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La vie de prière.

La prière est la vie du coeur nouveau. Elle doit nous animer à tout moment. Or nous oublions Celui qui est notre Vie et notre Tout. C'est pourquoi les Pères spirituels, dans la tradition du Deutéronome et des prophètes, insistent sur la prière comme « souvenir de Dieu », réveil fréquent de la mémoire du coeur » : « Il faut se souvenir de Dieu plus souvent qu'on ne respire1. » Mais on ne peut pas prier « en tout temps » Si l'on ne prie pas à certains moments, en le voulant ce sont les temps forts de la prière chrétienne, en intensité et en durée. La Tradition de l'Église propose aux fidèles des rythmes de prière destinés à nourrir la prière continuelle. Certains sont quotidiens : la prière du matin et du. soir, avant et après les repas, la Liturgie des Heures. Le dimanche, centré sur l'Eucharistie, est sanctifié principalement par la prière. Le cycle de l'année liturgique et ses grandes fêtes sont les rythmes fondamentaux de la vie de prière des chrétiens. Le Seigneur conduit chaque personne par les chemins et de la manière qui Lui plaisent. Chaque fidèle Lui répond aussi selon la détermination de son coeur et les expressions personnelles de sa prière. Cependant la tradition chrétienne a retenu trois expressions majeures de la vie de prière : la prière vocale, la méditation, l'oraison. Un trait fondamental leur est commun le recueillement du coeur. Cette vigilance à garder la Parole et à demeurer en présence de Dieu fait de ces trois expressions des temps forts de la vie de prière.

Les expressions de la prière.

I. La prière vocale.

Par sa Parole, Dieu parle à l'homme. C'est par des paroles, mentales ou vocales, que notre prière prend corps. Mais le plus important est la présence du coeur à Celui à qui nous parlons dans la prière. « Que notre prière soit entendue dépend, non de la quantité des paroles, mais de la ferveur de nos âmes. La prière vocale est une donnée indispensable de la vie chrétienne. Aux disciples, attirés par la prière silencieuse de leur Maître, Celui-ci enseigne une prière vocale le Notre Père. Jésus n'a pas seulement prié les prières liturgiques de la synagogue, les Évangiles nous Le montrent élever la voix pour exprimer sa prière personnelle, de la bénédiction exultante du Père jusqu'à la détresse de Gethsémani. Ce besoin d'associer les sens à la prière intérieure répond à une exigence de notre nature humaine. Nous sommes corps et esprit, et nous éprouvons le besoin de traduire extérieurement nos sentiments. Il faut prier avec tout notre être pour donner à notre supplication toute la puissance possible. Ce besoin répond aussi à une exigence divine. Dieu cherche des adorateurs en Esprit et en Vérité, et par conséquent la prière qui monte vivante des profondeurs de l'âme. Il veut aussi l'expression extérieure qui associe le corps à la prière intérieure, car elle Lui apporte cet hommage parfait de tout ce à quoi Il a droit. Parce qu'extérieure et si pleinement humaine, la prière vocale est par excellence la prière des foules. Mais aussi la prière la plus intérieure ne saurait négliger la prière vocale. La prière devient intérieure dans la mesure où nous prenons conscience de Celui « à qui nous parlons ». Mors la prière vocale devient une première forme de la prière contemplative.

Il. La méditation.

La méditation est surtout une recherche. L'esprit cherche à comprendre le pourquoi et le comment de la vie chrétienne, afin d'adhérer et de répondre à ce que le Seigneur demande. Il y faut une attention difficile à discipliner. Habituellement, on s'aide d'un livre, et les chrétiens n'en manquent pas les saintes Écritures, l'Évangile singulièrement, les saintes icônes, les textes liturgiques du jour ou du temps, les écrits des Pères spirituels, les ouvrages de spiritualité, le grand livre de la création et celui de l'histoire, la page de «l'Aujourd'hui » de Dieu. Méditer ce qu'on lit conduit à se l'approprier en le confrontant avec soi-même. Ici, un autre livre est ouvert celui de la vie. On passe des pensées à la réalité. A la mesure de l'humilité et de la foi, on y découvre les mouvements qui agitent le coeur et on peut les discerner. Il s'agit de faire la vérité pour venir à la Lumière « Seigneur, que veux-tu que je fasse? Les méthodes de méditation sont aussi diverses que les maîtres spirituels. Un chrétien se doit de vouloir méditer régulièrement, sinon il ressemble aux trois premiers terrains de la parabole du semeur. Mais une méthode n'est qu'un guide l'important est d'avancer, avec l'Esprit Saint, sur l'unique chemin de la prière : le Christ Jésus. La méditation met en oeuvre la pensée, l'imagination, l'émotion et le désir. Cette mobilisation est nécessaire pour approfondir les convictions de foi, susciter la conversion du coeur et fortifier la volonté de suivre le Christ. La prière chrétienne s'applique de préférence à méditer « les mystères du Christ », comme dans la lectio divina ou le Rosaire. Cette forme de réflexion priante est de grande valeur, mais la prière chrétienne doit tendre plus loin à la connaissance d'amour du Seigneur Jésus, à l'union avec Lui.

III. L'oraison.

Qu'est-ce que l'oraison? Ste Thérèse répond « L'oraison mentale n'est, à mon avis, qu'un commerce intime d'amitié où l'on s'entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé. » L'oraison cherche « Celui que mon coeur aime » (Ct 1, 7). C'est Jésus, et en Lui, le Père. Il est cherché, parce que Le désirer est toujours le commencement de l'amour, et Il est cherché dans la foi pure, cette foi qui nous fait naître de Lui et vivre en Lui. On peut méditer encore dans l'oraison, toutefois le regard porte sur le Seigneur. Le choix du temps et de la durée de l'oraison relève d'une volonté déterminée, révélatrice des secrets du coeur. On ne fait pas oraison quand on a le temps : on prend le temps d'être pour le Seigneur, avec la ferme détermination de ne pas le Lui reprendre en cours de route, quelles que soient les épreuves et la sécheresse de la rencontre. On ne peut pas toujours méditer, on peut toujours entrer en oraison, indépendamment des conditions de santé, de travail ou d'affectivité. Le coeur est le lieu de la recherche et de la rencontre, dans la pauvreté et dans la foi. L'entrée en oraison est analogue à celle de la liturgie eucharistique « rassembler » le coeur, recueillir tout notre être sous la mouvance de l'Esprit Saint, habiter la demeure du Seigneur que nous sommes, éveiller la foi pour entrer en la Présence de Celui qui nous attend, faire tomber nos masques et retourner notre coeur vers le Seigneur qui nous aime afin de nous remettre à Lui comme une offrande à purifier et à transformer. L'oraison est la prière de l'enfant de Dieu, du pécheur pardonné qui consent à accueillir l'amour dont il est aimé et qui veut y répondre en aimant plus encore1. Mais il sait que son amour en retour est celui que l'Esprit répand dans son coeur, car tout est grâce de la part de Dieu. L'oraison est la remise humble et pauvre à la volonté aimante du Père en union de plus en plus profonde à son Fils bien-aimé. Ainsi l'oraison est l'expression la plus simple du mystère de la prière. L'oraison est un don, une grâce; elle ne peut être accueillie que dans l'humilité et la pauvreté. L'oraison est une relation d'alliance établie par Dieu au fond de notre être. L'oraison est communion la Trinité Sainte y conforme l'homme, image de Dieu, « à sa ressemblance ». L'oraison est aussi le temps fort par excellence de la prière. Dans l'oraison, le Père nous e arme de puissance par son Esprit pour que se fortifie en nous l'homme intérieur, que le Christ habite en nos coeurs par la foi et que nous soyons enracinés, fondés dans l'amour » (Ep 3, 16-17). La contemplation est regard de foi, fixé sur Jésus. « Je L'avise et Il m'avise », disait à son saint curé le paysan d'Ars en prière devant le Tabernacle. Cette attention à Lui est renoncement au « moi ». Son regard purifie le coeur. La lumière du regard de Jésus illumine les yeux de notre coeur; elle nous apprend à tout voir dans la lumière de sa vérité et de sa compassion pour tous les hommes. La contemplation porte aussi son regard sur les mystères de la vie du Christ. Elle apprend ainsi « la connaissance intérieure du Seigneur » pour L'aimer et Le suivre davantage. L'oraison est écoute de la Parole de Dieu. Loin d'être passive, cette écoute est l'obéissance de la foi, accueil inconditionnel du serviteur et adhésion aimante de l'enfant. Elle participe au « Oui » du Fils devenu Serviteur et au « Fiat » de son humble servante. L'oraison est silence, ce « symbole du monde qui vient » ou « silencieux amour ». Les paroles dans l'oraison ne sont pas des discours mais des brindilles qui alimentent le feu de l'amour. C'est dans ce silence, insupportable à l'homme « extérieur », que le Père nous dit son Verbe incarné, souffrant, mort et ressuscité, et que l'Esprit filial nous fait participer à la prière de Jésus. L'oraison est union à la prière du Christ dans la mesure où elle fait participer à son mystère. Le mystère du Christ est célébré par l'Église dans l'Eucharistie, et l'Esprit Saint le fait vivre dans l'oraison, afin qu'il soit manifesté par la charité en acte. L'oraison est une communion d'amour porteuse de Vie pour la multitude, dans la mesure où elle est consentement à demeurer dans la nuit de la foi. La Nuit Pascale de la Résurrection passe par celle de l'agonie et du tombeau: Ce sont ces trois temps forts de l'Heure de Jésus que son Esprit (et non la « chair qui est faible ») fait vivre dans l'oraison. Il faut consentir à « veiller une heure avec Lui ».

EN BREF

L'Église invite les fidèles à une prière régulière : prières quotidiennes, Liturgie des Heures, Eucharistie dominicale, fêtes de l'année liturgique. La tradition chrétienne comprend trois expressions majeures de la vie de prière: la prière vocale, la méditation et l'oraison. Elles ont en commun le recueillement du coeur. La prière vocale, fondée sur l'union du corps et de l'esprit dans la nature humaine, associe le corps à la prière intérieure du coeur, à l'exemple du Christ priant son Père et enseignant le Notre Père à ses disciples. La méditation est une recherche priante qui met en oeuvre la pensée, l'imagination, l'émotion, le désir. Elle a pour but l'appropriation croyante du sujet considéré, confronté avec la réalité de notre vie. L'oraison mentale est l'expression simple du mystère de la prière. Elle est un regard de foi fixé sur Jésus, une écoute de la Parole de Dieu, un silencieux amour. Elle réalise l'union à la prière du Christ dans la mesure où elle nous fait participer à son mystère.

Le combat de la prière.

La prière est un don de la grâce et une réponse décidée de notre part. Elle suppose toujours un effort. Les grands priants de l'Ancienne Alliance avant le Christ, comme la Mère de Dieu et les saints avec Lui nous l'apprennent : la prière est un combat. Contre qui? Contre nous-mêmes et contre les ruses du Tentateur qui fait tout pour détourner l'homme de la prière, de l'union à son Dieu. On prie comme on vit, parce qu'on vit comme on prie. Si l'on ne veut pas habituellement agir selon l'Esprit du Christ, on ne peut pas non plus habituellement prier en son nom. Le « combat spirituel » de la vie nouvelle du chrétien est inséparable du combat de la prière.

I. Les objections à la prière.

Dans le combat de la prière, nous avons à faire face, en nous-mêmes et autour de nous, à des conceptions erronées de la prière. Certaines y voient une simple opération psychologique, d'autres un effort de concentration pour arriver au vide mental. Telles la codifient dans des attitudes et des paroles rituelles. Dans l'inconscient de beaucoup de chrétiens, prier est une occupation incompatible avec tout ce qu'ils ont à faire : ils n'ont pas le temps. Ceux qui cherchent Dieu par la prière se découragent vite parce qu'ils ignorent que la prière vient aussi de l'Esprit Saint et non pas d'eux seuls. Nous avons aussi à faire face à des mentalités de «ce monde-ci »; elles nous pénètrent si nous ne sommes pas vigilants, par exemple : le vrai serait seulement ce qui est vérifié par la raison et la science (or prier est un mystère qui déborde notre conscience et notre inconscient) ; les valeurs de production et de rendement (la prière, improductive, est donc inutile); le sensualisme et le confort, critères du vrai, du bien et du beau (or la prière, « amour de la Beauté » [philocalie], est éprise de la Gloire du Dieu vivant et vrai); en réaction contre l'activisme, voici la prière présentée comme fuite du monde (or la prière chrétienne n'est pas une sortie de l'histoire ni un divorce avec la vie). Enfin, notre combat doit faire face à ce que nous ressentons comme nos échecs dans la prière : découragement devant nos sécheresses, tristesse de ne pas tout donner au Seigneur, car nous avons « de grands biens' », déception de ne pas être exaucés selon notre volonté propre, blessure de notre orgueil qui se durcit sur notre indignité de pécheur, allergie à la gratuité de la prière, etc. La conclusion est toujours la même à quoi bon prier? Pour vaincre ces obstacles, il faut combattre pour l'humilité, la confiance et la persévérance.

Il. L'humble vigilance du coeur.

Face aux difficultés de la prière.

La difficulté habituelle de notre prière est la distraction.. Elle peut porter sur les mots et leur sens, dans la prière vocale ; elle peut porter, plus profondément, sur Celui que nous prions, dans la prière vocale (liturgique ou personnelle), dans la méditation et dans l'oraison. Partir à la chasse des distractions serait tomber dans leurs pièges, alors qu'il suffit de revenir à notre coeur : une distraction nous révèle ce à quoi nous sommes attachés et cette prise de conscience humble devant le Seigneur doit réveiller notre amour de préférence pour Lui, en Lui offrant résolument notre coeur pour qu'Il le purifie. Là se situe le combat, le choix du Maître a servir. Positivement, le combat contre notre moi possessif et dominateur est la vigilance, la sobriété du coeur. Quand Jésus insiste sur la vigilance, elle est toujours relative à Lui, à sa Venue, au dernier jour et chaque jour : « aujourd'hui ». L'Epoux vient au milieu de la nuit ; la lumière qui ne doit pas s'éteindre est celle de la foi : « De Toi mon coeur a dit: 'Cherche sa Face" » (Ps 27, 8). Une autre difficulté, spécialement pour ceux qui veulent sincèrement prier, est la sécheresse. Elle fait partie de l'oraison où le coeur est sevré, sans goût pour les pensées, souvenirs et sentiments, même spirituels. C'est le moment de la foi pure qui se tient fidèlement avec Jésus dans l'agonie et au tombeau. « Le grain de blé, s'il meurt, porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24). Si la sécheresse est due au manque de racine, parce que la Parole est tombée sur du roc, le combat relève de la conversion.

Face aux tentations dans la prière.

La tentation la plus courante, la plus cachée, est notre manque de foi. Elle s'exprime moins par une incrédulité déclarée que par une préférence de fait. Quand nous commençons à prier, mille travaux ou soucis, estimés urgents, se présentent comme prioritaires; de nouveau, c'est le moment de la vérité du coeur et de son amour de préférence. Tantôt nous nous tournons vers le Seigneur comme le dernier recours : mais y croit-on vraiment? Tantôt nous prenons le Seigneur comme allié, mais le coeur est encore dans la présomption. Dans tous les cas, notre manque de foi révèle que nous ne sommes pas encore dans la disposition du coeur humble : « Hors de Moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5). Une autre tentation, à laquelle la présomption ouvre la porte, est l'acédie. Les Pères spirituels entendent par là une forme de dépression due au relâchement de l'ascèse, à la baisse de la vigilance, à la négligence du coeur. « L'esprit est ardent, mais la chair est faible » (Mt 26, 41). Plus on tombe de haut, plus on se fait mal. Le découragement, douloureux, est l'envers de la présomption. Qui est humble ne s'étonne pas de Sa misère, elle le porte à plus de confiance, à tenir ferme dans la constance.

La confiance filiale.

La confiance filiale est éprouvée - elle se prouve - dans la tribulation. La difficulté principale concerne la prière de demande, pour soi ou pour les autres dans l'intercession. Certains cessent même de prier parce que, pensent-ils, leur demande n'est pas exaucée. Ici deux questions se posent Pourquoi pensons-nous que notre demande n'a pas été exaucée? Comment notre prière est-elle exaucée, « efficace »?

Pourquoi nous plaindre de ne pas être exaucés?

Une constatation devrait d'abord nous étonner. Quand nous louons Dieu ou Lui rendons grâces pour ses bienfaits en général, nous ne sommes guère inquiets de savoir Si notre prière Lui est agréable. En revanche, nous exigeons de voir le résultat de notre demande. Quelle est donc l'image de Dieu qui motive notre prière un moyen à utiliser ou le Père de notre Seigneur Jésus-Christ? Sommes-nous convaincus que « nous ne savons que demander pour prier comme il faut » (Rm 8, 26)? Demandons-nous à Dieu « les biens convenables »? Notre Père sait bien ce qu'il nous faut, avant que nous le Lui demandions, mais Il attend notre demande parce que la dignité de ses enfants est dans leur liberté. Or il faut prier avec son Esprit de liberté, pour pouvoir connaître en vérité son désir. Vous ne possédez pas parce que vous ne demandez pas. Vous demandez et ne recevez pas parce que vous demandez mal, afin de dépenser pour vos passions » (Jc 4, 2-3). Si nous demandons avec un coeur partagé, « adultère » (Jc 4, 4), Dieu ne peut nous exaucer, car Il veut notre bien, notre vie. « Pensez-vous que l'Écriture dise en vain Il désire avec jalousie l'Esprit qu'Il a mis en vous? » (Jc 4,5.) Notre Dieu est «jaloux » de nous, ce qui est le signe de la vérité de son amour. Entrons dans le désir de son Esprit et nous serons exauces. Ne t'afflige pas si tu ne reçois pas immédiatement de Dieu ce que tu Lui demandes; c'est qu'Il veut te faire plus de bien encore par ta persévérance à demeurer avec Lui dans la prière1. Il veut que notre désir s'éprouve dans la prière. Ainsi, Il nous dispose à recevoir ce qu'Il est prêt à nous donner.

Comment notre prière est-elle efficace?

La révélation de la prière dans l'économie du salut nous apprend que la foi s'appuie sur l'action de Dieu dans l'histoire. La confiance filiale est suscitée par son action par excellence : la passion et la Résurrection de son Fils. La prière chrétienne est coopération à sa Providence, à son dessein d'amour pour les hommes. Chez S. Paul, cette confiance est audacieuse, fondée sur la prière de l'Esprit en nous et sur l'amour fidèle du Père qui nous a donné son Fils unique. La transformation du coeur qui prie est la première réponse à notre demande. La prière de Jésus fait de la prière chrétienne une demande efficace. Il en est le modèle, Il prie en nous et avec nous. Puisque le coeur du Fils ne cherche que ce qui plaît au Père, comment celui des enfants d'adoption s'attacherait-il aux dons plutôt qu'au Donateur? Jésus prie aussi pour nous, à notre place et en notre faveur. Toutes nos demandes ont été recueillies une fois pour toutes dans son Cri sur la Croix et exaucées par le Père dans sa Résurrection, et c'est pourquoi Il ne cesse d'intercéder pour nous auprès du Père . Si notre prière est résolument unie à celle de Jésus, dans la confiance et l'audace filiale, nous obtenons tout ce que nous demandons en son nom, bien davantage que ceci ou cela : l'Esprit Saint Lui-même, qui contient tous les dons.

Persévérer dans l'amour.

« Priez sans cesse » (1 Th 5, 17), « en tout temps et à tout propos, rendez grâces à Dieu le Père au nom de notre 2tts Seigneur Jésus-Christ » (Ep 5, 20), « vivez dans la prière et les supplications; priez en tout temps dans l'Esprit, apportez-y une vigilance inlassable et intercédez pour tous les saints » (Ep 6, 18). « Il ne nous a pas été prescrit de travailler, de veiller et de jeûner constamment, tandis que c'est pour nous une loi de prier sans cesse1. » Cette ardeur inlassable ne peut venir que de l'amour. Contre notre pesanteur et notre paresse le combat de la prière est celui de l'amour humble, confiant et persévérant. Cet amour ouvre nos coeurs sur trois évidences de foi, lumineuses et vivifiantes. Prier est toujours possible le temps du chrétien est celui du Christ ressuscité qui est « avec nous, tous les jours » (Mt 28, 20), quelles que soient les tempêtes. Notre temps est dans la main de Dieu. Il est possible, même au marché ou dans une promenade solitaire, de faire une fréquente et fervente prière. Assis dans votre boutique, soit en train d'acheter ou de vendre, ou même de faire la cuisine. Prier est une nécessité vitale. La preuve par le contraire n'est pas moins convaincante : Si nous ne nous laissons pas mener par l'Esprit, nous retombons sous l'esclavage du péché. Comment l'Esprit Saint peut-Il être « notre Vie » Si notre coeur est loin de Lui? Rien ne vaut la prière; elle rend possible ce qui est impossible, facile ce qui est difficile. Il est impossible que l'homme qui prie puisse pécher. Qui prie, se sauve certainement; qui ne prie pas se damne certainement. Prière et vie chrétiennes sont inséparables car il s'agit du même amour et du même renoncement qui procède de l'amour. La même conformité filiale et aimante au dessein d'amour du Père. La même union transformante dans l'Esprit Saint qui nous conforme. toujours plus au Christ . Jésus. Le même amour pour tous les hommes, de cet amour dont Jésus nous a aimés. « Tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, Il vous l'accordera. Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres » (Jn 15, 17). Celui-là prie sans cesse qui unit la prière aux oeuvres et les oeuvres à la prière. Ainsi seulement nous pouvons considérer comme réalisable le principe de prier sans cesse.

La prière de l'Heure de Jésus.

Quand son Heure est venue, Jésus prie le Père. Sa prière, la plus longue transmise par l'Évangile, embrasse toute l'économie de la création et du salut, comme sa mort et sa Résurrection. La prière de l'Heure de Jésus demeure toujours la sienne, de même que sa Pâque, advenue « une fois pour toutes », demeure présente dans la liturgie de son Église. La tradition chrétienne l'appelle à juste titre la prière sacerdotale » de Jésus. Elle est celle de notre Grand Prêtre, elle est inséparable de son Sacrifice, de son « passage » (Pâque) vers le Père où Il est « consacré » tout entier au Père. Dans cette prière Pascale, sacrificielle, tout est « récapitulé » en Lui Dieu et le monde, le Verbe et la chair, la vie éternelle et le temps, l'amour qui se livre et le péché qui le trahit, les disciples présents et ceux qui croiront en Lui par leur parole, l'abaissement et la gloire. Elle est la prière de l'Unité. Jésus a tout accompli de l'oeuvre du Père et sa prière, comme son Sacrifice, s'étend jusqu'à la consommation du temps. La prière de l'Heure emplit les derniers temps et les porte vers leur consommation. Jésus, le Fils à qui le Père a tout donné, est tout remis au Père, et, en même temps, Il s'exprime avec une liberté souveraine de par le pouvoir que le Père Lui a donné sur toute chair. Le Fils, qui s'est fait Serviteur, est le Seigneur, le Pantocrator. Notre Grand Prêtre qui prie pour nous est aussi Celui qui prie en nous et le Dieu qui nous exauce. C'est en entrant dans le saint nom du Seigneur Jésus que nous pouvons accueillir, du dedans, la prière qu'Il nous apprend : « Notre Père! » Sa prière sacerdotale inspire, du dedans, les grandes demandes du Pater : le souci du nom du Père, la passion de son Règne (la gloire), l'accomplissement de la volonté du Père, de son dessein de salut et la libération du mal. Enfin, c'est dans cette prière que Jésus nous révèle et nous donne la « connaissance » indissociable du Père et du Fils qui est le mystère même de la Vie de prière.

EN BREF

La prière suppose un effort et une lutte contre nous- mêmes et contre les ruses du Tentateur. Le combat de la prière est inséparable du « combat spirituel » nécessaire pour agir habituellement selon l'Esprit du Christ : on prie comme on vit, parce qu'on vit comme on prie. Dans le combat de la prière nous devons faire face à des conceptions erronées, à divers courants de mentalité, à l'expérience de nos échecs. A ces tentations qui jettent le doute sur l'utilité ou la possibilité même de la prière il convient de répondre par l'humilité, la confiance et la persévérance. Les difficultés principales dans l'exercice de la prière sont la distraction et la sécheresse. Le remède est dans la foi, la conversion et la vigilance du coeur. Deux tentations fréquentes menacent la prière : le manque de foi et l'acédie qui est une forme de dépression due au relâchement de l'ascèse et portant au découragement. La confiance filiale est mise à l'épreuve quand nous avons le sentiment de n'être pas toujours exaucés. L 'Évangile nous invite à nous interroger sur la conformité de notre prière au désir de l'Esprit. « Priez sans cesse » (1 Th 5, 17). Prier est toujours possible. C'est même une nécessité vitale. Prière et vie chrétienne sont inséparables.

 La prière dans la vie chrétienne.

Il est grand le mystère de la foi. » L'Église le professe dans le Symbole des apôtres (première partie) et elle le célèbre dans la liturgie sacramentelle (deuxième partie), afin que la vie des fidèles soit conformée au Christ dans l'Esprit Saint à la Gloire de Dieu le Père (troisième partie) -Ce mystère exige donc que les fidèles y croient, le célèbrent et en vivent dans une relation vivante et personnelle avec le Dieu vivant et vrai. Cette relation est la prière.

Qu'est-ce que la prière?

Pour moi, la prière c'est un élan du coeur, c'est un simple regard jeté vers le ciel, c'est un cri de reconnaissance et d'amour au sein de l'épreuve comme au sein de la joie.

La prière comme don de Dieu.

« La prière est l'élévation de l'âme vers Dieu ou la demande à Dieu des biens convenables. » D'où parlonsRous en priant? De la hauteur de notre orgueil et de notre volonté propre, ou des « profondeurs» (Ps 130, 14) d'un coeur humble et contrit? C'est celui qui s'abaisse qui est élevé. L'humilité est le fondement de la prière. «Nous ne savons que demander pour prier comme il faut » (Rm 8,26). L'humilité est la disposition pour recevoir gratuitement Le don de la prière : L'homme est un mendiant de Dieu. « Si tu savais le don de Dieu! » (Jn 4, 10.) La merveille de la prière se révèle justement là, au bord des puits où nous venons chercher notre eau là, le Christ vient à la rencontre de tout être humain, Il est le premier à nous chercher et c est Lui qui demande à boire. Jésus a soif, sa demande vient des profondeurs de Dieu qui nous désire. La prière, que nous le sachions ou non, est la rencontre de la soif de Dieu et de la nôtre. Dieu a soif que nous ayons soif de Lui. « C'est toi qui L'en aurais prié et Il t'aurait donné de l'eau vive » (Jn 4, 10). Notre prière de demande est paradoxalement une réponse. Réponse à la plainte du Dieu vivant « Ils m'ont abandonné, moi la Source d'eau vive, pour se creuser des citernes lézardées! » (Jr 2, 13), réponse de foi à la promesse gratuite du salut, réponse d'amour à la soif du Fils unique.

La prière comme alliance.

D'où vient la prière de l'homme? Quel que soit le langage de la prière (gestes et paroles), c'est tout l'homme qui prie. Mais pour désigner le lieu d'où jaillit la prière, les Écritures parlent parfois de l'âme ou de l'esprit, le plus souvent du coeur (plus de mille fois). C'est le coeur qui prie. S'il est loin de Dieu, l'expression de la prière est vaine. Le coeur est la demeure où je suis, où j'habite (selon l'expression sémitique ou biblique où je « descends »). Il est notre centre caché, insaisissable par notre raison et par autrui ; seul l'Esprit de Dieu peut le sonder et le connaître, Il est le lieu de la décision, au plus profond de nos tendance~ psychiques. Il est le lieu de la vérité, là où nous choisissons la vie ou la mort. Il est le lieu de la rencontre, puisque l'image de Dieu, nous vivons en relation il est le lieu de l'alliance. La prière chrétienne est une relation d'alliance entre Dieu et l'homme dans le Christ. Elle est action de Dieu e de' l'homme; elle jaillit de l'Esprit Saint et de nous, tout dirigée vers le Père, en union avec la volonté humaine d Fils de Dieu fait homme.

La prière comme communion.

Dans la Nouvelle Alliance, la prière est la relation vivante des enfants de Dieu avec leur Père infiniment bon, avec son Fils Jésus-Christ et avec l'Esprit Saint. La grâce du Royaume est « l'union de la Sainte Trinité tout entière avec l'esprit tout entier ». La vie de prière est ainsi d'être habituellement en présence du Dieu trois fois Saint et en communion avec Lui. Cette communion de vie est toujours possible parce que, par le Baptême, nous sommes devenus un même être avec le Christ. La prière est chrétienne en tant qu'elle est communion au Christ et se dilate dans l'Église qui est son Corps. Ses dimensions sont celles de l'Amour du Christ.

La révélation de la prière.

L'appel universel à la prière.

L'homme est en quête de Dieu. Par la création Dieu appelle tout être du néant à l'existence. « Couronné de gloire et de splendeur » (Ps 8, 6), l'homme est, après les anges, capable de reconnaître « qu'il est grand le nom du Seigneur par toute la terre » (Ps 8, 2). Même après avoir perdu la ressemblance avec Dieu par son péché, l'homme reste à l'image de son Créateur. Il garde le désir de Celui qui l'appelle à l'existence. Toutes les religions témoignent de cette quête essentielle des hommes. Dieu, le premier, appelle l'homme. Que l'homme oublie son Créateur ou se cache loin de sa Face, qu'il coure après ses idoles ou accuse la divinité de l'avoir abandonné, le Dieu vivant et vrai appelle inlassablement chaque personne à la rencontre mystérieuse de la prière. Cette démarche d'amour du Dieu fidèle est toujours première dans la prière, la démarche de l'homme est toujours une réponse. Au fur et à mesure que Dieu se révèle et révèle l'homme à lui-même, la prière apparaît comme un appel réciproque, un drame d'alliance. A travers des paroles et des actes, ce drame engage le coeur. Il se dévoile à travers toute l'histoire du salut.

Dans l'Ancien Testament.

La révélation de la prière dans l'Ancien Testament s'inscrit entre la chute et le relèvement de l'homme, entre l'appel douloureux de Dieu à ses premiers enfants « Où es-tu? (...) Qu'as-tu fait? » (On 3, 9.13) et la réponse du Fils unique entrant dans le monde (« Voici, je viens pour faire, ô Dieu, ta volonté » He 10, 5-7). La prière est ainsi liée à l'histoire des hommes, elle est la relation à Dieu dans les événements de l'histoire.

La création - source de la prière.

C'est d'abord à partir des réalités de la création que se vit la prière. Les neuf premiers chapitres de la Genèse décrivent cette relation à Dieu comme offrande des premiers-nés du troupeau par Abel, comme invocation du nom divin par Enosh2, comme « marche avec Dieu » (Gn 5, 24). L'offrande de Noé est « agréable » à Dieu qui le bénit, et a travers lui, bénit toute la création, parce que son coeur est juste et intègre : lui aussi « marche avec Dieu » (Gn 6, 9). Cette qualité de la prière est vécue par une multitude de justes dans toutes les religions. Dans son alliance indéfectible avec les êtres vivants Dieu appelle toujours les hommes à Le prier. Mais c'est surtout à partir de notre père Abraham qu'est révélée la prière dans l'Ancien Testament.

La promesse et la prière de la foi.

Dès que Dieu l'appelle, Abraham part « comme le lui avait dit le Seigneur » (On 12, 4) son coeur est tout « soumis à la Parole », il obéit. L'écoute du coeur qui se décide selon Dieu est essentielle à la prière, les paroles lui sont relatives. Mais la prière d'Abraham s'exprime d'abord par des actes homme de silence, il construit, à chaque étape, un autel au Seigneur. Plus tard seulement apparaît sa première prière en paroles une plainte voilée qui rappelle à Dieu ses promesses qui ne semblent pas se réaliser. Dès le début apparaît ainsi l'un des aspects du drame de la prière : l'épreuve de la foi en la fidélité de Dieu. Ayant cru en Dieu, marchant en sa présence et en alliance avec Lui, le patriarche est prêt à accueillir sous sa tente son Hôte mystérieux c'est l'admirable hospitalité de Mambré, prélude à l'Annonciation du vrai Fils de la promesse. Dès lors, Dieu lui ayant confié son dessein, le coeur d'Abraham est accordé à la compassion de son Seigneur pour les hommes et il ose intercéder pour eux avec une confiance audacieuse. Ultime purification de sa foi, il est demandé au « dépositaire des promesses » (He 11, 17) de sacrifier le fils que Dieu lui a donné. Sa foi ne faiblit pas : « C'est Dieu qui pourvoira à l'agneau pour l'holocauste » (On 22, 8), «car Dieu, pensait-il, est capable même de ressusciter les morts » (Re 11, 19). Ainsi le père des croyants est-il conformé à la ressemblance du Père qui n'épargnera pas son propre Fils mais Le livrera pour nous tous6. La prière restaure l'homme à la ressemblance de Dieu et le fait participer à la puissance de l'amour de Dieu qui sauve la multitude. Dieu renouvelle sa promesse à Jacob, l'ancêtre des douze tribus d'Israël. Avant d'affronter son frère Esaü, il lutte toute une nuit avec « quelqu'un » de mystérieux qui refuse de révéler son nom mais le bénit avant de le quitter à l'aurore. La tradition spirituelle de l'Église a retenu de ce récit le symbole de la prière comme combat de la foi et victoire de la persévérance.

Moïse et la prière du médiateur.

Lorsque commence à se réaliser la promesse (la Pâque, l'Exode, le don de la Loi et la conclusion de l'alliance), la prière de Moïse est la figure saisissante de la prière d'intercession qui s'accomplira dans « l'unique Médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus » (1 Tm 2, 5). Ici encore, Dieu vient, le premier. Il appelle Moïse du milieu du Buisson ardent. Cet événement restera l'une des figures primordiales de la prière dans la tradition spirituelle juive et chrétienne. En effet, si « le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob » appelle son serviteur Moïse, c'est qu'Il est le Dieu Vivant qui veut la vie des hommes. Il se révèle pour les sauver, mais pas tout seul ni malgré eux :Il appelle Moïse pour l'envoyer, pour l'associer à sa compassion, à son oeuvre de salut. Il y a comme une imploration divine dans cette mission et Moïse, après un long débat, ajustera sa volonté à celle du Dieu Sauveur. Mais dans ce dialogue où Dieu se confie, Moïse apprend aussi à prier il se dérobe, il objecte, surtout il demande, et c'est en réponse à sa demande que le Seigneur lui confie son nom indicible qui se révélera dans ses hauts faits. Or, « Dieu parlait à Moïse face à face, comme un homme parle à son ami » (Ex 33, 11). La prière de Moïse est typique de la prière contemplative grâce à laquelle le serviteur de Dieu est fidèle à sa mission. Moïse « s'entretient » souvent et longuement avec le Seigneur, gravissant la montagne pour L'écouter et L'implorer, descendant vers le peuple pour lui redire les paroles de son Dieu et le guider. « Il est à demeure dans ma maison, je Lui parle bouche à bouche, dans l'évidence » (Nb 12, 7-8), car « Moïse était un homme très humble, l'homme le plus humble que la terre ait porté » (Nb 12, 3). Dans cette intimité avec le Dieu fidèle, lent à la colère et plein d'amour1, Moïse a puisé la force et la ténacité de son intercession. Il ne prie pas pour lui mais pour le peuple que Dieu s'est acquis. Déjà durant le combat avec les Amalécites ou pour obtenir la guérison de Miriam, Moïse intercède. Mais c'est surtout après l'apostasie du peuple qu'il « se tient sur la brèche » devant Dieu (Ps 106,23) pour sauver le peuple. Les arguments de sa prière (l'intercession est aussi un combat mystérieux) inspireront l'audace des grands priants du peuple juif comme de l'Église : Dieu est amour, Il est donc jus te et fidèle Il ne peut se contredire, Il doit se souvenir de ses actions merveilleuses, sa Gloire est enjeu, Il ne peut abandonner ce peuple qui porte son nom.

David et la prière du roi.

La prière du Peuple de Dieu va s'épanouir à l'ombre de la demeure de Dieu, l'arche d'alliance et plus tard le Temple. Ce sont d'abord les guides du peuple - les pasteurs et les prophètes - qui lui apprendront à prier. Samuel enfant a dû apprendre de sa mère Anne comment « se tenir devant le Seigneur1 » et du prêtre Eh comment écouter sa Parole « Parle, Seigneur, carton serviteur écoute » (1 S3, 9-10). Plus tard, lui aussi connaîtra le prix et le poids de l'intercession : « Pour ma part, que je me garde de pécher contre le Seigneur en cessant de prier pour vous et de vous enseigner le bon et droit chemin » (1 S 12, 23). David est par excellence le roi « selon le coeur de Dieu », le pasteur qui prie pour son peuple et en son nom, celui dont la soumission à la volonté de Dieu, la louange et le repentir seront le modèle de la prière du peuple. Oint de Dieu, sa prière est adhésion fidèle à la promesse divine, confiance aimante et joyeuse en Celui qui est le seul Roi et Seigneur. Dans les Psaumes, David, inspiré par l'Esprit Saint, est le premier prophète de la prière juive et chrétienne. La prière du Christ, véritable Messie et Fils de David, révélera et accomplira le sens de cette prière. Le Temple de Jérusalem, la maison de prière que David voulait construire, sera l'oeuvre de son fils, Salomon. La prière de la Dédicace du Temple s'appuie sur la promesse de Dieu et son alliance, la présence agissante de son nom parmi son Peuple et le rappel des hauts faits de l'Exode. Le roi élève alors les mains vers le ciel et supplie le Seigneur pour lui, pour tout le peuple, pour les générations à venir, pour le pardon de leurs péchés et leurs besoins de chaque jour, afin que toutes les nations sachent qu'Il est le seul Dieu et que le coeur de son peuple soit tout entier à Lui.

Élie, les prophètes et la conversion du coeur.

Le Temple devait être pour le Peuple de Dieu le lieu de son éducation à la prière les pèlerinages, les fêtes, les sacrifices, l'offrande du soir, l'encens, les pains de « proposition », tous ces signes de la Sainteté et de la Gloire du Dieu Très Haut et tout Proche, étaient des appels et des chemins de la prière. Mais le ritualisme entraînait souvent le peuple vers un culte trop extérieur. Il y fallait l'éducation de la foi, la conversion du coeur. Ce fut la mission des prophètes, avant et après l'Exil. Elle est le père des prophètes, « de la race de ceux qui cherchent Dieu, qui poursuivent sa Face » (Ps 24, 6). Son nom, « Le Seigneur est mon Dieu », annonce le cri du peuple en réponse à sa prière sur le mont Carmel1. Jacques renvoie à lui pour nous inciter à la prière « La supplication ardente du juste a beaucoup de puissance » (Jc 5, 16b-18). Après avoir appris la miséricorde dans sa retraite au torrent de Kérit, il apprend à la veuve de Sarepta la foi en la parole de Dieu, foi qu'il confirme par sa prière instante Dieu fait revenir à la vie l'enfant de la veuve. Lors du sacrifice sur le mont Carmel, épreuve décisive pour la foi du Peuple de Dieu, c'est à sa supplication que le eu du Seigneur consume l'holocauste, « à l'heure où l'on présente l'offrande du soir » « Réponds-moi, Seigneur, réponds-moi! » ce sont les paroles mêmes d'Elie que les liturgies orientales reprennent dans l'épiclèse eucharistique. Enfin, reprenant le chemin du désert vers le lieu où le Dieu vivant et vrai s'est révélé à son peuple, Elie se blottit, comme Moïse, « au creux du rocher » jusqu'à ce que « passe » la Présence mystérieuse de Dieu. Mais c'est seulement sur la montagne de la Transfiguration que se dévoilera Celui dont ils poursuivent la Face : la connaissance de la Gloire de Dieu est sur la face du Christ crucifié et ressuscité. Dans le « seul à seul avec Dieu » les prophètes puisent lumière et force pour leur mission. Leur prière n'est pas une fuite du monde infidèle mais une écoute de la Parole de Dieu, parfois un débat ou une plainte, toujours une intercession qui attend et prépare l'intervention du Dieu Sauveur, Seigneur de l'histoire.

Les Psaumes, prière de l'assemblée.

Depuis David jusqu'à la venue du Messie, les livres saints contiennent des textes de prière qui témoignent de l'approfondissement de la prière, pour soi-même et pour les autres. Les psaumes ont été peu à peu rassemblés en un recueil de cinq livres les Psaumes (ou « Louanges »), chef-d'oeuvre de la prière dans l'Ancien Testament. Les Psaumes nourrissent et expriment la prière du Peuple de Dieu comme assemblée, lors des grandes fêtes àJérusalem et chaque sabbat dans les synagogues. Cette prière est inséparablement personnelle et communautaire; elle concerne ceux qui prient et tous les hommes; elle monte de la Terre sainte et des communautés de la Diaspora mais elle embrasse toute la création; elle rappelle les événements sauveurs du passé et s'étend jusqu'à la consommation de l'histoire; elle fait mémoire des promesses de Dieu déjà réalisées et elle attend le Messie qui les accomplira définitivement. Priés et accomplis dans le Christ, les Psaumes demeurent essentiels à la prière de son Église. Le Psautier est le livre où la Parole de Dieu devient prière de l'homme. Dans les autres livres de l'Ancien Testament « les paroles proclament les oeuvres (de Dieu pour les hommes> « et font découvrir le mystère qui s'y trouve contenu ». Dans le Psautier, les paroles du psalmiste expriment, en les chantant pour Dieu, ses oeuvres de salut. Le même Esprit inspire l'oeuvre de Dieu et la réponse de l'homme. Le Christ unira l'une et l'autre. En Lui, les psaumes ne cessent de nous apprendre à prier. Les expressions multiformes de la prière des Psaumes prennent forme à la fois dans la liturgie du Temple et dans le coeur de l'homme. Qu'il s'agisse d'hymne, de prière de détresse ou d'action de grâce, de supplication individuelle ou communautaire, de chant royal ou de pèlerinage, de méditation sapientielle, les psaumes sont le miroir des merveilles de Dieu dans l'histoire de son peuple et des situations humaines vécues par le psalmiste. Un psaume peut refléter un événement du passé, mais il est d'une sobriété telle qu'il peut être prie en vente par les hommes de toute condition et de tout temps. Des traits constants traversent les Psaumes : la simplicité et la spontanéité de la prière, le désir de Dieu Lui-même à travers et avec tout ce qui est bon dans sa création, la situation inconfortable du croyant qui, dans son amour de préférence pour le Seigneur, est en butte à une foule d'ennemis et de tentations, et, dans l'attente de ce que fera le Dieu fidèle, la certitude de son amour et la remise à sa sa volonté. La prière des psaumes est toujours portée par la louange et c'est pourquoi le titre de ce recueil convient bien à ce qu'il nous livre : « les Louanges ». Recueilli pour le culte de l'Assemblée, il fait entendre l'appel à la prière et en chante la réponse « Hallelou-Ya! » (Alleluia), « Louez le Seigneur! ». Qu'y a-t-il de meilleur qu'un psaume? C'est pourquoi David dit très bien « Louez le Seigneur, car le Psaume est une bonne chose a notre Dieu, louange douce et belle! Et c'est vrai. Car le psaume est bénédiction prononcée par le peuple, louange de Dieu par l'assemblée, applaudissement par tous, parole dite par l'univers, voix de l'Église, mélodieuse profession de foi...

EN BREF

« La prière est l'élévation de l'âme vers Dieu ou la demande à Dieu des biens convenables. » Dieu appelle inlassablement chaque personne à la rencontre mystérieuse avec Lui. La prière accompagne toute l'histoire du salut comme un appel réciproque entre Dieu et l'homme. La prière d'Abraham et de Jacob se présente comme un combat de la foi dans la confiance en la fidélité de Dieu et dans la certitude de la victoire promise à la persévérance. La prière de Moïse répond à l'initiative du Dieu vivant pour le salut de son peuple. Elle préfigure la prière d'intercession de l'unique médiateur, le Christ Jésus. La prière du Peuple de Dieu s'épanouit à l'ombre de la demeure de Dieu, l'arche d'alliance et le Temple, sous la conduite des pasteurs, le roi David notamment, et des prophètes. Les prophètes appellent à la conversion du coeur et, tout en recherchant ardemment la face de Dieu, tel Elie, ils intercèdent pour le peuple. Les Psaumes constituent le chef-d'oeuvre de la prière dans l'Ancien Testament. Ils présentent deux composantes inséparables personnelle et communautaire. Ils s'étendent à toutes les dimensions de l'histoire, commémorant les promesses de Dieu déjà accomplies et espérant la venue du Messie. Priés et accomplis dans le Christ, les Psaumes sont un élément essentiel et permanent de la prière de son Église. Ils sont adaptés aux hommes de toute condition et de tout temps.