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ANSELME (Aoste vers 1033 - Cantorbéry 1109)

Le père de la scolastique. Un théologien parmi les plus respectés, qui brava l'autorité des rois pour défendre l'Église.

Dès l'âge de treize ans, Anselme manifesta son désir de se faire moine. En 1056, il partit faire des études en Bourgogne, puis, attiré par la réputation de Lanfranc, abbé du Bec, partit pour la Normandie, devint l'ami du célèbre savant et entra dans son couvent en 1060. Il y étudia Augustin, écrivit de nombreux ouvrages savants dans lesquels on trouve la célèbre preuve ontologique de l'existence de Dieu, et devint prieur trois ans plus tard quand Lanfranc partit pour Caen.

*Difficultés en Angleterre.

En 1078, Anselme fut nommé abbé de Bec et s'embarqua vers l'Angleterre pour inspecter les dépendances de l'abbaye. Vers 1093 il fut élu archevêque de Cantorbéry pour succéder à Lanfranc décédé trois ans plus tôt. Le roi d'Angleterre Guillaume Il avait gardé ce poste vacant jusqu'à ce qu'une maladie lui fît craindre pour sa vie. La prééminence du spirituel sur le temporel, prônée par Anselme, conduisit rapidement à un conflit avec Guillaume et, en 1097, il fut exilé à Rome où il obtint le soutien sans réserve du pape Urbain Il. En exil, il écrivit son célèbre traité sur l'Incarnation, Cur deus homo, et s'exprima avec talent au Concile de Ban sur les relations des trois personnes de la Trinité (Filioque), importante controverse théologique de l'époque. À la mort de Guillaume Il en 1100, Anselme revint en Angleterre, mais la querelle des Investitures opposa au nouveau roi Henri I-er. En 1103, il fut une nouvelle fois envoyé en exil à Rome le pape Pascal Il négocia les termes d'un compromis entre les deux hommes, selon ~quel, concernant l'investiture des évêques, l'Église exercerait pleinement son autorité spirituelle, tandis que le roi jouirait d'un droit de sélection. Ainsi réconciliés, les deux hommes collaborèrent, Henri allant jusqu'à nommer Anselme régent lors d'un de ses voyages en Normandie. Anselme étudia particulièrement le problème des pouvoirs et la théologie scolastique. S'aidant de la pensée D'Aristote, il s'efforça d'harmoniser foi et raison. Considéré comme le théologien le plus important avec saint Augustin et saint Thomas d'Aquin, il fut nommé docteur de l'Église en 1720. Son célèbre argument ontologique, contenu dans son Proslogion de 1078, restera un des développements majeurs des débats théologiques et philosophiques sur l'existence de Dieu. Anselme plaida pour l'abolition de l'esclavage et le célibat des prêtres. Il mourut à Cantorbéry le 21 avril, et son secrétaire Edinaire écrivit sa Vie.

Fête: 21 avril

*L'argument ontologique.

La perfection ne se conçoit que réelle et existante, sans cela ce ne serait pas la perfection. Une perfection qui ne serait que dans l'esprit n'en serait pas une, puisqu'il lui manquerait l'existence. Ainsi quand l'incroyant dit : ' Il n'y a pas de Dieu ", il dit une chose insensée. Car, ou bien il possède la véritable notion de l'être parfait qu'est Dieu, et cette notion suppose l'existence, donc il ne peut dire qu'il n'y a pas de Dieu ou bien il ne considère pas Dieu comme l'être parfait, et l'être dont il nie l'existence n'est pas le Dieu véritable. D'aucun reprocheront à saint Anselme de conclure de l'idée que nous avons d'une chose à son existence. Il répondra que cet argument ne vaut que pour l'être parfait dont l'existence est nécessaire. Saint Thomas d'Aquin dira qu'il passe indûment de l'ordre de la pensée à l'ordre de la réalité. Pourtant saint Anselme ne tire pas l'existence de Dieu d'une simple conception intellectuelle, mais de l'être même de Dieu, dont le croyant sent la nécessité. Si l'incroyant le méconnaît, c'est qu'il ne la ressent pas. L'argument ontologique n'est alors plus un argument de raison, mais une expérience.

*La querelle des Investitures.

L'Église avait été depuis le X-e siècle, intégrée aux structures féodales donc les évêques, comme les abbés, se voyaient accorder un fief (pouvoir temporel) et les insignes du pouvoir spirituel (la crosse et l'anneau) par un souverain. Anselme tut de ceux qui dénoncèrent la simonie (trafic des titres ecclésiastiques) et réclamèrent la liberté pour l'Église de nommer ses cadres.

PRIÈRE DE SAINT ANSELME

Mon âme, as-tu trouvé ce que tu cherchais? Tu cherchais Dieu, et tu as trouvé qu'il était supérieur à tous les êtres et tel qu'on ne peut rien penser de meilleur que lui; qu'il était la vie même, la lumière, la sagesse, la bonté, l'éternelle béatitude et la bienheureuse éternité; et qu'il l'était toujours et partout. Seigneur mon Dieu, qui m'as créé et racheté, réponds au désir de mon âme, en lui déclarant ce qui diffère en toi de ce qu'elle a vu, afin qu'elle contemple à découvert l'objet de son désir. Elle s'applique à mieux voir et elle ne voit que ténèbres au-delà de ce qu'elle a vu; ou plutôt elle ne voit pas de ténèbres, car il n'y en a pas en toi, mais elle voit qu'elle ne peut voir davantage, bornée qu'elle est par ses propres ténèbres. Vraiment, Seigneur, elle est inaccessible, la lumière où tu habites. Nul autre que toi, vraiment, ne peut pénétrer en cette lumière, et là te contempler à découvert. C'est pour cela, en vérité, que je ne peux la voir: elle est trop éclatante pour ma vue. Et pourtant, tout ce que je vois, c'est grâce à elle que je le distingue, comme un oeil trop fragile voit, grâce au soleil, tout ce qu'il aperçoit, sans pouvoir cependant regarder le soleil lui-même. Mon intelligence demeure impuissante devant ta lumière; elle est trop éclatante. L'oeil de mon âme est incapable de la recevoir, et il ne supporte même pas de rester longtemps fixé sur elle. Mon regard est blessé par son éclat, dépassé par son étendue; il se perd dans son immensité et reste confondu devant sa profondeur. O lumière souveraine et inaccessible! O vérité totale et bienheureuse! Que tu es donc loin de moi, et pourtant je suis si près de toi! Tu échappes presque entièrement à ma vue, tandis que je suis, moi, tout entier sous ton regard. En tout lieu rayonne la plénitude de ta présence, et je ne te vois pas. C'est en toi que j'agis et que j'ai l'existence, pourtant je ne puis atteindre jusqu'à toi. Tu es en moi, tu es tout alentour de moi, et je ne puis te percevoir. Je t'en prie, mon Dieu, fais que je te connaisse, fais que je t'aime pour que ma joie soit en toi. Et si je ne le peux pleinement en cette vie, puissé-je du moins y progresser tous les jours, jusqu'à parvenir à la plénitude. Qu'en cette vie ta connaissance croisse en moi, et qu'elle soit achevée au dernier jour; que grandisse en moi ton amour et qu'il soit parfait dans la vie à venir, pour que ma joie, déjà grande ici-bas en espérance, soit alors achevée dans la réalité. Seigneur Dieu, par ton Fils tu nous as donné l'ordre, ou mieux, le conseil, de demander; et tu as promis que nous serions exaucés, afin que notre joie soit parfaite. Je te fais, Seigneur, la prière que tu nous suggères par celui qui est notre Conseiller admirable. Puissé-je recevoir ce que tu as promis par ta Vérité, pour que ma joie soit parfaite. Dieu vrai, je te fais cette prière; exauce-moi pour que ma joie soit parfaite.

Que désormais ce soit la méditation de mon esprit et la parole de mes lèvres. Que ce soit l'amour de mon coeur et le discours de ma bouche, que ce soit la faim de mon âme, la soif de ma chair et le désir de tout mon être, jusqu'à ce que j'entre dans la joie du Seigneur, Dieu unique en trois Personnes, béni pour les siècles. Amen.

Joie pour qui cherche en Dieu son refuge, éternels cris de joie! Dès le matin je suis tendu vers toi et je reste en éveil. Oui, tu bénis le juste, Seigneur, tu l'entoures du rempart de ta grâce. Ouvre mes lèvres et ma bouche annoncera ta louange!

Dieu qui as donné à l'évêque saint Anselme de pénétrer et d'enseigner les profondeurs de ta sagesse, fais que la foi vienne au secours de notre intelligence, et rende savoureuse à notre coeur la vérité que tu nous dis de croire