Le quatrième commandement.
Honore ton père et ta mère afin d'avoir longue vie sur la terre que le Seigneur ton Dieu te donne (Ex 20, 12). Il leur était soumis (Le 2, 51).
Le Seigneur Jésus a Lui-même rappelé la force de ce « commandement de Dieu » (Mc 7, 8). L'apôtre enseigne : « Enfants, obéissez à vos parents, dans le Seigneur cela est juste. "Honore ton père et ta mère", tel est le premier commandement auquel soit attachée une promesse : "pour que tu t'en trouves bien et jouisses d'une longue vie sur la terre" » (Ep 6, 1-3)1. Le quatrième commandement ouvre la seconde table. Il indique l'ordre de la charité. Dieu a voulu qu'après Lui, nous honorions nos parents à qui nous devons la vie et qui nous ont transmis la connaissance de Dieu. Nous sommes tenus d'honorer et de respecter tous ceux que Dieu, pour notre bien, a revêtus de son autorité. Ce précepte s'exprime sous la forme positive de devoirs à accomplir. Il annonce les commandements suivants qui concernent un respect particulier de la vie, du mariage, des biens terrestres, de la parole. Il constitue l'un des fondements de la doctrine sociale de l'Église. Le quatrième commandement s'adresse expressément aux enfants dans leurs relations avec leurs père et mère, parce que cette relation est la plus universelle. Il concerne également les rapports de parenté avec les membres du groupe familial. Il demande de rendre honneur, affection et reconnaissance aux aïeux et aux ancêtres. Il s'étend enfin aux devoirs des élèves à l'égard du maître, des employés à l'égard des employeurs, des subordonnés à l'égard de leurs chefs, des citoyens à l'égard de leur patrie, de ceux qui l'administrent ou la gouvernent. Ce commandement implique et sous-entend les devoirs des parents, tuteurs, maîtres, chefs, magistrats, gouvernants, de tous ceux qui exercent une autorité sur autrui ou sur une communauté de personnes. L'observation du quatrième commandement comporte sa récompense : « Honore ton père et ta mère afin d'avoir longue vie sur la terre que le Seigneur ton Dieu te donne» (Ex 20, 12; Dt 5, 16). Le respect de ce commandement procure, avec les fruits spirituels, des fruits temporels de paix et de prospérité. Au contraire, l'inobservance de ce commandement entraîne de grands dommages pour les communautés et pour les personnes humaines.
I. La famille dans le plan de Dieu.
Nature de la famille.
La communauté conjugale est établie sur le consentement des époux. Le mariage et la famille sont ordonnés au bien des époux et à la procréation et à l'éducation des enfants. L'amour des époux et la génération des enfants instituent entre les membres d'une même famille des relations personnelles et des responsabilités primordiales. Un homme et une femme unis en mariage forment avec leurs enfants une famille. Cette disposition précède toute reconnaissance par l'autorité publique ; elle s'impose à elle. On la considérera comme la référence normale, en fonction de laquelle doivent être appréciées les diverses formes de parenté. En créant l'homme et la femme, Dieu a institué la famille humaine et l'a dotée de sa constitution fondamentale. Ses membres sont des personnes égales en dignité. Pour le bien commun de ses membres et de la société, la famille implique une diversité de responsabilités, de droits et de devoirs.
La famille chrétienne.
« La famille chrétienne constitue une révélation et une réalisation spécifiques de la communion ecclésiale; pour cette raison, (.~.) elle doit être désignée comme une église domestique. » Elle est une communauté de foi, d'espérance et de charité ; elle revêt dans l'Église une importance singulière comme il apparaît dans le Nouveau Testament. La famille chrétienne est une communion de personnes, trace et image de la communion du Père et du Fils dans l'Esprit Saint. Son activité procréatrice et éducative est le reflet de l'oeuvre créatrice du Père. Elle est appelée à partager la prière et le sacrifice du Christ. La prière quotidienne et la lecture de la Parole de Dieu fortifient en elle la charité. La famille chrétienne est évangélisatrice et missionnaire. Les relations au sein de la famille entraînent une affinité de sentiments, d'affections et d'intérêts, qui provient sur-tout du mutuel respect des personnes. La famille est une communauté privilégiée appelée à réaliser « une mise en commun des pensées entre les époux et aussi une attentive coopération des parents dans l'éducation des enfants ».
11. La famille et la société.
La famille est la cellule originelle de la vie sociale. Elle est la société naturelle où l'homme et la femme sont appelés au don de soi dans l'amour et dans le don de la vie. L'autorité, la stabilité et la vie de relations au sein de la famille constituent les fondements de la liberté, de la sécurité, de la fraternité au sein de la société. La famille est la communauté dans laquelle, dès l'enfance, on peut apprendre les valeurs morales, commencer à honorer Dieu et bien user de la liberté. La vie de famille est initiation à la vie en société. La famille doit vivre de façon que ses membres apprennent le souci et la prise en charge des jeunes et des anciens, des personnes malades ou handicapées et des pauvres. Nombreuses sont les familles qui, à certains moments, ne se trouvent pas en mesure de fournir cette aide. Il revient alors à d'autres personnes, à d'autres familles et, subsidiairement, à la société, de pourvoir à leurs besoins : « La dévotion pure et sans tache devant Dieu notre Père consiste en ceci visiter orphelins et veuves dans leurs épreuves et se garder de toute souillure du monde »(Jc 1, 27). La famille doit être aidée et défendue par les mesures sociales appropriées. Là où les familles ne sont pas en mesure de remplir leurs fonctions, les autres corps sociaux ont le devoir de les aider et de soutenir l'institution familiale. Suivant le principe de subsidiarité, les communautés plus vastes se garderont d'usurper ses pouvoirs ou de s'immiscer dans sa vie. L'importance de la famille pour la vie et le bien-être de la société entraîne une responsabilité particulière de celle-ci dans le soutien et l'affermissement du mariage et dé la famille. Que le pouvoir civil considère comme un devoir grave de « reconnaître et de protéger la vraie nature du mariage et de la famille, de défendre la moralité publique et de favoriser la prospérité des foyers ». La communauté politique a le devoir d'honorer la famille, de l'assister, de lui assurer notamment: - la liberté de fonder un foyer, d'avoir des enfants et de les élever en accord avec ses propres convictions morales et religieuses; - la protection de la stabilité du lien conjugal et de l'institution familiale; - la liberté de professer sa foi, de la transmettre, d'élever ses enfants en elle, avec les moyens et les institutions nécessaires; - le droit à la propriété privée, la liberté d'entreprendre, d'obtenir un travail, un logement, le droit d'émigrer; - selon les institutions des pays, le droit aux soins médicaux, à l'assistance pour les personnes âgées, aux allocations familiales; - le protection de la sécurité et de la salubrité, notamment à l'égard des dangers comme la drogue, la pornographie, l'alcoolisme, etc. - la liberté de former des associations avec d'autres familles et d'être ainsi représentées auprès des autorités civiles. Le quatrième commandement éclaire les autres relations dans la société. Dans nos frères et soeurs, nous voyons les enfants de nos parents; dans nos cousins, les descendants de nos aïeux ; dans nos concitoyens, les fils de notre patrie; dans les baptisés, les enfants de notre mère, l'Église; dans toute personne humaine, un fils ou une fille de Celui qui veut être appelé « notre Père ». Par là, nos relations avec notre prochain sont reconnues d'ordre personnel. Le prochain n'est pas un « individu » de la collectivité humaine ; il est « quelqu'un » qui, par ses origines connues, mérite une attention et un respect singuliers. Les communautés humaines sont composées de personnes. Leur bon gouvernement ne se limite pas à la garantie des droits et à l'accomplissement des devoirs, ainsi qu'à la fidélité aux contrats. De justes relations entre employeurs et employés, gouvernants et citoyens, supposent la bienveillance naturelle conforme à la dignité des personnes humaines, soucieuses de justice et de fraternité.
Devoirs des membres de la famille.
Devoirs des enfants.
La paternité divine est la source de la paternité humaine; c'est elle qui fonde l'honneur des parents. Le respect des enfants, mineurs ou adultes, pour leurs père et mère se nourrit de l'affection naturelle née du lien qui les unit. Il est demandé par le précepte divin. Le respect pour les parents (piété filiale) est fait de reconnaissance à l'égard de ceux qui, par le don de la vie, leur amour et leur travail, ont mis leurs enfants au monde et leur ont permis de grandir en taille, en sagesse et en grâce. « De tout ton coeur, glorifie ton père et n'oublie pas les douleurs de ta mère. Souviens-toi qu'ils t'ont donné le jour; comment leur rendras-tu ce qu'ils ont fait pour toi? » (Si 7, 27-28.) Le respect filial se révèle par la docilité et l'obéissance véritables. « Garde, mon fils, le précepte de ton père, ne rejette pas l'enseignement de ta mère (...). Dans tes démarches, ils te guideront; dans ton repos, ils te garderont ; à ton réveil, ils te parleront » (Pr 6, 20-22). « Un fils sage aime la remontrance, mais un moqueur n'écoute pas le reproche » (Pr 13, 1). Aussi longtemps que l'enfant vit au domicile de ses parents, l'enfant doit obéir à toute demande des parents motivés par son bien ou par celui de la famille. « Enfants, obéissez en tout à vos parents, car cela est agréable au Seigneur» (Col 3, 20). Les enfants ont encore à obéir aux prescriptions raisonnables de leurs éducateurs et de tous ceux auxquels les parents les ont confiés. Mais si l'enfant est persuadé en conscience qu'il est moralement mauvais d'obéir à tel ordre, qu'il ne le suive pas. En grandissant, les enfants continueront à respecter leurs parents. Ils préviendront leurs désirs, solliciteront volontiers leurs conseils et accepteront leurs admonestations justifiées. L'obéissance envers les parents cesse avec l'émancipation des enfants, mais non point le respect qui reste dû à jamais. Celui ci trouve, en effet, sa racine dans la crainte de Dieu, un des dons du Saint-Esprit. Le quatrième commandement rappelle aux enfants, devenus grands, leurs responsabilités envers les parents. Autant qu'ils le peuvent, ils doivent leur donner l'aide matérielle et morale, dans les années de vieillesse, et durant le temps de maladie, de solitude ou de détresse. Jésus rappelle ce devoir de reconnaissance. Le Seigneur a glorifié le père devant les enfants et il a affermi le droit de la mère sur les fils. Qui honore son père expie ses péchés et qui glorifie sa mère amasse un trésor. Qui honore son père trouvera de la joie dans ses enfants et au jour de la prière il sera exaucé. Qui glorifie son père aura de longs jours et qui obéit au Seigneur donnera du repos à sa mère (Si 3, 2-6). Enfant, viens en aide à ton père dans sa vieillesse et ne l'attriste pas durant sa vie. Même si son esprit faiblit, sois indulgent, ne le méprise pas quand tu es en pleine force (...). Tel un blasphémateur, celui qui délaisse son père, un maudit du Seigneur celui qui rudoie sa mère (Si 3, 12-13, 16). Le respect filial favorise l'harmonie de toute la vie familiale, il concerne aussi les relations entre frères et soeurs. Le respect envers les parents irradie tout le milieu familial. « La couronne des vieillards, les enfants de leurs enfants »(Pr 17, 6). « Supportez-vous les uns les autres dans la charité, en toute humilité, douceur et patience » (Ep 4, 2). Pour les chrétiens, une spéciale gratitude est due à ceux dont ils ont reçu le don de la foi, la grâce du Baptême et la vie dans l'Église. Il peut s'agir des parents, d'autres membres de la famille, des grands-parents, des pasteurs, des catéchistes, d'autres maîtres ou amis. « J'évoque le souvenir de la foi sans feinte qui est en toi, celle qui habite d'abord en ta grand-mère Lois et en ta mère, Eunice, et qui, j'en suis persuadé, est aussi en toi » (2 Tm 1, 5).
Devoirs des parents.
La fécondité de l'amour conjugal ne se réduit pas à la seule procréation des enfants, mais doit s'étendre à leur éducation morale et à leur formation spirituelle. « Le rôle des parents dans l'éducation est d'une telle importance qu'il est presque impossible de les remplacer. » Le droit et le, devoir d'éducation sont pour les parents primordiaux et inaliénables. Les parents doivent regarder leurs enfants comme des enfants de Dieu et les respecter comme des personnes humaines. Ils éduquent leurs enfants à accomplir la Loi de Dieu, en se montrant eux-mêmes obéissants à la volonté du Père des cieux. Les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants. Ils témoignent de cette responsabilité d'abord par la création d'un foyer, où la tendresse, le pardon, le respect, la fidélité et le service désintéressé sont de règle. Le foyer est un lieu approprié à l'éducation des vertus. Celle-ci requiert l'apprentissage de l'abnégation, d'un sain jugement, de la maîtrise de soi, conditions de toute liberté véritable. Les parents enseigneront aux enfants à subordonner « les dimensions physiques et instinctives aux dimensions intérieures et spirituelles ». C'est une grave responsabilité pour les parents de donner de bons exemples à leurs enfants. En sachant reconnaître devant eux leurs propres défauts, ils seront mieux à même de les guider et de les corriger: «Qui aime son fils lui prodigue des verges, qui corrige son fils en tire;a profit » (Si 30, 1-2). « Et vous, pères, n'irritez pas vos enfants, élevez-les au contraire en les corrigeant et avertissant selon le Seigneur » (Ep 6, 4). Le foyer constitue un milieu naturel pour l'initiation de l'être humain à la solidarité et aux responsabilités communautaires. Les parents enseigneront aux enfants à se garder des compromissions et des dégradations qui menacent les sociétés humaines. Par la grâce du sacrement de mariage, les parents ont reçu la responsabilité et le privilège d'évangéliser leurs enfants. Ils les initieront dès le premier âge aux mystères de la foi dont ils sont pour leurs enfants les « premiers hérauts ». Ils les associeront dès leur plus tendre enfance à la vie de l'Église. Les manières de vivre familiales peuvent nourrir les dispositions affectives qui durant la vie entière restent d'authentiques préambules et des soutiens d'une foi vivante. L'éducation à la foi par les parents doit commencer dès la plus tendre enfance. Elle se donne déjà quand les membres de la famille s'aident à grandir dans la foi par le témoignage d'une vie chrétienne en accord avec l'Évangile. La catéchèse familiale précède, accompagne et enrichit les autres formes d'enseignement de la foi. Les parents ont la mission d'apprendre à leurs enfants à prier et à découvrir leur vocation d'enfants de Dieu. La paroisse est la communauté eucharistique et le coeur de la vie liturgique des familles chrétiennes; elle est un lieu privilégié de la catéchèse des enfants et des parents. Les enfants à leur tour contribuent à la croissance de leurs parents dans la sainteté. Tous et chacun s'accorderont généreusement et sans se lasser les pardons mutuels exigés par les offenses, les querelles, les injustices et les abandons. L'affection mutuelle le suggère. La charité du Christ le demande. Durant l'enfance, le respect et l'affection des parents se traduisent d'abord par le soin et par l'attention qu'ils consacrent à élever leurs enfants, à pourvoir à leurs besoins physiques et spirituels. Au cours de la croissance, le même respect et le même dévouement conduisent les parents à éduquer leurs enfants à user droitement de leur raison et de leur liberté. Premiers responsables de l'éducation de leurs enfants, les parents ont le droit de choisir pour eux une école qui correspond à leur propres convictions. Ce droit est fondamental. Les parents ont, autant que possible, le devoir de choisir les écoles qui les assisteront au mieux dans leur tâche d'éducateurs chrétiens. Les pouvoirs publics ont le devoir de garantir ce droit des parents et d'assurer les conditions réelles de son exercice. En devenant adultes, les enfants ont le devoir et le droit de choisir leur profession et leur état de vie. Ils assumeront ces nouvelles responsabilités dans la relation confiante à leurs parents dont ils demanderont et recevront volontiers les avis et les conseils. Les parents veilleront à ne contraindre leurs enfants ni dans le choix d'une profession, ni dans celui d'un conjoint. Ce devoir de réserve ne leur interdit pas, bien au contraire, de les aider par des avis judicieux, particulièrement lorsque ceux ci envisagent de fonder un foyer. Certains ne se marient pas en vue de prendre soin de leurs parents, ou de leurs frères et soeurs, de s'adonner plus exclusivement à une profession ou pour d'autres motifs honorables. Ils peuvent contribuer grandement au bien de la famille humaine.
La famille et le Royaume.
Les liens familiaux, s'ils sont importants, ne sont pas absolus. De même que l'enfant grandit vers sa maturité et son autonomie humaines et spirituelles, de même sa vocation singulière qui vient de Dieu s'affirme avec plus de clarté et de force. Les parents respecteront cet appel et favoriseront la réponse de leurs enfants à le suivre. Il faut se convaincre que la vocation première du chrétien est de suivre Jésus : « Qui aime père et mère plus que Moi, n'est pas digne de Moi, et qui aime fils ou fille plus que Moi n'est pas digne de Moi » (Mt 10, 37). Devenir disciple de Jésus, c'est accepter l'invitation d'appartenir à la famille de Dieu, de vivre en conformité avec sa manière de vivre : « Quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère et nia soeur, et ma mère » (Mt 12, 49). Les parents accueilleront et respecteront avec joie et action de grâce l'appel du Seigneur à un de leurs enfants de le suivre dans la virginité pour le Royaume, dans la vie consacrée ou dans le ministère sacerdotal.