une invitation : “ Venez, vous qui avez soif, venez à la source d’eau, buvez avec joie. ” Le Christ répète sans cesse cette invitation à l’âme de l’homme altéré de bonheur ; le Christ et sa doctrine apaisent la soif : “ mon peuple, écoute ma voix... ” Dans la leçon, l’aimable image du Bon Pasteur se présente encore aux) eux des catéchumènes. Le Bon Pasteur les invite et les laisse jeter un regard dans son Cœur aimant : “ Au temps de la grâce je t’ai exaucé ”, il les délivre des chaînes du péché, il les appelle des ténèbres à la lumière, il les conduit à la source d’eau et les y abreuve. L’image s’agrandit : nous voyons les païens, comme un troupeau dispersé, se hâter vers le Bon Pasteur ; le Seigneur console son peuple. Cette pensée remplit l’Église d’une telle joie qu’elle invite le ciel et la terre à pousser des cris d’allégresse. L’amour du Christ pour nous est plus grand que l’amour des mères, “ car il nous a inscrits dans ses mains ” (telle est la continuation du passage) par ses plaies à la Croix. Le Graduel et l’Offertoire sont l’écho des lectures. Le Graduel se rapporte surtout aux catéchumènes et l’Offertoire, plutôt aux fidèles. A l’Évangile, le Seigneur parle lui-même : “ Je suis la lumière du monde, ” Il est aussi notre lumière ; si nous voulons suivre ses traces, nous serons d’autres soleils, Quant aux Juifs qui marchent dans les ténèbres, ils ne le connaissent ni lui ni son Père, “ Personne ne mit la main sur lui, car son heure n’était pas encore arrivée ” (thème pascal), Quel bel accent n’a pas l’antienne de la communion, le cantique eucharistique : “ Le seigneur est mon Pasteur... ! ”

3. L’image du Sauveur. — Il est une chose remarquable, Dans la conception moderne du Carême, on s’occupe continuellement du péché et de la pénitence. Dans l’ancienne conception, on aimait à peindre sous les couleurs les plus vives l’image du Sauveur. La première semaine nous montrait le Christ combattant, le Christ mortifié qui nous conduit à la transfiguration ; la seconde semaine nous montrait le serviteur de Dieu qui s’abaisse et se fait obéissant jusqu’à la mort. Dans la troisième semaine, l’image devient plus intime : nous avons devant nous le médecin et le Sauveur de l’âme. Pendant la quatrième semaine, nous voyons le Christ sous un double aspect : d’abord, dans ses souffrances morales ; puis, comme celui qui nous apporte le salut. Dans ce dernier sens, les images se succèdent avec une grande variété. Nous voyons le Seigneur comme un nouveau Moïse intercédant pour nous (lundi), comme l’illuminateur (mardi), comme le thaumaturge qui ressuscite les morts (jeudi et vendredi) ; aujourd’hui, il y a jusqu’à cinq images : le pasteur, l’hôte, la mère, la lumière, l’eau. Méditons ces images et cherchons, en nous, l’image correspondante. Si le Christ est notre bon Pasteur qui prend soin de nous et va à la recherche de ses brebis, soyons, de notre côté, ses brebis fidèles qui se laisseront conduire, nourrir et retrouver. S’il est notre hôte généreux, soyons ses invités reconnaissants qui se trouveront à l’aise dans sa maison. S’il est pour nous comme une mère attentive et tendre, soyons ses enfants obéissants. S’il nous apporte la lumière, ouvrons-lui toutes grandes les portes de notre âme et laissons-nous éclairer par lui. S’il est une source d’eau dans le désert de la vie, buvons à longs traits aux sources du Sauveur.

4. Le psaume du Bon Pasteur (psaume 22) est une des perles du psautier.

Le Seigneur est mon pasteur ; je ne manquerai de rien, il m’a placé dans de verts pâturages.

Il me conduit près des sources rafraîchissantes, il y restaure mon âme.

Il me conduit dans de droits sentiers à cause de son nom.

Même quand je marche dans les sombres vallées de la mort, je ne crains aucun mal car tu es avec moi, ta houlette et ton bâton me rassurent.

Tu as dressé devant moi une table pour la confusion de mes ennemis.

Tu as oint ma tête d’huile, et ma coupe, comme elle est débordante !

Que ta faveur m’accompagne, tous les jours de ma vie !

J’habiterai dans la maison du Seigneur pour de longs jours.

Ce psaume, d’après son titre, doit être attribué au chantre royal David. Il est divisé en deux strophes qui se distinguent par le changement de personnes. La première strophe est une méditation, elle parle de Dieu à la troisième personne ; la seconde est une prière, elle parle à Dieu. Le psaume décrit, en deux images charmantes, la bonté et la Providence de Dieu ; sous l’image du Bon Pasteur et sous celle de l’hôte généreux. Peut-être David songe-t-il à sa jeunesse, pendant laquelle il a goûté aux joies et aux souffrances de la vie de berger.

1. Examinons le psaume en partant du sens littéral pour arriver au sens complet et chrétien. Dans la première strophe, il est question d’un pasteur bon et dévoué, qui fournit à ses brebis tout ce dont elles ont besoin : il leur fournit quatre choses : a) le pâturage, b) la direction, c) la protection, et d) l’amour. Tout cela peut s’appliquer à Dieu immédiatement. Dieu est le Bon Pasteur et nous sommes ses brebis. Pour nous, chrétiens, l’image est encore plus plastique : le Christ est notre Bon Pasteur et nous sommes ses brebis. Le Seigneur a eu une prédilection pour cette image dont il s’est servi maintes fois. Nous pouvons donc lui faire l’application du psaume.

a) En premier lieu, le Bon Pasteur offre à ses brebis un bon pâturage. Un bon pâturage comprend la nourriture et la boisson (on insiste sur la boisson dans l’Orient altéré). Le Christ, le Bon Pasteur, nous conduit, nous aussi, dans les bons pâturages ; il nous donne la nourriture et la boisson au sens spirituel. Ce sont les biens du royaume de Dieu : la foi qui satisfait les aspirations de notre âme, la grâce et la filiation divine. Mais comment ne pas songer à la nourriture de nos âmes, à la Sainte Eucharistie que nous présente le Seigneur ? Le pain du ciel est “ notre bon pâturage ”, c’est l’“ eau rafraîchissante ” qui “ restaure notre âme ”.

b) Le Pasteur offre aussi à son troupeau une bonne direction. En Orient, le berger marche devant son troupeau et celui-ci le suit. C’est ce que le Christ dit expressément de lui-même dans sa parabole : “ Quand le gardien de la porte a laissé sortir les brebis, le pasteur marche devant et les brebis le suivent... ” (Jean X, 4). C’est ainsi que le Sauveur nous guide à travers la vie. Il marche devant nous, portant sa Croix, et nous marchons sur ses traces dans une sainte communauté d’amour et de souffrances.

c) Sa route ne passe pas seulement à travers des prairies ensoleillées, elle nous fait passer aussi par les “ sombres vallées de la mort ”, par la nuit de l’âme où nous connaissons les heures de Gethsémani, les tentations, les amertumes. C’est alors que nous avons besoin de sa protection. Dans de tels moments, il n’y a pas de plus grande consolation que cette certitude confiante : “ Tu es près de moi. ” (Le philosophe Kant disait de ce verset : aucun des livres que j’ai lus ne m’a donné autant de consolation que cette parole de la Bible).

d) Le Bon Pasteur nous accorde encore un autre bienfait : il fait notre éducation d’enfants de Dieu et d’héritiers du ciel. Il emploie pour cela deux moyens : l’un est son bâton pastoral ; l’autre, sa verge de châtiment. Il nous éduque par la joie et par la peine.

2. Dans la seconde strophe, la scène change ; nous voyons un hôte oriental. L’hospitalité, comme on sait, était très cultivée en Palestine et l’hôte reçu était comblé d’honneurs. Ainsi le Christ se plaint d’un Pharisien qui ne l’a pas reçu avec les honneurs convenables : “ Je suis venu dans ta maison et tu ne m’as pas donné d’eau pour mes pieds... tu ne m’as pas donné de baiser... tu n’as pas oint ma tête... ” (Luc VII, 44 sq.). Dans notre psaume, le bon hôte rend à son invité un quintuple honneur : il dresse devant lui une table richement servie, il oint sa tête d’huile, il lui présente une coupe de vin, il conclut avec lui un engagement d’amitié durable, il va même jusqu’à lui offrir une demeure permanente. Il est inutile de faire l’application de cette parabole au Christ et à l’âme et d’en examiner les détails. Par notre entrée dans le royaume de Dieu, nous sommes devenus les hôtes du Christ et notre bon hôte nous sert la “ table du Seigneur ”, nous présente le “ calice du salut ” ; dans le Baptême et la Confirmation, il oint notre tête d’huile. Nous sommes ses amis et il nous est permis de demeurer avec lui.

LE TEMPS DE LA PASSION

Nous entrons dans les jours de deuil où nous pleurons l’Époux divin. L’Église prend ses voiles de veuve. Le temps de la Passion est la troisième étape de la préparation pascale. L’avant-Carême nous faisait entrer dans les dispositions du Carême, le Carême a été le temps de la conversion et du renouvellement de la vie spirituelle, le temps de la Passion est spécialement consacré au souvenir des souffrances du Christ. Ce souvenir est exprimé de manières différentes dans la liturgie. Dans l’église, les croix et les statues sont voilées. Par cet usage, l’Église veut manifester son deuil. Les croix ornées de pierres précieuses et de métal précieux doivent voiler leur éclat (autrefois les croix ne portaient pas l’image du crucifié) ; les images et les statues doivent disparaître pour ne pas nous distraire de la pensée de la Passion du Christ. Les derniers chants joyeux de la messe cessent de se faire entendre : le Gloria Patri disparaît à l’Introït, au Lavabo et dans les répons de l’Office. De même, le psaume 42 de la prière graduelle n’est plus récité jusqu’à Pâques. On voit dans cette omission une expression de deuil, comme pour la messe des morts (le véritable motif, c’est que ce psaume est chanté à l’Introït et que la liturgie évite ces répétitions). Cependant, plus encore que par ces signes extérieurs, la liturgie exprime son deuil par son contenu même, en parlant de la Passion du Seigneur. Dans les leçons nocturnes, nous prenons congé des livres de “ Moïse ” pour entendre la voix du Prophète Jérémie, la plus importante figure du Messie souffrant. Le thème de la Passion, qui déjà, dans les dernières semaines, était de plus en plus accentué, domine désormais seul. Cette transformation se remarque surtout dans les chants psalmodiques de la messe et les répons du bréviaire. On n’entend plus parler autant la communauté des pénitents et des catéchumènes ; le Christ souffrant prend lui-même la parole. Ce qui mérite une attention particulière, c’est l’ordinaire du temps de la Passion, c’est-à-dire les prières communes des Heures, comme les hymnes, les capitules, les répons, les antiennes ; c’est dans ces morceaux que l’Église exprime de la manière la plus précise ses pensées sur le temps de la Passion. Elle y a rassemblé les plus beaux textes scripturaires sur la Passion du Seigneur.

Pensées principales de la semaine qui va commencer. — La liturgie s’entend magistralement à mêler le thème de la Passion avec celui du Baptême. On le voit surtout dans les trois messes anciennes : Lundi.. C’est encore le contraste, si goûté, entre les Ninivites (les catéchumènes) qui font pénitence et les Juifs qui veulent tuer le Christ. “ Que celui qui a soif vienne à moi et boive ! ” — Mercredi.. C’est le jour d’examen, pour les catéchumènes, sur les commandements qu’ils ont reçus quinze jours auparavant. Les loups entourent l’Agneau de Dieu, qui, par sa mort, va donner “ la vie éternelle” aux brebis. — Vendredi.. Jérémie, la figure du Christ, se lamente sur les Juifs qui ont “ perfidement abandonné le Seigneur, la source d’eau vive. ” “ Jésus meurt pour le peuple et les enfants de Dieu dispersés, qu’il rassemble et réunit.” Mardi.. C’est encore le thème des mardis précédents : la leçon nous donne une image de l’activité de la charité. Le thème de la Passion parcourt toute la messe. — Jeudi.. C’est la dernière messe de pénitence, avec les images de la captivité de Babylone et de la Pécheresse. — Le Samedi est une vigile du dimanche des Rameaux.

La Croix voilée. — Aujourd’hui, l’Église commence à rappeler, d’une manière plus accentuée, à ses enfants, la mort rédemptrice du Christ.

D’une manière plus accentuée. En effet, à proprement parler, le souvenir de la mort du Christ est l’objet principal du culte chrétien. Saint Paul ne dit-il pas : “ Toutes les fois que vous mangerez de ce pain et boirez de ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. ” Le saint sacrifice de la messe est donc l’annonce de la mort du Christ. Toutes les fois que nous venons à la messe, nous annonçons notre foi : Le Christ est mort pour nous et le sang de son sacrifice coule encore aujourd’hui pour nos âmes, et la chair de son sacrifice est notre nourriture pour notre vie éternelle.

D’une manière plus accentuée. En effet, pendant le Carême, le thème de la Passion s’est maintes fois fait entendre. Sans doute la liturgie diffère ici entièrement de notre piété courante. Il s’agit du combat du Christ contre l’enfer. Il lutte contre le diable pour conquérir les âmes que son Père lui a données. C’est là une des pensées principales que nous rencontrons à travers toute la sainte quarantaine. Examinons les trois dimanches principaux qui sont comme les piliers du Carême : 1. Dimanche : Le Christ et le diable ; le Christ est sur la défensive ; 3. Dimanche : le fort et le plus fort ; le Christ passe à l’offensive ; Dimanche des Rameaux : Le Christ vainqueur et Roi dans sa Passion. Songeons aussi qu’il ne s’agit pas seulement d’une bataille livrée il y a 1900 ans, cette bataille se continue dans tous les temps. Le Christ qui lutte, combat et triomphe est le Christ mystique dans son corps, l’Église, et dans ses membres, les chrétiens. Le temps de Carême est donc un “ noble tournoi ” dans lequel nous ne sommes pas de pieux spectateurs, mais des chevaliers qui entrent dans la lice. Dans ce sens, le Carême est donc aussi le temps où nous nous souvenons de la mort du Christ.

Aujourd’hui, nous entrons dans le temps de la Passion, nous penserons davantage aux souffrances du Christ. C’est le temps dont Jésus a dit : “ Quand l’Époux leur sera enlevé, alors ils jeûneront ” (Math. IX, 15). Que doit donc être ce souvenir de la Passion ?

Il importe de nous rappeler la profonde différence entre les sentiments des anciens chrétiens et ceux des chrétiens d’aujourd’hui. Comment la piété populaire pense-t-elle à la Passion du Christ ? Elle s’en tient aux souffrances historiques du Seigneur, elle essaie de se représenter d’une manière imagée les scènes particulières des “ amères souffrances Il, elle analyse les sentiments et les pensées du Sauveur souffrant, elle a compassion et elle pleure. Elle se demande quelles vertus le Seigneur a exercées à chaque phase de sa Passion. Comment l’imiter ? Que devons-nous apprendre de lui ? C’est pour elle la question la plus importante. Elle fait enfin de la Passion le principal motif du changement de vie : “ Il est mort pour moi sur la Croix et moi, je l’ai si gravement offensé ! ”

Telles sont les pensées de la piété populaire au sujet du Seigneur souffrant. Quelles étaient les pensées de l’antique piété chrétienne que la liturgie nous a conservée ? Elle prenait de tout autres chemins. Sans doute, elle place, au centre, la Passion historique du Christ, mais elle ne s’y arrête pas ; elle s’attache davantage à l’idée et au but de la Passion et ne place le revêtement historique qu’au second plan. Le Christ nous a rachetés par ses souffrances, il a fait de nous des enfants de Dieu. C’est là le fait le plus heureux du christianisme. C’est pourquoi la piété liturgique verse moins de larmes amères ; elle peut même se réjouir. Au moment qui est apparemment le plus triste de l’année, le Vendredi-Saint, quand on adore la Croix, elle va jusqu’à chanter une hymne de jubilation : “ Voici que par le bois est venue la joie dans le monde entier. ” C’est pourquoi la liturgie ne parle pas volontiers des souffrances amères, mais de la beata Passio, de la Passion heureuse ou qui rend heureux... Elle voit moins le côté humain que le but de la Passion, notre salut. C’est pourquoi l’art chrétien antique ne s’est guère occupé de l’aspect douloureux, mais a exprimé surtout les pensées de la Rédemption. Depuis le Moyen-Age, on représente de préférence Jésus attaché à la colonne de la flagellation ou bien cloué sur la Croix, le corps tordu par les angoisses de la mort. Il n’en était pas de même dans l’Église ancienne : on élevait la Croix comme un signe de victoire et de Rédemption. C’était la crux gemmata, la croix de métal précieux, ornée de pierreries. Cette Croix ne portait pas de crucifix. Ces deux croix sont justement devenues les symboles des deux conceptions de la Passion et des deux types de piété.

Quand nous entrons aujourd’hui dans l’Église, nous voyons la Croix voilée. Nous cherchons en vain quel peut être le motif de cette manière de faire. Pourquoi, au moment même où l’on pense davantage à la mort du Christ, doit-on voiler l’image de la Croix ? On comprendrait mieux le procédé contraire : la Croix voilée pendant le reste de l’année et découverte au temps de la Passion. Or ce que nous faisons maintenant sans le comprendre est un écho de l’antique piété. Quand la Croix était encore sans crucifix et brillait d’or et de pierres précieuses, il convenait d’en voiler l’éclair à l’époque où l’Époux est enlevé : l’Église revêt ses voiles de veuve. Et c’est là un souvenir plus délicat de la Passion que l’image d’un corps torturé et suspendu à la Croix. En tout cas, la première conception correspond mieux à la noble attitude des anciens.

On le voit donc, la piété objective porte, elle aussi, le deuil de la Passion, mais d’une autre manière. Creusons encore la différence entre la piété populaire et la piété liturgique. La première est doctrinale et sentimentale ; la seconde vise à l’action. Elle se demande moins quelles vertus et quelles doctrines doit nous enseigner la méditation de la flagellation, mais elle nous fait sentir que nous sommes les membres du corps du Christ et, dans nos épreuves terrestres, nous fait voir une participation à sa Passion. Que dit saint Paul, le docteur de la piété objective ? “ De même que les souffrances du Christ abondent en nous, de même aussi, par le Christ, abonde notre consolation ” (II Cor. I, 5). Il va même jusqu’à voir dans ses propres souffrances un complément de la Passion du Christ (Col. I, 24). C’est là une magnifique conception de la Passion. Toute la vie des chrétiens est unie au Christ ; nos souffrances et nos joies sont les souffrances et les joies du Christ. Aujourd’hui, au moment où j’écris ces lignes, nous célébrons la fête des saintes Perpétue et Félicité et je lis dans leurs Actes : Dans la prison, Félicité était sur le point de mettre au monde un enfant. Comme elle souffrait les douleurs de l’enfantement, un soldat lui dit en raillant : “ Si tu souffres tant maintenant, que feras-tu donc quand tu seras jetée devant les bêtes sauvages ? ” — “ Maintenant ”, répondit-elle, “ c’est moi qui souffre, mais alors un autre sera en moi qui souffrira pour moi, parce que, moi aussi, je dois, souffrir pour lui. ”

Saint Paul pousse ce cri de joie : “ Avec le Christ je suis attaché à la Croix : aussi ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi. Tant que je vis encore dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi. ” La piété objective n’est donc pas dépourvue de sentiments, elle connaît même une puissante mystique de la Passion, parce qu’elle se sait en union avec le Christ.

Et maintenant que devons-nous faire ? Faut-il abandonner nos méditations sur la Passion auxquelles nous sommes habitués depuis notre jeunesse, pour nous tourner vers la piété objective ? Cela n’est pas nécessaire. Approfondissons plutôt nos exercices précédents, en nous inspirant des conceptions de la Passion qu’avait la primitive Église. “ Éprouvez tout et gardez ce qui est bon ”, dit l’Apôtre (I Thess. V, 27). Dans l’Église, les deux conceptions sont en usage et, par conséquent, recommandables. Mon intention était de marquer les différences, non pas pour critiquer une conception, mais pour mieux faire comprendre le point de vue liturgique.

Lorsque, vendredi prochain, nous célébrerons la fête des Sept Douleurs de la Sainte Vierge et chanterons le beau Stabat Mater, nous nous rendrons compte immédiatement que nous sommes en face de pensées de la piété subjective. Mais quand, aujourd’hui, à la messe, nous voyons, à l’Épître, le divin grand-prêtre, revêtu de ses ornements, entrer dans le Saint des saints du ciel avec son propre sang et accomplir la Rédemption éternelle, nous savons que la liturgie nous présente une méditation objective de la Passion. L’Église est semblable au père de famille de l’Évangile qui tire de son trésor “ de l’ancien et du nouveau ”. Encore une fois, “ examinez tout et gardez le bon. ”

DIMANCHE

Index

DE LA PASSION

STATION A SAINT PIERRE

Le Grand Prêtre entre dans son sanctuaire.

L’Église déroule devant nos yeux trois images, trois images de la Passion du Seigneur : une image figurative, une image historique et une image dominant les temps.

a) L’Église nous ramène en arrière, au temps de l’histoire juive, environ 600 ans avant Jésus-Christ. Il y avait, sur le trône de David, des rois indignes : dans la terre promise, on adorait les idoles ; l’injustice et l’immoralité régnaient dans le pays où Dieu était Roi. Dieu suscita des prophètes qui devaient avertir le peuple et les chefs. L’un des plus grands parmi eux fut Jérémie, un homme d’une grande pureté d’intention, rempli d’amour pour Dieu, pour son peuple et sa patrie. Il voit venir le malheur prochain, l’exil ; il prêche la pénitence, mais les Juifs ne veulent pas l’écouter, ils veulent se débarrasser de l’homme importun, ils le persécutent et le tourmentent. Les avertissements étant restés sans succès, le malheur éclate : la ville et le temple sont en ruines, le roi et le peuple sont conduits en exil. Jérémie s’assied sur les ruines de Sion et chante ses lamentations. Jérémie est la figure du Messie souffrant, mais moins dans ses paroles que dans sa personne. Aujourd’hui, l’Église lit le commencement du livre (le commencement vaut pour le tout). Le Prophète Jérémie nous accompagnera pendant tout le temps de la Passion.

b) L’image historique nous apparaît dans l’Evangile. Le Christ est entouré des Juifs hostiles. Déjà, ils prennent des pierres pour le lapider. La mort du Christ était déjà résolue, elle est déjà accomplie dans la volonté de ses ennemis, mais son heure n’est pas encore arrivée. Le Christ se tient au milieu d’eux, plein de majesté. Qui d’entre vous peut me convaincre de péché ? “ Avant qu’Abraham fût, je suis. ”

c) L’image dominant les temps nous apparaît dans l’Épître ; c’est une grande action liturgique. Le divin grand-prêtre, revêtu de ses ornements, pénètre dans le Saint des saints du ciel avec son propre sang et opère la Rédemption éternelle. Dans ces trois images se trouve contenue et expliquée toute la liturgie de ce dimanche.

1. Entrée dans le temps de la Passion : “ Aujourd’hui, si vous entendez la voix du Seigneur, ne fermez pas vos cœurs. ” C’est par ces paroles de l’invitatoire que l’Église nous invite à commencer dignement le temps sacré du souvenir de la Passion de Notre-Seigneur. C’est aussi une invitation à nous unir aux souffrances et au sacrifice du Christ dans son corps mystique. — Le premier répons de Matines nous introduit solennellement dans le temps de la Passion et, en même temps, nous fait entrevoir Pâques : encore quinze jours avant la grande fête.

Ce sont des jours que vous devez sanctifier en leur temps,

Le quatorzième jour au soir commence la Pâque du Seigneur,

Le quinzième jour vous célébrerez la grande fête pour le Seigneur Très-Haut. ”

Nous considérerons, dans le temps qui commence, le Christ, dans ses souffrances amères, comme l’Homme des douleurs ; nous pleurerons avec lui et nous compatirons à ses souffrances. Mais, en même temps, nous verrons en lui le vainqueur qui a triomphé sur le champ de bataille du Golgotha et nous serons vainqueurs avec lui ; nous verrons le Roi qui, sur le trône de la Croix, règne par ses souffrances, et nous règnerons avec lui en triomphant des souffrances de la vie ; nous considérerons le Grand-Prêtre qui entre dans le Saint des saints pour se sacrifier pour nous et nous invite à être prêtres avec lui dans l’abandon de notre vie.

2. La messe (Judica me). — Nous nous rendons aujourd’hui dans l’Église de Saint-Pierre, au tombeau du prince des Apôtres. Autrefois, dans la nuit du samedi au dimanche, il y avait vigile à Saint-Pierre et l’on procédait à l’ordination ; c’est ce qu’indiquent la station et le contenu de la messe. Saint Pierre est le premier vicaire du divin Grand-Prêtre. A l’Introït, nous voyons le Seigneur lutter comme au jardin des Oliviers. Il demande une décision judiciaire entre lui, d’une part, et le peuple profane des Juifs et l’homme mauvais et perfide (Judas), d’autre part. A l’Épître, nous voyons le divin Grand-Prêtre s’avancer vers l’autel de la Croix ; en versant son propre sang, il expie pour l’humanité, alors qu’il est lui-même sans péché. Le Graduel et le Trait sont les plaintes du Christ souffrant ; ces chants nous conduisent à la colonne de la flagellation (“ Ils ont labouré sur mon dos, ils ont creusé de longs sillons ”) ; ils nous conduisent à la Croix (“ Tu m’élèveras au-dessus de ceux qui se sont levés contre moi ; sauve-moi de l’homme méchant (Judas) ”). L’Évangile nous montre, de nouveau, notre Grand-Prêtre, le Christ, qui est innocent et éternel. Nous jetons encore un regard sur l’abîme de méchanceté de ses ennemis ; cependant, on voit briller la lumière de Pâques à travers la sombre scène : “Abraham s’est réjoui de voir mon jour (Pâques).” Les Juifs voulaient le lapider, mais il se cache (thème de la Passion et de Pâques). L’Offertoire est un chant de route avec la promesse de devenir sans tache, comme le divin Grand-Prêtre lui-même est innocent. L’antienne de Communion nous rappelle que l’Eucharistie est le mémorial de la mort du Christ : “ C’est le corps qui sera livré pour vous, c’est le calice du Nouveau Testament dans mon sang, dit le Seigneur. Faites ceci, toutes les fois que vous prendrez (ce sacrement), en mémoire de moi.)

3. La prière des Heures. — Dans la lecture de l’Écriture, se dresse devant nous le Prophète Jérémie qui est la figure du Christ souffrant. Dans le premier chapitre, nous entendons parler de sa vocation de prophète. Ce chapitre n’a pas de rapport immédiat avec le Christ, mais le commencement vaut pour l’ensemble. Cependant on peut voir, dans le passage suivant, l’introduction de l’histoire de la Passion : “ Et toi, ceins tes reins, lève-toi et dis-leur ce que je t’ordonnerai ; car je te donnerai la force, afin que tu n’aies pas à craindre devant eux. Je t’établis aujourd’hui comme une ville forte, comme une colonne de fer et une muraille d’airain devant tout le pays, devant les rois de Juda, devant ses princes, devant les prêtres et le peuple du pays. Ils te feront la guerre, mais ils ne pourront pas t’abattre, car je suis avec toi, dit le Seigneur, pour te délivrer. ”

Nous entendons, en outre, deux sermons des deux grands papes et docteurs de l’Église, saint Léon 1er et saint Grégoire 1er. Ces deux discours sont d’autant plus importants qu’ils furent prononcés, tous les deux, à Saint-Pierre de Rome, pendant l’office liturgique de ce jour, l’un vers 450, l’autre vers 600. Nous ne donnerons qu’un extrait de chacun d’eux. “ Parmi toutes les solennités chrétiennes, nous savons que le mystère pascal est la principale. Pour nous préparer à recevoir dignement et convenablement ce mystère, les institutions de tout le temps (liturgique) travaillent à notre réforme. Mais les jours présents réclament particulièrement notre dévotion, car, nous le savons, ils sont en relation immédiate avec le plus sublime mystère de la divine miséricorde. Dans ces jours, les Apôtres, inspirés par le Saint-Esprit, ont, à juste titre, ordonné un jeûne plus sévère, afin que, par notre participation commune à la Croix du Christ, nous fassions un peu de ce qu’il a fait pour nous, comme le dit l’Apôtre : Si nous souffrons avec lui, nous serons glorifiés avec lui ” (Saint Léon).

Examinez, très chers frères, la mansuétude de Dieu. Il était venu pour enlever les péchés et il disait : Qui de vous me convaincra de péché ? Il ne dédaigne pas de montrer, par la raison, qu’il n’est pas pécheur, lui qui, par la force de la divinité, pouvait justifier les pécheurs. Mais ce qu’il ajoute est terrible : Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu ; aussi vous ne l’entendez pas, parce que vous n’êtes pas de Dieu... Que chacun se demande s’il entend les paroles de Dieu avec l’oreille du cœur et il saura s’il est de Dieu... ” (Saint Grégoire).

Pendant le jour, nous devons porter constamment, dans notre cœur, l’image et les paroles de l’Évangile. Dès le lever du soleil, nous chantons les paroles du Seigneur : “ Celui qui est de Dieu entend la parole de Dieu, vous ne l’entendez pas parce que vous n’êtes pas de Dieu. ” C’est une parole effrayante au début de la journée. Nous entrons immédiatement dans le combat du Seigneur contre les ténèbres. A chaque Heure du jour, nous chantons une autre parole du Seigneur : “ Je n’ai pas de démon, mais j’honore mon Père. ” (Prime). “ Je ne cherche pas ma gloire, il y a quelqu’un qui la cherche et qui est juge ” (Tierce). “ En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui garde ma parole ne goûtera jamais la mort” (Sexte). Vers la fin du jour, nous chantons le tragique dénouement de la journée : “ Les Juifs ramassèrent des pierres pour les lui jeter ; mais Jésus se cacha et sortit du temple” (None). A Vêpres, s’ouvre une joyeuse perspective sur Pâques : “ Abraham, votre père, a tressailli de joie de ce qu’il devait voir mon jour ; il l’a vu et il s’est réjoui. ”

LUNDI DE LA SEMAINE DE LA PASSION

STATION A SAINT-CHRYSOGONE

Croix et baptême.

Le Christ va à la mort, victime de la haine des Juifs, pour obtenir la pénitence aux Ninivites -les catéchumènes sortis du paganisme — et pour leur apporter l’“ eau vive” du baptême et de l’Eucharistie. Voici les antiennes directrices du jour : “ Au grand jour de la fête, Jésus se tenait debout et criait : Que celui qui a soif vienne à moi et boive ” (Ant. Bened.). N’oublions jamais que les paroles du Christ, dans la liturgie, sont non pas du passé, mais du présent : elles s’adressent à nous. “ Que celui qui a soif vienne à moi et boive ; de ses entrailles jailliront des sources d’eau vive, dit le Seigneur” (Ant. Magn.).

Avec l’ardent désir des catéchumènes, implorons la venue de la fête de Pâques.

1. La station. — C’est l’église titulaire de Saint-Chrysogone. Le martyrologe raconte de ce saint, le 24 novembre : “ La mort du saint martyr Chrysogone. Après avoir souffert longtemps, à cause de la confession constante de sa foi, les chaînes et les tourments de la prison, il fut, sur l’ordre de Dioclétien, traîné à Aquilée. Il y fut décapité et jeté dans la mer. C’est ainsi qu’il obtint la couronne du martyre. ” Il mourut vers 304. La maison de ce saint devint propriété de l’Église romaine et, au Ve siècle, on édifia une église sur son emplacement. Depuis, la basilique a été souvent restaurée.

2. La messe (Miserere mihi). — Dès l’Introït, nous nous unissons au Sauveur souffrant. Lui et nous, nous ne faisons qu’un, le Christ mystique. Les trois premiers chants sont des lamentations du Christ souffrant. Ceci est important pour nous faire comprendre comment nous devons vivre la Passion. Laissons le Christ souffrir, se plaindre, mourir, mais aussi ressusciter en nous. Telle est la fête pascale liturgique. “ Par lui et avec lui et en lui ”, nous célébrons la Passion et la Résurrection. “ L’homme m’a foulé aux pieds ” (Int. ).

C’est une expression forte et imagée. Le Christ, la divine grappe de raisin, est foulée aux pieds dans le pressoir de la Passion et, de cette grappe, sort la boisson salutaire. Laissons-nous presser avec lui. Comparons le chant initial avec le chant final. Quel contraste ! “ Le Seigneur des armées est le Roi plein de majesté ” (Comm.). C’est la grande loi du christianisme : Par la souffrance à la gloire !

Dans la leçon, Jonas est la figure du Christ. Il se voue à la mort pour sauver ses compagnons ; il est le type du repos de trois jours dans le tombeau, et de la Résurrection. Les deux lectures se correspondent : Les Ninivites païens firent pénitence à la parole de Jonas ; les Juifs restent endurcis et veulent faire mourir le Christ. Les Juifs se demandaient si Jésus ne se rendrait pas chez les païens ; il s’y rend, en effet ; il appelle les païens. Les catéchumènes, qui se tiennent là, sortent du paganisme, ils ressemblent aux Ninivites : le Christ “ s’est rendu chez eux et les a instruits. ” Ils ont soif et répondent à l’invitation ; ils “ boivent de l’eau vive ” (Baptême) et “ reçoivent le Saint-Esprit” (les catéchumènes, dans la Confirmation ; les fidèles, dans l’Eucharistie). Les Ninivites, par leur conversion, méritent le nom de “ peuple de Dieu ” ; mais Israël, par son endurcissement, perd ses privilèges et cesse d’être le “ peuple de Dieu ”. L’image de Jonas et celle des Ninivites pénitents se trouvent fréquemment dans les catacombes et sur les sarcophages de l’ancienne Église. Le jeûne des Ninivites est la figure du Carême chrétien. — Nous allons au Saint-Sacrifice comme des Ninivites pénitents et, à l’Offrande, nous portons ces sentiments de pénitence à l’autel (d’où le psaume 6, qui est un psaume de pénitence). La Communion nous conduit au but : nous voyons le “ Roi plein de majesté ” dans sa Résurrection et son retour.

3. Ordinaire du temps de la Passion. — Parcourons aujourd’hui les textes communs de ce temps. A Laudes, nous entendons : “ Venez, mettons du bois dans son pain et supprimons-le de la terre des vivants et qu’on ne cite plus jamais son nom” (Jér. XI, 19). La mention du bois dans son pain fait allusion à la Croix et, en même temps, à l’Eucharistie. L’hymne (Lustra sex) chante, d’une manière saisissante, l’arbre de la Croix :

0 Croix fidèle et vénérable,

Arbre très noble et très sacré,

Nul arbre à toi n’est comparable Ni d’un si beau fruit n’est paré :

Doux sont tes clous, doux est ton bois,

Doux ton fardeau, très Sainte Croix.

Les versets communs qui, pendant le Carême, sont des paroles extraites du psaume 90, sont désormais des lamentations du Christ : “ Délivre-moi, Seigneur, de l’homme mauvais, et de l’homme inique délivre-moi. ”

Et maintenant, les antiennes des Heures du jour :

A Prime : “ Délivre-moi, Seigneur, et place-moi auprès de toi ; alors n’importe qui pourra lever la main pour me combattre. ” Comme c’est beau ! Nous passerons notre journée avec le Seigneur souffrant.

A Tierce : “ Tu as jugé, Seigneur, la cause de mon âme, toi, le défenseur de ma vie, Seigneur, mon Dieu. ” Telles sont les paroles du Christ souffrant, elles doivent être aussi les nôtres.

A Sexte : “ Mon peuple, que t’ai-je fait et en quoi t’ai-je constristé ? Réponds-moi. ” Quelle question impressionnante ! Nous voyons le Seigneur sur la Croix et c’est à nous qu’il adresse cette question.

A None : “ Rend-on le mal pour le bien, car ils ont creusé une fosse pour mon âme ? ” Le Seigneur se plaint de l’ingratitude des Juifs ; ne se plaint-il pas aussi de notre ingratitude ?

A Vêpres, nous chantons l’hymne : “ Les bannières du Roi s’avancent” et nous disons au verset : “ Délivre-moi, Seigneur, de l’homme méchant et de l’homme inique délivre-moi. ” L’homme méchant, c’est Judas, et les hommes impies sont les grands-prêtres ; au sens large, ce mot désigne le diable et ses instruments.

Telle est la voie à suivre pour donner, pendant la journée, une forme liturgique à nos méditations sur la Passion.

4. Psaume 23 — Le Roi de gloire. — C’est le psaume de la Communion. Il est d’une grande beauté et la liturgie l’utilise souvent.

Au Seigneur appartient la terre et tout ce qui la remplit, le monde et tous ceux qui l’habitent.

C’est lui qui l’a fondée sur l’eau, qui l’a affermie sur les fleuves.

 

Qui gravira la montagne du Seigneur, qui se tiendra dans son lieu saint ?

Celui qui a les mains innocentes et le cœur pur, qui ne livre pas son âme au mensonge, qui ne jure pas pour tromper son prochain.

Celui-là sera béni par le Seigneur, son salut est le Seigneur, il se tient auprès de lui dans la grâce.

Telle est la race de ceux qui cherchent le Seigneur, qui cherchent la face du Dieu de Jacob.

 

Portes, élevez vos linteaux, portes éternelles, élevez-vous et le Roi de gloire fera son entrée.

Qui est ce Roi de gloire ?

C’est le Seigneur fort et puissant, c’est le Seigneur puissant dans les combats.

Portes, élevez vos linteaux, portes éternelles élevez-vous et le Roi de gloire fera son entrée.

 

Quel est donc ce Roi de gloire ?

Le Seigneur des armées,

Voilà le Roi de gloire.

Ce psaume est un chant dramatique que David composa pour le transfert de l’arche d’alliance sur le mont Sion. L’entrée du Dieu d’alliance dans son sanctuaire fut un événement d’une grande importance, la matière d’une sublime poésie. Le chant nous transporte sur deux théâtres. Le premier est la procession solennelle. Le psalmiste se pose deux questions : Quel est celui qui s’avance ? Dieu, le Tout-Puissant. b) Que me faut-il pour assister à cette procession ? Des mains innocentes et un cœur pur. Le chant est très dramatique. Il s’engage un dialogue entre les gardiens des portes et ceux qui accompagnent l’arche d’alliance. C’est ce dialogue qui nous manifeste la grandeur de Dieu. On ouvre les portes de la forteresse en les remontant ; il faut que ces portes s’élèvent, elles sont trop petites pour l’hôte divin. — Faisons-en maintenant l’application à nous-mêmes. Ce qu’était l’arche d’alliance dans l’Ancien Testament, le Christ l’est pour nous. C’est lui qui entre dans la forteresse de l’Église, dans la forteresse du cœur, dans la forteresse du ciel. Tant que nous sommes sur la terre, nous suivons la procession divine et nous pouvons nous poser les deux mêmes questions que David.

MARDI DE LA SEMAINE DE LA PASSION

STATION A SAINT-CYRIAQUE

Le divin Daniel dans la fosse aux lions.

Les messes du mardi ont un caractère spécial et typique. La leçon nous indique d’ordinaire une action ; l’Évangile est doctrinal et nous offre simplement l’explication de cette action et ses rapports avec le Christ. On s’occupe moins des catéchumènes que des fidèles. D’ordinaire, les saints de station sont des héros de la charité et de la miséricorde (diacres ou diaconesses). Ce sont eux qui sont représentés dans la leçon. C’est le cas pour la messe d’aujourd’hui ; seulement, le thème de la Passion est fortement accentué.

Les antiennes directrices : “( Mon temps n’est pas encore arrivé ; votre temps est toujours prêt ” (Ant. Bened.). “ Quant. à vous, montez à cette fête ; pour moi, je n’y monte pas, car mon temps n’est pas encore arrivé ” (Ant. Magn.). C’est l’époque qui précède immédiatement la Passion. L’Église attache de l’importance à cette pensée que nous approchons de plus en plus du temps de la mort du Christ.

1. L’église de station. — Saint Cyriaque. Le saint de station fut diacre et martyr (vers 300) : “ Après une longue et douloureuse captivité, il fut couvert de poix fondue et étendue sur le chevalet ; là, on lui désarticula les membres et on le frappa de verges sur tout le corps. Il fut enfin, sur l’ordre de Maximien, décapité avec vingt compagnons. Sa fête est célébrée le 8 août. ” Le saint soulagea dans leurs besoins temporels les prisonniers chrétiens et leur fournit de la nourriture et de la boisson. Il fut envoyé vers le roi de Perse, à Babylone, pour guérir sa fille. Ce sont peut-être ces circonstances qui ont fait choisir la leçon d’Habacuc et de Daniel. L’église primitive de station est depuis longtemps disparue et a déjà changé deux fois de place. Le pape Sixte-Quint transféra, en 1588, la cérémonie de la station dans l’église de Sainte Marie in Via Lata, une antique diaconie, dans laquelle on vénère maintenant le chef de Saint Cyriaque (Ce déplacement de l’église de station avec le maintien de l’ancien titre nous autorise à célébrer, nous aussi, l’office de station dans notre église paroissiale).

2. La messe (Expecta). — L’Introït est une exhortation maternelle de l’Église qui nous invite à “persévérer” à “ attendre ”, pendant les quelques jours qui nous séparent de Pâques. De loin brille déjà la lumière de Pâques. Notre réponse est celle-ci : “ Je ne demande qu’une chose, c’est de pouvoir demeurer dans la maison de Dieu.” La leçon, en nous présentant Daniel dans la fosse aux lions, nous montre la figure du Christ souffrant ; peut-être pouvons-nous penser à son agonie au jardin des Oliviers, pendant laquelle un ange (Habacuc) le console ; peut-être les fidèles peuvent-ils penser à l’Eucharistie, qui nous réconforte pendant que nous sommes dans la fosse aux lions du Carême. En tout cas, de même que Daniel finit par triompher de ses ennemis, le Christ remporte la victoire dans sa Résurrection. L’image de Daniel dans la fosse aux lions était une image de prédilection dans les cimetières de l’ancienne Église. Daniel est représenté debout, entouré de deux lions. Il figurait le Christ dans sa Passion, mais aussi l’Église au milieu des persécutions. Au Graduel, le Christ implore la lumière de Pâques et nous l’implorons avec lui sur la montagne de Pâques. A l’Évangile, nous sommes, de nouveau, témoins des douleurs morales du Christ. Les Juifs veulent le faire mourir ; ses propres frères (ses cousins) ne le comprennent pas. C’est en cachette qu’il se rend à Jérusalem, qui sera pour lui une fosse aux lions. Aujourd’hui encore, sur l’autel, “ il ne se rend pas au jour de fête ouvertement, mais comme en cachette ”. L’Offertoire est comme une réponse de la pauvre âme qui veut maintenant profiter de la Passion du Seigneur qui “ est assis sur son trône ”. A la Communion, nous entendons encore le Christ souffrant. Remarquons l’oraison sur le peuple : “ Donne-nous, Seigneur, de suivre avec persévérance ta volonté, afin que, dans nos jours, le peuple qui te sert croisse en mérite et en nombre (l’Église croît intérieurement et extérieurement). Le psaume de la Communion est un psaume connu de l’Avent, le psaume 24 (C. t. 1er p. 63).

3. L’aumône et la Passion. — L’Église nous propose aujourd’hui deux pensées : l’aumône et la Passion du Christ. a) Il est remarquable que toutes les messes du mardi, pendant le Carême, traitent de l’aumône et se célèbrent dans des églises de station dédiées à des saints (d’ordinaire des vierges) qui ont consacré leur vie aux œuvres de charité. C’est encore le cas aujourd’hui. Le saint de station est un diacre, c’est-à-dire un ministre sacré préposé par l’Église au soin des pauvres. Il a souvent visité les prisonniers chrétiens dans les cachots, dans les fosses aux lions — car c’est ainsi qu’on appelait les prisons. Il leur a procuré la nourriture spirituelle et temporelle. La liturgie de ce jour lui a élevé, dans la personne d’Habacuc (leçon), un monument voilé, mais durable. — Nous aussi, nous devons, en ce moment surtout, agir comme Habacuc ou Cyriaque, en portant secours aux âmes opprimées. Combien de chrétiens, soit du fait de leur entourage, soit par suite de la maladie ou de leur détresse spirituelle, vivent dans une fosse aux lions ! C’est une véritable aumône de consoler ces frères, de leur rendre courage et confiance. Agissons comme Habacuc.

b) La seconde pensée est celle du Christ souffrant. La liturgie ne médite pas la Passion comme nous sommes habitués de le faire. Nous considérons volontiers les souffrances extérieures, la flagellation, le crucifiement ; la liturgie nous fait pénétrer dans l’âme douloureuse du Seigneur ; les répons sont des lamentations du Christ et les Evangiles, une phase de l’histoire de sa Passion. intérieure. De quoi se plaint-il aujourd’hui ? De ses ennemis qui ont fait de Jérusalem une fosse aux lions pour lui, et de ses frères qui ne le comprennent pas ; cela s’applique aussi au Christ mystique, l’Eglise — et nous, ses frères, souvent “ nous ne croyons pas en lui ”. Le but de ce temps de renouvellement, c’est que nous comprenions mieux le Seigneur.

Un mot encore : Nous pouvons unir l’aumône et la Passion du Christ. La Passion du Christ ne se continue-t-elle pas dans les membres de son corps mystique ? Les pauvres, les malades, les affligés sont des membres souffrants du Christ. Le Christ accepte volontiers l’aumône spirituelle et temporelle, c’est une consolation dans sa Passion.

MERCREDI DE LA SEMAINE DE LA PASSION

STATION A SAINT-MARCEL

Le Bon Pasteur donne la vie, il exige l’obéissance.

Le Bon Pasteur demande à ses brebis de le suivre (accomplissement des commandements) ; en retour, il leur donne la “ vie éternelle ” et sacrifie pour elles sa propre vie.

Voici les antiennes directrices du jour : “ Mes brebis entendent ma voix et moi, le Seigneur, je tes connais” (Ant. Bened.). “ Je vous ai fait beaucoup de bien ; pour laquelle de mes œuvres voulez-vous me faire mourir ? ” Le matin, dans le soleil levant, nous voyons le Bon Pasteur, dont nous voulons écouter la voix ; le crépuscule nous fait pressentir sa mort. Ainsi cette antique messe nous présente une belle alliance du thème du Baptême et du thème de la Passion dans l’image du Bon Pasteur.

1. La messe (Liberator meus). — La communauté chrétienne se rend aujourd’hui, avec les catéchumènes, dans l’église du pape Saint Marcel, dont nous avons célébré la fête le 16 Janvier. L’église est une antique église titulaire du Ive siècle ; actuellement, elle est entièrement transformée. Sous le maître-autel se trouve une urne de basalte vert, qui contient les reliques du saint de station (elles furent transférées là au IXe siècle). Aujourd’hui est encore un grand jour d’examen au sujet des commandements que nous avons reçus il y a quinze jours (faisons nous-mêmes un examen personnel). C’est pourquoi la leçon nous donne un extrait de l’explication biblique des commandements. L’Introït est une prière du Christ, une prière de Passion, mais aussi une prière de Résurrection. Dieu est celui qui “ le délivre de la fureur des Gentils ” (songeons au couronnement d’épines), qui le sauve de “ l’homme méchant ” (Judas) ; la Passion est décrite d’une façon saisissante dans l’image de l’orage (Psaume 17, dans son extension). Pourtant, au milieu des souffrances du Christ, le Père est son amour, son rocher et sa citadelle. Nous ne savons pas si le Graduel est une prière du Christ ou une prière des catéchumènes. Dans l’un ou l’autre cas, c’est une action de grâces pour la Résurrection à Pâques (thème pascal). A l’Évangile, nous voyons une autre scène de la Passion ; les Juifs entourent le Seigneur, à la fête de la Dédicace. Ils ne sont pas ses brebis qui entendent sa voix et croient en lui, comme les catéchumènes et les fidèles, auxquels il donne, dans l’Eucharistie, la “ vie éternelle ”. Ces loups peuvent bien déchirer le Pasteur, il ne leur est pas permis de dérober les brebis. Les Juifs, une fois encore, veulent le lapider. A l’Offrande, nous apportons le souvenir de la Passion du Christ et nous prêtons notre voix aux lamentations du Seigneur. A la Communion, nous allons en procession, comme des agneaux innocents rangés autour du Bon Pasteur (Ps. 25). Comparons encore les deux lectures. Les sévères avertissements que nous donne la leçon deviennent, dans l’Évangile, la charmante image du Bon Pasteur. Les relations avec Dieu ne sont plus les mêmes dans le Nouveau Testament : dans l’Ancien, règne la crainte ; dans le Nouveau, l’amour et la confiance.

2. L’image du Bon Pasteur. — L’Église nous met devant les yeux l’image liturgique du Bon Pasteur et nous dit, de lui, trois choses : “ Mes brebis entendent ma voix... je leur donne la vie éternelle et personne ne les arrachera de mes mains. ” Tel est le contenu de la messe d’aujourd’hui. a) Les jeunes brebis (les catéchumènes) ont reçu, voilà quinze jours, les commandements ; depuis, elles suivent le Bon Pasteur. Elles doivent, aujourd’hui, subir un examen sur les commandements de Dieu. C’est et ce sera toujours la condition préalable pour appartenir au troupeau du Christ ; c’est vrai aussi pour nous, les fidèles. Nous savons que, pour les chrétiens, les commandements ne sont pas un joug pénible ; ils sont le bâton de berger qui nous guide et nous écarte des mauvais chemins. Il nous est plus facile de “ suivre ” quand nous savons que le Bon Pasteur marche devant nous dans tous les sentiers rudes et escarpés et que nous n’avons qu’à mettre nos pieds dans l’empreinte de ses pas. Il a toujours fait la volonté de celui qui l’a envoyé et c’est pourquoi il est facile de le suivre. Et quel est le contenu principal de tous ses commandements ? C’est l’amour — l’amour de Dieu et du prochain. “ Je t’aimerai, toi qui est ma force.” Faisons aujourd’hui un scrutin (un examen de conscience) au sujet de son “ commandement. ”

b) Le Bon Pasteur ne se contente pas d’exiger ; lui aussi donne quelque chose : “ la vie éternelle ”. C’est là le grand don pascal. Le Christ est venu sur la terre, il est mort, il est ressuscité pour nous acquérir la vie éternelle. C’est aussi la vie éternelle que les catéchumènes attendent, que les fidèles renouvellent et développent ; dans le Baptême, on reçoit cette vie éternelle ; dans l’Eucharistie, on la nourrit et on la perfectionne. Les catéchumènes et les fidèles entendent donc le message du Christ dans l’Évangile : “ Je leur donne la vie éternelle.”

c) Une troisième chose : Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis. Aujourd’hui encore, les Juifs hostiles l’entourent et lèvent la main pour le lapider ; mais lui, il déclare sa divinité. Sa Passion et sa Croix étaient le prix avec lequel il devait acquérir pour nous la vie éternelle : “ personne ne peut les arracher de mes mains ”. — Ces trois pensées se réalisent dans chaque messe ; dans le Saint Sacrifice, le Bon Pasteur rend actuel le don de lui-même pour ses brebis ; dans l’avant-messe, “ ses brebis écoutent sa voix ” ; dans la communion, “ il leur donne la vie éternelle ”.

JEUDI DE LA SEMAINE DE LA PASSION

STATION A SAINT-APOLLINAIRE

Notre âme, la pénitente, lave les pieds du Seigneur.

C’est aujourd’hui le dernier jeudi avant le Jeudi-Saint, avant le jour du lavement des pieds, de l’institution de la Sainte Eucharistie, de l’agonie du Seigneur. Dans huit jours aujourd’hui, les pénitents, fondant en larmes, s’agenouilleront à la porte de l’église ; ils laveront en quelque sorte les pieds du Christ avec leurs larmes. Alors, leur “ captivité de Babylone ” sera terminée. La messe d’aujourd’hui est une anticipation de la réconciliation des pénitents : c’est nettement une messe de pénitents.

C’est pourquoi les antiennes directrices du jour ne sont pas tirées de l’Évangile du jour, mais empruntées au Jeudi-Saint : “ Le Maître dit : mon temps est proche, je fais la Pâque chez toi avec mes disciples ” (Ant. Bened.). “ J’ai désiré, d’un ardent désir, de manger cet agneau pascal avec vous avant que de souffrir ” (Ant. Magn.). Le matin, comme le soir, la pensée directrice est celle de la Cène.

1. La messe (Omnia quae). — Nous nous rendons dans l’église de station de saint Apollinaire. Le célèbre évêque de Ravenne, le disciple de saint Pierre, que l’Église fête le 23 juillet, était aussi très honoré à Rome. On lui dédia une basilique qui devint église de station. — La messe présente une unité parfaite d’impression et de contenu. Les sentiments de pénitence de Madeleine et de Daniel en exil sont les mêmes ; c’est le même abandon à Dieu, le même désir d’expier. Ce sont ces sentiments que nous devons nous approprier en tant que pénitents. La leçon et trois chants psalmodiques nous conduisent en exil. L’Église aime, en effet, comparer le Carême avec la captivité des Juifs à Babylone. La leçon est une émouvante prière de Daniel, pour demander le pardon de son peuple : “ Ne détruis pas, ô Dieu, l’alliance que nous avons brisée par nos péchés, nous sommes abattus par le péché, mais, dans notre esprit d’humilité et avec notre cœur contrit, reçois-nous. Que notre sacrifice d’expiation te plaise ! Maintenant nous voulons te servir ”. Puissent ces paroles être pour nous la vérité ! Nous trouvons dans l’Introït des pensées de pénitence semblables : “ Ton jugement sur nous est juste, nous avons péché — mais maintenant agis selon ta miséricorde ”. Il y a, dans le psaume 118, une ardente aspiration vers l’innocence : “ Bienheureux ceux qui marchent dans l’innocence... ” Dans leur patrie, les Juifs avaient foulé la Loi aux pieds ; maintenant, dans l’exil, ils ont appris à l’aimer. C’est désormais le seul lien qui les rattache à Dieu, car “ il n’y a plus de temple, de sacrifices...” (les pénitents, eux non plus, n’ont pas le droit de participer au Saint-Sacrifice, eux non plus ne peuvent plus honorer Dieu que par la pénitence et l’obéissance). A l’Offertoire, la communauté pénitente chante la touchante élégie de l’exil et de la nostalgie : “ Sur les fleuves de Babylone, nous nous sommes assis et nous avons pleuré en nous rappelant Sion... ” Les fidèles chantent ce cantique nostalgique au nom des pénitents qui viennent justement de quitter l’église. Nous soupirons, nous aussi, vers la grâce du pardon, vers Pâques. Tout ce que pouvait produire l’Ancien Testament était ceci : la reconnaissance des péchés, l’acceptation de la peine, le repentir profond. Le Nouveau Testament est bien plus consolant : il nous donne la grâce du pardon. L’Évangile nous raconte la conversion de la Madeleine (Saint Grégoire le Grand et les textes liturgiques identifient Marie-Madeleine et la pécheresse). “ Quand je pense à Marie-Madeleine, j’aimerais mieux pleurer que de parler. Il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne pas se sentir poussé à la pénitence par les larmes de la pécheresse” (Saint Grégoire). Le Sauveur se montre l’ami des pécheurs. Il accepte l’invitation du Pharisien, tolère son manque d’égard afin de pouvoir verser sur un cœur malade le baume du pardon, bien plus, pour dire au monde entier qu’il est prêt à pardonner à tous les pécheurs. Quelle parole consolante pour tous les pécheurs : “ Beaucoup de péchés lui ont été remis parce qu’elle a beaucoup aimé ! ” Madeleine sera admise, plus tard, la première, à saluer le Ressuscité. Elle symbolisera, dans tous les temps, l’amour de Jésus pour les pécheurs. Cette péricope n’est-elle pas une douce consolation pour les pénitents ? Elle leur dit que le péché n’empêchera pas l’ascension de leur âme ; ils pourront même, par un grand amour du Christ, dépasser les fidèles.

2. Le psaume 136. — Il y a peu de psaumes, dans le psautier, qui, dès la première lecture, fassent une aussi profonde impression que celui-là C’est une élégie émouvante.

Sur les fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions en nous souvenant de Sion.

Aux saules de ses vallées, nous avons suspendu nos harpes.

Ceux qui nous avaient emmenés nous ordonnaient de chanter des chants joyeux.

Nos oppresseurs nous demandaient :

Chantez-nous un cantique de Sion ”

Comment pourrions-nous chanter un cantique du Seigneur sur la terre étrangère ?

 

Si jamais je t’oublie, Jérusalem, que ma main se dessèche.

Que ma langue se colle à mon palais, si je cesse de penser à toi, si je ne place pas Jérusalem au premier rang de mes joies.

 

Souviens-toi, Seigneur, comment les enfants d’Édom,

Au jour de malheur de Jérusalem, criaient :

Détruisez-la, détruisez-la

Jusque dans ses fondements ”

Et toi, fille de Babylone, malheureuse,

Heureux celui qui te rendra le mal que tu nous as fait !

Béni celui qui saisira tes petits enfants et les brisera contre la pierre !

Ce psaume nous transporte aux pénibles jours de la captivité de Babylone. Loin de Jérusalem, du temple, des lieux de bénédiction et de joie, le peuple juif est assis, inconsolable, parmi les saules, près du grand fleuve de Babylone. On n’entend plus de chant ; les harpes se sont tues et les captifs ne peuvent plus que verser des larmes de regret et de deuil (1 a). Pourtant, le tableau devient encore plus émouvant. Soit par une dérision méchante, soit par sympathie réelle, leurs vainqueurs leur demandent de chanter leurs saints cantiques qui sont universellement célèbres (1 b). Mais les Juifs repoussent une telle prétention : “ Comment pourrions-nous chanter les chants du Seigneur sur la terre étrangère ? ” Ce serait les profaner, ce serait “ oublier Jérusalem ”. Ce serait une ingratitude envers notre chère Sion, nous ne pouvons pas. Alors le psalmiste lève sa main droite et jure solennellement de ne jamais prêter sa main à, un tel jeu, sa langue à un tel chant. Il va même jusqu’à prononcer contre lui-même une imprécation : il demande que sa main se dessèche et que sa langue se colle à son palais s’il vient à manquer à, son vœu (2). Chez l’homme naturel, non racheté, l’amour ardent s’unit à, la haine contre ceux qui s’opposent à cet amour. Aussi l’amour de Sion, à qui il jure un serment de fidélité, porte le psalmiste à prononcer de terribles malédictions contre les auteurs de son malheur et ceux qui se sont réjouis de ce malheur. Rien n’avait tant indigné les Juifs que l’attitude hostile de leurs antiques rivaux, les Édomites, au moment de la ruine de Jérusalem. Ils les entend encore exciter les destructeurs en leur criant, pleins de joie maligne : “ Détruisez-la, détruisez-la jusque dans ses fondements. ” La dernière malédiction du psalmiste est adressée à l’impitoyable Babylone qui a accablé le peuple juif de malheurs indicibles. Cette effroyable malédiction termine d’une manière énergique ce psaume d’une grande beauté psychologique.

Nous mettons aujourd’hui ce psaume dans la bouche des pénitents. Eux aussi, dans un deuil semblable, sont éloignés de la patrie et “assis sur les fleuves de Babylone” ; avec la même ardeur, ils implorent la réconciliation avec l’Église. Nous aussi, nous pouvons partager ce deuil et cette ardente imploration.

3. Les oraisons. — Assurément l’Évangile, d’une si fine psychologie, les passages qui traitent de la captivité de Babylone, les deux antiennes qui nous parlent de la Cène, fournissent une riche matière pour nourrir notre vie intérieure. Cependant, comme nous sommes trop enclins à négliger les courtes oraisons, faisons-en l’objet d’une méditation particulière. Quel aliment fournissent-elles à notre vie intérieure ?

La collecte. La dignité de la nature humaine a été blessée par l’intempérance ; c’est pourquoi nous demandons que cette dignité soit réparée par la tempérance (le jeûne). Quelle profonde pensée ! Comme le jeûne nous apparaît sous un nouveau jour ! L’intempérance d’Adam a introduit le péché ; il nous faut donc vivre avec tempérance pour surmonter le péché. La gourmandise d’Adam et d’Eve a profané la noblesse de la nature humaine, notre jeûne doit la rétablir. Le jeûne est donc un remède contre la blessure que le premier homme a faite à notre nature. Il s’agit du jeûne au sens large ; l’oraison emploie le mot parsimonia-modération, abstinence. Ce mot rappelle l’hymne : “ Utamur ergo parcius verbis cibis et potibus, jocis... ” (Soyons plus modérés, dans les paroles, la nourriture et la boisson, le sommeil et les plaisanteries). Ainsi donc, le Carême nous apparaît sous un nouvel aspect, comme un temps de cure et de réforme de la nature humaine blessée par le péché originel.

La secrète considère les oblats. le pain et le vin ; ce sont des productions naturelles destinées par Dieu à nous nourrir et à soutenir notre faiblesse corporelle — ce sont ces offrandes que Dieu réclame de préférence pour son Saint-Sacrifice ; elles doivent être, aussi, un secours pour la vie spirituelle sur la terre et un mystère pour l’éternité.

La postcommunion nous est connue ; le prêtre la récite chaque jour à l’ablution du calice ; elle est ici à sa place primitive. L’oraison distingue entre la communion de la bouche et la communion de l’âme. On peut recevoir la Sainte-Eucharistie seulement par la bouche, sans la prendre d’un cœur pur et la conserver de même. Les saintes espèces sont un don temporel, elles disparaissent vite, mais l’effet spirituel peut et doit être éternel.

L’oraison sur le peuple présente, elle aussi, de belles pensées. Nous devons être remplis d’horreur pour le péché, car Dieu, lui aussi, l’a en horreur. Ce qui déplaît au Père, le fils doit le rejeter. Bien plus, un bon enfant doit observer avec une véritable joie les ordres et les commandements de son père. Telle est la prière que l’Église fait pour nous.

VENDREDI DE LA SEMAINE DE LA PASSION

STATION A SAINT ETIENNE SUR LE MONT CAELIUS.

Jésus meurt pour rassembler les enfants de Dieu qui sont dispersés.

Il nous est difficile, aujourd’hui, de faire un choix entre la messe de Carême, plus antique et plus rude, et la messe de la fête, plus récente, mais plus tendre. La messe de Carême présente une belle alliance du thème du Baptême et de celui de la Passion ; la fête des Sept-Douleurs de Marie nous porte à la compassion avec les souffrances du Christ.

Voici les antiennes directrices du lever et du coucher du soleil :

Le jour de fête des Juifs approchait ; les princes des prêtres cherchaient une occasion pour faire mourir Jésus, mais ils craignaient le peuple ” (Ant. Bened.).

Les princes des prêtres tinrent conseil pour faire mourir Jésus, mais ils disaient : que ce ne soit pas le jour de fête, de peur qu’il n’y ait un soulèvement parmi le peuple” (Ant. Magn.).

Comme hier, ces antiennes ne sont pas extraites de l’Évangile du jour, mais sont empruntées au début de l’histoire de la Passion. La liturgie veut nous présenter les princes des prêtres comme les forces agissantes qui amenèrent la mort du Messie ; elle veut aussi nous montrer leur perplexité.

1. Messe du Carême (Miserere mihi). — Nous nous rendons aujourd’hui auprès du premier martyr, le diacre saint Étienne. C’est lui qui, le premier, a suivi le Seigneur dans ses souffrances, il peut être notre guide dans ce jour de Passion. L’église de station est une antique construction en forme de rotonde qui fut consacrée par le pape Simplicius (468-483). Le pape Théodore (643-649) fit placer dans l’abside un tableau en mosaïque. Cette mosaïque existe encore : c’est un lien qui nous unit aux chrétiens qui se rendaient jadis à l’office de station. Nous y voyons un symbole du crucifiement. Le buste du Christ se tient au-dessus d’une croix ornée de pierres précieuses (cette image rend merveilleusement le sens de la messe d’aujourd’hui). L’église de station appartient au collège germanique.

Nous entendons, en entrant dans l’église, une douloureuse lamentation du Christ. C’est peut-être la vue de la croix dans l’abside qui a déterminé le choix du psaume 30 (que le Christ récita sur la Croix). Dans la leçon également, nous entendons le Messie souffrant. C’est une plainte du Prophète Jérémie. Sa mission avait été d’être le prédicateur de pénitence de son peuple, mais il n’avait récolté que de l’ingratitude. Jérémie est la figure du Messie souffrant. Nous entendons le Christ se plaindre des enfants de Dieu qui l’abandonnent, qui, par leurs péchés, le crucifient de nouveau, qui “ délaissent les veines d’eau pure” pendant que les catéchumènes les recherchent dans le Baptême. Puissions-nous, comme le demande l’oraison, ne pas “ mériter les châtiments de l’enfer ”. A l’Évangile, nous voyons les princes des prêtres prendre la décision de faire mourir Jésus. La péricope est la continuation du passage, que nous avons entendu voilà huit jours, où il était question de la résurrection de Lazare. Ce miracle eut pour conséquence la séance mémorable du sanhédrin, dans laquelle le grand-prêtre prononça la parole prophétique concernant la mort du Seigneur pour le rachat des hommes. C’était le dernier représentant de Dieu dans l’Ancien Testament ; en lui, malgré son indignité, agissait l’Esprit de Dieu. La méchanceté, la haine, l’enfer même, servent finalement à Dieu pour l’exécution de ses plans. Saint Jean souligne avec émotion cette grande pensée que, seuls, des enfants de Dieu peuvent comprendre. Or le sang du Christ n’a pas seulement été versé pour les Juifs, mais les païens aussi (les catéchumènes) reçurent la bénédiction de ce sang divin. Ce fut justement notre saint de station qui défendit, contre l’étroitesse des Juifs, l’universalité de l’Église : il fut martyr de la catholicité.

Dans cette séance du sanhédrin fut décidée la mort du Seigneur ; il ne s’agissait plus que d’attendre le moment opportun pour s’emparer de lui. Mais, pour le Christ, l’heure de la mort n’était pas encore venue. C’est pourquoi il se retire dans une petite ville du désert, à Ephrem ; il y passe quelques jours, pour se préparer silencieusement à sa mort. Environ huit jours avant sa mort (à peu près aujourd’hui, dans la matinée), il s’éloigne de ce lieu et se rend à Jéricho. A la Communion, l’Église songe aux faux témoins qui se levèrent contre le Seigneur.

Remarquons qu’aujourd’hui les quatre chants psalmodiques sont des plaintes du Christ souffrant. Que veut dire cela ? Les chants psalmodiques sont la participation du peuple à l’action de la messe ; ils indiquent les sentiments et les pensées que nous devons entretenir pendant la journée. La messe, en effet, la plus haute action de la journée, doit avoir son écho. Pour entrer dans les détails, disons : l’Introït nous indique les sentiments et les pensées que nous devons avoir en nous rendant à l’église, dans notre marche du monde vers le sanctuaire — nous allons aujourd’hui à l’église avec le Sauveur souffrant. Le Graduel est le chant intermédiaire entre les lectures et, en même temps, l’écho de la leçon ; cet écho doit retentir pendant tout le jour. Nous devons entendre, pendant toute la journée d’aujourd’hui, les lamentations du Christ. L’antienne de l’Offrande nous accompagne dans l’action sainte ; elle nous aide à entrer dans le sacrifice ; il s’agit, aujourd’hui, d’entrer dans le sacrifice de la Passion du Christ. L’antienne de la Communion nous enseigne à considérer comme il faut le corps -du Seigneur et, en même temps, le mystère du jour. Aujourd’hui “ nous annonçons ”, en mangeant ce pain, la mort du Seigneur. Considérons encore que les quatre chants psalmodiques parlent à la première personne. C’est le Christ qui se plaint et qui souffre ; en prononçant nous-mêmes ces plaintes, nous nous faisons un avec lui, ou plutôt, en tant que membres de son corps mystique, nous nous plaignons avec lui. Le cardinal Schuster écrit : “ Quand l’Église veut exprimer les sentiments du Seigneur à l’approche de sa Passion, elle se sert du psautier. C’est, à vrai dire, le livre de prière de l’Église. Les évangiles nous donnent une image de la vie et des enseignements de Jésus, mais les cantiques de David nous font pénétrer dans la vie intime de Jésus, nous dévoilent ses prérogatives, ses combats, ses angoisses, l’amour sublime qui l’unissait au Père. Pendant toute sa vie, le Sauveur s’est servi des psaumes pour prier son Père ; sur la Croix, le psaume 21 le soutenait encore dans son agonie. Nous pouvons même appeler le livre des psaumes le livre dont s’est servi le Grand-Prêtre éternel pour formuler sa prière quand il offrit sa vie mortelle en sacrifice à son Père.”

2. Les Sept Douleurs de Marie. — Huit jours exactement avant le Vendredi-Saint, l’Église commémore les douleurs indicibles que souffrit la Sainte Vierge au pied de la Croix, et elle a institué pour cela une fête spéciale. Alors, s’accomplit la prophétie de Siméon : “ Ton âme sera transpercée d’un glaive.”

Dans toute cette fête, on entend les accents les plus tendres de la compassion pour le Christ : cette fête est toute pénétrée de la mystique de la Passion. On représente volontiers Marie sous la figure de l’Épouse qui a perdu son Époux. La Sainte Vierge elle-même est, à son tour, la figure de l’âme éprise du Christ, qui ressent une sainte compassion pour son divin Époux. La séquence de la messe “ Stabat Mater” est très célèbre ; c’est une des plus magnifiques poésies religieuses du Moyen-Age. Les textes de la fête s’écartent entièrement, en certains point, de la composition liturgique traditionnelle. Ainsi, dans l’Introït, nous ne trouvons pas de psaume ; les hymnes du bréviaire sont empruntées à la séquence.

La comparaison entre la liturgie un peu austère du temporel et l’office débordant de sentiments de la fête est très instructive pour nous, qui voulons pénétrer toujours plus profondément l’esprit de la liturgie antique. La messe de la Passion nous présente le Seigneur souffrant dans la prophétie (psaumes), dans la figure (Jérémie), dans l’histoire (Évangile : on décide sa mort). Elle le laisse parler lui-même ou raconte l’événement objectif. Elle ne laisse guère parler nos sentiments. Il n’en est plus de même dans la fête des Sept Douleurs ; le sentiment est au premier plan. Nous considérons la Passion du Seigneur à travers le cœur de la Mère de Dieu. Marie est notre guide et nous apprend à compatir avec le Christ. Là où s’arrête l’ancienne liturgie, commence la nouvelle. L’ancienne nous montre le Seigneur souffrant et laisse à notre cœur le soin de compatir ; la nouvelle veut aussi exciter nos sentiments et toucher notre cœur. Les deux se complètent.

SAMEDI DE LA SEMAINE DE LA PASSION

STATION A SAINT-JEAN DEVANT LA PORTE LATINE

Quand j’aurai été élevé, j’attirerai tout à moi.

La messe d’aujourd’hui a le caractère d’une Vigile du dimanche des Rameaux. Dans l’antiquité, ce jour était dépourvu de liturgie, comme tous les jours qui étaient suivis d’un office nocturne de vigile. C’est pourquoi nous n’avons pas aujourd’hui de chants propres. Les lectures parcourent, par avance, le dimanche des Rameaux, le Vendredi Saint, le Samedi Saint et Pâques.

Les antiennes directrices : “ Glorifie-moi, Père, auprès de toi, de la gloire que j’ai eue avant que le monde fût. ” (Ant. Bened.). “ Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais, moi, je te connais parce que tu m’as envoyé. ” (Ant. Magn.). Voilà encore deux antiennes qui ne sont pas empruntées à l’Évangile du jour, mais à la prière sacerdotale du Christ ; c’est comme un offertoire pour sa Passion.

1. La messe (Miserere mihi) : Aujourd’hui, le Pape fait son aumône de Carême. — Ce n’est qu’à partir du IXe siècle qu’apparaît l’église de station : Saint-Jean devant la Porte latine ; cette église est dédiée à l’Apôtre saint Jean. C’est là que la légende place le lieu où l’Apôtre, sur l’ordre de Domitien, fut jeté dans une chaudière d’huile bouillante d’où il sortit sain et sauf. — Les lectures et les chants de la messe décrivent de nouveau la Passion du Seigneur. La leçon est une lamentation du Prophète Jérémie, qui est la figure du Christ souffrant : “ Souviens-toi que je me suis tenu (et me tiens toujours) devant ta face afin de dire du bien (intercéder) pour eux (nous tous) et détourner d’eux ta colère. ” Le Christ est, pour tous les temps, médiateur et intercesseur ; son sacrifice implore continuellement miséricorde. Mais la malédiction qui suit à été changée par le Christ en cette prière : “ Pardonne-leur ; ils ne savent pas ce qu’ils font. ” L’Évangile nous présente encore un trait de l’histoire de la Passion intérieure. Nous sommes dans les derniers jours qui précèdent la mort du Christ, les princes des prêtres sont tellement aveuglés par leur haine qu’ils veulent faire mourir Lazare, le témoin du grand miracle. Jean décrit ensuite le dimanche des Rameaux et les acclamations du peuple qui va au devant de Jésus avec des palmes. Pendant que le Seigneur enseigne dans te temple, des païens viennent le trouver. Quel contraste ! Les Juifs veulent faire mourir leur Messie, les païens le recherchent. La prière des païens fait naître dans l’âme du Christ des pensées joyeuses et des pensées tristes. Il voit se lever l’aurore du jour de moisson et cette aurore brille au milieu de la nuit de la passion. Des pensées du mont des Oliviers et des pensées du Thabor traversent son Cœur. Il songe à sa mort douloureuse et son âme frissonne ; mais il voit aussi la gloire de Dieu et la rédemption des hommes qui seront les fruits de sa mort, et son âme se rassérène. Il désigne ces fruits par deux images. C’est d’abord la belle image du grain de froment. Il faut que le divin grain de froment meure, soit enfoncé dans le sol ; dans huit jours, ce sera le grand jour de repos du divin grain de froment. Puis lèvera une pousse magnifique qui produira des fruits abondants : le jour de Pâques du Christ et de tous les chrétiens ressuscités. Ce sera la moisson. Voici la seconde image : “ Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tout à moi. ” C’est là une image qui dépasse les temps et nous montre les rachetés de tous les temps, groupés autour de la Croix ; nous aussi, nous avons été attirés par lui. Ainsi l’Évangile parle de toutes les grandes journées de la semaine qui va commencer : du dimanche des Rameaux, du Vendredi Saint (“ élevé ”), du Samedi-Saint (le grain de froment) et de la splendeur de Pâques.

2. Les derniers jours de Jésus. L’âme qui aime le Christ voudrait, pendant les jours qui vont venir, suivre, heure par heure, le Seigneur souffrant. Or dans l’esprit de la liturgie, nous participons toujours immédiatement aux événements. Ainsi donc, dans ces jours, nous suivons les pas du Seigneur. C’est hier (vendredi) que le Christ avec ses disciples a quitté Ephrem, petite ville du désert, pour se rendre à Jéricho. Sur le chemin, le long du Jourdain, nous entendons de sa bouche la troisième prophétie de la Passion. Salomé s’approche de lui avec ses deux fils, Jacques et Jean, et lui demande pour eux une place d’honneur dans le royaume futur du Messie. Le Seigneur répond en donnant aux deux Apôtres une belle leçon d’humilité. Nous assistons à cet entretien et nous écoutons les paroles de Jésus. Le Seigneur entre à Jéricho. Chacun de nous peut se dire : Je suis Zachée, le publicain, le petit homme qui monte sur un arbre pour voir le Sauveur. Le Christ lève les yeux vers moi et m’appelle. Aujourd’hui le salut est entré dans cette maison. Il demeure, la nuit passée et la nuit prochaine, chez moi, pauvre publicain. Le Sauveur passe à Jéricho toute la journée du sabbat. Le dimanche, il se rend, à la tête de la caravane de fête, à Jérusalem. Sur le bord du chemin est assis un mendiant aveugle. C’est encore moi ; je crie moi aussi : “ Jésus, fils de David, aie pitié de moi. ” Il me rend la vue, je suis “ illuminé ”. Le dimanche, nous marchons dans la caravane, à travers les gorges escarpées, de Jéricho à Jérusalem. Le soir, Jésus vient à Béthanie ; il est reçu avec joie par Marie et Marthe. Mon âme est-elle une active Marthe ou une Marie recueillie ? C’est peut-être le dimanche soir qu’eut lieu le célèbre repas auquel assistait Lazare et pendant lequel, alors que Marthe servait à table, Marie oignit le Seigneur de baume précieux, par anticipation pour sa sépulture. Alors, Judas se détache entièrement du Maître. Le lundi, le Seigneur se dirige vers le Mont des Oliviers où il pleure sur la ville de Jérusalem, puis il s’avance vers la ville, y fait son entrée solennelle comme Roi d’Israël et pénètre dans le temple. Nous prenons part à cette procession de fête et nous portons des palmes dans nos mains. Nous accompagnons le Seigneur dans le temple d’où il chasse les vendeurs. Le mardi, le Seigneur traverse de nouveau le Mont des Oliviers ; il maudit le figuier stérile, image du peuple juif, nous donnant à nous aussi un sérieux avertissement. Le mardi et le mercredi, nous assistons, dans le temple, aux discussions avec les Juifs. Le mercredi après-midi, le Seigneur prononce les huit “ malheur ” contre les Pharisiens et le judaïsme, puis il quitte le temple pour toujours ; il se rend ensuite sur le Mont des Oliviers avec ses disciples auxquels il adresse son saisissant discours sur la fin du monde et la destruction de Jérusalem ; nous entendons, nous aussi, ce discours et nous méditons l’avertissement qui le conclut : soyez vigilants ! Le mercredi, Judas quitte le cercle des disciples et va proposer aux princes des prêtres de trahir son Maître. Le jeudi matin, le Christ envoie Pierre et Jean faire les préparatifs de la Cène. Vers le soir, il prend congé de ses amis, de sa Mère, se rend à Jérusalem et entre au Cénacle. — Nous accompagnerons donc en esprit le Seigneur dans les étapes de sa Passion.

FÊTES DES SAINTS

Pour les fêtes qui précèdent le 6 février, se reporter au premier volume.

6 FÉVRIER

Saint Tite, évêque (double).

Sainte Dorothée, vierge et martyre.

Que nous vivions avec justice et piété dans ce monde !

1. Saint Tite. — Jour de mort (d’après le martyrologe) : 4 janvier, vers 100 ap. J.-C. Tombeau : dans sa ville épiscopale de Gortina, en Crète ; son chef est à Venise. Sa vie : Saint Tite est un des plus intimes disciples de saint Paul. Il était païen de naissance. Il accompagna son maître dans ses voyages apostoliques et reçut de lui d’importantes missions à remplir. Enfin, il accompagna saint Paul dans l’île de Crète où l’Apôtre le laissa comme évêque de l’île. Il s’acquitta de ses fonctions, selon le conseil de son maître, “ en se montrant lui-même un modèle de bonnes œuvres ”. D’après la tradition, il garda la virginité jusqu’à sa mort. Il serait mort à 94 ans, de mort naturelle. Saint Paul a élevé à son disciple un digne monument, dans la magnifique Épître pastorale qu’il lui a envoyée, l’Épître à Tite. Sa fête n’est célébrée que depuis 1854.

2. L’Epître à Tite. — Il serait tout à fait conforme à l’esprit de l’Église que, les jours où nous célébrons la fête d’un saint, nous lisions quelques pages de ce saint ou au sujet de ce saint et même, si possible, des écrits de son époque. Cela nous permet d’entrer dans l’esprit de ce saint et de vivre de cet esprit. Nous avons déjà donné quelques exemples, au cours des semaines passées, en parlant de la vie de saint Antoine par saint Athanase, des Actes authentiques du martyre de saint Polycarpe, deo ; lettres de saint Ignace. Aujourd’hui et les jours suivants, nous pourrons lire et méditer l’Épître à Tite. Cette lettre que Tite a reçue de son illustre maître, il a dû toujours la conserver et. en faire la règle de sa vie. Essayons, nous aussi, pendant quelques jours, de vivre dans l’esprit de la lettre à Tite. Sans doute, cette lettre est avant tout une lettre pastorale, et les pasteurs des âmes peuvent y voir le résumé de leurs devoirs, la magna charta de leurs fonctions. Mais les laïcs eux-mêmes trouveront, dans cette belle lettre, bien des paillettes d’or. L’Épître contient quelques passages sublimes sur le Christ (ces deux morceaux sont utilisés comme Épître aux messes de Noël (Tit. II, 11-15, III, 4-8). — Dans la bibliothèque liturgique de notre maison, doivent se trouver des livres de ce genre, ayant pour auteur les saints dont nous célébrons la fête, ou parlant d’eux.

3. La messe (Statuit) est du commun des confesseurs pontifes ; nous l’avons commentée voilà deux jours. Mais l’Évangile est propre et traite de la mission des 72 disciples. Nous y voyons Tite aux côtés de l’Apôtre des nations, dans ses voyages apostoliques. Dans l’Oraison du jour, nous pouvons admirer encore un détail significatif du travail de la liturgie. Une parole de l’Épître à Tite y est insérée : “ Que notre vie soit juste et pieuse dans ce monde ” (Tit. II, 12).

4. Sainte Dorothée (le “ Don de Dieu ”), vierge et martyre de Césarée de Cappadoce, souffrit pour la foi vers 311 ; ses reliques sont vénérées à Rome dans l’église du Transtévère qui porte son nom. (C’est aux portes de sainte Dorothée qu’on affichait le nom de ceux qui n’avaient pas fait leur communion pascale). Au nom de sainte Dorothée se rattache une légende charmante. Au moment ou Dorothée, à cause de sa foi au Christ, était menée à la mort, elle pria ainsi : “ Je te remercie, ô Ami des âmes, de ce que tu m’as appelée dans ton Paradis.” Un certain Théophile, employé du gouverneur, lui dit en se moquant : “ Adieu, Dorothée, envoie-moi, du jardin des délices de ton Époux, des pommes et des roses.” “ Je le ferai ”, répondit Dorothée. Ayant obtenu la permission, avant de recevoir le coup mortel, de faire une courte prière, elle vit soudain devant elle un jeune enfant d’une grande beauté, qui avait dans un petit linge trois pommes et trois roses. “ Je te conjure ”, lui dit-elle, “ de porter cela à Théophile.” Peu de temps après, elle fut décapitée par le glaive et s’envola vers le Christ. Comme, ensuite, Théophile racontait en riant, à ses amis, la promesse de Dorothée, il vit soudain devant lui un jeune enfant qui portait dans un petit linge trois pommes et trois roses magnifiques. “ Voici que la vierge Dorothée t’envoie ceci du Jardin de son Époux, comme elle l’a promis.” Étonné au plus haut point — on était en février et toute la campagne était glacée — Théophile prit les présents et s’écria : “ En vérité, le Christ est Dieu.” Il confessa ouvertement sa foi au Christ et mourut, lui aussi, martyr.

7 FEVRIER

Saint Romuald, Abbé (double)

La pénitence dans l’allégresse du cœur.

1. Saint Romuald. -Jour de mort : 19 juin 1027. Tombeau : dans le couvent de Saint-Blaise, à Fabriano. Image :on le représente avec l’habit blanc des Camaldules, avec une échelle céleste sur laquelle ses moines montent au ciel. Sa vie : Saint Romuald, le fondateur des Camaldules, hésita dans sa jeunesse entre Dieu et le monde. Mais son père ayant tué un parent en duel, et lui-même ayant été forcé d’assister à cet acte sanglant, il se retira, pour une pénitence de quarante jours, dans le monastère de Saint-Apollinaire, près de Ravenne, dans lequel il entra ensuite comme moine. Puis, il se mit à l’école du solitaire Marin. Il fonda ensuite un Ordre d’ermites qu’on appela les Camaldules, du nom de son célèbre ermitage. C’est un des Ordres d’hommes les plus célèbres de l’Occident (à proprement parler, c’est une branche de l’Ordre des Bénédictins). Les religieux vivent dans des petites maisons isolées, observant un silence et un jeûne continuels, s’occupant à la prière et au travail des mains. Romuald avait la grâce particulière de convertir les pécheurs, spécialement les puissants de ce monde. Il mourut vêtu de son cilice, sans s’être jamais couché sur un lit, après avoir passé sa vie dans la plus dure pénitence. Il était âgé d’un peu plus de soixante-dix ans. Son disciple, le saint docteur de l’Église Pierre Damien, écrivit sa biographie. “ La grandeur de sa vie consiste dans une conception et un développement austère et simple, bien que toujours original, de sa vocation religieuse. Romuald était, dans le plus intime de son être, un ascète, un moine. Certes, ce n’était pas un moine possédant cette sérénité calme et assurée, cette mesure et cet équilibre, dont saint Benoît a fait l’idéal du moine, idéal qu’il a lui-même réalisé dans sa vie. Ce n’était pas non plus un organisateur qui, par une législation sage, perpétue son esprit dans son œuvre. Son image nous rappelle les austères figures monastiques des déserts d’Orient. Il nous fait penser à ces hommes qui, par la plus dure mortification et la plus sévère pénitence, donnèrent, à un monde débauché, de sérieux exemples, pour l’amener à la réflexion et la conversion. L’exemple de sa vie fut la prédication la plus efficace. Et ce souvenir perpétue la vie de saint Romuald.”

2. De la vie de saint Romuald. — Romuald, qui n’était pas très habile dans la lecture, se trompait souvent. Aussitôt Marin, qui se tenait en face de lui, lui donnait un coup de baguette sur la joue gauche. A la fin, Romuald trouva que c’était trop : “ Ah ! cher maître ”, dit-il modestement, “ frappez-moi désormais sur la joue droite. Mon oreille gauche est presque sourde. ” Le maître fut surpris d’une telle patience et, désormais, il modéra ses corrections trop sévères.

Il avait coutume de dire : “ Mieux vaut réciter un psaume avec piété et componction que d’en réciter cent avec un esprit distrait.” Quand le saint sentit sa fin prochaine, et qu’après tant de pérégrinations, il fut sur le point d’entreprendre le voyage de la céleste patrie, il se retira dans le monastère de Val di Castro. Là, il se fit bâtir une petite cellule et une petite chapelle pour attendre la mort dans le silence. Malgré les défaillances de son corps sénile, il ne se coucha pas et, autant que possible, il n’abandonna pas son jeûne austère. Un jour, la respiration devint plus difficile, ses forces l’abandonnèrent et il sentit une grande fatigue. Vers le coucher du soleil, il ordonna aux deux frères qui le veillaient de s’en aller, de fermer la cellule et de ne revenir que pour les Laudes du matin. Cependant, ils restèrent près de la porte et écoutèrent. Au bout d’un certain temps, ils n’entendirent plus de respiration. Ils entrèrent et firent de la lumière. Romuald était décédé, comme il l’avait prédit, vingt ans avant, aux frères, dans la solitude et le silence. Aujourd’hui est l’anniversaire de la translation de ses reliques .

3. La messe (Os justi) du commun des Abbés. — L’Abbé occupe une place intermédiaire entre les confesseurs pontifes et les confesseurs non pontifes : il est, dans sa famille religieuse, chef et père, mais il ne possède pas la plénitude du sacerdoce comme l’Évêque. Cela est exprimé dans la messe. Nous le voyons comme l’administrateur fidèle qui est placé à la tête de sa “ famille ” religieuse pour lui distribuer, en temps voulu, la juste mesure de froment (Comm. ; le même verset se trouve au Commun des Pontifes et des docteurs) ; le religieux a suivi le conseil du Seigneur de la manière la plus fidèle, il a “ tout quitté ”, “ sa maison, ses frères, son père, sa mère et ses champs ” pour l’amour du Seigneur ; c’est pourquoi il aura, plus que d’autres, part à la gloire du retour du Seigneur (Év.). Aujourd’hui, au jour de sa mort, il est entré dans la gloire, “ le désir de son cœur ” a été comblé, il est couronné de la “ couronne de pierres précieuses ” (Grad. Off.). Nous aussi, nous pouvons, à la messe, participer à cette gloire. Dans la leçon, il est question de son élévation à la dignité d’Abbé et du mystérieux dialogue de Dieu avec lui. Rempli de l’esprit de la plus austère pénitence, Romuald fonda un nouvel Ordre d’ermites. Mais il laissa à ses disciples, avec la charge d’expier pour les autres, la joie du cœur et la liturgie commune. Le visage de ce saint austère était si joyeux que tous ceux qui le voyaient se réjouissaient. Dans la liturgie, nous pouvons unir l’esprit de pénitence et la joie.

8 FÉVRIER

Saint Jean de Matha, confesseur (double)

La délivrance de la captivité du corps et de l’âme.

1. Saint Jean de Matha. — Jour de mort : 17 décembre 1213. Tombeau : à Madrid. Image : On le représente avec un esclave enchaîné. Sa vie : Saint Jean est le fondateur de l’Ordre des Trinitaires ou Ordre de la Sainte Trinité, pour le rachat des captifs, Ordre qui se donna pour tâche l’œuvre héroïque et alors très opportune du rachat des chrétiens captifs. Comme saint Jean célébrait sa première messe, il eut une apparition céleste. Il vit un ange qui portait un vêtement d’une blancheur éclatante, avec une croix rouge et bleue sur la poitrine, et qui étendait ses deux bras sur deux captifs enchaînés, un chrétien et un Maure. Transporté en extase par cette apparition, l’homme de Dieu reconnut aussitôt qu’il était appelé par la Providence à l’œuvre du rachat des captifs. Il travailla à cette grande œuvre en union avec saint Félix de Valois ; il se rendit plusieurs fois dans l’Afrique du Nord et sur les côtes d’Espagne et se dévoua sans repos au rachat des captifs. — C’était là de l’héroïsme de la charité. Aidons, nous aussi, notre prochain à se délivrer de la captivité du péché.

2. La messe. — La messe est du commun des confesseurs (Os justi), la belle messe du serviteur vigilant (voir le commentaire, au 23 janvier, t. 1er p.474). L’Oraison propre comporte une application particulière pour notre vie : puissions-nous être délivrés de la captivité du corps et de l’âme !

9 FEVRIER

Saint Cyrille d’Alexandrie, évêque et docteur de l’Église (double)

Sainte Appoline, vierge et martyre

Un défenseur de la maternité divine de Marie.

1. Saint Cyrille. — Jour de mort : 27 juin 444. Tombeau : inconnu. Image : On le représente en évêque, avec un livre dans la main et une colombe sur l’épaule. Sa vie : Saint Cyrille est un des plus grands docteurs de l’Eglise grecque, il fut l’instrument choisi de la Providence et le premier défenseur de l’Eglise contre l’erreur de Nestorius, qui niait l’unité de Personne du Christ et, par voie de conséquence, refusait à la Sainte Vierge le titre de Mère de Dieu. Dans le combat contre l’hérésie, il n’a d’égal, dans toute l’histoire de l’Eglise, qu’Athanase et Augustin. Son plus grand mérite fut l’heureuse conduite du concile général d’Ephèse dont il fut l’âme (il était le représentant du Pape). A ce concile, on prit des décisions dogmatiques de la plus haute importance. On proclama, entre autres, le dogme qui déclare que Marie peut être appelée, au vrai sens du mot, Mère de Dieu (Theotokos). Son plus beau titre de gloire est d’avoir défendu ce dogme. Aussi l’Oraison du jour relève ce fait à son honneur. Ses écrits témoignent d’une telle profondeur et d’une telle clarté d’esprit que les Grecs l’appellent “ le sceau des Pères ”. Il mourut en 444, après avoir été évêque pendant trente-deux ans. -Il y a à Rome un monument vénérable de l’hommage rendu à Marie au Concile d’Ephèse : la basilique de Sainte-Marie-Majeure. Sur l’arc triomphal de l’église, les principaux événements de la vie de Jésus et de Marie sont représentés en mosaïque.

2. La messe. — C’est la messe des docteurs (In medio), cf. le 14 janvier ; p. 203. Certaines parties de cette messe conviennent tout particulièrement à notre saint, par exemple : l’Epître : “ Prêche la parole, insiste, à temps et à contre temps,... il viendra un temps où ils ne supporteront plus la saine doctrine.” Saint Cyrille connut ce temps. Il eut à soutenir de durs combats contre les hérétiques. Mais, par contre, comme sa lumière brille et se voit de loin sur le chandelier de l’Église (Év.) ! Les trois Oralisons sont propres ; la Collecte célèbre, dans saint Cyrille, le “ défenseur invincible de la maternité divine de Marie ” et demande que, sous la protection de la Mère de Dieu, nous soyons sauvés. La Secrète demande (toujours en faisant discrètement allusion aux combats de Cyrille pour la foi) que “ nous recevions dignement Jésus-Christ Notre Seigneur qui partage la gloire éternelle de Dieu ”. La Postcommunion demande que “ nous puissions servir dignement la Très Sainte Mère de Dieu ”. — L’introduction des fêtes des saints de l’Église grecque, sous Léon XIII, avait pour but d’exciter le zèle de la chrétienté pour l’union des Églises.

3. Sainte Apolline. — Le martyrologe relate : “ A Alexandrie, la mort de la sainte vierge Apolline. On lui avait, d’abord, sous l’empereur Dèce (249-251), brisé toutes les dents. Ensuite, les persécuteurs dressèrent un grand bûcher et y mirent le feu ; ils menacèrent alors la sainte de l’y brûler vive si elle ne voulait pas répéter une formule blasphématoire. Après quelques instants de réflexion, la sainte s’arracha soudain des mains des persécuteurs et se jeta dans les flammes ardentes. Le feu du Saint-Esprit qui la brûlait était plus ardent que les flammes du bûcher. Les cruels bourreaux furent eux-mêmes vivement impressionnés de voir une faible femme aller, avec une telle décision, volontairement à la mort, avant qu’ils aient pu exécuter leur menace.” La sainte était déjà âgée. Le récit de son martyre a pour auteur l’évêque Denys d’Alexandrie qui vivait à son époque (+265). On invoque sainte Apolline contre les maux de dents.

Apolline a commis, à proprement parler, un suicide. Son exemple était déjà allégué par les anciens pour prouver qu’il est permis d’échapper à la persécution ou au déshonneur par la mort volontaire. Cependant, les moralistes les plus notoires déclarèrent que, même dans ce cas, le suicide était illicite et essayèrent de justifier les actes héroïques de ce genre, accomplis par des saints, en supposant qu’ils avaient agi sous une inspiration divine, et ajoutèrent que, s’il n’y avait pas d’ordre de Dieu, on ne devait pas imiter ces exemples. Tous les actes des saints ne sont pas à imiter.

10 FÉVRIER

Sainte Scholastique, vierge (double)

Elle entra au ciel sous la forme d’une colombe.

1. Sainte Scholastique était la sœur chérie de saint Benoît, le Père des moines. Elle se consacra, comme son frère, au Seigneur, dès sa jeunesse. Nous n’avons que peu de détails sur la vie de cette sainte vierge. Le pape saint Grégoire le Grand nous a laissé, dans le deuxième livre de ses Dialogues, un récit charmant de la dernière entrevue du frère et de la sœur :

Scholastique avait coutume de visiter son frère, une fois par an. L’homme de Dieu descendait alors de sa montagne vers un endroit qui n’était pas très éloigné des portes du monastère. Un : jour, elle vint, comme d’ordinaire, et son frère descendit la trouver en compagnie de quelques disciples. Ils passèrent toute la journée en conversations saintes et ne prirent leur repas en commun qu’à la tombée de la nuit. Comme ils étaient encore à table, la vierge consacrée à Pieu dit : “ Je t’en prie, ne m’abandonne pas cette nuit, afin que nous puissions parler jusqu’au matin des joies de la vie éternelle.” Le saint Abbé lui répondit : “ Que dis-tu là. ? Je ne puis pas rester, la nuit, en dehors du monastère.” Le ciel était alors entièrement serein. Scholastique, ayant entendu la réponse négative de son frère, inclina sa tête sur la table, joignit les mains et adressa sa prière au Dieu Tout-Puissant. Quand elle releva la tête, il tomba une telle pluie battante, avec un tel déchaînement de tonnerre et d’éclairs, que Benoît et ses frères ne purent mettre le pied hors du seuil. La vierge avait versé un flot de larmes et imploré de Dieu ce changement de temps. Alors, quand l’homme de Dieu vit que la pluie, qui tombait à torrents, l’empêchait de retourner, il devint triste et se plaignit à sa sœur : “ Que le Dieu Tout-Puissant te pardonne, ma sœur ! pourquoi as-tu fait cela ? ” Scholastique répondit : “ Tu m’as refusé ce que je te demandais, alors j’ai prié le Seigneur et il m’a exaucée. Va-t’en maintenant si tu peux.” Benoît ne put pas faire un pas hors de la porte et dut rester malgré lui à cet endroit. Ils veillèrent toute la nuit et se réconfortèrent mutuellement dans de saints entretiens. Le lendemain, la vierge retourna dans son monastère et son frère, avec ses compagnons, prit le chemin du retour. Trois jours après, Benoît était dans sa cellule ; il leva les yeux au ciel et vit l’âme de sa sœur s’envoler au Paradis sous la forme d’une colombe (542). Ravi de sa gloire, il remercia Dieu dans des chants de louange et annonça à ses disciples le trépas de sa sœur. Il fit venir le cadavre au monastère et le fit déposer dans le tombeau qui était préparé pour lui-même. Il arriva ainsi que ce frère et cette sœur, qui n’avaient été qu’un cœur et qu’une âme en Dieu, trouvèrent aussi leur repos dans un seul tombeau. Leur tombeau est sur le Mont Cassin.

2. La messe. — La messe est du Commun des vierges (Dilexisti). — C’est celle des messes du commun qui présente le plus d’unité, c’est une vraie messe de fiançailles. L’Église est l’Épouse sans tache du Seigneur, et elle se présente sous l’aspect de la vierge sainte que nous fêtons ; celle-ci, de son côté, est notre modèle. Cette image de l’Épouse se retrouve dans toutes les parties de la messe. A Introït, nous chantons le cantique nuptial. Notre marche vers l’Église est un cortège nuptial ; Scholastique marche en avant et nous la suivons. Représentons-nous l’entrée solennelle de l’Évêque se dirigeant, en habits pontificaux, vers l’autel. Pendant ce temps, chantons tout le ps. 44, le cantique nuptial : le Christ est l’Époux royal ; l’Église — Scholastique — est la royale Épouse. Dans l’Épître, tous les fidèles sont considérés comme la fiancée du Christ. Le Christ est un fiancé jaloux, il ne veut partager avec personne la possession de sa fiancée, qui doit lui être présentée comme une vierge pure. — Le chant nuptial se continue à travers les autres parties de la messe. Quand le diacre, dans ses ornements de fête, se rend processionnellement avec le livre de l’Évangile (c’est-à-dire le Christ) vers l’ambon, nous avons, de nouveau, devant nos yeux, l’image du cortège nuptial. Puis, vient le chant de l’Évangile, avec la parabole significative des cinq vierges sages (les cinq vierges folles forment seulement une sombre antithèse). Ces vierges sages, qui accompagnent l’Époux, nous représentent (les acolytes avec leurs cierges, pendant le chant de l’Évangile, nous facilitent cette représentation). A l’Offrande, nous allons, comme les vierges sages, à la rencontre de l’Époux. L’autel est le Christ ; nos dons, nos lampes remplies d’huile, sont notre don total au divin Époux. Pendant l’offrande, on chante de nouveau le chant nuptial. Ce chant nous permet une nouvelle représentation. L’autel, avec son riche antipendium (d’or et de couleurs variées). nous rappelle la royale Épouse, l’Église, que nous entourons au moment de l’Offrande. Au Saint-Sacrifice (à la Consécration), l’Époux divin paraît, et, au moment de la Communion, nous allons de nouveau, comme les vierges sages, “ obviam Christo Domino — au-devant du Christ le Seigneur ”. “ Voici venir l’Époux” (Remarquons que les chants ne prennent tout leur sens qu’en union avec l’Action de la Messe). Nous chantons pour la quatrième fois le cantique nuptial. Rappelons-nous, toute la journée, que notre âme est l’Épouse du Christ et que les paroles de l’Épître retentissent à nos oreilles : “ je suis jaloux pour vous de la jalousie de Dieu.”

Sous l’aspect d’une colombe, l’âme innocente de sainte Scholastique s’envola vers le ciel ; puissions-nous, nous aussi, vivre dans l’innocence et parvenir aux joies éternelles !

11 FÉVRIER

L’Apparition de la Vierge Immaculée (double maj.)

La femme vêtue du soleil avec la lune à ses pieds.

Il faut que nous comprenions bien la fête d’aujourd’hui. La liturgie utilise souvent un fait historique pour représenter et développer une idée plus haute. C’est ainsi que nous devrons interpréter les fêtes de la Croix et d’autres messes votives. Au reste, depuis des siècles, on célèbre aussi l’apparition de saint Michel. Nous verrons donc, dans la fête d’aujourd’hui, une extension de la fête de l’Immaculée-Conception.

1. L’Apparition de la Sainte Vierge. — Les nombreux miracles, qui se sont produits, par l’intercession de Marie, sur la terre privilégiée de Lourdes, en France, ont déterminé l’Église à instituer une fête spéciale de “ l’Apparition de la Bienheureuse Vierge Marie Immaculée ”. Le bréviaire raconte les événements historiques, sur lesquels s’appuie cette fête. Quatre ans s’étaient écoulés depuis la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception de Marie (1854), quand la Sainte Vierge apparut plusieurs fois, dans une grotte, aux bords du Gave, auprès de Lourdes, à une pauvre et pieuse jeune fille, nommée Bernadette. L’Immaculée, qui avait un visage juvénile, était vêtue d’une robe blanche et d’un manteau blanc, avec une ceinture bleue, et elle avait une rose d’or sur ses pieds. Le premier jour des apparitions, c’était le 11 février 1858, la Sainte Vierge exhorta l’enfant à faire pieusement le signe de Croix et à réciter son chapelet. Elle-même prit dans ses mains le rosaire qui pendait à son bras ; elle fit de même aux apparitions suivantes. A la seconde apparition, Bernadette, dans sa simplicité enfantine, lui jeta de l’eau bénite, car elle craignait d’être victime d’une illusion du Malin Esprit, mais la Sainte Vierge, souriant doucement, montra un visage encore plus bienveillant. A la troisième apparition, Marie invita la jeune fille à venir pendant deux semaines à la grotte. A partir de ce moment, elle parla assez souvent à Bernadette. Plus tard, elle lui ordonna de demander au clergé de lui bâtir là une chapelle et d’organiser des processions. Elle reçut de même l’ordre de boire de l’eau à la source, qui était encore cachée sous le sable, mais ne devait pas tarder à jaillir, et de s’y laver. Enfin, le jour de la fête de l’Annonciation, la Vierge indiqua à la jeune fille son nom : “ Je suis l’Immaculée Conception.”) Plus se répandait le bruit des guérisons qui, au dire des croyants, se produisaient dans la sainte grotte, plus les chrétiens se rendaient en foule au lieu saint. Poussé par la renommée des événements merveilleux et par l’innocence de la jeune fille, l’évêque de Tarbes fit faire une enquête juridique. Il déclara ensuite, quatre ans après les apparitions, que celles-ci étaient surnaturelles et il autorisa le culte public de la Vierge Immaculée, dans la grotte. Bientôt, on éleva, au-dessus de la grotte, une chapelle et, depuis, les foules de pèlerins affluèrent à Lourdes tous les ans, soit pour accomplir un vœu, soit pour implorer une grâce.

2. La messe (Vidi civitatem). — La plupart des textes de la messe sont propres et se rapportent à l’apparition miraculeuse de Lourdes. L’Immaculée est la cité sainte qui descend comme une fiancée parée (Intr.). L’Oraison reprend, dans sa première partie, les termes de celle du 8 décembre. “ Un grand signe nous est apparu dans le ciel, la femme vêtue du soleil, avec, sur la tête, une couronne de douze étoiles” (Leç.). “ Lève-toi, ma bien aimée, ma toute belle, viens, ma colombe, dans le creux de la pierre, dans la grotte ” (Grad.). Ce verset s’applique ici à la grotte de l’apparition. L’“ Ave ” qui retentit sans cesse à Lourdes se fait entendre à l’Évangile et dans le chant de l’Offertoire. L’Eucharistie est la source jaillissante qui fertilise la terre de l’âme. La source miraculeuse de Lourdes en est le symbole (Comm.). Dans la post-communion, le pèlerinage de Lourdes est encore une image et un symbole ; nous demandons la protection pour notre pèlerinage vers la céleste patrie.

12 FÉVRIER

Les sept Saints Fondateurs de l’Ordre des Servites

Voyez comme c’est réjouissant quand des frères vivent pacifiquement ensemble !

1. Les Sept Saints Fondateurs. — Un spectacle rare parmi les hommes : sept hommes de famille distinguée quittent le monde et vivent ensemble dans la concorde fraternelle. Il semble que ces sept corps sont animés par une seule âme : la même vertu et la même piété les unit. Bien plus, ils sont restés unis après leur mort. Leurs ossements qui reposent dans le même tombeau sont tellement mêlés ensemble qu’il est impossible de les distinguer les uns des autres. — Ils sont les fondateurs de l’Ordre des Servites, qui s’est donné la mission particulière de cultiver l’esprit de pénitence et de s’adonner à la méditation de la Passion de Notre-Seigneur et des Sept Douleurs de Marie. Conformément à son esprit d’humilité, cet Ordre n’exerça pas d’action bruyante et sensationnelle, mais, dans le domaine des missions intérieures, il a fait de grandes choses ; parmi des millions d’hommes il a réveillé et ranimé le culte de Notre-Dame des Sept Douleurs.

Le bréviaire raconte : Dieu suscita, au milieu des rivalités de partis, sept hommes de la noblesse de Florence. En l’an 1223, ils priaient un jour, avec grande ferveur, dans une réunion. Alors apparut à chacun d’entre eux la Mère de Dieu, qui les exhorta à mener une vie plus parfaite. Ils firent part de cela à l’évêque de Florence. Sans tenir compte de leur noblesse ou de leur richesse, ils mirent, sous leurs habits pauvres et usés, une ceinture de pénitence et se retirèrent, le 8 septembre, dans une petite maison de campagne, pour inaugurer une vie plus sainte, le jour où la Mère de Dieu a commencé sa vie sainte. Peu de temps après, ces sept hommes allaient de porte en porte, dans les rues de Florence, pour demander l’aumône. Il arriva que, soudain, des voix d’enfants les acclamèrent : Serviteurs de Sainte Marie. Parmi ces enfants se trouvait saint Philippe Beniti qui venait d’entrer dans son cinquième mois. Ce nom, crié par les enfants, leur resta dans la suite pour toujours. Plus tard, ils se retirèrent dans la solitude, sur le Monte Senario, et s’y adonnèrent pleinement à la méditation et à la pénitence. Leur tombeau est sur le Monte Senario. — Léon XIII canonisa ces saints fondateurs et, en 1888, institua leur fête.

2. La messe (Justi). — Ce formulaire de messe, récent et propre, n’observe pas toujours les anciennes règles liturgiques [SCHUSTER : Liber Sacromentorum, T. VI, p. 209.], mais il trahit le goût classique de Léon XIII. Il reflète la vie des sept saints. A l’Introït, nous entendons l’éloge commun des “ justes” et on nous rappelle, en même temps, que ce sont les enfants de Florence qui leur ont donné leur nom. C’est pourquoi, aussi, nous récitons le ps. 8 dans lequel il est dit : “ De la bouche des enfants et des nourrissons tu t’es procuré la louange.” Dans l’Oraison, l’Église se réjouit d’avoir été, par les saints fondateurs, enrichie d’une nouvelle famille et elle indique en même temps le but principal de l’Ordre : la méditation des Sept Douleurs de la Sainte Vierge. La Leçon célèbre “ les hommes glorieux et nos pères qui ont accompli tant de grandes choses et nous ont laissé, à nous leurs descendants, un si magnifique exemple.” A l’Évangile, c’est le Seigneur lui-même qui leur promet la récompense, parce qu’ils ont “ tout quitté pour le suivre ”. “ La récompense du centuple et la vie éternelle ”, ils en jouissent maintenant. A l’Offertoire, nous voyons les saints sur le mont Senario où ils offrent un sacrifice agréable à Dieu. A la Communion, nous voyons mûrir les fruits dont la semence a été jetée dans les fatigues et dans les larmes. Ces fruits, nous pouvons les cueillir, nous aussi, dans la communion ; à la fin, nous demandons de nous tenir, comme les saints Fondateurs, “ avec Marie au pied de la Croix, pour recueillir le fruit de la Rédemption ”.

Le bréviaire dit : “ Un seul amour de véritable fraternité et de vie religieuse commune les avait unis, un seul tombeau les renferma quand ils furent morts, un seul culte populaire leur fut décerné. C’est pourquoi les papes Clément XI et Benoît XIII confirmèrent le culte qu’on leur avait rendu en commun au cours des siècles.”

14 FÉVRIER

Saint Valentin, martyr (simple)

La couronne du martyr.

1. Saint Valentin. — Jour de mort (d’après le martyrologe) ; 14 février 269. Tombeau : à Rome, dans sa basilique : image : On le représente en prêtre, avec un glaive (instrument de son supplice). Sa vie : Ce saint prêtre (par exception, le missel l’appelle prêtre) souffrit le martyre sous l’empereur Claude II. Le martyrologe relate : “ A Rome, sur la voie flaminienne, le jour de naissance céleste du saint prêtre et martyr Valentin qui, après de nombreuses guérisons miraculeuses et beaucoup de preuves de sa sagesse, fut battu de verges et décapité sous l’empereur Claude.” L’église de son tombeau s’élevait déjà au Ve siècle et était la première que les pèlerins de Rome visitaient à leur entrée dans la ville éternelle. (Il ne faut pas confondre ce saint avec l’évêque de Terni du même nom).

2. La messe (In virtute).-Dans la première messe d’un martyr non pontife règne la joie au sujet de sa passion glorieuse. Dès l’Introït, nous voyons (d’une certaine manière, dans la personne du célébrant qui fait son entrée) le saint (justus) dans sa gloire et son bonheur. Il se réjouit dans la force de Dieu, il tressaille de joie au sujet de son salut ; ses désirs sont comblés ; il apparaît comme vainqueur, avec la couronne (tout le psaume 20 convient très bien ici, il suffit de remplacer le mot : Roi par celui de saint). L’Oraison demande que le saint “ nous préserve des maux menaçants.”

Dans la Leçon, l’Église décrit la vie de notre saint, comment “ le Seigneur l’a conduit par des voies droites et lui a montré le royaume de Dieu ”, comment “ il l’a guidé à travers tous les combats ; il ne l’a pas abandonné dans le besoin, il est descendu avec lui dans la fosse du cachot, il a été auprès de lui dans ses chaînes et puis, il lui a donné “ le sceptre du royaume ” et “ la gloire éternelle.”) (Ce passage a trait originairement au patriarche Joseph : la Leçon devient plus plastique si nous nous représentons les souffrances de Joseph vendu par ses frères et la gloire qu’il eut ensuite). Le chant psalmodique qui suit est un véritable morceau choral où la communauté fait écho à la Leçon. Heureux l’homme qui craint Dieu, puissants sont ses descendants sur la terre. Nous sommes les descendants du saint, nous qui nous unissons à lui dans le Saint-Sacrifice. A l’Évangile, Notre-Seigneur nous parle de la nécessité de le suivre à la Croix. Ceci nous apprend à comprendre le sens du martyre et à en pénétrer notre vie. Le Christ nous dit ces austères paroles : “ Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive.” La vie chrétienne n’est pas une vie d’idylle, mais une vie de combat. Il faut d’abord livrer la guerre à la chair et au sang, il faut surtout “ prendre notre croix et suivre ” le Christ. Le Christ nous montre avec insistance le saint martyr qui a suivi ces prescriptions à la lettre. Nous-mêmes qui n’aurons sans doute pas à livrer d’aussi grands combats que notre saint martyr, nous pouvons cependant participer à l’honneur du “ témoignage ” rendu au Christ, en confessant le Christ dans les petites choses, quand ce ne serait qu’en donnant un verre d’eau en son nom à ses serviteurs. A l’Offertoire, nous voyons encore le martyr s’avancer vers l’autel, le front orné de la couronne de victoire. A la Communion, nous ne chantons pas, comme à l’ordinaire, un chant de gloire pour le saint et pour nous, mais nous répétons une parole sérieuse du Christ : “ Que celui qui veut me suivre prenne sur lui sa croix... ” Pourquoi ce chant au moment de la Communion ? Peut-être la pensée de l’Église est-elle celle-ci : Après le Saint-Sacrifice, commencera votre chemin de Croix et la source de votre force est dans ce banquet sacré.

15 FÉVRIER

Saint Faustin et Saint Jovite, martyrs (simple)

Amour fidèle du Christ.

1. Saint Faustin et saint Jovite. — Jour de mort : (d’après le martyrologe) 15 février, vers 120. Tombeau : à Brescia (Italie Supérieure). Leur vie : Les deux frères, Faustin et Jovite, étaient originaires de Brescia où ils prêchèrent la foi pendant la persécution de Trajan, avec un grand courage. Quand l’évêque Apollonius qui, dans ces temps troublés, s’était caché, l’apprit, il ordonna le premier, prêtre, et le second, diacre. Peu de temps après, ils furent jetés en prison et, sous l’empereur Hadrien, qui à ce moment se trouvait à Brescia, soumis à de nombreux tourments et finalement décapités (vers 120). Le bréviaire raconte qu’ils souffrirent également à Milan, à Rome et à Naples. Leurs reliques sont vénérées à Brescia.

2. La messe. — C’est la troisième du commun des martyrs (Salus autem). Nous pouvons caractériser cette messe à peu près ainsi : Le Christ apparaît au Saint-Sacrifice entouré de la “ blanche armée des martyrs ” et c’est la réalisation anticipée de son avènement au dernier jour (Ép. et Év.). L’Introït chante la vie des martyrs (l’image est plus claire si on lit le psaume en entier) : Les méchants étaient puissants et heureux, ils opprimèrent les bons, les torturèrent et les conduisirent à la mort, mais Dieu fut leur salut, il ne les abandonna pas dans le temps du besoin. A l’Epître, les martyrs nous adressent la parole. Ils nous parlent des “ jours anciens” où les premiers chrétiens, “ après leur illumination (le Baptême), avaient à soutenir de durs combats ”. Ils gémirent dans les prisons, ils supportèrent avec joie la perte de leurs biens..., maintenant, ils se tournent vers nous et nous demandent : “ voulez-vous être nos compagnons ? ” Il faut que, vous aussi, vous ayez de la patience ; ce n’est qu’ainsi que vous pouvez accomplir la volonté de Dieu. Car il n’y a plus guère longtemps à attendre ; le Seigneur “ viendra bientôt et il ne tardera pas” (maintenant, dans le Saint-Sacrifice, il anticipe sa venue). Le Graduel est un écho de l’Épître : les martyrs ont crié dans leur besoin et Dieu les a exaucés ; il agira de même avec nous, car “ Dieu est tout près de ceux dont le cœur est troublé, et ceux dont l’esprit est humilié, il les sauve ”. A l’Évangile, le Seigneur apparaît dans la splendeur de ses martyrs (All.) et il nous inspire l’esprit du martyre. Ce que le Seigneur nous révèle dans le silence des saints mystères, nous devons le prêcher dans le monde. En le faisant, nous ne devons pas craindre les hommes qui ne peuvent que tuer le corps. En dehors de la crainte de la mort éternelle, nous ne devons avoir aucune crainte. Il faut nous rappeler, pour cela, que nous sommes dans la main de Dieu, et que pas un cheveu ne tombera de notre tête sans sa permission. Confessons le Christ sur la terre, afin qu’au jour de son avènement il nous confesse “ devant les anges de son Père.” Ainsi les deux lectures veulent nous inspirer l’esprit du martyre ; dans la première, les martyrs nous parlent ; dans la seconde, c’est le Christ ; l’une et l’autre nous montrent, comme terme ultime, le dernier avènement du Christ. A l’Offertoire, nous voyons encore le martyre sous son aspect glorieux : “ Les âmes des justes sont dans la main de Dieu... aux yeux des insensés, ils ont paru mourir, mais, en vérité, ils sont dans la paix ”, c’est-à-dire dans la gloire bienheureuse. La Communion nous rappelle l’obscurité des Catacombes d’où sortaient les martyrs. Ce que leur Seigneur leur disait, là, dans le silence nocturne de la messe, ils l’ont annoncé et confessé devant le monde. Telle est aussi notre tâche. Le matin, à la messe, le Christ vient silencieusement à nous, et, pour ainsi dire, dans l’obscurité ; il nous parle à l’oreille. Nous devons ensuite retourner dans le monde ennemi et être les témoins du Christ. — Quel est le secret de la force des martyrs ? C’est leur fidèle amour du Christ. Que le Corps du Christ et l’exemple des saints nous donnent cet amour et cette fidélité !

18 FÉVRIER

Saint Siméon, évêque et martyr (simple)

Un parent du Christ.

1. Saint Siméon. — Parent du Sauveur “ selon la chair ”, saint Siméon, qui appartient à l’âge apostolique par ses origines, est une des plus vénérables figures de martyrs de la chrétienté primitive. Fils de Cléophas, il succéda à saint Jacques comme évêque de Jérusalem. Sous l’empereur Trajan, il fut dénoncé au gouverneur Atticus comme chrétien et parent du Christ. Car, à cette époque, on recherchait tous ceux qui descendaient de David. Après avoir souffert de nombreuses tortures, il fut, comme son Sauveur, attaché à la croix. Tous les assistants s’étonnèrent qu’un homme d’un âge si avancé (il avait 120 ans) supportât les indicibles tourments du crucifiement avec tant de constance et de joie. Il mourut le 18 février, vers 106 ap. J.-C. C’est sous son épiscopat qu’eut lieu le siège et la prise de Jérusalem, il se réfugia temporairement, avec la communauté chrétienne, à Pella. — Nous avons donc devant les yeux, aujourd’hui, dans la liturgie, un vénérable évêque qui, à cent vingt ans, souffrit les tortures du crucifiement. Parent du Christ par le sang, il le devint encore davantage par son martyre et sa mort sur la croix à Jérusalem. Ce saint est puissant pour nous obtenir la force dans notre faiblesse et nous aider à nous débarrasser du fardeau de nos péchés.

2. La messe. — Du commun (Statuit). Nous essaierons de célébrer le Saint-Sacrifice avec le saint et dans son esprit. La messe a quatre parties : l’enseignement, l’Offrande, la Consécration, la Communion. Je récite le Kyrie en union avec le martyr. Avec quelle ferveur a-t-il dû crier, avant son martyre : Seigneur, ayez pitié de nous. Ensuite, dans le Gloria, je chante avec lui son cantique de louange et d’action de grâces. Mais Siméon est aussi notre prédicateur dans l’Épître et dans l’Évangile. “ Bienheureux l’homme qui supporte l’épreuve.” Il peut parler ainsi, car il l’a supportée.

Aujourd’hui il porte la “ couronne de vie.” Maintenant. il se tourne vers nous et nous dit : Où sont vos épreuves, vos tentations, comment les supportez-vous ? — Puis il nous parle de la “ haine” de tous ceux qu’il aime et de son âme même ; c’est là un rude enseignement. Tout ce qui plaît à l’homme naturel, il faut le sacrifier pour le Christ. Celui qui ne supporte pas avec patience la croix de la vie, avec toutes les épines de sa profession, de son entourage, du sort, celui-là ne peut pas être disciple du Christ. Nous voulons bâtir une tour, c’est-à-dire édifier le royaume de Dieu dans notre âme ; est-ce que nous laisserons cette tour inachevée ? Le martyr peut nous adresser cette prédication, car il l’a réalisée dans sa vie. Voici maintenant l’Offertoire : Siméon fait sa dernière Offrande ; avec quelle volonté et quel esprit de sacrifice, avec quel abandon total !

Essayons de l’imiter. Puis vient la Consécration. D’où la mort du martyr tire-t-elle sa sainteté ? de la mort du Christ dans son corps. Enfin, c’est la Communion. Nous fêtons aujourd’hui l’éternelle communion de saint Siméon, c’est-à-dire son éternelle union avec le Christ. Comme ses plaies sont désormais brillantes ! Nous recevons nous-mêmes un rayon de cette lumière éternelle.

22 FÉVRIER

La Chaire de Saint Pierre d Antioche (double maj.)

Sur la chaire des anciens, qu’ils le louent !

Des deux fêtes de la Chaire de Saint-Pierre, celle d’aujourd’hui est de beaucoup la plus ancienne et la plus vénérable. Jusqu’au XVIe siècle, elle était l’unique fête, la fête de la chaire romaine de Saint-Pierre. On ne tenait pas compte d’Antioche. En effet, ce qu’on célébrait, ce n’était pas les différents séjours de saint Pierre, mais la primauté de la Papauté. A partir de 1558, on fixa la fête de la Chaire de Saint-Pierre à Rome au 18 janvier, et le 22 février fut dès lors réservé à la Chaire de Saint-Pierre à Antioche. D’après une antique tradition, Pierre fut le fondateur de l’Église d’Antioche, la première Église de la Gentilité, et en resta sept ans le pasteur proprement dit. Le martyrologe annonce : A Antioche, la fête de la Chaire de l’Apôtre saint Pierre ; c’est là que les disciples du Christ reçurent pour la première fois le nom de chrétiens.

Pratique. Les leçons des matines se terminent ainsi : “ Par la fête de cette Chaire, on honore le sacerdoce.” En effet, plus le sacerdoce est vénéré et plus la dignité de l’Église s’accroît et rayonne. C’est une conséquence nécessaire. Toutes les personnes investies d’une fonction liturgique méritent notre respect et notre aide. C’est par ces personnes, surtout, que la vie de grâce de l’Église est conservée, renouvelée et communiquée à tous les fidèles en union avec le sacerdoce général de tous les baptisés. Dans tous les membres du clergé jusqu’aux plus hauts dignitaires voyons surtout et honorons des représentants liturgiques du Christ, des dispensateurs de la grâce de Dieu et, en même temps, nos maîtres et nos pasteurs.

2. La messe (Statuit). La messe (de date relativement récente) place au milieu de nous saint Pierre, le premier évêque d’Antioche. A l’Introït, nous le voyons dans le prêtre célébrant. A l’Épître, nous l’entendons nous parler, à nous, “ les étrangers élus de la dispersion ” ; il nous annonce le joyeux message de l’héritage incorruptible, sans souillure ni flétrissure, qui nous est conservé dans le ciel et dont le gage est la Sainte Eucharistie. Il est vrai qu’il faut encore, “ pour un peu de temps ”, être purifiés, comme l’or, dans le feu des épreuves jusqu’à la manifestation de Jésus-Christ. Cette manifestation se réalise aujourd’hui au Saint-Sacrifice. A l’Évangile, nous vivons, avec saint Pierre, la grande scène de Césarée de Philippes dans laquelle ;le Christ fit de lui le rocher de l’Église. Notre âme aussi doit être ferme comme un roc afin que le Seigneur construise en nous le royaume de Dieu. Cette parole : “ Tu es Petrus... ” est le leitmotiv de la messe (Off., Comm.). Elle s’applique à Pierre, mais aussi, d’une certaine manière, à nous. Au Graduel, l’Église chante l’élévation de Pierre sur sa chaire. Dans la sainte Eucharistie, le Seigneur bâtit en nous son Église (Comm.).

23 FÉVRIER

Saint Pierre Damien, évêque et docteur de l’Église (double)

Principe du saint :. La langue qui à l’honneur de se rougir du sang de l’Agneau immaculé, du Verbe suprême, devrait considérer comme indigne d’elle de se souiller dans la lie des vains propos.”

1. Saint Pierre Damien : Jour de mort : 22 février 1072. Tombeau : dans l’église des cisterciens de Faënza (Italie). Image : On le représente en ermite, le chapeau de cardinal à côté de lui, ou encore comme pénitent, avec une discipline. Vie : Saint Pierre Damien est du nombre des grands et véritables réformateurs de l’Église au Moyen Age ; c’est même un des hommes les plus extraordinaires de tous les temps. Dans le savant, on admire la profondeur et la variété des connaissances ; dans le prédicateur de la parole divine, la franchise apostolique ; dans le moine, l’austérité et la mortification ; dans le prêtre, la piété et le zèle des âmes ; dans le cardinal, la fidélité et l’attachement au Saint-Siège. On admire, en général, son dévouement sans réserve pour le bien de l’Église. Il mourut en 1°72. La messe (In medio) est du commun des docteurs de l’Église.

2. Quelques traits de sa vie. Des saints comme Pierre Damien ont aussi des tentations à combattre et des faiblesses à surmonter. C’est ce que nous montrent les aveux suivants :

Malheur à moi, misérable. Tout ce qui est mauvais, je l’ai fait. Dans une vie si longue, je n’ai, pour ainsi dire, accompli aucun commandement de Dieu... Il est surtout un défaut que je dois pleurer amèrement, c’est mon goût pour les propos bouffons. De tout temps, ce défaut m’a donné bien du tracas et, même après mon entrée au monastère, il ne m’a pas entièrement quitté. J’ai, certes, lutté contre ce monstre ; avec le marteau de l’austérité je lui ai brisé ses dents méchantes... J’ai réussi pour un temps à l’enchaîner, mais je n’ai jamais pu le vaincre complètement. Même sous le prétexte de joie spirituelle, quand je veux me montrer joyeux à mes frères, je tombe dans de vains propos.”

Moi aussi, pauvre écrivain, je souffre de ma nature excitable. Souvent la plus petite injure m’enlève la paix de l’âme. Mais quelles que soient les exigences de la colère, qu’elle fasse rage, qu’elle écume, qu’elle grince des dents, je lui refuse mon secours extérieur autant que cela m’est possible. Je ne lui donne pas ma main pour frapper. Je ne remue ni ma langue ni mes lèvres pour qu’elle ne puisse pas exhaler sa bile amère. Qu’on me fasse ce qu’on voudra, je pense ainsi : Je dois conserver en moi la patience, et ce n’est pas de la vertu des autres que je puis attendre ma récompense. Là où aucune attaque n’oblige au combat, il n’y a pas non plus de couronne de victoire.”

Parfois, s’enflamme en moi le feu de la sensualité qui excite mon cœur et mes membres. Quoi qu’elle fasse, elle non plus n’aura pas mon secours. Je puis bien contenir la nature par ma raison, mais il est impossible de l’anéantir. Je puis la réduire au silence, mais non l’étouffer.”

Il écrit une fois à son jeune neveu : “ Pour chasser de ton champ la bête enragée — s’il est permis de s’exprimer en figure — ne néglige jamais de te soutenir chaque jour par la réception du corps et du sang du Seigneur. L’ennemi secret doit voir tes lèvres rougies du sang du Christ. Cette vue le fait frémir et reculer ; il s’enfuit immédiatement, plein d’effroi, dans sa sombre retraite.”

Je connais un frère dans le Christ qui est, pour ainsi dire, toujours prêt à partir. S’il lui survient une tentation de sensualité, il dit à son âme : “ Viens, nous allons faire une promenade.” Il parcourt alors en esprit tous les lieux de sépultures et tous les cimetières. Quand il songe que toute la chair, qui est, là, soumise à une telle calamité, fut autrefois fraîche et florissante, il ne doute pas que son corps aura bientôt le sort de ceux-là Il en a bientôt fini avec la volupté celui qui dirige son regard vers la pourriture. Là où se trouve un tombeau, la volupté ne s’élève pas.”

24 ou 25 FÉVRIER

Saint Mathias (double de 2ème classe)

Un prédicateur de la Résurrection du Christ.

1. Saint Mathias. Autrefois, saint Mathias n’était pas honoré à l’égal des douze Apôtres, car le nombre douze était déjà rempli par saint Paul. On le nommait parmi les hommes apostoliques, comme Étienne et Barnabé. C’est pourquoi son nom ne se trouve pas dans la première, mais dans la seconde liste des saints du Canon romain. C’est S. Pie V qui donna une vigile à sa fête et plaça cette fête sur le même rang que celle des autres Apôtres. Aussi nous interrompons, aujourd’hui, l’austérité des jours de pénitence pour célébrer la fête d’Apôtre. (Nous n’avons pas le droit aujourd’hui de célébrer la messe de Carême : nous lirons, à la fin, l’Évangile du Carême et nous ferons mémoire de la férie). Saint Mathias ne fut admis qu’après l’Ascension dans le collège apostolique, à la place du traître Judas. Les Apôtres et les disciples étaient rassemblés dans le Cénacle et se préparaient à la descente du Saint. Esprit. C’est dans ces jours qu’eut lieu l’élection de Mathias. Nous ne savons rien sur le sort ultérieur de l’Apôtre. Comme les autres Apôtres, il s’en alla dans les pays païens et répandit la semence de la parole divine dans les cœurs des hommes. Il annonça peut-être l’Évangile en Éthiopie. Clément d’Alexandrie nous a transmis une parole de lui : “ Affaiblissez le corps par la mortification afin que l’esprit soit soumis au Crucifié.” Il mourut martyr pour le Christ. D’après d’anciens récits, l’impératrice sainte Hélène emporta une partie de ses reliques à Rome et la plus grande partie à Trèves, en Allemagne, où elles sont honorées dans l’église de Saint-Mathias.

2. La messe (Mihi autem). Dans l’Introït, l’Église célèbre les Apôtres, ces “ amis ” de Dieu, ces “ princes ” du royaume du ciel. La leçon raconte l’élection de l’Apôtre Mathias. Au Graduel, nous voyons la masse innombrable des fidèles que la prédication de l’Apôtre a gagnés au royaume de Dieu. A l’Évangile, nous sommes, avec l’Apôtre, ces “ petits ” auxquels le Père a “ révélé ” ses secrets et les révèle encore aujourd’hui à la messe. Nous voyons en même temps se dresser devant nous la noble et douce image du Christ, telle qu’il l’a dessinée lui-même et qui, au sacrifice, devient réalité et présence : “ Venez à mon école, car je suis doux et humble de cœur.” A l’Offertoire, nous nous réjouissons du grand succès du travail apostolique. La parole des Apôtres a retenti dans le monde entier. A la Communion, nous participons mystiquement à l’exaltation des Apôtres.

Mathias fut élu pour être “ prédicateur de la Résurrection du Christ ”. C’était la tâche principale du nouvel Apôtre et cette tâche est encore la sienne. Chaque fête d’Apôtre est une prédication saisissante de l’œuvre salutaire du Christ, de sa mort et de sa Résurrection. Nous aussi, nous devons être des prédicateurs de la Résurrection du Christ, par notre foi, par notre espérance de la résurrection future et surtout par notre vie chrétienne. Quand, par nos œuvres, nous “ recherchons ce qui est en haut”, nous prêchons la Résurrection.

27 ou 28 FÉVRIER

Saint Gabriel de la Vierge des douleurs, confesseur (double)

Voici que je me tiens à la porte et que je frappe.

1. Saint Gabriel : Jour de mort : 27 février 1862. — Tombeau : à Isola di Penne, dans les Abruzzes (Italie). Vie. En 1920, le jour de la fête de l’Ascension, le pape Benoît XV a canonisé un jeune homme qu’on a appelé, à bon droit, le saint Louis de Gonzague du XIXe siècle.

Il s’appelait François Possenti et il reçut en religion le nom de Gabriel de la Vierge des douleurs. Il naquit le 1er mars 1838 à Assise, la ville de saint François, dont il reçut le nom au baptême. Il fit ses études dans la ville voisine de Spolète. Tout en conservant une grande pureté de mœurs, il s’adonna, un certain temps, à une vie mondaine, jusqu’au moment où Dieu le rapprocha de lui par une maladie. Ce qui le décida définitivement à quitter le monde, ce fut la vue d’une image miraculeuse de Notre-Dame, très vénérée à Spolète, que l’on portait en procession. A cette vue, François sentit son cœur s’enflammer de l’amour divin et il prit immédiatement la résolution (1856) d’entrer chez les Passionistes, dont l’Ordre est consacré au culte et à la méditation de la Passion du Christ. Il dut surmonter de sérieuses difficultés pour réaliser son : dessein. Il reçut, comme nom de religion, celui de Gabriel de la Vierge des douleurs (Gabriele dell’Addolorata). Comme novice, il passait déjà, au couvent et au dehors, pour un modèle de sainteté parfaite. La Passion du Christ, la sainte Eucharistie qui en est le mémorial, la Vierge des douleurs étaient les trois dévotions principales de sa vie religieuse. Sa profonde humilité qui le faisait se considérer comme le plus petit parmi ses frères, son obéissance parfaite aux moindres désirs de ses supérieurs, sa vigilance attentive sur ses sens firent de lui un religieux parfait qui, à 24 ans, était déjà mûr pour le ciel. Il mourut en 1862. Le pape Pie XI a étendu l’office et la messe du saint jeune homme à l’Église universelle.

2. La messe (Oculus Dei). La messe contient des textes choisis à dessein pour refléter la personnalité et les vertus particulières du saint. Dans l’Introït, nous voyons l’apothéose du saint. Lui qui, dans sa vie, était si petit et si humble, nous apparaît dans toute sa grandeur ; nous nous étonnons tous de son élévation et nous louons Dieu. Le psaume 72 commence par cette exclamation : “ Comme Dieu est bon avec les justes ! ” Le psaume dans son entier, avec son amour fervent de Dieu, conviendrait parfaitement à l’âme mystique de notre saint. L’oraison fait ressortir la piété profonde de Gabriel pour la Mère des douleurs. L’Épître (extraite de la première lettre de saint Jean) est une prédication de notre saint aux jeunes gens : Surmontez les dangers de la jeunesse, comme je les ai surmontés avec l’aide de Dieu. La triple concupiscence passe avec le monde. “ Celui qui accomplit la volonté de Dieu, demeure éternellement.” Graduel : Plus grande que la volupté du monde est la joie que Dieu réserve à ceux qui le craignent. L’Évangile nous parle de la jeunesse spirituelle. Le jeune homme riche qui veut suivre le Seigneur désigne notre saint. Il n’a pas seulement accompli les commandements de Dieu, mais sur le conseil du Christ, il a tout quitté (à la différence du jeune homme de l’Évangile qui s’en alla tout triste ; c’est pourquoi la lecture s’arrête là). A l’Offertoire, Gabriel se proclame le “ fils de ta servante ”, c’est-à-dire le fils de la “ servante du Seigneur ”, de la Vierge des douleurs. La Communion est un très beau morceau : “ Voici que je me tiens à la porte et que je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et m’ouvre la porte, j’entrerai chez lui et dînerai avec lui et lui avec moi.” Quel beau tableau de communion ! Il se réalisait chez saint Gabriel. — En résumé, constatons que les textes de cette messe sont tout à fait conformes aux pensées de la piété moderne, qui diffère de la piété chrétienne antique.

4 MARS

Saint Casimir, confesseur (semid.)

Saint Lucius, pape et martyr

Il aurait pu pécher et ne pécha pas.

1. Saint Casimir : Jour de mort : 4 mars 1484. — Tombeau : à Vilna, en Pologne. Image : On le représente avec une couronne et un sceptre à ses pieds, un lis à la main. Vie : Saint Casimir, prince de Pologne, roi élu de Hongrie, naquit en 1458 et mourut le 4 mars 1484, à peine âgé de 25 ans. Il se distingua par sa pureté virginale et sa charité pour les pauvres. Il est le patron de la Pologne et offre à la jeunesse un modèle parfait de pureté. Il avait une grande dévotion pour la Mère de Dieu. Il composa en son honneur l’hymne si délicat et si charmant : “ Omni die ”. Quand on ouvrit son tombeau (1604), on en trouva une copie sous sa tempe droite ; son corps était demeuré intact.

Pratique : Un jeune prince au milieu des plaisirs de la cour et des attraits du monde et, cependant, plein de mépris pour le monde et d’une pureté sans tache, quelle prédication pour nous qui sommes encore attachés à la terre !

Omni die Tous les jours

Dic Mariae Chante de Marie

Mea laudes anima ; Les louanges, Ô mon âme,

Ejus festa Ses fêtes,

Ejus gesta Ses actions.

Cole devotissima. Honore-les avec dévotion.

2. Saint Lucius. — Le martyrologe : “ A Rome, sur la voie Appienne, la naissance au ciel de saint Lucius, pape et martyr ; tout d’abord, durant la persécution de Valérien, il fut envoyé en exil pour la foi du Christ ; ensuite, par un effet de la volonté divine, il put revenir dans son Église ; après avoir vaillamment lutté contre les Novatiens, il fut décapité. (Des recherches récentes ont démontré qu’il mourut de mort naturelle). Saint Cyprien lui a décerné de magnifiques louanges ” (à cause de sa douceur et de son esprit de conciliation). Il régna de 253 à 254. Son antique épitaphe est encore conservée. Ses reliques sont honorées dans l’église de Sainte-Cécile au-delà du Tibre.

6 MARS

Sainte Perpétue et Sainte Félicité, martyres (double)

Le Christ souffre en moi.

1. Les saints : Jour de mort : 7 mars 202 ou 203, à Carthage. — Tombeau : Inconnu. L’épitaphe a été retrouvée récemment à Carthage. Image : On les représente au moment où elles se disent adieu, ou bien quand on les jette devant une vache furieuse. Vie : Vibia Perpetua était une jeune femme et mère, d’une condition distinguée ; Félicité était une esclave qui, trois jours avant son martyre, donna naissance à un enfant. L’une et l’autre étaient catéchumènes. C’est précisément aux catéchumènes qu’on s’en prenait surtout pendant la persécution de Septime Sévère. Elles souffrirent le martyre le 7 mars, à Carthage. Le bréviaire raconte cet épisode émouvant ; Le jour des jeux, pendant lesquels elles devaient être jetées aux bêtes, était imminent.

Félicité était toute triste dans la crainte d’être obligée d’attendre plus longtemps que les autres. Car elle était enceinte de huit mois et, d’après les lois, on n’avait pas le droit de l’exécuter avant la naissance de l’enfant. Cependant la prière des autres martyrs hâta la naissance et elle mit au monde une fille. Comme elle souffrait les douleurs de l’enfantement, un des gardes lui cria ; “ Si tu souffres tant déjà, que feras-tu quand tu seras exposée aux bêtes sauvages ? ” — “ Maintenant c’est moi qui souffres ” répondit-elle, “ mais, là-bas, il y en aura un autre en moi, qui souffrira pour moi parce que, moi aussi, je souffrirai pour lui.” Pendant le travail de l’enfantement, elle laissait échapper des plaintes, mais sa joie éclata quand elle fut exposée aux bêtes” (Martyrologe). Le 7 mars enfin, les héroïques femmes furent conduites à l’amphithéâtre et, d’abord, cruellement fouettées. Elles furent ensuite exposées à une vache tr(.s féroce qui les traîna un certain temps, les déchira et finalement les jeta par terre. — Au Canon de la messe, on fait tous les jours mention, avec honneur, de ces deux saintes femmes. — Nous disons la messe du Carême avec mémoire des deux martyres. Les Actes. L’histoire du martyre de ces saintes nous a été conservée par des actes authentiques rédigés en partie par les saintes elles-mêmes, en partie par des témoins oculaires (peut-être Tertullien). Ces Actes sont parmi les plus beaux morceaux de la littérature chrétienne antique. Il en existe des traductions françaises. Citons-en un passage ; “ Comme nous étions encore avec les gardes, raconte Perpétue, mon père, dans son amour pour moi, ne cessait de m’exhorter à apostasier. Alors je lui dis : “ Tu vois, par exemple, ce vase qui se trouve ici, une cruche ou quelque chose de semblable ? ” Il dit : “ Oui, je le vois.” Alors je lui demandais : “ Peut-on le désigner autrement que par ce qu’il est ? ” Il répondit : “ Non. ” “ Je ne puis pas non plus me nommer autrement que par ce que je suis : une chrétienne. ” Mon père, irrité par cette parole, se jeta sur moi pour m’arracher les yeux. Il ne fit cependant que me tourmenter et s’en alla. Pendant les quelques jours où je fus débarrassée de mon père, je remerciai le Seigneur, et pendant son absence, je repris des forces. Dans cet intervalle de quelques jours, nous fûmes baptisées et l’Esprit m’inspira, après le baptême, de ne demander que l’endurance de la chair. Quelques jours après, nous fûmes enfermées dans le cachot et cela me fit horreur, car je n’avais jamais connu encore une telle obscurité. Ô jour effroyable ! une chaleur horrible y régnait, car les soldats y entassaient littéralement les gens ; enfin, j’étais tourmentée à cause de mon enfant. C’est alors que les excellents diacres, Tertius et Pomponius, qui nous servaient, nous obtinrent, à prix d’argent et pour quelques heures, une meilleure place dans la prison et nous pûmes trouver un peu de fraîcheur. Tous sortirent du cachot et se reposèrent. Je nourris mon enfant qui était déjà à moitié mort. Je m’occupai de ma mère et la consolai. J’encourageai mon frère et lui recommandai mon fils. Je souffrais beaucoup de les voir souffrir à cause de moi. Je fus en butte à de telles angoisses pendant plusieurs jours, mais j’obtins que mon enfant restât confié à mes soins dans la prison. Il se rétablit et je me sentis soulagée par les soins que je donnais à mon enfant. La prison me sembla tout d’un coup un palais et je m’y plaisais mieux que n’importe où.

Quelques jours après, le bruit courut que nous allions subir un interrogatoire. Mon père vint aussi de la ville, dévoré de chagrin. Il se rendit auprès de moi pour m’amener à apostasier ; il me dit : “ Ma fille, aie pitié de toute ma maison. Aie pitié de ton père, si tu me juges encore digne d’être appelé ton père. Si ces mains t’ont élevée jusqu’à cet âge florissant, si je t’ai préférée à tous tes frères, ne m’abandonne pas à la raillerie des hommes. Regarde tes frères, regarde ta mère et ta tante, regarde ton enfant qui, après ta mort, ne pourra pas survivre. Fais violence à tes sentiments, ne nous perds pas, car aucun d’entre nous ne pourra parler librement s’il t’arrive quelque chose de mal.” Ainsi parlait-il dans son amour paternel. Il me baisait les mains, se jetait à mes pieds et, en versant des larmes, m’appelait non plus sa fille, mais sa dame. Je m’affligeais du sort de mon père, voyant que, seul de ma famille, il ne se réjouissait pas de mes souffrances. Je le consolais par ces paroles : “ A ce tribunal, il n’arrivera que ce que Dieu veut ; car sache que nous ne sommes pas en notre pouvoir, mais au pouvoir de Dieu.” Et il s’en alla tout triste. ”

7 MARS

Saint Thomas d’Aquin, confesseur et docteur de l’Église. (double)

La liturgie est la foi manifestée par la prière.

Saint Thomas : Jour de mort : 7 mars 1274. — Tombeau : à Toulouse ; son bras droit est à Rome. Image : On le représente en dominicain, avec un soleil ou une étoile sur la poitrine (symbole de l’illumination divine). Vie : Saint Thomas compte parmi les plus grands savants et les plus grands théologiens de tous les temps. Son œuvre la plus importante, la Somme théologique, qui contient l’exposé et les preuves de toute la doctrine catholique, est devenue dans les siècles suivants et est restée jusqu’à nos jours un livre classique. Au concile de Trente, la Somme était ouverte sur l’autel à côté de la Sainte Écriture. Sa profonde spéculation ne l’empêchait pas d’avoir une merveilleuse vie de prière dont il nous a laissé un précieux monument dans l’office du Saint-Sacrement. Malgré toute sa science, déjà fort admirée de son temps, il était modeste, d’une simplicité enfantine et d’une grande bonté de cœur. Il était doux en paroles et charitable dans ses actions. Il croyait tous les hommes aussi innocents que lui. Si quelqu’un avait péché par faiblesse, il pleurait le péché d’autrui comme si c’était le sien. La bonté de son cœur se reflétait sur son visage ; aussi personne ne le regardait sans être consolé. Il avait une compassion merveilleuse pour les pauvres et les nécessiteux. Tout ce qu’il pouvait donner en fait de linge ou d’autres objets, il le donnait volontiers. Il ne gardait pour lui rien de superflu afin de pouvoir subvenir aux besoins d’autrui. Son compagnon ordinaire, qui fut aussi son confesseur, attesta après sa mort : “ Je l’ai toujours connu aussi pur qu’un enfant de cinq ans. Jamais un mouvement charnel ne l’a souillé et il n’a jamais consenti à un péché mortel.” Ce qui est remarquable, c’est la tendre dévotion de saint Thomas pour sainte Agnès. Il portait constamment sur lui les reliques de cette sainte, vierge et martyre. Il mourut le 7 mars 1274, à l’âge de 50 ans, à l’abbaye de Fossanova, près de Terracine en Campanie. Il est le patron des écoles catholiques et des théologiens.

Pratique : La liturgie est la foi manifestée par la prière. Nous devons cultiver en nous la foi et pénétrer toujours plus profondément dans ses mystères. — Nous prenons la messe du Carême et faisons mémoire du saint.

8 MARS

Saint Jean de Dieu, confesseur. (double)

Dieu est amour. Celui qui demeure Dans l’amour, demeure en Dieu et Dieu en lui. ” (Devise de son Ordre).

1. Saint Jean : Jour de mort : 8 mars 1550. — Tombeau : à Grenade. Image : On le représente avec une couronne d’épines et avec une corne autour du cou à laquelle sont suspendus deux vases (pour recueillir les aumônes). Vie : Saint Jean de Dieu naquit en 1493. A l’âge de huit ans, il s’enfuit de la maison paternelle pour une raison inconnue. Dans sa jeunesse, il fut successivement bouvier et libraire et mena une vie chrétienne assez tiède. Un sermon du bienheureux Jean d’Avila le convertit soudain. Sa conversion fut si complète qu’on le prit pour un fou. Il sauva, au péril de sa vie, dans un incendie, les malades d’un hôpital (Oraison). Cette action manifesta sa vertu et lui révéla à lui-même la grande tâche de sa vie. Il fonda l’Ordre des Frères de la miséricorde (approuvé en 1572 par Saint Pie V). Le but de cet Ordre est la charité miséricordieuse pour les malades. Les membres de cet Ordre s’engagent, par un quatrième vœu, à se consacrer toute leur vie au soin des malades. Le saint est le patron des hôpitaux et des mourants. Son nom est invoqué dans les litanies dés agonisants.

Pratique : Notre temps ne sait plus, comme l’ancienne Église, unir harmonieusement, dans une vie intime et organique, ces deux choses : la liturgie et le soin des malades. Notre saint peut nous en indiquer les moyens. — Nous prenons la messe du Carême et faisons mémoire du saint.

2. Quelques traits de sa vie. — Dans le grand hôpital de Grenade fondé par les souverains Ferdinand et Isabelle, un incendie avait éclaté. Parti de la cuisine, le feu avait gagné les autres pièces. Il menaçait d’envahir aussi les grandes salles dans lesquelles étaient couchés des centaines de malades. On sonna le tocsin. De toutes parts, le peuple se précipita : Jean était en tête. Les pompiers et les charpentiers étaient impuissants. Personne n’osait se lancer dans la maison en feu. On entendait les gémissements désespérés des pauvres malades. Ceux qui pouvaient se lever, se tenaient auprès des fenêtres, se tordant les mains. C’était à devenir fou. Jean, alors, ne peut plus se contenir. Sans tenir compte de la fumée et des flammes, il se précipite dans ces salles qu’il connaît bien, arrache portes et fenêtres, donne quelques indications, quelques ordres brefs à ceux qui peuvent se sauver eux-mêmes, puis guidant, poussant et traînant les autres, en portant souvent deux à la fois, dans ses bras, sur ses épaules, montant et descendant les escaliers, il met tous les malades dehors, à l’abri. Quand tous sont sauvés, il s’occupe du mobilier ; il jette, par la fenêtre, les couvertures et les lits, les habits et les chaises, les autres meubles et arrache ainsi au feu le bien sacré des pauvres. Puis, il prend une hache et monte sur le toit. Tout là-haut, on le voit frapper avec acharnement. Soudain, une gerbe de flammes jaillit à côté de lui. Il s’enfuit et cherche à se sauver dans l’édifice adjacent. Mais là aussi une vague de flammes jaillit en face de lui. Il est entre deux feux. Quelques instants et il disparaît dans le brasier et la fumée. L’incendie se limite à son foyer. On déplore à haute voix la mort de l’homme courageux quand, soudain, il se précipite hors de la maison, noir de fumée, mais sain et sauf, n’ayant que les sourcils brûlés. La foule l’entoure en poussant des cris d’allégresse et félicite le sauveur des malades et de l’hôpital. Mais Jean chercha modestement à s’arracher aux remerciements et à la reconnaissance.

9 MARS

Sainte Françoise Romaine, veuve. (double)

Honorons notre ange gardien.

1. Sainte Françoise : Jour de mort : 9 mars 144°. — Tombeau : à Rome, dans l’église de Santa Maria nuova, sur le forum. Image : On la représente en religieuse, son ange gardien à côté d’elle, ou bien portant un fagot sur le dos. Vie : Sainte Françoise Romaine est la fondatrice des Oblates de Tor de Specchi à Rome. C’était une riche patricienne. Après la mort de son mari, elle abandonna toute sa richesse et mena une vie d’extrême pauvreté. Elle eut le privilège d’entretenir des relations familières avec son ange gardien. Quand on lit la vie de sainte Françoise, on a l’impression qu’elle vécut bien plus dans le monde spirituel que sur la terre. Ce sont surtout ses relations avec le monde bienheureux des anges qui donnent à sa vie un caractère particulier. Dans les différentes étapes de sa vie, on remarque trois anges d’ordre différent à côté d’elle. Ces anges sont destinés et toujours prêts à la protéger contre les attaques de l’enfer et à conduire graduellement son âme à la perfection. Jour et nuit, la sainte voyait son ange occupé à un travail mystérieux. Avec trois bâtonnets d’or, il filait sans arrêt des fils d’or qu’il passait autour de son cou et enroulait rapidement en pelotes. Six mois avant la mort de Françoise, il changea de travail. Au lieu de continuer à filer des fils d’or, il tissa, avec ceux qu’il avait, trois tapis de différentes grandeurs. Ces tapis étaient sans doute le symbole des œuvres de la sainte, comme jeune fille, mère de famille et fondatrice d’Ordre. Peu de temps avant sa mort, Françoise remarqua que l’ange hâtait son travail et montrait un air joyeux et content. Au moment où le troisième tapis atteignit la mesure fixée, l’âme de la sainte s’en alla vers les joies éternelles.

Pratique : Notre ange à nous aussi travaille à un vêtement, notre vêtement de grâce et de gloire. N’empêchons pas son travail. — Nous prenons la messe du Carême et nous faisons mémoire de la sainte.

10 MARS

Les saints quarante martyrs. (semid.)

La persévérance jusqu’à la fin.

Les saints : Ces saints qui, depuis l’antiquité, ont été très honorés en Orient, moururent vers 320. L’histoire émouvante de leur martyre a comme source un ancien récit syrien. Sous l’empereur Licinius et le gouverneur Agricolaus, à Sébaste, ville d’Arménie, quarante soldats se signalèrent par leur foi en Jésus-Christ et par leur persévérance à supporter les souffrances du martyre. Ils furent maintes fois jetés dans d’horribles cachots, chargés de chaînes. On leur frappa la bouche avec des pierres. Enfin, sur l’ordre du gouverneur, on les exposa, toute une nuit, en plein hiver, sur un étang couvert de glace, afin de les faire mourir de froid. Mais tous, d’un même cœur, faisaient au ciel cette prière : “ Seigneur, nous sommes entrés quarante sur le champ de bataille, ne permets pas que nous parvenions moins de quarante à la couronne de la victoire ; que pas un seul ne manque à ce nombre. Il y a, dans ce nombre, un honneur particulier ; tu l’as sanctifié par ton jeûne au désert ; c’est par ce nombre que la Loi de l’Ancien Testament a été introduite dans le monde. Élie a cherché Dieu pendant un jeûne de quarante jours et il fut favorisé de la contemplation du Seigneur.” C’est ainsi qu’ils priaient tous. Tous les gardes étaient endormis profondément. Seul, le portier veillait. Il avait entendu la prière commune et avait vu les martyrs entourés d’une lumière brillante. Tout à coup, il aperçut plusieurs anges descendre du ciel. Ces anges, agissant comme les messagers d’un roi, répartirent trente-neuf couronnes entre les soldats. Étonné, le portier se dit en lui-même : “ Il y a pourtant, ici, quarante hommes ; où est donc la couronne destinée au quarantième ? ” Comme il faisait ces réflexions, un des soldats, qui n’avait plus le courage de supporter ce tourment, alla se jeter dans le bain chaud qui se trouvait près de l’étang et causa, par cette apostasie, une grande tristesse aux trente-neuf autres. Mais le Seigneur ne voulut pas que leur prière restât sans fruit. Le portier, profondément ému par ce qu’il venait de voir, éveilla les gardes, se dépouilla de ses vêtements, s’affirma hautement chrétien et se joignit à la troupe des martyrs. Les bourreaux du gouverneur, apprenant que ce garde était devenu lui aussi chrétien, brisèrent les jambes de tous ces saints à coups de verges de licteurs. Ils moururent tous dans cette torture, à l’exception du plus jeune, nommé Mélithon. Sa mère, qui était présente au moment où on lui avait brisé les jambes, l’exhorta en, ces termes : “ Mon fils, persévère encore un petit moment. Le Christ est devant la porte ; il soutient ton combat.” Elle vit qu’on chargeait le cadavre des autres sur une charrette pour les conduire au bûcher et qu’on voulait laisser son fils ; car cette troupe impie espérait que, s’il survivait à ses tourments, on pourrait l’amener à l’idolâtrie. Alors, elle le chargea sur ses épaules et suivit la charrette chargée des corps des saints martyrs. En route, dans les embrassements de sa pieuse mère, le saint jeune homme rendit l’esprit. Elle porta le cadavre au bûcher des autres martyrs, afin que tous, après avoir été intimement unis dans la foi et la persévérance, soient unis encore dans la mort et reçoivent ensemble la couronne céleste. Après que tous eurent été brûlés, on jeta leurs cendres dans le fleuve. Mais cette cendre se rassembla à un même endroit ; les chrétiens l’enlevèrent secrètement et déposèrent ce trésor précieux dans un tombeau honorable.

Pratique : Nous devrions tous répéter la prière des saints martyrs de Sébaste, pour notre famille, notre communauté, notre paroisse. Que tous reçoivent la couronne de la victoire !

12 MARS

Saint Grégoire 1, pape et docteur de l’Église. (double)

Pour moi, je considère la vertu de patience comme plus grande que les signes et les miracles. ” (Paroles du saint).

Saint Grégoire 1er : Jour de mort : 1 :2 mars 604. — Tombeau : à Saint-Pierre de Rome. Image : Représenté comme pape et docteur de l’Église, avec une colombe sur l’épaule. Vie : Le plus grand pape liturgique est né en 540 ; il fut préfet impérial de la ville en 571 ; vers 575, il se fit moine selon la règle de saint Benoît ; en 578, il fut nonce pontifical à la cour impériale de Constantinople. En 590, la voix unanime du peuple et du clergé l’élut pape. Il mourut en 604... L’Église qui, dans son livre des héros, le martyrologe, se montre peu prodigue d’éloges, dit de lui : “ A Rome, saint Grégoire 1er, pape, confesseur et docteur éminent de l’Église. Pour ses actions remarquables et la conversion des Angles à la foi du Christ, il a été appelé Grand et Apôtre des Angles. ” C’est surtout dans le domaine, de la liturgie qu’il fut sans doute le plus grand des papes. “ Les modes puissants et mesurés, saints et sanctifiants, du choral liturgique de l’Église romaine, portent encore aujourd’hui son nom et le porteront pour tous les temps. Il a, aussi, puissamment contribué à la constitution du latin d’Église par son style naturel, plein d’onction et de sentiment. Ses quarante sermons sur des péricopes liturgiques de l’Évangile sont presque tous devenus des leçons du bréviaire. Aucun prêtre ne peut célébrer la sainte messe sans rencontrer à tout moment la trace de saint Grégoire. C’est lui qui a introduit, dans la seconde oraison avant la Consécration (Hanc igitur), ces trois prières si riches de sens : “ et dispose nos jours dans la paix et ordonne que nous soyons arrachés à l’éternelle damnation et que nous soyons comptés dans le troupeau de tes élus ”. Son missel est devenu, à peu de choses près, le missel de tout l’Occident et il l’est resté. Pour ce qui est du culte divin, Grégoire mérite aussi d’être appelé le Grand. ” (Bihlmeyer.)

15 MARS

Saint Clément Marie Hofbauer, confesseur. (double)

Fort dans la foi et brûlant d’amour.

Saint Clément : Jour de mort : 15 mars 1820. — Tombeau : à Vienne, dans l’église de Sainte-Marie de la rive (am Gestade). Image : On le représente en Rédemptoriste. Vie : Saint Clément Marie Hofbauer naquit le 26 décembre 1751. Il sortait d’une famille pauvre ; il était le neuvième de douze enfants. Tout enfant, il désirait être prêtre. Il ne put réaliser son rêve, à l’âge d’homme, qu’après de nombreuses péripéties. Il fut d’abord aide-boulanger. Il devint Rédemptoriste, à Rome, et eut la charge providentielle de transplanter cet Ordre par delà les Alpes, dans les pays de langue allemande. Après beaucoup de déceptions, il vint à Vienne dont il fut véritablement l’apôtre. La croix de sa vie, mais aussi la couronne de sa sainteté, fut de voir toutes ses entreprises échouer. Mais il supportait tout cela dans un saint abandon à la volonté de Dieu. Il mourut à 70 ans, le 15 mars 1820.

Pratique : “ Fort dans la foi et brûlant d’amour, tel est le vœu que nous formons aujourd’hui en union avec saint Clément.”

Quelques traits de sa vie. — Il fallait avoir une grande âme, une âme entièrement affermie en Dieu, comme le P. Hofbauer, pour pouvoir, au milieu de l’écroulement de tous ses plans et de toutes ses espérances de vie, écrire, comme il le faisait de la forteresse de Custrine où il était prisonnier : “ Il est doux de souffrir quand nous n’avons rien à nous reprocher... Mais, en tout, nous reconnaissons la volonté de Dieu ; qu’il soit toujours glorifié ! Dieu a permis cela parce que nous n’étions pas ce que nous aurions dû être.” Il fut calomnié et attaqué dès le premier jour et même, à Vienne, “ il n’était pas un seul jour sûr de n’être pas expulsé. C’est un policier qui le reçut à la porte de la ville et, jusqu’à sa mort, il fut importuné par la police viennoise”. “ Que de fois je désirerais être dans un désert”, écrivait-il une fois, “ car j’ai le cœur serré de voir qu’on pourrait agir et qu’on n’en a pas le droit.” Malgré tout, les bons remarquaient avec un étonnement joyeux que, “ par lui, le monde dans lequel il vivait se transformait, pour ainsi dire, en mieux ”. Ils considéraient comme “ un vrai miracle” le fait qu’un homme si simple pût opérer des milliers de conversions. Il n’y avait rien en lui qui pût attirer les gens du monde. Toute sa beauté était intérieure, avait son siège dans la force et la grâce de son esprit. Ses habits d’étoffe râpée étaient simples, sinon misérables, il avait de gros souliers aux épaisses semelles. Il portait le corps un peu courbé, mais, avec cela, il avait un visage toujours gai, rayonnant de bonté, facilement souriant ; sa voix était douce et agréable. Tout son aspect extérieur, bien loin de respirer l’autorité, dénotait un homme humble. Néanmoins, dans cet homme vénérable, malgré sa simplicité et sa modestie visibles, malgré sa voix douce, se manifestait une dignité admirable. (Bihlmeyer.)

17 MARS

Saint Patrice, évêque et confesseur. (double)

Saint Patrice, délivrez l’île de notre âme de tous les reptiles venimeux et faites-en une véritable “ île de saints ”.

Saint Patrice : Jour de mort : 17 mars 464. — Tombeau :à Down, en Irlande. Image : On le représente en évêque, avec des serpents à ses pieds, ou bien avec un trèfle à trois feuilles. Vie : Saint Patrice est l’apôtre de l’Irlande. “ La vie de ce grand homme, qui unissait à l’obstination celtique une profondeur étonnante de foi, est riche en événements merveilleux dont on ne peut nier le caractère historique. Ce qui est encore plus merveilleux, c’est la reconnaissance de la postérité qui a transformé la biographie du saint en entourant sa personne d’une couronne de légendes, comme on ne l’a fait que pour peu de saints. On connaît la légende d’après laquelle il aurait expulsé et fait jeter dans la mer tous les serpents et toutes les bêtes dangereuses de l’Irlande. Quoi qu’il en soit, c’est un fait qu’aujourd’hui encore, on ne trouve en Irlande ni serpents, ni taupes, ni mulots. Aussi cette légende indique sans doute que Patrice, en introduisant le christianisme, transforma aussi la culture de la terre (Kaulen). Le saint adopta l’antique usage païen d’allumer un feu sacré dans la nuit de Pâques et christianisa cet usage. Les moines irlandais l’apportèrent à Rome. De là, il se répandit dans toute l’Église sous la forme de bénédiction du feu, le Samedi-Saint.

Pratique.. Le saint a fait de la verte Erin, où dominait le culte des idoles, une île des saints. Qu’il daigne continuer cette œuvre dans nos âmes !

18 MARS

Saint Cyrille, évêque de Jérusalem, docteur de l’Église. (double)

Que nous connaissions le seul et vrai Dieu et Jésus-Christ. (Oraison).

Saint Cyrille : Jour de mort.. 18 mars 386. — Tombeau.. inconnu. Image.. représenté comme évêque, avec une bourse (à cause de sa générosité envers les pauvres. Vie : Saint Cyrille est, avec saint Athanase, un des grands champions de la foi dans la lutte contre l’arianisme. Il fut célèbre comme prédicateur et nous a laissé ses catéchèses qui comptent parmi les témoignages les plus complets du christianisme antique. Nous possédons 24 catéchèses. Dix-neuf furent prêchées pendant le Carême comme préparation au baptême ; les cinq autres, dites catéchèses mystagogiques, furent adressées, pendant le temps de Pâques, aux néophytes pour leur faire approfondir les mystères du christianisme. Pratique.. Pour le renouvellement et la formation liturgique, notre temps a besoin de maîtres éminents. Il ne s’agit pas d’un enseignement ordinaire et d’une science quelconque ; il faut amener les chrétiens à se mettre intérieurement et extérieurement au service de la vie de grâce, de la vie liturgique. Il s’agit d’une éducation qui, d’une manière efficace, mettra les chrétiens en contact avec les sources profondes de la vie commune dans le Christ. Sous ce rapport, saint Cyrille fut, dans son temps, un modèle des docteurs. Il fut un maître de l’éducation pour les catéchumènes, surtout dans la formation à la vie liturgique. Qu’il soit aussi notre guide pour nous faire arriver au point essentiel et central de la liturgie : Par le Christ, vers la Sainte Trinité. — Nous prenons la messe de Carême et faisons mémoire du saint docteur.

2. Extraits des catéchèses : “ Quand tu t’approches (de l’Eucharistie), ne marche pas les mains ouvertes et étendues ou en écartant les doigts, mais fais de ta main gauche comme un trône pour ta main droite, car c’est elle qui doit recevoir le Roi. Puis, ferme à demi la main et reçois le corps du Christ en ajoutant : “ Amen.”) Ensuite, après avoir sanctifié tes yeux en leur faisant toucher avec précaution le saint corps, consomme-le en prenant bien garde de n’en rien perdre. Car si tu en perds quelque chose, c’est comme si tu avais perdu quelque chose d’un de tes propres membres. En effet, dis-moi, si on te donnait des pépites d’or, ne les garderais-tu pas avec le plus grand soin et ne prendrais-tu pas garde de n’en perdre aucune et de ne pas éprouver de dommage ? Ne prendras-tu pas encore plus de soin de ne perdre aucune miette de ce qui est plus précieux que l’or et les pierreries ? Après la communion du corps du Christ, approche-toi aussi du calice du sang. N’étends pas les mains (vers le calice), mais incline-toi, dis avec adoration et respect “ Amen ”, sanctifie-toi en recevant aussi le sang du Christ. Puis, alors que tes lèvres sont encore humides, touche-les avec tes mains et porte-les sur tes yeux, ton front et tes autres sens pour les sanctifier. Attends alors pour la prière et rends grâces à Dieu qui t’a jugé digne de si grands mystères.

Gardez cet enseignement sans rien y changer et demeurez vous-mêmes sans reproche. Ne vous séparez pas de la communion. Ne vous privez pas, par la souillure du péché, de ces mystères saints et spirituels. “ Que le Dieu de paix vous sanctifie tout entier avec votre corps et votre âme ” (1 Thess. V, 23).

19 MARS

Saint Joseph, époux de la Bienheureuse Vierge Marie. (double de Ire classe)

Allez à Joseph.

Nous faisons trêve à la sévérité du Carême pour célébrer la grande fête de saint Joseph. Nous ne pouvons pas, aujourd’hui, célébrer la messe du Carême. Nous n’omettrons pas cependant d’en méditer les pensées.

1. Saint Joseph. — Joseph, issu de la race royale de David, naquit à Bethléem. Il fut d’une condition modeste et gagna son pain comme simple ouvrier. Il avait sans doute déjà un certain âge quand il devint l’époux de la Mère de Dieu. Sa haute dignité se résume en ces mots : “ Père nourricier de Jésus. ” La Sainte Écriture ne raconte que peu de choses à son sujet. Elle nous dit seulement qu’il était “ juste ”. Elle indique par là qu’il s’acquitta fidèlement de son rôle sublime de gardien envers les deux plus grands trésors de Dieu sur la terre, Jésus et Marie. Les heures les plus amères de sa vie sont, sans doute, celles où il lui fallut douter de la fidélité de sa fiancée. Mais c’est justement dans le conflit entre ses droits et ses devoirs qu’il se montra grand. Il était nécessaire que cette souffrance, qui fait partie de l’œuvre rédemptrice, soit supportée en vue d’un grand bien : Joseph est le témoin le moins suspect de la naissance virginale du Rédempteur. Ensuite, dans l’histoire de la Rédemption, Joseph passe modestement au second plan. L’Écriture ne dit même rien de sa mort. Cependant, certaines indications nous font conclure qu’il était déjà mort au moment où commença la vie publique du Sauveur. Il eut la plus belle mort que puissent désirer les hommes : il s’endormit dans les bras de Jésus et de Marie. Sa vie fut humble et obscure. Il resta aussi humble et obscur, pendant des siècles, dans l’histoire de l’Église. Ce n’est que dans les temps modernes que l’Église l’a célébré avec solennité. Les honneurs liturgiques commencèrent à lui être rendus au XVe siècle, grâce surtout à sainte Brigitte de Suède et à saint Bernardin de Sienne. Sainte Thérèse travailla aussi beaucoup à promouvoir son culte. Il a aujourd’hui deux grandes fêtes : le 19 mars, on honore sa personne et la part qu’il prit à la Rédemption ; le troisième mercredi après Pâques, on honore son rôle de protecteur de l’Église. Pie IX, en effet, le proclama patron de l’Église universelle. Il est considéré aussi comme le patron de la bonne mort.

2. La messe et l’office des Heures sont de date récente (l’auteur est le pape Clément XI qui les prescrivit en 1714). Ce qui est typique dans la prière des Heures, c’est la composition systématique propre à cette époque et le parallèle entre Joseph l’Égyptien et saint Joseph. Dans les antiennes des vêpres et des matines, on a rassemblé tous les passages de l’Écriture qui concernent saint Joseph et on les a rangés dans l’ordre historique. Les leçons du premier nocturne et leur répons traitent de Joseph l’Égyptien. Dans les leçons du second nocturne, le docteur melliflue, saint Bernard, établit un parallèle entre les deux Joseph. “ Ce Joseph que ses frères vendirent par envie et qui fut emmené en Égypte. est une figure du Christ qui fut, lui aussi, vendu et trahi pour de l’argent. Quant à notre Joseph, il échappa à l’envie d’Hérode et emmena le Christ en Égypte. Le premier Joseph garda la fidélité à son maître et ne voulut pas pécher avec la femme adultère de son maître ; notre Joseph honora dans sa femme sa dame, la Mère de son Seigneur, la Vierge (sans tache), et, vierge lui-même, il fut son fidèle protecteur. Le premier avait reçu le don d’interpréter les songes mystérieux ; le second connut les mystères divins et y participa. Le premier Joseph garda le froment non pour lui, mais, pour tout le peuple ; le second Joseph reçut la garde du pain vivant descendu du ciel, tant pour lui que pour le monde entier : ” L’Évangile de la messe est le même que celui de la vigile de Noël. Cet Évangile annonce, il est vrai, la plus grande souffrance de sa vie, mais aussi fonde sa grandeur.

21 MARS

Saint Benoît, abbé. (double majeur)

Rien ne doit être préféré au service de Dieu. (Extrait de sa règle).

Saint Benoit : Jour de mort : 21 mars, vers 542. — Tombeau : au Mont Cassin ; d’après d’autres, ses ossements furent transférés en France, à Fleury-sur-Loire. Les Bénédictins célèbrent d’ailleurs, le 11 juillet, la fête de la Translation. Image : On le représente en Abbé avec la crosse et le livre de la règle, un corbeau à ses pieds. Vie : Saint Benoît, le père des moines d’Occident, le fondateur de l’Ordre des Bénédictins, est un des grands hommes de l’Église. “ C’était un homme de vie vénérable, un Béni (Benedictus) selon la grâce comme selon le nom. Dès sa jeunesse, il manifestait le sérieux d’un vieillard. Riche en caractère avant de l’être en années, jamais il n’abandonna son âme à un plaisir. Pendant qu’il demeurait sur cette terre, il n’eut, pour le monde et ses charmes dont il aurait pu jouir librement pour cette vie temporelle, que du mépris, comme s’il était déjà flétri ” (Saint Grégoire le Grand). “ Les fruits de l’œuvre de Benoît sont d’une grandeur immense. Mais ce qui, dans ses œuvres sociales et historiques, est particulièrement grand, c’est qu’il semble lui-même n’y avoir jamais songé. C’est le signe distinctif de la vraie grandeur de faire les plus grandes choses sans bruit, sous l’impulsion seule d’une pensée humble et pure que Dieu transforme et bénit au centuple ” (Montalembert). Sa règle monastique est un livre qui a traversé les siècles, c’est un livre d’éducation pour tous les temps. Nous lui devons la belle et pieuse prière du soir de l’Église, les complies. On peut bien dire qu’aucun homme sur la terre n’a préparé autant de foyers ardents de la liturgie que lui.

Pratique : Saint Benoît donna à ses communautés, comme programme, ce point capital de sa règle : “ Rien ne doit être préféré au service de Dieu” (il écrivait : l’œuvre de Dieu, opus Dei). La liturgie encadre et pénètre toute la vie de sa famille religieuse. Il a créé ainsi des familles liturgiques idéales, qui chantent réellement la louange liturgique de Dieu en unissant à cette louange les travaux les plus sérieux dans tous les domaines.

24 MARS

Saint Gabriel, archange. (double majeur)

L’Ange de l’Incarnation.

L’archange. — La Sainte Écriture nous a transmis le nom de trois archanges : Michel, Gabriel, Raphaël. La liturgie actuelle les célèbre tous les trois. Gabriel (l’homme de Dieu) apparaît dans l’Ancien et le (Nouveau Testament comme porteur des messages joyeux, particulièrement des révélations concernant la Rédemption. Il explique à Daniel la vision du bélier et du bouc (Dan. VIII, 15 sq.) et lui fait la révélation importante des 70 semaines d’années avant la venue du Christ (Dan. IX, 20 sq.). Il annonce au prêtre Zacharie, pendant l’offrande de l’encens au temple, la naissance du précurseur du Seigneur (Luc 1, 5-23). Mais il fut particulièrement choisi pour porter à la bienheureuse Vierge, à Nazareth, le “ message ” de la naissance du Sauveur du monde. C’est pourquoi on l’appelle l’ange de l’Incarnation. Il est considéré aussi comme l’ange protecteur et gardien du peuple élu. — Dans les premiers siècles, l’archange n’était pas honoré liturgiquement. Son nom n’apparaît qu’au Moyen Age dans les listes de saints, mais toujours en union avec la fête de l’Annonciation de la Sainte Vierge. En 1921, le pape Benoît XV prescrivit sa fête pour toute l’Église. La prière pour la bénédiction de l’encens, à l’Offertoire de la messe, se formulait primitivement ainsi : “ Par l’intercession de saint Gabriel archange, qui se tient à la droite de l’autel de l’encens... ” Ce n’est que plus tard que le nom de Michel fut substitué à celui de Gabriel. — Nous prenons encore la messe du Carême et nous faisons mémoire du saint archange.

25 MARS

Annonciation de la Sainte Vierge. (double de Ire classe)

Et le Verbe se fit chair. ”

1. Annonciation de la Sainte Vierge. — Nous interrompons de nouveau la sévérité du Carême pour célébrer la grande fête de l’Annonciation de la Sainte Vierge. Cette fête appartient moins au calendrier des saints qu’au calendrier temporal de l’année liturgique. Elle célèbre le plus sublime moment de l’histoire des temps : la seconde Personne de la Sainte Trinité prend la nature humaine dans le sein de la Vierge Marie. Cette fête est aussi bien une fête du Seigneur qu’une fête de la Mère de Dieu. Cependant, notre liturgie la célèbre uniquement comme une fête de Marie (à la différence de la fête de la Purification). La fête commémore aussi la part privilégiée que la Sainte Vierge a prise à l’Incarnation du Fils de Dieu et, par là même, à l’œuvre de la Rédemption. Cette fête est le premier message avant-coureur de l’approche de l’Avent et de Noël (le second est la naissance du Précurseur du Christ : 25 mars-24 juin-25 décembre). La liturgie veut nous dire : encore neuf mois et nous serons de nouveau aux pieds du Roi de la paix nouveau-né. A proprement parler, nous avons déjà célébré le mystère de la fête d’aujourd’hui, le mercredi des Quatre-Temps de l’Avent, dans la célèbre messe d’or (cette messe est de beaucoup antérieure à celle d’aujourd’hui). C’était la préparation à la fête de Noël ; mais, comme la liturgie aime bien célébrer les fêtes en se réglant sur les dates réelles, nous avons une seconde fête. Si l’on cherche la différence qu’il y a entre les deux jours, on peut dire que, le mercredi des Quatre-Temps, on pense surtout au Verbe incarné, et, dans la solennité de ce jour, surtout à la Mère de Dieu. Au Moyen Age, les nations chrétiennes considéraient ce jour comme le commencement de l’année civile.

2. La messe (Vultum tuum). — Nous n’avons pas le droit, aujourd’hui, de célébrer la messe du Carême. L’office de station pour la messe d’aujourd’hui commençait, dès l’antiquité, dans l’église de Saint-Adrien, pour se terminer à Sainte-Marie Majeure. La messe de la fête a beaucoup de ressemblances avec la messe d’or et est facile à comprendre. Les deux lectures se correspondent ; la leçon est la promesse et l’Évangile, l’accomplissement de la promesse. Le prophète dit : “ Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un Fils et il sera appelé Emmanuel. ” L’évangéliste dit : “ Je te salue... Tu concevras et enfanteras un Fils et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera appelé le Fils du Très-Haut... L’Esprit-Saint te couvrira de son ombre. ” Cet Évangile d’une beauté inoubliable compte parmi les plus sublimes révélations que l’humanité ait reçues. Dans les chants psalmodiques, on entend le cantique nuptial de l’Église (Ps. 44). Marie est, au sens le plus élevé, l’Épouse du Christ et le type de l’Église. Au Saint-Sacrifice, le mystère de la fête se réalise mystiquement ; nous aussi nous “ concevons” le Seigneur. C’est pourquoi les chants des deux processions eucharistiques peuvent s’appliquer aussi à nous : c( Nous te saluons, Marie... le fruit de tes entrailles est béni” (Off.) et : “ Voici qu’une Vierge concevra ” (Comm.). La postcommunion est remarquable ; elle parcourt toute la vie du Seigneur, depuis l’Annonciation, “ en passant par la Passion et la Croix, jusqu’à la gloire de la Résurrection ”. C’est une très ancienne oraison. Dans l’antiquité, le 25 mars passait pour le jour de la mort du Christ d’où la mention de sa mort.

27 MARS

Saint Jean Damascène, confesseur et docteur de l’Église (double)

Le culte liturgique des images.

Saint Jean : Jour de mort : 6 mai 754. — Tombeau : au monastère de Saint-Sabbas, près de Jérusalem. Image : On le représente comme docteur de l’Église, avec un livre, et tenant sa main coupée. Vie : Saint Jean Damascène (de Damas) est le dernier des docteurs de l’Église orientale. C’est encore un porte-parole puissant de l’Église antique au moment où, dans l’empire grec, la décadence se faisait de plus en plus profonde. Peu de temps après sa mort, commença le schisme qui détacha l’Église grecque du rocher de Pierre. Son principal mérite est d’avoir réuni la doctrine de l’Église dans un système organique. C’est par là qu’il fut un précurseur et une des sources les plus importantes des grands scolastiques. Dans sa lutte contre les iconoclastes, il écrivit ces ardentes apologies qu’on ne cesse d’admirer. La défense du culte des images fit de lui un martyr. L’empereur Léon l’ !saurien l’accusa faussement de trahison auprès de son maître, le calife de Bagdad. Jean eut beau affirmer par serment son innocence, le calife prêta l’oreille à la calomnie et lui fit couper la main droite. Mais un miracle lui rendit sa main. Aussitôt, il distribua ses biens aux pauvres et entra comme moine à la laura (monastère) de Saint-Sabbas, près de Jérusalem. Il s’y adonna aux services les plus humbles, comme de tresser des paniers.

Pratique : L’oraison du jour dirige nos pensées vers le culte liturgique des images. — Nous prenons la messe du Carême avec mémoire du saint.

28 MARS

Saint Jean de Capistran, confesseur (semid.)

Nous sommes les soldats du Christ.

Saint Jean : Jour de mort : 23 octobre 1456. — Tombeau à Ujlak, à la frontière bosniaque, dans un monastère fondé par lui, mais son corps fut dérobé par les Turcs et est perdu. Image : On le représente en franciscain avec une croix rouge sur la poitrine. Vie : Saint Jean de Capistran compte parmi les plus puissants prédicateurs populaires de tous les temps. “ Cet homme, nous l’avons vu à Nuremberg, âgé de 65 ans, vieux, petit, maigre, sec, n’ayant plus que les os et la peau, mais joyeux et vaillant à l’ouvrage, prêchant tous les jours sans relâche et traitant les sujets les plus élevés. ”) Ainsi écrit l’humaniste Hartmann Schedel de Nuremberg, dans sa chronique du monde. Tout le monde connaît la célèbre victoire que les chrétiens remportèrent sur les Turcs, près de Belgrade, en 1456. On doit l’attribuer à sa bravoure et à son zèle.

Pratique : Nous devons nous considérer, aujourd’hui, comme les soldats du Christ. Sous la conduite de notre saint, nous triompherons des ennemis. Jadis, c’étaient les Turcs ; ce sont d’autres ennemis, aujourd’hui, mais l’enfer est toujours derrière eux. La liturgie est une grande œuvre de paix, mais c’est parce qu’elle fait de l’Église militante une armée prête au combat. — Nous prenons la messe du Carême avec Mémoire du saint.

2. Quelques traits de sa vie. — Partout où il allait, il était reçu en procession solennelle par le peuple et le clergé. Les plus grandes églises ne pouvaient contenir la foule des auditeurs. C’est pourquoi il était obligé de prêcher en plein air, sur une estrade. A Meissen, il prêcha du haut d’un toit. Partout, des foules immenses se pressaient à ses sermons. Il avait parfois, autour de lui, vingt ou trente mille hommes. A Erfurt, il eut, une fois, 60.000 auditeurs. Un jour, à Vienne, 100.000 personnes attendaient le commencement de son sermon. Le peuple l’écoutait en pleurant et en gémissant, bien qu’il ne comprît pas son langage. Il prêchait en latin ; un de ses compagnons donnait ensuite la traduction en allemand. Bien que le sermon eût duré deux ou trois heures, le peuple restait encore autant de temps, en plein air ou dans les rues, malgré la neige et le froid. jusqu’à ce que l’interprète eût achevé la traduction.

Rien que d’avoir pu voir de loin le “ saint ” était une consolation pour le peuple simple et croyant. Il n’était pas rare de voir les auditeurs grimper aux arbres du voisinage et s’asseoir sur les branches. Souvent, les branches rompaient sous le poids. Cependant, on n’a jamais entendu dire qu’il y avait eu des accidents.

2 AVRIL

Saint François de Paule, confesseur (double).

Par charité.

Saint François : Jour de mort : 2 avril 1507. — Tombeau : Son corps reposait autrefois dans l’église du monastère de Plessis-les-Tours, mais il fut brûlé par les hérétiques. Image : On le représente, avec l’habit de son Ordre, comme un vieillard ; au-dessus de lui, formant auréole, se trouve inscrit le mot : Caritas. Vie : Saint François de Paule est le fondateur de l’Ordre des Minimes qui est une branche de l’Ordre franciscain. Ces “ ermites de Saint-François d’Assise ” doivent vivre ensemble dans des petites maisons et mener, étant les “ plus petits” frères, une vie encore plus stricte, plus pauvre et plus humble que les frères “ mineurs ” de Saint-François. Le saint opéra de nombreux miracles.

Sa maxime : Le saint avait un mot de prédilection qui a été la caractéristique de sa personne et la racine de sa sainteté : Cette parole était : “ par charité ”. Ce petit mot avait une force merveilleuse pour lui et pour les autres. Quand on agissait “ par charité”, la pierre la plus lourde devenait légère. C’est “ dans la charité” qu’il exhortait et réprimandait. “ Dans la charité ”, il traversait la mer sans bateau. “ Un jour, le saint voulait se rendre du continent italien en Sicile. Il y avait justement un bateau dans le port. François demanda au patron de l’emmener, lui et ses deux compagnons. ” “ Si vous payez, moines ”, répondit rudement celui-ci, “ je vous passerai”. “ Par charité ” ; répondit humblement le saint, “ je n’ai pas d’argent sur moi ”. “ Alors je n’ai pas de bateau pour vous ”), répondit en ricanant le marin. “ Par charité ”, répondit François, pardonnez-moi si je m’en vais. ” Il s’écarta d’un jet de pierre, s’agenouilla et bénit la mer. Quelle ne fut pas la stupéfaction des témoins quand le saint se leva, s’avança sur les flots mouvants et, marchant de pied ferme sur les vagues, traversa le détroit ! — Nous prenons la messe du Carême avec mémoire du saint.

4 AVRIL

Saint Isidore, évêque et docteur de l’Église. (double)

Recherchons l’enseignement liturgique.

Saint Isidore : Jour de mort : 4avril 636. — Tombeau : Il fut d’abord dans la cathédrale de Séville ; depuis 1063, il est dans l’église Saint-Isidore, à Léon (Espagne). Image.. On le représente en évêque, souvent en compagnie de saint Léandre. Vie.. Saint Isidore, frère du saint évêque Léandre, est considéré comme la figure la plus importante de l’Église d’Espagne à cette époque. Il fut, en raison de sa sainteté manifeste, très aimé de son peuple. On se pressait partout autour de lui dès qu’on l’apercevait. “ Les uns venaient pour entendre son enseignement salutaire ; les autres, pour voir les miracles qu’il faisait au nom du Seigneur ; les malades venaient pour être guéris de leurs maux, car la force de Dieu sortait de lui et les guérissait tous ” (Bollandistes, Avril I, 340). Il est considéré comme le restaurateur de l’Église d’Espagne après le retour des Wisigoths à la foi catholique. Il a aussi beaucoup fait pour la liturgie de rit espagnol. Isidore présida le quatrième concile provincial de Tolède (633), le plus important qui ait été tenu en Espagne. Il gouverna son Église pendant quarante ans et mourut, en 636, riche de mérites.

Pratique : L’oraison nomme saint Isidore un docteur de vie. Il fut, pour son temps, un interprète excellent et un docteur éminent de la liturgie, à laquelle il était attaché de toute son âme. C’est ce que nous voyons dans ses deux livres sur l’office liturgique. — La messe (In medio) est du commun des docteurs.

5 AVRIL

Saint Vincent Ferrier, confesseur (double).

La liturgie unit l’office divin et l’Église.

Saint Vincent : Jour de mort : 5 avril 419. — Tombeau : dans la cathédrale de Vannes. Image : On le représente en dominicain, portant dans la main un soleil avec les lettres J. H. S. Vie : Saint Vincent Ferrier, de l’Ordre des Dominicains, fut un prédicateur populaire assisté de Dieu, l’un des plus grands du 5e siècle. La fascination de ses discours entraînait tout le monde, de bon gré ou par force : rois, princes de l’Église, ecclésiastiques et séculiers, jusqu’au plus simple peuple. En Espagne seulement, sa parole et ses miracles auraient converti 25.000 Juifs et 8.000 Maures. Les sermons qu’il fit sont incalculables. On parle de 20.000. Il joua aussi un rôle bienfaisant au moment où prenait fin le grand schisme d’Occident. Il mourut en 419.

Pratique : Le bréviaire raconte à son sujet : “ Chaque jour, il célébrait de grand matin la messe chantée ; chaque jour, il prêchait au peuple ; il observait un jeûne continuel, ininterrompu. ” Ces quelques mots nous peignent une vie liturgique idéale, unie à la charité lit plus active envers le prochain. Le saint se dépensa sans compter pour le bien du prochain. La liturgie unit harmonieusement le service de Dieu, l’amour du prochain et l’ascèse. — La messe (Os justi) est du commun des confesseurs, c’est la messe du serviteur vigilant.

Office de la Sainte Vierge le Samedi.

Le samedi est considéré depuis ; longtemps, dans l’Église romaine, comme un jour consacré à la Sainte Vierge. Quand, ce jour-là, il n’y a pas de fête double ou semi-double, ou qu’il n’y a pas de fête du tout, c’est entièrement un jour de Marie, et la liturgie de la messe, comme celle de l’office des Heures, célèbre la Sainte Vierge. Au bréviaire, les psaumes sont ceux du samedi et les autres parties sont prises de l’office du commun de la Sainte Vierge. Quant à la messe, il y a cinq formulaires qui se trouvent à la fin des messes du commun. Ces cinq formulaires tiennent compte du temps liturgique : 1. Dans l’Avent, c’est la messe Rorate. 2. Il y a une messe de la Sainte Vierge pour le temps de Noël. 3. On célèbre une messe spéciale du 3 février au Carême. 4. Il y a une messe de la Sainte Vierge pour le Temps Pascal et, enfin, 5. une messe pour le temps après la Pentecôte. Nous nous occuperons, ici, de la messe pour le temps compris entre le 3 février et le Carême. (Pendant le Carême, il n’y a pas d’office de la Sainte Vierge le samedi ; on fait l’office du samedi).

Office de la Sainte Vierge pendant l’avant-Carême.

La noblesse de l’état chrétien ne peut pas trouver une plus belle expression que dans l’image de la Mère de Dieu. Le Christ lui-même nous a dessiné cette merveilleuse image, quand il a dit que ceux de ses disciples qui font la volonté de Dieu sont pour lui “ sa mère, son frère, sa sœur ”. Nous pouvons donc, d’après les paroles du Christ, participer à la dignité de la Mère de Dieu, et cela de deux manières : a) en accueillant en nous le “ Verbe de Dieu ” vivant, c’est-à-dire en écoutant, d’un esprit surnaturel, la parole de Dieu et en l’observant (cela se fait dans l’avant-messe) ; b) en recevant le “ Verbe de Dieu ” dans la Sainte Eucharistie ; de cette manière, nous participons, d’une manière plus haute encore, à la dignité de la maternité divine. Si nous avons bien devant les yeux ces pensées, un jour consacré à Marie, une messe de la Sainte Vierge sera toujours pour nous un grand événement. La pensée de la maternité divine traverse toute la messe comme un fil d’or. Dès l’entrée dans l’église, nous saluons la “ sainte Mère ” qui a porté le Roi du ciel et de la terre (l’église est sa figure), avec les paroles d’un vieux poète chrétien, Sedulius. Puis, nous entonnons le cantique des fiançailles (Ps 44) qui convient, plus qu’à tout autre, à la Vierge des vierges, Reine de tous les saints. Dans la leçon, c’est la divine Sagesse (c’est-à-dire le Christ) qui parle. Elle dit qu’elle a établi sa demeure dans la sainte cité de Sion et que, de là, elle a pris racine dans le peuple élu. Cela veut dire que le Christ est descendu dans le sein de la Vierge Marie, s’est fait Homme et a fondé la nouvelle Sion, l’Eglise. Ainsi la leçon exprime, d’une manière mystérieuse, la maternité corporelle et spirituelle de Marie, la maternité spirituelle de l’Église et de chaque âme chrétienne. “ Dans la communauté complète des saints, j’ai fait mon séjour. ” Comme cette parole est vraie précisément maintenant, à la messe ! La communauté rassemblée est l’image de l’Église ; dans le Saint-Sacrifice, le Christ, la divine Sagesse, descend miséricordieusement jusqu’à elle : la vigne divine y “ prend racine”. Dans l’Évangile, le Seigneur expose de nouveau la belle pensée de la maternité divine spirituelle ; il place, à côte, de la béatitude de la Mère de Dieu, la béatitude semblable de “ tous ceux qui écoutent la parole de Dieu et l’observent ”. La “ Parole de Dieu ” est ici, dans l’esprit de la liturgie, le Fils de Dieu. A la Communion, les paroles de l’antienne s’appliquent aussi à l’Église et à l’âme : “ Bienheureux le sein de Marie qui a porté le Fils du Père éternel. ” Marie est ainsi le plus haut symbole de l’Église et de l’âme.

 

PIUS PARSCH

LE GUIDE DANS L’ANNEE LITURGIQUE

Traduit de l’allemand sur la 11e édition

Par l’Abbé Marcel GAUTIER

 

Tome III

Le cycle pascal (2e partie)

 

ÉDITIONS SALVATOR

Mulhouse (Haut-Rhin)

 

1954

LE GUIDE DANS L’ANNÉE LITURGIQUE

LA SEMAINE SAINTE

Nous entrons maintenant dans le saint des saints de l’année liturgique. Comme l’Église nous a préparés progressivement avant de nous laisser entrer ! N’avons-nous pas, depuis la Septuagésime, remarqué un crescendo perpétuel ? Chaque semaine nous a fait monter et nous a rapprochés. L’Église, sans doute, nous a parlé souvent de la Croix et de la Résurrection du Seigneur, mais elle le faisait toujours sous le voile des signes et des symboles, comme si elle craignait d’exposer ce qu’elle a de plus cher aux regards profanes. Aujourd’hui, enfin, elle soulève le voile et nous pouvons contempler le saint des saints. Bien plus, nous prenons part au plus sublime mystère de l’histoire du salut.