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2ème DIMANCHE APRÈS L'ÉPIPHANIE Sur le Mariage Vocatus est Jesus ad nuptias. Jésus fut invité aux noces. (S. Jean, II, 2). Que les chrétiens seraient heureux, s'ils avaient le bonheur de faire comme ces deux époux fidèles qui allèrent prier Jésus-Christ de venir assister à leurs noces pour les bénir et leur donner les grâces nécessaires à leur sanctification ; mais non, M.F., très peu font ce qu'ils doivent faire pour engager Jésus-Christ à venir à leurs noces afin de les bénir : au contraire, il semble que l'on prend tous les moyens pour l'en empêcher. Hélas ! que de gens damnés pour n'avoir pas invité Jésus-Christ à leurs noces, que de gens qui commencent leur enfer en ce monde ! Hélas ! que de chrétiens qui entrent dans cet état avec les mêmes dispositions que les païens et peut-être encore avec de plus criminelles. Disons, M.F., en gémissant, que, de tous les sacrements, il n'y en a point qui soit tant profané. Il semble qu'on ne reçoit ce grand sacrement que pour commettre un sacrilège. Hélas ! si nous voyons tant faire de mauvais mariages, tant de gens malheureux, tant qui, par les malédictions qu'ils se vomissent l'un contre l'autre, vraiment commencent leur enfer en ce monde, n'en cherchons point d'autre raison que la profanation de ce sacrement. Hélas ! si de tous les trente mariages il y en avait trois qui eussent reçu toutes les grâces, ce serait déjà beaucoup. Mais aussi, que s'ensuit-il, de toutes ces profanations, sinon une génération de réprouvés ? Mon Dieu, peut-on bien y penser et ne pas trembler, en voyant tant de pauvres personnes qui n'entrent en cet état que pour tomber en enfer ? Quel est mon dessein, M.F. ? le voici. C'est d'abord de montrer à ceux qui sont entrés dans cet état, les fautes qu'ils y ont faites, et ensuite à ceux qui pensent d'y entrer, les dispositions qu'ils doivent y apporter. I. – Personne ne doute, M.F., que nous pouvons nous sauver dans tous les états que Dieu a créés, chacun dans celui que Dieu nous a destiné, si nous y apportons les dispositions que Dieu demande de nous : de sorte que, si nous nous perdons dans notre état, c'est que nous n'y sommes pas entrés avec de bonnes dispositions. Mais il est vrai qu'il y en a qui renferment beaucoup plus de difficultés que d'autres : Nous savons quel est celui qui en renferme le plus, c'est celui du mariage ; et cependant nous voyons que c'est celui que l'on reçoit avec de plus mauvaises dispositions. Lorsqu'on veut recevoir le sacrement de confirmation, l'on fait une retraite, l'on tâche de bien se faire instruire, pour se rendre digne des grâces qui y sont attachées ; mais pour celui du mariage, d'où dépend ordinairement le bonheur ou le malheur éternel de celui qui le reçoit, bien loin de s'y préparer par une retraite ou quelqu'autre bonne action, il semble que jamais l'on n'aura assez accumulé crimes sur crimes pour le recevoir, il semble qu'on n'aura jamais assez fait de mal pour mériter la malédiction du bon Dieu, afin d'être malheureux toute la vie en se préparant un enfer pour l'éternité. Lorsque l'on veut entrer dans l'état ecclésiastique, ou dans un monastère, ou même rester dans le célibat, l'on consulte, l'on prie, l'on fait des bonnes œuvres, afin de bien demander à Dieu la grâce de connaître sa vocation ; quoique dans l'ordre religieux tout nous porte au bon Dieu, tout nous éloigne du mal, malgré cela, l'on prend beaucoup de précautions ; mais pour le mariage, où il est si difficile de se sauver, ou pour mieux dire, où il y en a tant qui se damnent, où sont les préparations que l'on fait pour demander à Dieu la grâce de mériter le secours du ciel qui nous est si nécessaire pour pouvoir nous y sanctifier ? Presque personne ne s'y prépare, ou on le fait d'une manière si faible que le cœur n'y est pour rien. Dès qu'un jeune homme ou une jeune fille commence à vouloir penser à s'établir, ils commencent à s'éloigner de Dieu en abandonnant la religion, la prière et les sacrements. Les parures et les plaisirs prennent la place de la religion, et les crimes les plus honteux prennent la place des sacrements. Ils continuent cette route jusqu'au moment où ils entrent dans le mariage, où la plupart consomment leur malheur éternel en commettant trois sacrilèges dans deux ou trois jours : je veux dire, en profanant le sacrement de pénitence, celui de l'eucharistie et celui du mariage, si le prêtre est assez malheureux que de leur administrer les deux premiers ; je dis du moins pour la plupart, si ce n'est pas tous. Le plus grand nombre des chrétiens y apportent un cœur mille fois plus pourri par le vice infâme de l'impureté, qu'un grand nombre de païens, qui n'oseraient pas même faire ce que la plupart des chrétiens font. Une fille qui désire avoir un jeune homme n'a pas plus de réserve qu'une bête la plus immonde. Hélas ! c'est qu'elle abandonne le bon Dieu, et le bon Dieu l'abandonne à son tour ; elle se jette à corps perdu dans tout ce qu'il y a de plus infâme. Hélas ? que peuvent être et devenir ces pauvres personnes qui reçoivent le sacrement de mariage dans un pareil état, et combien de ces malheureux qui ne le diront pas même en confession ? O mon Dieu ! avec quelle horreur le ciel peut et doit-il bien regarder de tels mariages ! Mais aussi que deviennent ces personnes malheureuses ? Hélas ! le scandale d'une paroisse et une source de malheurs pour les pauvres enfants qui naîtront d'eux. Qu'entend-on dans cette maison ? Rien autre, sinon jurements, blasphèmes, imprécations et malédictions. Cette jeune fille croyait que si elle pouvait avoir ce jeune homme, ou ce jeune homme cette fille, rien ne leur manquerait ; mais, hélas ! après s'être mis en ménage, quel changement, que de larmes, que de repentirs et que de gémissements ! Mais tout cela ne sert de rien. L'on est dans le malheur, et il faut y rester jusqu'à la mort, il faut vivre avec une personne que, le plus souvent, l'on ne peut ni voir ni sentir ; disons mieux, M.F., ils commencent leur enfer en ce monde pour l'aller continuer pendant toute l'éternité. Hélas ! que le nombre de ces mariages, qui sont ainsi malheureux, est grand ! et cependant ; tout cela ne vient que de la profanation de ce sacrement. Ah ! si l'on pensait à ce que l'on va faire en entrant dans l'état du mariage, les charges qu'il y a à remplir et les difficultés que l'on y trouvera pour se sauver, ô mon Dieu, que l'on se comporterait bien plus sagement ! Mais le malheur du grand nombre, c'est qu'ils ont déjà perdu la foi quand ils y entrent. D'un autre côté, le démon fait tout ce qu'il peut pour les rendre indignes des grâces que Dieu leur accorderait s'ils étaient bien préparés. Le démon, non seulement espère les avoir, mais encore que les enfants qui naîtront d'eux seront ses victimes. Oh ! que ceux que Dieu n'appelle pas à cet état sont heureux ! Oh ! que d'actions de grâces ils doivent rendre à Dieu de les exempter de tant de dangers de se perdre ! sans compter qu'ils seront bien plus près de Dieu dans le ciel, que toutes leurs actions seront bien plus agréables à Dieu, et que leur vie sera plus douce, et leur éternité plus heureuse. Mon Dieu ! qui pourra bien comprendre cela ? Hélas ! presque personne, parce que chacun suit, non sa vocation, mais la pente de ses passions. Cependant, M.F., quoiqu'il soit si difficile de se sauver dans l'état du mariage, et que le plus grand nombre, sans s'en douter un seul moment, seront damnés, ceux que Dieu y appelle peuvent s'y sauver, s'ils ont le bonheur d'y apporter les dispositions que Dieu demande d'eux ; il leur accordera par ses sacrements les grâces qui leur sont promises. Chacun doit entrer où Dieu l'appelle, et nous pouvons dire que le plus grand nombre de chrétiens se damnent parce qu'ils ne suivent pas leur vocation, soit en ne la demandant pas à Dieu ou en se rendant indigne de la connaître par leur mauvaise vie. Pour vous montrer que l'on peut se sauver dans le mariage, si c'est Dieu qui y appelle, écoutez ce que nous dit saint François de Sales, qui, étant dans le collège, s'entretenait un jour avec un de ses compagnons de l'état où ils entreraient. Saint François lui dit : Je crois que le bon Dieu m'appelle à être prêtre, j'y trouve tant de moyens de m'y sanctifier et d'y gagner des âmes à Dieu, que d'y penser, je me sens le cœur tout rempli de joie ; combien je me trouverais heureux, si je pouvais bien convertir des pécheurs à Dieu ! Pendant toute l'éternité, je les entendrais chanter les louanges de Dieu, je les verrais dans le ciel. L'autre lui dit : Je crois que Dieu m'appelle dans l'état du mariage et que j'aurai des enfants et que j'en ferai de bons chrétiens, et que moi-même je m'y sanctifierai. Tous les deux suivirent une vocation bien différente, puisque l'un fut prêtre et évêque, et l'autre fut dans le mariage, cependant tous deux sont saints. Celui qui se maria eut des garçons et des filles ; un de ses garçons fut archevêque, et il a été un saint ; un second ; religieux ; un autre, président dans une chambre, lequel fit de sa maison presque un monastère. Il se levait tous les jours à quatre heures du matin, à cinq heures faisait la prière avec tous ses domestiques, les instruisait chaque jour. Plusieurs de ses filles furent religieuses ; de sorte, nous dit saint François de Sales, que tous, dans cette famille, furent des modèles de vertu dans le pays où ils furent placés-Vous voyez cependant que, quoiqu'il soit bien difficile et très difficile de se sauver dans l'état du mariage, ceux qui y sont appelés par Dieu, s'ils y apportent de bonnes dispositions, peuvent espérer de s'y sanctifier. Mais traitons d'une manière plus directe ce qui regarde ce sacrement. II. – Si je demandais à un enfant ce que c'est que le sacrement de mariage, il me répondrait : c'est un sacrement qui a été institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ, et qui donne les grâces nécessaires pour sanctifier ceux qui se marient selon les lois de l'Église et de l'État. Mais quelles sont les dispositions pour recevoir les grâces que Dieu nous communique par ce sacrement ? Les voici : 1° C'est d'être suffisamment instruit des devoirs de son état et des misères qu'on y éprouve. 2° C'est d'être en état de grâce, c'est-à-dire d'avoir fait une bonne confession de tous ses péchés, avec un vrai désir de ne plus les commettre. Si vous me demandez pourquoi il faut être en état de grâce pour se marier ? Je vous répondrai : 1° Parce que c'est un sacrement des vivants ; il faut donc que notre âme soit exempte de péchés, ; 2° A défaut d'être en état de grâce, on commet un sacrilège, à moins que ce ne soit faute d'être suffisamment instruit. Ceux qui veulent recevoir dignement ce sacrement doivent être instruits suffisamment pour connaître leurs devoirs et pour apprendre à leurs enfants ce qu'ils doivent faire pour vivre chrétiennement. Si une personne qui se marie ne sait pas ce qu'est le sacrement qu'elle va recevoir, qui l'a institué, quelles grâces il nous accorde, et quelles sont les dispositions que nous devons y apporter, il est bien certain qu'elle ne peut que commettre un sacrilège. Hélas ! que de sacrilèges dans la réception de ce grand sacrement, et combien de gens qui se marient sans savoir même les principaux mystères ; c'est-à-dire, laquelle des trois personnes divines s'est faite homme ! Ils ne sauraient pas seulement vous répondre que c'est la seconde personne qui a pris un corps et une âme dans le sein de la sainte Vierge par l'opération du Saint-Esprit, et que c'est le 25 mars ; que c'est le 25 décembre que ce Jésus est venu au monde à minuit, et qu'il est né comme homme et non pas comme Dieu, puisque comme Dieu il est de toute éternité. Combien qui ne savent pas que c'est le Jeudi saint que Jésus-Christ a institué le sacrement adorable de l'Eucharistie, en prenant du pain, le bénissant et le changeant en son corps ; et qu'ensuite-il prit du vin et le changea en son sang, et qu'il dit à ses apôtres : « Toutes les fois que vous prononcerez ces mêmes paroles, vous ferez le même miracle ! » Combien qui ne savent pas que c'est le Jeudi saint que Jésus-Christ a institué les prêtres en leur disant ces paroles : « Faites ceci en mémoire de moi. Toutes les fois que vous direz les mêmes paroles, vous changerez comme moi le pain en mon corps, le vin en mon sang.  » Peut-être même quelques-uns ignorent le jour que le bon Dieu est mort, qu'il est ressuscité et qu'il est monté au ciel. Cela vous étonne ? Hélas ! il y en a plus de deux qui ne savent pas combien, qui ne savent pas comment Dieu a souffert et comment il est mort ; c'est-à-dire qui ne savent pas que Dieu a souffert et est mort comme homme et non comme Dieu, puisque comme Dieu il ne pouvait ni souffrir ni mourir. Combien qui croient que les trois personnes de la Sainte Trinité ont souffert et sont mortes. Combien ne savent pas que Jésus-Christ, comme homme, est plus jeune que la sainte Vierge ; et que, comme Dieu, il est de toute éternité ! Combien auraient été bien embarrassés, si, avant de se marier, on leur avait demandé : Qui a institué les sacrements, et quels sont les effets de chaque sacrement en particulier, et quelles sont les dispositions que demande chaque sacrement ? Combien croient que c'est la sainte Vierge ou les apôtres qui ont institué les sacrements, et qui ne savent pas véritablement que c'est Jésus-Christ, et qu'il n'y a que lui qui pouvait les instituer et leur communiquer les grâces que nous y recevons : c'est-à-dire, que le baptême nous purifie du péché que nous apportons en venant au monde, que c'est le premier sacrement qu'un chrétien peut recevoir, et que les eaux pour le baptême ont été sanctifiées lorsque saint Jean baptisa Jésus-Christ dans le Jourdain, que Jésus-Christ l'a institué en disant à ses apôtres : « Allez, instruisez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, etc., etc..  » Combien ne savent pas ce que c'est que le Saint-Esprit qu'ils reçoivent dans le sacrement de Confirmation, et que ce sacrement ne peut être donné que par les évêques, et qu'il faut être en état de grâce pour le recevoir ! Combien ne savent pas dans quel moment ils reçoivent le sacrement de Pénitence, et ne savent pas que c'est quand ils se confessent et qu'on leur donne l'absolution, et non pas toutes les fois qu'ils se confessent ! Combien ne savent pas que, dans le sacrement de l'Eucharistie, ils reçoivent le corps, le sang et l'âme de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et qu'ils ne reçoivent ni les anges ni les saints ! Combien ne savent pas faire la différence entre le sacrement de l'Eucharistie et les autres, c'est-à-dire qu'ils ne savent pas que, dans le sacrement de l'Eucharistie, ils reçoivent le corps adorable et le sang précieux de Jésus-Christ, au lieu que dans les autres nous ne recevons que l'application des mérites de son sang précieux ! Combien ne savent pas connaître quels sont les sacrements des vivants et les sacrements des morts, et pourquoi on leur donne ces noms ; ils ne savent pas que le Baptême, la Pénitence et quelquefois l'Extrême-Onction, sont les sacrements des morts, parce qu'ils nous rendent la vie de la grâce que nous avons perdue par le péché, et que les autres sont appelés sacrements des vivants, parce qu'il faut que nous n'ayons point de péchés sur notre conscience quand nous voulons les recevoir. Combien d'autres ne savent pas ce qu'ils reçoivent lorsqu'on leur fait les onctions sur leurs sens, et quelle grâce ce sacrement de l'Extrême-Onction accorde aux malades qui le reçoivent dignement, c'est-à-dire qu'ils ne savent pas que ce sacrement les purifie de tous les péchés qu'ils ont commis par leurs sens, c'est-à-dire par les yeux, la bouche et les oreilles, etc., etc. Enfin combien d'autres ont ignoré la grâce que donnait le sacrement de mariage ! Combien d'autres qui ne savent pas que les sacrements n'ont eu leur effet qu'après la Pentecôte. Hélas ! que de sacrilèges ! hélas ! que de gens mariés damnés ! Cependant si vous ignorez ces choses, vous pouvez bien compter que tous les sacrements que vous avez reçus sont à peu près des sacrilèges. Une deuxième raison qui doit porter à bien se préparer pour recevoir toutes les grâces que nous confère ce grand sacrement, c'est qu'il y a bien des misères à y souffrir : Combien de pauvres femmes qui sont obligées de passer leur vie avec des maris dont les uns sont des hommes emportés, qu'un rien fait mettre en colère ; semblables à des lions, ils sont toujours après elles, les disputent et souvent même les maltraitent ; ils ne peuvent les voir manger. Elles meurent de chagrin ; il est bien rare si elles passent un jour sans verser des larmes  ; d'autres ont des maris qui mangent tout ce qu'ils ont dans les cabarets, tandis qu'une pauvre femme périt de misère avec ses enfants dans la maison. Ce que je dis des maris, je le dis pareillement des femmes. Combien de maris qui ont des femmes qui ne leur disent jamais un mot de bonne grâce, qui les méprisent, qui délaissent tout ce qu'il y a dans la maison, qui ne font que les disputer du matin au soir. Vous conviendrez avec moi que pour souffrir tout cela sans murmurer, de manière à le rendre méritoire pour le ciel, il faut une grâce extraordinaire. Eh bien ! M.F., si vous aviez reçu toutes les grâces que vous donne ce sacrement, vous en auriez un trésor infini pour le ciel ; les grâces que Dieu vous a préparées pour vous sauver, qu'il a attachées à votre vocation, vous rendraient cela supportable sans vous en plaindre. Mais d'où vient que cet homme ne peut pas souffrir les défauts qu'il aperçoit dans sa femme, et que la femme maudit à chaque instant son mari parce qu'il est un ivrogne ? C'est que ces personnes n'ont pas reçu les grâces du sacrement de mariage ; ils ne peuvent donc qu'être malheureux pendant leur vie et damnés après leur mort. Mais un plus grand malheur encore, c'est que, outre cela, leurs enfants leur ressemblent. Hélas ! qui pourrait conter l'état déplorable des enfants qui naissent de tels mariages ? Vous les voyez presque vivre comme des bêtes. D'abord, les parents n'ont jamais su leur religion, par conséquent ils ne peuvent pas l'apprendre à leurs enfants. Hélas ! des enfants qui ont dix ou onze ans ne savent pas seulement leur prière, ni un mot de leur religion ; ils n'ont déjà que des jurements et des mauvais propos à la bouche. Hélas ! que de personnes mariées et d'enfants damnés. au moins s'ils n'étaient pas mariés, ils seraient damnés tout seuls ! Que la profanation de, ce sacrement peuple les enfers ! 2° Mais, me direz-vous, que faut-il donc faire pour entrer saintement dans cet état ? – Mon ami, le voici. Écoutez-le bien, heureux si vous en profitez ! Il faut que votre mariage n'ait rien de semblable à ceux des païens. Voici les mariages des païens. Lorsqu'ils veulent s'établir, les uns prennent une femme pour en avoir des enfants à qui ils puissent laisser leur nom et leurs biens ; les autres, parce qu'ils ont besoin d'une compagne pour les aider dans les soins de la vie ; celui-ci, pour la beauté et les agréments, mais très peu pour la vertu. Après cela, l'on prend ses sûretés de part et d'autre ; on passe le contrat, et on célèbre le mariage, qui est accompagné de quelques cérémonies religieuses en leur manière ; l'on fait un grand festin, et on se livre à toutes sortes de joies et d'excès. Voilà, M.F., la manière dont procèdent les païens, c'est-à-dire, ceux qui n'ont pas comme nous le bonheur de connaître le vrai Dieu. Si vos mariages n'ont rien de mieux, tenez-vous sûrs que vous avez profané ce sacrement ; et, après cela, il faut encore vous résoudre à aller passer votre éternité dans les enfers. Ce n'est donc véritablement que l'esprit de piété qui fait le mariage chrétien ; il faut donc le faire au nom de Jésus-Christ, en vue de lui plaire et de suivre sa vocation, se proposer le salut de son âme et rien autre. Ce n'est donc ni l'intérêt, ni le désir de suivre le penchant de son cœur, qui doit porter un chrétien à se marier ; mais celui de suivre la voix de Dieu qui vous appelle dans cet état, d'élever chrétiennement les enfants qu'il plaira à Dieu de vous donner. Mais dans une démarche si importante, l'on ne doit rien faire avec précipitation, ne jamais manquer de consulter ses parents, et ne rien conclure sans leur consentement. Les parents, non plus, ne doivent jamais forcer leurs enfants à prendre des personnes qu'ils n'aiment pas, parce qu'ils ne peuvent qu'être malheureux l'un et l'autre. Il faut toujours choisir des personnes qui ont de la piété – : vous devez les préférer, quand même elles auraient moins de biens, parce que vous êtes sûrs que Dieu bénira votre mariage ; au lieu que pour ceux qui n'ont point de religion, leurs biens périront en peu de temps. Il ne faut pas faire comme plusieurs qui prennent un garçon ivrogne et mauvais sujet, en disant que, quand il sera marié, il se corrigera ; c'est tout le contraire, il ne deviendra que plus mauvais, et vous passerez votre vie dans une espèce d'enfer. Hélas ! que ces mariages sont épais  ! C'est dans la prière et les bonnes œuvres que vous devez demander à Dieu de vous faire connaître celui ou celle que Dieu vous destine. L'on dit qu'afin qu'un mariage soit bien fait ; c'est-à-dire heureux, il faut qu'il soit fait dans le ciel avant de l'être sur la terre. D'abord les jeunes gens qui veulent mériter les grâces du mariage que Dieu prépare à ceux qui espèrent s'y sanctifier, ne doivent pas se parler seuls ni le jour ni la nuit, sans la présence de leurs parents, et ne jamais se permettre la moindre familiarité, ni la moindre parole indécente, sans quoi ils sont sûrs d'éloigner Dieu de leurs noces, et que, si Dieu n'y assiste pas, ce sera le démon. Hélas ! il n'y en a pas un tous les deux cents qui observe cela. L'on peut bien dire aussi qu'il n'y a pas un mariage, pas un ménage tous les deux cents, qui soit véritablement tel que la religion et la paix y règnent, de manière que l'on puisse dire que c'est une maison du bon Dieu. Au contraire, il y en a qui se traînent pendant trois ou quatre ans dans les danses, les bals, les comédies, les cabarets, qui passent les trois quarts de leurs nuits seuls, à se permettre tout ce que le démon d'impureté peut leur inspirer. Mon Dieu, sont-ce bien là des chrétiens qui doivent porter sous le voile du sacrement un cœur pur et exempt de tout péché ? Hélas ! qui pourra compter le nombre de péchés dont leur cœur est couvert et leur pauvre âme toute pourrie ? Hélas ! comment peut-on espérer que le bon Dieu pourra, tout puissant qu'il est, bénir de tels mariages de personnes qui vivent dans l'impureté la plus infâme depuis peut-être combien d'années ? qui ne font peut-être de prières ni le matin ni le soir ? qui ont laissé les sacrements depuis plusieurs années, ou, s'ils les ont fréquentés, ne l'ont fait que pour les profaner ? Hélas ! comment se peut-il faire que le sang adorable de Jésus-Christ puisse descendre sur ces noces pour les sanctifier, et rendre les peines du mariage douces et méritoires pour le ciel ? Hélas ! que de sacrilèges, et que de gens mariés qui iront brûler dans les abîmes ! Mon Dieu, que les chrétiens connaissent peu leur malheur et leur perte éternelle ! Hélas ! ils ne quitteront pas leurs crimes infâmes après leurs noces ; toujours mêmes infamies, et toujours dans la route de l'enfer, où ils tomberont bientôt. Non, M.F., n'entrons pas dans le détail des horreurs qui se commettent dans le mariage, tout cela fait mourir d'horreur. Tirons le voile, qui ne se lèvera véritablement qu'au grand jour des vengeances, où nous verrons toutes ces turpitudes sans craindre de souiller notre imagination. Gens mariés, ne perdez jamais de vue que tout se verra au jour du jugement ; ce qui jettera une infinité de personnes dans l'étonnement, c'est que des chrétiens se soient permis des infamies semblables. Arrêtons-nous là. III. – Si maintenant vous me demandez quelles sont les conditions qu'il faut pour qu'un mariage soit bon devant Dieu et devant les hommes, mon ami, deux choses que voici : il faut qu'il soit contracté selon les lois de l'Église et de l'État ; sans quoi le mariage serait nul, c'est-à-dire que les personnes vivraient dans le péché, comme deux personnes qui se mettent ensemble sans se marier devant l'Église. L'Église a fait ses lois, assistée, dirigée par le Saint-Esprit. Si vous me demandez ce que c'est que les fiançailles, le voici : c'est la promesse que deux personnes se font l'une à l'autre de s'épouser. Dès le moment que deux personnes se sont fiancées, elles ne doivent pas rester dans la même maison sous peine de gros péché, à cause des dangers et des tentations auxquelles elles seront exposées ; parce que le démon fait tout ce qu'il peut pour-les rendre indignes de la bénédiction du bon Dieu qui leur est promise dans le sacrement de mariage. C'est pourquoi l'Église leur défend d'habiter sous le même toit tout le temps des fiançailles. Je vous ai dit, M.F., qu'il n'y a point de sacrements pour lesquels on prenne tant de précautions extérieures, que l'on reçoive avec tant d'appareil que celui du mariage. Après que le contrat est passé, l'on publie trois dimanches de suite les personnes qui veulent se marier, et cela pour deux raisons : la première, pour inviter tous les fidèles à prier pour eux, afin que Dieu leur accorde les grâces qui leur sont nécessaires pour entrer saintement dans cet état. La deuxième raison, c'est pour découvrir les empêchements qui pourraient mettre obstacle à ce mariage. Les cas dans lesquels l'Église défend le mariage s'appellent empêchements ; il y a de ces empêchements qui ren(lent les noces nulles, de sorte que des personnes qui se seraient mariées avec quelqu'un des empêchements que nous allons voir, ne seraient pas mariées, leur vie ne serait qu'une fornication continuelle. Hélas ! qu'il y en a, de ces malheureux mariages, qui font tomber les malédictions du ciel avec des peines partout où ils se trouvent ! Ne doutons pas ; M.F., que la profanation de ce sacrement, et les crimes qui se commettent dans le mariage, ne soient la cause de tous les grands maux dont Dieu nous accable, et nous le reconnaîtrons au jour du jugement. Nous disons donc qu'il y a des empêchements qui se nomment dirimants ; voici ceux qui se rencontrent le plus souvent. Le premier, c'est la parenté jusqu'au quatrième degré inclusivement, c'est-à-dire qui renferme le quatrième degré et non le cinquième : cela se comprend aisément. Quand on annonce le mariage, si vous pensez que celui qui le publie ne sait pas ce que les fiancés lui cachent, vous êtes obligés de le dire à celui qui l'a publié, sans quoi vous commettez un gros péché mortel, puisqu'il y en a plusieurs qui le cachent autant qu'ils peuvent, par crainte de demander dispense et qu'il leur en coûte quelque chose. Le second, c'est l'affinité, c'est-à-dire qu'un veuf ne peut pas épouser les parents, de sa défunte jusqu'au quatrième degré, ni la veuve les parents de son défunt. Le troisième, c'est la parenté spirituelle, c'est-à-dire que l'on ne peut pas se marier avec l'enfant que l'on a ondoyé ou tenu sur les fonts du baptême, ni avec le père ou la mère de cet enfant. Le quatrième, c'est l'honnêteté publique, c'est-à-dire que, quand une personne a été fiancée avec une personne, elle ne peut pas se marier ni avec la mère, ni avec la fille, ni avec la sœur de la personne avec qui elle avait été fiancée. Voilà, M.F., les empêchements que les fidèles peuvent connaître le plus, et lorsqu'on publie un mariage que l'on sait être dans quelqu'un de ces cas, on est obligé de le dire, ou bien l'on commet un péché mortel, et l'on se met dans le cas d'être excommunié, c'est-à-dire retranché du sein de l'Église. Vous voyez, M.F., combien vous devez prendre garde et ne jamais manquer de dire ce que vous savez. Il y en a quelques autres qui sont moins communs, quelques-uns qui sont secrets et infamants, comme l'adultère et l'homicide ; ceux qui en sont coupables doivent en avertir leur confesseur. Les lois de l'Église qui défendent ces sortes de mariages sont très sages, elles ont toutes été dictées par le Saint-Esprit. Il y a encore le vœu simple de chasteté, de six mois, un an, et le reste... Il y a cependant quelquefois que l'Église donne des dispenses en faisant faire quelque aumône à ceux qui les demandent, mais n'oubliez jamais que toutes les dispenses que l'on demande, et où on ne dit pas bien les choses telles qu'elles sont, ne valent rien. Le Saint-Père n'accorde qu'à condition que ce que l'on dit est véritable ; de sorte que si ce que nous disons n'est pas bien vrai, c'est-à-dire, si vous donnez des raisons qui ne sont pas ou que vous les augmentiez, vos dispenses ne valent rien, par conséquent votre mariage est nul : c'est-à-dire que vous n'êtes pas mariés et que vous avez coinmis un sacrilège en recevant le sacrement de mariage, ainsi que tous les sacrements que vous recevez dans la suite. Hélas ! que le nombre en est grand, de ces malheureux, et qui dorment tranquilles, tandis que le démon leur creuse un enfer éternel ! Vous ne devez donc jamais donner des raisons qui ne sont pas, et si vos pasteurs ne les trouvent pas bonnes, prenez bien garde de les presser en leur disant que vous vous mettrez tout de même ensemble. Hélas ! que de gens mariés damnés  ! Mais, me direz-vous, comment doit-on passer le temps des fiançailles ? – Le voici : Ce temps-là est un temps sacré qui doit se passer dans la retraite, la prière, et à faire toutes sortes de bonnes œuvres, pour mériter que Jésus-Christ vous fasse, comme aux époux de Cana, en Galilée, la grâce d'assister à vos noces pour vous bénir, en vous donnant les secours nécessaires pour pouvoir vous y sanctifier. Il est très bon et souvent bien nécessaire de faire une confession générale, soit pour réparer les mauvaises que l'on aurait pu faire pendant sa vie, soit encore pour se rendre plus digne de recevoir ce sacrement, puisque les grâces y sont abondantes à proportion des dispositions que l'on y apporte. Dites-moi, M.F., est-ce bien de cette manière que l'on passe un temps aussi précieux que celui des fiançailles ? Hélas ! ne prenez-vous pas, M.F., les païens pour modèles, lesquels même ne font pas tout ce que le plus grand nombre de chrétiens de nos jours se permettent ! Ces malheureux chrétiens ne sont pas contents d'avoir traîné presque toute leur vie ou au moins une bonne partie, dans le crime et l'infamie la plus noire ! il semble qu'ils n'en ont pas assez fait le premier jour de leurs fiançailles : les danses, les bals, les cabarets et la viande, si c'est un jour maigre. Non contents de faire le mal seuls, comme s’ils craignaient de ne pas assez irriter la juste colère de Dieu sur eux, afin qu'au lieu de les bénir il les maudisse, ils seront trois ou cinq personnes à la fois ; c'est-à-dire selon leur fortune : ceux qui ont de quoi dépenser en invitent plus, et ceux qui ont moins en invitent moins ; mais toujours autant qu'ils ont. Il y en a qui peut-être perdront leurs âmes, feront des dettes en passant les trois quarts de la nuit, sans compter le jour, dans les cabarets, à se livrer à toutes sortes d'excès ; une partie se traînant par les chemins, et peut-être même l'épouse. Mais, me direz-vous, cela ne vous regarde pas, ce n'est pas votre argent que nous dépensons ; nous ne vous devons rien. – Non, sans doute votre argent ne me regarde pas, mais vos âmes dont Dieu m'a chargé, me regardent. Eh bien ! M.F., voilà le commencement de la sainte retraite des jeunes gens qui viennent de se fiancer ; voilà leur préparation pour recevoir le sacrement de mariage. Ce n'est pas encore tout ; le démon n'en a pas encore assez. Après avoir passé quelques jours dans la débauche avec les parents de la fille, ils passeront tout le reste du temps à courir les maisons pour porter des fiançailles. Dans chaque maison, ils commettront, peut-être, trois ou quatre gros péchés par les embrassements qu'ils font ou qu'ils permettent. – Mais, me direz-vous, c'est la coutume. – Ah ! vos coutumes, ce sont celles des païens ; comme vous avez suivi jusqu'à présent la même marche que celle des païens, il faut bien continuer ! Malgré ce que vous direz, cela n'empêchera pas que, lorsque vous paraîtrez au tribunal de Dieu pour y rendre compte de votre malheureuse vie, tous les embrassements que vous aurez donnés ou reçus dans ces temps de fiançailles, ne soient des péchés et, la plupart, des péchés mortels. Oh ! je n'en crois rien. – Vous n'en croyez rien ? C'est que vos yeux sont un peu troubles ; mais ne vous inquiétez pas, le grand juge vous les éclaircira bien. Pourquoi est-ce, que les garçons ne donnent pas des fiançailles aux garçons et les filles aux filles ? Je le sais bien : c'est que le démon n'y trouve pas si bien son compte. Le temps des fiançailles se passe dans cette dissipation ou plutôt dans cette chaîne de péchés, sans parler de tout ce qui se passe entre les femmes. Mon Dieu, sont-ce là des chrétiens ou des païens ? Hélas ! je n'en sais rien ; tout ce que je sais, c'est que ce sont de pauvres âmes que le démon traîne et dévore jusqu'à ce qu'il les précipite dans les flammes. Le temps du mariage arrive, ils n'ont plus que trois ou quatre jours ; ils vont se présenter au tribunal de la pénitence sans regret et sans désir même de mieux faire. La preuve en est bien claire : vous allez voir les plaisirs, les mêmes danses, les excès dans le boire et le manger ; ils commencent les familles en se livrant à tout ce que le démon peut leur inspirer le jour de leurs noces, et encore pis s'ils le peuvent., Ils viennent de recevoir ce grand sacrement. ; ah ! je me trompe, ils viennent de commettre un horrible sacrilège, et ils vont mettre le cachet à leur réprobation en passant, peut-être, un jour ou deux en débauches. Mon Dieu, que penser de ces pauvres chrétiens ? Que vont-ils devenir ? Hélas ! vous les avez déjà abandonnés, parce qu'ils n'ont rien oublié pour vous forcer à les maudire et à les réprouver. Mais, me direz-vous, il est permis de se réjouir ce jour-là. – Oui, sans doute, mais de se réjouir dans le Seigneur. Vous avez beau dire ce que sous voudrez, vous ne laisserez pas de rendre compte jusqu'à un sou dépensé inutilement ; vous aurez beau vous en moquer, cela est tel que je vous le dis. Un jour nous le verrons, prenez bien garde que ce ne soit pas trop tard pour vous. Tout cela est bien difficile à croire, parce que, si nous faisions mal, le bon Dieu nous punirait ; pourtant nous en voyons qui se divertissent bien et qui tout de même font bien leurs affaires. – Mon ami, ceci, loin d'être une bonne marque, est le plus grand de tous les malheurs. Savez-vous pourquoi le bon Dieu se conduit de cette sorte ? Le voici : c'est qu'il est juste. Il vous récompense de tout le bien que vous avez fait, afin qu'après votre mort, il n'ait qu'à vous jeter en enfer. Voilà la raison pourquoi il semble vous bénir malgré toutes les horreurs que vous avez commises dans vos fiançailles et vos noces, sans compter que tous les péchés que ceux que vous avez invités ont commis, seront pour votre compte, sans qu'ils en soient eux-mêmes innocents. Hélas ! que la mort fera trouver de péchés là où plusieurs croient qu'il n'y en a point ! Que devrait faire un chrétien pour dignement recevoir ce sacrement ? Ce serait de s'y préparer de tout son cœur, d'avoir fait une bonne confession et d'avoir passé saintement le jour de ses fiançailles ; et, ce qu'il aurait pu dépenser, le donner aux pauvres pour attirer les divines bénédictions sur lui. Le jour de leurs noces, qu'ils aillent de grand matin à l'église pour implorer le secours et les lumières du Saint-Esprit, en recevant la bénédiction nuptiale. Que le sang de Jésus-Christ coule sur leurs âmes. Le jour qu'ils ont été mariés, qu'ils passent la journée dans la présence de Dieu en pensant quel malheur ce serait s'ils venaient à profaner ce jour si saint. Après leur mariage, ils doivent aller trouver un confesseur pour se faire instruire, afin qu'ils ne se perdent pas sans le savoir, ou plutôt, afin qu'ils puissent se comporter comme de vrais enfants de Dieu. Hélas ! où sont les chrétiens qui se conduisent de cette manière ? Hélas ! où sont aussi les gens mariés qui seront sauvés Qu'il y en aura de perdus ! De ceux qui y apportent de bonnes dispositions, il n'y en a presque point. Que conclure de cela ? Le voici : C'est que la plupart des chrétiens entrent dans le mariage sans demander à Dieu les grâces qui leur sont nécessaires, ils y portent un cœur et une âme couverts de mille et mille péchés, et profanent ce sacrement : ce qui est une source de malheurs pour eux dans ce monde et dans l'autre. Heureux les chrétiens qui entrent dans ces bonnes dispositions et qui y persévèrent jusqu'à la fin ! C'est ce que je vous souhaite...

 

3ème DIMANCHE APRÈS L'ÉPIPHANIE (PREMIER SERMON) Sur la prière d'un pécheur qui ne veut pas quitter le péché Cum descendisset Jesus de monte, secutæ sunt eum turbæ multæ. Et ecce leprosus veniens adorabat eum. Jésus étant descendu de la montagne, une grande foule de peuple le suivit ; et alors un lépreux venant à lui, l'adora. (S. Matth., viii, 1-2.) En lisant ces paroles, M.F., je me représente le jour d'une grande fête où l'on vient en foule dans nos églises, auprès de Jésus-Christ, non descendu d'une montagne, mais sur nos autels, où la foi nous le découvre comme un roi au milieu de son peuple, comme un père environné de ses enfants, et enfin comme un médecin entouré de ses malades. Les uns adorent ce Dieu, dont le ciel et la terre ne peuvent contenir l'immensité, avec une conscience pure, comme un Dieu régnant dans leur cœur ; c'est l'amour seul qui les amène ici pour lui offrir un sacrifice de louanges et d'actions de grâces ; ils sont sûrs de ne pas sortir d'auprès de ce Dieu charitable sans être comblés de toutes sortes de bénédictions. D'autres paraissent devant ce Dieu si pur et si saint avec une âme toute couverte de péchés ; mais ils sont rentrés en eux-mêmes, ils ont ouvert les yeux sur leur malheureux état, ils ont conçu l'horreur la plus vive de leurs dérèglements passés, et, bien résolus de changer de vie, ils viennent à Jésus-Christ pleins de confiance, se jettent aux pieds du meilleur de tous les pères, en lui faisant le sacrifice d'un cœur contrit et humilié. Avant qu'ils sortent de là, le ciel leur sera ouvert et l'enfer fermé. Mais après ces deux sortes d'adorateurs il en vient une troisième : c'est-à-dire, ces chrétiens tout couverts de l'ordure du péché et endormis dans le mal, qui ne pensent nullement à en sortir, qui cependant font comme les autres, viennent l'adorer et le prier, du moins en apparence. Je ne vous parlerai pas de ceux qui viennent avec une âme pure et agréable à leur Dieu, je n'ai qu'une chose à leur dire, c'est de persévérer. Aux deuxièmes, je leur dirai de redoubler leurs prières, leurs larmes et leurs pénitences ; mais qu'ils pensent que, d'après la promesse de Dieu même, tout pécheur qui vient à lui avec un cœur contrit et humilié est sûr de trouver son pardon . Ils sont sûrs, dit Jésus-Christ, d'avoir regagné l'amitié de leur Dieu et le droit que leur qualité d'enfants de Dieu leur donne au ciel. Je ne vais donc vous parler aujourd'hui que de ces pécheurs qui semblent vivre, mais qui sont déjà morts. Conduite étrange, M.F., sur laquelle je n'oserais dire ma pensée, si l'Esprit-Saint n'avait pas déjà dit, dès le commencement du monde et en propres termes, que la prière d'un pécheur qui ne veut pas sortir de son péché, et ne fait pas tout ce qu'il doit faire pour en sortir, est en exécration aux yeux du Seigneur . Ajoutons encore à cet endurcissement, le mépris de toutes les grâces que le ciel lui offre. Mon dessein est donc de vous montrer que 1a prière d'un pécheur qui ne veut pas sortir du péché, n'est autre chose qu'une action ridicule ; pleine de contradiction et de mensonge, si nous la considérons, soit par rapport aux dispositions du pécheur qui la fait, soit encore si nous la considérons par rapport à Jésus-Christ à qui elle s'adresse. Parlons plus clairement, en disant que la prière d'un pécheur qui reste dans le péché n'est autre chose qu'une action la plus insultante et la plus impie. Écoutez-moi bien un instant, et vous n'en serez malheureusement que trop convaincus. I. – Mon dessein, M.F., n'est pas de vous parler longuement des qualités que doit avoir une prière pour être agréable à Dieu et avantageuse à celui qui la fait ; je ne vous dirai que peu de chose de sa puissance ; je vous dirai seulement en passant que c'est un doux entretien de l'âme avec son Dieu, qui nous le fait reconnaître pour notre créateur, notre souverain bien et notre dernière fin ; c'est un commerce du ciel avec la terre : nous envoyons nos prières et nos bonnes œuvres au ciel, et le ciel nous envoie les grâces qui nous sont nécessaires pour nous sanctifier. Je vous dirai encore que c'est la prière qui élève notre âme et notre cœur jusqu'au ciel, et nous fait mépriser le monde avec tous ses plaisirs. C'est encore la prière qui fait descendre Dieu jusqu'à nous. Disons encore mieux : la prière bien faite pénètre et traverse la voûte des cieux et monte jusqu'au trône de Jésus-Christ même, désarme la justice de son Père, excite et émeut sa miséricorde, ouvre les trésors des grâces du Seigneur, les ravit et les enlève, si j'ose parler ainsi, et revient chargée de toutes sortes de bénédictions vers celui qui l'a envoyée. S'il m'était nécessaire de prouver cela, je n'aurais qu'à ouvrir les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament. Nous y verrions que jamais Dieu ne put refuser ce qu'on lui demandait par la prière faite comme il faut. Ici, je vois trente mille hommes sur lesquels Dieu a résolu de décharger le poids de sa juste colère, pour les détruire en punition de leurs crimes. Moïse seul va demander leur grâce, et se prosterne devant le Seigneur. A peine sa prière est-elle commencée, que le Seigneur, qui avait résolu leur perte, change son arrêt, leur rend son amitié, en leur promettant sa protection et toutes sortes de bénédictions, et cela à la prière d'un seul homme . Là je vois un Josué qui, trouvant que le soleil descend trop rapidement, et craignant de n'avoir pas le temps de se venger de ses ennemis, se prosterne la face contre terre en priant le Seigneur, commande au soleil de s'arrêter, et, par un miracle qui n'était jamais arrivé et qui peut-être jamais n'arrivera, le soleil, dis-je, suspend sa course pour protéger Josué et lui donner le temps de poursuivre et de détruire son ennemi . Plus loin, je vois encore Jonas que le Seigneur envoie à la grande ville de Ninive, cette ville si pécheresse, puisque le Seigneur, qui est la justice et la bonté même, avait résolu de la punir et de la détruire. Jonas en parcourant cette grande ville lui annonce, de la part de Dieu même, que sa destruction n'est éloignée que de quarante jours. A cette nouvelle triste et désolante, tous se jettent la face contre terre, tous ont recours à la prière. De suite, le Seigneur révoque son arrêt et les regarde avec bonté. Bien loin de les punir, il les aime et les comble de toutes sortes de bienfaits . Si je me tourne d'un autre côté, je vois le prophète Élie qui, pour punir les péchés de son peuple, prie Dieu de ne point donner de pluie. Pendant deux ans et demi de suite le ciel lui obéit, et la pluie ne tomba que quand le même prophète le demanda à Dieu par la prière . Si je passe de l'Ancien Testament au Nouveau, nous y voyons que la prière, bien loin de perdre sa force, ne devient même que plus puissante sous la loi de grâce. Voyez Madeleine : dès qu'elle prie en se jetant aux pieds du Sauveur, ses péchés lui sont pardonnés et sept démons sortent de son corps . Voyez saint Pierre après avoir renié son Dieu, il a recours à la prière ; de suite le Sauveur jette les yeux sur lui et lui pardonne . Voyez encore le bon larron . Si Judas, le traître Judas, au lieu de se désespérer, avait bien prié Dieu de lui pardonner son péché, le Seigneur lui aurait remis sa faute. Oui, M.F., le pouvoir de la prière bien faite est si puissant que, quand tout l'enfer, toutes les créatures du ciel et de la terre demanderaient vengeance, et que Dieu lui-même serait armé de toutes ses foudres pour écraser le pécheur, si ce pécheur se jette à ses pieds en le priant de lui faire miséricorde, avec le regret de l'avoir offensé et le désir de l'aimer, il est sûr de son pardon. C'est d'après la promesse qu'il nous a faite lui-même, en nous disant qu'il promet de nous accorder tout ce que nous demanderons à son Père en son nom . Mon Dieu, qu'il est doux et consolant pour un chrétien, d'être sûr d'obtenir tout ce qu'il demandera à Dieu par la prière ! Mais, me direz-vous peut-être, comment faut-il donc que cette prière soit faite pour qu'elle ait ce pouvoir auprès de Dieu ? – Mon ami, sans aller chercher de détour, le voici : notre prière, pour avoir cette puissance, doit être animée d'une foi vive, d'une espérance ferme et constante, qui nous porte à croire que, par les mérites de Jésus-Christ, nous sommes sûrs d'obtenir ce que nous allons demander, et encore d'une charité ardente. 1° Je dis, en premier lieu, qu'il faut que nous ayons une foi vive. – Et pourquoi me direz-vous ? – Mon ami, le voici : c'est que la foi est le fondement et la base de toutes nos bonnes œuvres, et sans cette foi, toutes nos actions, quoique bonnes en elles-mêmes, ne sont que des œuvres sans mérite. Nous devons être aussi bien pénétrés de la présence de Dieu, devant qui nous avons le bonheur d'être, qu'un malade qu'une violente fièvre a fait tomber dans le délire et qui bat la campagne : son esprit une fois fixé à quelque objet, quoiqu'il n'y ait rien de visible, est si bien persuadé qu'il voit ou touche, que bien que l'on s'efforce de lui dire le contraire, il ne veut pas le croire. Oui, M.F., ce fut cette foi violente, si j'ose dire ainsi, avec laquelle sainte Madeleine cherchait le Sauveur, ne l'ayant pas trouvé dans son tombeau. Elle était si pénétrée de l'objet qu'elle cherchait, que Jésus-Christ pour l'éprouver, ou plutôt ne pouvant plus se cacher à son amour qui l'avait entraînée, lui apparut sous la forme d'un jardinier, et lui demanda pourquoi elle pleurait et qui elle cherchait. Sans lui dire qu'elle cherche le Sauveur, elle s'écrie : « Ah ! si c'est vous qui l'avez pris, dites-moi où vous l'avez mis, afin que j'aille l'enlever.  » Sa foi était si vive, si brûlante, si j'ose le dire, que quand il aurait été dans le sein de son Père, elle l'aurait forcé à descendre sur la terre. Oui, M.F., voilà la foi dont un chrétien doit être animé, lorsqu'il a le bonheur d'être en la présence de Dieu, afin que Dieu ne puisse rien lui refuser. 2° En deuxième lieu, je dis qu'à la foi il faut joindre l'espérance, c'est-à-dire, une espérance ferme et cons tante que Dieu peut et veut nous accorder ce que nous lui demandons. En voulez-vous un modèle ? Le voici voyez la Chananéenne  ; sa prière était animée d'une foi si vive, d'une espérance si ferme que le bon Dieu pourrait lui accorder ce qu'elle demandait, qu'elle ne quitta pas de prier, de presser, ou si j'ose dire, de faire violence à Jésus-Christ. On a beau la rebuter, et même Jésus-Christ ; ne sachant plus de quelle manière s'y prendre, elle se jette à ses pieds en lui disant pour toute prière : « Seigneur, aidez-moi ! » et ces paroles prononcées avec tant de foi enchaînent la volonté de Dieu même. Le Sauveur tout étonné s'écrie : « O femme, que votre foi est grande ! allez, tout vous est accordé . » Oui, M.F., cette foi, cette espérance nous font triompher de tous les obstacles qui s'opposent à notre salut. Voyez la mère de saint Symphorien ; son fils allait au martyre : « Ah ! mon fils, courage ! encore un moment de patience, et le ciel sera ta récompense ! » Dites-moi, M.F., qui soutenait tous les saints martyrs au milieu de leurs tourments ? N'est-ce pas cette heureuse espérance ? Voyez le calme dont saint Laurent jouit sur son gril de feu. Qui pouvait le soutenir ? – C'est, me direz-vous, la, grâce. – Cela est vrai, mais cette grâce n'est-elle pas l'espérance d'une récompense éternelle ? Voyez encore saint Vincent à qui l'on arrache les entrailles avec des crochets de fer ; qui lui donna la force de souffrir des tourments si extraordinaires et si affreux ? N'est-ce pas cette heureuse espérance ? Eh bien ! M.F. ; qui doit porter un chrétien, qui se met en la présence de Dieu, à rejeter toutes ces distractions que le démon s'efforce de lui donner pendant ses prières, et à vaincre le respect humain ? N'est-ce pas la pensée qu'un Dieu le voit, que, si sa prière est bien faite, il sera récompensé d'un bonheur éternel ? 3° En troisième lieu, j'ai dit que la prière d'un chrétien doit avoir la charité, c'est-à-dire qu'il doit aimer le bon Dieu de tout son cœur et haïr le péché de toutes ses forces. – Et pourquoi, me direz-vous ? – Mon ami, le voici : c'est qu'un chrétien pécheur qui prie, doit toujours avoir le regret de ses péchés et le désir d'aimer Dieu de plus en plus. Saint Augustin nous en donne un exemple bien sensible. Dans le moment où il allait prier dans le jardin, il se croit véritablement en la présence de Dieu ; il espère que, quelque grand pécheur qu'il soit, Dieu aura pitié de lui ; il regrette sa vie passée, promet au bon Dieu de changer sa vie, et de faire, avec le secours de sa grâce, tout ce qu'il pourra pour l'aimer . En effet, comment pouvoir aimer Dieu et le péché ? Non, M.F., non, jamais cela ne sera. Un chrétien qui aime véritablement le bon Dieu, aime ce que Dieu aime, il hait ce que Dieu hait ; de là je conclus que la prière d'un pécheur qui ne veut pas quitter le péché, n'a rien de tout ce que nous venons de dire. II. – Maintenant, vous allez voir avec moi qu'en considérant la prière du pécheur par rapport à ses dispositions, ce n'est autre chose qu'un acte ridicule, plein de contradiction et de mensonge. Suivons-le un instant, ce chrétien pécheur priant, je dis un instant, parce que ordinairement, à peine ses prières sont-elles commencées qu'elles sont déjà finies ; écoutons ce pauvre aveugle et ce pauvre sourd : je dis aveugle sur les biens qu'il perd et les maux qu'il se prépare, et sourd à la voix de sa conscience qui crie, à la voix de Dieu qui l'appelle à grands cris. Entrons en matière, je suis sûr que vous désirez savoir ce que c'est que la prière d'un pécheur qui ni ne veut quitter le péché, ni n'est fâché d'avoir offensé Dieu. Écoutez : le premier mot qu'il dit en commençant sa prière est un mensonge, il entre en contradiction avec lui-même : « Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. » Mon ami, arrêtez-vous un instant. Vous dites que vous commencez votre prière au nom des trois personnes de la sainte Trinité. Mais vous avez donc oublié qu'il n'y a que huit jours, vous étiez dans une compagnie où l'on vous disait que quand on est mort tout est fini, et si cela était, il n'y avait ni Dieu, ni enfer, ni paradis. Si, mon ami, dans votre endurcissement vous le croyez, vous ne venez pas pour prier ; mais seulement pour vous amuser et vous divertir. – Ah ! me direz-vous, ceux qui tiennent ce langage sont bien rares. – Cependant il y en a parmi ceux qui m'écoutent et qui ne laissent pas de faire quelques prières de temps en temps. Et je vous montrerais encore, si je voulais, que les trois quarts de ceux qui sont ici à l'église, quoiqu'ils ne le disent pas de bouche, le disent souvent par leur conduite et leur manière de vivre ; car si un chrétien pensait véritablement à ce qu'il dit en prononçant les noms des trois personnes de la sainte Trinité, ne serait-il pas saisi de frayeur jusqu'au désespoir, en considérant en lui l'image du Père qu'il a défigurée d'une manière si affreuse, l'image du Fils qui est en son âme, traînée et roulée dans le limon du vice, et l'image du Saint-Esprit, dont son cœur est le temple et le tabernacle, et qu'il a remplie d'ordures et de saletés. Oui, M.F., ces trois mots seuls, si ce pécheur avait la connaissance de ce qu'il dit et de ce qu'il est, pourrait-il les prononcer sans mourir d'horreur de lui-même ? Écoutez ce menteur : « Mon Dieu, je crois fermement que vous êtes ici présent. » Eh quoi ! mon ami, vous croyez que vous êtes en la présence de Dieu devant qui les anges, qui sont sans tache, tremblent et n'osent lever les yeux, devant qui ils se couvrent de leurs ailes ne pouvant soutenir l'éclat de la majesté que le ciel et la terre ne peuvent contenir ! Et vous, tout couvert de crimes, vous y êtes avec un genou par terre et l'autre en l'air. Osez-vous bien ouvrir la bouche pour laisser sortir une telle abomination ! Dites donc plutôt que vous faites comme les singes, que vous faites ce que vous voyez faire aux autres, ou plutôt que c'est un moment d'amusement que vous prenez en faisant semblant de prier. Un chrétien qui se met en la présence de son Dieu, qui sent ce qu'il dit à l'auteur même de son existence, n'est-il pas saisi de frayeur en voyant, d'un côté, son indignité de paraître devant un Dieu si grand et si redoutable, et, de l'autre, son ingratitude ? Ne lui semble-t-il pas, à chaque instant, que la terre va s'ouvrir sous ses pieds pour l'engloutir ? Ne se regarde-t-il pas comme entre la vie et la mort ? Son cœur n'est-il pas dévoré de regret et plein de reconnaissance ? Je dis de regret, en pesant combien il a été malheureux d'avoir offensé un Dieu si bon, et de reconnaissance, en pensant combien il faut que Dieu soit patient et charitable de le souffrir en sa sainte présence, malgré son ingratitude et tous les outrages dont il s'est rendu coupable à tous moments. Mais, pour vous qui priez et qui ne voulez pas quitter le péché, du moins pas encore, dites-moi, quelle différence mettez-vous- entre l'église et un bal, si j'ose faire cette affreuse comparaison, puisque l'une est la demeure de Dieu, et l'autre, celle du démon  ? Si vous ne le savez pas, je vais vous l'apprendre, le voici. En allant au bal, de quoi vous occupez-vous ? C'est sans doute des personnes que vous espérez y trouver. Votre premier soin, en y entrant, est de promener vos regards pour voir si vous les apercevrez, c'est de considérer la manière dont la salle est construite, les tapisseries qui la décorent, c'est d'y saluer les personnes que vous y connaissez, de vite vous asseoir et, d'y causer : Je ne vais pas plus loin ; je ne parlerai pas de toutes les mauvaises pensées, mauvais désirs, mauvais regards laissons tout ceci de côté, et dites-moi franchement, vous, mon ami, vous qui devriez être sans cesse livré au désespoir, sachant l'état affreux où vous êtes, puisque vous, êtes chargé de péchés, n'est-ce pas la conduite que vous tenez en venant à la maison du Seigneur ? J'ai dit que lorsqu'une personne de plaisir va dans un bal ou une danse, elle ne s'occupe que de choses indifférentes, ou de ses plaisirs, et nullement du bon Dieu : lorsque vous venez à l'église, pensez-vous devant qui vous êtes, et à qui vous allez parler ? Vous conviendrez avec moi que votre conduite est précisément celle-là. J'ai dit qu'en entrant, un de leurs premiers soins est de considérer la manière dont la salle est ornée : eh bien ! n'est-ce pas ce que vous faites en arrivant dans la maison du Seigneur ! Vous regardez du haut en bas, d'un coin de l'église à l'autre . Je dis encore qu'un de leurs premiers soins est d'examiner les personnes qu'elles connaissent et de les saluer : n'est-ce pas ce que vous faites, en voyant une personne ou un ami que vous n'aviez pas vu depuis quelques jours ? Vous ne faites pas difficulté de leur parler, de les saluer en ce lieu, de leur souhaiter le bonjour en présence du bon Dieu qui est en corps et en âme sur l'autel, qui vous aime, qui ne vous appelle en sa sainte présence que pour vous pardonner et vous combler des bienfaits les plus grands. Une autre occupation de cette sorte de gens, c'est d'examiner la manière dont sont arrangées les personnes et leur beauté ; et de là naissent les mauvais regards, les mauvaises pensées, les mauvais désirs. Eh bien ! mon ami, dites-vous que cela ne vous arrive pas ? Cela n'arrive-t-il pas, même pendant la sainte Messe ? Tandis qu'un Dieu s'immole à la justice de son Père pour satisfaire à vos péchés, vous promenez vos regards pour voir comment une telle ou un tel est arrangé, et sa beauté. Cela n'est-il pas cause que vous faites naître en vous un nombre presque infini de pensées que vous ne devriez pas avoir et de mauvais désirs ? Ouvrez donc les yeux, mon ami, et vous verrez que tout ce que vous dites à Dieu n'est autre chose que mensonge et tromperie. Allons plus loin. « Mon Dieu, dites-vous, je vous adore et je vous aime de tout mon cœur. » Vous vous trompez, mon ami, il ne faut pas dire le bon Dieu, mais votre dieu : et quel est votre dieu ? Le voici : c'est cette jeune fille à qui vous avez donné votre cœur, qui vous occupe continuellement. Et vous, ma sœur, qui est votre dieu ? N'est-ce pas ce jeune homme à qui tous vos soins ont été de plaire, peut-être même dans l'église où vous ne devez venir que pour pleurer vos péchés et demander à Dieu votre conversion ? N'est-il pas vrai que, pendant que vous priez, les objets que vous aimez occupent votre esprit, et se présentent devant vous pour se faire adorer à la place de votre Dieu ? N'est-il pas vrai que tantôt c'est le dieu de la gourmandise qui se présente devant vous pour se faire adorer, en pensant à ce que vous mangerez lorsque vous serez chez vous ? Ou, une autre fois, le dieu de la vanité, en prenant plaisir sur vous-même, en vous considérant comme digne de mériter l'adoration des hommes ? Savez-vous ce que vous dites à Dieu ? Le voici : « Seigneur, dites-vous, descendez de votre trône, donnez-moi votre place. » Mon Dieu, quelle horreur, et quelle abomination ! Et, cependant, vous dites cela toutes les fois que vous désirez plaire à quelqu'un. Une autre fois, c'est le dieu de l'avarice, de la vanité, de l'orgueil, ou même de l'impudicité qui sont venus devant vous pour se faire adorer et aimer à la place du vrai Dieu. Voulez-vous que je vous le montre d'une manière plus claire ? Écoutez-moi. Pendant la sainte Messe, ou pendant vos prières, il vous vient une pensée de haine ou de vengeance ; si vous aimez mieux le bon Dieu que ces objets-là, vous les chasserez promptement ; mais, si vous ne les chassez pas, vous montrez que vous les préférez à Dieu et que vous les mettez à la place de Dieu même pour leur donner votre cœur. C'est comme si vous disiez à Dieu, quand ces pensées vous viennent : « Mon Dieu, sortez de ma présence, et laissez-moi mettre à votre place ce démon-là pour lui donner les affections de mon cœur ». Vous conviendrez donc avec moi, M.F., que ce n'est presque jamais le bon Dieu que vous adorez dans vos prières, mais chacun de ces penchants, c'est-à-dire, ces passions et rien autre. – Cela, me direz-vous, est un peu fort. – Cela est un peu fort, mon ami ? Eh bien ! je vais vous montrer que c'est la vérité, dans tout son jour. Dites-moi, mon frère, ou vous, ma sœur, quand vous vous confessez, votre confesseur ne vous dit-il pas : « Si vous quittez ces désirs, ces pensées, ou si vous cessez ces mauvaises habitudes, ces cabarets, je vous donnerai votre Dieu, vous aurez le bonheur de le recevoir aujourd'hui dans votre cœur ? » – « Non, mon père, lui dites-vous, pas encore ; je ne me sens pas le courage de faire ce sacrifice, c'est-à-dire de quitter ces danses, ces jeux, ces mauvaises compagnies. » – N'est-ce pas que vous préférez que le démon règne dans votre âme à la place du bon Dieu ? Le confesseur dira à ce vindicatif : « Mon ami, si vous ne pardonnez pas à cette personne qui vous a outragé, vous ne pouvez pas avoir le bonheur de posséder le Dieu des chrétiens. » – « Non, mon père, lui dites-vous, je préfère ne pas recevoir le bon Dieu. » – « Mon ami, dira encore le confesseur à un avare, si vous ne rendez pas ce bien qui ne vous appartient pas, vous êtes indigne de recevoir votre Dieu. » – « Mon père, j e n'ai pas l'intention de le rendre si tôt ; » et ainsi de tous les autres péchés. Cela est si vrai que, si ce que nous aimons paraissait visiblement, chacun aurait devant soi une branche des sept péchés capitaux, et Dieu serait pour les anges seuls. Mais allons plus loin, et nous verrons, et nous entendrons ce charlatan et ce chrétien menteur. Et d'abord voyons sa foi. Nous disons que c'est la foi qui nous découvre la grandeur de la majesté de Dieu devant lequel nous avons le bonheur d'être ; c'est cette foi, jointe à l'espérance, qui soutenait les martyrs au milieu des tourments les plus affreux. Dites-moi, ce pécheur peut-il avoir la pensée, peut-il croire, en commençant sa prière, qu'elle sera récompensée ? Quoi ! une prière remplie de toutes sortes de choses excepté de Dieu seul ; une prière faite en s'habillant ou en travaillant, le cœur occupé de son travail, peut-être même de haine et de vengeance, que sais-je, de mauvaises pensées ! Une prière faite en criant et jurant après vos enfants ou vos domestiques ! Si cela était, ne serait-on pas forcé d'avouer que Dieu récompense le mal ? 2? Je dis que le pécheur n'a point d'espérance en faisant sa prière, sinon qu'elle sera bientôt finie : voilà à quoi se borne toute son espérance. – Mais, me direz=vous, ce pécheur, tout pécheur qu'il est, espère bien quelque chose ? – Eh bien ! moi, je crois qu'un pécheur ne croit rien et n'espère rien, car s'il croyait qu'il y a un jugement, et par conséquent un Dieu qui doit lui demander compte de toutes les minutes et les demi-minutes de sa vie, et que ce compte se fera dans le moment qu'il n'y pensera pas ; s'il croyait qu'un seul péché mortel va le faire juger digne d'une éternité de malheur ; s'il pensait bien qu'il n'y a pas une prière de sa vie, pas un désir, pas une action, pas un mouvement de son cœur qui ne soit écrit dans le livre de ce souverain juge ; s'il voyait sa conscience chargée des crimes, peut-être les plus affreux ; et que, peut-être en lui seul, il renferme autant de péchés qu'il en faudrait pour condamner au feu dévorant toute une ville de cent mille âmes, pourrait-il bien rester dans cet état ? Non, sans doute, s'il croyait véritablement qu'après ce jugement il y a pour les pécheurs un enfer éternel, dont un seul péché mortel sera cause, s'il meurt dans cet état ; que la colère de Dieu l'écrasera pendant toute l'éternité, et que les pécheurs y tombent par milliers continuellement ; ne prendrait-il pas d'autres précautions qu'il ne prend pour éviter ce malheur ? S'il croyait véritablement qu'il y a un ciel, c'est-à-dire un bonheur éternel pour tous ceux qui auront pratiqué fidèlement ce que la religion leur commande, pourrait-il se comporter comme il le fait ? Non, sans doute. Si, dans le moment où il est prêt à pécher, il croyait que Dieu le voit, qu'il perd le ciel et s'attire toutes sortes de maux pour cette vie et pour l'autre, aurait-il le courage de faire ce que le démon lui inspire ? Non, mon ami, non, cela lui serait impossible. De là je conclus qu'un chrétien qui a péché et qui reste dans son péché a entièrement perdu la foi ; c'est un pauvre homme à qui les démons ont tiré les yeux, qui est suspendu par une petite corde sur l'abîme le plus affreux ; ils l'empêchent, autant qu'ils peuvent, de voir les horreurs qui lui sont préparées. Disons mieux, ses plaies sont si profondes et son mal si invétéré, qu'il ne sent plus son état ; c'est un prisonnier, condamné à perdre la vie sur l'échafaud, qui se divertit en attendant le moment de l'exécution ; on a beau lui dire que sa sentence est prononcée, que dans peu de temps il ne sera plus de ce monde ; à le voir, et, à la manière dont il se conduit, vous diriez qu'on lui annonce qu'on vient de lui faire sa fortune. Ô mon Dieu, que l'état d'un pécheur est donc malheureux ! Pour l'espérance d'un pécheur, il ne faut pas en parler, car, l'espérance d'un animal et la sienne sont la même chose ; examinez la conduite de l'un et la conduite de l'autre, il n'y a point de différence. Une bête fait consister tout son bonheur dans le boire et le manger et les plaisirs de la chair, et vous n'en trouvez pas d'autres chez un pécheur qui vit dans le péché. – Mais me direz-vous, il va bien à la messe, il fait bien encore quelques prières. – Et pourquoi cela ? Ce n'est ni le désir de plaire à Dieu et de sauver son âme qui le porte à cette action, c'est l'habitude et la routine qu'il a contractées dès sa jeunesse. Si les dimanches ne venaient que tous les ans ou tous les dix ans, il n'y viendrait que tous les ans et encore moins ; il le fait parce que les autres le font. Vous voyez bien à la manière dont il se comporte dans tout cela que ce n'est pas autre chose ; ou, pour mieux vous faire connaître ce qu'est l'espérance d'un chrétien pécheur, je vous dis qu'il n'a pas d'autre espérance que celle d'une bête de somme ; car nous sommes parfaitement convaincus qu'un animal n'espère que ce dont il peut jouir sur la terre. Un pécheur endurci qui ni ne pense à quitter le plaisir, ni ne veut sortir du péché, n'a autre chose à espérer, puisqu'il dit et pense, ou du moins il fait ce qu'il peut pour se persuader que tout est fini après la mort. C'est en vain, mon Dieu, que vous seriez mort pour ces pécheurs ! Ah ! mon ami, en croyant avoir de l'esprit, tu t'avilis bien bas, puisque tu te mets au rang des bêtes et des plus vils animaux. 3? Nous avons dit aussi que la prière d'un bon chrétien doit être animée de la charité, c'est-à-dire de l'amour de Dieu qui le porte à aimer Dieu de tout son cœur, et à haïr et détester souverainement le péché comme le plus grand de tous les maux, avec un désir sincère de ne plus le commettre, et de le combattre et l'écraser partout où nous le trouverons. Vous voyez encore que cela ne se trouve pas dans les prières d'un pécheur qui n'est pas fâché d'avoir offensé le bon Dieu, puisqu'il le tient cloué sur la croix de son cœur, et cela autant de temps que le péché y règne. Voulez-vous encore écouter un instant ce menteur, voyez et entendez-le poursuivre son acte de contrition. Si vous avez vu quelquefois jouer une pièce de comédie ou de théâtre, vous savez que tout ce qu'ils font n'est que fausseté et mensonge. Eh bien ! prêtez un moment vos oreilles à la prière de ce pécheur, et vous verrez qu'il ne fait et ne dit autre chose ; vous verrez que tout ce qu'il fait n'est que mensonge et fausseté. Il vous serait impossible de lui entendre dire son acte de contrition sans vous sentir saisi de compassion : « Mon Dieu, commence-t-il, qui voyez mes péchés, voyez aussi la douleur de mon cœur. » Ô mon Dieu, peut-on bien prononcer une telle abomination ! Oui, sans doute, pauvre aveugle, il voit bien tes péchés, il ne les voit que trop, malheureusement. Mais ta douleur, où est-elle ? Dites donc plutôt : « Mon Dieu, qui voyez mes péchés, voyez aussi la douleur des saints solitaires dans les bois, où ils passent les nuits à pleurer leurs péchés. » Mais, pour vous, je vois bien que vous n'en avez point. Bien loin d'avoir la douleur de vos péchés, vous ne voudriez pas en avoir, puisque vous restez dans ces péchés, sans vouloir les quitter. « Mon Dieu, continue ce menteur, j'ai un extrême regret de vous avoir offensé. » Mais est-il bien possible de prononcer de telles impiétés et de tels blasphèmes ! Si vous en étiez bien extrêmement fâché, pourriez-vous rester un mois, deux, trois, peut-être dix ou vingt ans avec le péché dans votre cœur ? Encore une fois, si vous étiez fâché d'avoir offensé Dieu, serait-il nécessaire que le ministre du Seigneur soit continuellement occupé à dépeindre le châtiment que Dieu réserve au péché, pour vous en donner de l'horreur ? Serait-il nécessaire de vous traîner, pour ainsi dire, aux pieds de votre Sauveur pour vous faire quitter le péché ? « Pardonnez-moi, mon Dieu, dit-il, parce que vous êtes infiniment bon et infiniment aimable et que le péché vous déplaît. » Tais-toi, mon ami, tu ne sais ce que tu dis. Certainement il est bon ; s'il n'avait écouté que sa justice, il y a bien longtemps que tu brûlerais dans les enfers. « Mon Dieu, dit-il, pardonnez mes péchés par les mérites de la mort et passion de Jésus-Christ votre cher Fils. Hélas ! mon ami, toutes les souffrances que Jésus-Christ a eu la charité d'endurer pour toi, ne seront pas capables de toucher ton cœur, il est trop endurci. « Donnez-moi, dit-il, la grâce d'accomplir la résolution que je prends maintenant de faire pénitence et de ne vous offenser jamais. » Mais, mon ami, peux-tu bien raisonner de cette manière ? Où est donc cette résolution que tu as prise de ne plus offenser le bon Dieu ? Puisque tu aimes le péché et que, bien loin de vouloir en sortir, tu cherches le lieu et les personnes qui peuvent t'y porter ; dis plutôt, mon ami, que tu serais bien fâché, si le bon Dieu t'accordait la grâce de ne jamais plus l'offenser ; puisque tu te plais tant à te rouler dans les ordures de tes vices. Je crois, mon ami, qu'il serait beaucoup mieux pour toi de ne rien dire que de parler de cette manière. Mais allons plus loin. Nous lisons dans l'Évangile que les soldats ayant mené Jésus-Christ dans le prétoire, et s'étant tous assemblés autour de lui, ils le dépouillèrent de ses habits, jetèrent sur ses épaules un manteau d'écarlate, le couronnèrent d'épines, le frappèrent à la tête avec un roseau, lui donnèrent des soufflets, lui crachèrent au visage, et après tout cela, pliant un genou devant lui, ils l'adoraient. Peut-on trouver un outrage plus affreux ? Eh bien ! cela vous étonne ? voilà véritablement la conduite d'un chrétien qui est dans le péché et qui, ni ne pense à en sortir, ni ne le veut ; et je dis de plus, que à lui seul il fait tout ce que les Juifs firent tous ensemble, puisque saint Paul nous dit qu'à chaque péché que nous commettons, nous faisons mourir le Sauveur du monde  ; c'est-à-dire que nous faisons tout ce qu'il faudrait pour le faire mourir ; s'il était encore capable de mourir une seconde fois. Tant que le péché règne dans notre cœur, nous tenons, comme les Juifs, Jésus-Christ cloué sur la croix ; avec eux, nous venons l'insulter en ployant le genou devant lui, en faisant semblant de le prier. Mais, me direz-vous, ce n'est pas là mon intention, lorsque je fais ma prière ; Dieu me garde de jamais faire ces horreurs ! – Belle excuse, mon ami ! Celui qui commet le péché, n'a pas l'intention de perdre la grâce ; cependant il ne laisse pas que de la perdre ; en est-il moins coupable ? Non, sans doute, parce qu'il sait bien qu'il ne peut pas faire telle action ou dire telle chose sans se rendre coupable d'un péché mortel. Si vous en venez là, l'intention de tous les damnés qui maintenant brûlent, n'était certainement pas de se damner ; pour cela sont-ils moins coupables ? Non, sans doute, parce qu'ils savaient qu'ils se damneraient en vivant comme ils ont vécu. Un pécheur qui prie avec le péché dans son cœur n'a pas l'intention de se moquer de Jésus-Christ, ni de l'insulter ; il n'en est pas moins vrai qu'il se moque de lui, parce qu'il sait bien que l'on se moque de Dieu quand on lui dit : Mon Dieu, je vous aime, tandis qu'on aime le péché, ou : Je m'en confesserai au plus tôt. Écoutez ce dernier mensonge ! il ne pense pas même à se confesser ni à se convertir. Mais, dites-moi, quelle est votre intention, quand vous venez à l'église, ou que vous faites ce que vous appelez votre prière ? – C'est, me direz-vous peut-être, si vous osez toutefois le dire, de faire un acte de religion, de rendre à Dieu l'honneur et la gloire qui lui appartiennent. – Ô horreur ! ô aveuglement ! ô impiété ! vouloir honorer Dieu par des mensonges, c'est-à-dire vouloir l'honorer par ce qui l'outrage ! Ô abomination ! avoir Jésus-Christ à la bouche et le tenir crucifié dans son cœur, joindre ce qu'il y a de plus saint avec ce qu'il y a de plus détestable, qui est le service du démon ! oh ! quelle horreur ! offrir à Dieu une âme que l'on a déjà mille fois prostituée au démon ! Ô mon Dieu, que le pécheur est aveugle, et d'autant plus aveugle qu'il ne se connaît pas, et même ne cherche pas à se connaître ! N'avais-je pas bien raison, en commençant, de vous dire que la prière d'un pécheur n'est autre chose qu'un tissu de mensonges et de contradictions ? Cela est si vrai, que le Saint-Esprit nous dit lui-même que la prière d'un pécheur qui ne veut pas sortir du péché est en exécration aux yeux du Seigneur . – Cet état, direz-vous avec moi, est bien affreux et bien digne de compassion. – Eh bien ! voyez combien le péché vous aveugle ! cependant je le dis sans crainte d'exagérer, au moins la moitié de ceux qui sont ici, qui m'écoutent dans cette église, sont de ce nombre. N'est-ce pas que cela ne vous touche pas, ou plutôt que cela vous ennuie, que le temps vous dure ? Voilà, mon ami, l'abîme malheureux où le péché conduit un pécheur. D'abord, vous savez qu'il y a six mois, un an ou plus, que vous êtes dans le péché, n'est-ce pas que vous êtes tranquille ? – Eh oui, me direz-vous. – Cela n'est pas difficile à croire, parce que le péché vous a tiré les yeux ; vous n'y voyez plus rien, et il a endurci votre cœur afin que vous ne sentiez plus rien, et je suis comme sûr que tout ce que je vous ai dit ne vous fera faire aucune réflexion. Ô mon Dieu, dans quel abîme conduit le péché ! Mais, me direz-vous, il ne faut plus prier, puisque nos prières ne sont que des insultes que nous faisons à Dieu ? – Ce n'est pas ce que j'ai voulu vous dire en vous disant que vos prières n'étaient que des mensonges. Mais, au lieu de dire : Mon Dieu, je vous aime, dites : Mon Dieu, je ne vous aime pas, mais faites-moi la grâce de bien vous aimer. Au lieu de lui dire : Mon Dieu, j'ai un extrême regret de vous avoir offensé, dites-lui : Mon Dieu, je ne ressens aucun regret de mes péchés, donnez-moi toute la douleur que je dois en avoir. Bien loin de dire : Je veux me confesser de mes péchés, dites-lui plutôt : Mon Dieu, je me sens attaché à mes péchés, il me semble que je ne voudrais jamais les quitter ; donnez-moi cette horreur que je dois en ressentir, afin que je les abhorre, les déteste et les confesse, afin de ne jamais les reprendre. Ô mon Dieu, donnez-nous, s'il vous plaît, cette horreur éternelle du péché, puisqu'il est votre ennemi, et que c'est lui qui vous a fait mourir, qu'il nous arrache votre amitié, qu'il nous sépare de vous ! Ah ! faites, divin Sauveur, que toutes les fois que nous viendrons vous prier, nous le fassions avec un cœur détaché du péché, un cœur qui vous aime, et qui, dans ce qu'il vous dira, ne dise que la vérité ! C'est la grâce, M.F., que je vous souhaite.

 

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