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Grâce et justification.

I. La justification.

La grâce du Saint-Esprit a le pouvoir de nous justifier, c'est-à-dire de nous laver de nos péchés et de nous communiquer « la justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ » (Rm 3, 22) et par le Baptême. Si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec Lui, sachant que le Christ une fois ressuscité des morts ne meurt plus, que la mort n'exerce plus de pouvoir sur Lui. Sa mort fut une mort au péché, une fois pour toutes ; mais Sa vie est une vie à Dieu. Et vous de même, regardez-vous comme morts au péché et vivants pour Dieu dans le Christ Jésus (Rm 6, 11). Par la puissance de l'Esprit Saint, nous prenons part à la passion du Christ en mourant au péché, et à sa Résurrection en naissant à une vie nouvelle; nous sommes les membres de son Corps qui est l'Église1, les sarments greffés sur la Vigne qu'Il est Lui-même. C'est par l'Esprit que nous avons part à Dieu. Par la participation de l'Esprit, nous devenons participants de la nature divine (...). C'est pourquoi ceux en qui habite l'Esprit sont divinisés. La première oeuvre de la grâce de l'Esprit Saint est la conversion qui opère la justification selon l'annonce de Jésus au commencement de l'Évangile: « Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche » (Mt 4, 17). Sous la motion de la grâce, l'homme se tourne vers Dieu et se détourne du péché, accueillant ainsi le pardon et la justice d'en haut. « La justification comporte donc la rémission des péchés, la sanctification et la rénovation de l'homme intérieur. » La justification détache l'homme du péché qui contredit l'amour de Dieu, et en purifie son coeur. La justification fait suite à l'initiative de la miséricorde de Dieu qui offre le pardon. Elle réconcilie l'homme avec Dieu. Elle libère de la servitude du péché et guérit. La justification est en même temps l'accueil de la justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ. La justice désigne ici la rectitude de l'amour divin. Avec. la justification, la foi, l'espérance et la charité sont répandues en nos coeurs, et l'obéissance à la volonté divine nous est accordée. La justification nous a été méritée par la passion du Christ qui s'est offert sur la Croix en hostie vivante, sainte et agréable à Dieu et dont le sang est devenu instrument de propitiation pour les péchés de tous les hommes. La justification est accordée par le Baptême, sacrement de la foi. Elle nous conforme à la justice de Dieu qui nous rend intérieurement justes par la puissance de sa miséricorde. Elle a pour but la Gloire de Dieu et du Christ, et le don de la vie éternelle. Maintenant, sans la loi, la justice de Dieu s'est manifestée, attestée par la Loi et les Prophètes, justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ, à l'adresse de tous ceux qui croient, - car il n'y a pas de différence : tous ont péché et sont privés de la Gloire de Dieu - et ils sont justifiés par la faveur de sa grâce en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus Dieu l'a exposé, instrument de propitiation par son propre sang moyennant la foi Il voulait montrer sa justice, du fait qu'Il avait passé condamnation sur les péchés commis jadis au temps de la patience de Dieu; Il voulait montrer sa justice au temps présent, afin d'être juste et de justifier celui qui se réclame de la foi en Jésus (Rm 3, 21-26). La justification établit la collaboration entre la grâce de Dieu et la liberté de l'homme. Elle s'exprime du côté de l'homme dans l'assentiment de la foi à la Parole de Dieu qui l'invite à la conversion, et dans la coopération de la charité à l'impulsion de l'Esprit Saint qui le prévient et le garde. Quand Dieu touche le coeur de l'homme par l'illumination de l'Esprit Saint, l'homme n'est pas sans rien faire en recevant cette inspiration, qu'il peut d'ailleurs rejeter; et cependant il ne peut pas non plus, sans la grâce de Dieu, se porter par sa volonté libre vers la justice devant Lui. La justification est l'oeuvre la plus excellente de l'amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus et accordé par l'Esprit Saint. S. Augustin estime que « la justification de l'impie est une oeuvre plus grande que la création du ciel et de la terre », parce que « le ciel et la terre passeront tandis que le salut et la justification des élus demeureront ». Il estime même que la justification des pécheurs l'emporte sur la création des anges dans la justice en ce qu'elle témoigne d'une plus grande miséricorde.

L'Esprit Saint est le maître intérieur.

En faisant naître l'« homme intérieur » (Rm 7, 22; Ep 3, 16), la justification implique la sanctification de tout l'être. Si vous avez jadis offert vos membres comme esclaves à l'impureté et au désordre de manière à vous désordonner, offrez-les de même aujourd'hui à la justice pour vous sanctifier. (...) Aujourd'hui, libérés du péché et asservis à Dieu, vous fructifiez pour la sainteté, et l'aboutissement, c'est la vie éternelle (Rm 6, 19.22).

Il. La grâce.

Notre justification vient de la grâce de Dieu. La grâce est la faveur, le secours gratuit que Dieu nous donne pour répondre à son appel devenir enfants de Dieu1, fils adoptifs, participants de la divine nature, de la vie éternelle. La grâce est une participation à la vie de Dieu, elle nous introduit dans l'intimité de la vie trinitaire par le Baptême le chrétien participe à la grâce du Christ, Tête de son Corps. Comme un « fils adoptif», il peut désormais appeler Dieu « Père », en union avec le Fils unique. Il reçoit la vie de l'Esprit qui lui insuffle la charité et qui forme l'Église. Cette vocation à la vie éternelle est surnaturelle. Elle dépend entièrement de l'initiative gratuite de Dieu, Car Lui seul peut se révéler et se donner Lui-même. Elle surpasse les capacités de l'intelligence et les forces de la volonté humaine, comme de toute créature. La grâce du Christ est le don gratuit que Dieu nous fait de sa vie infusée par l'Esprit Saint dans notre âme pour la guérir du péché et la sanctifier : C'est la grâce sanctifiante ou défiante, reçue dans le Baptême. Elle est en nous la source de l'oeuvre de sanctification. Si donc quelqu'un est dans le Christ, c'est une création nouvelle l'être ancien a disparu, un être nouveau est là. Et le tout vient de Dieu qui nous a réconciliés avec Lui par le Christ (2 Co 5, 17-18). La grâce sanctifiante est un don habituel, une disposition stable et surnaturelle perfectionnant l'âme même pour la rendre capable de vivre avec Dieu, d'agir par son amour. On distinguera la grâce habituelle, disposition permanente à vivre et à agir selon l'appel divin, et les grâces actuelles qui désignent les interventions divines soit à l'origine de la conversion soit au cours de l'oeuvre de la sanctification. La préparation de l'homme à l'accueil de la grâce est déjà une oeuvre de la grâce. Celle-ci est nécessaire pour susciter et soutenir notre collaboration à la justification par la foi et à la sanctification par la charité. Dieu achève en nous ce qu'il a commencé, «car Il commence en faisant en sorte, par son opération, que nous voulions :Il achève, en coopérant avec nos vouloirs déjà convertis. Certes nous travaillons nous aussi, mais nous ne faisons que travailler avec Dieu qui travaille. Car sa miséricorde nous a devancés pour que nous soyons guéris, car elle nous suit encore pour qu'une fois guéris, nous soyons vivifiés; elle nous devance pour que nous soyons appelés, elle nous suit pour que nous soyons glorifiés ; elle nous devance pour que nous vivions selon la piété, elle nous suit pour que nous coopérions avec Dieu, car sans Lui nous ne pouvons rien faire. La libre initiative de Dieu réclame la libre réponse de l'homme, car Dieu a créé l'homme à son image en lui conférant, avec la liberté, le pouvoir de Le connaître et de L'aimer. L'âme n'entre que librement dans la communion de l'amour. Dieu touche immédiatement et meut directement le coeur de l'homme. Il a placé en l'homme une aspiration à la vérité et au bien que Lui seul peut combler. Les promesses de la « vie éternelle » répondent, au-delà de toute espérance, à cette aspiration. Si Toi, au terme de tes oeuvres très bonnes (...), Tu T'es reposé le septième jour, c'est pour nous dire d'avance par la voix de ton livre qu'au terme de nos oeuvres « qui sont très bonnes » du fait même que c'est Toi qui nous les a données, nous aussi au sabbat de la vie éternelle nous nous reposerions en Toi. La grâce est d'abord et principalement le don de l'Esprit qui nous justifie et nous sanctifie. Mais la grâce comprend aussi les dons que l'Esprit nous accorde pour nous associer à son oeuvre, pour nous rendre capables de collaborer au salut des autres et à la croissance du Corps du Christ, l'Église. Ce sont les grâces sacramentelles, dons propres aux différents sacrements. Ce sont en outre les grâces spéciales appelées aussi charismes suivant le terme grec employé par S. Paul, et qui signifie faveur, don gratuit, bienfait. Quel que soit leur caractère, parfois extraordinaire, comme le don des miracles ou des langues, les charismes sont ordonnés à la grâce sanctifiante, et ont pour but le bien commun de l'Église. Ils sont au service de la charité qui édifie l'Église. Parmi les grâces spéciales, il convient de mentionner les grâces d'état qui accompagnent l'exercice des responsabilités de la vie chrétienne et des ministères au sein de l'Église. Pourvus de dons différents selon la grâce qui nous a été donnée, si c'est le don de prophétie, exerçons-le en proportion de notre foi; si c'est le service, en servant; l'enseignement, en enseignant; l'exhortation, en exhortant. Que celui qui donne le fasse sans calcul ; celui qui préside, avec diligence ; celui qui exerce la miséricorde, en rayonnant de joie (Rm 12, 8). Etant d'ordre surnaturel, la grâce échappe à notre expérience et ne peut être connue que par la foi. Nous ne pouvons donc nous fonder sur nos sentiments ou nos oeuvres pour en déduire que nous sommes justifiés et sauvés. Cependant, selon la parole du Seigneur : « C'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez » (Mt 7, 20), la considération des bienfaits de Dieu dans notre vie et dans la vie des saints, nous offre une garantie que la grâce est à l'oeuvre en nous et nous incite à une foi toujours plus grande et à une attitude de pauvreté confiante. On trouve une des plus belles illustrations de cette attitude dans la réponse de Ste. Jeanne d'Arc à une question piège de ses juges ecclésiastiques : « Interrogée, si elle sait qu'elle soit en la grâce de Dieu ; répond : "Si je n'y suis, Dieu m'y veuille mettre; si j'y suis, Dieu m'y veuille garde." »

III. Le mérite.

Tu es glorifié dans l'assemblée des Saints : lorsque Tu couronnes leurs mérites, Tu couronnes tes propres dons. Le terme « mérite » désigne, en général, la rétribution due par une communauté ou une société pour l'action d'un de ses membres éprouvée comme un bienfait ou un méfait, digne de récompense ou de sanction. Le mérite ressort à la vertu de justice conformément au principe de l'égalité qui la régit. A l'égard de Dieu, il n'y a pas, au sens d'un droit strict, de mérite de la part de l'homme. Entre Lui et nous l'inégalité est sans mesure, car nous avons tout reçu de Lui, notre Créateur. Le mérite de l'homme auprès de Dieu dans la vie chrétienne provient de ce que Dieu a librement disposé d'associer l'homme à l'oeuvre de sa grâce. L'action paternelle de Dieu est première par son impulsion, et le libre agir de l'homme est second en sa collaboration, de sorte que les mérites des oeuvres bonnes doivent être attribués à la grâce de Dieu d'abord, au fidèle ensuite. Le mérite de l'homme revient, d'ailleurs, lui-même à Dieu, car ses bonnes actions procèdent dans le Christ, des prévenances et des secours de l'Esprit Saint. L'adoption filiale, en nous rendant participants par grâce à la nature divine, peut nous conférer, suivant la justice gratuite de Dieu, un véritable mérite. C'est là un droit par grâce, le plein droit de l'amour, qui nous fait « cohéritiers »du Christ et dignes d'obtenir l'« héritage promis de la vie éternelle ». Les mérites de nos bonnes oeuvres sont des dons de la bonté divine. « La grâce a précédé ; maintenant on rend ce qui est dû. (...) Les mérites sont des dons de Dieu. » L'initiative appartenant à Dieu dans l'ordre de la grâce, personne ne peut mériter la grâce première, à l'origine de la conversion, du pardon et de la justification. Sous la motion de l'Esprit Saint et de la charité, nous pouvons ensuite mériter pour nous-mêmes et pour autrui les grâces utiles pour notre sanctification, pour la croissance de la grâce et de la charité, comme pour l'obtention de la vie éternelle. Les biens temporels eux-mêmes, comme la santé, l'amitié, peuvent être mérités suivant la sagesse de Dieu. Ces grâces et ces biens sont l'objet de la prière chrétienne. Celle-ci pourvoit à notre besoin de la grâce pour les actions méritoires. La charité du Christ est en nous la source de tous nos mérites devant Dieu. La grâce, en nous unissant au Christ d'un amour actif, assure la qualité surnaturelle de nos actes et, par suite, leur mérite devant Dieu comme devant les hommes. Les saints ont toujours eu une conscience vive que leurs mérites étaient pure grâce. Après l'exil de la terre, j'espère aller jouir de Vous dans la Patrie, mais je ne veux pas amasser de mérites pour le ciel, je veux travailler pour votre seul Amour (...). Au Soir de cette vie, je paraîtrai devant Vous les mains vides, car je ne Vous demande pas, Seigneur, de compter mes oeuvres. Toutes nos justices ont des taches à vos yeux. Je veux donc me revêtir de votre propre Justice et recevoir de votre Amour la possession éternelle de Vous-même...