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 Bernard de Clairvaux (Fontairies-lès-Dijon 1090 - Clairvaux 1153)

Le dernier des Pères de l'Église

Éloquent, passionné, parfois excessif, Bernard eut une influence bien au-delà de l'ordre cistercien.

Issu d'une famille noble de Bourgogne, Bernard naquit au château familial, près de Dijon. Il étudia à Châtillon-sur-Seine et, jeune homme, était connu pour son esprit, son charme, sa vie brillante et dissipée. En 1113, rompant avec ses habitudes, il rejoignit le monastère de Cîteaux avec quatre de ses frères et vingt-sept de ses compagnons qu'il avait persuadés. Alors que cet ordre, récemment fondé, était en proie à de nombreuses difficultés, l'arrivée de ces postulants lui rendit son énergie. En 1115, Cîteaux envoya Bernard, avec douze autres moines, fonder une filiale à Langres. Son inexpérience lui fit commettre des erreurs (il était, au début, très sévère pour les moines), mais il prit vite la mesure de ce qu'il pouvait faire et sa réputation de sainteté attira beaucoup de monde. Le lieu où il s'était installé s'appelait Vald'Absinthe, il s'appela désormais Clairvaux. Bernard fonda ainsi soixante-huit autres monastères cisterciens.

L'influence de Bernard s'étendit bien au delà de son monastère. Il était le conseiller de responsables spirituels et temporels. Il rédigea une règle pour l'ordre des Templiers, chevaliers destinés à la défense de l'Église et au secours des pèlerins, et les fit reconnaître officiellement au synode de Troyes. Il prit aussi une part importante dans la politique de l'Église, défendit l'élection du pape Innocent Il en 1130, et dirigea les attaques contre Abélard, à son avis trop rationaliste, le poussant à faire amende honorable au concile de Sens. Son charisme lui gagna de nombreux amis, mais il se fit aussi beaucoup d'ennemis. Il soutint énergiquement la seconde croisade (1147-1149) contre les Turcs, mais après son échec, il blâma le manque de pureté et d'engagement des croisés.

· Ses oeuvres

Très marquée par la dévotion à la Vierge, l'oeuvre de Bernard eut une influence profonde sur la spiritualité médiévale. Son traité De l'amour de Dieu et son sermon Sur le Cantique des Cantiques sont restés des classiques. Son surnom populaire, » le doux docteur », reflète la nature poétique de son enseignement. Sa réussite comme abbé d'un monastère et fondateur d'un ordre important tient à une harmonie naturelle entre un mysticisme élevé et un sens pratique efficace, synthèse dont on voit l'écho dans sa lettre (De consideratione) à un ancien moine, le pape Eugène III: il y évoque à la fois les mystères saints et les devoirs de la fonction papale. Bernard mourut à Clairvaux, le 20 août, fut canonisé en 1174 et fut nommé docteur de l'Église en 1830.

Fête : 20 août

Patron de Gibraltar, des apiculteurs

et ces fabricants de cire.

SERMON DE S. BERNARD SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES

L'amour se suffit à lui-même, il plaît par lui-même et pour lui-même. Il est à lui-même son mérite. il est à lui-même sa récompense. L'amour ne cherche hors de lui-même ni sa raison d'être ni son fruit: son fruit, c'est l'amour même. J'aime parce que j'aime. j'aime pour aimer. Quelle grande chose que l'amour, si du moins il remonte à son principe, s'il retourne à son origine, s'il reflue vers sa source pour y puiser un continuel jaillissement! De tous les mouvements de l'âme, de ses sentiments et de ses affections, l'amour est le seul qui permette à la créature de répondre à son Créateur, sinon d'égal à égal, du moins dans une réciprocité de ressemblance. Car, lorsque Dieu aime, il ne veut rien d'autre que d'être aimé. Il n'aime que pour qu'on l'aime, sachant que ceux qui l'aimeront trouveront dans cet amour même la plénitude de la joie. L'amour de l'Époux, ou plutôt l'amour qu'est l'Époux, n'attend qu'un amour réciproque et la fidélité. Qu'il soit donc permis à celle qu'il chérit de l'aimer en retour. Comment l'épouse pourrait-elle ne pas aimer, elle qui est l'épouse de l'Amour? Comment l'Amour ne serait-il pas aimé? Elle a donc raison de renoncer à tous ses autres mouvements intérieurs, pour s'adonner seulement et tout entière à l'amour, puisqu'elle a la possibilité de répondre à l'amour même par un amour de réciprocité. Car elle pourra bien se répandre tout entière dans son amour, que grâce au regard du flot éternel d'amour qui jaillit de la source même? Les eaux ne sourdent pas avec la même profusion de celle qui aime et de l'Amour, de l'âme et du corps, de l'épouse et de l'Époux, du Créateur et de la créature: la différence n'est pas moins grande qu'entre être assoiffé et la source. Alors quoi? Faudra-t-il pour autant que périsse et paraisse complètement chez l'épouse le souhait de voir accomplir ses noces? Le désir qu'expriment ses soupirs, la force de son amour, son attente pleine de confiance; seront-ils réduits à rien, parce qu'elle ne peut égaler à la course un géant, et qu'elle ne peut rivaliser de douceur avec le miel, de tendresse avec l'agneau, de blancheur avec le lis, de rayonnement avec le soleil, d'amour avec celui qui est l'amour en personne? Non, car même Si la créature aime moins, en raison de ses limites, pourvu qu'elle aime de tout son être, il ne manque rien à son amour, puisqu'il constitue un tout. C'est pourquoi aimer de la sorte équivaut à un mariage, car une affection Si forte ne saurait recevoir une réponse de moindre affection, dans cet accord réciproque des deux époux qui fait la solidité et la perfection du mariage. À moins qu'on ne mette en doute que l'amour du Verbe précède et dépasse celui de l'épouse...

 

Voix de mon Bien-aimé qui frappe à la porte: Ouvre-moi! alléluia!

Si quelqu'un entend ma voix, ensemble nous prendrons notre repas, moi près de lui, lui près de moi. Si quelqu'un garde ma parole. mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui.

 

O bienheureux Bernard, la splendeur do Verbe a saisi ton âme: tu répands sur l'Église la lumière de la sagesse et de la foi. Bernard, ami de l'Époux, tu as chanté la Vierge Mère; pasteur admirable, tu as brillé devant les hommes.

Seigneur, tu as voulu que saint Bernard, rempli d'amour pour ton Église, soit dans ta maison la lampe qui brûle e qui éclaire; accorde-nous, par son intercession, la même ferveur de l'Esprit, afin de vivre comme des fils de la lumière.

C'est une grande chose que l'amour. (Saint BERNARD) 

Le retour de l'âme à Dieu, c'est sa conversion au Verbe pour être recréée par lui et conformée à lui. Par quel moyen? Par l'amour. Car il est écrit Cherchez à imiter Dieu comme des enfants bien-aimés; vivez dans l'amour comme le Christ vous aimés. Cette conformité « marie » l'âme Verbe : déjà semblable à lui par sa nature, elle devient aussi par sa volonté, lorsqu'elle l'aime comme elle en est aimée. Pas de joie plus grande que cette conformité, pas de bien plus désirable que cet amour grâce auquel l'âme, ne se contentant plus d'écouter les enseignements des hommes, ose s'adresser avec confiance au Verbe lui-même, s'attacher directement à lui, le questionner familièrement, l'interroger sur toutes choses, et montrer d'autant plus d'audace dans ses désirs qu'elle sent son intelligence plus capable de comprendre. C'est là un vrai « mariage spirituel » : plus qu'un contrat, une union totale où le même vouloir, les mêmes refus fondent deux esprits en un seul... L'amour se suffit pleinement à lui-même; quand il entre dans un coeur, il absorbe

en lui tous les autres sentiments. L'âme qui aime, aime et ne sait rien de plus. À Dieu seul, l'honneur et la gloire. Mais Dieu ne les accepte qu'assaisonnés du miel de l'amour. L'amour, lui, se suffit; il plaît par lui-même et pour lui-même : il est à lui-même son mérite, il est à lui-même sa récompense. L'amour ne cherche pas en dehors de soi sa raison d'être et sa fin. Le fruit de l'amour, c'est l'amour : j' aime parce que j'aime, j'aime pour aimer.

C'est une grande chose que l'amour, Si du moins il remonte à son principe, s'il retourne à son origine, s'il s'en revient toujours puiser à sa propre source les eaux dont il fait son courant. De tous les mouvements de l'âme, de ses sentiments et de ses affections, l'amour est le seul qui permette à la créature de répondre à son Créateur sinon d'égal à égal, du moins de semblable à semblable. Lorsque Dieu aime, il ne veut rien d'autre qu'être aimé, il n'aime que pour qu'on l'aime, sachant que l'amour rendra bienheureux tous ceux qui l'aimeront. C'est une grande chose que l'amour; mais il a des degrés; l'épouse est au degré le plus élevé. Les enfants aiment aussi, mais ils songent à l'héritage; craignant de le perdre, ils craignent aussi celui dont ils l'attendent, et leur amour diminue d'autant.

L'amour pur, qui n'est pas mercenaire, c'est celui de l'épouse, parce que l'épouse est tout amour : sa seule fortune, son seul espoir, c'est l'amour.

PRIÈRE

Seigneur, tu as voulu que saint Bernard, rempli d'amour pour ton Église, soit dans ta maison la lampe qui brûle et qui éclaire; Accorde-nous, par son intercession, la même ferveur de l'esprit, afin de vivre comme des fils de la lumière.