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SERMON SUR LA CONFIRMATION Dispositions qu'il faut avoir pour recevoir ce sacrement. Deus dedit pignus spiritus in cordibus nostris. nous a fait part de son esprit divin qui nous sera le gage de la vie éternelle. (II Cor., I, 22. ) De quels sentiments de joie et d'amour ne devez-vous pas être pénétrés, M.F., à la nouvelle d'un tel bonheur !... Oh ! qui de nous ne sentira pas son cœur saisi d'amour et de reconnaissance, ayant l'espérance que, dans peu de jours, l'Esprit-Saint aura choisi sa demeure dans son âme ? O mon Dieu ! il me semble que j'aperçois déjà notre âme éprouver le ravissement d'Élisabeth, lorsque la Mère de Dieu vint la visiter, et qu'elle fut remplie si abondamment de cet Esprit de lumière et de ce foyer d'amour. Oh ! non, vous n'avez jamais connu la grandeur de ce sacrement, et les biens qu'il nous procure si nous le recevons saintement. Écoutez Jésus- Christ nous dire comme à ses apôtres avant de monter au ciel : « Encore un peu de temps, et vous recevrez l'Esprit-Saint, préparez-vous par la prière et la retraite, et vous verrez l'accomplissement de ma promesse . » Plusieurs d'entre vous, M.F., l'ont reçu, ce sacrement ; mais, ô mon Dieu'. comment l'ont-ils reçu ?... Les uns sans en connaître la grandeur, les autres, sans être bien prêts, ou peut-être même, en état de péché ! Mon Dieu, mon Dieu, dans quel état sont-ils à vos yeux ?... Cela fait trembler. Hélas ! parmi ceux-là même qui l'ont reçu dignement, combien de fois, et depuis combien d'années n'ont-ils pas chassé le Saint-Esprit de leur cœur ? O perte ! O mal heur incompréhensible !… Et quel remède pour cela ? point d'autre, M.F., que les larmes et la pénitence. Pauvre âme, depuis que cet Esprit de lumière vous a quittée, de quelles ténèbres n'êtes-vous pas enve loppée ?… Heureux celui qui ne l'a pas encore reçu. Pourquoi cela ? C'est qu'il peut encore s'y préparer, et recevoir toutes les lumières qu'il produit dans les âmes pures. Dites-moi, vous qui avez eu le bonheur de le recevoir, avez-vous bien compris toutes les obligations qu'il vous imposait ? – Hélas ! non, dites-vous en vous -mêmes. – Eh bien ! écoutez-moi un moment, vous allez le comprendre, et tâchez de réparer le mal que vous avez fait en violant des promesses aussi saintes et aussi sacrées. Mais pour vous, M.F., qui l'avez reçu avec de mau vaises dispositions, c'est-à-dire le péché dans le cœur ; qui avez caché, déguisé ou diminué le nombre de vos fautes, cherché des détours pour ne pas les faire paraître si énormes, qui les avez confessées sans contrition, sans douleur et sans désir de vous corriger, ne faisant aucun effort pour rompre vos mauvaises habitudes ; pour vous, dis-je, quel langage vous tiendrai-je, qui soit digne de vous, qui puisse vous faire comprendre votre malheur ? O mon frère, après un tel attentat, peux-tu encore vivre ? O mon Dieu, des chrétiens seraient-ils coupables d'un meurtre aussi affreux contre votre personne adorable ?... Ah ! mon ami, pleure amèrement. Si tu es insensible à un tel crime, donne-moi ton cœur et tes yeux, afin que les joignant aux miens, nuit et jour je verse des tor rents de larmes, et que je pleure de ce que tu ne pleures pas !... Mon ami, qu'as-tu fait ? Que vas-tu devenir ?... O mon Dieu ! puisque les trésors de votre miséricorde nous sont encore ouverts, touchez le cœur de ce pauvre malheureux qui vous a outragé, afin qu'il pleure, et que vous lui rendiez ce qu'il a perdu. Enflammez de votre Esprit divin, tous ces jeunes cœurs qui vont vous servir de demeure. Venez, Esprit de lumière et d'amour, venez à mon secours ; afin que je leur fasse comprendre la grandeur de leur bonheur, et les obligations qu'ils vont contracter. I. – Si les dispositions doivent être proportionnées à la grandeur du don que Dieu nous fait dans le sacrement de Confirmation, je ne vois pas trop ce que je vous pourrai dire ; je gagnerais tout autant, je crois, à garder le silence que de vous en parler ; car les grâces qui nous sont communiquées dans ce sacrement sont infinies. Mon Dieu ! pardonnez notre faiblesse et notre igno rance !... Mais, vous me demandez, M.F., bien qu'il soit impossible d'apporter à ce sacrement autant de pureté et d'amour qu'il en mérite, ce que nous devons faire pour nous en rendre dignes, autant qu'il est en notre pouvoir, ou du moins, pour éviter le malheur de le pro faner ? – Mon enfant, ayez confiance, si vous êtes dans les dispositions de faire vos efforts pour vous en rendre digne, Dieu aura compassion de la faiblesse de votre âme, il entendra vos soupirs, et l'Esprit-Saint ne manquera pas de venir en vous, pour y établir sa de meure. Voici 1° les dispositions absolument nécessaires pour bien recevoir cet auguste sacrement. Il faut être suffi samment instruit sur tout ce qu'il importe de savoir pour être sauvé ; il faut connaître les principaux mys tères de notre sainte religion, les premiers principes du catéchisme, la fin pour laquelle Dieu nous a mis sur la terre, la récompense qu'il assure à ceux qui pratiquent la vertu, et la punition de celui qui vit dans le péché. Il faut savoir laquelle des trois personnes de la sainte Tri nité s'est incarnée dans le sein de la très sainte Vierge Marie, et qui a formé son corps dans le sein de cette Mère ; pourquoi Dieu le Fils est venu sur la terre, quelle a été son occupation, ce qu'il a souffert ; quelle a été la cause de ses peines, et pourquoi il a institué les sacre ments ; quels sont les effets de chaque sacrement en particulier, et les dispositions qu'il faut apporter pour les recevoir. Il faut savoir que le sacrement de Baptême est celui qui efface en nous le péché originel, c'est-à-dire le péché que nous avons contracté par la faute d'Adam, et que sans ce sacrement, nous ne pourrions jamais voir Dieu dans le ciel, ni recevoir d'autres sacrements. Il faut savoir que le sacrement de Confirmation est un sacre ment par lequel l'Esprit-Saint nous est communiqué d'une manière plus abondante que dans tous les autres ; que le sacrement de Pénitence est institué pour remettre et effacer les péchés que nous avons eu le malheur de commettre après l'âge de raison, c'est-à-dire, quand nous pouvons connaître que nous offensons le bon Dieu, et que nous n'obtenons les effets, qu'autant que nous sommes fâchés d'avoir offensé le bon Dieu, et dans une résolution sincère de tout souffrir, la mort même, plutôt que de retomber dans le péché. Nous ne devons pas ignorer que pour recevoir l'Eu charistie, il faut avoir le bonheur d'être en état de grâce, conservée ou réparée par une bonne confession. Il faut être instruit sur ce que l'on reçoit dans la sainte com munion, c'est-à-dire Jésus-Christ, la seconde personne de la très sainte Trinité, qui a été conçue par l'opération du Saint-Esprit , Fils de Marie, qui l'a mis au monde sans cesser d'être vierge. Sachons aussi que l'Extrême -Onction a été instituée pour nous procurer du soula gement et des grâces extraordinaires, lorsque nous approchons de la mort, moment où le démon tâche de nous tenter plus fortement, afin de nous perdre. Le sacrement de l'Ordre ne regarde que les prêtres : il leur communique le pouvoir de remettre les péchés, de faire descendre Jésus-Christ du ciel sur les autels, et le pouvoir d'administrer les autres sacrements. Enfin, nous devons savoir que le sacrement du Mariage est institué pour sanctifier l'union légitime de l'homme et de la femme, pour leur donner la force de supporter les peines que Dieu attache à cet état. Le chrétien qui va recevoir la Confirmation doit savoir le Notre Père, le Je vous salue Marie, le Je crois en Dieu, les trois actes de Foi, d'Espérance et de Charité. Si votre enfant ne sait pas cela, ou instruisez-le, ou qu'il ne se présente pas à la Confirmation ; car le défaut d'instruction lui ferait profaner ce sacrement, ce qui serait un malheur infini, puisqu'il ne peut se recevoir qu'une fois. 2° La Confirmation est un sacrement qui nous donne le Saint-Esprit avec l'abondance de ses grâces, et nous rend parfaits chrétiens. Ce sacrement nous donne un esprit de lumière, de force et de courage, qui nous fait repousser vivement, les tentations et fouler aux pieds le respect humain. Un chrétien qui l'a dignement reçu, est toujours prêt à donner sa vie pour soutenir les intérêts de Dieu et opérer le salut de son âme ; il craint le péché, voilà toute sa crainte ; quant au reste, il le foule sous ses pieds. Mais si nous voulons que ce sacrement produise en nous ces heureux effets, il faut le recevoir en état de grâce, et pour cela, s'être confessé, avoir reçu l'abso lution de ses péchés, tels qu'on les connaît, sans jamais user de détours, ni omettre quelque péché, sous prétexte que c'est peu de chose, et qu'il ne vaut pas la peine de le dire. Il faut, en confession, parler de vos doutes, parce que souvent il se trouve de gros péchés, que votre ignorance vous empêche de reconnaître. Prenez bien garde, si vous aviez le malheur de cacher ou de diminuer quelque péché, vous commettriez trois sacri lèges des plus horribles. O mon Dieu ! mon Dieu ! peut -on bien y penser et ne pas mourir d'horreur ?... Si vous voulez que vos confessions soient bonnes, il faut que vous vous confessiez comme si, après votre confession, vous deviez paraître devant le tribunal de Dieu, pour rendre compte de votre vie. Si vous avez contracté quelque mauvaise habitude, il ne faut pas de mander l'absolution avant de vous en être entièrement corrigé, parce que n'étant pas corrigé, retombant dans le péché, toutes vos confessions ne seraient que des sacrilèges . Que devons-nous faire pour détruire nos mauvaises habitudes ? Faut-il faire quelques pénitences, quelques prières, quelques mortifications ? Non, M.F., cela ne suffit pas. Il faut que nous soyons pénétrés du regret d'avoir offensé Dieu, il faut que nous soyons dans une sincère résolution de tout souffrir plutôt que d'y retomber ; il faut railler, mépriser, en un mot, ce que le démon ou les impies pourront nous dire, pour nous entraîner dans le vice. Si vous n'êtes pas dans ces dispositions, n'allez pas plus loin, ou sinon, craignez que les foudres du ciel ne vous tombent dessus et ne vous jettent en enfer. O mon Dieu ! combien vont recevoir ce sacrement et ne changeront rien à leur manière de vivre ! Peut-on bien penser à cela ?... Et ce sont des chrétiens ?.. Saint Cyprien nous dit : « Mes enfants, si vous recevez dignement l'Esprit-Saint, vous recevrez toutes sortes de biens, c'est-à-dire la Sagesse, l'Intelligence, la Science, le Conseil, la Force, la Piété et la Crainte de Dieu. » Toutes ces grâces, M.F., consistent surtout dans une vive lumière qui éclaire nos âmes, et en un feu divin qui embrase nos cœurs. Voyez comme vous avez besoin que cet Esprit-Saint vienne en vous ; voyez combien votre esprit est borné et aveugle quand il s'agit du salut, combien votre cœur est faible, froid et glacé pour la vertu. Saint Grégoire de Tours nous dit que celui qui a reçu l'Esprit-Saint, est plus fort que tous les démons ensemble. Et voici la preuve que nous donne ce grand saint. « Julien l'apostat (on l'appelait apostat parce qu'il avait été chrétien et qu'il avait renoncé à sa foi), pour montrer plus ouvertement son impiété, ordonna d'offrir publiquement un sacrifice à ses idoles, c'est-à-dire aux démons. Afin de donner plus d'éclat à cette impie céré monie, il se rendit avec toute sa cour dans le temple destiné à cette action sacrilège. Le moment venu, l'em pereur donne le signal pour commencer. Tous les prêtres, tous les sacrificateurs se mettent au devoir. Mais prodige extraordinaire ! ni eux ni leurs instruments si bien préparés ne peuvent rien. Le feu même qui était sur l'autel s'éteint tout à coup. Oh ! s'écrient l'empereur et les sacrificateurs, il y a ici quelque personne étran gère qui s'oppose à notre cérémonie. Il y a sans doute dans cette assemblée quelque chrétien ! L'empereur ordonna de chercher s'il n'y avait point de chrétiens dans le temple ; en effet, il s'y trouva un jeune homme qui venait de recevoir la Confirmation, et qui, bien loin de fuir, se présenta lui-même à l'empereur en disant qu'il était chrétien et disciple de Jésus-Christ, de ce Dieu mort sur la croix pour nous racheter. « Je le reconnais pour mon Dieu, disait-il, et me glorifie de lui appartenir ; oui, c'est moi ou plutôt le Dieu que je sers qui a rendu vos idoles muettes et sans force ! » L'empereur, qui avait été chrétien et qui savait ce que peut un chrétien muni de l'Esprit-Saint, fut saisi de frayeur. « O empereur, que vous êtes aveugle ! s'écria le jeune homme, vous qui avez été chrétien, qui savez combien notre Dieu est puissant, et que vos idoles ne sont que des démons qui vous trompent et vous traînent en enfer ! » L'em pereur, comme un désespéré, court se cacher, craignant d'être écrasé par les foudres du ciel. Ce jeune homme, plein de joie d'avoir confondu toute l'assemblée par la vertu de l'Esprit-Saint, s'empressa de publier ces mer veilles. Beaucoup de païens quittèrent leur religion pour embrasser celle des chrétiens qui est si sainte et si belle ! Voilà, M.F., les heureux effets que le sacrement de Confirmation opère en nous, si nous sommes assez heu reux pour le recevoir dignement. Oui, si nous le recevons avec de bonnes dispositions, rien désormais ne sera capable de nous détourner de nos devoirs de chré tiens. Si les méchants vous critiquent de ce que vous pratiquez votre religion, vous les écouterez, mais vous les mépriserez et foulerez aux pieds leurs railleries ; vous les plaindrez en voyant qu'ils se perdent, et vous prierez Dieu pour eux. Si le démon vous tente, vous ferez comme saint Macaire, vous lui cracherez dessus, pour lui montrer que vous le méprisez, à l'égal de la boue qui est sous vos pieds. O mon Dieu, que celui qui a reçu l'Es prit-Saint est fort et capable de grandes choses ! II. – Ce sacrement a été institué le jour de la Pentecôte, dix jours après l'Ascension de Jésus-Christ au ciel. La sainte Vierge et les apôtres éprouvèrent les premiers les heureux effets de cet Esprit d'amour, lorsqu'il descendit sur eux avec le bruit d'un vent impétueux. Il descendit sur leur tête en forme de langues de feu, tandis qu'in térieurement il éclairait leur esprit, embrasait leur cœur, et revêtait leur âme d'un caractère de zèle et de courage qu'ils ont fait paraître jusqu'à la mort. Oui, M.F., cet Esprit de pureté et d'amour se communiquera à tous ceux qui le recevront dignement. Quoique invisibles, ses grâces ne seront pas moins abondantes. Par la Confirma tion, nous recevons le Saint-Esprit, qui est la troisième personne de la Sainte Trinité. Oh ! quel bonheur pour une vile créature de recevoir en elle ce Dieu d'amour !… Lorsqu'il fut descendu sur les apôtres, il les changea tel lement, qu'on ne pouvait plus les reconnaître ; chacun se disait : « Sont-ce bien là les disciples de ce prophète de Nazareth que nos docteurs ont fait mourir et crucifier ? Voyez avec quel courage et quelle fermeté ils parlent en public ; nous les avons vus il y a peu de jours, aban donner leur Maître et le trahir ; aujourd'hui, ils confondent jusqu'à nos docteurs. » O mon Dieu ! que vous êtes admirable dans vos opérations !... Eh bien ! M.F., après la Confirmation pourra-t-on en dire de même de vous ? Sera-t-on obligé de se demander si c'est bien vous que l'on a vus il y a quelque temps ? Sera-t-on ravi de votre changement ? Vous entendra-t-on chanter les cantiques et les louanges de Dieu, à la place de ces chansons infâmes et déshonnêtes ?... Verra-t-on en vous, ma sœur, cette simplicité, cette modestie, cette pudeur qui fait l'ornement de votre sexe, prendre la place de ces parures mondaines et de cet air d'affectation dans vos manières. Sera-t-on obligé de se demander si c'est bien vous que l'on a vue si orgueilleuse et si pleine de vanité ? Vous que l'on a vue... O mon Dieu, mon Dieu, qu'allais-je donc dire, en quel bourbier allais-je descendre ?... Vous allez vous faire confirmer, mon frère, c'est très bien ; mais ce n'est pas tout. Il faut qu'après avoir reçu ce sacrement vous ne soyez plus le même. Comme les apôtres, il ne faut plus qu'on vous reconnaisse ; il faut que l'assiduité aux saints offices, la délicatesse au sujet du travail du Dimanche et l'exactitude dans la fréquen tation des sacrements, prennent la place de votre indif férence pour le service de Dieu, de votre peu de respect dans sa maison, et, enfin, de votre froideur et de votre négligence. Hélas ! que de chrétiens vont recevoir ce sacrement, sans qu'il opère en eux cet heureux change ment ! par conséquent que de chrétiens vont le recevoir indignement ! ô mon Dieu, que de chrétiens damnés ! Et vous, M.F., qui avez eu le bonheur de le recevoir autrefois, ce changement s'est-il fait en vous ?... Non, M.F., non, je n'en dis pas davantage... La première fois que l'on vous a raillés, n'est-il pas vrai, vous vous êtes découragés, vous avez tout quitté. A la moindre maladie, à la moindre perte, vous vous êtes désespérés, au lieu de penser que tout vient de Dieu, les maux comme les biens. N'avez-vous pas souhaité la mort, à cause de croix qu'il plaisait à Dieu de vous envoyer ?... O mon Dieu, que celui qui n'a pas reçu l'Esprit-Saint dignement, est faible et capable de peu de chose, en comparaison de celui où habite votre Esprit de lumière ! Oui, chaque sacrement produit son effet tout particulier. Le Baptême nous fait chrétiens, enfants de Dieu, frères de Jésus-Christ ; il nous donne un droit au royaume céleste, que le péché de nos premiers parents nous avait fermé ; il nous délivre du démon dont nous étions les esclaves, et nous fait passer dans la douce et heureuse liberté des enfants de Dieu. Oh ! M.F., que ces avantages sont précieux ! pourrons-nous assez re mercier le bon Dieu d'un tel bonheur ? Le sacrement de Pénitence est un sacrement où Dieu montre sa miséri corde d'une manière admirable ; car ce n'était pas assez d'être mort pour nous, d'avoir institué le sacrement de Baptême, sans lequel jamais nous n'aurions vu le ciel, il lui fallut encore en établir un second, qui aurait la vertu d'effacer tous nos péchés actuels. O mon Dieu, que vous êtes bon !... Le sacrement de l'Eucharistie est le sacrement de son amour ; oh ! M.F., un Dieu se don ner à nous !.. un Dieu soupirer après ce moment !… ô bonheur ! ô grâce précieuse !... Le sacrement de l'Extrême-Onction a été institué pour nous fortifier dans les derniers moments de notre vie. Le sacrement de l'Ordre est établi pour communiquer aux prêtres les lumières et les grâces nécessaires pour nous conduire dans les voies du salut ; celui du Mariage est destiné à sanctifier les actions, l'union légitime de l'homme et de la femme. J'appelle union légitime, l'union de ceux qui se marient selon les lois de l'Eglise et de l'État. Eh bien ! M.F., le sacrement de Confirma tion est la perfection de tous les autres ; c'est précisé ment celui-ci qui nous rend parfaits chrétiens, et ceux qui, pouvant le recevoir, ne le reçoivent pas, se privent de beaucoup de grâces et commettent un gros péché. Oui, M.F., on-peut comparer le chrétien baptisé à un enfant qui vient de naître et qui est sujet à toutes les faiblesses ; mais celui qui a été confirmé est semblable à un homme à la fleur de l'âge, plein de courage et de force, qui peut porter les armes, et est en état de se défendre vigoureusement contre ses ennemis. Vous avez fait jusqu'à présent tout ce que fait un enfant. La moindre chose vous a découragés, la moindre tentation vous a fait tomber, la plus petite pénitence vous a effrayés ; mais si vous avez reçu véritablement l'Esprit -Saint, rien ne sera capable de vous arrêter : vous foule rez tout aux pieds, vous ne serez contents que dans le combat, et, pour tout dire, vous ferez comme les apôtres après qu'ils eurent reçu le Saint-Esprit, vous ne ferez pas plus attention au monde que si vous y étiez seuls. Voyez, M.F., ce qu'étaient les apôtres avant la des cente du Saint-Esprit : faibles, timides ; à chaque instant, le respect humain l'emportait sur les intérêts de Dieu ; ils avaient abandonné leur maître, même après l'avoir vu plusieurs fois après sa résurrection, boire et manger avec eux. Ils se tenaient cachés, par crainte des Juifs, dans le lieu même où ils se préparaient à recevoir le Saint-Esprit ; pas un n'osait redire publiquement les merveilles dont il avait été témoin. Mais, ô mon Dieu ! quel étonnant changement dès qu'ils ont reçu votre Saint-Esprit ! Ils sortent du cénacle, ils courent les rues de Jérusalem, ils publient ouvertement tout ce qu'ils avaient vu et entendu du Sauveur. Le peuple, que la fête de Pâques a réuni de toutes les parties du monde, s'y rend en foule. Saint Pierre, tout enflammé de l'Es prit divin : « Mes enfants, s'écrie-t-il, écoutez-moi : Ce même Jésus que vous avez fait mourir par les mains de vos bourreaux, Dieu l'a ressuscité . » Est-ce bien là, M.F., cet apôtre qui pâlit et trembla à la seule voix d'une servante, et qui renia si lâchement son divin Maître ? Oui, c'est lui-même, mais depuis ce temps, il a reçu l'Esprit-Saint, qui a changé sa faiblesse en force, et sa crainte en un courage invincible ; il craignait de passer pour un disciple de Jésus-Christ, et maintenant, il ne soupire qu'après le moment de donner sa vie pour lui. Le mépris, les prisons, les persécutions font ses délices. Oh ! Esprit-Saint, que vous donnez de force à ceux qui sont assez heureux pour vous posséder ! Mais, pensez-vous en vous-mêmes, quels sont les dons que le Saint-Esprit nous communique dans le sacrement de Confirmation ?... – Les voici, M.F., tout ce que je vous demande, c'est de les mettre en pratique. Je vous ai déjà dit qu'il y en avait sept. Le premier don du Saint- Esprit c'est la Sagesse, grâce qui nous détache du monde. Elle nous fait mépriser les plaisirs, qui ne peu vent que nous séduire, nous tromper et nous perdre. Cette vertu nous porte à nous attacher aux biens du rables, c'est-à-dire aux biens du ciel ; à ne considérer ce monde que comme un lieu d'exil et de misères, où, tant que nous y serons, nous vivrons malheureux, sans atteindre ce bonheur parfait après lequel notre cœur soupire. Le deuxième don du Saint-Esprit est l'Intelligence c'est-à-dire une lumière surnaturelle qui nous fait com prendre les beautés de notre sainte religion, les secours et les consolations que nous y trouvons. Elle nous montre par conséquent, l'attachement que nous devons avoir pour elle ; elle nous fait faire des efforts pour la connaître, afin que notre ignorance ne soit pas cause de notre perte, et que, ravis de tant de beautés nous mé prisions tout le reste. Le troisième don du Saint-Esprit est le don de Con seil. C'est une prudence chrétienne qui nous fait tou jours choisir les moyens les plus sûrs pour aller à Dieu, et l'état le plus parfait pour arriver au ciel. Le quatrième est celui de la Science, qui nous porte à examiner si toutes nos actions sont faites avec des intentions bien pures, si nous vivons de manière à avoir l'assurance que nous sommes dans la route qui conduit au ciel. Il nous fait connaître aussi les dangers et les occasions qui peuvent nous perdre en nous portant au mal. Le cinquième don est la Force. C'est un caractère de vigueur et de courage qui nous met au-dessus de tout respect humain ; c'est précisément cette vertu qui sou tenait les martyrs dans leurs tourments ; voyez saint Barthélemy, écorché vif de la tête aux pieds. Eh ! M.F., qui lui donna cette force, si ce n'est le Saint-Esprit ? Qui donna à saint Vincent ce courage invincible jusqu'à lasser ses bourreaux. C'est encore l'Esprit-Saint. En effet, un chrétien qui a reçu cette vertu, méprise et foule aux pieds tout ce que les impies peuvent lui dire : il ne pense qu'à plaire à Dieu, et rien autre chose. Le sixième don est celui de la Piété. C'est un saint empressement pour tout ce qui a rapport au culte de Dieu et au salut de nos âmes. Qui a porté tant de saints à rendre les services les plus dégoûtants aux malades ? Qui y porte encore aujourd'hui tant de personnes, qui passent leur vie à servir les malheureux ? C'est l'Esprit -Saint. C'est lui qui nous porte à écouter avec empressement la parole de Dieu, à prier avec ferveur, et à faire consister notre bonheur dans la fréquentation des sacre ments. Le septième don est la Crainte de Dieu. C'est une déli catesse de conscience, qui nous porte à bien examiner si nos actions sont conformes à la loi que Dieu nous prescrit dans ses commandements. Un chrétien qui pos sède cette vertu craint horriblement le péché, et tremble continuellement d'y tomber ; il fait comme saint Philippe de Néri que l'on trouva un jour sanglotant. On lui de manda ce qui le jetait dans cette espèce de désespoir. « Hélas ! dit-il, je ne désespère pas ; au contraire, j'es père beaucoup ; mais quand je pense que les anges qui étaient dans le ciel, sont tombés, qu'Adam et Ève ont péché dans le paradis terrestre, que Salomon, d'après l'Esprit-Saint, le plus sage des rois de la terre, a souillé ses cheveux blancs par les crimes les plus abominables, la pensée de tout cela, dis-je, me fait craindre sans cesse que ce malheur ne m'arrive. Oh ! ajoutait-il, que celui qui connaît la grandeur du péché, doit craindre d'y tomber  !... » Mon Dieu, que nous avons besoin que cet Esprit-Saint vienne en nous pour changer notre cœur ! Mais à qui, M.F., le Saint-Esprit doit-il se commu niquer avec ses sept dons ? Je réponds : A tous ceux qui s'y seront préparés par la prière et la retraite ; c'est-à -dire, qui auront, autant qu'il leur est possible, détourné leur cœur des objets et des choses du monde ; qui au ront confessé sincèrement leurs péchés avec la douleur nécessaire ; qui auront pris des résolutions véritables de ne plus les commettre et de tout souffrir plutôt que d'y retomber. En effet, le Saint-Esprit fut donné seulement à ceux qui avaient passé quelques jours dans le cénacle, c'est-à-dire dans la retraite. Toutes les fois que Dieu veut accorder quelque grâce extraordinaire, ce n'est qu'après quelques jours de retraite. Voyez Moïse : Dieu ne lui donna sa loi qu'après quarante jours de jeune et de retraite . Voyez le prophète Elie. Le Seigneur lui commande d'aller sur la montagne d'Horeb, parce que c'est là qu'il doit lui apprendre ses volontés ; il veut lui faire comprendre que ce n'est pas dans le tracas du monde qu'il distribue ses dons précieux. Lorsque le prophète est sur la montagne, il commence à entendre un vent impétueux qui semblait tout renverser, mais le Seigneur n'est pas dans ce vent. Après cela, il se fait un tremblement de terre terrible : le Seigneur n'y est pas non plus ; enfin, il entend souffler un vent doux ; alors Élie se couvre la face de son manteau, se met à l'entrée de sa caverne : c'est là qu'est le Seigneur . Dieu vou lait montrer ainsi, que lorsqu'il veut venir dans nos cœurs, il faut qu'ils soient dégagés des choses exté rieures du monde, c'est-à-dire, que nous ayons quitté nos péchés et nos mauvaises habitudes. O mon Dieu, ne permettez pas que nous ayons le malheur de recevoir indignement votre Esprit-Saint ! changez entièrement nos cœurs et nos âmes !... Sei gneur, descendez dans nos cœurs par votre grâce, dai gnez y habiter par le sacrement de Confirmation !... O Vierge sainte, qui avez préparé les apôtres à cet heureux moment, préparez-nous aussi vous-même, afin que nous puissions recevoir et garder cet Esprit de pureté et d'amour... Ainsi soit-il.

 

SERMON SUR L'EXTRÊME-ONCTION Dominus opem ferat illi super lectum doloris ejus : unversum stratunm ejus versasti, in infirmitate ejus. Seigneur portera secours au malade sur son lit de douleur ; vous avez, ô Dieu, changé sa couche dans son infirmité. (Ps. xl, 4.) Qui de nous, M.F., pourra jamais comprendre la grandeur de la miséricorde de Dieu, son empressement à nous fournir tous les moyens nécessaires pour adoucir nos peines et nous assurer le ciel ? Sommes-nous malades ? II veut bien, ce tendre et aimable Sauveur, s'abaisser jusqu'à venir nous visiter, nous consoler et nous aider à souffrir, de manière à rendre ces souf frances dignes d'une récompense éternelle. Voulons- nous, M.F., être pénétrés de la grandeur de son amour pour nous ? Considérons l'empressement qu'il a de nous accompagner de sa miséricorde, tous les jours et à tous les instants de notre vie. Dès que nous entrons dans le monde, il nous présente le sacrement de Baptême pour nous ouvrir le ciel que le péché d'Adam nous avait fermé, et, en nous rendant son amitié, il nous fait participants de tous les mérites de sa passion. Avons-nous le malheur de perdre cette grâce précieuse ? Il nous offre pour réparer cette perte, le sa crement de Pénitence, que nous pouvons recevoir autant de fois que nous avons péché, il va encore plus loin ; afin de ranimer en nous la foi sans laquelle nous ne pouvons plaire à Dieu, il nous donne, dans le sacrement de Confirmation, son Saint-Esprit, qui nous éclaire et nous conduit dans toutes nos actions, de manière à les rendre méritoires pour le ciel. Non content de tous ces dons, il veut encore, pour nous fortifier dans nos com bats, nous donner son corps adorable et son sang pré cieux, afin de nourrir nos âmes, et de nous faire goûter d'avance le bonheur des saints. Voilà donc tout ce qui nous est nécessaire pour conserver ou réparer en nous la grâce de Dieu ; mais comme le péché d'Adam nous attire toutes sortes de misères, et surtout le châtiment de subir la mort ; nous avons besoin, à nos derniers moments, d'un secours puissant, pour adoucir nos souf frances et les rendre méritoires ; pour nous fortifier contre les attaques du démon, qui, voulant nous perdre, redouble ses efforts. Nous avons besoin, dis-je, d'un secours extraordi naire, pour nous rassurer contre les terreurs de la mort et les frayeurs du jugement, dont la seule pensée a fait trembler les plus grands saints. Que fait donc notre aimable Sauveur ? Il établit un sacrement qui nous donne toutes les grâces et les secours nécessaires dans ce ter rible moment ; un sacrement, qui nous fait considérer nos maladies, non comme une punition, mais comme une grâce bien précieuse, et la mort, non comme un châtiment, mais comme une grande récompense. Les maladies, en effet, sont des moyens très efficaces pour nous faire satisfaire à la Justice divine, et la mort nous délivre de toutes sortes de misères, en nous donnant la possession de toutes sortes de biens. Mais pour mieux vous le faire comprendre, je crois devoir vous montrer, 1° les avantages du sacrement de l'Extrême-Onction ; 2° les fautes que nous commettons à l'occasion de ce sacrement ; 3° les dispositions que nous devons y apporter. I. – Vous parler du sacrement de l'Extrême-Onction, M.F., c'est vous faire ressouvenir que notre vie ici-bas n'est pas éternelle, et que bientôt nous sortirons de ce monde. Notre vie n'est qu'un petit passage, où nous sommes placés pour combattre le démon, le monde et nos penchants, afin de nous assurer le ciel ; c'est vous dire que nos corps, que nous cherchons tant à contenter, que nous craignons tant de faire souffrir, seront détruits par la violence des souffrances, par la puissance de la mort, et que nous irons paraître devant notre juge, pour lui rendre compte de tout le bien et de tout le mal que nous aurons fait pendant notre vie. Après cela, « nous irons nous ensevelir dans la maison de notre éternité  » Ah ! M.F., que cette pensée nous serait salutaire, si nous avions le bonheur de la bien graver dans notre cœur ! En effet, comment pourrions-nous commettre le péché ? comment pourrions-nous vivre dans le péché, si nous nous disions en nous-même : Un jour viendra que la maladie et la mort détruiront ce corps ; un jour vien dra qu'il me faudra rendre compte de toutes les actions de ma vie, et, après ce jugement, ma demeure sera ou le ciel ou l'enfer. O mon Dieu, que celui qui ferait de cette pensée son pain quotidien, vivrait saintement !... Le sacrement de l'Extrême-Onction a été institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour le soulagement spiri tuel et même corporel des pauvres malades. Pour notre âme, elle est sûre d'y trouver toujours la santé, si elle est bien préparée ; et, de même, notre corps y trouve aussi la santé, si elle peut être utile à la gloire de Dieu et à notre salut. Saint Jacques nous dit : « Si quelqu'un est malade, faites venir le ministre de l'Église, qui fera sur lui les onctions, et le Seigneur effacera ses péchés et lui rendra la santé du corps . » De sorte que, non seu lement nous recevons la santé de notre âme, c'est-à-dire, le pardon de nos péchés, mais encore une grâce de force, pour nous défendre contre le démon, qui redouble ses attaques à ces derniers moments, espérant toujours nous perdre avant notre mort. Bien plus, ce sacrement répand dans nos âmes une douce consolation ; il ranime notre confiance en Dieu, il nous le fait considérer, non comme un juge sévère, mais comme un bon Sauveur et un ten dre Père, qui vient pour nous consoler, et nous encou rager par l'espoir de la récompense qu'il nous prépare dans le ciel. La maladie est une grâce bien précieuse, elle nous rappelle à Dieu, et nous fait rentrer en nous-même ; elle nous détache de la vie ; elle nous fait considérer toutes les choses créées, les biens, les plaisirs et les honneurs, comme des choses viles et méprisables, indignes d'y attacher notre cœur. Moment précieux, M.F. ! C'est ordinairement dans ce temps-là que nous nous remet tons devant les yeux toute notre vie : je veux dire le bien et le mal que nous avons fait. N'est-ce pas dans ce mo ment, M.F., que nous regrettons de ne pas avoir vécu dans l'amitié de Dieu ? N'est-ce pas lorsque nous sommes étendus : par ce lit de douleur, que nous pleurons des péchés que peut-être, sans une longue maladie, nous n'aurions jamais pleurés. N'est-ce pas dans ce moment que nous prenons les résolutions de changer de vie, si Dieu est assez bon pour nous rendre la santé ? N'est-ce pas dans ce temps-là, que nous concevons une aversion infinie pour tout ce qui nous a porté au péché, soit plai sirs ou mauvaises compagnies ? N'est-ce pas dans ce moment que nous commençons à penser aux tourments que la justice de Dieu prépare aux pécheurs ? N'est-ce pas une maladie qui nous fait nous réconcilier avec notre ennemi ? qui nous fait rendre le bien qui n'est pas à nous ? N'est-ce pas encore dans ces derniers moments que nous éprouvons combien le bon Dieu est riche en miséricorde ? N'est-ce pas là que la pensée du jugement nous fait trembler, à l'aspect de notre destinée éter nelle ? Oh ! M.F., qu'une maladie longue est avantageuse pour un chrétien qui sait en profiter ; car elle lui fournit des moyens efficaces et puissants pour revenir à Dieu, rentrer en lui-même, et satisfaire à la justice divine pour ses péchés : Hélas ! que d'âmes sont en enfer, et qui seraient dans le ciel si elles avaient eu de longues maladies ! Combien, au jour du jugement, verront que les maladies leur ont gagné un grand nombre d'an nées de purgatoire ! La mort même est un grand bienfait de Dieu et un moyen capable de nous réunir à lui ; car, vouloir vivre longtemps, c'est vouloir prolonger ses misères ici-bas. Saint Augustin nous dit : « Celui qui craint la mort, n'aime pas le bon Dieu. » En effet, si nous aimons quel qu'un, nous devons aimer ce qui peut nous y conduire ; par conséquent, celui qui aime Dieu ne craint pas la mort. Mais n'allons pas plus loin, occupons-nous de ce qui regarde directement l'Extrême-onction, qui est le sacrement des mourants. Ce sacrement est un signe sensible qui produit en nous des effets invisibles. Ces signes sont les onctions que le prêtre fait sur le malade avec l'huile sainte, bénite par l'évêque, et les prières qui les accompagnent. Si vous ne savez pas pour quoi l'on donne à ce sacrement le nom d'Extrême-Onction, le voici. C'est que ces onctions sont les dernières que l'on fait sur un chrétien. Les premières se font lorsque nous recevons le Baptême ; les secondes, lorsque l'évêque nous donne la Confirmation, et les dernières lorsque nous sommes malades. Nous voyons que Jésus-Christ, en instituant les sacrements, a choisi les signes les plus capables de nous faire connaître les effets que chaque sacrement produit en nous. Dans le sacrement de Baptême, nous recevons l'eau, dont l'usage ordinaire est de laver quelque chose de sale, pour nous montrer que la grâce reçue dans ce sacrement, purifie notre âme de ses péchés. Dans celui de l'Eucharistie, nous recevons Jésus-Christ sous l'espèce du pain et du vin, pour nous faire connaître qu'il nourrit nos âmes, comme le pain et le vin nourrissent nos corps. Dans ceux de l'Extrême-Onction, nous recevons l'huile sainte. Or, la propriété de l'huile c'est de guérir les blessures, d'adoucir les plaies, de fortifier les membres ; de plus, l'huile d'o lives est encore le symbole de la paix. Vous savez que Noé, après le déluge, envoya une colombe pour savoir si les eaux s'étaient retirées ; elle lui apporta une bran che d'olivier, pour lui signifier que la colère de Dieu était apaisée, et que la paix était rendue à la terre . Voilà précisément, M.F., les effets que produit le sacrement de l'Extrême-Onction dans celui qui le reçoit avec de bonnes dispositions, après s'être bien préparé par le sacrement de Pénitence. Il est vrai que par le sacrement de Pénitence, tous nos péchés nous sont déjà pardonnés ; mais le sacrement de l'Extrême-Onction achève de nous purifier de tous les péchés véniels que nous pouvons avoir commis depuis ce temps-là. Hélas ! que de fautes, dont ces pauvres malades se rendent coupables ! Tantôt ils murmurent dans leurs souffrances, tantôt ils ne se soumettent pas bien à la volonté de Dieu ; une autre fois, ils s'occupent trop d'affaires temporelles ; un autre moment, ils seront de mauvaise humeur contre ceux qui en ont soin. Voilà les fautes qu'un pauvre malade commet ordinairement. Elles sont légères, c'est vrai, mais elles ne laisseront pas que de le conduire bien des années en purgatoire. C'est pour cela que les saints Pères appellent ce sacrement « la perfection du sacrement de Pénitence. » Vous voyez qu'il nous procure une grâce bien précieuse en nous donnant le bonheur d'aller voir Dieu, aussitôt après notre mort. De plus, il nous fortifie contre les tentations du démon, qui en ce moment sont plus fortes et plus fréquentes. En effet, c'est principalement dans nos maladies que le démon, comme nous dit saint Pierre, roule autour de nous pour nous dévorer  ; soit en nous portant au désespoir, en nous faisant considérer nos péchés comme trop grands pour être pardonnés, ainsi veut-il nous faire perdre toute espérance ; soit encore par la présomption, en nous persuadant que nous n'avons rien à craindre, que Dieu ne nous a pas créés pour nous damner ; avec cette vaine espérance, nous mourons dans notre péché, et nous sommes perdus. Ce sacrement, au contraire, nous fait tenir un juste milieu : il nous donne une crainte salutaire, qui, en nous faisant nous amender, ne laisse pas que de nous faire espérer en la miséricorde de Dieu, et nous engage à prendre tous les moyens que le bon Dieu nous a donnés pour assurer notre salut. Un autre bien que produit en nous ce sacrement, c'est de nous rassurer contre les frayeurs de la mort. Il nous la fait envisager comme un bien, car en nous séparant de la vie, elle nous conduit à notre véritable patrie ; nous l'acceptons alors en esprit de pénitence. Si la crainte du jugement à subir nous effraie, ce sacre ment nous rassure, en nous faisant penser qu'à la vue du sang adorable de Jésus-Christ dont nous sommes tout couverts, il est impossible que le Père Éternel ne veuille pas nous reconnaître pour son ouvrage, pour ses fils, ses enfants et les chrétiens de son royaume. Ce sacrement fortifie encore le malade, il lui fait supporter ses souffrances avec patience et résignation à la volonté de Dieu ; bien plus, il adoucit ses douleurs, et elles lui paraissent moins violentes. Nous savons bien, il est vrai, ce qu'est la souffrance ; plusieurs d'entre nous, ont éprouvé des douleurs bien violentes ; mais aucun d'entre nous ne sait ce que l'on souffre pour mourir. Dans ce moment surtout, nous avons besoin que ce sacre ment adoucisse nos maux. Écoutez saint Jacques « Quelqu'un est-il malade ? qu'il fasse venir le ministre du Seigneur, et la prière de foi qu'il fera sur lui le soulagera. » En effet, que de malades, après avoir reçu ce sacrement, se sont trouvés mieux ! Ce qui nous rend la mort si effrayante, c'est qu'il nous faut aller rendre compte de notre pauvre vie, qui n'a été peut-être qu'une chaîne de péchés. Que de sacrilèges ! que de profanations du saint jour du Dimanche ! Que de fois n'avons-nous pas profané notre esprit, notre cœur et notre corps par l'impureté ? Il est vrai que nous avons bien confessé tout cela ; mais, mon Dieu ! avons-nous apporté assez de préparation ? avons-nous eu assez de contrition ? O moment terrible pour un chrétien, qui n'a pas pensé sérieusement à son salut ! Eh bien ! si nous recevons ce sacrement saintement, nous avons une grande certitude que Dieu nous pardonnera. Oui, M.F., lorsque nous voyons venir le prêtre pour nous donner ce grand sacrement, c'est comme si nous voyons un ange venir nous annoncer que le ciel va se réconcilier avec nous, et que Jésus-Christ nous attend dans la gran deur de sa miséricorde. Disons encore quelque chose de plus consolant. Dans ce sacrement, Jésus-Christ descend vraiment dans nos âmes par sa grâce, il vient y faire sa demeure, et nous conduire lui-même en triomphe dans le ciel, ainsi qu'il le fit à ce pénitent, dont saint Siméon Stylite vit l'âme emportée au ciel par le Sauveur lui- même . Que de fois, M.F., nous voyons des malades, que la pensée de la mort effrayait presque jusqu'au désespoir, et qui ont fini par dire, après avoir reçu ce sacrement : « Je ne croyais pas qu'il fût si doux et si consolant de mourir ! » D'après cela, je conclus que dans ce sacrement, tout est pour nous une consolation, car il nous procure les plus grands biens pour le temps et pour l'éternité. Oui, M.F., cela doit nous engager à demander à Dieu, tous les jours de notre vie, la grâce de recevoir ce sacrement avant de mourir. Je sais qu'il n'est pas absolument nécessaire pour être sauvé ; mais, si nous négligions de le recevoir, nous nous rendrions coupables, nous nous priverions de grandes grâces ; nous semblerions, en effet, mépriser les moyens que le bon Dieu nous pré sente pour nous aider à opérer notre salut. Bien plus, nous nous exposerions grandement à faire une mau vaise mort, ce qui est le plus grand de tous les mal heurs. II. – Si vous me demandez dans quel temps il faut avoir recours à ce sacrement ? je vous dirai, que c'est lorsque nous avons une maladie qui semble vouloir nous conduire au tombeau. Vous savez que ce sacrement ne peut être reçu qu'une fois dans la même maladie ; mais, toutes les fois que nous revenons à la santé et que nous retombons malades, nous pouvons de nouveau le rece voir. Si maintenant vous me demandez à quel âge on peut recevoir ce sacrement ? Je vous répondrai : Dès que nous avons l'âge de raison, c'est-à-dire dès que nous pouvons distinguer le bien d'avec le mal ; aussi, lorsque vos enfants commencent à distinguer le bien d'avec le mal, il ne faut jamais manquer de les faire confesser, afin qu'ils soient en état de recevoir ce sacrement. Je vais vous montrer en gros, les fautes dont nous pouvons, sur ce point, nous rendre coupables. Nous sommes coupables lorsque nous avons négligé de de mander à Dieu, pendant notre vie, la grâce de recevoir ce sacrement à l'heure de notre mort, ou si nous l'avons considéré comme peu de chose. Hélas ! M.F., si j'osais, je vous dirais qu'il y a des chrétiens qui, dans toute leur vie, n'ont jamais demandé au bon Dieu cette grâce. Nous sommes encore coupables, si nous ne prions pas pour ceux que l'on va administrer ; si nous négligeons d'aller auprès d'eux pouvant le faire ; si, étant auprès des malades, nous leur cachons leur état ; si nous détour nons ceux qui veulent faire venir le prêtre, ou si nous ne l'avons pas appelé quand les malades le réclamaient ; si nous négligeons de les instruire sur ce sacrement, de leur apprendre qui l'a institué, les effets qu'il produit en nous, pourquoi on nous le donne, et quelles sont les dispositions que nous devons y apporter ; enfin, si nous n'avons pas prié pour ces pauvres malades, pendant qu'on leur administrait ce sacrement. Nous ne devons pas nous contenter d'y assister, mais il faut, autant que nous le pouvons, solliciter la miséricorde de Dieu pour eux. Ceux qui les gardent doivent, autant que possible, leur laver les pieds et les mains avec de l'eau tiède, par res pect pour le sacrement. Si c'est une fille ou une femme, ne jamais les laisser sans leur mettre un mouchoir au cou ; ces pauvres malades n'y pensent pas !... Hélas ! que de maîtres sont coupables, en envoyant leurs domesti ques à l'hôpital presque morts ; ils meurent quelquefois en chemin, ou bien, arrivés à l'hôpital, ils reçoivent ce sacrement sans connaissance, et, par conséquent, sans fruit ! Combien d'autres ont de pauvres malades chez eux, et les laissent mourir, sans en avertir le prêtre de la paroisse ?... Les pères et mères, les maîtres et maî tresses, doivent encore voir s'ils ont négligé d'instruire leurs enfants et leurs domestiques de ce qui regarde ce sacrement, dès qu'ils sont en état de le recevoir ; s'ils négligent cela, ils seront cause que leurs enfants et leurs domestiques le profaneront. Mon Dieu, où sont ceux qui remplissent bien leurs devoirs ? Hélas ! qu'il y en a peu !... Il faut encore vous examiner si vous n'avez pas pris plaisir à entendre, ou à dire vous-mômes de ces paroles impies : « Il peut partir, ses bottes sont engraissées, ou encore : Il est… » c'est se railler des choses saintes. Il faut encore voir, si vous n'avez pas accompagné le bon Dieu plutôt par curiosité, que pour prier auprès du ma lade. Quant aux malades, ils ne doivent jamais attendre ces moments pour mettre ordre à leurs affaires temporelles ; ils doivent y penser tandis qu'ils sont en santé afin que, dans la maladie, ils ne s'occupent que du salut de leur âme. Ne manquez jamais de vous retenir des messes, ne vous fiez pas sur les promesses de vos héri tiers, vous savez ce que l'on dit dans le monde, et cela est très vrai : « Le souvenir des morts s'en va avec le son des cloches. » Les saints, M.F., regardaient comme un grand péché de laisser mourir une personne sans sacrements. Il y en a qui ont peur d'effrayer les malades, et n'osent pas leur parler de recevoir les sacrements ; quelle cruelle ami tié !... Il est rapporté dans l'histoire qu'un pauvre père étant à l'article de la mort, personne ne lui parlait de se confesser ; une petite fille qui venait du catéchisme lui dit : « Mon père, le médecin dit que vous allez mourir ; ma mère pleure dans sa chambre, personne ne vous parle de vous confesser ; monsieur le curé nous a dit que c'était un grand péché que de laisser mourir une per sonne sans sacrements, voulez-vous que je le fasse ve nir ? » – « Ah ! mon enfant, lui dit le père, va vite le chercher, je n'y pensais pas ; je souffre tant ! » Le prêtre vint, et le malade se confessa dans de très bonnes dis positions. Avant de mourir, il fit venir sa fille auprès de son lit, en lui disant : « Ah ! mon enfant, que je te re mercie ! sans toi, j'étais damné ; je ne pensais pas à me confesser. » Hélas ! que de pauvres malades meurent sans sacre ments et se damnent par la faute de ceux qui les entou rent, et qui n'ont pas la charité de les faire confesser ! Nous devons encore avoir une grande dévotion à sainte Barbe, pour demander au bon Dieu, par sa protection, de recevoir nos derniers sacrements . Il est rapporté dans l'histoire qu'un saint évêque exilé, n'ayant point de moyens de recevoir les sacrements, la sainte Vierge vint avec des anges, etc.... Il faut encore ne jamais man quer, si le prêtre n'y pensait pas, de lui faire appliquer au malade les indulgences plénières, qui sont la remise de toutes les peines que nous devons souffrir en purgatoire. III. – Mais quelles sont les dispositions que nous devons avoir pour recevoir dignement ce sacrement ? J'en trouve trois. La première, c'est d'être en état de grâce, la seconde, c'est la résignation à la volonté de Dieu, la troi sième, souffrir la maladie avec patience. Je dis qu'il faut être en état de grâce, c'est-à-dire, s'être confessé ; parce que si l'on recevait ce sacrement avec un péché mortel sur la conscience, l'on commettrait un horrible sacrilège. O mon Dieu, quel malheur !... Si vous êtes en état de péché et que vous ne puissiez parler, il faut vous exciter à la contrition, et vous confesser par signes, autant que vous pourrez. Hélas ! qu'il est difficile de bien se con fesser dans ce moment, quand on a négligé de le faire pendant le temps de la santé !... Il ne faut pas cependant se laisser aller au désespoir, quelque misérable que l'on soit ; quand même nous aurions commis de grands et nombreux péchés, il faut toujours espérer en la bonté de Dieu. Il faut faire mettre un crucifix devant nos yeux, afin qu'en le regardant, nous voyons la grandeur de la miséricorde de Dieu pour les pécheurs. Cette image fera naître en nous une grande confiance, en pensant que la miséricorde de Dieu est encore infiniment plus grande que nos péchés, et que, quoique bien pécheurs, nous pouvons espérer notre pardon. Il est vrai qu'il faut bien craindre pour tant de grâces méprisées et tant de péchés commis ; mais il faut penser que Dieu a promis que jamais il ne refuserait le pardon à celui qui le lui demande comme il faut. 2° Une autre disposition que doit avoir le malade, c'est de se soumettre entièrement à la volonté de Dieu, et de ne point se tourmenter de sa guérison ; il faut qu'il sache que si la santé est nécessaire au salut de son âme, le bon Dieu le guérira. Il est vrai qu'il n'est pas défendu d'avoir recours au médecin ni aux remèdes, puisque Dieu a établi les médecins et créé les remèdes. Nous voyons que Jésus-Christ lui-même a cherché quelques consolations dans ses peines, lorsqu'il alla trouver ses apôtres en leur disant : « Mon âme est triste jusqu'à la mort  ; » et lors qu'étant sur la croix il dit aussi : « Mon père, pourquoi m'avez-vous abandonné  ? » Ce n'est pas qu'il eût besoin de secours, mais seulement pour nous montrer qu'il n'est pas défendu de chercher quelque soulagement dans nos maladies et quelques consolations dans nos peines. Mais à l'exemple de Jésus-Christ, disons à Dieu : « Mon Dieu, que votre sainte volonté se fasse toujours, et non la mienne  », soyons toujours contents, de quelque manière qu'on se conduise à notre égard, nous sommes sûrs que le salut de notre âme s'y trouvera. Tout nous engage donc à faire recevoir les derniers sacrements à ceux qui sont dans nos maisons ; d'abord il y a une bénédiction particulière qu’apporte Jésus- Christ en y venant. Ensuite, nous ne pouvons pas rendre un plus grand service, c'est-à-dire faire une plus belle oeuvre de charité, que de fournir à un malade les moyens de s'assurer le ciel. Enfin, nous sommes sûrs que le bon Dieu ne nous refusera pas la même grâce, quand nous se rons à l'heure de la mort. Nous ne devons jamais négliger de faire venir un prêtre ; il vaut mieux que le prêtre vienne vingt fois de trop, que si vous laissiez mourir votre ma lade sans sacrements. D'ailleurs un prêtre a toujours un grand plaisir à voir un malade, et les malades à leur tour doivent sentir le bonheur de cette visite. Saint Ber nard nous rapporte que saint Malachie, archevêque de Cologne, avait été appelé par un malade. Quand il fut arrivé, on lui dit que le malade n'était pas en danger, qu'il pouvait attendre au lendemain ; et sur cela l'arche vêque reprit son chemin. Peu d'instants après, on court après lui, disant que le malade est mort. « Ah ! malheu reux, s'écrie-t-il, c'est bien par ma faute. » Il se rend près de lui, quoiqu'il fût mort, se prosterne la face contre terre, répand des larmes en abondance, et engage tous ceux qui étaient avec lui à prier aussi. « Non, mon Dieu, je n'aurai point de consolation que vous n'ayez rendu la vie à ce mort ! redoublons nos larmes, mes enfants, disait-il à ceux qui étaient avec lui, peut-être que le bon Dieu se laissera toucher. » Après avoir passé toute la nuit à prier, il regarde le mort, il le voit remuer les yeux et les lèvres. « Ah ! mes amis, s'écrie-t-il, le bon Dieu lui rend la vie. » Il lui administre alors les sacrements, il ne les avait pas plutôt reçus, qu'il expira . Il n'y a pas pour nous de spectacle plus salutaire que celui de voir administrer à un malade les derniers sacre ments. Lorsqu'étant en santé, nous entendons sonner la cloche du viatique, quittons notre ouvrage pour un ins tant ; allons voir ce que nous serons un jour, et ce que nous pouvons dans ce moment de notre vie. Allons, M.F., entendre ce pauvre malade nous crier : « Ah ! mes amis, venez à mon secours, demandez au bon Dieu qu'il veuille bien avoir pitié de moi ; venez voir, semble-t-il nous dire, ce que vous serez vous-même un jour. » Si, quand nous voyons administrer un malade, nous faisions bien ces réflexions : Oui, un jour viendra que je serai à la place de ce pauvre malade, quelles seront mes pensées dans ce moment ? Que penserai-je et que dirai-je de mes plaisirs, de mon attachement à ces biens qui en ont perdu tant d'autres ? Que penserai-je de mes vengeances, de mes injustices et de mon ivrognerie ? Quelle vie, pour aller paraître devant un Dieu qui ne me fera pas grâce d'une minute, et qui voudra savoir comment je l'ai employée ! Hélas ! dirons-nous dans toute l'amer tume de notre âme ! ah ! moment épouvantable, qui a porté les plus grands saints presque au désespoir. Ah ! triste moment pour un chrétien qui a fait le mal !... Quel spectacle plus capable de nous convertir que la présence d'un mourant qui va quitter ce monde pour toujours ?. . Regardez-le un instant, M.F., voyez ces pauvres yeux mourants et presque éteints, il semble nous dire : « Ah ! mon ami, n'attendez pas d'être comme moi pour faire le bien !... si Dieu me rendait la santé, oh ! que ma vie serait bien plus chrétienne qu'elle n'a été jusqu'à pré sent ! Si le bon Dieu me retire de ce monde dans cette maladie, que vais-je devenir ?... puisque dans ma vie je ne vois que du mal et presque pas de bien. Ah ! priez Dieu qu'il veuille me pardonner » Lorsque nous voyons entrer le prêtre dans la chambre d'un mourant, disons-nous : Quel va être le sort de ce malade ? Ou le ciel, ou l'enfer ! Mon Dieu que ce moment est terrible !... Oui, dans ce moment, le bon Dieu va ou le recevoir dans son sein, ou le vomir pour jamais de sa présence. Oh ! quel malheur de n'avoir vécu que pour se creuser un enfer !... Le prêtre, avant de lui administrer les sacrements, fait plusieurs prières pour implorer la miséricorde de Dieu sur lui ; il prend l'huile sainte pour faire les onctions, et semble lui dire : « Mon ami, pro fitez bien du peu de temps qui vous reste, si vous ne revenez pas, c'est la dernière grâce que le bon Dieu vous accorde en ce monde. » Il implore les prières des assis tants, afin de demander miséricorde pour le malade ; puis, il fait les onctions. Il commence par les yeux, comme s'il lui disait : « Fermez ces yeux qui, tant de fois, se sont ouverts sur des objets impurs, et qui ont ainsi perdu votre âme ; refusez-leur pour un instant la lu mière, puisqu'ils en ont si mal profité. » « Mon Dieu, dit le prêtre, pardonnez-lui tant de mauvais regards, et tant de curiosités, par lesquels le péché est entré dans son âme et lui a donné la mort. Mon Dieu, pardonnez- lui tous les péchés qu'il a commis par le sens de la vue. » Considérez, M.F., ces yeux qui autrefois étaient ardents pour le mal, dont le regard brillait d'un feu impur, voyez-les, dis-je, sous la main du prêtre, dont la présence le frappe de terreur ; voyez et considérez sous la main du ministre du Seigneur la pauvre tête de cette jeune fille qui a tant pris de soin à se parer, qui tant de fois a passé des heures entières à se considérer devant une glace de miroir, qui, dans toutes ses manières, ne cherchait qu'à plaire et à s'attirer les regards du monde. Ses yeux, qui autrefois allumaient des flammes dans le cœur du jeune libertin, les voilà maintenant qui jettent l'épouvante dans l'âme de ceux qui l'environnent. Le prêtre fait l'onction des oreilles. Hélas ! voyez com ment l'on tourne et retourne cette tête défaillante qui fut l'idole du monde et qui croyait être la seule bien faite. Ces oreilles autrefois ornées d'or ou de diamants, dont elle avait tant de soins de faire briller l'éclat devant les rayons du soleil. Voyez ces cheveux que le prêtre écarte, ces cheveux qu'elle arrangeait et frisait jadis avec tant de soins, les voilà tout ruisselants des sueurs de la mort. « Mon Dieu, dit le ministre du Seigneur, pardonnez à cette pauvre mourante, tous les péchés qu'elle a commis par ses oreilles, par l'or et les diamants, dont elle a pris tant de soins d'embellir cette tête d'iniquité. » Laissons, M.F., cette tête ornée avec tant d'artifice ; laissons-la, l'enfer semble l'attendre, et la mort la presser. Le prêtre lui fait des onctions sur le nez, ce nez qui, tant de fois, a cherché les bonnes odeurs et qui mainte nant exhale déjà la corruption . Le prêtre lui fait des onctions sur les lèvres, instruments de tant de voluptés, de tant de médisances, de calomnies, de paroles et de chansons infâmes. « Mon Dieu, dit le prêtre, que cette bouche soit purifiée par cette onction, de toutes les mau vaises paroles prononcées. Faites à cette pécheresse, la grâce de ne jamais entendre ces foudroyantes paroles que tout réprouvé entendra un jour sortir de votre bou che : « Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éter nel. » Le prêtre prend ses mains, mains qui ont commis tant d'iniquités, ces pauvres mains qui sont à cette heure trempées des sueurs de la mort ! « Mon Dieu, pardonnez à ces mains souillées de tant de péchés ! » De là, le prêtre fait les onctions sur la poitrine , cette poitrine ornée avec tant de soin, et des soins si souvent répétés, tou jours dans la coupable espérance d'attirer les yeux et de plaire au monde ; voilà le moment où le Seigneur semble descendre dans ce cœur, avec le flambeau à la main pour en examiner tous les plis et replis . « Mon Dieu, dit le prêtre, pardonnez à cette malheureuse tous les péchés qu'elle a commis, par tant de pensées d'orgueil, de haine, de vengeance, par toutes les mauvaises pensées et les mauvais désirs qui ont corrompu son pauvre cœur ! Enfin, le prêtre fait l'onction aux pieds, ces pieds qui autrefois étaient actifs à courir au mal ; ces pieds qui l'ont tant de fois portée dans les jeux, les danses et les bals ; les voilà donc comme liés dans ces draps, inca pables même de se remuer. Voilà ce corps déjà enlacé dans les bras de la mort... Oui, considérez un moment, M.F., le corps de cette jeune fille de vanité, qui n'a cherché que les moyens de relever sa beauté. Voyez ce visage, qu'elle lavait autre fois avec tant de précaution, afin de lui conserver sa fraîcheur ; le voilà tout décomposé. Voyez ce cou, qui était embelli avec tant d'art de riches bijoux et qui por tait ces deux ou trois rangs de collerettes ; hélas ! il ne peut plus seulement soutenir sa pauvre tête. Qu'est devenue cette beauté que rehaussait encore ces vêtements de forme et de couleurs si bien choisies ? Et dans ce corps, mon Dieu, qu'est devenue cette pauvre âme, que vous aviez faite par le Baptême aussi belle qu'un ange ?... Mon Dieu, mon Dieu ! quelle route va-t-elle prendre ? Sera-ce le ciel, sera-ce l'enfer, qui doit être sa demeure éternelle ? Oui, M.F., ce sera le ciel, si cette pauvre âme reçoit le sacrement de l'Extrême-Onction avec les dispositions que je vous ai indiquées plus haut ; si, sincèrement péni tente de sa vie criminelle, elle reçoit comme il faut ces derniers sacrements et se jette dans les bras de la misé ricorde de Dieu. Mais pour nous, tâchons de vivre sain tement, et nous sommes sûrs qu'en retour, le bon Dieu ne nous privera pas du bonheur de faire une bonne mort. C'est ce que je vous souhaite.

 

SERMONS INÉDITS SERMON SUR L'EXAMEN DE CONSCIENCE Qui ascondit scelera sua, non dirigetur : qui autem confessus fuerit et reliquerit ea, misericordiam conse quetur. qui cache ses péchés se perdra ; mais celui qui les confesse et qui s'en retire obtiendra miséricorde. (Prov. xxviii, 13.) Nous avons vu, M.F., il y a peu de temps, qu'il fallait nécessairement et absolument confesser tous ses péchés mortels avec leur espèce, leur nombre et enfin leurs circonstances, si nous voulons en obtenir le pardon. Le Saint-Esprit nous dit lui-même que celui qui cache quelques péchés, par honte ou par négligence, se perdra, c'est-à-dire sera damné. Cacher ses péchés par honte ou par crainte et avec réflexion, c'est un crime qui fait frémir. Nous cachons nos péchés par négligence, lorsque nous ne donnons pas tous les soins et le temps qu'il faut pour nous examiner, afin de con naître nos péchés tels qu'ils sont aux yeux de Dieu et que nous les connaîtrons au jour du jugement. La confession serait mauvaise, si l'on faisait une confession générale, pour accuser les péchés que l'on a commis depuis sa dernière confession, en les mettant tous en semble, afin d'avoir moins de honte. Voici un des effets les plus funestes du péché, c'est d'aveugler celui qui le commet d'une manière si affreuse qu'il ne se connaît nullement, et, bien plus, qu'il ne cherche pas même à se connaître ; ou d'une manière si légère qu'il ne voit point l'étal de son âme. C'est d'abord l'état d'un chrétien qui profane les sacre ments. On sera accoutumé à une certaine routine d'exa men, on se contente de se rappeler quelques foules qui sont les plus ordinaires, comme sont les blasphèmes, les jurements et les colères, mais sans se donner la peine de descendre dans son cœur pour en connaître le nombre et la malice. C'est, en second lieu, l'état d'un chrétien qui multiplie ses sacrilèges. Celui-ci examine, non ce qu'il a fait, mais ce qu'il va dire, c'est-à-dire la manière dont il va s'accuser pour éprouver moins de honte ; comme si, en trompant un confesseur, il pouvait tromper Dieu, qui a pesé et compté tous ses péchés. C'est, en troisième lieu, l'état d'un pécheur qui profane les sacrements. Celui-ci se présentera sans s'être seule ment examiné, pensant que le confesseur l'interrogera pour lui faire connaître ses péchés : autre profanation. Quand même un prêtre vous ferait assez connaître vos péchés de manière à n'en point laisser, quand est-ce que vous allez demander à Dieu la contrition ? C'est après votre confession, après avoir reçu l'absolution ? Confession sacrilège ! O mon Dieu ! peut-on bien y penser et vivre tranquille ? Quel est mon dessein ? M.F., le voici : c'est de vous montrer que, pour faire une bonne confession, nous devons nous examiner sérieusement et de bonne foi ; 2° de vous apprendre la manière de vous confesser ; 3° de vous faire connaître ceux qui font de mauvaises confessions ; 4° de vous faire voir les moyens que vous devez prendre pour réparer celles qui ont été mal faites. I. – Ne désirant rien autre que le salut de vos âmes et votre bonheur éternel, je vais donc, avec la grâce de Dieu, vous débrouiller, autant qu'il me sera possible, l'état d'aveuglement où le péché nous a réduits, qui nous empêche de pouvoir nous connaître tels que nous sommes aux yeux de Dieu, et que nous nous connaîtrons au grand jour des vengeances. Venons, M.F., avec notre simplicité ordinaire. Je vous demande qui sait ce que c'est qu'un examen ? Je vous dirai que c'est la recherche, avec tous les soins possibles, des péchés que nous avons commis depuis le baptême ou depuis notre dernière confession ; et cette connaissance de nous-mêmes est plus difficile que vous ne pensez. C'est, pour celui qui veut bien la faire, une affaire qui lui demande tous ses soins et du temps. Si vous me demandez ce qu'il faut faire pour s'exa miner comme il faut, c'est-à-dire pour faire une confes sion qui nous mérite notre pardon, il faut retirer son cœur et son esprit de toute affaire temporelle, je veux dire ne penser ni à son commerce, ni à son ménage, descendre, avec une espèce d'horreur et d'indi gnation, dans son cœur, avec un flambeau d'une main et une balance de l'autre, pour examiner rigoureuse ment le nombre, toutes les circonstances et peser toute la malice de nos péchés. Mais n'étant que ténèbres, de nous-mêmes, nous sommes donc incapables de pouvoir pénétrer à fond cet abîme de corruption qui n'est bien connu que de Dieu seul. C'est donc à lui à qui nous devons nous adresser avec une humilité profonde, à la vue de nos péchés, et une grande confiance à sa bonté qui est infinie ; implorer les lumières du Saint-Esprit par une prière fervente et animée d'une foi plus vive qui touche le cœur de Dieu et attire sur nous ses misé ricordes. Étant rentrés en nous-mêmes, M.F., disons -lui du fond de notre cœur : « Mon Dieu, ayez pitié d'un misérable pécheur tout couvert d'iniquités, qui n'en connaît ni le nombre ni la malice. Je m'adresse à vous qui êtes la lumière du monde ; mon Dieu, faites des cendre dans mon cœur un rayon de votre lumière ; montrez-moi, je vous prie, mes péchés, afin que je puisse les détester et mériter mon pardon. » Oui, M.F., le péché jette dans notre esprit des ténèbres affreuses qui bouchent les yeux de notre âme. Voyez, M.F., ce qui arriva à David qui, avant que le péché tombât sur son âme, apercevait avec tant de con naissance les moindres fautes qu'il faisait. Mais ayant le malheur d'être tombé dans son premier péché, les yeux de son âme perdirent leur lumière. Non content de déshonorer la femme d'Urie, il le fait encore mourir, et reste un an dans cet état malheureux, sans se repro cher ni son adultère, ni son homicide. Il ne s'en aper çoit pas même, il faut que Dieu lui envoie son prophète Nathan pour lui ouvrir les yeux, et ce ne fut que dans ce moment qu'il se reconnut coupable . Voilà une image terrible d'un pécheur qui croupit dans quelques péchés d'habitude ; il faut que Dieu le prévienne et aille le chercher, pour ainsi dire, dans ses désordres ; sans quoi, jamais nous n'en sortirions. Ce qui nous montre, M.F., qu'il est impossible de con naître nos péchés et de faire une bonne confession si nous n'implorons pas de tout notre cœur les lumières du Saint-Esprit, afin de bien nous faire connaître le mal que nous avons fait et de nous donner la douleur néces saire pour les détester. Voulez-vous savoir à quoi le pécheur ressemble ? A une personne extrêmement contrefaite et laide et qui se croit bien faite et bien belle, parce qu'elle ne s'est jamais bien regardée dans un miroir ; mais qui, dès qu'elle se considère, se trouve si laide, si affreuse, qu'elle ne peut se regarder, ni même y penser sans horreur. La même chose arrive au pécheur qui est resté quelque temps dans le péché, sans faire aucun retour sur lui-même. Mais rentrant en lui- même, il ne peut pas concevoir comment il a pu rester dans un état si déplorable. Qu'est-ce qui fait tant verser de larmes à certains pécheurs ? Rien autre, sinon qu'ils sont rentrés en eux-mêmes et qu'ils ont vu ce qu'ils n'avaient pas vu jusqu'à présent. Pourquoi est-ce que tant d'autres encore plus coupables sont tranquilles, ne versent point de larmes ? hélas ! M.F., c'est qu'ils ont fermé les yeux sur l'état de malheur où est réduite leur pauvre âme. En second lieu, je dis que nous avons bien besoin des lumières du Sain-Esprit pour connaître nos péchés, parce que notre cœur est le siège de l'orgueil, qui ne cherche que les moyens de nous les faire connaître moindres qu'ils ne sont. Vous voyez que nous avons absolument besoin des secours du Saint-Esprit pour connaître nos péchés tels qu'ils sont. 3° Je dis que le pécheur, étant encore l'esclave du péché, a besoin d'une grâce forte pour le détacher entièrement du péché et des objets qui l'ont porté au péché. Combien ne trouvons-nous pas encore de cer tains pécheurs qui semblent être convertis et qui res sentent encore une certaine satisfaction en pensant aux désordres auxquels ils se sont livrés il y a quelque temps ! Nous avons donc bien besoin de la grâce de Dieu, qui nous inspire une horreur profonde de nos péchés passés. Dites-moi, M.F., dans vos confessions et avant vos confessions avez-vous eu soin de demander à Dieu ses grâces et ses lumières pour ne pas profaner ce sacre ment de miséricorde ? Oui, nous oublions peut-être que sans Dieu nous ne pouvons rien que faire mal. Avez- vous fait comme l'aveugle de Jéricho, qui reconnut son aveuglement et qui le déplora amèrement ? Avez-vous fait comme lui, qui s'adressa à Dieu avec tant de sincérité, animé d'une foi si vive, qu'il mérita de recouvrer la vue ? « O Jésus ! fils de David, ayez pitié de moi ! » Cela plusieurs fois de suite : « O Jésus ! fils de David, ayez pitié de moi.  » Jésus, touché, toujours prêt à nous écouter et à nous accorder l'effet de nos demandes, se tourne contre lui en lui disant : «Que voulez-vous de moi ? » – « Mon Dieu, lui répond l'aveugle, faites que je voie. » – « Eh bien, lui dit ce bon Jésus, voyez ! » Hélas ! M.F., si lorsque nous sommes dans le péché nous sommes dans les ténèbres, nous pouvons nous adresser à Dieu comme l'aveugle : « Mon Dieu, devons- nous lui dire, faites que je voie le nombre et la malice de mes péchés. » Disons encore comme le saint roi David : « Mon Dieu, vous êtes ma lumière, éclairez mes ténèbres. » Et avec le saint homme Job : « Seigneur, montrez-moi mes péchés et toutes mes fautes . » Dieu qui désire mille fois mieux notre salut que nous le désirons nous-mêmes, ne manquera pas certainement de nous accorder la grâce que nous demandons. Aussi, M.F., étant seuls et en la présence de Dieu, il faut commencer notre examen de conscience et re chercher tous nos péchés ; prenez les commande ments de Dieu et ceux de l'Eglise et les péchés capi taux, et voyez comment et en combien de manières vous avez péché contre ces commandements. Examinez les devoirs de votre état, comparez votre vie avec vos devoirs ; remarquez avec soin, sans vous presser, en quoi vous vous en êtes écartés par pensées, par désirs, par actions et omissions. Pour vous faciliter cette recherche, examinez quelles sont vos occupations les plus ordinaires, les lieux où vous allez, les personnes que vous voyez. Je n'entrerai pas dans tous ces détails, cela ne finirait plus ; c'est à chacun de vous à vous examiner là-dessus, et à voir en quoi vous êtes coupable. D'abord, examinez- vous sur vos confessions passées et voyez si vous avez assez accusé tous vos péchés mortels, avec une véritable douleur d'avoir offensé Dieu et un ferme propos de vous corriger et de quitter non seulement le péché, mais encore l'occasion prochaine du péché ; comme, par exemple, si vous demeuriez dans une maison où il y avait quelques personnes qui vous sollicitaient au mal ; que vous eussiez manqué de le dire par crainte que l'on vous en fît sortir : votre confession ne vaudrait rien. Voyez si vous avez bien fait votre pénitence dans le temps qu'on vous l'avait ordonnée ; si vous avez fait toute réparation et les restitutions que vous pouviez et deviez faire, qui vous étaient commandées par votre confesseur. 2° Examinez-vous sur les devoirs de votre état, com ment vous les avez remplis, c'est à quoi beaucoup de personnes ne font pas attention, et ce qui en jettera un grand nombre en enfer. – Mais, me direz-vous, comment faut-il donc s'examiner sur les devoirs de son état ? -Et comment ? Cela n'est pas bien difficile. Vous savez bien à quoi vous vous occupez, qui sont ceux qui sont sous votre conduite, dont Dieu vous demandera compte un jour. Êtes-vous père ou mère de famille ? Hé bien ! examinez-vous, comment vous vous êtes conduits envers vos enfants. Les avez-vous instruits de tous leurs de voirs de religion ? Avez-vous eu soin de leur apprendre leurs prières dès qu'ils ont commencé à parler ? Leur avez-vous inspiré le respect qu'ils devaient avoir en la sainte présence de Dieu ? Ne leur avez-vous pas fait prier le bon Dieu sans prendre de l'eau bénite, sans leur dire pourquoi l'on prenait de l'eau bénite et les grâces qu'elle nous procurait ? Leur avez-vous appris les prin cipaux mystères de la religion, nécessaires pour être sauvés ? Ne les avez-vous pas laissés dans une ignorance crasse, ne prenant pas tant à cœur le salut de leur âme que la conservation de vos bêtes ? Les avez-vous fait travailler, avant de les faire prier le bon Dieu ? Avez-vous négligé de les corriger les voyant offenser le Bon Dieu ? En avez-vous ri au lieu de les châtier chrétien nement ? Leur avez-vous donné le mauvais exemple en vous mettant en colère, en vous disputant avec votre mari, vos voisins ou voisines ? N'avez-vous pas médit ou calomnié en leur présence ? Leur avez-vous appris à ne jamais mépriser les pauvres, en leur faisant donner l'aumône aux pauvres ? Avez-vous fait tout ce que vous avez pu pour les rendre agréables à Dieu et assurer leur salut ? Avez-vous manqué un jour de prier le bon Dieu pour eux ? Avez-vous manqué de les mettre sous la pro tection de la Sainte Vierge quand ils sont venus au monde ? Si vous avez des domestiques, avez-vous eu bien soin de les instruire ou de les faire instruire ? Les avez- vous fait assister aux catéchismes ? N'avez-vous rien négligé pour leur apprendre les moyens nécessaires pour se sauver ? Ne les avez-vous pas laissés dans l'ignorance crasse qui, de la mort, les traînera en enfer ? Avez-vous préféré le soin de vos bêtes au soin de leurs pauvres âmes qui ont tant coûté à Jésus-Christ, et que vous laissez perdre si misérablement en leur faisant manquer les offices et les instructions ? Avez-vous bien veillé sur leur conduite ? Leur avez-vous bien payé tous leurs gages ? En avez-vous eu soin dans leurs maladies ? Et vous, ouvriers, en vous faisant bien payer, avez -vous eu soin de bien faire l'ouvrage tel que vous l'aviez promis ? Et vous, domestiques, examinez en quoi vous avez manqué envers vos maîtres : défaut de respect, murmure en obéissant, temps perdu : ne leur auriez- vous pas désobéi lorsqu'ils vous envoyaient aux offices ou aux catéchismes ? Ne les avez-vous pas décriés auprès des autres domestiques, pour leur donner mauvaise réputation ? Que chacun, M.F., sonde sa conscience, afin de pouvoir se rendre compte à soi-même, afin de pouvoir se connaître, dans le tribunal de la pénitence, aussi coupable que l'on est. 3° Je dis qu'il faut encore s'examiner sur les péchés d'omission, et presque personne n'y pense. Par exemple : pouvant faire l'aumône, avez-vous négligé de la faire ? Pouvant assister à la messe les jours ouvriers, y avez- vous manqué ? Pouvant rendre quelques services à votre prochain, l'avez-vous refusé ? Avez-vous donné de bons exemples à vos enfants, à vos domestiques ? Vous ont-ils vu manquer la Messe, les Vêpres, vos prières le matin et le soir ? Êtes-vous fidèles à fuir les occasions de péché, telles que la danse, le cabaret et les jeux ? Avez-vous travaillé à vous rendre agréables à Dieu ? 4° Je dis qu'il faut encore vous examiner sur vos péchés d'habitude. Sur chaque péché que l'on découvre, il faut encore examiner les circonstances nécessaires pour les bien faire connaître, et le nombre de fois que l'on y est tombé ; déclarer qui nous a donné l'occasion et quelles ont été les suites. Comme par exemple : si l'on vous avait confié un secret, il ne suffirait pas de dire que vous avez violé le secret, mais il faudrait encore dire quel mal cela a fait, sur quelle personne le mal est tombé. Si vous avez maudit, il faut dire si c'est par haine ou par ressentiment, ou simplement par légèreté si c'est en présence de plusieurs personnes, si cela a été applaudi par plusieurs, si votre mauvais exemple les a portés à maudire, combien de personnes et combien de fois. Si c'est un péché d'habitude, il faut dire combien a duré cette habitude, dans quel temps et dans quel lieu on l'a commis, ce qui est encore nécessaire pour en fixer la malice. Vous conviendrez avec moi, M.F., que pour un tel examen il faut du temps, de l'application et de l’instruc tion. Pour savoir combien il faut de temps, il est bien difficile de le savoir : il n'est pas douteux que ceux qui ne se confessent que rarement, il leur faut plus de temps qu'à ceux qui se confessent souvent. – Mais quelle application ou quels soins faut-il donner ? – Ce que vous donneriez pour faire une affaire que vous auriez à cœur de faire réussir, et que vous regarderiez comme un grand malheur si elle manquait. Il n'est pas nécessaire, M.F., de vous parler longtemps du bonheur d'une bonne confession, ni du malheur d'une mauvaise. Vous savez qu'une bonne confession nous rend le ciel et l'amitié de notre Dieu, et qu'une mauvaise nous chasse du Paradis et nous précipite au plus profond des enfers. Cette seule pensée doit nous faire comprendre le temps et le soin que nous devons y apporter pour la faire saintement. Hélas ! M.F., combien de pécheurs qui s'aveuglent quand ils n'ont pas ces gros péchés que souvent même des païens honnêtes ne com mettraient pas ! Il n'ont rien à dire. Cependant on les verra, pendant les saints offices, sans respect, sans dévo tion, vivant dans une négligence habituelle de leur salut : et ils n'ont rien ! Hélas ! c'est qu'ils ne veulent pas se donner la peine de descendre dans leur cœur, où ils trouveraient de quoi les faire mourir d'horreur. Hélas ! combien de mensonges pernicieux, combien d'injustices, combien d'usures dans leurs prêts ! Combien de torts et, par conséquent, de restitutions à faire. Il en est de même pour ceux qui mènent une vie lâche et sensuelle ; qui croient que c'est assez d'une messe ; encore Dieu seul sait comment ils l'entendent ! Point de difficulté de manquer les vêpres, les catéchismes et les autres exercices de piété ! Hélas ! ils ne veulent pas chercher leurs fautes, parce qu'ils ne veulent pas changer de vie continuant à vivre dans une ignorance crasse et des plus criminelles. Mais, sans aller plus loin, une partie des chrétiens ne voient pas leurs péchés, parce qu'ils ne veillent pas assez sur eux-mêmes ; ils ne veulent pas prendre la peine de se faire instruire de leurs devoirs et de leur religion. Que s'ensuit-il de là, M.F., sinon une chaîne de confessions sacrilèges ? O mon Dieu, que de chrétiens damnés à cause de leur ignorance ! qui, en sortant du tribunal de la pénitence, sortent plus cou pables qu'ils ne sont entrés. Et que devez-vous faire pour éviter un si grand mal heur ? M.F., le voici : ayez un grand soin de vous bien faire instruire de vos devoirs ; et, pour cela, soyez assi dus et attentifs à écouter les instructions, catéchismes, lectures de piété. Soyez de bonne foi avec vous-mêmes, ayez une volonté ferme de sauver votre pauvre âme. Prenez l'habitude de vous examiner le matin, à midi et le soir, comment vous avez passé la journée. Le di manche, rappelez à votre mémoire les plus gros péchés de la semaine : en suivant cette marche vous ne per drez jamais vos péchés pour les déclarer ; vous vous en rappellerez, et, en vous en rappelant, vous ne pourrez pas vous empêcher de les détester et de faire tous vos efforts pour vous en corriger. Oui, M.F., lors que vous pensez de vous approcher du sacrement de pénitence, il faut apporter, si vous le pouvez, la même diligence et la même rigueur que celle avec laquelle Jésus-Christ nous examinera au grand jour. Oh ! qu'il y a de quoi trembler, puisque Dieu nous y demandera compte même d'une parole inutile ! Hélas ! que vont devenir ceux qui seront coupables de tant de blas phèmes, de jurements et de scandales ? Oui, M.F., crai gnez, avec le saint roi David , que, malgré tous les soins que vous prendrez pour vous examiner, vous ne laissiez encore bien des péchés que vous ne connaîtrez qu'à la mort pour en rendre compte. Dites souvent avec le roi David : « Mon Dieu, pardonnez-moi les péchés que je ne connais pas.  » Oui, M.F., soyons parfaitement sûrs qu'il y a beaucoup de péchés que nous ne connaî trons jamais en ce monde. Comme, par exemple, un homme qui se livre à l'ivrognerie ne saura qu'au juge ment de Dieu toutes les suites de ses intempérances et de ses excès. Celui qui se sera abandonné au vice infâme d'impureté ne saura jamais qu'au moment où il paraîtra devant son souverain Juge, les péchés sans nombre qu'il aura commis. Une fille mondaine ne connaîtra bien qu'après sa mort toutes les suites malheureuses de sa vanité, de ses immodesties et de son peu de pudeur. Les parents, les maîtres qui auront négligé de veiller sur leurs enfants et leurs domestiques et ne les ont pas instruits, qui les ont laissés courir dans les jeux, les cabarets et les danses, ne sauront qu'au tribunal de Dieu les suites funestes de leur négligence, et de tous les désordres dont ils ont été la cause et l'occasion. O mon Dieu, quelle sera pour lors leur surprise ! Quel désespoir effroyable d'un pécheur qui n'ouvre les yeux sur l'état de son âme qu'après sa mort, quand il n'y a plus de remède ! M.F., n'attendons pas ce moment mal heureux qui nous causera tant de regrets ; profitons du temps que Dieu veut bien encore nous donner pour purifier notre conscience, afin de la faire connaître au ministre du Seigneur telle qu'elle est. Faisons comme dit saint Paul : Jugeons-nous rigoureusement nous -mêmes, afin que Dieu nous épargne dans son juge ment . Cependant, M.F., malgré qu'il soit si difficile de connaître nos fautes, si nous agissons de bonne foi, si nous faisons ce que nous pouvons pour nous montrer tels que nous sommes, soyons tranquilles : Dieu est un père plein de miséricorde, qui nous aime infiniment et qui ne nous demandera jamais ce que nous n'avons pas pu faire. Que devons-nous faire, M.F., après nous être bien examinés ? Le voici : c'est de demander à Dieu de tout notre cœur la contrition de nos fautes et un ferme propos, c'est-à-dire une bonne résolution de n'y plus retomber. Voilà, M.F., ce qui regarde l'examen de conscience. II. – Que devons-nous faire après cela ? Le voici c'est de nous approcher du tribunal de la pénitence avec respect et une espèce de tremblement, et ne pas faire comme les enfants qui tournent la tête, qui parfois rient et parlent Cela annoncerait que vous ne comprenez pas mieux qu'eux la grandeur de l'action que vous allez faire. Au contraire, M.F., imitez le publicain qui se regardait indigne de porter ses yeux vers le ciel, baissait les yeux vers la terre, avec une profonde humilité . En attendant de vous confesser, repassez dans votre mémoire tous les péchés que vous avez trouvés dans votre examen ; renouvelez votre con trition, prenez-là de bonnes résolutions de mieux vivre, que vous n'avez fait jusqu'à présent ; priez avec ferveur le bon Dieu, afin qu'il daigne avoir pitié de vous. Prenez garde de ne jamais ni pousser, ni presser les personnes qui se confessent ; ni vous tenir trop près du confessionnal, crainte d'entendre la confession des autres. Si vous aviez entendu quelques péchés, n'oubliez pas que vous êtes obligés au même secret que le prêtre ; mais si vous les aviez écoutés exprès et que vous les disiez à un autre, c'est un gros péché qui vous damnerait, si vous aviez le malheur de ne pas vous en accuser avant de mourir. Il faut encore dire si vous avez eu la volonté d'entendre les péchés des autres. Lorsque vous êtes au confessionnal, ne regardez que Jésus-Christ dans la personne du prêtre qui tient sa place. Faites le signe de la croix avec respect et un peu incliné, en disant : « Mon Père, bénissez-moi parce que j'ai beaucoup péché » ; et là, pénétré du regret que doivent vous donner vos péchés et la grande charité de Jésus-Christ qui veut bien, tout coupable que vous êtes, vous souffrir à ses pieds, pensant que vos crimes vous mériteraient d'être précipité dans les enfers, récitez votre Confesse à Dieu jusqu'à ces mots : C'est ma faute. Ensuite, sans attendre que le prêtre vous interroge, dites depuis quel temps vous ne vous êtes pas con fessé, si vous avez reçu l'absolution ou si vous ne l'avez pas reçue, en lui disant pourquoi on vous l'a refusée ; si vous avez fait votre pénitence dans le temps qu'on vous l'avait commandée ; de même si vous avez manqué de faire les aumônes, les restitutions, les réconciliations que vous deviez faire avant de revenir vous confesser ; si vous avez laissé quelques péchés mortels dans vos dernières confessions ; si c'est invo lontairement, par négligence, faute de ne vous être pas assez examiné, ou si c'est par honte ou par crainte ; bien lui expliquer tout cela. Ensuite, autant bien que vous le pourrez, lui accuser tous les péchés que vous avez commis depuis votre dernière confession, vous rappelant qu'il faut les avouer humblement, entière ment, avec simplicité et avec prudence ; et après avoir déclaré tant que vous pouvez vos péchés, vous dites Mon Père, je m'accuse de tous ces péchés et de tous ceux de ma vie, tous ceux dont je ne me souviens pas ; j'en demande bien pardon à Dieu de tout mon cœur et à vous la pénitence et l'absolution, si vous le jugez à propos . Votre confession étant faite, le prêtre vous fera les interrogations qu'il vous croira nécessaires. Il faut lui répondre avec vérité. S'il vous donne quelques avis, il faut les écouter avec attention sans vous occuper à chercher vos péchés que vous pourriez avoir oubliés et ne jamais l'interroger mal à propos. Lorsque vous recevez votre pénitence, il faut la recevoir avec un ferme désir de l'accomplir le mieux que vous pourrez. S'il vous refuse l'absolution, il faut s'y soumettre avec humilité, parce que s'il vous la donnait lorsque vous ne la méritez pas, il vous perdrait et se perdrait lui-même, c'est-à-dire que vous vous damneriez tous les deux. Faites bien atten tion aux raisons pourquoi il vous refuse l'absolution afin de bien employer le temps que vous devez passer sans revenir vous confesser, à vous corriger, afin qu'il ne soit pas obligé de vous la refuser encore une fois. S'il jugeait à propos de vous la donner, achevez votre Confesse à Dieu. Dans ce moment précieux, M.F., renou velez tous les sentiments de piété dont vous êtes capables ; faites votre acte de contrition de tout votre cœur, unissez votre douleur à celle que Jésus-Christ eut de vos péchés au jardin des Olives. Demandez ardemment à Dieu qu'il veuille bien ratifier dans le ciel l'absolution que le prêtre vient de vous donner. Après cela, il faut se retirer du confessionnal avec modestie, se prosterner humblement aux pieds du bon Dieu, le remercier de la grâce qu'il vient de vous faire. Rappelez-vous bien des moyens que le prêtre vous a donnés pour vous corriger ; et puis vous prenez de bonnes résolutions de les mettre en pratique. Avant de sortir de l'église, commencez à faire votre pénitence qui vous a été imposée. Prenez une bonne résolution de veiller désormais sur vous-même, pour ne pas perdre la grâce précieuse que vous venez de recevoir. – Et que faut-il faire pour cela ? – M.F., le voici : C'est de se défier beau coup de soi-même, et se tenir continuellement sur ses gardes. Oui, la vue de notre faiblesse doit nous faire trembler. Non. seulement nous sommes continuellement portés au mal ; mais le démon, après une bonne con fession, redouble tous ses efforts afin de nous faire retomber dans les péchés que nous avons confessés. Cette seule pensée faisait trembler les plus grands saints. Hélas ! que devons-nous faire, nous qui tombons presque chaque fois que le démon nous tente ? Que devons-nous faire encore ? C'est d'éviter, autant que nous pouvons, les occasions et les personnes qui nous ont portés au mal ; sans quoi, jamais nous n'exécuterons nos bonnes résolu tions. Hélas ! M.F., combien de pécheurs qui aidés de la grâce sont rentrés dans le bon chemin du salut, mais qui, n'ayant pas fui les occasions, sont retombés, et ne sont sortis du péché que pour aller brûler dans les enfers ! Troisièmement, il faut avoir grandement recours à la prière et Jésus-Christ nous le dit lui-même : « Veillez et priez sans cesse, de crainte que vous ne succombiez à la tentation.  » Enfin, si vous aviez le malheur de retomber, hâtez-vous de vous relever ; parce que plus vous resterez dans votre péché, plus il vous sera difficile d'en sortir. Oui, M.F., si nous employons tous ces moyens, nous sommes sûrs de nous corriger, quelque forte que soit notre mauvaise habitude. Il n'en est pas des maladies de l'âme comme de celles du corps. Celles-ci quelquefois n'ont point de guérison, mais celles de l'âme ne sont jamais sans remède, si le pécheur le veut sincère ment ; et cette guérison vous sera très certainement ac cordée, si vous le voulez. O mon Dieu ! quel bonheur pour un pécheur qui désire de regagner le ciel et l'amitié de Dieu qu'il a perdus par le péché, d'être sûr de réussir dans son entreprise ! Voilà donc, M.F., ce que vous devez faire avant et pendant votre confession. III. – Je vous ai dit que je vous montrerais qui sont ceux qui font de mauvaises confessions, et ce qu'il fallait faire pour les réparer et n'être pas damné. J'en trouve sept sortes, de ceux qui profanent ce sacrement et qui s'abîment au plus profond des enfers. Ecoutez-le bien, afin que vous puissiez connaître si vous êtes de ce nombre. D'abord je suis sûr qu'il y en a de ceux qui m'écoutent qui sont de ce nombre, qui peut-être n'ou vriront pas encore les yeux aujourd'hui sur cet état affreux et malheureux, parce qu'ils sont sourds et aveu gles pour comprendre ; la parole de Dieu ne les touche pas ; et les lumières de l'Esprit-Saint, à qui ils ont fermé la porte de leur cœur, ne leur montrera pas l'état épou vantable où le péché les a précipités. Ils mourront comme ils ont vécu, c'est-à-dire « vivre en pécheur et mourir en réprouvé. » Ecoutez-moi bien, et ensuite vous descen drez dans vos consciences avec le flambeau d'une main et la balance de l'autre : ensuite vous jugerez vous- mêmes, avant que Dieu vous juge et vous jette en enfer. Les premiers sont ceux qui par honte ou par crainte ont volontairement caché quelques péchés dans leurs confessions, ou quelques circonstances considérables, ceux qui n'ont pas dit le nombre de leurs péchés mor tels ; ceux qui n'ont pas déclaré quelques péchés mor tels ; ceux qui vont confessera à un autre quelques gros péchés et reviennent au même dire leurs petits péchés ; ceux qui à confesse pensent qu'on aura bonne opinion d'eux, s'ils les conservent, parce qu'ils ont négligé de se faire instruire ou de profiter des instructions ; ceux qui n'ont déclaré un péché mortel que parce que le con fesseur le leur a demandé, et qui, sans cette demande, ne l'auraient pas dit. – 2° Je dis que ceux-là font de mau vaises confessions, qui ne donnent pas tout le temps nécessaire pour connaître leurs péchés mortels ; ceux qui se confessent par routine, par habitude, sans avoir une véritable douleur de leurs péchés, ni le ferme propos de ne plus les commettre, de préférer la mort même, s'il le faut, plutôt que d'y retomber. – 3° Ceux qui vont chercher les confesseurs pour passer plus faci lement. O mon Dieu ! que de confessions sacrilèges ! O mon Dieu ! que de chrétiens damnés ! – 4° Ceux qui, ayant quelques restitutions, ne veulent pas ou ne font pas tous leurs efforts pour les faire ; comme ceux encore qui ont été chargés de faire des aumônes, de faire dire des Messes, et laissent tout cela de côté. – 5° Ceux qui croient qu'il n'y a point de mal de tirer intérêt de leur argent, sans avoir les titres légitimes. – 6° Ceux qui ont conti nué à vivre dans l'occasion du péché, pouvant la quitter comme serait une personne qui est dans une maison où il y a une peste et qui n'en sort pas ; comme ceux qui vont dans les veilles, où ils sont sûrs de n'y entendre que de mauvais propos contre la religion et contre la pureté, qui continuent d'y aller malgré leurs remords de conscience et la défense de leur confesseur. Ceux qui ont continué à vivre dans les habitudes du péché, comme les pensées volontaires, les désirs, les paroles et les actions déshonnêtes ; qui ne font pas d'efforts pour se corriger : comme un ivrogne qui tombe toujours à peu près de même ; ceux qui jurent le saint nom de Dieu ; et ainsi des autres péchés mortels. Ceux qui vivent sans se réconcilier avec leur prochain, qui ne veulent pas pardonner ou qui ne pardonnent qu'à moitié. Ceux qui ont flétri la réputation du prochain et ne font ce qu'ils peuvent pour la rétablir. Ne vouloir pas faire sa pénitence, pensant que le prêtre n'a pas entendu ou com pris un péché mortel. – 7° Tous ceux qui fréquentent les sacrements sans être suffisamment instruits des prin cipaux mystères de la religion, ou qui ignorent, par leur faute, ce qui regarde les sacrements qu'ils reçoivent. Les pères et les mères, les maîtres et maîtresses qui ne connaissent leurs devoirs envers leurs enfants et leurs domestiques, toutes ces personnes sont indignes d'absolution ; et toutes les absolutions qu'ils ont reçues jusqu'à ce moment sont autant de sacrilèges qui ne leur serviront qu'à les jeter plus profond dans les enfers. Ces sortes de chrétiens ont donc, dans ce moment, la conscience chargée de mille et mille sacrilèges, et encore sont couverts de tous les péchés qu'ils ont commis et confessés jusqu'à présent, comme de ceux qu'ils n'ont pas confessés. Que conclure de cela, M.F. ? Rien autre, qu'après tant de sacrilèges, après tant de péchés cachés ou confessés sans contrition, ni résolution de préférer même la mort que de les recommettre, ils ne craignent pas si la mort les attrape dans cet état malheureux, d'être précipités dans les flammes pendant toute l'éternité. O mon Dieu, que de chrétiens qui sont dans cet abîme et qui ne le croient pas, parce qu'ils ne veulent pas prendre la peine de des cendre dans l'intérieur de leur cœur pour y reconnaître les maux infinis que le péché leur a faits ! Hélas ! que la lumière du grand jour des vengeances va faire trouver de sacrilèges ! D'après cela, M.F., il vous est donc extrêmement nécessaire de vous examiner avec soin, si vous n'êtes pas dans quelques-uns des cas dont je viens de vous parler. Si vous doutez de la moindre chose , ne vous endormez pas là-dessus, enfoncés dans vous-mêmes. Peut-être qu'examinant bien, vous verrez ce que vous n'avez jamais vu ; peut-être qu'au premier coup d’œil vous allez frémir et trembler de trouver des crimes auxquels vous n'aviez jamais réfléchi. Revenez, M.F., sur vos pas ; si vous doutez de toute votre vie, refaites vos confessions de toute votre vie, ou au moins consi dérez bien depuis quel temps vous êtes coupable : si c'est toute votre vie, il faut redire tous vos péchés mor tels que vous avez commis, le nombre et les circons tances autant que vous pourrez, accusez toutes vos confessions et communions qui sont autant de sacri lèges . IV. – Je ne doute pas, M.F., que si vous n'avez pas encore entièrement perdu la foi, cela vous trouble et vous inquiète sur vos confessions et communions passées. – Comment pouvoir me rappeler de tout ce que j'ai fait à quatorze ou vingt ans, et peut-être à cin quante ou soixante ans ? – M.F., ce qui nous parait tout à fait impossible à nous-mêmes, nous est non seule ment possible, mais facile avec la grâce de Dieu. Est-ce l'examen de votre conscience qui vous effraie ? Main tenant vous allez voir qu'il n'est pas si difficile que vous vous le représentez. Je vous dirai que pour faire une confession générale il n'est pas nécessaire d'accuser ses péchés véniels en particulier, c'est-à-dire d'en dire le nombre, toutes les circonstances, comme sont les petites désobéissances, les mensonges, les médisances qui ne portent perte à personne, c'est-à-dire en matière légère, les distractions dans ses prières, faute de s'y être, bien préparé, et autres péchés semblables. Il vous suffira de vous en accuser en général à la fin de votre confession. Votre examen ne va donc rouler que sur vos péchés mortels. Tous vos péchés sont ou des péchés que vous ne commettez que rarement, ou sont des péchés d'habi tude : ou votre habitude n'a duré qu'un certain temps, ou elle a duré toujours depuis que vous l'avez com mencée. 1° Si vous n'avez commis certains péchés que rare ment, comme serait par exemple de jurer le saint nom de Dieu, de vous mettre en colère, de maudire votre travail, vos enfants ou vos bêtes, il n'est pas bien difficile de dire combien de fois à peu près vous y êtes tombé par année, par mois ou par semaine. Si c'est un péché d'habitude, vous savez bien combien d'années a duré cette habitude, à quel âge vous l'avez commencée, à peu près quel temps elle a duré, si vous l'avez perdue pen dant quelque temps dans le temps que vous tombiez ; il n'est pas difficile de dire combien vous avez commis ce péché par mois et par semaine et par jour. Hé bien ! M.F., voilà tout ce qu'il faudrait faire pour avoir le bonheur de réparer toutes vos confessions et communions mauvaises, en les accusant en disant : « Mon père, je m'accuse d'avoir fait tant de confessions et de commu nions pendant ma vie, ou par année ou par mois . » Lorsque vous ne pouvez vous rappeler au juste, dites seu lement : « Mon père, je m'accuse à peu près tant de fois. » Dieu n'en demande pas davantage : pourvu que vous ayez donné à votre examen tout le temps et tous les soins qu'il faut et que vous soyez de bonne foi, c'est-à-dire sincère dans vos accusations et dans votre repentir, vous êtes sûr que quand toutes vos confessions et communions seraient des sacrilèges, que le bon Dieu vous pardonnera et que vous serez sauvés. D'un autre côté, le confesseur, qui désire autant que vous le salut de votre bonne âme, ne manquera pas de faire tout ce qu'il pourra pour vous aider, soit par ses interrogations, soit par ses prières, surtout pendant la sainte Messe, en demandant à Dieu pour vous les grâces et les forces qui vous sont nécessaires pour bien faire votre confession. Prenez bien garde de ne pas vous laisser prendre à ce piège du démon qui en perd un grand nombre, qui est de leur faire commencer à accuser tous leurs petits péchés les premiers, afin qu'ils n'aient pas la force de dire les gros ensuite. Commencez, M.F., à dire au con traire tous vos plus gros péchés les premiers, alors, vous ôtez tout au démon. – Mais, me direz-vous, cela est bien aisé à dire, mais le faire c'est bien autre chose. Com ment avoir la force de dire tant de péchés, si affreux qui font horreur rien que d'y penser. – Voulez-vous, M.F. , une vérité bien claire ? C'est que ce n'est qu'un orgueil leux qui a honte de dire ses péchés ou qui les a cachés. Otez cet orgueil de votre cœur, et vous vous accuserez de vos péchés tels que vous voudriez les avoir accusés à l'heure de la mort. Toute personne qui désire vérita blement à cœur son salut, ne craint nullement d'en faire l'accusation. En voici un exemple bien frappant, rapporté par saint Jean Climaque : Me trouvant un jour, nous dit ce grand saint, dans un monastère, il vint un homme se présenter afin de passer sa vie dans la pénitence ; pen dant toute sa vie il n'avait fait que brigandages. Le supé rieur lui ordonna de passer sept jours à la porte du monastère. Voyant qu'il persévérait, il lui ordonna de déclarer devant tout le monde tous les péchés qu'il avait commis. Ce voleur avoua sincèrement tout ce qu'il avait fait. Le supérieur, pour éprouver si sa conversion était bien sincère, lui commanda de les accuser encore devant les religieux du monastère. Cet homme, qui était véritablement touché, qui ne cherchait que les moyens de fléchir la justice divine, répondit au supérieur que non seulement il était prêt à les déclarer devant les reli gieux, mais au milieu de toute la ville d'Alexandrie. Alors le supérieur fit assembler tous les religieux qui étaient plus de trois cents. Comme c'était un dimanche, après l'évangile, il commande qu'on lui amène ce cou pable déjà justifié, les mains liées, revêtu d'un cilice, la tête couverte de cendres, conduit par plusieurs reli gieux qui le frappaient à coups de verges. Ce spectacle attendrit si fort les assistants que tous fondaient en larmes. Le supérieur lui dit de rester à la porte de l'église, qu'il ne méritait pas d'y entrer. Ces paroles le frappèrent si fortement qu'il tomba la face contre terre. Le supérieur, le voyant en cet état, lui commanda de dire publiquement ses péchés. Il le fit avec tant de larmes et de douleur, qu'il lui semblait perdre la vie, tant la dou leur de ses péchés était grande. L'on fut obligé de lui dire de cesser. Voyez encore saint Augustin, a-t-il craint, a-t-il eu honte de faire l'aveu de ses péchés, non seulement à un prêtre, mais à tout l'univers ? M.F., non, nous n'aurons point de honte et de crainte, si nous avons l'humilité et la connaissance de nous-même. De là je conclus que tout chrétien qui, après avoir péché, craint de s'accuser, n'est qu'un orgueilleux. Voyez-vous, M.F., un motif bien capable de nous engager à une confession de toute notre vie, si vous vous sentez coupable ; c'est de là que dépend votre bonheur ou votre malheur éternel. Ce soir, lorsque vous serez au lit, mettez-vous dans la posture où vous serez un jour dans la bière, le corps étendu, les mains croisées sur la poi trine, les yeux fermés et tout enveloppé dans un suaire, ensuite dites-vous à vous-même : Que voudrai-je avoir fait lorsque je me trouverai à ce moment ? Mon âme est souillée de tant de péchés qui ne me sont pas pardonnés, voudrais-je bien paraître devant le tribunal de Dieu en cet état ? Reverrai-je un confesseur à l'heure de la mort ? Si je venais à mourir de mort subite et que je n'aie pas le temps de le faire, il faudrait tomber en enfer ! Non, mon Dieu, plus de retard, je vais commencer aujour d'hui à m'y préparer et je le ferai tant, que je pourrai regagner votre amitié et mériter le ciel à la fin de ma vie, en assurant mon salut. Amen.

 

 

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