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S. Jean de la Croix, prêtre et docteur de l'Église. (Fontiveros 1542 - Ubecla 1591)

Le docteur mystique

Disgrâce et malentendus ne cessèrent d'accompagner son entreprise de réforme.

Juan de Yepes y Alvarez naquit le 24 juin en vieille Castille espagnole dans une famille noble devenue pauvre. Son père mourut alors qu'il était encore enfant et sa mère l'emmena à Medina del Campo où il étudia le catéchisme. jean devint très tôt apprenti dans l'industrie de la soie, mais il abandonna rapidement ce métier pour étudier au collège jésuite de Medina. En 1563, il entra chez les carmes de la ville et partit étudier la théologie à Salamanque. Il fut ordonné prêtre en 1567.

Les moines déchaux

A l'époque, Jean, cherchant plus de solitude pour plus de prière, envisageait d'entrer chez les chartreux. Lors d'une visite à Medina, il rencontra Thérèse d'Avila qui le persuada de rejoindre plutôt son mouvement de réforme au sein de l'ordre des Carmélites. Thérèse avait déjà lancé sa réforme pour les nonnes. En 1568 jean et quatre autres frères fondèrent la première communauté d'hommes à Duruelo. C'est à ce moment qu'il prit le nom de « Jean de la Croix ». En 1571, il fut nommé recteur de la nouvelle école à Alcala, et en 1572, il commença un service de cinq ans comme confesseur et directeur spirituel des nonnes d'Avila, la maison mère du mouvement de Thérèse.

Son travail de réforme lui attira l'attention des responsables des carmes, et les dissensions entre les groupes déchaux et non réformés de l'ordre atteignirent un niveau tel que Jean fut arrêté et emprisonné à Tolède. Les conditions de vie en prison étaient dures, mais cela ne l'empêcha pas d'écrire quelques-uns de ses meilleurs poèmes, dont la Nuit obscure.

Au bout de neuf mois, il s'échappa et les déchaux furent peu après officiellement reconnus comme distincts des non-réformés. On leur donna une province séparée. jean fonda et dirigea un collège à Baezade 1579 à 1581. En 1582, l'année de la mort de Thérèse, il devint prieur à Grenade, et trois ans plus tard, provincial d'Andalousie et enfin prieur à Ségovie.

Jean fonda de nouvelles maisons, mais le nouvel ordre souffrait de sérieuses dissensions internes. Les extrémistes prirent l'avantage et jean, qui avait toujours été un modéré, fut exilé, humilié et maltraité dans le lointain monastère de La Penuela. Il y tomba malade et mourut à Ubeda le 14 décembre.

Ses travaux mystiques, tel que le Cantique spirituel, sont parmi les plus belles oeuvres de la littérature chrétienne. Ils combinent en effet une extrême sensibilité, une vision approfondie des choses et une théologie des plus sûres. Il fut canonisé en 1726 et nommé docteur de l'Église en 1926.

Fête: 14 décembre

Ses oeuvres

Les quatre grands traités de saint Jean de la Croix sont: la Montée du Carmel, la Nuit obscure, la Vive Flamme d'amour, le Cantique spirituel.

Le Cantique spirituel.

Malgré tous les mystères et toutes les merveilles que les saints docteurs ont découverts ou que les saintes âmes ont pu contempler ici-bas, la plus grande partie en reste encore à dire et même à concevoir. Ce qui est dans le Christ est inépuisable! C'est comme une mine abondante remplie d'une infinité de filons avec des richesses sans nombre; on a beau y puiser, on n'en voit jamais le terme; bien plus, chaque repli renferme ici et là de nouveaux filons à richesses nouvelles; ce qui faisait dire à saint Paul du Christ: Dans le Christ se trouvent cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance de Dieu. Mais l'âme ne peut y pénétrer ni les atteindre, 51, comme nous l'avons dit, elle ne passe pas d'abord et n'entre pas dans la profondeur des souffrances extérieures et intérieures; il faut, de plus, qu'elle ait reçu de Dieu une foule de faveurs intellectuelles et sensibles, et qu'elle se soit exercée longtemps dans la spiritualité; ces faveurs sont en effet d'un ordre inférieur: ce sont des dispositions pour arriver aux cavernes élevées de la connaissance des mystères du Christ, la plus haute sagesse à laquelle on puisse parvenir ici-bas. Oh! Si l'on finissait enfin par comprendre qu'il est impossible de parvenir à la profondeur de la sagesse et des richesses de Dieu sans pénétrer dans la profondeur de la souffrance de mille manières, l'âme y mettant sa joie et ses désirs (afin de comprendre avec tous les saints quelle en est la largeur et la longueur, la hauteur et la profondeur) L'âme qui désire vraiment la sagesse désire aussi vraiment entrer plus avant dans les profondeurs de la Croix qui est le chemin de la vie; mais peu y entrent. Tous veulent entrer dans les profondeurs de la sagesse, des richesses et des délices de Dieu, mais peu désirent entrer dans la profondeur des souffrances et des douleurs endurées par le Fils de Dieu: on dirait que beaucoup voudraient être déjà parvenus au terme sans prendre le chemin et le moyen qui y conduit.

 

Qui nous fera comprendre pourquoi l'homme peine à chercher sans jamais atteindre?

Ce que l'oeil n'a pas vu, ni l'oreille entendu, ce qui n'est pas monté au coeur de l'homme, voilà ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment. À nous, Dieu l'a révélé par l'Esprit, car l'Esprit sonde tout, jusqu'aux profondeurs de Dieu.

 

Dieu qui inspiras à ton prêtre saint Jean un extraordinaire amour de la croix et le renoncement total à lui-même, fais qu'en nous attachant à le suivre, nous parvenions à la contemplation éternelle de ta gloire.

 

« Si l'on vous dit tenez, voici le Christ, ou le voilà, n'en croyez rien. »

Dieu nous a parlé par son Fils. (Saint JEAN DE LA CROIX)

 

PAROLE DE DIEU

Ce qui est folie dans le monde, Dieu l'a choisi pour confondre les sages; ce qui est faible dans le monde, Dieu l'a choisi pour confondre ce qui est fort ; ce qui dans le monde est vil et méprisé, ce qui n'est pas, Dieu l'a choisi pour réduire à rien ce qui est, afin qu'aucune créature ne puisse s'enorgueillir devant Dieu. C'est par Lui que vous êtes dans le Christ Jésus, qui est devenu pour nous sagesse venant de Dieu, justice, sanctification et délivrance afin, comme dit l'Écriture, que celui qui s'enorgueillit, s'enorgueillisse dans le Seigneur. Moi-même, quand je suis venu chez vous, frères, ce n'est pas avec le prestige de la parole ou de la sagesse que je suis venu vous annoncer le mystère de Dieu. Car j'ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus Christ et Jésus Christ crucifié. Aussi ai-je été devant vous faible, craintif et tout tremblant; ma parole ~t ma prédication n'avaient rien des discours persuasifs de la sagesse, mais elles étaient une démonstration faite par la puissance de l'Esprit, afin que votre foi ne soit pas fondée sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu.

 

Le langage de la croix est puissance de Dieu. Celui qui ne porte pas sa croix et ne marche pas à ma suite ne peut être mon disciple, dit le Seigneur. Fixant son regard sur Jésus qui passait, le Baptiste dit : Voici l'Agneau de Dieu. André, le frère de Simon-Pierre, était l'un des deux qui avaient écouté Jean et suivi Jésus.

Le motif principal pour lequel, sous la loi ancienne, il était licite d'interroger Dieu, et pour lequel il convenait aux prophètes et aux prêtres de désirer des visions et des révélations, c'est que la foi n'était pas encore fondée, ni la loi évangélique établie. Par cela même il était nécessaire que Dieu manifestât ses volontés, soit en employant le langage humain, soit par visions et révélations, figures et symboles, soit par tout autre moyen d'expression. Car tout ce qu'il disait ou répondait, toutes ces manifestations et révélations, étaient des mystères de notre foi, ou des vérités qui s'y rapportaient et l'avaient pour but... Mais maintenant que la foi est fondée dans le Christ et que la loi évangélique est établie en cette ère de grâce, il n 'y a plus lieu de consulter Dieu de cette manière, pour qu'il parle et réponde comme alors. Car en nous donnant son Fils ainsi qu'il l'a fait, lui qui est sa Parole dernière et définitive, Dieu nous a tout dit ensemble et en une fois, et il n'a plus rien à dire. C'est la doctrine de saint Paul aux Hébreux, quand il les engage à renoncer aux pratiques primitives, aux rapports avec Dieu selon la loi de Moïse, les exhortant à fixer uniquement les yeux sur le seul Christ. Il leur dit « Dieu qui jadis, tant de fois et de tant de manières, avait parlé à nos pères par les prophètes, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils »(He. 1,1). L'Apôtre nous apprend ainsi que Dieu est devenu en quelque sorte muet. Il n'a plus rien à nous dire, puisque, ce qu'il disait jadis en déclarations séparées, par les prophètes, il l'a dit maintenant de façon complète, en nous donnant le tout dans le Fils. Concluez-en que désirer sous la nouvelle Loi visions ou révélations, ce n'est pas seulement faire une sottise, c'est offenser Dieu, puisque par là nos yeux ne sont pas uniquement fixés sur le Christ, sans chercher chose nouvelle. Dieu en effet pourrait répondre : Si je vous ai dit tout ce que j 'avais à dire, par la Parole qui est mon Fils, je n'en ai pas d'autre qui puisse révéler ou répondre quelque chose qui soit plus que cela. Fixez les yeux sur lui seul, car en lui j 'ai tout établi, en lui j 'ai tout dit, tout révélé, et vous trouverez là bien plus que tout ce que vous désirez et demandez. Ce qui vous intéresse en implorant des réponses, des révélations ou visions, n'est que détail, mais Si vous considérez mon Fils, vous trouverez le tout en lui, car il parle toute ma parole, il est toute réponse, il est toute vision, toute révélation. Ce que je pourrais vous donner par parole, réponse, manifestation et révélation, je vous l'ai accordé en vous donnant mon Fils, comme Frère, maître, compagnon, rédempteur et récompense. Depuis le jour où je descendis sur Lui, avec mon Esprit, au mont Thabor, en disant: Celui-ci est mon Fils Bien-Aimé, en qui j'ai mis ma complaisance écoutez-le », j'ai cessé toutes mes anciennes pratiques l'enseignement, de réponses, et je lui ai confié cette mission. Écoutez-le, parce que je n'ai plus le foi à révéler, je n'ai pas autre chose à manifester. Si j'ai parlé avant cette heure, c'était pour vous promettre le Christ, et si on m'adressait des demandes, elles s'harmonisaient avec la recherche et l'espérance du Christ. Tout bien devait se concentrer en Lui, comme le proclame maintenant la doctrine exposée par les Évangélistes et les Apôtres. C'est pourquoi, si quelqu'un recourt l'ancienne méthode, demandant que je lui parle, que je lui révèle quelque chose, c'est comme s'il demandait de nouveau le Christ, et plus de dogme de foi que je n'en ai donné. Et c'est manquer de foi dans le Christ, puisque cette foi équivaut en quelque sorte à Lui demander une seconde incarnation, afin qu'il recommence sa vie et sa mort. Non, il ne faut plus vous adresser à Moi par désirs de visions et de révélations retenez-le bien, tout se trouve déjà réalisé en Lui et infiniment plus.

 « Du Christ et de l'âme ». (Saint JEAN DE LA CROIX)

Un Pastoureau, esseulé, s'en va peiné. Il n'est plus pour lui, ni plaisir, ni liesse. Car il songe à sa pastourelle, sans cesse, Le coeur d'amour tout navré. Il ne pleure pas que l'amour l'ait blessé. D'être ainsi dolent, là n'est point sa douleur, bien que sa douleur lui poigne le coeur. Mais il pleure en pensant qu'il est oublié. Or, à ce seul penser qu'il est oublié de sa belle pastourelle, en grande peine Il se laisse outrager, en terre lointaine,

Le coeur d'amour tout navre. Las! dit le Pasteur, à celui malchance qui loin de son coeur mon amour a chassé, À qui ne veut plus jouir de ma présence. Et m'a laissé le coeur d'amour tout navré! Puis longtemps après, lentement il monta sur un arbre, où il étendit ses beaux bras; Et il mourut, par eux toujours attaché, le coeur d'amour tout navre.

PRIÈRE

Tu as voulu, Seigneur, que tous les hommes soient sauvés par la croix de ton Fils; Permets qu'ayant connu dès ici-bas ce mystère, nous goûtions au ciel les bienfaits de la rédemption.

Dieu qui inspiras à ton prêtre saint Jean un extraordinaire amour de la croix et le renoncement total à lui-même. Fais qu'en nous attachant à le suivre, nous parvenions à la contemplation éternelle de ta gloire.