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Thomas Becket (Londres 1118 - Cantorbéry 1170)

Ce prêtre turbulent

Sans doute l'homme d'Église anglais le plus célèbre, il s'opposa

tragiquement au Roi.

Fête: 29 décembre

Thomas était membre d'une famille d'origine normande aisée. Son père, Gilbert, était un marchand prospère et le chef de la police de Londres. Thomas fut éduqué à l'abbaye de Merton dans le Surrey et étudia le droit à Londres avant d'aller à l'université de Paris. La mort inattendue de son père entraîna la détérioration de sa situation financière. Il travailla quelque temps comme employé de bureau avant d'entrer dans la maison de l'archevêque Théobald de Cantorbéry en 1141. L'archevêque l'envoya à Rome à différentes occasions, puis, en 1144, à Bologne et à Auxerre pour y étudier le droit canon. Dix ans plus tard, ayant été ordonné diacre, il fut nommé archidiacre de Cantorbéry. Dans ces fonctions, il montra des qualités de diplomate efficaces pour les relations de l'archevêque avec la cour, se fit aimer d'Henri d'Anjou (futur Henri Il d'Angleterre) et persuada le pape Eugène III de refuser les prétentions d'Eustache, fils du roi Etienne de Blois. En récompense, et avec le soutien de Théobald, Henri Il nomma Thomas chancelier d'Angleterre en 1155, premier Anglais d'origine depuis la conquête normande à tenir une position aussi élevée. Il devint le deuxième homme fort du pays, menait une vie particulièrement somptueuse et était ~ parfait courtisan : il agissait pour l'intérêt du roi en toute occasion et mena même personnellement les troupes royales durant la bataille de Toulouse en 1159.

· L'archevêque de Cantorbéry

Ces relations cordiales entre le roi et le chancelier changèrent soudain quand, en 1162, après la mort de Théobald, Henri nomma, contre son gré, Thomas archevêque de Cantorbéry. Thomas démissionna immédiatement de son poste de chancelier, fut ordonné prêtre et le lendemain consacré évêque. Il devînt austère, porta une chemise de crin et vécut selon une discipline stricte. Il était décidé à accomplir correctement la mission qu'il n'avait pas choisie. Il commença également à pratiquer largement l'aumône. Ce nouvel état de choses irrita Henri, et le fossé entre les deux hommes se creusa d'autant plus,que Thomas privilégiait les intérêts de l'Église aux dépens de ceux de la couronne et qu'il entreprit de convertir le roi. Il alla jusqu'à excommunier des membres influents de la cour qui n'avaient pas respecté les propriétés de l'Église.

En 1164, le roi et l'archevêque discutèrent les Constitutions de Clarendon. Thomas s'y opposa parce qu'elles supprimaient le droit du clergé à être jugé par des tribunaux ecclésiastiques et de faire appel à Rome. Aucun de ces hommes opiniâtres ne voulait s'avouer vaincu et finalement, Thomas Becket fut obligé de s'exiler en France, où il resta six ans. Les deux adversaires en appelèrent au pape Alexandre III qui, pour ne pas offenser le roi, se contenta de suggérer à Thomas d'entrer au monastère cistercien de Pontigny. Pendant ce temps, Henri confisqua les biens de l'archevêque. Celui-ci partit pour Sens et reçut la protection de Louis VII. Il continuait à proclamer la suprématie de l'Église sur l'État.

Le martyre

Finalement, en 1170, les efforts conjugués de Louis et du pape permirent l'établissement d'un compromis entre le roi et le prêtre. Thomas revint à Cantorbéry. Ses diocésains, qui le considéraient comme leur défenseur contre les exactions des nobles et de la couronne, célébrèrent son retour. Il découvrit alors que le fils d'Henri avait été couronné sans respecter les droits de l'archevêque de Cantorbéry et il excommunia les évêques qui avaient présidé à la cérémonie. « Qui me débarrassera de ce prêtre turbulent ? » cria Henri dans sa colère. Quatre de ses courtisans le prirent au mot. Ils allèrent voir Thomas dans sa cathédrale et l'assassinèrent. Quelle qu'ait pu être sa vie, Thomas est mort en saint. Il remit son esprit entre les mains de Dieu et des saints.

Son culte

Toute l'Europe fut peinée de sa mort. Il fut déclaré martyr et devint le symbole de la liberté et de l'autorité de l'Église. La vénération dont il fut l'objet occulta ses erreurs et de nombreux miracles entourent son nom. Henri fit amende honorable sur son tombeau en 1174 mais ne lâcha aucun des privilèges qui avaient fait l'objet des conflits avec le saint, sauf le droit de faire appel à Rome. Becket fut canonisé en 1173 par Alexandre III et ses reliques furent transférées en 1220 dans un tombeau de la chapelle de la Trinité.

Ce fut l'un des lieux de pèlerinage les plus importants d'Europe. La route des Pèlerins va de Londres ou de Winchester à Cantorbéry. Quatre-vingts églises lui avaient été consacrées en Angleterre. Mais Henri VIII, réagissant contre la papauté, a fait détruire son tombeau et enlever son nom de tous les ouvrages liturgiques.

Un héros

Ce mystère insondable que présente l'âme du héros a permis a l'imagination de rêver. Le mythe a grandi et s'est renouvelé a la faveur de cette zone d'ombre dans la personnalité du héros qui échappe a la science historique I .1. Le théâtre se concentre naturellement sur les situations de conflit [...l. À tort ou a raison, la personnalité du héros a été interprétée comme théâtrale [...l Le processus de mystification s'est amorcé de son vivant, peut-être dès l'époque où le héros était chancelier, plus probablement pendant son exil. T.-S. Éliot l'imagine confronté a son propre mythe. Le quatrième tentateur de Murder in the Cathedral l'invite à contempler sa gloire posthume " au péril de son salut"(Actes du colloque de Sédiéres, 1970).

LETTRE DE S. THOMAS BECKET À L'ÉVÊQUE GILBERT

Si nous sommes soucieux d'être tels que l'on nous dit, si nous voulons connaître la signification de notre nom, nous qu'on appelle évêques et pontifes, il nous faut considérer avec une constante attention et suivre effectivement les traces de celui que Dieu a établi pontife pour l'éternité. Il s'est offert pour nous à son Père sur l'autel de la croix; de l'observatoire suprême du ciel, il observe constamment les actes et les intentions qui font agir tous les hommes, lui qui finalement rétribuera chacun selon ses oeuvres. Puisque nous sommes chargés de tenir sa place sur la terre, nous avons reçu le glorieux nom d'évêques et l'honneur d'une telle charge, et nous recueillons sur cette terre des avantages qui découlent de nos labeurs spirituels. Nous avons remplacé les Apôtres et les hommes apostoliques au sommet de la hiérarchie des Églises, afin que par notre ministère l'empire du péché et de la mort soit abattu; afin que l'édifice du Christ, en s'unifiant par la foi et la croissance des vertus, s'élève pour devenir un temple saint dans le Seigneur.

Et certes, les évêques sont très nombreux. Nous avons promis, lors de notre consécration, d'avoir une activité et une vigilance très assidues pour enseigner et nourrir notre troupeau. Nous le professons chaque jour en paroles, mais il faudrait que le témoignage de notre action vienne donner quelque confiance en notre promesse! Oui, la moisson

est abondante, et pour la ramasser et la rentrer dans le grenier du Seigneur, il ne suffit pas d'un seul ouvrier ni de quelques-uns. Quel que soit le nombre des évêques, personne cependant ne met en doute que l'Église Romaine soit à la tête de toutes les Églises, et qu'elle soit la source de la doctrine catholique. Personne n'ignore que les clés du royaume des cieux ont été confiées à Pierre. N'est-ce pas dans la foi et l'enseignement de Pierre que tout l'édifice de l'Église s'élève jusqu'à ce que nous parvenions tous ensemble à l'unité dans la foi et la vraie connaissance du Fils de Dieu, à l'état de l'homme parfait? Il est donc nécessaire qu'il y ait beaucoup d'hommes pour planter, beaucoup pour arroser, car c'est nécessaire au progrès de la parole et à l'accroissement des peuples. Le peuple ancien, à qui un seul autel suffisait, a eu nécessairement des maîtres nombreux. Et maintenant que les nations affluent vers l'Église et s'y réunissent, le Liban ne suffit pas aux bûchers, et les bêtes, non seulement du Liban, mais de toute la Judée, ne suffisent pas aux holocaustes. Quel que soit celui qui arrose ou qui plante, Dieu ne donne la croissance qu'à celui qui plante dans la foi de Pierre et en accord avec sa doctrine. C'est à lui que sont déférées les causes majeures du peuple, pour être examinées par le Pontife Romain. Les magistrats de notre mère l'Église lui sont subordonnés de telle sorte qu'ils exercent le pouvoir qui leur a été confié en participant à sa charge pastorale. Rappelez-vous enfin comment nos pères ont obtenu le salut, comment et à travers quelles épreuves l'Église a grandi et s'est étendue; quelles tempêtes a dû franchir la nef de Pierre qui a le Christ pour pilote; comment sont parvenus à la couronne ceux dont la foi a brillé davantage dans les épreuves. C'est ainsi que la foule de tous les saints s'est avancée pour que cette parole soit toujours vraie: L'athlète ne reçoit la couronne que s'il a lutté selon les règles.

En Dieu, notre confiance: il nous pourvoit de tout avec générosité.

Combats le bon combat, conquiers la vie éternelle à laquelle tu as été appelé.

N'amassez pas de trésors sur la terre mais dans le ciel, et débordez d'action de grâce.

Qui perd sa vie en ce monde la trouve pour l'éternité. Heureux le vainqueur, entré dans la lumière et dans la paix de son Seigneur!

 

Tu as donné, Seigneur, à saint Thomas Becket une telle grandeur d'âme qu'il sacrifia sa vie pour la justice; accorde-nous, par son intercession, de perdre ici-bas notre vie, pour le Christ, afin de pouvoir la trouver dans le ciel.