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S. Pothin, évêque, Ste Blandine, vierge, et leurs compagnons, martyrs.

Pothin et Blandine s'inscrivent en tête des quarante-huit chrétiens, dont vingt-deux femmes, qui périrent pour le Christ à Lyon en 177. Le vieil évêque mourut d'épuisement en prison. Blandine, «faible et petite", avait « revêtu le Christ». Aussi put-elle entrer dans l'amphithéâtre, «pleine de joie et d'allégresse, comme Si elle était invitée à un festin de noces ».

LETTRE DES ÉGLISES DE LYON ET DE VIENNE AUX ÉGLISES D'ASIE ET DE PHRYGIE (177)

La violence de la persécution qui a eu lieu ici, la grande colère des païens contre les saints, tout ce qu'ont enduré les bienheureux martyrs, nous ne sommes pas capables de le dire exactement et il n'est même pas possible de l'exprimer par écrit. Car c'est de toutes ses forces que l'Adversaire a foncé, préludant déjà à ce qui sera son véritable avènement. Il a passé partout, entraînant ses partisans et les exerçant d'avance contre les serviteurs de Dieu. De la sorte on ne nous a pas seulement chassés des maisons, des bains, de la place publique, mais encore on nous a interdit absolument de paraître en quelque lieu que ce soit. Toute la colère de la foule, du gouverneur et des soldats se déchaîna sans aucune mesure contre Sanctus, le diacre de Vienne, contre Maturus, nouvellement baptisé mais généreux athlète; contre Attale, originaire de Pergame, qui avait toujours été le pilier et le soutien de ceux d'ici; et enfin contre Blandine; par celle-ci, le Christ montra que ce qui est simple, sans apparence, facilement méprisable pour les hommes, est jugé digne d'une grande gloire auprès de Dieu à cause de l'amour qu'on a pour lui, amour qui se manifeste dans la force et ne se glorifie pas des apparences. Nous tous en effet, nous redoutions, et sa maîtresse selon la chair, qui était elle aussi une combattante parmi les martyrs, redoutait, anxieuse avec nous, que Blandine ne pût avec assurance faire sa confession de foi à cause de la faiblesse de son corps. Mais Blandine fut remplie d'une telle force qu'elle lassa et découragea ceux qui, se relayant les uns les autres, l'avaient torturée de toute manière depuis le matin jusqu'au soir. La bienheureuse, comme un généreux athlète, se renouvelait dans sa confession; c'était pour elle un réconfort, un repos, un arrêt dans la souffrance que de dire: «Je suis chrétienne ; chez nous, il ne se fait rien de mal. »

Quelques jours après, Maturus, Sanctus, Blandine et Attale furent donc conduits aux bêtes dans un lieu public où se donnait ce spectacle de l'inhumanité des païens; c'était précisément le jour où les combats de bêtes devaient être donnés aux dépens de nos frères. Blandine fut suspendue à un poteau et exposée pour être la pâture des bêtes lâchées contre elle. À la voir suspendue à une sorte de croix, à l'entendre prier continuellement, les lutteurs fortifiaient leur courage. Dans ce combat, ils voyaient de leurs yeux, sensiblement, à travers leur soeur, celui qui avait été crucifié pour eux; ainsi, ceux qui croient en lui sont persuadés que tout homme qui souffre pour la gloire du Christ est pour toujours en communion avec le Dieu vivant. Ce jour-là, aucune des bêtes ne la toucha. Elle fut détachée du poteau, ramenée dans la prison et gardée pour un autre combat. Elle traverserait donc victorieusement des luttes plus nombreuses afin

d'être un encouragement pour ses frères, elle la petite, la faible, la méprisée; car elle s'était identifiée au grand et invincible athlète, le Christ; elle avait triomphé de l'Adversaire en maintes rencontres et, par la lutte, avait remporté la couronne de l'incorruptibilité. Enfin, le dernier jour des combats singuliers, après les fouets, après les fauves, après le gril, elle fut finalement jetée dans un filet et livrée à un taureau. Longtemps, elle fut projetée par l'animal, mais elle ne sentait rien de ce qui lui arrivait, à cause de l'espérance et de l'attente de ce en quoi elle avait cru et de sa conversation avec le Christ; elle fut sacrifiée elle aussi; et les païens eux-mêmes avouaient que jamais chez eux une femme n'avait souffert d'aussi grandes et d'aussi nombreuses tortures.

Le bienheureux Pothin, à qui avait été confié à Lyon le ministère de l'épiscopat, était alors âgé de plus de quatre-vingt-dix ans. Il était très faible de corps et pouvait à peine respirer à cause de cette faiblesse physique; mais il était fortifié par l'ardeur de l'Esprit à cause de son désir persévérant du martyre. Lui aussi fut traîné devant le tribunal. Son corps était brisé par la vieillesse et la maladie, mais il restait maître de son âme, pour qu'elle fasse triompher le Christ. Il fut porté au tribunal par les soldats, tandis que les magistrats de la cité et toute la foule l'accompagnaient avec toutes sortes de clameurs, comme s'il était lui-même le Christ. Il rendit un beau témoignage. Le gouverneur lui demanda qui était le Dieu des chrétiens. Il lui répondit: «Si tu en es digne, lu le connaîtras. » Il fut alors emmené et traîné sans pitié. Il souffrit toutes sortes de coups Ceux qui étaient près de lui l'outrageaient de toute manière, des mains et des pieds, sans aucun respect pour son âge. Ceux qui étaient loin lançaient sur lui tout ce que chacun avait sous la main. Et tous auraient pensé être grandement criminels et impies s'ils avaient manqué de grossièreté à son égard: ils croyaient en effet venger leurs dieux en agissant ainsi. Pothin respirait à peine quand il fut jeté en prison et, après deux jours, il rendit l'âme.

A toi seul, Fils du vrai Dieu, la gloire et la louange. Qui se déclarera pour moi devant les hommes, je me déclarerai pour lui devant mon Père. Qui aura tenu bon jusqu'à la fin, je lui donnerai la vie éternelle.

Tu as donné, Seigneur, à ceux qui furent les prémices de la foi en notre pays, saint Pothin, sainte Blandine et leurs compagnons, d'affirmer jusqu'à la mort leur joie d'être chrétiens; rends-nous dignes de toujours mieux te connaître, afin qu'à leur exemple, le bien que nous ferons témoigne de la puissance de ton amour.