INDEX

Thérèse d'Avila (Avila 1515 - Aiba de Tornies 1582)

L'aigle et la colombe

Première femme docteur de l'Église, et mystique, elle avait tout pour devenir une grande sainte.

Fille d'aristocrates castillans, Thérèse était une jeune fille vive et pieuse. Àla mort de sa mère vers 1529, elle fut envoyée auprès des religieuses augustiniennes d'Avila, afin d'y être éduquée. Elle fut obligée de quitter le couvent trois ans plus tard en raison d'une santé fragile. C'est pendant sa convalescence que Thérèse lut les Lettres de Jérôme pour la première fois. Cela la détermina à prendre le voile. Elle entra chez les carmélites d'Avila, au couvent de l'incarnation, en 1533, et ce malgré l'opposition initiale de son père. Un an plus tard, sa santé la trahit encore une fois et elle fut forcée de quitter les carmélites pendant quelque temps. Après avoir recouvré la santé dans sa famille, elle retourna au couvent en 1540.

Le couvent des carmélites d'Avila n'avait pas une réputation d'ascétisme

on y recevait beaucoup et l'on pouvait même y conserver ses biens personnels. Cette ambiance trop libre ne plaisait pas à Thérèse. Elle s'imposa la discipline de la prière silencieuse, se tourna de plus en plus vers la spiritualité, entendit des voix et fit l'expérience d'extases et de visions en 1555. Tout d'abord inquiète de ces manifestations, et face à l'incompréhension et à la suspicion des membres de sa communauté, Thérèse reçut le soutien de saint Pierre d'Alcantara qui la convainquit de la valeur et de l'authenticité de ses visions. Une extase:

"Je voyais près de moi, à gauche, un ange dans sa forme corporelle. Je voyais dans ses mains un long dard en or, avec, au bout de la lance, me semblait-il, un peu de feu. Je croyais sentir qu'il l'enfonçait dans mon coeur à plusieurs reprises. La douleur était si vive que j'exhalais ces gémissements dont j'ai parlé et la suavité de cette immense douleur est Si excessive qu'on peut désirer qu'elle s'apaise et que l'âme ne peut se contenter de rien moins que Dieu. C'est un duo Si fendre entre l'âme et Dieu que je le supplie d'en donner un avant-goût à ceux qui penseraient que je mens" <Autobiographie, XXIX, 13).

La réforme

Désolée du laxisme qui régnait dans son couvent, Thérèse se résolut à fonder une autre maison qui respecterait d'une façon plus précise la règle carmélite primitive. Encouragée par Pierre d'Alcantara et d'autres, elle obtint l'approbation papale pour une nouvelle fondation en 1562. Saint-Joseph d'Avila fut la première communauté des religieuses carmélites déchaussées elle se distinguait du mouvement non réformé par la pauvreté personnelle des religieuses, une vie spirituelle stricte, une rigoureuse séparation du monde et la pratique de travaux manuels qui permettait au couvent de vivre presque en autarcie. Avec son bon sens naturel et sa vivacité, Thérèse travailla à ne recruter que des novices intelligentes, parce qu'elle les croyait les plus capables d'atteindre l'humilité véritable et la sainteté. Elle allait fonder seize autres couvents de ce type au cours de sa vie et, en 1565, elle aida saint Jean de la Croix à fonder la première communauté de frères carmélites réformés à Duruelo.

Les carmes déchaux, regroupant des congrégations de femmes et des maisons d'hommes, rencontraient une forte opposition de la part des autres maisons non réformées. Les querelles ne cessèrent qu'en 1579, quand le pape Grégoire XIII déclara que la réforme des déchaux était une association distincte et séparée. Pendant ces années agitées, Thérèse écrivit ses lettres et ses livres les plus célèbres, et plus particulièrement son autobiographie (le Livre de la vie, 1565), le Chemin de la perfection écrit pour les religieuses (1573) et le Château intérieur (1577), classique de la prière contemplative. Elle voyagea aussi beaucoup en Espagne, fondant de nouveaux couvents et animant les communautés déjà fondées. Elle était très aimée par ses religieuses. Sympathique et pratique, elle était aussi capable d'élans mystiques. Active et contemplative à la fois, ses écrits très vivants en langage simple ont toujours du succès. C'est un enseignement et une source d'information unique sur l'une des grandes saintes de l'époque.

Fête : 15 octobre.

Sa mort et son culte

Le 4 octobre 1582, revenant à Avila après avoir fondé une nouvelle maison à Burgos, Thérèse mourut. Elle fut enterrée à Alba de Tormes. Sa fête est cependant fixée au 15 octobre. En effet, lors de l'instauration du calendrier grégorien un jour après sa mort en 1582, il a fallu supprimer dix jours et, par décision papale, le lendemain du jeudi 4 octobre fut le vendredi 15 octobre. Thérèse d'Àvila fut canonisée en 1622 par le pape Grégoire XV et en 1970, elle fut la première femme à être proclamée, par le pape Paul VI, docteur de l'Église.

Elle est habituellement représentée avec une colombe au-dessus de sa tête et une flèche enflammée perçant son coeur. Ce dernier trait rappelle l'une de ses plus célèbres expériences mystiques. Son héritage survit aujourd'hui, à la fois dans ses écrits largement diffusés et dans les nombreuses petites communautés de carmélites qui conservent encore aujourd'hui son idéal et son style de vie contemplatif.

Des déchaux

Les carmes et carmélites sont des religieux et religieuses issus d'un groupe d'ermites installés au mont Carmel en Palestine au XII-e siècle. Le mont Carmel avait été illustré au IX-e siècle avant Jésus-Christ par le prophète Élie qui en avait fait un lieu de méditation, où il avait regroupé quelques ermites vivant dans des grottes, y avait confondu par un miracle les prêtres du dieu Baal (1 Rois 18) et s'y serait élevé dans le ciel sur un char de feu. L'ordre des Carmes fut reconnu par Honorius III en 1226, réorganisé par Simon Stock en 1247. Une première scission eut lieu en

1431, la règle étant jugée trop sévère par certains. La branche féminine a été fondée en 1452 et donc réformée au siècle suivant par Thérèse d'Avila.

Depuis le XVI-e siècle on distingue les carmélites de l'Ancienne Observance et l'ordre des Carmes et Carmélites déchaux, adeptes de la réforme de sainte Thérèse et de saint Jean de la Croix. Ils sont dénommés déchaux parce qu'ils sont toujours pieds nus dans leurs sandales, contrairement aux autres. Mais cela indique aussi une règle plus sévère et une claustration plus rigoureuse.

DE L'AUTOBIOGRAPHIE DE STE THÉRÈSE

En présence de Jésus Christ, si bon ami et si bon capitaine qui s'exposa le premier à la douleur, on peut tout souffrir. Il nous vient en aide et nous donne des forces jamais il ne nous fait défaut ; c'est un véritable ami. Et je vois clairement, je l'ai toujours vu depuis, que pour contenter Dieu en obtenant de lui de grandes faveurs, il veut que nous tenions tout de cette humanité sacrée, en qui sa Majesté a dit mettre toutes ses complaisances.

Je l'ai vu très souvent par expérience: le Seigneur me l'a dit. J'ai vu clairement que nous devions entrer par cette porte, si nous voulons que la Majesté souveraine nous révèle de grands secrets. Que Votre grâce ne cherche donc pas un autre chemin, même si vous êtes aux sommets de la contemplation ; car ici vous êtes en sûreté. Tous les biens nous viennent de ce Seigneur, le nôtre. Il vous instruira; considérez sa vie, c'est le meilleur modèle. Que voulons-nous avoir de mieux à nos côtés qu'un si bon ami qui ne nous abandonnera pas dans les peines et les tribulations, comme le font ceux du monde? Bienheureux celui qui l'aime et le garde toujours auprès de lui. Regardons le glorieux saint Paul, on eût dit que Jésus lui sortait toujours par la bouche, tant il le gardait présent dans son coeur. Depuis que j'ai compris cela, j'ai considéré avec attention quelques saints, grands contemplatifs, et ils ne suivaient pas d'autre voie. Saint François le montre par les stigmates, saint Antoine de Padoue par l'Enfant, saint Bernard faisait ses délices de l'humanité de Jésus, sainte Catherine de Sienne, et tant d'autres. Nous devons marcher librement sur ce chemin, et nous abandonner dans les mains de Dieu; si sa Majesté veut nous élever au rang de ses camériers et nous communiquer ses secrets, y aller de bon coeur. Chaque fois que nous pensons au Christ, rappelons-nous avec quel amour il nous a fait tant de faveurs, et la grandeur de celui que Dieu nous a témoigné en nous donnant ce gage de son amour pour nous: car amour obtient amour. Et même si nous en sommes tout à fait à nos débuts, et fort misérables, tâchons de toujours considérer cela pour éveiller l'amour en nous ; car Si le Seigneur nous accorde un jour la grâce de graver cet amour dans notre coeur, tout nous sera facile, nous agirons très vite et sans le moindre effort.

 

Voyez quel grand amour nous est donné! Enfants de Dieu, nous le sommes,

discernés par avance dans le Fils unique. Au prix du sang qu'il a versé,

Jésus nous conduit vers le Père. Nos yeux sont fixés sur la cité de fête où nous verrons le visage de Dieu. Au-delà de toute souffrance, une joie éternelle nous attend.

Quand Dieu se cache. (Sainte THÉRÈSE d'Avila)

Surchargée de taches difficiles, accablée de soucis, sainte Thérèse était de plus à l'oraison, privée du sentiment de la présence de Dieu. N'y tenant plus, un jour elle s'en plaint au Seigneur avec autant de filiale audace que de respect. Eh quoi! ô mon Dieu, n'est-ce pas assez que vous me reteniez dans cette misérable vie! que, par amour pour vous, j'accepte cette épreuve, et que je consente à demeurer dans cet exil où tout contribue à m'empêcher de jouir de vous, où il faut m'occuper du manger, du dormir, des affaires, des rapports avec une foule de personnes ? Cependant je me résigne à tout par amour pour vous! car vous le savez bien, ô mon Dieu, c'est là pour moi un tourment indicible! Or les quelques instants qui me restent pour jouir de votre présence, vous vous cachez! Comment cela peut-il être compatible avec votre miséricorde? Comment votre amour pour moi peut-il le souffrir ? Seigneur, s'il m'était possible de me cacher de vous comme vous vous cachez de moi, je crois, je suis persuadée que votre amour pour moi ne le souffrirait pas! mais vous, vous me voyez toujours. Un telle inégalité est trop dure, ô mon Dieu. Considérez, je vous en supplie, que c'est faire injure à celle qui vous aime tant.

PRIÈRE

Dieu qui as suscité par ton Esprit sainte Thérèse d'Avila pour montrer à l'Église le chemin de la perfection ; Fais-nous trouver notre nourriture dans sa doctrine spirituelle et brûler du désir de la véritable sainteté.