" Divino afflante
Spiritu "
de Sa Sainteté
le Pape PIE XII
sur les études
bibliques.
A nos Vénérables
Frères les Patriarches, Primats, Archevêques, Évêques
et autres Ordinaires en paix et communion avec le Siège apostolique,
ainsi qu'à tout le clergé et aux fidèles de l'univers
catholique
Pie XII, Pape
VÉNÉRABLES
FRÈRES ET CHERS FILS, SALUT ET BÉNÉDICTION APOSTOLIQUE.
1. - Sous l'inspiration
de l'Esprit-Saint, les écrivains sacrés ont composé
les livres que Dieu dans sa paternelle bonté a voulu donner au genre
humain " pour enseigner, convaincre, corriger, former à la justice,
en vue de rendre l'homme de Dieu parfait, apte à toute bonne œuvre
" (II Tim. III, l6 sq.). Ce trésor, qui lui est venu du ciel, l'Église
le tient comme la source la plus précieuse et une règle divine
de la doctrine de la foi et des mœurs. Il n'est donc pas étonnant
qu'elle l'ait gardé avec le plus grand soin tel qu'elle l'a reçu
intact des mains des apôtres ; qu'elle l'ait défendu contre
toute interprétation fausse et perverse ; qu'elle l'ait employé
avec zèle dans sa tâche de procurer aux âmes le salut
éternel, comme d'innombrables documents de toute époque l'attestent
clairement.
2. - Mais parce
que, dans les temps modernes, la divine origine des Saintes Écritures
et leur interprétation correcte ont été particulièrement
mises en question, l'Église s'est appliquée à les
défendre et à les protéger avec encore plus d'ardeur
et de soin. Aussi le saint Concile de Trente, dans un décret solennel,
a-t-il déjà déclaré, au sujet de la Bible,
qu'on devait en reconnaître " comme sacrés et canoniques les
livres entiers, avec toutes leurs parties, tels qu'on a coutume de les
lire dans l'Église catholique et tels qu'ils sont contenus dans
l'ancienne édition de la Vulgate latine " (Sessio IV décret.
I ; Ench. Bibl. n. 45).
3. - Puis,
de notre temps, le Concile du Vatican, voulant réprouver de fausses
doctrines sur l'inspiration, a déclaré que l'Église
tient les Livres Saints pour sacrés et canoniques, " non parce que,
œuvre de la seule industrie humaine, ils auraient été approuvés
ensuite par son autorité, ni pour cette seule raison qu'ils contiendraient
la vérité sans erreur, mais parce que, écrits sous
l'inspiration du Saint-Esprit, ils ont Dieu pour auteur et ont été
transmis comme tels à l'Église " (Sessio III cap. II, Ench.
Bibl. n. 62).
4. - Plus récemment
cependant, en dépit de cette solennelle définition de la
doctrine catholique, qui revendique pour ces " livres entiers, avec toutes
leurs parties ", une autorité divine les préservant de toute
erreur, quelques écrivains catholiques n'ont pas craint de restreindre
la vérité de l'Écriture Sainte aux seules matières
de la foi et des mœurs, regardant le reste, au domaine de la physique ou
de l'histoire, comme " choses dites en passant " et n'ayant - ainsi qu'ils
le prétendirent - aucune connexion avec la foi. Mais Notre Prédécesseur
Léon XIII, d'immortelle mémoire, dans son Encyclique Providentissimus
Deus du 18 novembre 1893, a confondu à bon droit ces erreurs et
réglé l'étude des Livres Divins par des instructions
et des directives très sages.
5. - Puisqu'il
convient de célébrer le cinquantième anniversaire
de la publication de cette Encyclique, considérée comme la
loi fondamentale des études bibliques, après avoir affirmé
dès le commencement de Notre Pontificat Notre intérêt
pour les sciences sacrées (Sermo ad alumnos Seminariorum... in Urbe
[24 juin 1939] ; Acta Ap. Sedis, XXXI [1939], p. 245-251), Nous avons jugé
très opportun, d'une part, de rappeler et de confirmer ce que Notre
Prédécesseur a établi dans sa sagesse et ce que ses
Successeurs ont ajouté pour affermir et parfaire son œuvre ; d'autre
part, d'indiquer ce que les temps présents semblent postuler, afin
de stimuler de plus en plus à une entreprise aussi nécessaire
et aussi louable tous les fils de l'Église qui s'adonnent à
ces études.
6. - Le premier
et principal soin de Léon XIII fut d'exposer la doctrine de la vérité
des Livres Saints et de la venger des attaques lancées contre elle.
Il proclama donc avec insistance qu'il n'y a absolument aucune erreur quand
l'hagiographe, traitant des choses de la nature, " a suivi ce qui apparaît
aux sens ", comme dit le Docteur angélique (cf. Ia, q. LXX, art.
1 ad 3), parlant " ou par une sorte de métaphore, ou comme le comportait
le langage usité à cette époque ; il en est encore
ainsi aujourd'hui, sur beaucoup de points, dans la vie quotidienne, même
parmi les hommes les plus savants ". En effet, " les écrivains sacrés
ou, plus véritablement - ce sont les paroles mêmes de saint
Augustin (De Gen. ad litt. II, IX, 20 ; P. L., XXXIV, col. 270 s. ; C.
S. E. L. XXVIII [Sectio III, pars II], p. 46), - l'Esprit de Dieu, qui
parlait par leur bouche, n'a pas voulu enseigner aux hommes ces vérités
concernant la constitution intime des objets visibles, parce qu'elles ne
devaient leur servir de rien pour leur salut " (LEONIS XIII Acta, XIII,
p. 355 ; Ench. Bibl. n. 106) ; principe qu'il " sera permis d'appliquer
aux sciences du même genre et notamment à l'histoire ", en
réfutant " de la même manière les objections fallacieuses
des adversaires " et en défendant " la vérité historique
de l'Écriture Sainte contre leurs attaques " (cf. BENOÎT XV,
Encyclique Spiritus Paraclitus, Acta Ap. Sedis, XII [1920], p. 396 ; Ench.
Bibl. n. 471).
Il ne faut
pas, en outre, imputer une erreur à l'auteur sacré " là
où des copistes, en exécutant leur travail, ont laissé
échapper quelque inexactitude ", ou " lorsque le sens véritable
de quelque passage demeure douteux ". Enfin, il serait absolument funeste
" soit de limiter l'inspiration à quelques parties seulement de
la Sainte Écriture, soit d'accorder que l'écrivain sacré
lui-même s'est trompé ", puisque l'inspiration divine " non
seulement par elle-même exclut toute erreur, mais encore l'exclut
et y répugne aussi nécessairement que nécessairement
Dieu, souveraine vérité, ne peut être l'auteur d'aucune
erreur. Telle est la foi antique et constante de l'Église " (LEONIS
XIII Acta, XIII, p. 357 sq. ; Ench. Bibl. n. 109 sq.).
7. - Cette
doctrine, que Notre Prédécesseur Léon XIII a exposée
avec tant de force, Nous la proposons aussi avec Notre autorité
et Nous insistons pour qu'elle soit religieusement tenue par tous. Nous
statuons aussi qu'on doit se conformer, aujourd'hui encore, avec la même
application aux conseils et aux encouragements qu'il a donnés, pour
son temps, avec une si grande sagesse. En effet, comme de nouvelles et
graves difficultés et problèmes avaient surgi, soit en raison
des préjugés du rationalisme, qui s'était insinué
partout, soit surtout à la suite des fouilles et des explorations
de monuments très anciens, effectuées en maintes régions
de l'Orient, afin de rendre plus sûrement et plus abondamment accessible,
pour l'utilité du troupeau du Seigneur, cette source insigne de
la révélation catholique, et aussi afin de ne pas la laisser
violer en aucun point, Notre Prédécesseur, poussé
par la sollicitude de la charge apostolique, souhaita et voulut " que plusieurs
entreprennent, comme il convient, la défense des Saintes Lettres
et s'y attachent avec constance ; et que, surtout, ceux qui ont été
appelés par la grâce de Dieu dans les Ordres sacrés
mettent de jour en jour un plus grand soin et un plus grand zèle
à lire, à méditer et à expliquer les Écritures,
rien n'étant plus conforme à leur état " (cf. LEONIS
XIII Acta, XIII, p. 328 ; Ench. Bibl. n. 67 sq.).
8.- C'est pourquoi
le même Pontife loua et approuva l'École pour les études
bibliques, fondée à Jérusalem, au couvent de Saint-Étienne,
par les soins du Maître général de l'Ordre sacré
des Prêcheurs ; École grâce à laquelle, disait-il,
" la science biblique a reçu des avantages sérieux et dont
elle en attend de plus grands encore " (Lettre apost. Hierosolymae in coenobio,
17 septembre 1892. LEONIS XIII Acta, XII, p. 239-241, v. p. 240). Puis,
dans la dernière année de sa vie, il trouva un nouveau moyen
pour rendre chaque jour plus parfaites ces études tant recommandées
par son Encyclique Providentissimus Deus et pour les faire progresser le
plus sûrement possible. En effet, par la Lettre apostolique Vigilantiae
du 30 octobre 1902, il institua un Conseil ou Commission, composé
d'hommes compétents, " dont la fonction devait être de diriger
tous leurs soins et tous leurs efforts à ce que les divines Écritures
trouvent partout, chez nos exégètes, cette interprétation
plus critique que notre temps réclame, et qu'elles soient préservées
non seulement de tout souffle d'erreur, mais encore de toute témérité
d'opinions " (cf. LEONIS XIII Acta, XXII, p. 232 sq. ; Ench. Bibl. n. 130-141
; v. n. 130, 132). Ce Conseil, Nous l'avons, Nous aussi, confirmé
et accru, suivant l'exemple de Nos Prédécesseurs, usant de
son ministère, comme il avait été fait plusieurs fois
auparavant, pour rappeler aux interprètes des Livres Sacrés
les saintes lois de l'exégèse catholique, que les saints
Pères, les Docteurs de l'Église et les Souverains Pontifes
eux-mêmes ont transmises. (Lettre de la Commission pontificale des
études bibliques aux archevêques et évêques d'Italie,
20 août 1941 ; Acta Ap. Sedis, XXXIII [1941], p. 465-472.)
9. - Ici il
ne semble pas hors de propos de rappeler avec reconnaissance les contributions
de Nos Prédécesseurs au même but, du moins les plus
importantes et les plus utiles ; contributions que nous dirions volontiers
les compléments ou les fruits de l'heureuse initiative de Léon
XIII.
Tout d'abord
Pie X, " voulant procurer un moyen certain de préparer en abondance
des maîtres recommandables par la profondeur et l'intégrité
de leur doctrine, qui se consacreraient dans les écoles catholiques
à l'interprétation des Livres Saints..., institua les grades
académiques de licencié et de docteur dans la science de
l'Écriture Sainte... à conférer par la Commission
biblique " (Lettre apost. Scripturae Sanctae, 23 février 1904 ;
PII X Acta, 1, p. 176-179 ; Ench. Bibl. n. 142-150 ; v. n. 143-144). Il
porta ensuite une loi " sur les règles qui doivent présider
à l'enseignement de l'Écriture Sainte dans les Grands Séminaires
", visant à ce que les séminaristes " non seulement eussent
une pleine notion et compréhension de la portée, de la valeur
et de la doctrine des Livres Saints, mais encore pussent, avec une science
saine, se livrer au ministère de la parole sacrée et défendre...
contre les attaques les livres écrits sous l'inspiration divine
" (cf. Lettre apost. Quoniam in re biblica, 27 mars 1906 ; PII X Acta,
III, p. 72-76 ; Ench. Bibl. n. 155-173 ; v. n. 155). Enfin Pie X voulut
" qu'il y eut dans la ville de Rome un centre de hautes études relatives
aux Livres Saints, afin de développer le plus efficacement possible,
selon l'esprit de l'Église catholique, la science biblique et toutes
les études annexes ", Il fonda donc l'Institut Biblique Pontifical,
à confier aux soins de l'illustre Compagnie de Jésus ; il
statua qu'il serait " pourvu de cours supérieurs et de toutes les
ressources de l'érudition biblique " et lui donna lui-même
des lois et un règlement, affirmant qu'il voulait réaliser
en cela " le projet salutaire et fécond " de Léon XIII. (Lettre
apost. Vinea electa, 7 mai 1909 ; Acta Ap. Sedis, I [1909], p. 447-449
; Ench. Bibl. n. 293-306 ; v. n. 296 et 294.)
10. - Tout
cela enfin fut achevé par Notre dernier Prédécesseur,
Pie XI, d'heureuse mémoire, quand il décréta, entre
autres, que nul ne serait admis " à professer l'enseignement des
Saintes Écritures dans les Séminaires s'il n'avait pas obtenu
légitimement, après avoir suivi des cours spéciaux
de science scripturaire, les grades académiques devant la Commission
ou l'Institut Biblique ". A ces grades il voulut que fussent reconnus les
mêmes droits et les mêmes effets qu'aux grades dûment
conférés en théologie et en droit canonique ; il établit
en outre qu'à personne ne devrait être conféré
" un bénéfice comportant canoniquement la charge d'expliquer
au peuple la Sainte Écriture s'il ne possédait, en plus des
autres qualités, la licence ou le doctorat en science biblique ".
11. - Il invitait
en même temps les Supérieurs généraux des Ordres
religieux et des Congrégations religieuses, ainsi que les évêques
du monde catholique, à envoyer les plus aptes parmi leurs sujets
fréquenter les cours de l'Institut Biblique et y conquérir
les grades académiques. De plus, il confirmait ses exhortations
par l'exemple, en constituant généreusement, à cet
effet, des revenus annuels. (Cf. Motu proprio Bibliorum scientiam. 27 avril
1924 ; Acta Ap. Sedis, XVI [1924], p. 180-182 ; Ench. Bibl. n. 518-525.)
12. - Enfin,
après que Pie X eut favorisé et approuvé en 1907 "
la tâche confiée aux religieux Bénédictins de
préparer, par leurs investigations et leurs études, les éléments
nécessaires à une nouvelle édition de la traduction
latine des Écritures, connue sous le nom de Vulgate " (Lettre au
Rev.me D. Aidan Gasquet, 3 déc. 1907 ; PII X Acta, IV, p. 117-119
; Ench. Bibl. n. 285 sq.), Pie XI, voulant établir sur des bases
plus solides et plus sûres cette " entreprise laborieuse et ardue
" qui exige beaucoup de temps et de grandes dépenses, et dont la
très grande utilité était manifestée par les
excellents volumes déjà parus, éleva depuis ses fondements
le monastère romain de Saint-Jérôme et le dota largement
d'une bibliothèque et de tous les autres moyens de travail. (Const.
Apost. Inter praecipuas, 15 juin 1933 ; Acta Ap. Sedis, XXVI [1934], p.
85-87.)
13. - Nous
ne pouvons pas non plus passer sous silence le soin avec lequel Nos Prédécesseurs,
quand l'occasion s'en présentait, ont recommandé l'étude
ou la prédication des Saintes Écritures, comme aussi leur
pieuse lecture et leur méditation. Pie X, en effet, approuva chaleureusement
la Société de Saint-Jérôme, qui s'applique à
recommander aux fidèles la si louable coutume de lire et de méditer
les saints Évangiles et à rendre, par tous les moyens, cette
pratique plus facile. Il l'exhorta à persévérer avec
ardeur dans cette entreprise en déclarant que " c'était là
chose utile entre toutes, qui répondait très bien aux besoins
du temps ", puisque cela ne contribue pas peu à " dissiper ce préjugé
selon lequel l'Église voit de mauvais œil et entrave la lecture
de l'Écriture Sainte en langue vulgaire " (Lettre à l'Eme
card. Casseta, Qui piam, 21 janv. 1907 ; PII X Acta, IV, p. 23-25).
14. - A l'occasion
du XVe centenaire de la mort de saint Jérôme, le plus grand
des Docteurs dans l'interprétation des Saintes Lettres, Benoît
XV, après avoir très religieusement rappelé les instructions
et les exemples du saint Docteur, ainsi que les principes et les règles
donnés par Léon XIII et par lui-même, et après
d'autres recommandations des plus opportunes dans cette matière,
qui ne doivent jamais être oubliées, exhorta " tous les enfants
de l'Église, et principalement les clercs, au respect en même
temps qu'à la lecture pieuse et à la méditation assidue
de la Sainte Écriture " ; il les engagea à " chercher dans
ces pages la nourriture qui alimente la vie spirituelle et la fait avancer
dans la voie de la perfection ", rappelant que " l'Écriture sert
principalement à sanctifier et féconder le ministère
de la parole divine ". Enfin, Benoît XV loua de nouveau l'œuvre de
la Société établie sous le nom de Saint-Jérôme,
par le soin de laquelle les Évangiles et les Actes des Apôtres
sont répandus aussi largement que possible, " de manière
que ces livres aient désormais leur place dans chaque famille chrétienne
et que chacun prenne l'habitude de les lire et méditer chaque jour
" (Encyclique Spiritus Paraclitus, 15 sept. 1920 ; Acta Ap. Sedis, XII
[1920], p. 385-422 ; Ench. Bibl. n. 457-508 ; v. n. 457, 495, 497, 491).
15. - Mais
ce n'est pas seulement grâce à ces entreprises, à ces
préceptes, à ces encouragements de Nos Prédécesseurs,
que la science des Saintes Écritures et leur usage ont notablement
progressé parmi les catholiques, c'est aussi, il est juste et agréable
de le reconnaître, grâce aux efforts et aux travaux de tous
ceux qui les secondèrent par leur zèle, en méditant,
en étudiant, en écrivant, comme aussi en enseignant et en
prêchant, en traduisant ou en propageant les Livres Saints. Déjà,
en effet, de très nombreux professeurs d'Écriture Sainte
sont sortis des écoles de haut enseignement théologique et
biblique, principalement de Notre Institut Biblique et il en sort chaque
jour qui, animés d'un zèle ardent pour les Livres Saints,
s'emploient à pénétrer le jeune clergé du même
zèle généreux et se dévouent à lui communiquer
la doctrine qu'ils ont reçue eux-mêmes. Nombre d'entre eux
aussi, par leurs écrits, ont fait avancer et font avancer en différentes
manières la science biblique, soit en publiant les textes sacrés
selon la méthode critique, soit en les expliquant, en les illustrant,
en les traduisant en langue vulgaire, soit en les proposant à la
pieuse lecture et à la méditation des fidèles, soit
enfin en cultivant et s'assimilant les sciences profanes utiles à
l'interprétation de l'Écriture.
16. - Ces travaux
et d'autres initiatives encore qui, de jour en jour, se répandent
plus largement et s'affermissent, comme, par exemple, les Sociétés,
Congrès et Semaines bibliques, les bibliothèques et les Associations
pour la méditation de l'Évangile, Nous font concevoir une
ferme espérance que le respect, l'usage, la science des Saintes
Lettres se développeront de plus en plus pour le bien des âmes.
Il en sera ainsi, pourvu que tous observent avec une fermeté, une
ardeur et une confiance toujours plus grandes la méthode des études
bibliques prescrite par Léon XIII, développée et perfectionnée
par ses Successeurs, confirmée et enrichie par Nous, seule méthode
sûre et pleinement approuvée par l'expérience, sans
se laisser décourager par les difficultés qui, ainsi qu'il
arrive toujours dans la vie humaine, ne manqueront jamais à une
œuvre aussi excellente.
17. - Il n'y
a personne qui ne soit à même de remarquer combien, au cours
des cinquante dernières années, se sont modifiées
les conditions des études bibliques et des disciplines auxiliaires.
Ainsi, pour ne pas parler du reste, au temps où Notre Prédécesseur
publiait son Encyclique Providentissimus Deus, c'est à peine si
l'on avait commencé l'exploration de l'un ou de l'autre des sites
de la Palestine au moyen de fouilles scientifiques. Maintenant les explorations
de ce genre ont grandement augmenté en nombre, tandis qu'une méthode
plus sévère et un art perfectionné par l'expérience
nous fournissent des résultats plus nombreux et plus certains. Quelle
lumière jaillit de ces recherches pour une intelligence plus exacte
et plus pleine des Saints Livres, tous les spécialistes le savent,
ainsi que tous ceux qui se livrent à ces études. L'importance
de ces explorations est encore accrue par la fréquente découverte
de monuments écrits, qui sont d'un grand secours pour la connaissance
des langues, des littératures, des événements, des
mœurs et des cultes les plus anciens. La découverte et l'étude
des papyrus, aujourd'hui si développées, ne sont pas d'un
moindre intérêt, car ils nous font mieux connaître la
littérature ainsi que les institutions publiques et privées,
surtout à l'époque de Notre Sauveur. En outre, d'anciens
manuscrits des Livres Saints ont été découverts et
publiés avec soin et sagacité ; l'exégèse des
Pères de l'Église a été plus largement étudiée
et plus profondément ; enfin la manière de raconter et d'écrire
des anciens a été illustrée de nombreux exemples.
18. - Toutes
ces ressources, que notre âge a conquises, non sans un secret dessein
de la Providence, invitent en quelque sorte les interprètes des
Saintes Lettres et les engagent à user avec allégresse d'une
si belle lumière pour scruter plus à fond les paroles divines,
les commenter plus clairement, les exposer plus lumineusement. Que si,
avec une suprême consolation, Nous voyons que ces mêmes exégètes
ont déjà répondu avec empressement à cet appel
et y répondent encore, ce n'est certes ni le dernier ni le moindre
fruit de l'Encyclique Providentissimus Deus, par laquelle Notre Prédécesseur
Léon XIII, comme pressentant cette floraison nouvelle de la science
biblique, a invité au travail les exégètes catholiques
et leur a tracé avec sagesse la voie et la méthode à
suivre dans ce travail. Nous aussi, par la présente Encyclique,
Nous désirons obtenir non seulement que ce travail soit continué
avec persévérance et constance, mais qu'il devienne de jour
en jour plus parfait et plus fécond, c'est pourquoi Nous Nous proposons
de montrer à tous ce qui reste à faire et dans quelles dispositions
l'exégète catholique doit s'adonner aujourd'hui à
une tâche si importante et si sublime, voulant aussi donner aux ouvriers,
qui travaillent avec zèle dans la vigne du Seigneur, de nouveaux
stimulants et un nouvel élan.
19. - A l'exégète
catholique, qui se dispose au travail de comprendre et d'expliquer les
Saintes Écritures, déjà les Pères de l'Église,
et surtout saint Augustin, recommandaient avec force l'étude des
langues anciennes et le recours aux textes originaux. (Cf. p. ex. S. JÉRÔME,
Praef. in IV Evang. ad Damasum ; P. L., XXIX, col. 526-527 ; S. AUGUSTIN,
De doctr. christ. II, 16 ; P. L., XXXIV, col. 42-43.) Cependant, à
cette époque, les conditions des lettres étaient telles que
rares étaient ceux qui connaissaient même imparfaitement la
langue hébraïque. Au moyen âge, tandis que la théologie
scolastique était à son apogée, la connaissance de
la langue grecque elle-même était depuis longtemps si affaiblie
en Occident que même les plus grands Docteurs de ce temps, pour commenter
les Livres Divins, ne se servaient que de la version latine de la Vulgate.
De nos jours, au contraire, non seulement la langue grecque, rappelée
en quelque sorte à une vie nouvelle dès le temps de la Renaissance,
est familière à presque tous ceux qui cultivent l'antiquité
et les lettres, mais aussi la connaissance de la langue hébraïque
et des autres langues orientales est largement répandue parmi les
hommes cultivés. Il y a maintenant tant de facilités pour
apprendre ces langues que l'interprète de la Bible qui, en les négligeant,
s'interdirait l'accès aux textes originaux ne pourrait échapper
au reproche de légèreté et de nonchalance.
20. - Il appartient,
en effet, à l'exégète de chercher à saisir
religieusement et avec le plus grand soin les moindres détails sortis
de la plume de l'hagiographe sous l'inspiration de l'Esprit Divin, afin
d'en pénétrer plus profondément et plus pleinement
la pensée. Qu'il travaille donc avec diligence à s'assurer
une maîtrise chaque jour plus grande des langues bibliques et orientales,
et qu'il étaye son exégèse avec toutes les ressources
que fournissent les différentes branches de la philologie. C'est
cette maîtrise que saint Jérôme s'efforçait anxieusement
d'acquérir suivant l'état des connaissances de son temps
; c'est à elle qu'aspirèrent avec un zèle infatigable,
et non sans un réel profit, plusieurs des meilleurs exégètes
des XVIe et XVIIe siècles, bien que la science des langues fût
alors très inférieure à ce qu'elle est aujourd'hui.
C'est en suivant la même méthode qu'il importe d'expliquer
le texte primitif qui, écrit par l'auteur sacré lui-même,
a plus d'autorité et plus de poids qu'aucune version, même
la meilleure, ancienne ou moderne ; ce en quoi on réussira sans
doute avec plus de facilité et de succès si l'on joint à
la connaissance des langues une solide expérience de la critique
textuelle.
21. - Quelle
importance il faut attribuer à une telle méthode critique,
saint Augustin nous l'enseigne avec pertinence quand, parmi les préceptes
à inculquer à qui étudie les Livres Saints, il met
en première ligne le soin qu'il faut avoir de se procurer un texte
correct. " La sagacité de ceux qui désirent connaître
les Écritures Divines doit veiller en premier lieu à corriger
les manuscrits - ainsi s'exprime l'illustre Docteur de l'Église,
- afin que les manuscrits non corrigés cèdent le pas à
ceux qui sont corrigés. " (De doctr. christ. II, 21 ; P. L., XXXIV,
col. 46.) Cet art de la critique textuelle, qu'on emploie avec beaucoup
de succès et de fruit dans l'édition des textes profanes,
doit servir aujourd'hui, à plus forte raison en vérité,
pour les Livres Saints, à cause du respect qui est dû à
la parole divine. Le but de cet art est, en effet, de restituer le texte
sacré, autant qu'il se peut, avec la plus grande perfection, en
le purifiant des altérations dues aux insuffisances des copistes
et en le délivrant, dans la mesure du possible, des gloses et des
lacunes, des inversions de mots et des répétitions, ainsi
que des fautes de tout genre qui ont coutume de se glisser dans tous les
écrits transmis à travers plusieurs siècles.
22. - D'aucuns, il est vrai, ont employé la critique, il y a quelques dizaines d'années, d'une façon tout arbitraire, et souvent de telle sorte qu'on aurait pu dire qu'ils agissaient ainsi afin d'introduire dans le texte sacré leurs opinions préconçues ; mais aujourd'hui, il est à peine besoin de le remarquer, la critique possède des lois si stables et si assurées qu'elle est devenue un instrument de choix pour éditer la parole divine avec plus de pureté et d'exactitude, tout abus pouvant être facilement dépisté. Il n'est pas nécessaire de rappeler ici - car c'est trop évident et trop connu de tous ceux qui s'adonnent à l'étude de l'Écriture Sainte - combien l'Église depuis les premiers siècles jusqu'à nos jours a eu en honneur ces travaux de l'art critique.
23. - Aujourd'hui
donc que cet art a été si parfaitement discipliné,
c'est pour ceux qui étudient les questions bibliques, une tâche
honorable, sinon toujours facile, de s'employer à ce que paraissent
le plus tôt possible, suivant les opportunités, des éditions
soit des Livres Saints eux-mêmes, soit de leurs anciennes versions,
préparées par des catholiques selon cette règle qu'au
respect le plus absolu pour le texte sacré se joigne l'application
de toutes les lois de la critique. Que tous le comprennent bien : ce travail
de longue durée n'est pas seulement nécessaire pour comprendre,
comme il faut, le texte écrit sous l'inspiration divine ; il est
encore vivement, requis par cette piété qui doit nous porter
à être infiniment reconnaissants envers la Providence divine
de ce qu'elle nous a destiné ces livres comme des lettres paternelles
envoyées du siège de sa majesté à ses enfants.
24. - Et que
personne ne voie dans ce recours aux textes originaux, conformément
à la méthode critique, une dérogation aux prescriptions
si sagement formulées par le Concile de Trente au sujet de la Vulgate.
(Decr. de editione et usu Sacrorum Librorum ; Conc. Trid. éd. Soc.
GOERRES, t. V, p. 91 sq.) Car c'est un fait appuyé sur des documents
certains que le saint Concile chargea ses présidents de prier le
Souverain Pontife en son nom - et ils le firent - de faire corriger d'abord
le texte latin, ensuite, autant que possible, les textes grec et hébreu
(Ib., t. X, p. 471 ; cf. t. V, p. 29, 59, 65 ; t. X, p. 446 sq.), afin
de les publier plus tard pour l'utilité de la sainte Église
de Dieu. S'il ne fut pas possible de répondre alors pleinement à
ce désir, à cause des difficultés du temps et d'autres
obstacles, Nous avons la confiance que, maintenant, il pourra y être
donné plus parfaitement et plus entièrement satisfaction
grâce à la collaboration entre savants catholiques.
25. - Si le
Concile de Trente a voulu que la Vulgate fût la version latine "
que tous doivent employer comme authentique ", cela, chacun le sait, ne
concerne que l'Église latine et son usage public de l'Écriture,
mais ne diminue en aucune façon - il n'y a pas le moindre doute
à ce sujet - ni l'autorité ni la valeur des textes originaux.
Au surplus, il ne s'agissait pas alors des textes originaux, mais des versions
latines qui circulaient à cette époque ; versions entre lesquelles
le Concile, à juste titre, déclara préférable
celle qui, " par un long usage de tant de siècles, était
approuvée dans l'Église ".
26. - Cette
autorité éminente de la Vulgate ou, comme l'on dit, son authenticité,
n'a donc pas été décrétée par le Concile
surtout pour des raisons critiques, mais bien plutôt à cause
de son usage légitime dans les Églises prolongé au
cours de tant de siècles. Cet usage, en vérité, démontre
que, telle qu'elle a été et est encore comprise par l'Église,
elle est absolument exempte de toute erreur en ce qui concerne la foi et
les mœurs ; si bien que la même Église l'attestant et le confirmant,
on peut la produire en toute sûreté et sans péril d'erreur
dans les discussions, dans l'enseignement et dans la prédication.
D'où une authenticité de ce genre ne doit pas être
qualifiée en premier lieu de critique, mais bien plutôt de
juridique. C'est pourquoi l'autorité de la Vulgate en matière
de doctrine n'empêche donc nullement - aujourd'hui elle le demanderait
plutôt - que cette doctrine soit encore justifiée et confirmée
par les textes originaux eux-mêmes et que ces textes soient appelés
couramment à l'aide pour mieux expliquer et manifester le sens exact
des Saintes Lettres. Le décret du Concile de Trente n'empêche
même pas que, pour l'usage et le bien des fidèles, en vue
de leur faciliter l'intelligence de la parole divine, des versions en langue
vulgaire soient composées précisément d'après
les textes originaux, comme Nous savons que cela a déjà été
fait d'une manière louable en plusieurs régions avec l'approbation
ecclésiastique.
27. - Bien
fourni de la connaissance des langues anciennes et des ressources de la
critique, l'exégète catholique peut aborder la tâche
- la plus importante de toutes celles qui lui incombent - de découvrir
et d'exposer le véritable sens des Livres Saints. Que les exégètes,
dans l'accomplissement de ce travail, aient toujours devant les yeux qu'il
leur faut avant tout s'appliquer à discerner et à déterminer
ce sens des mots bibliques qu'on appelle le sens littéral. Ils doivent
mettre le plus grand soin à découvrir ce sens littéral
des mots au moyen de la connaissance des langues, en s'aidant du contexte
et de la comparaison avec les passages analogues ; toutes opérations
qu'on a coutume de faire aussi dans l'interprétation des livres
profanes, pour faire ressortir plus clairement la pensée de l'auteur.
28. - Que les
exégètes des Saintes Lettres, se souvenant qu'il s'agit ici
de la parole divinement inspirée, dont la garde et l'interprétation
ont été confiées à l'Église par Dieu
lui-même, ne mettent pas moins de soin à tenir compte des
interprétations et déclarations du magistère de l'Église,
ainsi que des explications données par les saints Pères,
en même temps que de " l'analogie de la foi ", comme Léon
XIII les en avertit très sagement dans l'Encyclique Providentissimus
Deus (LEONIS XIII Acta, XIII, p. 345-346 ; Ench. Bibl. n. 94-96). Qu'ils
s'appliquent d'une manière toute particulière à ne
pas se contenter d'exposer ce qui regarde l'histoire, l'archéologie,
la philologie et les autres sciences auxiliaires - comme Nous regrettons
qu'on ait fait dans certains commentaires ; - mais, tout en alléguant
à propos ces informations, pour autant qu'elles peuvent aider à
l'exégèse, qu'ils exposent surtout quelle est la doctrine
théologique de chacun des livres ou des textes en matière
de foi et de mœurs, de sorte que leurs explications ne servent pas seulement
aux professeurs de théologie à proposer et à confirmer
les dogmes de la foi, mais encore qu'elles viennent en aide aux prêtres
pour expliquer la doctrine chrétienne au peuple et qu'elles soient
utiles enfin à tous les fidèles pour mener une vie sainte,
digne d'un chrétien.
29. - Quand
les exégètes catholiques donneront une pareille interprétation,
avant tout théologique, comme Nous avons dit, ils réduiront
définitivement au silence ceux qui assurent ne rien trouver dans
les commentaires qui élève l'âme vers Dieu, nourrisse
l'esprit et stimule la vie intérieure, prétendant en conséquence
qu'il faut avoir recours à une interprétation spirituelle,
ou, comme ils disent, mystique. Que cette manière de voir ne soit
pas juste, l'expérience d'un grand nombre l'enseigne, qui, considérant
et méditant sans cesse la parole de Dieu, ont conduit leur âme
à la perfection et ont été entraînés
vers Dieu par un amour ardent. C'est aussi ce que montrent clairement et
la pratique constante de l'Église et les avertissements des plus
grands Docteurs. Ce qui ne signifie certes pas que tout sens spirituel
soit exclu de la Sainte Écriture ; car les paroles et les faits
de l'Ancien Testament ont été merveilleusement ordonnés
et disposés par Dieu de telle manière que le passé
signifiât d'avance d'une manière spirituelle ce qui devait
arriver sous la nouvelle alliance de la grâce. C'est pourquoi l'exégète,
de même qu'il doit rechercher et exposer le sens littéral
des mots, tel que l'hagiographe l'a voulu et exprimé, ainsi doit-il
exposer le sens spirituel, pourvu qu'il résulte certainement qu'il
a été voulu par Dieu. Dieu seul, en effet, peut connaître
ce sens spirituel et nous le révéler. Or, un pareil sens,
notre Divin Sauveur nous l'indique et nous l'enseigne lui-même dans
les Saints Évangiles, à l'exemple du Maître, les apôtres
le professent aussi par leurs paroles et leurs écrits ; la tradition
constante de l'Église le montre ; enfin, le très ancien usage
de la liturgie le déclare quand on est en droit d'appliquer l'adage
connu : " La loi de la prière est la loi de la croyance. "
30. - Ce sens
spirituel donc, voulu et ordonné par Dieu lui-même, les exégètes
catholiques doivent le manifester et l'exposer avec le soin qu'exige la
dignité de la parole divine. Qu'ils veillent religieusement, toutefois,
à ne pas présenter d'autres significations métaphoriques
des choses ou des faits comme sens authentique de la Sainte Écriture.
Car si, dans le ministère de la prédication surtout, un emploi
plus large et métaphorique du texte sacré peut être
utile pour éclairer et mettre en valeur certains points de la foi
et des mœurs, à condition de le faire avec modération et
sobriété, il ne faut cependant jamais oublier que cet usage
des paroles de la Sainte Écriture lui est comme extrinsèque
et adventice. Il arrive même, surtout aujourd'hui, que cet usage
n'est pas sans danger, parce que les fidèles, et en particulier
ceux qui sont au courant des sciences sacrées comme des sciences
profanes, cherchent ce que Dieu nous signifie par les Lettres sacrées
de préférence à ce qu'un écrivain ou un orateur
disert expose en jouant habilement des paroles de la Bible. " La parole
de Dieu, vivante et efficace, plus acérée qu'une épée
à deux tranchants, si pénétrante qu'elle va jusqu'à
séparer l'âme de l'esprit, les jointures et les moelles, qui
démêle les sentiments et les pensées des cœurs " (Hebr.
IV, 12), n'a pas besoin de colifichets ni d'ornements humains pour émouvoir
et frapper les esprits. Les pages sacrées, en effet, sous l'inspiration
de Dieu, abondent par elles-mêmes de sens propre ; douées
de vertu divine, elles valent par elles-mêmes ; ornées d'une
beauté qui vient d'en haut, elles brillent et resplendissent par
elles-mêmes, pourvu que le commentateur les explique si pleinement,
si soigneusement, que tous les trésors de sagesse et de prudence,
y contenus, soient mis en lumière.
31. - Pour
s'acquitter de sa tâche, l'exégète aura bénéfice
à s'aider par une étude sérieuse des œuvres que les
saints Pères, les Docteurs de l'Église et les plus illustres
exégètes des temps passés ont consacrées à
l'explication des Saintes Lettres. Ceux-là, en effet, bien que leur
érudition et leurs connaissances linguistiques fussent moins poussées
que celles des exégètes modernes, excellent, en vertu du
rôle que Dieu leur a attribué dans l'Église, par un
discernement tout suave des choses célestes et par une admirable
puissance d'esprit, grâce auxquels ils pénètrent plus
avant dans les profondeurs de la parole divine, et mettent en lumière
tout ce qui peut servir à illustrer la doctrine du Christ et à
faire progresser la sainteté de la vie.
32. - Il est,
certes, regrettable que ces précieux trésors de l'antiquité
chrétienne soient si peu connus de maints écrivains de notre
temps et que les historiens de l'exégèse n'aient pas encore
accompli tout ce qui semblerait nécessaire pour une étude
méthodique et une juste appréciation de cette matière
si importante. Plaise au ciel que se lèvent en grand nombre des
travailleurs qui explorent avec zèle l'interprétation catholique
des Écritures, auteurs et œuvres, et qui épuisent, pour ainsi
dire, les richesses presque immenses amassées par ces auteurs. Ils
contribueront ainsi à manifester toujours mieux avec quel soin ceux-là
ont scruté et mis en lumière la doctrine des Livres Saints
et à obliger les exégètes contemporains à s'inspirer
de leur exemple, à chercher chez eux des arguments opportuns. Ainsi
se réalisera enfin l'heureuse et féconde union de la doctrine
et de l'onction des anciens avec l'érudition plus grande et l'art
plus avancé des modernes ; union qui produira des fruits nouveaux
dans le champ des Lettres Divines, lequel ne sera jamais ni suffisamment
cultivé ni entièrement épuisé.
33. - Désormais
Nous avons de bonnes et justes raisons d'espérer que notre temps
lui aussi apportera sa contribution à une interprétation
plus pénétrante et plus exacte des Saintes Lettres. Car bien
des points, en particulier parmi ceux qui touchent à l'histoire,
ont été expliqués à peine ou insuffisamment
par les exégètes des siècles écoulés,
parce qu'il leur manquait presque toutes les connaissances nécessaires
pour les élucider. Combien il était difficile et quasi impossible
aux Pères mêmes de traiter certaines questions, Nous le voyons,
pour ne rien dire d'autre, aux efforts réitérés de
beaucoup d'entre eux pour interpréter les premiers chapitres de
la Genèse, comme aux divers essais tentés par saint Jérôme
pour traduire les psaumes de façon à mettre clairement en
lumière leur sens littéral, c'est-à-dire celui que
les mots mêmes expriment. Il y a enfin d'autres livres ou textes
sacrés dont les difficultés n'ont été découvertes
qu'à l'époque moderne, depuis qu'une meilleure connaissance
de l'antiquité a soulevé des questions nouvelles, faisant
pénétrer d'une manière plus appropriée dans
le vif du sujet. C'est donc à tort que certains, ne connaissant
pas exactement les conditions actuelles de la science biblique, prétendent
que l'exégète catholique contemporain ne peut rien ajouter
à ce qu'a produit l'antiquité chrétienne, alors qu'au
contraire notre temps a mis en évidence tant de questions qui, en
exigeant de nouvelles recherches et de nouveaux contrôles, stimulent
grandement à une étude énergique les exégètes
modernes.
34. - Notre
âge, en vérité, qui soulève de nouvelles questions
et de nouvelles difficultés, fournit aussi à l'exégète,
grâce à Dieu, de nouvelles ressources et de nouveaux appuis.
Sous ce rapport, il paraît juste de faire une mention particulière
de ce que les théologiens catholiques, en suivant la doctrine des
saints Pères, surtout celle du Docteur angélique et commun,
ont scruté et expliqué la nature et les effets de l'inspiration
biblique d'une façon plus appropriée et plus parfaite qu'on
n'avait coutume de le faire dans les siècles passés.
Partant, dans
leurs recherches, du principe que l'hagiographe, en composant le Livre
Saint, est organon ou instrument de l'Esprit-Saint, mais instrument vivant
et doué de raison, ils remarquent à juste titre que, conduit
par la motion divine, il use cependant de ses facultés et de ses
forces, de telle manière que l'on peut facilement saisir dans le
livre, composé par lui, " son caractère particulier et, pour
ainsi dire, ses traits et linéaments personnels " (cf. BENOÎT
XV, Encyclique Spiritus Paraclitus ; Acta Ap. Sedis, XII [1920], p. 390
; Ench. Bibl. n. 461). L'exégète doit donc s'efforcer, avec
le plus grand soin, sans rien négliger des lumières fournies
par les recherches récentes, de discerner quel fut le caractère
particulier de l'écrivain sacré et ses conditions de vie,
l'époque à laquelle il a vécu, les sources écrites
ou orales qu'il a employées, enfin sa manière d'écrire.
Ainsi pourra-t-il bien mieux connaître qui a été l'hagiographe
et ce qu'il a voulu exprimer en écrivant. Il n'échappe, en
effet, à personne que la loi suprême de l'interprétation
est de reconnaître et de définir ce que l'écrivain
a voulu dire, comme nous en avertit admirablement saint Athanase : " Ici,
ainsi qu'il convient de faire dans tous les autres passages de la Sainte
Écriture, il faut observer à quelle occasion l'Apôtre
a parlé, remarquer avec soin et impartialité à qui
et pourquoi il a écrit, de peur qu'en ignorant ces circonstances
ou les comprenant autrement, on ne s'écarte du véritable
sens. " (Contra Arianos, I, 54 ; P. G., XXXVI, col. 123.)
35. - Or, dans
les paroles et les écrits des anciens auteurs orientaux, souvent
le sens littéral n'apparaît pas avec autant d'évidence
que chez les écrivains de notre temps ; ce qu'ils ont voulu signifier
par leurs paroles ne peut pas se déterminer par les seules lois
de la grammaire ou de la philologie, non plus que par le seul contexte.
Il faut absolument que l'exégète remonte en quelque sorte
par la pensée jusqu'à ces siècles reculés de
l'Orient, afin que, s'aidant des ressources de l'histoire, de l'archéologie,
de l'ethnologie et des autres sciences, il discerne et reconnaisse quels
genres littéraires les auteurs de cet âge antique ont voulu
employer et ont réellement employés. Les Orientaux, en effet,
pour exprimer ce qu'ils avaient dans l'esprit, n'ont pas toujours usé
des formes et des manières de dire dont nous usons aujourd'hui,
mais bien plutôt de celles dont l'usage était reçu
par les hommes de leur temps et de leur pays. L'exégète ne
peut pas déterminer a priori ce qu'elles furent ; il ne le peut
que par une étude attentive des littératures anciennes de
l'Orient. Or, dans ces dernières dizaines d'années, cette
étude, poursuivie avec plus de soin et de diligence qu'autrefois,
a manifesté plus clairement quelles manières de dire ont
été employées dans ces temps anciens, soit dans les
descriptions poétiques, soit dans l'énoncé des lois
et des normes de vie, soit enfin dans le récit des faits et des
événements de l'histoire.
36. - Cette
même étude a déjà établi avec clarté
que le peuple d'Israël l'emporte singulièrement sur les autres
nations de l'Orient dans la manière d'écrire correctement
l'histoire, tant pour l'antiquité que pour la fidèle relation
des événements ; prérogative qui est due, sans doute,
au charisme de l'inspiration divine et au but particulier religieux de
l'histoire biblique.
37. - Néanmoins,
personne, qui ait un juste concept de l'inspiration biblique, ne s'étonnera
de trouver chez les écrivains sacrés, comme chez tous les
anciens, certaines façons d'exposer et de raconter, certains idiotismes
propres aux langues sémitiques, des approximations, certaines manières
hyperboliques de parler, voire même parfois des paradoxes destinés
à imprimer plus fermement les choses dans l'esprit. En effet, des
façons de parler dont le langage humain avait coutume d'user pour
exprimer la pensée chez les peuples anciens, en particulier chez
les Orientaux, aucune n'est étrangère aux Livres Saints,
pourvu toutefois que le genre employé ne répugne en rien
à la sainteté ni à la vérité de Dieu
; c'est ce que déjà le Docteur angélique a remarqué
dans sa sagacité, lorsqu'il dit : " Dans l'Écriture, les
choses divines nous sont transmises selon le mode dont les hommes ont coutume
d'user. " (Comment. ad Hebr. cap. I, lectio 4.)
De même
que le Verbe substantiel de Dieu s'est fait en tout semblable aux hommes
" hormis le péché " (Hebr. IV, 15), ainsi les paroles de
Dieu, exprimées en langue humaine, sont semblables en tout au langage
humain, l'erreur exceptée. C'est là la sugkatabasiV , ou
condescendance de la divine Providence, que saint Chrysostome a déjà
magnifiquement exaltée, affirmant à plusieurs reprises qu'elle
se trouve dans les Livres Saints. (Cf. p. ex. In Gen. I, 4 [P. G., LIII,
col. 34-35] ; In Gen. II, 21 [ib., col. 121] ; In Gen. III,8 [ib., col.
135] ; Hom. XV in Ioan. ad I, 18 [P. G., LIX, col. 97 sq.].)
38. - Ainsi
donc, pour bien répondre aux besoins actuels des études bibliques,
que l'exégète catholique, en exposant l'Écriture Sainte,
en prouvant et défendant son absolue inerrance, use prudemment de
cette ressource ; qu'il recherche comment la manière de parler ou
le genre littéraire, employé par l'hagiographe, peut amener
à la vraie et exacte interprétation, et qu'il se persuade
ne pouvoir négliger cette partie de sa tâche sans un grand
détriment de l'exégèse catholique. Souvent, en effet
- pour Nous en tenir là, - lorsque certains se plaisent à
objecter que les auteurs sacrés se sont écartés de
la fidélité historique ou qu'ils ont rapporté quelque
chose avec peu d'exactitude, on constate qu'il s'agit seulement de manières
de dire ou de raconter habituelles aux anciens, dont les hommes usaient
couramment dans leurs relations mutuelles, et qu'on employait en fait licitement
et communément. L'équité requiert donc, lorsqu'on
rencontre ces expressions dans le langage divin, qui s'exprime au profit
des hommes en termes humains, qu'on ne les taxe pas plus d'erreur que lorsqu'on
les rencontre dans l'usage quotidien de la vie. Grâce à la
connaissance et à la juste appréciation des leçons
et usages de parler et d'écrire des anciens, bien des objections,
soulevées contre la vérité et la valeur historiques
des Lettres Divines, pourront être résolues. En outre, cette
étude conduira d'une façon non moins appropriée à
un discernement plus complet et plus lumineux de la pensée de l'Auteur
Sacré.
39. - Ceux
donc qui, parmi nous, s'adonnent aux études bibliques, doivent soigneusement
faire attention à ce point et ne rien négliger de ce qu'ont
apporté de nouveau l'archéologie, l'histoire de l'antiquité
et la science des lettres anciennes, rien de ce qui est apte à mieux
faire connaître la mentalité des écrivains anciens,
leur manière de raisonner, de raconter et d'écrire, leurs
formules et leur technique. En cet ordre de choses les laïques catholiques,
qu'ils le remarquent bien, ne rendront pas seulement service aux sciences
profanes, mais mériteront encore beaucoup de la religion chrétienne,
s'ils se livrent avec toute l'application et tout le zèle possible
à l'exploration et à l'investigation de l'antiquité,
et s'ils contribuent dans la mesure de leurs forces à résoudre
les questions de ce genre, demeurées jusqu'ici moins claires et
moins manifestes. Toute connaissance humaine, en effet, même non
sacrée, ayant une dignité et une excellence quasi innée,
en tant qu'elle est une participation de la connaissance infinie de Dieu,
reçoit une nouvelle et plus haute dignité et comme une consécration,
quand elle s'emploie à mettre les choses divines en une plus vive
lumière.
40. - Par le
progrès, dont Nous avons parlé plus haut, de l'exploration
des antiquités orientales, par l'étude plus approfondie des
textes originaux, comme aussi par une connaissance plus étendue
et plus minutieuse des langues bibliques et orientales en général,
il est arrivé heureusement, avec l'aide de Dieu, que, maintes questions
soulevées au temps de Notre Prédécesseur d'immortelle
mémoire Léon XIII, par des critiques étrangers ou
même opposés à l'Église, contre l'authenticité
des Livres Sacrés, leur antiquité, intégrité
et vérité historique, ne présentent plus de difficultés
aujourd'hui et sont résolues.
Les exégètes
catholiques, usant correctement de ces mêmes armes d'ordre scientifique
dont abusaient trop souvent nos adversaires, ont proposé des interprétations
qui, tout en s'accordant avec l'enseignement catholique et les sentences
traditionnelles, paraissent en même temps répondre aux difficultés
soulevées par les nouvelles explorations et les nouvelles découvertes,
ou à celles dont l'antiquité a laissé à notre
temps la solution. D'où il est résulté que la confiance
dans l'autorité de la Bible et dans sa valeur historique, ébranlée
jusqu'à un certain point auprès de quelques-uns par tant
d'attaques, est aujourd'hui complètement rétablie chez les
catholiques ; bien plus, il ne manque pas d'écrivains même
non catholiques, qui, grâce à des recherches entreprises avec
calme et sans préjugés, ont été amenés
à rejeter les opinions des modernes et à revenir, au moins
ici ou là, aux sentences plus anciennes. Ce changement est dû,
en grande partie, au labeur infatigable par lequel les commentateurs catholiques
des Saintes Lettres, sans se laisser effrayer par les difficultés
et les obstacles de tout genre, se sont employés de toutes leurs
forces à utiliser tout ce que les recherches actuelles des érudits,
soit en archéologie, soit en histoire ou en philologie, ont apporté
pour résoudre les questions nouvelles.
41. - Personne,
toutefois, ne doit s'étonner qu'on n'ait pas encore tiré
au clair ni résolu toutes les difficultés et qu'il y ait
encore aujourd'hui de graves problèmes qui préoccupent sérieusement
les exégètes catholiques. Il ne faut pas, pour autant, perdre
courage, ni oublier que dans les disciplines humaines il ne peut en être
autrement que dans la nature, où ce qui commence croît peu
à peu et où les fruits ne se recueillent qu'après
de longs travaux. C'est ainsi que des controverses, laissées sans
solution et en suspens dans les temps passés, ont été
enfin débrouillées en notre temps, grâce au progrès
des études. On peut donc espérer que celles-là aussi,
qui aujourd'hui paraissent les plus compliquées et les plus ardues,
s'ouvriront enfin un jour, grâce à un effort constant, à
la pleine lumière.
Que si une
solution désirée tarde longtemps et ne nous sourit pas à
nous, mais que peut-être une heureuse issue ne doive être obtenue
que par nos successeurs, personne ne doit le trouver mauvais ; car il est
juste que s'applique aussi à nous l'avis donné par les Pères
pour leurs temps, et en particulier par saint Augustin (cf. S. AUG., Epist.
CXLIX ad Paulinum, n. 34 [P. L., XXXIII, col. 644] ; De diversis quaestionibus,
q. LIII, n. 2 [ib., XL, col. 36] ; Enarr. in Ps., CXLVI, n. 12 [ib., XXXVII,
col. 1907] : que Dieu a parsemé à dessein de difficultés
les Livres Saints qu'il a inspirés lui-même, afin de nous
exciter à les lire et à les scruter avec d'autant plus d'attention
et pour nous exercer à l'humilité par la constatation salutaire
de la capacité limitée de notre intelligence. Il n'y aurait
donc rien d'étonnant si l'une ou l'autre question devait rester
toujours sans réponse absolument adéquate, puisqu'il s'agit
parfois de choses obscures, très éloignées de notre
temps et de notre expérience, et puisque l'exégèse,
elle aussi, comme toutes les sciences et les plus importantes, peut avoir
ses secrets, inaccessibles à nos intelligences et revêches
à tout effort humain.
42. - Même
dans ces conditions ; cependant, l'exégète catholique, poussé
par un amour de sa science, actif et courageux, sincèrement dévoué
à notre Mère la sainte Église, ne doit, en aucune
façon, se défendre d'aborder, et à plusieurs reprises,
les questions difficiles qui n'ont pas été résolues
jusqu'ici, non seulement pour repousser les objections des adversaires,
mais encore pour tenter de leur trouver une solide explication, en accord
parfait avec la doctrine de l'Église, spécialement avec celle
de l'inerrance biblique, et capable en même temps de satisfaire pleinement
aux conclusions certaines des sciences profanes.
Les efforts
de ces vaillants ouvriers dans la vigne du Seigneur méritent d'être
jugés non seulement avec équité et justice, mais encore
avec une parfaite charité ; que tous les autres fils de l'Église
s'en souviennent. Ceux-ci doivent se garder de ce zèle tout autre
que prudent, qui estime devoir attaquer ou tenir en suspicion tout ce qui
est nouveau. Qu'ils aient avant tout présent, que, dans les règles
et les lois portées par l'Église, il s'agit de la foi et
des mœurs, tandis que dans l'immense matière contenue dans les Livres
Saints, livres de la Loi ou livres historiques, sapientiaux et prophétiques,
il y a bien peu de textes dont le sens ait été défini
par l'autorité de l'Église, et il n'y en a pas davantage
sur lesquels règne le consentement unanime des Pères. Il
reste donc beaucoup de points, et d'aucuns très importants, dans
la discussion et l'explication desquels la pénétration et
le talent des exégètes catholiques peuvent et doivent avoir
libre cours, afin que chacun contribue pour sa part et d'après ses
moyens à l'utilité commune, au progrès croissant de
la doctrine sacrée, à la défense et à l'honneur
de l'Église. Cette vraie liberté des enfants de Dieu, qui,
gardant fidèlement la doctrine de l'Église, embrasse avec
reconnaissance comme un don de Dieu et met à profit tout l'apport
des sciences ; cette liberté, secondée et soutenue par la
confiance de tous, est la condition et la source de tout réel succès
et de tout solide progrès dans la science catholique, comme nous
en avertit excellemment Notre Prédécesseur d'heureuse mémoire
Léon XIII, lorsqu'il dit : " Si l'on ne sauvegarde pas l'union des
esprits et le respect des principes, il n'y aura pas à espérer
qu'une multitude de travaux variés fasse réaliser à
cette science de notables progrès. " (Litt. apost. Vigilantiae :
LEONIS XIII Acta, XIII, p.237 ; Ench. Bibl. n. 136.)
43. - Considérant
les immenses efforts soutenus par l'exégèse catholique pendant
près de deux mille ans, pour comprendre toujours plus profondément
et plus parfaitement la parole divine communiquée aux hommes par
les Saintes Lettres et pour l'aimer plus ardemment, on se persuadera aisément
que c'est un grave devoir pour les fidèles, et en particulier pour
les prêtres, d'user abondamment et saintement de ce trésor
accumulé pendant tant de siècles par les génies les
plus élevés. Les Livres Saints, en effet, Dieu ne les a pas
accordés aux hommes pour satisfaire leur curiosité ou leur
fournir des sujets d'étude et de recherche, mais, comme le remarque
l'Apôtre pour que ces divines paroles puissent nous " donner la sagesse
qui conduit au salut par la foi en Jésus-Christ ", et " en vue de
rendre l'homme de Dieu parfait, apte à toute bonne œuvre " (cf.
II Tim. III, 15, 17). Que les prêtres donc, à qui est confié
le soin de procurer aux fidèles le salut éternel, après
avoir scruté par une étude diligente les pages sacrées
et se les être assimilées par la prière et la méditation,
aient à cœur d'expliquer les célestes richesses de la parole
divine dans leurs sermons, leurs homélies, leurs exhortations ;
qu'ils confirment la doctrine chrétienne par des maximes tirées
des Livres Saints ; qu'ils l'illustrent par les merveilleux exemples de
l'Histoire Sainte, et nommément par ceux de l'Évangile du
Christ, Notre-Seigneur, évitant avec un soin attentif les accommodations
subjectives, arbitraires et cherchées trop loin, qui sont non un
usage, mais un abus de la parole divine ; qu'ils exposent tout cela avec
tant d'éloquence, de netteté et de clarté, que les
fidèles ne soient pas seulement mus et excités à y
conformer exactement leur vie, mais encore conçoivent un souverain
respect envers l'Écriture sacrée.
44. - Ce respect,
les évêques s'attacheront à l'accroître toujours
davantage et à le rendre parfait chez les fidèles qui leur
sont confiés, en encourageant toutes les initiatives entreprises
par des apôtres zélés dans le but louable d'exciter
et d'entretenir, parmi les catholiques, la connaissance et l'amour des
Livres Saints. Qu'ils favorisent donc et qu'ils soutiennent ces pieuses
associations, qui se proposent de répandre parmi les fidèles
des exemplaires des Saintes Lettres, surtout des Évangiles, et qui
veillent à ce que la pieuse lecture s'en fasse tous les jours dans
les familles chrétiennes ; qu'ils recommandent instamment par la
parole et par l'usage, là où les lois liturgiques le permettent,
les traductions de l'Écriture Sainte, approuvées par l'autorité
ecclésiastique ; qu'ils tiennent eux-mêmes ou fassent tenir
par des orateurs sacrés particulièrement compétents
des leçons ou conférences publiques sur des questions bibliques.
Que tous les ministres du sanctuaire soutiennent, dans la mesure de leurs
forces, et divulguent opportunément, parmi les différents
groupes et rangs de leur troupeau, les périodiques qui se publient
d'une manière si louable et si utile, dans les diverses parties
du globe, soit pour traiter et exposer les questions bibliques selon la
méthode scientifique, soit pour adapter les fruits de ces recherches
au ministère sacré ou aux besoins des fidèles. Que
les ministres du sanctuaire en soient bien convaincus : toutes ces initiatives
et les autres du même genre, que le zèle apostolique et un
sincère amour de la parole divine trouveront appropriées
à ce sublime dessein leur seront d'un secours efficace dans le ministère
des âmes.
45. - Mais
il ne peut échapper à personne que tout cela ne peut être
convenablement effectué par les prêtres, si eux-mêmes,
pendant leur séjour au Séminaire, n'ont pas reçu un
amour actif et durable des Saintes Écritures. C'est pourquoi les
évêques, à qui incombe la direction paternelle de leurs
Séminaires, doivent veiller avec soin à ce que, en ce domaine
aussi, rien ne soit omis qui puisse contribuer à cette fin. Que
les professeurs d'Écriture Sainte organisent tout le cours biblique
de telle manière que les jeunes gens destinés au sacerdoce
et au ministère de la parole divine soient instruits de cette connaissance
des Saintes Lettres et pénétrés de cet amour envers
elles, sans lesquels l'apostolat ne peut guère porter des fruits
abondants. Il faut donc que leur exégèse fasse ressortir
avant tout le contenu théologique, en évitant les discussions
superflues, et en omettant tout ce qui est pâture de curiosité
plutôt que source de doctrine véritable et stimulant de solide
piété. Que les professeurs exposent le sens littéral
et surtout le sens théologique, d'une manière si solide,
qu'ils l'expliquent si pertinemment, qu'ils l'inculquent avec tant de chaleur,
qu'il advienne à leurs élèves ce qui arriva aux disciples
de Jésus-Christ allant à Emmaüs, lorsqu'ils s'écrièrent
après avoir entendu les paroles du Maître : " Notre cœur n'était-il
pas tout brûlant au dedans de nous, lorsqu'Il nous découvrait
les Écritures ? " (Luc. XXIV, 32.) Qu'ainsi les Lettres Divines
deviennent pour les futurs prêtres de l'Église une source
pure et permanente pour leur propre vie spirituelle, un aliment et une
force pour la tâche sacrée de la prédication qu'ils
vont assumer. Quand les professeurs de cette matière importante,
dans les Séminaires, auront atteint ce but, qu'ils se persuadent
avec joie qu'ils ont grandement contribué au salut des âmes,
au progrès de la cause catholique, à l'honneur et à
la gloire de Dieu, et qu'ils ont accompli une œuvre intimement liée
aux devoirs de l'apostolat.
46. - Ce que
Nous venons de dire, Vénérables Frères et chers Fils,
nécessaire en tout temps, l'est certainement beaucoup plus en ces
jours malheureux, où presque tous les peuples et nations sont plongés
dans un océan de calamités, tandis qu'une guerre affreuse
accumule ruine sur ruine, carnage sur carnage, tandis que, par le fait
des haines impitoyables des peuples excités les uns contre les autres,
Nous voyons, avec une suprême douleur, s'éteindre dans beaucoup
d'hommes non seulement le sens de la modération chrétienne
et de la charité, mais même celui de l'humanité. Qui
peut porter remède à ces mortelles blessures de la société
humaine, sinon Celui à qui le Prince des apôtres, plein d'amour
et de confiance, adressa ces paroles : " Seigneur, à qui irions-nous
? Vous avez les paroles de la vie éternelle. " (Ioan. VI, 69.) A
notre Rédempteur très miséricordieux il nous faut
donc, de toutes nos forces, ramener tous les hommes : il est le consolateur
divin des affligés ; il est Celui qui enseigne à tous - qu'ils
tiennent en main l'autorité publique ou que leur incombe le devoir
de l'obéissance et de la soumission - la probité digne de
ce nom, la justice intègre, la charité généreuse
; il est enfin, et lui seul, Celui qui peut être le ferme fondement
et le soutien de la paix et de la tranquillité : " Car personne
ne peut poser un autre fondement que Celui qui est déjà posé,
savoir Jésus-Christ. " (I Cor. III, 11.)
47. - Or, ce
Christ, auteur de notre salut, les hommes le connaîtront d'autant
plus parfaitement, l'aimeront d'autant plus ardemment, l'imiteront d'autant
plus fidèlement qu'ils seront poussés avec plus de zèle
à la connaissance et à la méditation des Saintes Lettres,
en particulier du Nouveau Testament. Car, comme le dit saint Jérôme,
le Docteur de Stridon : " L'ignorance des Écritures est l'ignorance
du Christ " (S. JÉRÔME, In Isaiam, prologue ; P. L. XXIV,
col. 17), et " s'il y a quelque chose qui tienne l'homme sage en cette
vie et le persuade, au milieu des souffrances et des tourments de ce monde,
de garder l'égalité d'âme, j'estime que c'est en tout
premier lieu la méditation et la science des Écritures "
(Id. in Ephesios, prologue ; P. L., XXVI, col. 439). C'est ici que tous
ceux qui sont fatigués et opprimés par l'adversité
et l'affliction puiseront les véritables consolations et la vertu
divine de souffrir et d'endurer ; ici - à savoir dans les Saints
Évangiles - le Christ est présent pour tous, exemple suprême
et parfait de justice, de charité et de miséricorde ; ici
s'ouvrent pour le genre humain, déchiré et inquiet, les sources
de cette grâce divine sans laquelle peuples et conducteurs de peuples
ne pourront établir ou consolider ni l'ordre public ni la concorde
des esprits. C'est là, enfin, que tous apprendront à connaître
ce Christ, " qui est le chef de toute principauté et de toute puissance
" (Col. II, 10) et " qui, de par Dieu, a été fait pour nous
sagesse, et justice, et sanctification, et rédemption " (I Cor.
I, 30).
48. - Après
avoir exposé et recommandé les moyens requis pour adapter
les études bibliques aux besoins de l'heure, il Nous reste, Vénérables
Frères et chers Fils, à féliciter avec une paternelle
bienveillance tous ceux qui cultivent les études bibliques et qui,
en fils dévoués de l'Église, suivent fidèlement
sa doctrine et ses directives, de ce qu'ils ont été élus
et appelés à une tâche aussi noble. A ces félicitations,
Nous voulons ajouter Nos encouragements afin qu'ils poursuivent de tout
leur zèle, avec tout leur soin et avec une énergie toujours
nouvelle, l'œuvre heureusement entreprise. Noble tâche, avons-Nous
dit, car qu'y a-t-il de plus sublime que de scruter, d'expliquer, de proposer
aux fidèles, de défendre contre les infidèles, la
parole même de Dieu, donnée aux hommes sous l'inspiration
du Saint-Esprit ? L'esprit lui-même de l'exégète se
nourrit de cet aliment spirituel et en profite " pour le renouvellement
de la foi, pour la consolation de l'espérance, pour l'exhortation
de la charité " (cf. S. AUG., Contra Faustum, XIII, 18 ; P. L.,
XLII, col. 294 ; C. S. E. L. XXV, p. 400). " Vivre au milieu de ces choses,
les méditer, ne connaître ni ne chercher rien d'autre, cela
ne vous paraît-il pas dès ici-bas comme le paradis sur terre
? " (S. JÉRÔME, Ep. LIII, 10 ; P. L., XXII, col. 549 ; C.
S. E. L. LIV, p. 463.)
Que les âmes
des fidèles se nourrissent aussi du même aliment, qu'elles
y puisent la connaissance et l'amour de Dieu, le progrès spirituel
et la félicité.
Que de tout
leur cœur les commentateurs de la parole divine se donnent à ce
saint commerce. " Qu'ils prient pour comprendre. " (S. AUG., De doctr.
christ., III, 56 ; P. L., XXXIV, col. 89.) Qu'ils travaillent pour pénétrer
chaque jour plus profondément dans les secrets des pages sacrées
; qu'ils enseignent et qu'ils prêchent pour ouvrir aussi aux autres
les trésors de la parole de Dieu. Ce qu'aux siècles révolus
les illustres interprètes de la Sainte Écriture ont réalisé
avec tant de fruit, que les modernes s'efforcent de l'imiter autant qu'ils
le peuvent, en sorte que, comme aux temps passés, ainsi à
l'heure actuelle l'Église ait des docteurs éminents dans
l'exposition des Lettres Divines, et que les fidèles, grâce
à leur peine et à leur travail, reçoivent des Saintes
Écritures pleine lumière, exhortation, allégresse.
Dans cette tâche, certes ardue et lourde, qu'ils aient eux aussi
" pour consolation les Saints Livres " (I Macch. XII, 9) ; qu'ils se souviennent
de la récompense qui les attend, puisque " ceux qui auront été
intelligents brilleront comme la splendeur du firmament, et ceux qui en
auront conduit beaucoup à la justice seront comme les étoiles,
éternellement et sans fin " (Dan. XII, 3).
Et maintenant,
tandis que Nous souhaitons vivement à tous les fils de l'Église,
et nommément aux professeurs des sciences bibliques, au jeune clergé
et aux orateurs sacrés, que, méditant sans relâche
la parole de Dieu, ils goûtent combien l'esprit du Seigneur est suave
et bon (cf. Sap. XII, 1), comme gage des faveurs célestes, en témoignage
de Notre paternelle bienveillance, à vous tous et à chacun
d'entre vous, Vénérables Frères et chers Fils, Nous
accordons, très affectueusement dans le Seigneur, la Bénédiction
apostolique.
Donné
à Rome, près Saint-Pierre, le 30 septembre, en la fête
de saint Jérôme, le plus grand des Docteurs dans l'exposition
des Saintes Écritures, l'année 1943, cinquième de
Notre Pontificat.
PIE XII, PAPE.