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HOMÉLIE DE S. BERNARD POUR LA TOUSSAINT

Dans la communion des saints

Pourquoi notre louange à l'égard des saints, pourquoi notre chant à leur gloire, pourquoi cette fête même que nous célébrons? Que leur font ces honneurs terrestres, alors que le Père du ciel, en réalisant la promesse du Fils, les honore lui-même? De nos honneurs les saints n'ont pas besoin, et rien dans notre culte ne peut leur être utile. De fait, si nous vénérons leur mémoire, c'est pour nous que cela importe, non pour eux. Pour ma part, je l'avoue, je sens que leur souvenir allume en moi un violent désir. Le premier désir, en effet, que la mémoire des saints éveille, ou plus encore stimule en nous, le voici: nous réjouir dans leur communion tellement désirable et obtenir d'être concitoyens et compagnons des esprits bienheureux, d'être mêlés à l'assemblée des patriarches. à la troupe des prophètes, au groupe des Apôtres, à la foule immense des martyrs, à la communauté des confesseurs; au choeur des vierges, bref d'être associés à la joie et à la

I-er novembre communion de tous les saints. Cette Église des premiers-nés nous attend, et nous n'en aurions cure! Les saints nous désirent et nous n'en ferions aucun cas! Les justes nous espèrent et nous nous déroberions! Réveillons-nous enfin, frères; ressuscitons avec le Christ, cherchons les réalités d'en haut ; ces réalités, savourons-les. Désirons ceux qui nous désirent, courons vers ceux qui nous attendent, et puisqu'ils comptent sur nous, accourons avec nos désirs spirituels. Ce qu'il nous faut souhaiter, ce n'est pas seulement la compagnie des saints, mais leur bonheur, Si bien qu'en désirant leur présence, nous ayons l'ambition aussi de partager leur gloire, avec toute l'ardeur et les efforts que cela suppose. Car cette ambition-là n'a rien de mauvais: nul danger à se passionner pour une telle gloire. Et voici le second désir dont la commémoration des saints nous embrase: voir, comme eux, le Christ nous apparaître, lui qui est notre vie, et paraître, nous aussi, avec lui dans la gloire. Jusque là, il ne se présente pas à nous comme il est en lui-même, mais tel qu'il s'est fait pour nous: notre Tête, non pas couronnée de gloire, mais ceinte par les épines de nos péchés. Il serait honteux que, sous cette tête couronnée d'épines, un membre choisisse une vie facile, car toute la pourpre qui le couvre doit être encore non pas tant celle de l'honneur que celle de la dérision. Viendra le jour de l'avènement du Christ: alors on n'annoncera plus sa mort de manière à nous faire savoir que nous aussi sommes morts et que notre vie est cachée avec lui. La Tête apparaîtra dans la gloire, et avec elle les membres resplendiront de gloire, lorsque le Christ restaurera notre corps d'humilité pour le configurer à la gloire de la Tête, puisque c'est lui la Tête. Cette gloire, il nous faut la convoiter d'une absolue et ferme ambition. Et vraiment, pour qu'il nous soit permis de l'espérer, et d'aspirer à un tel bonheur, il nous faut rechercher aussi, avec le plus grand soin, l'aide et la prière des saints, afin que leur intercession nous obtienne ce qui demeure hors de nos propres possibilités.

 

Vers d'étonnantes rencontres. (Un évêque contemporain)

 

Après ma mort retrouverai-je ceux qui m'entourent aujourd'hui? N'en rencontrerai-je pas d'autres auxquels je ne m'attends pas? Le Nouveau Testament apporte une réponse

à toutes ces questions au point qu'il semble même n 'avoir été prêché et écrit que pour éclairer, comme une lumière sur notre route, le sens de la vie et de la mort. Nous ne manquerons pas d'être surpris. Nous rencontrerons d'abord une foule immense le pauvres gens, ayant à leur tête le pauvre Lazare le l'Évangile. Le Seigneur ne dit pas de lui qu'il a pratiqué toutes les vertus, reçu tous les sacrements, mais tout simplement : Il a reçu tes maux pendant sa vie, maintenant il trouve consolation. Cette parole du Seigneur canonise le pauvre Lazare comme tel et jette une lumière très vive de la première Béatitude Heureux, vous les pauvres car le Royaume est pour vous. Le Christ est d'ailleurs venu pour eux : le signe qui authentifie sa mission est que les pauvres sont vraiment évangélisés. Avec la porte de la première Béatitude, s'ouvrent toutes les autres.

Nous rencontrerons les humbles et les doux de la terre - tous ceux qui ont souffert dans leur corps et dans leur coeur - qui ont été dévorés par la faim et la soif de la justice - les proscrits, les torturés, les persécutés - tous ceux qui ont eu le coeur plein de pitié et de miséricorde - les coeurs simples et transparents - tous ceux qui ont milité pour la paix.

Les barrières de notre moralisme s'écrouleront. Si nous prenons l'Évangile à la lettre, nous devons nous attendre à trouver aussi un certain nombre de non-conformistes.

La Samaritaine qui a eu plusieurs maris, les prostituées avec la femme adultère, les publicains et les pécheurs avec Zachée, les voleurs avec le bon larron, beaucoup de ceux que nous qualifions de « non-pratiquants » avec le centurion... et bien d'autres...

Que notre bonne conscience ne s'affole pas. Les barrières de notre moralisme s'écrouleront. Notre communion avec nos frères se fera au niveau du coeur, là où le Seigneur nous connaît dans notre pauvreté et dans sa miséricorde. Nous comprendrons alors - et puissions-nous l'avoir compris avant! - que les manquements à la morale ont moins d'importance que les manquements à l'amour : ou plutôt que les manquements à la morale des hommes ne sont graves que s'ils sont des blessures à l'amour. Nous y verrons aussi tous ceux qui, à la suite du Samaritain de l'Évangile, se sont compromis pour rendre service à leurs frères. Il nous suffit de prendre à la lettre le chapitre 25 de saint Matthieu pour savoir sur quels critères Jésus fera l'admission au Royaume des cieux: J'ai eu faim, j'étais nu, j'étais prisonnier... Ce que vous avez fait au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que vous l'avez fait. Ainsi, se reconnaîtront dans cette parole, tous ceux qui travaillent pour le progrès collectif de leurs frères - tous ceux qui soignent non des cas ou des numéros, mais des frères (et ils sont nombreux) - les visiteurs des prisons - et tant d'autres que nous ne connaissons pas aujourd'hui mais dont nous savons qu'ils sont plus nombreux que les grains de sable au bord de la mer. La Toussaint est la fête de tous ceux que le Seigneur sauve parce qu'il connaît leur coeur et qu'il y trouve une étincelle de son propre amour.

PRIÈRE

Dieu éternel et tout-puissant, tu nous donnes de célébrer dans une même fête la sainteté de tous les élus; Puisqu'une telle multitude intercède pour nous, réponds à nos désirs,

accorde-nous largement tes grâces.