de Sa Sainteté
le Pape PIE XII
SUR LA SAINTE
LITURGIE
A NOS VÉNÉRABLES
FRÈRES LES PATRIARCHES, PRIMATS, ARCHEVÊQUES, ÉVÊQUES
ET AUTRES ORDINAIRES DE LIEUX EN PAIX ET COMMUNION AVEC LE SIÈGE
APOSTOLIQUE
VÉNÉRABLES
FRÈRES
SALUT ET BÉNÉDICTION
APOSTOLIQUE
INTRODUCTION
1
Jésus-Christ Rédempteur du monde
Médiateur
entre Dieu et les hommes (I Tm II, 5), Grand Prêtre qui a pénétré
les cieux, Jésus, Fils de Dieu (cf. He IV, 14), en entreprenant
l'œuvre de miséricorde qui devait combler le genre humain de bienfaits
surnaturels, eut certainement en vue de rétablir entre les hommes
et leur Créateur l'ordre troublé par le péché
et de ramener à son Père céleste, principe premier
et fin dernière, l'infortunée descendance d'Adam, souillée
par la faute originelle.
1. D'après
le texte latin des A. A. S., XXXIX, 1947, p. 521 ; traduction française
officielle publiée dans la Documentation Catholique, t. XLV, col.
193. Les titres et sous-titres ne font pas partie du texte original, mais
de la version française de Rome.
C'est pourquoi,
durant son séjour sur la terre, non seulement il annonça
le commencement de la Rédemption et l'inauguration du royaume de
Dieu, mais il s'employa aussi à sauver les âmes par l'exercice
continuel de la prière et du sacrifice, jusqu'au jour où,
sur la croix, il s'offrit en victime sans tache à Dieu, pour purifier
notre conscience des œuvres mortes, afin que nous servions le Dieu vivant
(cf. He IX, 14). Par là, toute l'humanité, heureusement retirée
du chemin qui la conduisait à la ruine et à la perdition,
fut de nouveau orientée vers Dieu, afin que par la coopération
de chacun à l'acquisition de sa propre sainteté, qui naît
du sang immaculé de l'Agneau elle donnât à Dieu la
gloire qui lui est due.
Le divin Rédempteur
voulut ensuite que la vie sacerdotale, qu'il avait commencée dans
son corps mortel par ses prières et son sacrifice, fût continuée
sans interruption au cours des siècles dans son Corps mystique qui
est l'Église. Il institua donc un sacerdoce visible pour offrir
en tout lieu l'oblation pure (cf. Mal., I, 11), afin que tous les hommes,
de l'Orient à l'Occident, délivrés du péché,
servissent Dieu, par devoir de conscience, librement et spontanément.
L'Église continue la fonction sacerdotale de Jésus-Christ
L'Église,
fidèle au mandat reçu de son fondateur, continue donc la
fonction sacerdotale de Jésus-Christ, principalement par la sainte
liturgie. Elle le fait d'abord à l'autel, où le sacrifice
de la croix est perpétuellement représenté (Cf. Conc.
Trid., Sess. XXII, can. 1.) et renouvelé, la seule différence
étant dans la manière de l'offrir (Ibid., can. 2.) ; ensuite
par les sacrements qui sont pour les hommes les moyens spéciaux
de participer à la vie surnaturelle ; enfin par le tribut quotidien
de louange offert à Dieu, Souverain Bien. " Quel joyeux spectacle
n'offre pas au ciel et à la terre l'Église en prière,
dit Notre prédécesseur Pie XI, d'heureuse mémoire.
Sans interruption, tout le jour et toute la nuit, se répète
sur la terre la divine psalmodie des chants inspirés ; il n'est
pas d'heure du jour qui ne soit sanctifiée de sa liturgie propre,
il n'est pas de période de la vie qui n'ait sa place dans l'action
de grâces, la louange, les demandes et la réparation de cette
solennelle et commune prière du Corps mystique du Christ, qui est
l'Église ". (Lettre encycl. Caritate Christi, du 3 mai 1932.)
Réveil des études liturgiques
Vous savez
sans doute, Vénérables Frères, qu'à la fin
du siècle dernier et au début de celui-ci, les études
liturgiques furent poussées avec une singulière ardeur, par
les louables efforts de particuliers, et grâce surtout à l'activité
zélée et assidue de plusieurs monastères de l'Ordre
illustre de saint Benoît ; il s'ensuivit, non seulement dans de nombreux
pays d'Europe, mais même au-delà des mers, une noble et fructueuse
émulation dont les résultats bienfaisants ne tardèrent
pas à se faire sentir, soit dans le domaine des sciences religieuses
où les rites liturgiques de l'Église d'Occident et de celle
de l'Orient furent plus largement étudiés et connus, soit
dans la vie spirituelle privée de nombreux chrétiens.
Les cérémonies
sacrées de la messe ont été mieux connues, comprises,
estimées ; la participation aux sacrements a été plus
large et plus fréquente ; la beauté des prières liturgiques
plus goûtée, et le culte de la sainte Eucharistie considéré,
à juste titre, comme la source et l'origine de la vraie piété
chrétienne. En outre, plus que par le passé, on a fait connaître
aux fidèles qu'ils forment tous ensemble un seul corps, très
étroitement uni, dont le Christ est la tête et que le peuple
chrétien a le devoir de participer, à sa juste place, aux
rites liturgiques.
Empressement du Saint-Siège pour le culte liturgique
Vous savez
certainement que ce Siège apostolique a toujours apporté
un soin diligent pour que le peuple confié à sa garde fût
éduqué à un sens liturgique à la fois juste
et actif, qu'avec un zèle non moins grand il s'est préoccupé
de faire briller jusque dans l'extérieur des rites sacrés
une dignité convenable. Parlant Nous-même, selon la coutume,
aux prédicateurs de carême à Rome en 1943, Nous les
avons instamment priés d'exhorter leurs auditeurs à prendre
une part plus active au sacrifice de la messe ; récemment encore,
Nous avons fait faire une nouvelle traduction latine du livre des psaumes
sur le texte original, afin que les prières liturgiques dont il
constitue dans l'Église catholique une part si importante fussent
mieux comprises, leur vérité et leur saveur plus facilement
perçues. (Cf. Lettre ap. Motu Proprio In cotidianis precibus, du
24 mars 1945.)
Bien que cet
apostolat liturgique Nous apporte un grand réconfort à cause
des fruits salutaires qui en proviennent, la conscience de Notre charge
Nous impose pourtant de suivre avec attention ce renouveau tel qu'il est
présenté par quelques-uns, et de veiller soigneusement à
ce que les initiatives ne dépassent pas la juste mesure ni ne tombent
dans de véritables excès.
Déficits des uns - Exagération des autres
Or si, d'une
part, Nous constatons avec douleur que dans quelques pays le sens, la connaissance
et le goût de la sainte liturgie sont parfois insuffisants et même
presque inexistants, d'autre part Nous remarquons, non sans préoccupation
et sans crainte, que certains sont trop avides de nouveauté et se
fourvoient hors des chemins de la saine doctrine et de la prudence. Car,
en voulant et en désirant renouveler la sainte liturgie, ils font
souvent intervenir des principes qui, en théorie ou en pratique,
compromettent cette sainte cause, et parfois même la souillent d'erreurs
qui touchent à la foi catholique et à la doctrine ascétique.
La pureté
de la foi et de la morale doit être la règle principale de
cette science sacrée qu'il faut en tout point conformer aux plus
sages enseignements de l'Église. C'est donc Notre devoir de louer
et d'approuver tout ce qui est bien, de contenir ou de blâmer tout
ce qui dérive du vrai et juste chemin.
Que les inertes
et les tièdes ne croient pourtant pas avoir Notre approbation parce
que Nous reprenons ceux qui se trompent ou que Nous refrénons les
audacieux ; mais que les imprudents ne s'imaginent pas couverts de louanges
du fait que Nous corrigeons les négligents et les paresseux.
Dans cette
encyclique nous nous occupons surtout de la liturgie latine ; ce n'est
pas que Nous nourrissions une moindre estime pour les vénérables
liturgies de l'Église orientale, dont les rites, transmis par d'anciens
et glorieux documents, Nous sont également très chers ; mais
cela tient aux conditions particulières de l'Église d'Occident,
qui semblent demander en cette matière l'intervention de Notre autorité.
Que tous les
chrétiens écoutent donc avec docilité la voix du Père
commun, dont le désir le plus ardent est que tous, intimement unis
à lui, s'approchent de l'autel de Dieu, en professant la même
foi, en obéissant à la même loi, en participant au
même sacrifice, d'un même esprit et d'une même volonté.
L'honneur dû à Dieu le réclame ; les besoins des temps
actuels l'exigent. En effet, après une longue et cruelle guerre
qui a divisé les peuples par ses discordes et ses carnages, les
hommes de bonne volonté font de leur mieux pour les ramener tous
à la concorde. Nous croyons pourtant qu'aucun projet et aucune initiative
ne sont, en ce cas, aussi efficaces que le zèle énergique
pour la religion et l'esprit vigoureux qui doivent animer et guider les
chrétiens, de sorte que, acceptant sincèrement les mêmes
vérités et obéissant de bon cœur aux légitimes
pasteurs, dans l'exercice du culte rendu à Dieu, ils constituent
une communauté fraternelle : " Puisque, tout en étant plusieurs,
nous formons un seul corps, nous qui participons tous à un même
pain " (I Cor X. 17).
I
Nature, origine
et progrès de la liturgie
I. LA LITURGIE,
CULTE PUBLIC
Honorer Dieu : devoir des individus
Le devoir fondamental
de l'homme est certainement celui d'orienter vers Dieu sa personne et sa
vie. " Car c'est à lui que nous devons tout d'abord nous unir comme
à notre principe indéfectible, à lui que doivent constamment
s'adresser nos choix comme à notre fin dernière, c'est lui
aussi que dans notre négligence nous perdons par le péché,
et que nous devons retrouver en témoignant de notre foi et de notre
fidélité " (S. Thomas, Summa Theol., IIa IIae, q. 81, a.
1.). Or l'homme se tourne normalement vers Dieu quand il en reconnaît
la suprême majesté et le souverain magistère, quand
il accepte avec soumission les vérités divinement révélées,
quand il en observe religieusement les commandements, quand il fait converger
vers lui toute son activité, bref quand il lui rend, par la vertu
de religion, le culte et l'hommage dus à l'unique et vrai Dieu.
Devoir de la collectivité
C'est un devoir
qui oblige en premier lieu les hommes pris en particulier, mais c'est aussi
un devoir collectif de toute la communauté humaine basée
sur des liens sociaux réciproques, parce qu'elle aussi dépend
de l'autorité suprême de Dieu.
Il faut remarquer,
en outre, que les hommes y sont tenus d'une manière spéciale,
pour avoir été élevés par Dieu à l'ordre
surnaturel.
C'est pourquoi
nous voyons Dieu dans l'établissement de la loi ancienne, édicter
aussi des préceptes rituels et préciser avec soin les règles
que le peuple devait observer pour lui rendre un culte légitime.
Il établit, en conséquence, divers sacrifices et fixa les
diverses cérémonies pour les bien offrir ; il détermina
clairement tout ce qui concernait l'arche d'Alliance, le temple et les
jours de fête. Il constitua la tribu sacerdotale et le Grand Prêtre,
il indiqua avec détail les vêtements dont se serviraient les
ministres sacrés, et tout ce qui pourrait avoir quelque relation
avec le culte divin (cf. Livre du Lévitique).
Ce culte, du
reste, n'était qu'une ombre (cf. He X, 1) de celui que le Prêtre
suprême du Nouveau Testament devait rendre au Père céleste.
Honneur rendu au Père par le Verbe incarné : sur la terre...
De fait à
peine " Le Verbe s'est-il fait chair " (Jn, I, 14) qu'il se manifeste au
monde dans sa fonction sacerdotale, en faisant au Père éternel
un acte de soumission qui devait durer tout le temps de sa vie : " En entrant
dans le monde il dit : voici que je viens... pour faire, ô Dieu,
votre volonté " (Heb X. 5-7). Cet acte, il devait le porter à
sa perfection d'une manière merveilleuse dans le sacrifice sanglant
de la croix : " C'est en vertu de cette volonté que nous sommes
sanctifiés, par l'oblation que Jésus-Christ a faite, une
fois pour toutes, de son propre corps " (Ibid., X, 10). Toute son activité
au milieu des hommes n'a pas d'autre but. Enfant, il est présenté
au Seigneur dans le temple de Jérusalem ; adolescent, il s'y rend
encore ; dans la suite il y retourne souvent pour instruire le peuple et
pour prier. Avant d'inaugurer son ministère public, il jeûne
durant quarante jours ; par la parole et par son exemple il nous exhorte
tous à prier, soit de jour, soit de nuit. En tant que Maître
de vérité, " il éclaire tout homme " (Jn, I, 9), afin
que les mortels reconnaissent le vrai Dieu immortel et qu'ils ne soient
pas " de ceux qui se retirent pour leur perte, mais de ceux qui gardent
la foi pour sauver leur âme " (He X, 39). En tant que Pasteur, il
dirige son troupeau, il le conduit aux pâturages vivifiants et lui
donne une loi à observer, afin que personne ne s'écarte de
lui et de la route droite tracée par lui, mais que tous vivent saintement
sous son inspiration et sous sa conduite. A la dernière Cène,
usant d'un rite et d'un apparat solennel, il célèbre la nouvelle
Pâque et il en assure la continuation grâce à l'institution
divine de l'Eucharistie ; le lendemain, élevé entre ciel
et terre, il offre sa vie en sacrifice pour nous sauver, et de sa poitrine
transpercée il fait en quelque sorte jaillir les sacrements, qui
distribuent aux âmes les trésors de la Rédemption.
Ce faisant, il n'a en vue que la gloire de son Père et la plus grande
sainteté de l'homme.
... et dans la gloire
Entré
ensuite dans le lieu de la béatitude céleste, il veut que
le culte institué et rendu durant sa vie sur terre se continue sans
interruption. Car il ne laisse pas orphelin le genre humain : il l'assiste
toujours de sa continuelle et puissante protection, en se faisant notre
avocat au ciel auprès du Père (cf. I Jn, II, 1) ; mais il
l'aide aussi par son Église, dans laquelle il perpétue sa
divine présence au cours des siècles, qu'il a établie
la colonne de la vérité (cf. I. Tm III, 15) et la dispensatrice
de sa grâce, et que par le sacrifice de la croix il fonda, consacra
et affermit à jamais. (Cf. Boniface IX, Ab origine mundi, du 7 octobre
1391, Callixte III, Summus Pontifex, du 1er janvier 1456 ; Pie II, Triumphans
Pastor, du 22 avril 1459 ; Innocent XI, Triumphans Pastor, du 3 octobre
1678.)
L'Église continue à honorer Dieu, en union avec le Christ
L'Église
a donc en commun avec le Verbe incarné le but, le devoir et la fonction
d'enseigner à tous la vérité, de régir et de
gouverner les hommes, d'offrir à Dieu le sacrifice digne et acceptable,
et de rétablir ainsi entre le Créateur et les créatures
cette union et cette harmonie que l'apôtre des nations désigne
clairement par ces paroles : " Vous n'êtes plus des étrangers
ni des hôtes de passage ; mais vous êtes concitoyens des saints
et membres de la famille de Dieu, édifiés que vous êtes
sur le fondement des apôtres et des prophètes, dont Jésus-Christ
lui-même est la pierre angulaire. C'est en lui que tout l'édifice
bien ordonné s'élève, pour former un temple saint
dans le Seigneur ; c'est en lui que, vous aussi, vous êtes édifiés,
pour être par l'Esprit-Saint une demeure où Dieu habite "
(Ep II, 19-22). Dans sa doctrine, dans son gouvernement, dans le sacrifice
et les sacrements que le divin Rédempteur a institués, dans
le ministère enfin qu'il lui a confié après avoir
ardemment prié et répandu son sang, la société
fondée par lui n'a d'autre fin que de croître et de s'étendre
toujours plus, ce qui se réalise quand le Christ s'établit
et grandit dans les âmes des mortels et quand à leur tour
les âmes des mortels croissent et se fortifient dans le Christ ;
de la sorte s'amplifie chaque jour davantage dans ce terrestre exil le
temple sacré où la divine Majesté reçoit le
culte agréable et légitime. Dans toute action liturgique,
en même temps que l'Église, son divin Fondateur se trouve
présent : le Christ est présent dans le saint sacrifice de
l'autel, soit dans la personne de son ministre, soit surtout, sous les
espèces eucharistiques ; il est présent dans les sacrements
par la vertu qu'il leur infuse pour qu'ils soient des instruments efficaces
de sainteté ; il est présent enfin dans les louanges et les
prières adressées à Dieu, suivant la parole du Christ
: " Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je
suis au milieu d'eux " (Mt., XVIII, 20). La sainte liturgie est donc le
culte public que notre Rédempteur rend au Père comme Chef
de l'Église ; c'est aussi le culte rendu par la société
des fidèles à son chef et, par lui, au Père éternel
: c'est, en un mot, le culte intégral du Corps mystique de Jésus-Christ,
c'est-à-dire du Chef et de ses membres.
Commencements historiques de la sainte liturgie
L'activité
liturgique a pris naissance avec la fondation même de l'Église.
Les premiers chrétiens, en effet, " étaient assidus aux prédications
des apôtres, à la fraction du pain en commun et aux prières
" (Ac II, 42). Partout où les pasteurs peuvent réunir le
noyau de fidèles, ils dressent un autel sur lequel ils offrent le
sacrifice et autour duquel viennent prendre place d'autres rites destinés
à la sanctification des hommes et à la glorification de Dieu.
Au premier rang de ces rites se trouvent les sacrements, les sept sources
principales de salut ; vient ensuite la louange divine assurée par
les fidèles qui dans leurs réunions communes obéissent
aux exhortations de l'apôtre Paul : " Que vous vous instruisiez et
vous avertissiez les uns les autres en toute sagesse ; sous l'inspiration
de la grâce, que vos cœurs s'épanchent vers Dieu en chants,
par des psaumes, des hymnes, des cantiques spirituels " (Col. III, 16)
; puis vient la lecture de la loi des prophètes, de l'Évangile
et des Épîtres des apôtres ; enfin l'homélie,
ou sermon du président de l'assemblée, qui rappelle et commente
avec profit les enseignements du divin Maître et les événements
principaux de sa vie, et dont les conseils opportuns et les exemples stimulent
tous les assistants.
Son organisation et ses développements
Le culte s'organise
et se développe selon les circonstances et les besoins des chrétiens,
il s'enrichit de nouveaux rites, de nouvelles cérémonies
et de nouvelles formules, toujours dans le but " que nous tirions enseignement
de ces signes extérieurs, que nous prenions conscience de nos progrès
et que nous nous stimulions fortement à les poursuivre car la valeur
du résultat dépendra de la ferveur qui l'aura précédé
" (S. Augustin, Epist. 130, ad Probam, 18.). L'âme est ainsi rendue
plus attentive à Dieu et le sacerdoce de Jésus-Christ remplit
son rôle à travers tous les siècles, puisque aussi
bien la liturgie n'est pas autre chose que l'exercice de cette fonction
sacerdotale. Comme son divin Chef, l'Église assiste à jamais
ses fils, elle les aide et les exhorte à la sainteté afin
qu'ils puissent un jour, parés de cette beauté surnaturelle,
faire retour au Père qui est dans les cieux. Elle engendre à
la vie céleste ceux qui sont nés à la vie terrestre
; dans leur lutte contre l'ennemi implacable, elle leur communique la force
du Saint-Esprit ; elle appelle les chrétiens près des autels
et, de ses avis et de ses invitations réitérés, elle
les pousse à prendre leur part dans la célébration
du sacrifice eucharistique ; elle les nourrit du Pain des anges pour qu'ils
soient toujours plus forts ; ceux que le péché a blessés
et souillés, elle les purifie et elle les console ; ceux qui sont
appelés par vocation divine à remplir le ministère
sacerdotal, elle les consacre par un rite légal ; elle affermit
de ses grâces et de ses dons surnaturels le chaste mariage de ceux
qui sont destinés à fonder et constituer une famille chrétienne
; enfin, après avoir réconforté et restauré
les dernières heures de leur vie terrestre par son viatique eucharistique
et par la sainte onction, elle accompagne pieusement au tombeau les dépouilles
de ses fils, elle les y dépose religieusement et les met sous la
protection de la croix, afin qu'un jour elles en ressuscitent victorieuses
de la mort. A ceux qui se consacrent au service de Dieu pour atteindre
la perfection dans la vie religieuse, elle accorde sa bénédiction
et de solennelles prières. Elle tend enfin sa main secourable aux
âmes qui dans les flammes du purgatoire implorent des prières
et des suffrages, afin de les conduire finalement à l'éternel
bonheur.
II. LA LITURGIE,
CULTE INTÉRIEUR ET EXTÉRIEUR
C'est un culte extérieur
L'ensemble
du culte que l'Église rend à Dieu doit être à
la fois intérieur et extérieur. Extérieur certes,
car tel le requiert la nature de l'homme, composé d'une âme
et d'un corps ; car la Providence divine a voulu que " par la connaissance
des réalités visibles nous soyons attirés à
l'amour des réalités invisibles " (Missale Rom., Praef. Nativ.)
; car tout ce qui vient de l'âme s'exprime naturellement par le moyen
des sens ; car ce ne sont pas seulement les individus, mais aussi la collectivité
humaine, qui ont besoin de rendre leur culte à Dieu ; celui-ci doit
être social ; ce qui est impossible si, dans le domaine religieux
lui aussi, il n'existe pas d'assujettissements extérieurs et de
manifestations extérieures ; c'est enfin le moyen d'attirer particulièrement
l'attention sur l'unité du Corps mystique, d'en accroître
le zèle, d'en corroborer les forces et d'en intensifier l'action
: " bien que les cérémonies ne contiennent en elles-mêmes
aucune perfection, aucune sainteté, elles sont pourtant des actes
extérieurs de religion, et par leur signification elles stimulent
l'âme à la vénération du sacré, elles
élèvent l'esprit aux réalités surnaturelles,
nourrissent la piété, fomentent la charité, accroissent
la foi, fortifient la dévotion, instruisent les âmes simples,
font l'ornement du culte de Dieu, conservent la religion et distinguent
les vrais chrétiens des faux et des hétérodoxes "
(I. Card. Bona, De divina psalmodia, cap. XIX, § 3, 1.)
Mais il est surtout culte intérieur
Mais l'élément
essentiel du culte doit être l'intérieur, car il est nécessaire
de vivre toujours dans le Christ, de lui être tout entier dévoué,
pour rendre en lui, avec lui et par lui, gloire au Père des cieux.
La sainte liturgie requiert que ces deux éléments soient
intimement unis, et elle ne se lasse jamais de le répéter
chaque fois qu'elle prescrit un acte extérieur de culte. Ainsi,
par exemple, elle veut " que ce que nous professons dans nos observances
extérieures, s'accomplisse réellement dans notre intérieur
" (Missale Rom., Secreta feriae V post Dom. II Quadrag.). Sans quoi, la
religion devient assurément un formalisme inconsistant et vide.
Vous savez, Vénérables Frères, que le divin Maître
juge indignes du temple sacré et n'hésite pas à les
en chasser, ceux qui croient honorer Dieu par le seul son de phrases bien
construites et par des poses théâtrales, et se persuadent
pouvoir assurer parfaitement leur salut éternel sans déraciner
de leur âme leurs vices invétérés (cf. Mc VII,
6, et Isaïe, XXIX, 13). L'Église veut donc que tous les fidèles
se prosternent aux pieds du Rédempteur pour lui professer leur amour
et leur vénération ; elle veut que les foules, à l'exemple
des enfants qui, joyeux et chantants, allèrent à la rencontre
du Christ le jour de son entrée à Jérusalem, chantent
en chœur pour acclamer la gloire du Roi des rois et de l'Auteur souverain
de tout bien, et pour lui témoigner leur reconnaissance ; elle veut
que de leurs lèvres sortent des prières, tantôt de
supplication, tantôt de joie et de louange, afin d'expérimenter,
comme les apôtres au bord du lac de Tibériade, l'aide de sa
miséricorde et de sa puissance ; ou bien, comme Pierre sur le mont
Thabor, pour s'abandonner eux-mêmes et tous leurs biens, au Dieu
éternel, dans les mystiques transports de la contemplation.
Exagération de l'élément extérieur
C'est donc
avoir une notion tout à fait inexacte de la sainte liturgie que
de la regarder comme une partie purement extérieure et sensible
du culte divin, ou comme une cérémonie décorative
; ce n'est pas une moindre erreur de la considérer simplement comme
l'ensemble des lois et des préceptes par lesquels la hiérarchie
ecclésiastique ordonne l'exécution régulière
des rites sacrés.
Qu'il soit
donc bien entendu de tous qu'on ne peut dignement honorer Dieu si l'âme
ne tend pas à la perfection de la vie, et que pour faire parvenir
à la sainteté, le culte rendu à Dieu par l'Église
en union avec son chef divin possède la plus grande efficacité.
Quand il s'agit
du sacrifice de la messe et des sacrements, cette efficacité provient
surtout et avant tout de l'action elle-même (ex opere operato). Si
l'on considère ensuite l'activité propre de l'épouse
sans tache de Jésus-Christ, qui rehausse de ses prières et
de ses cérémonies le sacrifice eucharistique et les sacrements,
ou s'il s'agit des sacramentaux et des autres rites institués par
la hiérarchie ecclésiastique, alors l'efficacité dépend
surtout de l'action de l'Église (ex opere operantis Ecclesiae),
en tant que sainte et étroitement unie à son Chef dans toute
son activité.
Théories nouvelles sur la " piété objective "
A ce propos,
Vénérables Frères, Nous voudrions attirer votre attention
sur les nouvelles théories touchant ce qu'on appelle la " piété
objective " ; tendant à mettre en relief le mystère du Corps
mystique, la réalité effective de la grâce sanctifiante
et l'action divine des sacrements et de la messe, elles semblent vouloir
amoindrir ou même passer sous silence la " piété subjective
" ou personnelle.
Dans les cérémonies
liturgiques, et en particulier dans le saint sacrifice de l'autel, il est
bien vrai que l'œuvre de notre rédemption se continue et que ses
fruits nous sont appliqués. Le Christ nous sauve chaque jour dans
les sacrements et à la messe ; par eux, il purifie sans cesse et
il consacre à Dieu toute l'humanité. Ces actes ont donc une
valeur " objective ", qui nous fait vraiment participer à la vie
divine de Jésus-Christ. C'est donc de la vertu divine, et non de
la nôtre, qu'ils tirent leur efficacité pour unir la piété
des membres à celle du Chef et en faire en quelque sorte une action
de toute la communauté. Certains concluent de ces profonds arguments
que toute la piété chrétienne doit se renfermer dans
le mystère du Corps mystique du Christ, sans aucune considération
" personnelle " ou " subjective " ; ils estiment donc qu'il faut négliger
les autres pratiques de religion non strictement liturgiques et accomplies
en dehors du culte public.
Bien que les
principes ci-dessus exposés soient excellents, tout le monde remarquera
pourtant que ces conclusions sur les deux sortes de piété
sont tout à fait fallacieuses, insidieuses et dommageables.
Nécessité de la piété subjective
Il est vrai
que les sacrements et le sacrifice de la messe ont une valeur intrinsèque
en tant qu'ils sont les actions du Christ lui-même ; c'est lui qui
communique la grâce divine de Chef et la diffuse dans les membres
du Corps mystique ; mais pour avoir l'efficacité requise, il est
absolument nécessaire que les âmes soient bien disposées.
Ainsi, à propos de l'Eucharistie, l'apôtre Paul nous dit :
" Que chacun s'éprouve soi-même, et qu'ainsi il mange de ce
pain et boive de ce calice " (I Co XI, 28). C'est pourquoi l'Église,
en termes expressifs et concis, nomme-t-elle " défense de la milice
chrétienne " (Missale Rom., Feria IV Cinerum : orat post imposit.
cinerum.) tous les exercices de purification de l'âme, surtout durant
le jeûne du carême ; ils représentent, en effet, les
efforts actifs des membres qui veulent, avec l'aide de la grâce,
adhérer à leur Chef, afin que, dit saint Augustin " la source
même de la grâce apparaisse dans notre Chef " (De praedestinatione
sanctorum, 31). Mais il faut remarquer que ce sont des membres vivants,
doués de raison et de volonté personnelles ; en approchant
leurs lèvres de la source, ils doivent donc nécessairement
s'emparer vitalement de l'aliment, se l'assimiler et écarter tout
ce qui pourrait en empêcher l'efficacité. Il faut donc affirmer
que l'œuvre rédemptrice, indépendante en soi de notre volonté,
requiert notre effort intérieur pour pouvoir nous conduire au salut
éternel.
Nécessité de la méditation et des pratiques de piété
Si la piété
privée et intérieure des individus négligeait le saint
sacrifice de la messe et les sacrements et se soustrayait à l'influx
salvifique qui émane du Chef dans les membres, ce serait évidemment
chose blâmable et stérile. Mais lorsque tous les exercices
de piété non strictement liturgiques ne visent l'activité
humaine que pour la diriger vers le Père des cieux, pour exciter
efficacement les hommes à la pénitence et à la crainte
de Dieu, pour les arracher à l'attrait du monde et des plaisirs,
et réussir à les conduire par un dur chemin au sommet de
la sainteté, alors ils ne méritent pas seulement Nos plus
grands éloges, mais ils s'imposent par une absolue nécessité,
car ils démasquent les écueils de la vie spirituelle, ils
nous poussent à l'acquisition des vertus et ils augmentent l'ardeur
avec laquelle nous devons nous consacrer entièrement au service
de Jésus-Christ. La piété authentique, que le docteur
angélique appelle " dévotion " et qui est l'acte principal
de la vertu de religion - acte qui met les hommes dans l'ordre, les oriente
vers Dieu et les fait s'adonner librement à tous les exercices du
culte divin (Cf. s. Thomas. Summa Theol., IIa IIae. q. 82, a. 1.) cette
piété authentique a besoin de la méditation des réalités
surnaturelles et des pratiques de piété pour s'alimenter,
s'enflammer, s'épanouir et nous pousser à la perfection.
Car une juste conception de la religion chrétienne réclame
qu'avant tout la volonté soit consacrée à Dieu et
qu'elle exerce son influence sur les autres facultés de l'âme.
Mais tout acte de volonté présuppose l'exercice de l'intelligence,
et avant même que naissent le désir et le projet de se consacrer
à Dieu dans le sacrifice de soi-même, il est nécessaire
de connaître les raisons et les motifs qui commandent la religion,
comme la fin dernière de l'homme et la grandeur de la majesté
divine, le devoir de se soumettre au Créateur, les inépuisables
trésors de l'amour dont Dieu a voulu nous enrichir, la nécessité
de la grâce pour atteindre le but assigné, et la voie spéciale
que la divine Providence a voulue pour nous, en nous unissant tous à
Jésus-Christ notre Chef, comme les membres d'un corps. Et parce
que les motifs de l'amour n'ont pas toujours de prise sur notre âme
agitée par les mauvaises passions, il est fort opportun que la considération
de la justice divine nous impressionne salutairement pour nous amener à
l'humilité chrétienne, à la pénitence et à
l'amendement.
Fruits concrets d'une vraie piété
Toutes ces
considérations ne doivent pas être un vain rappel, mais tendre
activement à soumettre nos sens et leurs facultés à
la raison illuminée par la foi, à purifier notre âme
pour l'unir chaque jour plus intimement au Christ, nous conformer toujours
plus à lui et puiser en lui l'inspiration et la force divine dont
elle a besoin, à être des stimulants toujours plus efficaces
au bien, à la fidélité au devoir d'état, à
la pratique de la religion, à l'exercice fervent de la vertu : "
Vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu " (cf.
I Co III, 23). Que tout soit donc bien ordonné et " théocentrique
", si nous voulons vraiment que tout soit dirigé à la gloire
de Dieu par la vie et la vertu qui nous viennent de notre divin Chef :
" Ainsi donc, Frères, puisque nous avons, par le sang de Jésus,
un libre accès dans le sanctuaire, par la voie nouvelle et vivante
qu'il a inaugurée pour nous à travers le voile, c'est-à-dire
à travers sa chair, et puisque nous avons un Grand Prêtre
établi sur la maison de Dieu, approchons-nous avec un cœur sincère,
dans la plénitude de la foi, le cœur purifié des souillures
d'une mauvaise conscience, et le corps lavé dans une eau pure. Restons
inébranlablement attachés à la profession de notre
espérance... Ayons l'œil ouvert les uns sur les autres pour nous
exciter à la charité et aux bonnes œuvres " (He X, 19-24).
Harmonie et équilibre entre les membres du Corps mystique
De là
résulte un harmonieux équilibre entre les membres du Corps
mystique de Jésus-Christ. En nous enseignant la foi catholique,
en nous exhortant à l'observation des commandements, l'Église
prépare la route à son action proprement sacerdotale et sanctifiante
; elle nous dispose à une contemplation plus intime de la vie du
divin Rédempteur et nous conduit à une connaissance plus
profonde des mystères de la foi, pour que nous y puisions une nourriture
surnaturelle dont la force nous permette, avec l'aide du Christ, de progresser
sûrement vers la perfection. Par ses ministres d'abord, mais aussi
par ses simples fidèles remplis de l'Esprit de Jésus-Christ,
l'Église cherche à faire pénétrer cet esprit
dans toute la vie privée, conjugale, sociale et même économique
et politique, afin que tous ceux qui portent le nom d'enfants de Dieu puissent
plus facilement atteindre leur fin.
Cette activité
privée des chrétiens et l'effort ascétique destiné
à purifier l'âme stimulent l'énergie des fidèles
et les disposent à participer dans de meilleures dispositions au
saint sacrifice de la messe, à recevoir les sacrements avec plus
de fruit, à célébrer les rites sacrés de façon
à en sortir plus généreux et plus forts pour la prière
et l'abnégation chrétienne, à répondre activement
aux inspirations de la grâce prévenante et à imiter
chaque jour davantage les vertus de notre Rédempteur ; ils ne seront
pas les seuls à en profiter, mais avec eux tout le corps de l'Église,
dans lequel tout le bien qui se fait dérive de la vertu du Chef
et sert finalement au bien de tous les membres.
Accord entre l'action divine et la coopération humaine
Il ne peut
donc y avoir dans la vie spirituelle, aucune opposition ou contradiction
entre l'action divine, qui infuse la grâce dans les âmes pour
continuer notre rédemption, et l'active coopération de l'homme
qui ne doit pas rendre vaine la grâce de Dieu (cf. II Co VI, 1) ;
entre l'efficacité du rite extérieur des sacrements, qui
provient de leur valeur intrinsèque ex opere operato et le mérite
de celui qui les administre ou les reçoit ex opere operantis ; entre
les prières privées et les prières publiques ; entre
la morale et la contemplation ; entre la vie ascétique et la piété
liturgique ; entre la juridiction et le magistère légitime
de la hiérarchie ecclésiastique, d'une part, et le pouvoir
sacerdotal proprement dit, qui s'exerce dans le saint ministère,
d'autre part.
Pour de graves
motifs, l'Église prescrit aux ministres de l'autel et aux religieux
de s'adonner, aux temps marqués, à la méditation,
à l'examen et amendement de la conscience, et aux autres exercices
spirituels (C.I.C., can. 125, 126, 565, 571, 595, 1367.), parce que destinés
d'une manière particulière à remplir les fonctions
liturgiques de la messe et de la louange divine. Sans doute la prière
liturgique, du fait qu'elle est la prière publique de l'épouse
de Jésus-Christ, a une dignité supérieure à
celle des prières privées ; mais cette supériorité
ne veut nullement dire qu'il y ait, entre ces deux sortes de prières,
contradiction ou opposition. Inspirées par un seul et même
esprit, elles tendent, ensemble et d'accord, au même but, jusqu'à
ce que le Christ soit formé en nous (cf. Gal., IV, 19), et devienne
" tout en tous " (Col., III, 11).
III. LA LITURGIE
EST RÉGLÉE PAR LA HIÉRARCHIE ECCLÉSIASTIQUE
La nature de l'Église exige une hiérarchie...
Pour mieux
comprendre ce qu'est la sainte liturgie, il faut encore considérer
un autre de ses caractères, qui n'est pas de moindre importance.
L'Église
est une société et, comme telle, elle requiert une autorité
et une hiérarchie propres. Si tous les membres du Corps mystique
participent aux mêmes biens et tendent aux mêmes fins, tous
ne jouissent pas pourtant du même pouvoir ni ne sont habilités
pour accomplir les mêmes actes. Le divin Rédempteur, en effet,
a voulu constituer son royaume et l'appuyer sur des fondements stables
selon l'ordre sacré, qui est une sorte d'image de la hiérarchie
céleste.
Aux seuls apôtres
et à ceux qui, après eux, ont reçu de leurs successeurs
l'imposition des mains, a été conféré le pouvoir
sacerdotal, en vertu duquel ils représentent leur peuple devant
Dieu de la même manière qu'ils représentent devant
leur peuple la personne de Jésus-Christ. Ce sacerdoce ne leur est
pas transmis par hérédité ni par descendance humaine
; il n'émane pas non plus de la communauté chrétienne
et il n'est pas une délégation du peuple. Avant de représenter
le peuple auprès de Dieu, le prêtre est l'envoyé du
divin Rédempteur, et parce que Jésus-Christ est la Tête
de ce Corps dont les chrétiens sont les membres, il représente
Dieu auprès du peuple dont il a la charge. Le pouvoir qui lui est
confié n'a donc, de sa nature, rien d'humain ; il est surnaturel
et il vient de Dieu : " Comme mon Père m'a envoyé, moi aussi
je vous envoie... (Jn, XX, 21) ; celui qui vous écoute m'écoute...
(Lc X, 16) ; allez dans le monde entier et prêchez l'Évangile
à toute créature : celui qui croira et sera baptisé
sera sauvé " (Mc XVI, 15-16).
... et donc un sacerdoce extérieur, visible...
C'est pourquoi
le sacerdoce extérieur et visible de Jésus-Christ ne se transmet
pas dans l'Église d'une manière universelle, générale
ou indéterminée : il est conféré à des
hommes choisis et constitue une sorte de génération spirituelle
que réalise l'un des sept sacrements, l'ordre ; celui-ci ne donne
pas seulement une grâce particulière propre à cet état
et à cette fonction, mais encore un " caractère " indélébile,
qui configure les ministres sacrés à Jésus-Christ
Prêtre et qui les rend aptes à exercer légitimement
les actes de religion ordonnés à la sanctification des hommes
et à la glorification de Dieu, suivant les exigences de l'économie
surnaturelle.
... consacré par le sacrement de l'ordre
En effet, de
même que le bain baptismal distingue tous les chrétiens et
les sépare de ceux que l'eau sainte n'a point purifiés et
qui ne sont point membres du Christ, de même le sacrement de l'ordre
range les prêtres à part des autres fidèles du Christ
qui n'ont point reçu ce don, car eux seuls, répondant à
l'appel d'une sorte d'instinct surnaturel, ont accédé à
l'auguste ministère qui les consacre au service des autels et fait
d'eux les divins instruments par lesquels la vie céleste et surnaturelle
est communiquée au Corps mystique de Jésus-Christ. Et, en
outre, comme Nous l'avons dit plus haut, eux seuls sont marqués
du caractère indélébile qui les fait " conformes "
au Christ Prêtre ; d'eux seuls les mains ont été consacrées,
" afin que tout ce qu'ils béniraient soit béni, et tout ce
qu'ils consacreraient soit consacré et sanctifié au nom de
Notre-Seigneur Jésus-Christ " (Pontif. Rom., De ordinatione presbyteri,
in manuum unctione.). Qu'à eux donc recourent tous ceux qui veulent
vivre dans le Christ, car c'est d'eux qu'ils recevront le réconfort
et l'aliment de la vie spirituelle ; d'eux ils recevront le remède
du salut, grâce auquel, guéris et fortifiés, ils pourront
échapper au désastre où mènent les vices ;
par eux, enfin, leur vie commune familiale sera bénie et consacrée,
et leur dernier souffle en cette vie mortelle deviendra l'entrée
dans la béatitude éternelle.
La liturgie dépend de l'autorité ecclésiastique
a. Par sa nature
même
Puisque la
liturgie sacrée est accomplie au premier chef par les prêtres
au nom de l'Église, son ordonnancement, sa réglementation
et sa forme ne peuvent pas ne pas dépendre de l'autorité
de l'Église. Ce principe, qui découle de la nature même
du culte chrétien, est confirmé par les documents de l'histoire.
b. Par ses
relations étroites avec le dogme
Ce droit indiscutable
de la hiérarchie ecclésiastique est corroboré encore
par le fait que la liturgie sacrée est en connexion intime avec
les principes doctrinaux qui sont enseignés par l'Église
comme points de vérité certaine, et par le fait qu'elle doit
être mise en conformité avec les préceptes de la foi
catholique édictés par le magistère suprême
pour assurer l'intégrité de la religion révélée
de Dieu.
A ce sujet,
Nous avons jugé devoir mettre en exacte lumière ceci, que
vous n'ignorez sans doute point, Vénérables Frères
: à savoir, l'erreur de ceux qui ont considéré la
liturgie comme une sorte d'expérience des vérités
à retenir comme de foi ; de façon que si une doctrine avait
produit, par le moyen des rites liturgiques, des fruits de piété
et de sanctification, l'Église l'approuverait, et qu'elle la réprouverait
dans le cas contraire. D'où proviendrait l'axiome : Lex orandi,
lex credendi ; " la règle de la prière est la règle
de la croyance ".
Mais ce n'est
point cela qu'enseigne, ce n'est point cela que prescrit l'Église.
Le culte qui est rendu par elle au Dieu très saint est, comme le
dit de façon expressive saint Augustin, une profession continue
de foi catholique et un exercice d'espérance et de charité
: Fide, spe, caritate colendum Deum, affirme-t-il. (Enchiridion. cap. 3.)
Dans la liturgie sacrée, nous professons la foi catholique expressément
et ouvertement, non seulement par la célébration des mystères,
l'accomplissement du sacrifice, l'administration des sacrements, mais aussi
en récitant ou chantant le " Symbole " de la foi, qui est comme
la marque distinctive des chrétiens, et de même en lisant
les autres textes, et surtout les Saintes Écritures inspirées
par l'Esprit-Saint. Toute la liturgie donc contient la foi catholique,
en tant qu'elle atteste publiquement la foi de l'Église.
C'est pourquoi,
chaque fois qu'il s'est agi de définir une vérité
divinement révélée, les souverains pontifes et les
conciles, lorsqu'ils puisaient aux " sources théologiques ", tirèrent
maint argument de cette discipline sacrée ; tel, par exemple, Notre
prédécesseur d'immortelle mémoire Pie IX, lorsqu'il
décréta l'Immaculée Conception de la Vierge Marie.
Et de même l'Église et les saints Pères, lorsqu'ils
discutaient de quelque vérité douteuse et controversée,
ne négligeaient pas de demander des éclaircissements aux
vénérables rites transmis depuis l'antiquité, de là
vient l'axiome connu et respectable : Legem credendi lex statuat supplicandi,
" que la règle de la prière fixe la règle de la croyance
" (De gratia Dei " Indiculus "). Ainsi, la sainte liturgie ne désigne
et n'établit point la foi catholique absolument et par sa propre
autorité, mais plutôt, étant une profession des vérités
célestes soumises au suprême magistère de l'Église,
elle peut fournir des arguments et des témoignages de grande valeur
pour décider d'un point particulier de la doctrine chrétienne.
Que si l'on veut discerner et déterminer d'une façon absolue
et générale les rapports entre la foi et la liturgie, on
peut dire à juste titre : Lex credendi legem statuat supplicandi,
" que la règle de la croyance fixe la règle de la prière
". Et il faut parler de même quand il s'agit des autres vertus théologales
: In... fide, spe, caritate continuato desiderio semper oramus, " nous,
prions toujours et avec une ardeur continue, dans la foi, l'espérance
et la charité " (S. Augustin, Epist. 130, ad Probam, 18.).
IV. PROGRÈS ET DÉVELOPPEMENT DE LA LITURGIE
De tout temps,
la hiérarchie ecclésiastique a usé de ce droit sur
les choses de la liturgie ; elle a organisé et réglé
le culte divin, rehaussant son éclat de dignité et de splendeurs
nouvelles, pour la gloire de Dieu et le profit spirituel des chrétiens.
Et, de plus, elle n'a pas hésité - tout en sauvegardant l'intégrité
substantielle du sacrifice eucharistique et des sacrements - à modifier
ce qu'elle jugeait n'être pas parfaitement convenable et à
ajouter ce qui lui paraissait plus apte à accroître l'honneur
rendu à Jésus-Christ et à l'auguste Trinité,
et à instruire et stimuler le peuple chrétien de façon
plus bienfaisante. (cf. Const. Divini cultus, du 20 décembre 1928.)
Éléments divins et éléments humains de la liturgie
En effet, la
sainte liturgie est formée d'éléments humains et d'éléments
divins ; ceux-ci, évidemment, ayant été établis
par le divin Rédempteur, ne peuvent en aucune façon être
changés par les hommes ; les premiers, au contraire, peuvent subir
des modifications diverses, selon que les nécessités des
temps, des choses et des âmes les demandent, et que la hiérarchie
ecclésiastique, forte de l'aide de l'Esprit-Saint, les aura approuvées.
De là vient l'admirable variété des rites orientaux
et occidentaux ; de là l'accroissement progressif par lequel des
coutumes cultuelles et des œuvres de piété particulières
se développent peu à peu, alors qu'on n'en trouvait qu'un
faible indice dans les âges antérieurs ; et de là vient
aussi parfois que telles pieuses institutions, que le temps avait effacées,
soient de nouveau remises en usage. Toutes ces transformations attestent
la vie permanente de l'Église à travers tant de siècles
; elles expriment le langage sacré qui, au cours des temps, s'est
échangé entre elle et son divin Époux, pour dire sa
foi et celle des peuples à elle confiés, et son amour inépuisable
; et elles montrent la sage pédagogie par laquelle elle excite et
augmente de jour en jour dans les croyants " le sens du Christ ".
Développement de certains éléments humains
Il y eut, certes,
bien des causes au progrès et au développement de la liturgie
sacrée tout au long de la glorieuse vie de l'Église.
a. Dû
à une formulation doctrinale plus précise
Ainsi, par
exemple, tandis que la doctrine catholique du Verbe de Dieu incarné,
du sacrement et du sacrifice de l'Eucharistie, de la Vierge Marie Mère
de Dieu, était déterminée de façon plus certaine
et plus exacte, de nouvelles formes rituelles furent introduites, par lesquelles
la lumière qui avait jailli plus éclatante des déclarations
du magistère ecclésiastique se trouva répétée
et comme reflétée de façon plus plénière
et plus juste dans les actions liturgiques, et put atteindre avec plus
de facilité l'esprit et le cœur du peuple chrétien.
b. Dû
à des modifications disciplinaires
Ensuite le
progrès de la discipline ecclésiastique dans l'administration
des sacrements, par exemple du sacrement de pénitence, et l'institution
puis la suppression du catéchuménat et encore la communion
eucharistique sous une seule espèce adoptée dans l'Église
latine, furent autant de causes qui, certainement, contribuèrent
à la transformation de l'ancien rite au cours des temps et à
l'introduction lente d'un rite nouveau, qui parut plus en accord avec les
réglementations par là impliquées.
c. Dû
aussi à des pratiques de piété extra-liturgiques
A ce progrès
et à cette transformation contribuèrent beaucoup des initiatives
de piété et des œuvres qui ne sont point en liaison intime
avec la liturgie sacrée et qui, nées dans les époques
suivantes par un admirable dessein de Dieu, prirent parmi le peuple une
si grande importance : tel, par exemple, le culte accru et chaque jour
plus attentif envers la divine Eucharistie, et de même envers les
cruelles souffrances de notre Rédempteur, envers le Sacré-Cœur
de Jésus, la Vierge Mère de Dieu et son très chaste
Époux.
A ces effets
eurent part aussi, au gré des circonstances, les pèlerinages
publics de piété au tombeau des martyrs, les jeûnes
de dévotion, enfin les prières stationales qui se célébraient
en esprit de pénitence dans la sainte cité et auxquelles
prenait part souvent le Souverain Pontife lui-même.
d. Dû
encore au développement des beaux-arts
Et il est facile
de comprendre que le développement des beaux-arts, surtout de l'architecture,
de la peinture et de la musique, influa considérablement sur la
détermination et les formes variées que reçurent les
éléments extérieurs de la liturgie sacrée.
L'Église
a usé de ce même droit sur les choses liturgiques pour défendre
la sainteté du culte divin contre les abus introduits avec témérité
et imprudence par des personnes privées et des Églises particulières.
Et c'est ainsi que, au XVIe siècle, les usages et coutumes de ce
genre s'étant accrus à l'excès, et les initiatives
privées en ces matières menaçant l'intégrité
de la foi et de la piété pour le plus grand profit des hérétiques
et de la propagation de leurs erreurs, Notre prédécesseur
d'immortelle mémoire Sixte-Quint établit en l'année
1588 la Sacrée Congrégation des Rites, afin de défendre
les rites légitimes de l'Église et d'en écarter tout
ce qui aurait été introduit d'impur (Const. Immensa, du 22
janvier 1588), à cette institution, de nos jours encore, il appartient,
de par la fonction qui lui est dévolue, d'ordonner et décréter
tout ce qui concerne la liturgie sacrée (C. I. C., can. 253).
V. CE PROGRÈS NE PEUT ÊTRE ABANDONNÉ A L'ARBITRAIRE DES PERSONNES PRIVÉES
C'est pourquoi
au seul Souverain Pontife appartient le droit de reconnaître et établir
tout usage concernant le culte divin, d'introduire et approuver de nouveaux
rites, de modifier ceux mêmes qu'il aurait jugés immuables
(cf. C. I. C., can. 1257) ; le droit et le devoir des évêques
est de veiller diligemment à l'exacte observation des préceptes
des saints canons sur le culte divin (cf. C. I. C. can. 1261). Il n'est
donc pas permis de laisser à l'arbitraire des personnes privées,
fussent-elles de l'ordre du clergé, les choses saintes et vénérables
qui touchent la vie religieuse de la société chrétienne,
et de même l'exercice du sacerdoce de Jésus-Christ et le culte
divin, l'honneur qui doit être rendu à la très sainte
Trinité, au Verbe incarné, à son auguste Mère,
et aux autres habitants du ciel, et le salut des hommes. Pour cette raison,
aucune personne privée n'a le pouvoir de réglementer les
actions extérieures de cette espèce, qui sont au plus haut
point liées avec la discipline ecclésiastique et avec l'ordre,
l'unité et la concorde du Corps mystique, et qui, plus est, fréquemment
avec l'intégrité de la foi catholique elle-même.
Quelques abus téméraires
L'Église,
sans doute, est un organisme vivant, donc, même en ce qui regarde
la liturgie sacrée elle croît, se développe, évolue,
et s'accommode aux formes que requièrent les nécessités
et les circonstances au cours des temps, pourvu que soit sauvegardée
l'intégrité de la doctrine. Néanmoins, il faut réprouver
l'audace tout à fait téméraire de ceux qui, de propos
délibéré, introduisent de nouvelles coutumes liturgiques
ou font revivre des rites périmés, en désaccord avec
les lois et rubriques maintenant en vigueur. Or, Nous avons appris avec
grande douleur, Vénérables Frères, que cela se produisait,
et en des choses, non seulement de faible, mais aussi de très grave
importance ; il en est, en effet, qui dans la célébration
de l'auguste sacrifice eucharistique, se servent de la langue vulgaire,
qui transfèrent à d'autres époques des jours de fête
- lesquels avaient été décrétés et établis
après mûre délibération - qui enfin suppriment
des livres de la prière publique approuvés par l'Église
les textes sacrés de l'Ancien Testament, parce qu'ils les jugent
insuffisamment adaptés à notre temps et inopportuns.
L'emploi de
la langue latine, en usage dans une grande partie de l'Église, est
un signe d'unité manifeste et éclatant, et une protection
efficace contre toute corruption de la doctrine originale. Dans bien des
rites cependant, se servir du langage vulgaire peut être très
profitable au peuple : mais c'est au seul Siège apostolique qu'il
appartient de le concéder ; et sans son avis et son approbation,
il est absolument interdit de rien faire en ce genre, car, comme Nous l'avons
dit, la réglementation de la sainte liturgie dépend entièrement
de son appréciation et de sa volonté.
Attachement exagéré aux rites anciens
Il faut juger
de même des efforts de certains pour remettre en usage d'anciens
rites et cérémonies. Sans doute, la liturgie de l'antiquité
est-elle digne de vénération ; pourtant, un usage ancien
ne doit pas être considéré, à raison de son
seul parfum d'antiquité, comme plus convenable et meilleur, soit
en lui-même, soit quant à ses effets et aux conditions nouvelles
des temps et des choses. Les rites liturgiques plus récents eux
aussi, sont dignes d'être honorés et observés, puisqu'ils
sont nés sous l'inspiration de l'Esprit-Saint, qui assiste l'Église
à toutes les époques jusqu'à la consommation des siècles
(cf. Mt, XXVIII, 20) ; et ils font partie du trésor dont se sert
l'insigne Épouse du Christ pour provoquer et procurer la sainteté
des hommes.
Revenir par
l'esprit et le cœur aux sources de la liturgie sacrée est chose
certes sage et louable, car l'étude de cette discipline, en remontant
à ses origines, est d'une utilité considérable pour
pénétrer avec plus de profondeur et de soin la signification
des jours de fêtes, le sens des formules en usage et des cérémonies
sacrées ; mais il n'est pas sage ni louable de tout ramener en toute
manière à l'antiquité. De sorte que, par exemple,
ce serait sortir de la voie droite de vouloir rendre à l'autel sa
forme primitive de table, de vouloir supprimer radicalement des couleurs
liturgiques le noir, d'exclure des églises les images saintes et
les statues, de faire représenter le divin Rédempteur sur
la croix de telle façon que n'apparaissent point les souffrances
aiguës qu'il a endurées, de répudier et rejeter enfin
les chants polyphoniques ou à plusieurs voix, même s'ils se
conforment aux normes données par le Siège apostolique.
Archéologisme excessif
De même,
en effet, qu'aucun catholique sérieux ne peut, dans le but de revenir
aux anciennes formules employées par les premiers conciles, écarter
les expressions de la doctrine chrétienne que l'Église, sous
l'inspiration et la conduite du divin Esprit, a dans des âges plus
récents élaborées et décrété
devoir être tenues, avec grand profit pour les âmes ; et qu'aucun
catholique sérieux ne peut écarter les lois en vigueur pour
revenir aux prescriptions des sources anciennes du Droit canonique, de
même, quand il s'agit de liturgie sacrée, quiconque voudrait
revenir aux antiques rites et coutumes, en rejetant les normes introduites
sous l'action de la Providence, à raison du changement des circonstances,
celui-là évidemment, ne serait point mû par une sollicitude
sage et juste.
Une telle façon
de penser et d'agir ferait revivre cette excessive et malsaine passion
des choses anciennes qu'excitait le concile illégitime de Pistoie,
et réveillerait les multiples erreurs qui furent à l'origine
de ce faux concile et qui en résultèrent, pour le grand dommage
des âmes, erreurs que l'Église, gardienne toujours vigilante
du " dépôt de la foi " à elle confié par son
divin Fondateur, a réprouvées à bon droit (cf. Pie
VI, Const. Auctorem fidei, du 28 août 1794, nn. XXXI-XXXIV, XXXIX,
LXII, LXVI, LXIX-LXXIV.). Car des desseins et des initiatives de ce genre
tendent à ôter toute force et toute efficacité à
l'action sanctificatrice, par laquelle la liturgie sacrée oriente,
pour leur salut, vers le Père céleste les fils de l'adoption.
Que tout se
fasse donc de telle façon que soit sauvegardée l'union avec
la hiérarchie ecclésiastique. Que personne ne s'arroge la
liberté de se donner à soi-même des règles,
et de les imposer aux autres de son propre chef. Seul le Souverain Pontife,
comme successeur du bienheureux Pierre à qui le divin Rédempteur
a confié le soin de paître le troupeau universel (Jn XXI,
15-17), et avec lui les évêques, que " l'Esprit-Saint a placés...
pour régir l'Église de Dieu " (Act XX, 28) sous la conduite
du Siège apostolique, ont le droit et le devoir de gouverner le
peuple chrétien. C'est pourquoi, Vénérables Frères,
chaque fois que vous défendez votre autorité - et avec une
sévérité salutaire s'il le faut - non seulement vous
remplissez la fonction de votre charge, mais vous faites respecter la volonté
même du Fondateur de l'Église.
II
LE CULTE EUCHARISTIQUE
I. NATURE DU SACRIFICE EUCHARISTIQUE
Le point culminant
et comme le centre de la religion chrétienne est le mystère
de la très sainte Eucharistie que le Christ, Souverain Prêtre,
a instituée, et qu'il veut voir perpétuellement renouvelé
dans l'Église par ses ministres. Comme il s'agit de la matière
principale de la liturgie, Nous estimons utile de Nous y attarder quelque
peu et d'attirer votre attention, Vénérables Frères,
sur ce sujet très important.
Le Christ,
notre Seigneur, " prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech
" (Ps CIX, 4), " ayant aimé les siens qui étaient dans le
monde " (Jn XIII, 1), " durant la dernière Cène, la nuit
où il fut trahi, voulut, comme l'exige la nature humaine, laisser
à l'Église, son Épouse bien-aimée, un sacrifice
visible, pour représenter le sacrifice sanglant qui devait s'accomplir
une fois seulement sur la croix, afin donc que son souvenir demeurât
jusqu'à la fin des siècles et que la vertu en fût appliquée
à la rémission de nos péchés de chaque jour...
Il offrit à Dieu son Père son corps et son sang sous les
apparences du pain et du vin, symboles sous lesquels il les fit prendre
aux apôtres, qu'il constitua alors prêtres du Nouveau Testament,
et il ordonna, à eux et à leurs successeurs, de l'offrir
" (Conc. Trid., Sess. XXII, cap. 1).
Il est un véritable renouvellement du sacrifice de la croix
Le saint sacrifice
de l'autel n'est donc pas une pure et simple commémoration des souffrances
et de la mort de Jésus-Christ, mais un vrai sacrifice, au sens propre,
dans lequel, par une immolation non sanglante, le Souverain Prêtre
fait ce qu'il a fait sur la croix, en s'offrant lui-même au Père
éternel comme une hostie très agréable. " La victime
est la même ; celui qui maintenant offre par le ministère
des prêtres est celui qui s'offrit alors sur la croix ; seule la
manière d'offrir diffère ". (Ibid. cap. 2)
a. Prêtre
identique
C'est donc
le même prêtre, Jésus-Christ, mais dont la personne
sacrée est représentée par son ministre, celui-ci,
en effet, par la consécration sacerdotale qu'il a reçue,
est assimilé au Souverain Prêtre et jouit du pouvoir d'agir
avec la puissance et au nom du Christ lui-même (Cf. S. Thomas, Summa
theol. IIIa, q. 22, a. 4.). C'est pourquoi par son action sacerdotale,
d'une certaine manière, " il prête sa langue au Christ, il
lui offre sa main ". (Jean Chrysostome, In Ioann. Hom., 86, 4.)
b. Victime
identique
La victime
est également la même, à savoir le divin Rédempteur,
selon sa nature humaine et dans la vérité de son corps et
de son sang. La manière dont le Christ est offert est cependant
différente. Sur la croix, en effet, il offrit à Dieu tout
lui-même et ses douleurs, et l'immolation de la victime fut réalisée
par une mort sanglante subie librement. Sur l'autel, au contraire, à
cause de l'état glorieux de sa nature humaine, " la mort n'a plus
d'empire sur lui " (Rm VI, 9), et, par conséquent, l'effusion du
sang n'est plus possible ; mais la divine sagesse a trouvé un moyen
admirable de rendre manifeste le sacrifice de notre Rédempteur par
des signes extérieurs, symboles de mort. En effet, par le moyen
de la transsubstantiation du pain au corps et du vin au sang du Christ,
son corps se trouve réellement présent, de même que
son sang, et les espèces eucharistiques, sous lesquelles il se trouve,
symbolisent la séparation violente du corps et du sang. Ainsi le
souvenir de sa mort réelle sur le Calvaire est renouvelé
dans tout sacrifice de l'autel, car la séparation des symboles indique
clairement que Jésus-Christ est en état de victime.
c. Fins identiques
Les buts visés
enfin, sont les mêmes. Le premier est la glorification du Père
céleste. De son berceau jusqu'à la mort, Jésus-Christ
fut enflammé du désir de procurer la gloire de Dieu ; de
la croix au ciel, l'offrande de son sang s'éleva comme un parfum
délectable, et pour que cet hommage ne cesse jamais, les membres
s'unissent à leur Chef divin dans le sacrifice eucharistique, et
avec lui, unis aux anges et aux archanges, ils adressent en chœur à
Dieu de continuels hommages (cf. Missale Rom., Praefatio), rapportant au
Père tout-puissant tout honneur et toute gloire (Ibid., Canon).
Le second but
poursuivi est de rendre à Dieu les grâces qui lui sont dues.
Seul le divin Rédempteur, en tant que Fils bien-aimé du Père
éternel, dont il connaissait l'immense amour, put lui offrir un
digne chant d'action de grâces. C'est ce qu'il visa, ce qu'il voulut,
" en rendant grâces " (Mc XIV, 23) à la dernière Cène.
Et il ne cessa de le faire lorsqu'il était suspendu à la
croix ; il ne le cesse pas dans le saint sacrifice de l'autel, dont le
sens est " action de grâces " ou action " eucharistique ", et ceci
parce que " c'est vraiment digne et juste, équitable et salutaire
" (Missale Rom., Praefatio).
En troisième
lieu, le sacrifice se propose un but d'expiation, de propitiation et de
réconciliation. Aucun autre que le Christ ne pouvait assurément
offrir à Dieu satisfaction pour toutes les fautes du genre humain
; aussi voulut-il être immolé lui-même sur la croix
" en propitiation pour nos péchés, et non seulement pour
les nôtres, mais pour ceux du monde entier " (I Jn, II, 2). De la
même manière, il s'offre tous les jours sur les autels pour
notre rédemption, afin qu'arrachés à la damnation
éternelle nous soyons inscrits au nombre de ses élus. Et
cela non seulement pour nous qui jouissons de cette vie mortelle, mais
aussi " pour tous ceux qui reposent dans le Christ, qui nous ont précédés
avec le signe de la foi, et qui dorment du sommeil de la paix " (Missale
Rom., Canon) ; en effet, soit que nous vivions, soit que nous mourions,
" nous ne nous éloignons pas du seul et unique Christ " (S. Augustin,
De Trinit., lib. XIII, c. 19).
En quatrième
lieu, enfin, il y a un but impétratoire. L'homme enfant prodigue,
a mal usé de tous les biens reçus du Père céleste,
et les a dissipés ; aussi se trouve-t-il réduit à
un état de très grande pauvreté et de très
grande souillure. Cependant, du haut de la croix, le Christ " offrant avec
un grand cri et des larmes... ses prières et ses supplications...
fut exaucé à cause de sa piété " (He, V, 7).
Semblablement, sur les saints autels il exerce la même médiation
efficace, afin que nous soyons comblés de toute bénédiction
et de toute grâce.
Valeur infinie du divin sacrifice
Il est donc
facile de comprendre pourquoi le saint concile de Trente affirme que la
vertu salutaire de la croix nous est communiquée par le sacrifice
eucharistique pour la rémission de nos péchés quotidiens
(cf. Sess. XXII, cap. 1). L'apôtre des Gentils, en proclamant la
surabondante plénitude et perfection du sacrifice de la croix, a
déclaré que le Christ, par une seule oblation, a rendu parfaits
à jamais tous les sanctifiés (cf. He X, 14). De fait, les
mérites de ce sacrifice, infinis et sans mesure, n'ont pas de limites
: ils s'étendent à l'universalité des hommes de tous
les lieux et de tous les temps, parce que l'Homme-Dieu en est le Prêtre
et la Victime ; parce que son immolation, comme son obéissance à
la volonté du Père éternel, fut absolument parfaite,
et parce qu'il a voulu mourir comme Chef du genre humain : " Vois comment
fut traité notre rachat : le Christ pend au bois, vois à
quel prix il a acheté... il a versé son sang, il a acheté
avec son sang, il a acheté avec le sang de l'Agneau immaculé,
avec le sang du Fils unique de Dieu... L'acheteur est le Christ, le prix,
le sang ; l'achat, le monde entier " (S. Augustin, Enarr. in Ps. CXLVII,
n. 16).
Ce rachat,
cependant, n'atteint pas aussitôt son plein effet : il faut que le
Christ, après avoir racheté le monde au prix très
précieux de lui-même, entre effectivement en possession réelle
des âmes des hommes. Aussi, pour que leur rédemption et leur
salut, en ce qui concerne les individus et toutes les générations
qui se succéderont jusqu'à la fin des siècles, se
réalisent et soient agréés de Dieu, il faut absolument
que chaque homme en particulier entre en contact vital avec le sacrifice
de la croix, et donc que les mérites qui en découlent lui
soient transmis. On peut dire d'une certaine manière que sur le
Calvaire le Christ a établi une piscine d'expiation et de salut,
qu'il a remplie de son sang répandu, mais si les hommes ne se plongent
pas dans ses eaux et n'y lavent les taches de leurs fautes, ils ne peuvent
assurément obtenir purification ni salut.
Mais la collaboration des fidèles est nécessaire
Afin donc que
chaque pécheur soit blanchi dans le sang de l'Agneau, les chrétiens
doivent nécessairement associer leur travail à celui du Christ.
Si, parlant en général, on peut dire, en effet, que le Christ
a réconcilié, avec son Père par sa mort sanglante,
tout le genre humain, il a voulu cependant que, pour obtenir les fruits
salutaires produits par lui sur la croix, tous fussent conduits et amenés
à sa croix, par les sacrements principalement et par le sacrifice
eucharistique. Dans cette participation actuelle et personnelle, de même
que les membres prennent chaque jour une ressemblance plus grande avec
leur divin Chef, de même la vie salutaire découlant du Chef
est communiquée aux membres, si bien que nous pouvons répéter
les paroles de saint Paul : " Je suis attaché à la croix
avec le Christ, et ce n'est plus moi qui vis, mais c'est le Christ qui
vit en moi " (Gal II, 19-20).
Comme Nous l'avons déjà dit en une autre occasion d'une façon expresse et concise, " Jésus-Christ en mourant sur la croix donna à son Église, sans aucune coopération de la part de celle-ci, l'immense trésor de la Rédemption ; mais quand il s'agit de distribuer ce trésor, non seulement il partage avec son Épouse immaculée cette œuvre de sanctification, mais il veut encore qu'elle naisse en quelque sorte de sa propre activité " (Lettre encycl. Mystici Corporis, du 29 juin 1943).
Or, le saint
sacrifice de l'autel est comme l'instrument par excellence par lequel les
mérites venant de la croix du divin Rédempteur sont distribués
: " Toutes les fois que le souvenir de ce sacrifice est célébré,
l'œuvre de notre Rédemption s'accomplit " (Missale Rom., Secreta
Dom. IX post Pentec.). Celui-ci, cependant, bien loin de diminuer la dignité
du sacrifice sanglant, en fait plutôt connaître davantage et
en rend plus évidentes la grandeur et la nécessité
comme l'affirme le concile de Trente (cf. Conc. Trid., Sess. XXII, cap.
2 et can. 4).
Renouvelé
tous les jours, il nous rappelle qu'il n'y a pas de salut hors de la croix
de Notre- Seigneur Jésus-Christ (cf. Ga VI, 14) ; et que Dieu lui-même
tient à la continuation de ce sacrifice " de l'aurore au coucher
du soleil " (Mal. I, 11) pour que jamais ne cesse l'hymne de gloire et
d'action de grâces dû par les hommes à leur Créateur,
car ils ont perpétuellement besoin de son secours, besoin aussi
du sang du Rédempteur pour effacer des péchés qui
provoquent sa justice.
II. - PARTICIPATION
DES FIDÈLES AU SACRIFICE EUCHARISTIQUE
Participation, mais non pouvoirs sacerdotaux
Il est donc
nécessaire, Vénérables Frères, que tous les
chrétiens considèrent comme un devoir principal et un honneur
suprême de participer au sacrifice eucharistique, et cela, non d'une
manière passive et négligente et en pensant à autre
chose, mais avec une attention et une ferveur qui les unissent étroitement
au Souverain Prêtre, selon la parole de l'Apôtre : " Ayez en
vous les sentiments qui étaient dans le Christ-Jésus " (Ph
II, 5) offrant avec lui et par lui, se sanctifiant en lui.
Assurément
le Christ est prêtre, mais il est prêtre pour nous, non pour
lui, car il présente au Père éternel des prières
et des sentiments religieux au nom du genre humain tout entier, de même
il est victime, mais pour nous, puisqu'il se met lui-même à
la place de l'homme coupable. Le mot de l'Apôtre : " Ayez en vous
les sentiments qui étaient dans le Christ Jésus ", demande
donc de tous les chrétiens qu'ils reproduisent, autant qu'il est
humainement possible, les sentiments dont était animé le
divin Rédempteur lorsqu'il offrait le sacrifice de lui-même,
c'est-à-dire qu'ils reproduisent son humble soumission d'esprit,
qu'ils adorent, honorent, louent et remercient la souveraine majesté
de Dieu. Il demande encore d'eux-mêmes qu'ils prennent en quelque
sorte la condition de victime, qu'ils se soumettent complètement
aux préceptes de l'Évangile, qu'ils s'adonnent spontanément
et volontiers à la pénitence, et que chacun déteste
et expie ses fautes. Il demande enfin que tous avec le Christ nous mourions
mystiquement sur la croix, de manière à pouvoir faire nôtre
la pensée de saint Paul : " Je suis crucifié avec le Christ
" (Ga II, 19). Du fait cependant que les chrétiens participent au
sacrifice eucharistique, il ne s'ensuit pas qu'ils jouissent également
du pouvoir sacerdotal. Il est absolument nécessaire que vous exposiez
cela clairement aux yeux de vos fidèles.
Il y a en effet,
Vénérables Frères, des gens qui, se rapprochant d'erreurs
jadis condamnées (cf. Conc. Trid., Sess. XXIII, cap. 4), enseignent
aujourd'hui que dans le Nouveau Testament, le mot " sacerdoce " désigne
uniquement les prérogatives de quiconque a été purifié
dans le bain sacré du baptême ; de même, disent-ils,
le précepte de faire ce qu'il avait fait, donné par Jésus-Christ
à ses apôtres durant la dernière Cène, vise
directement toute l'Église des chrétiens, et c'est par conséquent
plus tard seulement qu'on en est arrivé au sacerdoce hiérarchique.
C'est pourquoi, ils prétendent que le peuple jouit d'un véritable
pouvoir sacerdotal, et que le prêtre agit seulement comme un fonctionnaire
délégué par la communauté. A cause de cela,
ils estiment que le sacrifice eucharistique est au sens propre une " concélébration
", et que les prêtres devraient " concélébrer " avec
le peuple présent, plutôt que d'offrir le sacrifice en particulier
en l'absence du peuple.
Combien des
erreurs captieuses de ce genre contredisent aux vérités que
Nous avons affirmées plus haut, en traitant de la place que tient
le prêtre dans le Corps mystique du Christ, il est superflu de l'expliquer.
Nous estimons cependant devoir rappeler que le prêtre remplace le
peuple uniquement parce qu'il représente la personne de Notre-Seigneur
Jésus-Christ en tant que Chef de tous les membres s'offrant lui-même
pour eux ; quand il s'approche de l'autel, c'est donc en tant que ministre
du Christ, inférieur au Christ, mais supérieur au peuple
(cf. S. Robert Bellarmin, De Missa, II, cap. 4). Le peuple, au contraire,
ne jouant nullement le rôle du divin Rédempteur, et n'étant
pas conciliateur entre lui-même et Dieu, ne peut en aucune manière
jouir du droit sacerdotal.
1. Participation en tant qu'ils l'offrent avec le prêtre
Ces vérités
sont de foi certaine ; les fidèles cependant offrent, eux aussi
la divine Victime, mais d'une manière différente.
a. Ceci est
affirmé par l'Église
Ceci a déjà
été très clairement affirmé par certains de
Nos prédécesseurs et par les docteurs de l'Église.
" Non seulement - ainsi parle Innocent III, d'immortelle mémoire
- les prêtres offrent, mais aussi tous les fidèles, car ce
qui s'accomplit d'une manière spéciale par le ministère
des prêtres se fait d'une manière universelle par le vœu des
fidèles " (De Sacro Altaris Mysterio, III, 6), Et Nous aimons à
citer en cette matière au moins une affirmation de saint Robert
Bellarmin, prise entre beaucoup d'autres : " Le sacrifice, dit-il, est
offert principalement dans la personne du Christ. C'est pourquoi l'offrande
qui suit la consécration atteste en quelque sorte que toute l'Église
consent à l'oblation faite par le Christ et offre avec lui " (De
Missa, I, cap. 27).
b. Ceci est
exprimé par les rites eux-mêmes
Les rites et
les prières du sacrifice eucharistique n'expriment et ne manifestent
pas moins clairement que l'oblation de la victime est faite par les prêtres
en même temps que par le peuple. Non seulement, en effet, après
l'offrande du pain et du vin, le ministre du sacrifice, tourné vers
le peuple, dit expressément : " Priez, mes frères, pour que
mon sacrifice qui est aussi le vôtre, trouve accès près
de Dieu, le Père tout-puissant " (Missale Rom., Ordo Missae), mais
en outre, les prières par lesquelles la divine hostie est offerte
à Dieu sont formulées, la plupart du temps, au pluriel, et
il y est plus d'une fois indiqué que le peuple, lui aussi, prend
part à cet auguste sacrifice en tant qu'il l'offre. On y trouve
ceci, par exemple : " Pour lesquels nous t'offrons, ou qui t'offrent...
Nous vous prions donc, Seigneur, d'accueillir d'un cœur apaisé cette
offrande de vos serviteurs et de toute votre famille... Nous, vos serviteurs,
ainsi que votre peuple saint, nous offrons à votre glorieuse Majesté
ce que vous-même nous avez donné et nous donnez, l'hostie
pure, l'hostie sainte, l'hostie immaculée " (Ibid., Canon Missae).
Et il n'est
pas étonnant que les chrétiens soient élevés
à cette dignité. Par le bain du baptême, en effet,
les chrétiens deviennent à titre commun membres dans le corps
du Christ-prêtre, et par le " caractère " qui est en quelque
sorte gravé en leur âme, ils sont délégués
au culte divin : ils ont donc part, selon leur condition, au sacerdoce
du Christ lui-même.
c. Offrande
du pain et du vin faite par les fidèles
De tout temps,
dans l'Église catholique, la raison humaine, éclairée
par la foi, s'efforce d'atteindre à une connaissance aussi grande
que possible des choses divines. C'est pourquoi il convient que le peuple
chrétien cherche avec amour en quel sens il est dit dans le canon
du sacrifice eucharistique qu'il offre lui aussi. Afin donc de satisfaire
à ce pieux désir, nous aimons à traiter ici le sujet
brièvement.
Il y a d'abord
des raisons plus éloignées : souvent, par exemple, les chrétiens
assistant aux cérémonies répondent aux prières
du prêtre ; de même, parfois - ce qui arrivait jadis plus souvent
- ils offrent aux ministres de l'autel le pain et le vin pour qu'ils deviennent
le corps et le sang du Christ ; l'aumône, enfin, qu'ils donnent au
prêtre a pour but de faire offrir la divine victime pour eux-mêmes.
Mais il y a
aussi une raison profonde pour laquelle on dit que tous les chrétiens,
surtout ceux qui y assistent, offrent le sacrifice.
d. Sacrifice
offert par les fidèles
Pour ne pas
faire naître en cette matière très importante d'erreurs
pernicieuses, il faut préciser avec exactitude le sens du mot "
offrir ". L'immolation non sanglante par le moyen de laquelle, après
les paroles de la consécration, le Christ est rendu présent
sur l'autel en état de victime, est accomplie par le seul prêtre
en tant qu'il représente la personne du Christ, non en tant qu'il
représente la personne des fidèles. Mais par le fait que
le prêtre pose la divine victime sur l'autel, il la présente
à Dieu le Père en tant qu'offrande, pour la gloire de la
très sainte Trinité et le bien de toute l'Église.
Or, cette oblation au sens restreint, les chrétiens y prennent part
à leur manière et d'une double façon, non seulement
parce qu'ils offrent le sacrifice par les mains du prêtre, mais aussi
parce qu'ils l'offrent avec lui en quelque sorte, et cette participation
fait que l'offrande du peuple se rattache au culte liturgique lui-même.
Que les fidèles,
par les mains du prêtre, offrent le sacrifice, cela ressort avec
évidence du fait que le ministre de l'autel représente le
Christ en tant que chef offrant au nom de tous ses membres ; c'est pourquoi
l'Église universelle est dite, à bon droit, présenter
par le Christ l'offrande de la victime. Si le peuple offre en même
temps que le prêtre, ce n'est pas que les membres de l'Église
accomplissent le rite liturgique visible de la même manière
que le prêtre lui-même, ce qui revient au seul ministre délégué
par Dieu pour cela, mais parce qu'il unit ses vœux de louange, d'impétration,
d'expiation et d'action de grâces aux vœux ou intentions mentales
du prêtre, et même du Souverain Prêtre, afin de les présenter
à Dieu le Père dans le rite extérieur même du
prêtre offrant la victime. Le rite extérieur du sacrifice,
en effet, doit nécessairement, par sa nature, manifester le culte
intérieur ; or, le sacrifice de la loi nouvelle signifie l'hommage
suprême par lequel le principal offrant, qui est le Christ, et avec
lui et par lui tous ses membres mystiques, rendent à Dieu l'honneur
et le respect qui lui sont dus.
Nous avons
appris avec grande joie que, surtout en ces derniers temps, par suite de
l'étude plus poussée que beaucoup ont faite des questions
liturgiques, cette doctrine a été mise en pleine lumière.
Nous ne pouvons cependant ne pas déplorer vivement les exagérations
et les excès qui ne concordent pas avec les véritables enseignements
de l'Église.
Certains, en
effet, réprouvent complètement les messes qui sont offertes
en privé et sans assistance, comme éloignées de l'antique
manière de célébrer ; quelques-uns même affirment
que les prêtres ne peuvent en même temps offrir la divine hostie
sur plusieurs autels parce que par cette manière de faire ils divisent
la communauté et mettent son unité en péril ; on va
parfois jusqu'à estimer que le peuple doit confirmer et agréer
le sacrifice pour que celui-ci obtienne sa valeur et son efficacité.
On en appelle
à tort, en la matière, à la nature sociale du sacrifice
eucharistique. Toutes les fois, en effet, que le prêtre renouvelle
ce que le divin Rédempteur accomplit à la dernière
Cène, le sacrifice est vraiment consommé, et ce sacrifice,
partout et toujours, d'une façon nécessaire et par sa nature,
a un rôle public et social, puisque celui qui l'immole agit au nom
du Christ et des chrétiens dont le divin Rédempteur est le
chef, l'offrant à Dieu pour la sainte Église catholique,
pour les vivants et les défunts (Missale Rom., Canon Missae). Et
ceci se réalise sans aucun doute, soit que les fidèles y
assistent - et Nous désirons et recommandons qu'ils y soient présents
très nombreux et très fervents - soit qu'ils n'y assistent
pas, n'étant en aucune manière requis que le peuple ratifie
ce que fait le ministre sacré.
De l'exposé
précédent, il résulte clairement que la messe est
offerte au nom du Christ et de l'Église, et que le sacrifice eucharistique
ne serait pas privé de ses fruits, même sociaux, si le prêtre
célébrait sans la présence d'aucun acolyte ; néanmoins,
à cause de la dignité d'un si grand mystère, Nous
voulons et exigeons que - conformément aux ordonnances constantes
de notre Mère l'Église - aucun prêtre ne monte à
l'autel s'il n'a un ministre pour le servir et lui répondre, selon
la prescription du canon 813.
2. Participation en tant qu'ils doivent s'offrir eux-mêmes comme victimes
Pour que l'oblation,
par laquelle dans ce sacrifice ils offrent au Père céleste
la divine victime, obtienne son plein effet, il faut encore que les chrétiens
ajoutent quelque chose : ils doivent s'immoler eux-mêmes en victimes.
Cette immolation ne se réduit pas seulement au sacrifice liturgique.
Parce que nous sommes édifiés sur le Christ comme des pierres
vivantes, le prince des apôtres veut, en effet, que nous puissions,
comme " sacerdoce saint, offrir des victimes spirituelles agréables
à Dieu par Jésus-Christ " (I Pierre, II, 5) ; et l'apôtre
Paul, parlant pour tous les temps, exhorte les fidèles en ces termes
: " Je vous conjure donc, mes frères... d'offrir vos corps en hostie
vivante, sainte, agréable à Dieu : c'est là le culte
spirituel que vous lui devez " (Rm XII, 1). Mais lorsque les fidèles
participent à l'action liturgique avec tant de piété
et d'attention qu'on peut dire d'eux : " Dont la foi et la dévotion
te sont connues " (Missale Rom., Canon Missae), alors il est impossible
que leur foi à chacun n'agisse avec plus d'ardeur par la charité,
que leur piété ne se fortifie et ne s'enflamme, qu'ils ne
se consacrent, tous et chacun, à procurer la gloire de Dieu et,
dans leur ardent désir de se rendre étroitement semblables
à Jésus-Christ qui a souffert de très cruelles douleurs,
il est impossible qu'ils ne s'offrent avec et par le souverain Prêtre,
comme une hostie spirituelle.
a. En purifiant
leur âme
Ceci est également
enseigné dans les exhortations que l'évêque, au nom
de l'Église, adresse aux ministres sacrés le jour où
il les consacre : " Rendez-vous compte de ce que vous accomplissez, imitez
ce que vous faites et en célébrant le mystère de la
mort du Seigneur faites mourir complètement en vos membres les vices
et les concupiscences " (Pontif Rom., De Ordinatione presbyteri). C'est
presque dans les mêmes termes que, dans les livres liturgiques, les
chrétiens qui s'approchent de l'autel sont invités à
participer aux cérémonies : " Que sur cet autel soit honorée
l'innocence, immolé l'orgueil, étouffée la colère
; que la luxure et tout dérèglement soient frappés
à mort ; qu'en guise de tourterelles soit offert le sacrifice de
la chasteté, et au lieu des petits de colombe, le sacrifice de l'innocence
" (Ibidem, De altaris consecrat., Praefatio) . Lorsque nous sommes à
l'autel, nous devons donc transformer notre âme, tout ce qui est
péché en elle doit être complètement étouffé,
tout ce qui, par le Christ, engendre la vie surnaturelle doit être
vigoureusement restauré et fortifié, si bien que nous devenions,
avec l'Hostie immaculée, une seule victime agréable au Père
éternel.
La sainte Église
s'efforce, par les préceptes de la sainte liturgie d'obtenir la
réalisation de cette très sainte intention de la manière
la plus adaptée. A cela, en effet, visent non seulement les lectures,
les homélies et les autres discours des ministres sacrés,
et tout le cycle des mystères qui sont proposés à
notre mémoire tout au long de l'année, mais encore les vêtements
et les rites sacrés et toutes leurs cérémonies extérieures
qui ont pour but de " faire valoir la majesté d'un si grand sacrifice,
et par ces signes visibles de religion et de piété, d'exciter
les esprits des fidèles à la contemplation des réalités
les plus profondes cachées dans ce sacrifice " (cf. Conc. Trid.,
Sess. XXII, cap. 5).
b. En reproduisant
l'image de Jésus-Christ
Tous les éléments
de la liturgie incitent donc notre âme à reproduire en elle
par le mystère de la croix l'image de notre divin Rédempteur,
selon ce mot de l'Apôtre : " Je suis attaché à la croix
avec le Christ ; je vis, mais ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ
qui vit en moi " (Ga II, 19-20). Par là, nous devenons hostie avec
le Christ pour la plus grande gloire du Père.
C'est donc
vers cet idéal que les chrétiens doivent orienter et élever
leur âme quand ils offrent la divine victime dans le sacrifice eucharistique.
Si, en effet, comme l'écrit saint Augustin, sur la table du Seigneur
lui-même repose notre mystère (cf. Serm. CCLXXII.) c'est-à-dire
le Christ Seigneur lui-même, en tant qu'il est Chef et symbole de
cette union par laquelle nous sommes le Corps du Christ (cf. I Cor XII,
27) et les membres de son Corps (cf. Ep V, 30) ; si saint Robert Bellarmin
enseigne, selon l'esprit du docteur d'Hippone, que dans le sacrifice de
l'autel est exprimé le sacrifice général par lequel
tout le Corps mystique du Christ, c'est-à-dire toute la cité
rachetée, s'offre à Dieu par le Christ, Grand Prêtre
(cf. S. Robert Bellarmin, De Missa. II, cap. 8), on ne peut rien imaginer
de plus convenable et de plus juste que de nous immoler tous au Père
éternel avec notre Chef qui a souffert pour nous. Dans le sacrement
de l'autel, en effet, selon le même Augustin, il est démontré
à l'Église que dans le sacrifice qu'elle offre, elle est
offerte, elle aussi (cf. De Civ. Dei, lib. X, cap. 6).
Que les fidèles
considèrent donc à quelle dignité le bain sacré
du baptême les a élevés, et qu'ils ne se contentent
pas de participer au sacrifice eucharistique avec l'intention générale
qui convient aux membres du Christ et aux fils de l'Église, mais
que, selon l'esprit de la sainte liturgie, librement et intimement unis
au souverain Prêtre et à son ministre sur la terre, ils s'unissent
à lui d'une manière particulière au moment de la consécration
de la divine Hostie, et qu'ils l'offrent avec lui quand sont prononcées
les solennelles paroles : " Par lui, avec lui, en lui, est à toi,
Dieu Père tout-puissant, dans l'unité du Saint-Esprit, tout
honneur et toute gloire dans les siècles des siècles " (Missale
Rom., Canon Missae), paroles auxquelles le peuple répond : Amen.
Et que les chrétiens n'oublient pas, avec le divin Chef crucifié,
de s'offrir eux-mêmes et leurs préoccupations, leurs douleurs,
leurs angoisses, leurs misères et leurs besoins.
3. Moyens pour promouvoir cette participation
Ceux-là,
par conséquent, sont dignes de louanges qui, en vue de rendre plus
facile et plus fructueuse pour le peuple chrétien la participation
au sacrifice eucharistique, s'efforcent opportunément de mettre
entre les mains du peuple le Missel romain, de manière que les fidèles,
unis au prêtre, prient avec lui à l'aide des mêmes paroles
et avec les sentiments mêmes de l'Église ; ceux-là
méritent des louanges qui s'efforcent de faire de la liturgie une
action sainte même extérieurement, à laquelle prennent
réellement part tous les assistants, ce qui peut se réaliser
de diverses manières : quand, par exemple, tout le peuple, selon
les règles rituelles ou bien répond d'une façon bien
réglée aux paroles du prêtre, ou se livre à
des chants en rapport avec les différentes parties du sacrifice,
ou bien fait l'un et l'autre, ou enfin lorsque dans les messes solennelles
il répond aux prières des ministres de Jésus-Christ
et s'associe au chant liturgique.
Moyens subordonnés aux préceptes de l'Église
Ces manières
de participer au sacrifice sont à louer et à recommander
quand elles obéissent soigneusement aux préceptes de l'Église
et aux règles des rites sacrés. Elles ont pour but principal
d'alimenter et de favoriser la piété des chrétiens
et leur union intime avec le Christ et avec son ministre visible, et de
stimuler les sentiments et les dispositions intérieures selon lesquels
notre âme doit se conformer au souverain Prêtre du Nouveau
Testament. Elles démontrent d'une manière extérieure
que, de sa nature, le sacrifice, étant accompli par le Médiateur
de Dieu et des hommes (cf. I Tm II, 5), doit être considéré
comme l'œuvre de tout le Corps mystique du Christ ; elles ne sont néanmoins
nullement nécessaires pour en constituer le caractère public
et commun. En outre, la messe dialoguée ne peut prendre la place
de la messe solennelle, qui, même si elle est célébrée
en la présence des seuls ministres, jouit d'une dignité particulière
à cause de la majesté des rites et de l'éclat des
cérémonies ; celles-ci, toutefois, prennent beaucoup plus
de grandeur et de solennité si, comme l'Église le désire,
un peuple nombreux et pieux y assiste.
Ne pas exagérer la valeur de ces moyens
Il faut remarquer
qu'attacher à ces conditions extérieures une importance telle
qu'on ose déclarer leur omission capable d'empêcher l'action
sainte d'atteindre son but, c'est s'écarter de la vérité
et de la droite raison, et se laisser guider par des idées fausses.
Un bon nombre de chrétiens, en effet, ne peuvent se servir du Missel
romain, même s'il est écrit en langue vulgaire ; et tous ne
sont pas aptes à comprendre correctement, comme il convient, les
rites et les formules liturgiques. Le tempérament, le caractère
et l'esprit des hommes sont si variés et si différents que
tous ne peuvent pas être dirigés et conduits de la même
manière par des prières, des cantiques et des actes communs.
En outre, les besoins des âmes et leurs goûts ne sont pas les
mêmes chez tous, et ne demeurent pas toujours les mêmes en
chacun. Qui osera donc dire sur la foi d'un tel préjugé,
que tant de chrétiens ne peuvent participer au sacrifice eucharistique
et jouir de ses bienfaits ? Mais ces gens-là peuvent assurément
grâce à une méthode, qui se trouve être pour
certains plus facile, comme par exemple, de méditer pieusement les
mystères de Jésus-Christ, d'accomplir d'autres exercices
de piété et de faire d'autres prières qui, bien qu'elles
diffèrent des rites sacrés par la forme, s'accordent cependant
avec eux par leur nature.
Que soient instituées des commissions diocésaines pour promouvoir la liturgie
C'est pourquoi
Nous vous exhortons, Vénérables Frères, à vouloir
bien ordonner et régler, chacun dans votre diocèse ou votre
territoire ecclésiastique, la manière et la méthode
selon lesquelles le peuple participera à l'action liturgique en
conformité avec les règles établies par le Missel
et avec les préceptes qu'ont édictés la Sacrée
Congrégation des Rites et le Code de Droit canon ; de manière
que tout se fasse avec l'ordre et la dignité nécessaires,
et qu'il ne soit pas permis à n'importe qui, fût-il prêtre,
de se servir des édifices sacrés pour y faire en quelque
sorte des expériences. Dans ce but, Nous désirons aussi que
dans chaque diocèse, de même qu'il y a une commission pour
l'art et la musique sacrés, une commission pour promouvoir l'apostolat
liturgique soit également constituée afin que par votre soin
vigilant tout s'accomplisse diligemment selon les prescriptions du Siège
apostolique.
Que dans les
communautés de religieux tout ce que leurs propres Constitutions
ont établi en cette matière soit observé soigneusement,
et qu'on n'introduise pas de nouveautés que les supérieurs
de ces communautés n'aient préalablement approuvées.
Si variées
que puissent être les formes et les particularités de la participation
du peuple au sacrifice eucharistique et aux autres actions liturgiques,
on doit toujours faire les plus grands efforts pour que les âmes
des assistants s'unissent au divin Rédempteur par des liens les
plus étroits possibles, pour que leur vie s'enrichisse d'une sainteté
toujours plus grande et que croisse chaque jour davantage la gloire du
Père céleste.
III. LA COMMUNION EUCHARISTIQUE
L'auguste sacrifice
de l'autel se conclut par la communion au repas divin. Cependant, comme
tous le savent, pour assurer l'intégrité de ce sacrifice
il suffit que le prêtre communie ; il n'est pas nécessaire
- bien que ce soit souverainement souhaitable - que le peuple lui aussi
s'approche de la sainte table.
Pour l'intégrité du sacrifice, celle du prêtre suffit.
Nous aimons,
à ce sujet, répéter les considérations de Notre
prédécesseur, Benoît XIV, sur les définitions
du concile de Trente : " En premier lieu... nous devons dire qu'il ne peut
venir à l'esprit d'aucun fidèle que les messes privées
dans lesquelles seul le prêtre communie perdent de ce fait le caractère
du sacrifice non sanglant, parfait et complet, institué par le Christ
Notre-Seigneur, et qu'elles doivent, par conséquent, être
considérées comme illicites. Les fidèles, en effet,
n'ignorent pas ou du moins il est facile de leur enseigner que le saint
concile de Trente, s'appuyant sur la doctrine conservée par la tradition
perpétuelle de l'Église, a condamné comme nouvelle
et fausse l'opinion de Luther qui s'y opposait " (Lettre encycl. Certiores
effecti, du 13 novembre 1742, § 1). " Si quelqu'un dit que les messes
dans lesquelles seul le prêtre communie sacramentellement sont illicites
et doivent par conséquent être supprimées, qu'il soit
anathème " (Conc. Trid., Sess. XXII. can. 8).
Ils s'écartent
donc du chemin de la vérité ceux qui ne veulent accomplir
le saint sacrifice que si le peuple chrétien s'approche de la table
sainte ; et ils s'en écartent encore davantage ceux qui, prétendant
qu'il est absolument nécessaire que les fidèles communient
avec le prêtre, affirment dangereusement qu'il ne s'agit pas seulement
d'un sacrifice, mais d'un sacrifice et d'un repas de communauté
fraternelle, et font de la communion accomplie en commun comme le point
culminant de toute la cérémonie.
Il faut encore
une fois remarquer que le sacrifice eucharistique consiste essentiellement
dans l'immolation non sanglante de la victime divine, immolation qui est
mystiquement indiquée par la séparation des saintes espèces
et par leur oblation faite au Père éternel. La sainte communion
en assure l'intégrité, et a pour but d'y faire participer
sacramentellement, mais tandis qu'elle est absolument nécessaire
de la part du ministre sacrificateur, elle est seulement à recommander
vivement aux fidèles.
Exhortation à la communion spirituelle et sacramentelle
De même
que l'Église, comme maîtresse de vérité, fait
tous ses efforts pour protéger l'intégrité de la foi,
de même, comme mère pleine de sollicitude pour ses fils, elle
les exhorte très fortement à participer avec empressement,
et fréquemment, à ce très grand bienfait de notre
religion.
Elle désire
avant tout que les chrétiens, spécialement quand ils ne peuvent
recevoir effectivement la nourriture eucharistique, la reçoivent
au moins de désir, de manière à s'unir au Rédempteur
avec une foi vive, un esprit respectueusement humble et confiant dans sa
volonté, avec l'amour le plus ardent.
Mais ceci ne
lui suffit pas. Puisque, en effet, comme Nous l'avons dit ci-dessus, nous
pouvons participer sacramentellement au sacrifice en recevant le pain des
anges, afin que d'une manière plus efficace nous " sentions continuellement
en nous l'effet de notre Rédemption " (Missale Rom., Collecta Festi
Corp. Christi), l'Église notre Mère renouvelle à tous
et à chacun de ses fils l'invitation du Christ Notre-Seigneur :
" Prenez et mangez... Faites ceci en mémoire de moi " (I Co XI,
24). Dans ce but, le concile de Trente, répondant en quelque sorte
aux désirs de Jésus-Christ et de son Épouse immaculée,
recommanda fortement que " à chaque messe, les assistants communient
non seulement en esprit, mais aussi par la réception sacramentelle
de l'Eucharistie, afin que le fruit de ce sacrifice très saint leur
parvienne plus abondamment " (Sess. XXII, cap. 6). Bien plus, Notre prédécesseur,
d'immortelle mémoire, Benoît XIV, afin de faire mieux connaître,
et plus clairement, que par la réception de la divine Eucharistie
les fidèles participent au sacrifice lui-même, loue la piété
de ceux qui, non seulement désirent se nourrir du pain céleste
quand ils assistent au sacrifice, mais encore souhaitent recevoir des hosties
consacrées à ce sacrifice même ; mais, comme lui-même
le déclare, on prend vraiment et réellement part au sacrifice,
même s'il s'agit de pain eucharistique dont la consécration
a été dûment accomplie auparavant. Voici en effet ce
qu'il a écrit : " Outre ceux à qui le célébrant
donne une part de la victime offerte par lui dans la messe même,
ceux-là aussi participent au même sacrifice, à qui
le prêtre donne la sainte réserve ; cependant, jamais l'Église
n'a interdit et elle n'interdit pas actuellement au prêtre, de satisfaire
à la piété et à la juste demande des assistants
qui demandent à participer au sacrifice même, qu'ils offrent
eux aussi à leur manière ; bien plus elle approuve et désire
que cela ne soit pas omis, et elle blâmerait les prêtres par
la faute ou la négligence desquels cette participation serait refusée
aux fidèles " (Lettre encycl. Certiores effecti, § 3.).
Pour toutes les catégories de personnes
Dieu fasse
que tous répondent spontanément et volontiers à ces
invitations pressantes de l'Église ; Dieu fasse que les chrétiens
prennent part au divin sacrifice, non seulement d'une manière spirituelle,
mais aussi en recevant dans la communion sacramentelle, même tous
les jours s'ils le peuvent, le Corps de Jésus offert pour tous au
Père éternel. Excitez, Vénérables Frères,
dans les âmes de tous ceux qui sont confiés à vos soins,
une faim ardente et comme inextinguible de Jésus-Christ ; que votre
enseignement attire en foule autour des autels enfants et jeunes gens,
qui offrent au divin Rédempteur leur innocence et leur enthousiasme
; que les époux s'en approchent fréquemment afin que, nourris
à la sainte table, ils puissent faire passer dans les enfants qui
leur sont confiés les sentiments et l'amour de Jésus-Christ
; que les ouvriers y soient appelés, afin qu'ils puissent recevoir
la nourriture solide capable de refaire leurs forces sans leur manquer
jamais, et qui leur prépare au ciel la récompense éternelle
de leurs travaux ; appelez enfin et forcez à entrer (cf. Lc, XIV,
23) tous les hommes de toutes les classes, car c'est le pain de vie dont
tous ont besoin. L'Église de Jésus-Christ n'a que ce seul
pain pour satisfaire les aspirations et les désirs de nos âmes,
pour les unir très étroitement au Christ Jésus, pour
en faire finalement " un seul corps " (I Co X, 17) et les unir entre eux,
comme des frères qui s'assoient à la même table pour
prendre le remède de l'immortalité (cf. S. Ignat. Martyr.,
Ad Ephes., 20.) en partageant un même pain.
Communion reçue autant que possible durant la messe...
Il est tout
à fait convenable, ce que d'ailleurs la liturgie a établi,
que le peuple s'approche de la sainte table après la communion du
prêtre, et comme Nous l'avons écrit plus haut, il faut louer
ceux qui assistant à la messe reçoivent les hosties qui y
ont été consacrées, afin que se réalise la
prière : " Que nous tous qui, participant à ce sacrifice,
aurons reçu le corps sacré et le sang de votre Fils, nous
soyons remplis de toute bénédiction céleste et de
toute grâce " (Missale Rom., Canon Missae).
Cependant,
il n'est pas rare qu'il se présente des motifs de distribuer la
sainte communion, soit avant, soit après le sacrifice lui-même,
ou encore - bien que l'hostie soit distribuée aussitôt après
la communion du prêtre - de faire cette distribution avec des hosties
consacrées auparavant. Même dans ces conditions - comme d'ailleurs
Nous l'avons déjà fait remarquer plus haut - le peuple participe
normalement au sacrifice eucharistique, et il n'est pas rare qu'il puisse
ainsi plus facilement s'approcher de la table sainte. Si donc, dans sa
maternelle indulgence, l'Église s'efforce d'aller au-devant des
besoins spirituels de ses fils, ceux-ci, néanmoins, chacun pour
sa part, doivent ne pas mépriser facilement ce que la sainte liturgie
conseille, et toutes les fois qu'un motif raisonnable ne s'y oppose pas,
réaliser tout ce qui manifeste plus clairement à l'autel
l'unité vivante du Corps mystique.
Suivie d'une action de grâces convenable...
Lorsque l'action
sainte, qui est réglée par ces lois liturgiques particulières,
est achevée, celui qui a reçu le pain du ciel n'est pas dispensé
de rendre grâces ; bien plus, il est tout à fait convenable
qu'une fois reçue la sainte Eucharistie et achevées les cérémonies
publiques, il se recueille et, intimement uni au divin Maître, il
ait avec lui un entretien très doux et bienfaisant, autant que les
circonstances le lui permettent. Ceux-là s'écartent donc
du droit sentier de la vérité qui, s'attachant aux mots plus
qu'à la pensée, affirment et enseignent qu'une fois le sacrifice
achevé, il n'y a pas à le prolonger par une action de grâces
de ce genre, non seulement parce que le sacrifice de l'autel est par lui-même
une action de grâces, mais aussi parce que ceci est affaire de dévotion
personnelle et particulière, qui regarde chacun et non le bien de
la communauté.
Mais, au contraire,
la nature même du sacrement demande que le chrétien qui le
reçoit en retire d'abondants fruits de sainteté. Assurément,
la réunion publique de la communauté est congédiée,
mais il faut que chacun, uni au Christ, n'interrompe pas dans sa propre
âme le cantique de louanges " rendant grâces toujours et pour
toutes choses à Dieu, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ
" (Ep V, 20). La liturgie du sacrifice eucharistique nous y exhorte quand
elle nous fait prier en ces termes : " Accordez-nous de demeurer toujours
en action de grâces... (Missale Rom., Postcommunio Dominicae infra
Oct. Ascens.) et de ne cesser jamais de vous louer (Ibidem, Postcommunio
Dominicae I post Pentec.) " . C'est pourquoi, s'il n'y a aucun moment auquel
il ne faille rendre grâces à Dieu, et s'il ne faut jamais
cesser de le louer, qui oserait accuser ou blâmer l'Église
de conseiller à ses prêtres (C.I.C., can. 810) et aux fidèles
de s'entretenir au moins quelque temps avec le divin Rédempteur
après la sainte communion, et d'avoir introduit dans les livres
liturgiques des prières de circonstance, enrichies d'indulgences,
par lesquelles les ministres sacrés, soit avant d'exercer les fonctions
liturgiques et de se nourrir de l'Eucharistie, se préparent convenablement
soit, après avoir achevé la sainte messe, expriment à
Dieu leur reconnaissance ? La sainte liturgie, loin d'étouffer les
sentiments intimes de chaque chrétien, les ranime et les stimule
plutôt, pour qu'ils prennent la ressemblance du Christ et soient
par lui orientés vers le Père céleste ; c'est pourquoi
elle enseigne et invite à rendre à Dieu les actions de grâces
que lui doit quiconque a reçu sa nourriture à la sainte table.
Le divin Rédempteur, en effet, aime à entendre nos prières,
à nous parler à cœur ouvert et à nous offrir un refuge
dans son cœur brûlant.
Nécessaire pour recueillir des fruits plus abondants
Bien plus,
de tels actes, particuliers à chacun, sont absolument nécessaires
pour que tous nous jouissions plus abondamment des trésors d'en-haut,
dont l'Eucharistie déborde, et pour que, selon nos forces, nous
les fassions se répandre sur les autres, afin que Notre Seigneur
atteigne en toutes les âmes la plénitude de sa vertu.
Pourquoi donc,
Vénérables Frères, ne louerions-Nous pas ceux qui,
après avoir reçu la nourriture eucharistique, même
après que l'assemblée des fidèles a été
officiellement congédiée, s'attardent dans une familiarité
intime avec le divin Rédempteur, non seulement pour s'entretenir
avec lui de la manière la plus suave, mais encore pour le remercier
et lui rendre les louanges qui lui sont dues, et surtout pour lui demander
son aide, pour écarter, chacun, de son âme tout ce qui diminue
l'efficacité du sacrement, et pour réaliser toute leur part
de ce qui peut favoriser l'action toute-puissante de Jésus-Christ
? Nous les exhortons à le faire d'une manière particulière
en mettant à exécution les résolutions qu'ils auront
prises, en exerçant les vertus chrétiennes, en adaptant à
leurs propres besoins les dons reçus de sa libéralité
royale. Certes, l'auteur du livre d'or de L'Imitation du Christ parle en
inspiré et selon les préceptes de la liturgie quand il donne
ce conseil : " Demeure dans le secret et jouis de ton Dieu, car tu possèdes
Celui que le monde entier ne peut t'enlever " (Lib. IV, cap. 12).
Nous tous,
étroitement unis au Christ, efforçons-nous donc de nous plonger
en quelque sorte dans son très saint amour, et attachons-nous à
lui afin de prendre part aux actes par lesquels lui-même adore l'auguste
Trinité dans un hommage qui lui est extrêmement agréable,
par lesquels il rend au Père éternel des actions de grâces
et des louanges souveraines qui retentissent d'un commun accord au ciel
et sur la terre, selon la parole : " Toutes les œuvres du Seigneur, bénissez
le Seigneur " (Dan., III. 57) ; par lesquels enfin, unis ensemble, nous
implorons le secours de Dieu au moment le plus opportun qui soit donné
pour demander et obtenir de l'aide au nom du Christ (cf. Jn XVI, 23) et
par lesquels surtout nous nous offrons et nous immolons en hostie, en disant
: " Faites que nous devenions pour vous un don éternel " (Missale
Rom., Secreta Missae SS. Trinit.).
Le divin Rédempteur
répète incessamment son invitation pressante : " Demeurez
en moi " (Jn XV, 4). Or, par le sacrement de l'Eucharistie, le Christ demeure
en nous et nous en lui ; et de même que le Christ demeurant en nous
vit et agit, de même il faut que nous, demeurant dans le Christ,
nous vivions et agissions par lui.
IV. ADORATION DE L'EUCHARISTIE
La nourriture
eucharistique contient, comme chacun sait, " vraiment, réellement
et substantiellement, le corps, le sang, l'âme et la divinité
de Notre-Seigneur Jésus-Christ " (Conc. Trid., Sess. XIII, can.
1) ; il n'y a donc rien d'étonnant si l'Église, depuis ses
origines, a adoré le corps du Christ sous l'espèce du pain,
comme il est évident par les rites mêmes du saint sacrifice,
qui ordonnent aux ministres sacrés d'adorer le Saint Sacrement par
une génuflexion ou une inclination profonde.
Les saints
conciles enseignent comme une tradition de l'Église, remontant aux
débuts de son existence, qu'il faut honorer " d'une seule adoration
le Verbe de Dieu incarné et sa propre chair " (Conc. Constant. II,
Anath. de trib. Capit., can. 9 collat. Conc. Ephes., Anath. Cyrill., can.
8. Cf. Conc. Trid., Sess. XIII, can. 6 ; Pie VI, Const. Auctorem fidei,
n. LXI), et saint Augustin affirme : " Que personne ne mange cette chair
avant de l'avoir adorée ", ajoutant que non seulement nous ne péchons
pas en l'adorant, mais que nous péchons en ne l'adorant pas (cf.
Enarr. in Ps. XCVIII, 9).
Le culte d'adoration
de l'Eucharistie distinct du saint sacrifice est né de ces principes
doctrinaux et a grandi petit à petit. La conservation des saintes
espèces pour les malades et pour tous ceux qui se trouvaient en
danger de mort a amené la louable coutume d'adorer le pain du ciel
conservé dans les églises. Ce culte d'adoration repose sur
une raison solide et ferme. L'Eucharistie, en effet, est à la fois
sacrifice et sacrement ; ce sacrement diffère des autres en ce que
non seulement il engendre la grâce, mais contient encore d'une manière
permanente l'Auteur même de la grâce. Quand donc l'Église
nous ordonne d'adorer le Christ caché sous les voiles eucharistiques
et de lui demander des biens surnaturels et terrestres dont nous avons
continuellement besoin, elle manifeste la foi vive avec laquelle elle croit
son divin Époux présent sous ces voiles, elle lui manifeste
sa reconnaissance et jouit de son intime familiarité.
Développement du culte eucharistique
Au cours des
temps, l'Église a introduit diverses formes de ce culte, chaque
jour assurément plus belles et plus salutaires, comme par exemple
les visites quotidiennes de dévotion au Saint Sacrement, la bénédiction
du Saint Sacrement, les processions solennelles dans les villes et les
villages, spécialement durant les congrès eucharistiques,
et les adorations publiques du Saint Sacrement. Ces adorations publiques
du Saint Sacrement sont parfois brèves ; parfois aussi elles se
prolongent jusque durant quarante heures ; en certaines régions,
elles continuent toute l'année, dans diverses églises à
tour de rôle ; ou bien même elles sont assurées jour
et nuit par des congrégations religieuses ; et il n'est pas rare
que des laïques y participent. Ces exercices de piété
ont contribué d'une manière étonnante à la
foi et à la vie surnaturelle de l'Église militante ; par
cette manière de faire elle répond en quelque sorte à
l'Église triomphante qui élève continuellement son
hymne de louange à Dieu et à " l'Agneau qui fut immolé
" (Ap V, 12 ; coll. VII, 10). C'est pourquoi non seulement l'Église
a approuvé ces exercices de piété propagés
par toute la terre dans le cours des siècles, mais elle les a fait
siens en quelque sorte et les a confirmés de son autorité
(cf. Conc. Trid., Sess. XIII, cap. 5 et can. 6). Ils sortent de l'inspiration
de la sainte liturgie ; aussi, exécutés avec la dignité,
la foi et la piété convenables, requises par les prescriptions
rituelles de l'Église, contribuent-ils sans aucun doute d'une manière
très importante à vivre la vie liturgique.
Aucune confusion entre " Christ historique et Christ eucharistique "
Et il ne faut
pas dire que dans un semblable culte eucharistique, le Christ historique,
comme on l'appelle, celui qui vécut un jour sur la terre, le Christ
présent dans le Saint Sacrement, et celui qui triomphe glorieusement
dans les cieux et accorde les dons d'en-haut, sont faussement confondus
; bien au contraire, il faut plutôt affirmer que de cette manière
les fidèles attestent et manifestent solennellement la foi de l'Église,
pour qui ne font qu'un le Verbe de Dieu et le Fils de la Vierge Marie,
qui a souffert sur la Croix, qui est invisiblement présent dans
l'Eucharistie et qui règne dans les cieux. Ainsi parle saint Jean
Chrysostome : " Lorsqu'il (le Corps du Christ) t'est présenté,
dis-toi : A cause de ce Corps, je ne suis plus terre et cendre je ne suis
plus prisonnier, mais libre ; aussi j'espère recevoir le ciel et
les biens qui m'y attendent, la vie éternelle, le sort des anges,
la vie avec le Christ ; ce Corps percé de clous, frappé de
fouets, la mort ne l'a pas détruit ; voici le Corps qui a été
ensanglanté, ouvert par la lance, qui a fait jaillir pour la terre
des sources de salut, l'une de sang, l'autre d'eau... Il nous a donné
ce Corps à tenir et à manger, ce qui prouve un ardent amour
" (In I ad Cor., XXIV, 4).
La bénédiction du Saint Sacrement
Il faut, en
particulier, louer en tout point la coutume répandue dans le peuple
chrétien de terminer par la bénédiction du Saint Sacrement
de nombreux exercices de piété. Rien de meilleur et de plus
fructueux que le geste par lequel le prêtre, levant au ciel le pain
des anges à la vue de la foule chrétienne prosternée,
et dessinant avec lui le signe de la croix, demande au Père céleste
de vouloir bien jeter avec bienveillance les yeux sur son Fils crucifié
par amour pour nous, et à cause de lui, qui voulut être notre
Rédempteur et notre Frère, et par médiation, de répandre
ses dons célestes sur les hommes rachetés par le sang de
l'Agneau immaculé (cf. I Pierre, I, 19).
Faites donc
en sorte, Vénérables Frères, avec le grand zèle
qui vous est coutumier, que les temples édifiés par la foi
et la piété des générations chrétiennes
au cours des siècles, comme un hymne éternel de gloire au
Dieu tout-puissant et comme une digne demeure de Notre-Seigneur caché
sous les espèces eucharistiques, s'ouvrent largement à des
foules de plus en plus nombreuses, pour que celles-ci, recueillies aux
pieds de notre Sauveur, écoutent sa très douce invitation
: " Venez à moi vous tous qui peinez et qui êtes accablés
et je referai vos forces " (Mt XI, 28). Que les églises soient,
en vérité, la maison de Dieu dans laquelle quiconque entre,
pour demander des faveurs, se réjouisse d'avoir tout obtenu (cf.
Missale Rom., Coll. in Missa Ded. Eccl.) et reçoive la consolation
céleste.
Ainsi seulement
pourra-t-il arriver que toute la famille des hommes, les choses étant
enfin rentrées dans l'ordre, trouve la paix et chante d'un cœur
et d'un esprit unanimes ce cantique d'espérance et de charité
: " Bon Pasteur, Pain véritable - Jésus, aie pitié
de nous - nourris-nous, protège-nous - fais-nous voir les vrais
biens - dans la terre des vivants " (Missale Rom., Seq. Lauda Sion in festo
Ssmi Corporis Christi).
III
L'OFFICE DIVIN
ET L'ANNÉE LITURGIQUE
I. L'OFFICE DIVIN...
La forme idéale
et essentielle de la vie chrétienne consiste pour chacun à
se tenir uni étroitement et constamment à Dieu. C'est pourquoi
le culte, que l'Église rend à l'Éternel, et qui est
basé surtout sur le sacrifice eucharistique et l'usage des sacrements,
est organisé et disposé de telle manière que, grâce
à l'office divin, il s'étend aux heures du jour, aux semaines,
à tout le cours de l'année, à toutes les saisons et
aux diverses conditions de la vie humaine.
Connaissant
le précepte du divin Maître : " Il faut prier toujours sans
jamais se lasser " (Lc, XVIII, l), l'Église s'est fidèlement
conformée à cette invitation. Aussi ne cesse-t-elle jamais
de prier, et elle nous exhorte à faire de même en se servant
de ces paroles de l'Apôtre : " Par lui, Jésus, offrons sans
cesse à Dieu une hostie de louange " (He XIII, 15).
La prière
publique et collective, s'élevant vers Dieu de la part de tous en
même temps, n'avait lieu, dans la plus ancienne antiquité,
qu'à des jours et à des heures déterminés.
Cependant, on lui adressait aussi des supplications, non seulement par
groupes, mais aussi dans les demeures privées et parfois même
avec le concours de voisins et d'amis. Assez vite, cependant, la coutume
s'établit, dans les diverses parties du monde, de réserver
à la prière des moments particuliers, par exemple, la dernière
heure du jour, quand vient le crépuscule et qu'on allume les lampes
; la première aussi, quand la nuit touche à sa fin, après
le chant du coq, au lever du soleil. D'autres moments de la journée
se trouvent mentionnés dans la Sainte Écriture comme plus
propres à la prière, soit d'après les traditions juives,
soit conformément à l'usage de tous les jours. D'après
les Actes des apôtres, les disciples de Jésus-Christ étaient
réunis pour prier tous ensemble à la troisième heure,
lorsqu'ils " furent remplis du Saint-Esprit " (cf. Act II, 1-15) ; le Prince
des apôtres, avant de prendre son repas " monta sur la terrasse pour
prier vers la sixième heure " (Ibid., X, 9) ; Pierre et Jean " montèrent
au Temple à la neuvième heure pour prier " (Ibid., III, 1),
et c'est " à minuit que Paul et Silas priaient pour louer Dieu "
(Ibid., XVI, 25).
Ces diverses
prières, grâce surtout à l'initiative et à la
pratique des moines et des ascètes en général, se
perfectionnèrent davantage dans la suite des temps et, peu à
peu, l'Église les introduisit dans l'usage de la liturgie sacrée.
... est la prière continuelle de l'Église
Ce qu'on appelle
l'" office divin " est donc la prière du Corps mystique du Christ
adressée à Dieu, au nom et pour l'avantage de tous les chrétiens,
par les prêtres et les autres ministres de l'Église ainsi
que par les religieux délégués par elle à cet
effet.
Ce que doit
être le caractère et la valeur de la louange ainsi rendue
à Dieu se découvre dans la parole que l'Église nous
suggère avant de commencer la prière des diverses heures,
en nous prescrivant de les réciter " dignement, avec attention et
dévotion ".
Le Verbe de
Dieu, en prenant la nature humaine, importa lui-même dans cette terre
d'exil l'hymne qui, de tout temps, se chante dans les demeures célestes.
Unissant à lui l'ensemble de la communauté humaine, il se
l'associe dans ce cantique de louange. Nous devons le reconnaître
humblement, " ce que nous devons demander dans nos prières, nous
ne le savons pas ; mais l'esprit lui-même demande pour nous par des
gémissements ineffables " (Rm VIII, 26). Le Christ lui aussi, par
son esprit, supplie le Père en nous. " Dieu ne pourrait pas accorder
de plus grand bienfait aux hommes... (Jésus) prie pour nous comme
étant notre prêtre ; il prie en nous comme notre Chef ; nous
le prions comme notre Dieu... Reconnaissons donc nos voix en lui et sa
voix en nous... Il reçoit nos prières dans la forme de Dieu
; il prie dans la forme de serviteur ; créateur dans l'une, créé
dans l'autre, il fait sienne, sans changer, la nature à changer,
et de nous avec lui il fait un homme, la tête et le corps " (S. Augustin,
Enarr. in Ps. LXXXV, n. 1).
La dévotion, intérieure y est requise
A cette haute
dignité de la prière de l'Église il faut que correspondent
l'attention et la piété de notre âme. Et puisque la
voix de celui qui prie redit les chants composés sous l'inspiration
du Saint-Esprit, où se trouve exprimée et mise en relief
la souveraine grandeur de Dieu, il faut que le mouvement intérieur
de notre esprit l'accompagne, en sorte que nous fassions nôtres ces
mêmes sentiments, qui nous élèveront vers le ciel,
et par lesquels nous adorerons la sainte Trinité en lui adressant
les louanges et actions de grâces qui lui sont dues. " Quand nous
psalmodions, soyons tels que notre esprit s'accorde avec notre voix " (S.
Benoît, Regula Monachorum, c. XIX). Il ne s'agit donc pas uniquement
d'une récitation ou d'un chant qui, malgré la perfection
due à sa conformité aux règles de l'art musical et
des rites sacrés, toucherait uniquement les oreilles ; ce dont il
s'agit, c'est avant tout l'élévation de notre esprit et de
notre âme vers Dieu afin de lui consacrer pleinement, en union avec
Jésus-Christ, nos personnes et toutes nos actions.
Voilà
certainement d'où dépend pour une grande partie l'efficacité
de nos supplications. Sans doute ne s'adressent-elles pas au Verbe même
en tant que fait homme, mais elles se terminent par les paroles " par Notre-Seigneur
Jésus-Christ ", et lui, comme conciliateur entre nous et Dieu, montrant
ses glorieux stigmates au Père céleste, reste " toujours
vivant pour interpeller en notre faveur " (He VII, 25).
Merveilleux contenu du psautier
Les psaumes,
tout le monde le sait, constituent la partie principale de " l'office divin
". Ce sont eux qui, embrassant tout le cours de la journée, la sanctifient
et l'embellissent. Comme le dit Cassiodore en parlant du psautier tel qu'il
était distribué de son temps dans l'office divin, " les psaumes
rendent favorable le jour qui vient par la joie du matin ; ils sanctifient
pour nous la première heure du jour ; ils consacrent pour nous la
troisième heure ; ils sont la joie de la sixième dans la
fraction du pain ; à none, ils rompent notre jeûne ; ils concluent
les derniers instants du jour et, quand la nuit arrive, ils empêchent
les ténèbres d'envahir notre esprit " (Explicatio in Psalterium.
Praefatio : P. L., LXX, 10. Certains pensent cependant que ce passage ne
doit pas être attribué à Cassiodore).
Ils rappellent
à l'esprit les vérités divinement révélées
au peuple élu, terrifiantes parfois, mais respirant parfois une
très douce suavité. Ils réveillent et animent l'espérance
du Libérateur promis, qu'on entretenait jadis en les chantant, soit
au foyer familial soit dans la majesté du temple. De même
mettent-ils en lumière la gloire du Christ, qu'ils annonçaient
d'avance, sa souveraine et éternelle puissance, sa venue ensuite
et son abaissement dans l'exil terrestre, sa dignité de roi et son
pouvoir de prêtre, le bienfait enfin de ses travaux et le sang qu'il
répandrait pour notre rédemption. De même expriment-ils
la joie de nos âmes, nos peines, notre espérance, notre crainte,
notre confiance en Dieu et notre volonté de lui rendre amour pour
amour, ainsi que notre ascension mystique vers les tabernacles éternels.
" Le psaume...
est la bénédiction du peuple, la louange de Dieu, l'acclamation
du peuple, l'applaudissement de tous, le discours universel, la voix de
l'Église, la confession de foi retentissante, la dévotion
pleine d'autorité, la joie de la liberté, l'expression du
contentement, l'écho de la félicité " (S. Ambroise,
Enarrat. in Ps. I, n. 9).
La participation des fidèles aux vêpres du dimanche
Jadis les fidèles
prenaient part plus nombreux à ces heures de prière ; mais,
peu à peu, cet usage s'est perdu et, comme Nous venons de le dire,
la récitation des heures n'incombe plus qu'au clergé et aux
religieux. En cette matière, il n'y a donc rien de prescrit pour
les laïques ; cependant, il est extrêmement souhaitable qu'en
les récitant ou en les chantant, ils s'associent, de fait, chacun
dans leur paroisse, aux prières qui y ont lieu dans la soirée.
Nous vous exhortons vivement, Vénérables Frères, vous
et vos fidèles, à ne pas laisser se perdre cette habitude
et là où elle s'est perdue, à la rétablir autant
que possible. On y arrivera très fructueusement si, non content
d'apporter à la célébration des vêpres la dignité
et l'éclat qui leur conviennent, on cherche les divers moyens d'y
intéresser la piété des fidèles.
Que les jours
de fête soient fidèlement observés : ils doivent être
destinés et consacrés à Dieu d'une façon particulière,
le jour du dimanche surtout, que les apôtres, instruits par le Saint-Esprit,
substituèrent au sabbat. Il avait été dit aux juifs
: " Vous travaillerez six jours ; le septième jour, c'est le sabbat,
repos consacré au Seigneur ; quiconque travaillera ce jour-là,
mourra " (Ex XXXI, 15). Comment donc n'auraient-ils pas à craindre
la mort spirituelle les chrétiens qui, les jours de fête,
se livreraient aux œuvres serviles et qui profiteraient de ces jours de
repos pour s'abandonner sans retenue aux entraînements de ce monde
au lieu de s'appliquer à la piété et à la religion
?
C'est donc
aux choses divines par lesquelles on honore Dieu et l'on donne à
l'âme une nourriture céleste que doivent être consacrés
le dimanche et les autres jours de fête. L'Église, il est
vrai, ne prescrit aux fidèles que l'abstention du travail servile
et l'assistance au sacrifice de la messe ; elle ne donne aucun précepte
pour l'office du soir ; mais elle ne l'en recommande pas moins avec insistance
et elle ne l'en désire pas moins. Au reste, il s'impose encore,
par ailleurs, en vertu du besoin et du devoir commun à tous et à
chacun de se rendre Dieu propice pour obtenir ses bienfaits.
Grande est
la douleur qui remplit Notre âme à voir la manière
dont, de nos jours, le peuple chrétien passe son après-midi
les jours de fête. On remplit les lieux de spectacles et d'amusements
publics, bien loin de se rendre comme il conviendrait aux édifices
religieux. Tous, au contraire, doivent venir à nos églises
pour s'y entendre enseigner la vérité de la foi catholique,
pour y chanter les louanges de Dieu, pour y recevoir du prêtre la
bénédiction eucharistique et y être réconfortés
contre les adversités de cette vie par le secours du ciel. Qu'ils
s'appliquent autant qu'ils le peuvent à retenir ces formules qui
se chantent aux prières du soir et qu'ils se pénètrent
l'âme de leur signification. Sous l'action et l'impulsion de ces
paroles, ils éprouveront ce que saint Augustin dit de lui-même
: " Que de larmes j'ai versées aux hymnes et aux cantiques ; les
doux accents des paroles de votre Église m'émouvaient profondément.
Ces paroles pénétraient par mes oreilles et en vérité
s'écoulaient dans mon cœur ; la ferveur de leurs sentiments m'embrasait,
et mes larmes coulaient, et je me trouvais bien " (Confessions, lib. IX,
cap. 6.)
II. LE CYCLE DES MYSTÈRES DANS L'ANNÉE LITURGIQUE
Tout le long
de l'année, la célébration du sacrifice eucharistique
et les prières des heures se déroulent principalement autour
de la personne de Jésus-Christ ; elles sont si harmonieusement et
si convenablement disposées que notre Sauveur, avec les mystères
de son abaissement, de sa rédemption et de son triomphe, y occupe
la première place.
En commémorant
ainsi les mystères de Jésus-Christ, la liturgie sacrée
se propose d'y faire participer tous les croyants en sorte que le divin
Chef du Corps mystique vive en chacun de ses membres avec toute la perfection
de sa sainteté. Que les âmes des chrétiens soient comme
des autels, sur lesquels les diverses phases du sacrifice qu'offre le Grand
Prêtre revivent en quelque sorte les unes après les autres
: les douleurs et les larmes qui effacent et expient les péchés
; la prière adressée à Dieu, qui s'élève
jusqu'au ciel ; la consécration et comme l'immolation de soi-même
faite d'un cœur empressé, généreux et ardent ; l'union
très intime enfin par laquelle, nous abandonnant à Dieu,
nous et tout ce qui nous appartient, nous trouvons en lui notre repos ;
" le tout de la religion, en effet, étant d'imiter celui à
qui l'on adresse son culte " (S. Augustin, De Civ. Dei, lib. VIII, cap.
17).
La signification des temps liturgiques
Grâce
à ces arrangements et à ces dispositions de la liturgie qui
lui permettent de proposer à notre méditation, à époques
déterminées, la vie de Jésus-Christ, l'Église
nous met sous les yeux les exemples que nous avons à imiter ; elle
nous indique les trésors de sainteté que nous pouvons nous
approprier, car ce qu'on chante des lèvres, il faut le croire en
son esprit, et ce que l'esprit croit doit passer dans les habitudes de
la vie privée et publique.
Avent. - Au
saint temps de l'Avent, donc, elle réveille en nous la conscience
des péchés que nous avons eu le malheur de commettre ; elle
nous exhorte à réfréner nos convoitises et à
châtier nous-mêmes notre corps, afin de nous ressaisir nous-mêmes
en une pieuse méditation et de nous abandonner à l'ardent
désir de revenir au Dieu qui seul, par sa grâce, peut nous
délivrer des fautes commises et des maux qui en sont la funeste
conséquence.
Noël.
- Quand revient le jour de la naissance du Rédempteur, elle semble
nous ramener à la grotte de Bethléem, afin que nous y apprenions
la nécessité absolue de renaître et de nous réformer
à fond, ce qui s'obtient uniquement lorsque nous nous unissons d'une
union intime et vitale au Verbe de Dieu fait homme et que nous devenons
participants de sa nature divine à laquelle nous sommes élevés.
Épiphanie.
- Par les solennités de l'Épiphanie, elle rappelle la vocation
des Gentils à la foi chrétienne, et son intention par là
est que nous rendions grâces tous les jours à l'Éternel
de ce grand bienfait ; que nous recherchions avec une foi agissante le
Dieu vivant et vrai ; que nous nous appliquions à acquérir
une intelligence pieuse et profonde des réalités surnaturelles,
et que nous nous plaisions au silence ainsi qu'à la méditation,
qui permettent de contempler plus facilement et de recevoir les dons célestes.
Septuagésime.
- A la Septuagésime et pendant le carême, Notre Mère
l'Église insiste sans se lasser pour que nous considérions
chacun nos misères, que nous nous appliquions à un amendement
effectif, en particulier, que nous détestions nos péchés
et que nous les effacions par nos prières et nos pénitences
: c'est, en effet, par la prière assidue et le regret des fautes
commises que nous obtenons le secours d'en-haut sans lequel il n'est aucun
de nos efforts qui ne reste vain et stérile.
Passion. -
Quand vient l'époque sainte où la liturgie nous met sous
les yeux les cruelles souffrances de Jésus-Christ, l'Église
nous invite au calvaire pour que nous marchions sur les traces du divin
Rédempteur, que nous acceptions de porter la croix avec lui, que
nous reproduisions en notre âme ses sentiments d'expiation et de
satisfaction, et que tous ensemble nous mourions avec lui.
Pâques.
- Avec les solennités pascales qui commémorent le triomphe
du Christ, notre âme est pénétrée d'une joie
intime ; il nous convient alors de nous souvenir qu'unis au Rédempteur
nous avons nous aussi à ressusciter d'une vie froide et inerte à
une vie plus fervente et plus sainte, en nous donnant pleinement et généreusement
à Dieu et en oubliant cette terre de misère pour aspirer
uniquement au ciel : " Si vous êtes ressuscités avec le Christ,
cherchez les choses d'en-haut... prenez goût aux choses d'en-haut
" (Col., III, 1-2).
Pentecôte.
- Arrive enfin le temps de la Pentecôte. L'Église alors, par
ses préceptes et par ses efforts nous exhorte à nous rendre
dociles à l'action du Saint-Esprit. Lui, de son côté,
allume dans nos âmes le feu de la divine charité, afin que,
progressant tous les jours avec plus d'ardeur dans la vertu, nous devenions
saints comme le sont le Christ Notre-Seigneur et son Père qui est
dans le ciel.
Le Christ revit dans l'Église durant l'année liturgique
Dans l'année
liturgique, par conséquent, il faut voir comme un hymne de louanges
magnifique que la famille des chrétiens, par Jésus, son perpétuel
conciliateur, fait monter vers le Père céleste, mais cet
hymne demande aussi de nous un effort attentif et soutenu pour que nous
arrivions tous les jours à mieux connaître et à mieux
louer notre Rédempteur. De même requiert-il que nous nous
appliquions et que nous nous exercions sans nous lasser à imiter
ses mystères, à nous engager volontairement dans la voie
de ses douleurs, afin de participer un jour à sa gloire et à
son éternelle béatitude.
Erreurs d'auteurs modernes
Des enseignements
que Nous avons donnés jusqu'ici, il résulte à l'évidence,
Vénérables Frères, combien se méprennent sur
la vraie et authentique nature de la liturgie les écrivains de notre
temps qui, séduits par les apparences d'une mystique plus élevée,
osent affirmer qu'il n'y a pas à s'occuper du Christ historique,
mais du Christ " pneumatique ou glorifié ". De même n'hésitent-ils
pas à affirmer que dans la piété telle qu'elle est
pratiquée par les fidèles, il se serait produit, à
l'endroit du Christ, un changement qui l'aurait descendu de son trône
: on aurait voilé le Christ glorifié, qui vit et règne
dans les siècles des siècles assis à la droite de
son Père, pour mettre à sa place le Christ qui a vécu
sur cette terre. Aussi quelques-uns vont-ils jusqu'à demander qu'on
supprime dans les édifices sacrés les images du Christ souffrant
sur la croix.
Or, ces idées
fausses sont en opposition complète avec la doctrine sacrée
que nous ont transmise les Pères. " Croyez au Christ né dans
la chair, dit saint Augustin, et vous arriverez au Christ né de
Dieu, Dieu en Dieu " (S. Augustin, Enarr. in Ps. CXXIII, n. 2). La sainte
liturgie nous met sous les yeux le Christ tout entier et dans toutes les
conditions de sa vie, c'est-à-dire, celui qui est le Verbe du Père
éternel, qui naît de la Vierge Mère de Dieu, qui nous
enseigne la vérité, qui guérit les malades, qui console
les affligés, qui endure les douleurs, qui meurt et qui, ensuite,
triomphant de la mort, ressuscité, qui régnant dans la gloire
du ciel répand sur nous l'Esprit Saint, qui vit perpétuellement
dans son Église ; " Jésus-Christ hier et aujourd'hui, lui-même
à jamais " (He XIII, 8).
De plus, elle
ne nous le propose pas seulement à imiter ; elle nous montre aussi
en lui le Maître auquel nous avons à prêter une oreille
attentive, le Pasteur qu'il nous faut suivre, l'Auteur de notre salut,
le Principe de notre sainteté, le Corps mystique dont nous sommes
les membres jouissants de sa vie.
Mais, comme
les cruels tourments qu'il a endurés constituent le principal mystère
d'où vient notre salut, il convient à la foi catholique de
les mettre le plus possible en lumière. En lui se trouve comme le
centre du culte divin, car le sacrifice eucharistique le représente
et le renouvelle tous les jours, et tous les sacrements se trouvent rattachés
à lui par un lien très réel (S. Thomas, Summa Theol.,
IIIa, q. 49 et q. 62, a. 5).
Ainsi l'année
liturgique, qu'alimente et accompagne la piété de l'Église,
n'est-elle pas une représentation froide et sans vie d'événements
appartenant à des temps écoulés ; elle n'est pas un
simple et pur rappel de choses d'une époque révolue. Elle
est plutôt le Christ lui-même, qui persévère
dans son Église et qui continue à parcourir la carrière
de son immense miséricorde, il la commença sans doute dans
sa vie mortelle, alors qu'il passait en faisant le bien (Actes, X, 38),
dans le miséricordieux dessein de mettre les hommes en contact avec
ses mystères et par eux leur assurer la vie. Or, ces mystères,
ce n'est pas de la manière incertaine et assez obscure dont parlent
certains écrivains récents qu'ils restent constamment présents
et qu'ils opèrent ; d'après les docteurs de l'Église,
en effet, ils sont d'excellents modèles pour la perfection chrétienne.
A cause des mérites et des prières du Christ, ils sont la
source de la divine grâce ; ils se prolongent en nous par leurs effets,
étant donné que chacun, suivant sa propre nature, demeure
à sa manière la cause de notre salut.
Il faut ajouter
que notre sainte Mère l'Église, lorsqu'elle nous propose
de contempler les mystères de notre Rédempteur, demande par
sa propre prière les dons célestes grâce auxquels,
par la vertu du Christ avant tout, ses enfants se pénètrent
de leur esprit. Grâce à l'inspiration et à la vertu
du Christ, par l'activité de notre volonté, nous pouvons
recevoir en nous la force vitale à la manière dont la reçoivent
les branches d'un arbre ou les membres d'un corps. De même, pouvons-nous
nous transformer peu à peu, à force de labeur, " jusqu'à
la mesure de l'âge de la plénitude du Christ " (Eph., IV,
13).
III. LES FÊTES DES SAINTS
Dans le cours
de l'année liturgique, ce ne sont pas seulement les mystères
de Jésus-Christ, ce sont aussi les fêtes des saints du ciel
qui sont célébrées. Par ces fêtes, l'Église
poursuit toujours, quoique dans un ordre inférieur et subordonné,
le même but : proposer aux fidèles des modèles de sainteté,
sous l'impulsion desquels ils se revêtent des vertus du divin Rédempteur.
Ils nous sont proposés comme des exemples...
Nous devons
être, en effet, les imitateurs des saints du ciel, dans la vertu
desquels resplendit à des degrés divers la vertu même
de Jésus-Christ, comme ils furent eux-mêmes ses imitateurs.
Dans les uns a brillé le zèle apostolique, dans les autres,
la force de nos héros poussée jusqu'à l'effusion du
sang. Chez certains, se remarque une constance ininterrompue à attendre
le Rédempteur ; chez d'autres, une pureté d'âme virginale
et la modestie suave de l'humilité chrétienne. Tous brûlèrent
d'une très ardente charité envers Dieu et envers le prochain.
Toutes ces
gloires de la sainteté, la sainte liturgie nous les met sous les
yeux afin que nous les contemplions avec fruit et que " nous réjouissant
de leurs mérites nous soyons entraînés par leurs exemples
" (Missale Rom., Coll. III Missae pro plur. Martyr. extra T. P.). Il faut,
par conséquent, conserver " l'innocence dans la simplicité,
la concorde dans la charité, la modestie dans l'humilité,
le soin dans l'administration, l'attention à soulager ceux qui peinent,
la miséricorde dans le secours aux pauvres, la fermeté dans
la défense de la vérité, la justice dans le maintien
sévère de la discipline, de sorte qu'il ne nous manque rien
des bonnes œuvres proposées à notre imitation. Ce sont là
les traces que les saints, dans leur retour à la patrie, nous ont
laissées, afin que, nous attachant à leurs pas nous parvenions
aussi à leurs joies " (S. Bède le Vénérable,
Hom. suid. LXX in solemn. omnium Sanct.). Or, pour que nos sens eux-mêmes
soient salutairement impressionnés, l'Église a voulu qu'on
exposât dans nos temples les images des saints du ciel, mais toujours
dans le même dessein, afin que " nous imitions les vertus de ceux
dont nous honorons les images " (Missale Rom. Collecta Missae S. Ioan.
Damascen.).
... et comme nos intercesseurs
Il y a encore
un autre but au culte que le peuple fidèle rend aux saints du ciel
: c'est celui d'implorer leurs secours, en sorte que " nous complaisant
à les louer, nous trouvions aussi un secours dans leur patronage
" (S. Bernard, Sermo II in festo omnium Sanct.). On s'explique par là,
aisément, les nombreuses formules de prière que nous propose
la sainte liturgie pour implorer le secours des saints.
Culte prééminent envers la très Sainte Vierge
Parmi les saints
du ciel, la Vierge Marie, Mère de Dieu, est l'objet d'un culte plus
relevé. Sa vie, en effet, de par la mission qu'elle a reçue
de Dieu, est étroitement liée aux mystères du Christ,
et personne, assurément, n'a suivi de plus près et plus effectivement
qu'elle les traces du Verbe incarné ; personne ne jouit d'une plus
grande faveur et d'une plus grande puissance qu'elle auprès du très
Sacré Cœur du Fils de Dieu, et par lui, auprès du Père
céleste. Plus sainte que les chérubins et les séraphins,
elle jouit d'une gloire supérieure à celle de tous les autres
saints, parce qu'elle est " pleine de grâce " (Lc I, 28) et Mère
de Dieu et nous a, par son heureuse maternité, donné le Rédempteur.
Puisqu'elle est " Mère de miséricorde, notre vie, notre douceur
et notre espérance ", crions vers elle nous qui " gémissons
et pleurons dans cette vallée de larmes " (Salve Regina), et mettons-nous
avec confiance sous son patronage, nous et tout ce qui nous concerne. Elle
est devenue notre Mère au moment où le divin Rédempteur
accomplissait le sacrifice de lui-même, en sorte que voilà
encore un titre auquel nous sommes ses enfants. Toutes les vertus, elle
nous les enseigne. Elle nous donne son Fils et, avec lui, elle nous donne
tous les secours dont nous avons besoin, car Dieu " a voulu que nous ayons
tout par Marie " (S. Bernard, In Nativ. B. M. V., 7).
Tel est le
chemin liturgique qui s'ouvre à nouveau devant nous tous les ans,
et que s'applique à nous faire parcourir l'Église, ouvrière
de sainteté. Aidés des secours et fortifiés par les
exemples des saints du ciel et, en particulier, de l'Immaculée Vierge
Marie, suivons ce chemin et " dans la plénitude de la foi, le cœur
purifié des souillures d'une mauvaise conscience et le corps lavé
dans une eau pure, avec un cœur sincère, approchons-nous " (He X,
22) du " Grand Prêtre " (Ibid., X, 21), afin de vivre avec lui et
de nous trouver d'accord avec lui, de manière à pouvoir pénétrer
avec lui " jusqu'à l'intérieur du voile " (Ibid., VI, 19)
et y honorer pendant toute l'éternité le Père céleste.
Telle est la
nature et la raison d'être de la liturgie. Elle a pour objet le sacrifice,
les sacrements et les louanges à rendre à Dieu. Il lui appartient
de même d'unir nos âmes au Christ et de leur faire acquérir
la sainteté par le divin Rédempteur afin que gloire soit
rendue au Christ, et par lui et en lui, à la très sainte
Trinité. Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto.
IV
DIRECTIVES
PASTORALES
I. LES AUTRES FORMES DE PIÉTÉ NON STRICTEMENT LITURGIQUES SONT VIVEMENT RECOMMANDÉES
Afin d'écarter
plus aisément de l'Église les erreurs et les exagérations
de la vérité, dont Nous avons parlé ci-dessus, et
afin de permettre aux fidèles de s'adonner très fructueusement,
en suivant des règles très sûres, à l'apostolat
liturgique, Nous estimons opportun, Vénérables Frères,
d'ajouter quelque chose ayant trait à la mise en pratique de la
doctrine exposée.
Traitant de
l'authentique et sincère piété, Nous avons affirmé
qu'entre la liturgie et les autres dévotions - pourvu que celles-ci
soient bien équilibrées et se proposent une juste fin - il
ne peut exister de véritable opposition ; tout au contraire, l'Église
recommande très vivement au clergé et aux religieux un certain
nombre de pieux exercices.
Nous voulons,
à présent, que même le peuple chrétien ne soit
pas exclu de ces derniers. Ce sont, pour ne parler que des principaux,
la méditation des choses spirituelles, l'examen de conscience attentif,
permettant de se mieux connaître, les retraites fermées, instituées
pour réfléchir plus profondément sur les vérités
éternelles, les ferventes visites au Saint Sacrement et ces spéciales
prières ou supplications en l'honneur de la bienheureuse Vierge
Marie, entre lesquelles excelle, comme chacun sait, le Rosaire (cf. C.I.C.,
can. 125).
L'action du Saint-Esprit n'y est pas étrangère
A ces multiples
formes de piété ne peuvent être étrangères
l'inspiration et l'action du Saint-Esprit ; elles tendent toutes, en effet,
bien que de diverses manières, à convertir les âmes
et à les mener à Dieu à les purifier de leurs péchés
; à leur faire acquérir la vertu, d'un mot, à stimuler
en elles la véritable piété, par le fait qu'elles
les habituent à méditer les vérités éternelles
et les rendent plus aptes à contempler les mystères de la
nature humaine et divine du Christ. De plus, en nourrissant intensément
chez les fidèles la vie spirituelle, ces pratiques les disposent
à participer aux fonctions sacrées avec un plus grand fruit
et écartent le danger que les prières liturgiques ne se réduisent
à un vain formalisme.
Erreurs dont il faut préserver les fidèles
Ne cessez donc
pas, Vénérables Frères, dans votre zèle pastoral
de recommander et d'encourager ces exercices de piété, desquels,
sans nul doute, ne pourront manquer de dériver, pour le peuple qui
vous est confié, des fruits salutaires. Surtout, ne permettez pas
- comme d'aucuns l'admettent, soit sous prétexte d'un renouvellement
de la liturgie, soit en parlant avec légèreté d'une
efficacité et d'une dignité exclusive des rites liturgiques
- que les églises soient fermées durant le temps qui n'est
pas consacré aux fonctions publiques, comme cela se fait déjà
en certaines régions ; que l'adoration de l'auguste sacrement et
les pieuses visites aux tabernacles eucharistiques soient négligées
; que soit déconseillée la confession des fautes faite dans
le seul but de la dévotion ; que le culte de la Vierge Mère
de Dieu qui, de l'aveu des saints, est un signe de prédestination,
soit sous-estimé, spécialement chez les jeunes, au point
de s'éteindre et de s'alanguir peu à peu. Ces façons
d'agir sont des fruits empoisonnés, excessivement nocifs à
la piété chrétienne et qui croissent sur les branches
pourries d'un arbre sain ; il faut donc couper celles-ci pour que la sève
de l'arbre puisse nourrir seulement des fruits suaves et excellents.
La confession sacramentelle
Mais, comme
les opinions que professent certains au sujet de la fréquente confession
des péchés, ne sont pas du tout conformes à l'esprit
du Christ et de son Épouse immaculée, mais véritablement
funestes à la vie spirituelle, Nous rappelons ce que Nous avons
écrit avec douleur, sur ce sujet, dans l'encyclique Mystici Corporis,
et Nous insistons de nouveau pour que vous rappeliez à la sérieuse
méditation et à la docile observation de vos fidèles,
et spécialement des candidats au sacerdoce et du jeune clergé,
les très graves paroles dont nous nous sommes servi en cet endroit.
Les exercices et retraites spirituels
Efforcez-vous,
d'une façon particulière, ensuite, d'obtenir que le plus
grand nombre possible, non seulement de clercs, mais aussi de laïques,
et spécialement ceux qui font partie des confréries religieuses
et des groupements d'Action catholique, prennent part aux récollections
mensuelles et aux exercices spirituels, organisés à des dates
déterminées, dans le but d'intensifier leur piété.
Comme Nous l'avons dit ci-dessus, ces exercices spirituels sont très
utiles, plus que cela, nécessaires pour infuser aux âmes la
piété authentique et pour les former à la sainteté
des mœurs, de façon qu'elles puissent tirer de la sainte liturgie
des bienfaits plus efficaces et abondants.
Quant aux modes
variés selon lesquels s'effectuent habituellement ces exercices,
qu'il soit bien entendu et bien clair pour tous que dans l'Église
de la terre, comme dans celle du ciel, il y a " beaucoup de demeures "
(cf. Jn XIV, 2) ; et que l'ascétisme ne peut être le monopole
de personne. Un est l'Esprit qui, cependant, " souffle où il veut
" (Jn III, 8), et qui, avec des dons divers et par des voies diverses,
dirige les âmes qu'il illumine dans la poursuite de la sainteté.
Que leur liberté et l'action surnaturelle du Saint-Esprit en elles
soit une chose sacro-sainte, qu'il n'est permis à personne, à
aucun titre, de troubler et de mépriser. Il est notoire, toutefois,
que les exercices spirituels de saint Ignace furent pleinement approuvés
et instamment recommandés par Nos prédécesseurs pour
leur admirable efficacité, et Nous aussi, pour la même raison,
les avons approuvés et recommandés, comme encore à
présent Nous les approuvons et recommandons bien volontiers.
Il est absolument
nécessaire, toutefois, que l'inspiration à suivre et à
pratiquer des exercices déterminés de piété
vienne du Père des lumières, source des meilleures choses
et de tout don parfait (cf. Jacques, I, 17) ; une preuve en sera l'efficacité
avec laquelle ces exercices aideront à faire aimer et progresser
toujours davantage le culte divin et à développer de plus
en plus, chez les fidèles, le désir de participer aux sacrements,
ainsi que l'honneur et le respect qui sont dus à toutes les choses
saintes. Si, par contre, ils devaient aboutir à mettre obstacle
ou se révélaient opposés aux principes et aux règles
du culte divin, alors sans aucun doute on devrait les considérer
comme n'étant pas inspirés ni dirigés par un sage
conseil ou par un zèle éclairé.
Autres pratiques non strictement liturgiques
Il y a, en
outre, d'autres pratiques de piété qui, bien que ne relevant
pas en droit strict de la sainte liturgie, revêtent une particulière
dignité et importance, au point d'être considérées
comme faisant partie, d'une certaine façon, de l'organisation liturgique,
et qui jouissent des approbations et louanges réitérées
de ce Siège apostolique et de l'épiscopat. De ce nombre relèvent
les prières qu'on a coutume de faire durant le mois de mai en l'honneur
de la Vierge Mère de Dieu, ou durant le mois de juin, en l'honneur
du Cœur sacré de Jésus, les triduums et les neuvaines, le
chemin de croix et d'autres dévotions semblables.
Ces pieuses
pratiques, en excitant le peuple chrétien à une fréquentation
assidue du sacrement de la pénitence et à une fervente participation
au sacrifice eucharistique et à la sainte table, comme à
la méditation des mystères de notre Rédemption ou
à l'imitation des grands exemples des saints, contribuent par cela
même, non sans fruits salutaires, à nous rendre participants
du culte liturgique.
C'est pourquoi,
il ferait une chose pernicieuse et pleine de tromperie celui qui oserait,
témérairement, assumer la réforme de ces exercices
de piété, pour les ramener aux seules cérémonies
liturgiques. Il est nécessaire, toutefois, que l'esprit de la sainte
liturgie et ses préceptes influent avec profit sur eux, pour éviter
que ne s'y introduise quoi que ce soit d'inadapté ou de peu conforme
à la dignité de la maison de Dieu, ou qui soit dommageable
aux fonctions sacrées et à la saine piété.
Veillez donc,
Vénérables Frères, à ce que cette pure et authentique
piété prospère sous vos yeux et fleurisse chaque jour
davantage. Ne manquez pas surtout d'inculquer à chacun que la vie
chrétienne ne consiste pas dans la multiplicité et la variété
des prières et des exercices de piété mais consiste
plutôt en ce que ceux-ci contribuent réellement au progrès
spirituel des fidèles et, du fait, à l'accroissement de toute
l'Église. Le Père éternel, en effet, " nous a élus
en lui (le Christ) avant la création du monde, pour être saints
et sans tache en sa présence " (Ep I, 4). Toutes nos prières,
par conséquent, et toutes nos pratiques de dévotion doivent
tendre à diriger nos ressources spirituelles vers l'obtention de
cette suprême et très noble fin.
II. ESPRIT LITURGIQUE ET APOSTOLAT LITURGIQUE
Nous vous exhortons,
ensuite, instamment, Vénérables Frères, une fois exposées
les erreurs et les inexactitudes, en même temps que prohibé
tout ce qui est en dehors de la vérité et de l'ordre, à
promouvoir les initiatives susceptibles de donner au peuple une plus profonde
connaissance de la sainte liturgie, de façon qu'il puisse plus convenablement
et plus facilement participer aux rites divins, avec des dispositions vraiment
chrétiennes.
Obéissance aux dispositions de l'Église
Il est nécessaire
avant tout de veiller à ce que tous obéissent, avec le respect
et la foi qui leur sont dus, aux décrets publiés par le concile
de Trente, les pontifes romains, la Sacrée Congrégation des
Rites et à tout ce que les livres liturgiques ont fixé au
sujet de l'action extérieure du culte public.
Dans tout ce
qui regarde la liturgie, il faut que se manifestent le plus possible ces
trois caractères, dont parle Notre prédécesseur Pie
X : le respect du sacré, qui rejette avec horreur les nouveautés
profanes ; la tenue et la correction des œuvres d'art, vraiment dignes
de ce nom ; enfin le sens de l'universel qui, tout en tenant compte des
traditions et coutumes locales légitimes, affirme l'unité
et la catholicité de l'Église (cf. Lettre apost. Motu Proprio
Tra le sollecitudini, du 22 novembre 1903).
Beauté des édifices sacrés et des sanctuaires
Nous désirons
et Nous recommandons chaudement, encore une fois, la beauté des
édifices sacrés et des sanctuaires. Que chacun fasse sienne
cette parole inspirée : " Le zèle de ta maison m'a dévoré
" (Ps. LXVIII, 10 ; Jn II, 17) ; et qu'il s'ingénie de son mieux
pour qu'aussi bien dans les édifices cultuels que dans les vêtements
et ornements liturgiques, sans toutefois faire parade d'un luxe excessif,
chaque chose soit adaptée et de bon goût, comme étant
consacrée à la Majesté divine. Si, déjà,
Nous avons réprouvé, plus haut, la façon d'agir incorrecte
de ceux qui, sous prétexte de retour à l'antiquité,
veulent expulser des temples les images sacrées, Nous pensons que
c'est ici Notre devoir de reprendre la piété mal comprise
de ceux qui, dans les églises et même sur les autels, offrent
sans juste motif à la vénération des fidèles
une multitude d'images et de statues ; de ceux qui exposent des reliques
non authentiquées : de ceux enfin qui mettent l'accent sur des pratiques
particulières et insignifiantes, au détriment des essentielles,
ridiculisant ainsi la religion et diminuant la dignité du culte.
Nous vous remettons
également en mémoire ce décret " sur les formes nouvelles
du culte et de la dévotion qu'on ne doit pas introduire " (Suprema
S. Congr. S. Officii : Décret du 26 mai 1937), et Nous en recommandons
la scrupuleuse observation à votre vigilance.
Le chant grégorien
Pour ce qui
concerne l'art musical, qu'on observe religieusement dans la liturgie les
règles précises et bien connues, émanées de
ce Siège apostolique. Quant au chant grégorien que l'Église
romaine considère comme son bien particulier, héritage d'une
antique tradition que sa tutelle vigilante a conservée au cours
des siècles, qu'elle propose également aux fidèles
comme leur bien propre, et qu'elle prescrit absolument en certaines parties
de la liturgies (cf. Pie X, Lettre apost. Motu Proprio Tra le sollecitudini),
non seulement il ajoute à la beauté et à la solennité
des divins mystères, mais il contribue encore au plus haut point
à augmenter la foi et la piété des assistants. A ce
propos, Nos prédécesseurs d'immortelle mémoire, Pie
X et Pie XI, ont décrété - et Nous confirmons volontiers
de Notre autorité les dispositions prises par eux - que dans les
séminaires et dans les Instituts religieux soit cultivé avec
soin et diligence le chant grégorien et que, au moins dans les églises
plus importantes, soient restaurées les anciennes " écoles
de chant " (scholæ cantorum), comme cela s'est déjà
fait avec succès en beaucoup d'endroits (cf. Pie X, loc. cit. ;
Pie XI, Const. Divini cultus, II, V).
Le chant populaire
Il importe,
en outre, " afin que les fidèles participent plus activement au
culte divin, de rendre au peuple l'usage du chant grégorien pour
la part qui le concerne. Il est vraiment urgent que les fidèles
assistent aux cérémonies sacrées, non comme des spectateurs
muets et étrangers, mais qu'ils soient touchés à fond
par la beauté de la liturgie... qu'ils fassent alterner, selon les
règles prescrites, leurs voix avec la voix du prêtre et de
la Schola ; si cela, grâce à Dieu, se réalise, alors
il n'arrivera plus que le peuple ne réponde que par un léger
et imperceptible murmure aux prières communes dites en latin et
en langue vulgaire " (Pie XI, Const. Divini cultus, IX).
La nombreuse
assistance qui prend part au sacrifice de l'autel, où notre Sauveur,
en union avec ses fils rachetés de son sang, chante l'épithalame
de son immense charité, ne pourra certainement se taire, puisque
" chanter est le fait de celui qui aime " (S. Augustin, Serm. CCCXXXVI,
n. 1), et que, comme le disait déjà un vieux proverbe, "
celui qui chante bien prie deux fois ". Aussi l'Église militante,
c'est-à-dire le clergé et les fidèles assemblés,
unit-elle sa voix aux cantiques de l'Église triomphante et aux chœurs
angéliques, pour élever à l'unisson un hymne splendide
et sans fin en l'honneur de la très sainte Trinité, selon
ces mots (de la Préface) : " En compagnie desquels nous te prions
de faire admettre nos voix " (Missale Rom., Praefatio).
On ne saurait,
toutefois, exclure totalement du culte catholique la musique et le chant
modernes. Bien mieux, pourvu qu'ils n'aient rien de profane ou d'inconvenant
étant donné la sainteté du lieu et des offices sacrés,
qu'ils ne témoignent pas non plus d'une recherche d'effets bizarres
et insolites, il est indispensable de leur permettre alors l'entrée
de nos églises, car ils peuvent l'un et l'autre grandement contribuer
à la magnificence des cérémonies, aussi bien qu'à
l'élévation des âmes et à la vraie dévotion.
Nous vous exhortons
encore, Vénérables Frères, à prendre soin de
promouvoir le chant religieux populaire et sa parfaite exécution,
selon la dignité convenable, car il est apte à stimuler et
accroître la foi et la piété de la foule chrétienne.
Que montent vers le ciel, unanimes, et puissants comme le bruit des flots
de la mer (cf. S. Ambroise, Hexameron, III, 5, 23), les accents de notre
peuple, expression rythmée et vibrante d'un seul cœur et d'une seule
âme (cf. Ac IV, 32), ainsi qu'il convient à des frères
et aux fils du même Père.
Les autres arts dans le culte liturgique
Ce que Nous
venons de dire de la musique convient également à plusieurs
autres arts, en particulier, à l'architecture, à la sculpture
et à la peinture. Les œuvres modernes, les mieux harmonisées
avec les matériaux servant aujourd'hui à les composer, ne
doivent pas être méprisées et rejetées en bloc,
de parti pris ; mais, tout en évitant, avec un sage esprit de mesure,
d'une part les excès du " réalisme ", et de l'autre ceux
du " symbolisme ", comme on les appelle, et tout en tenant compte des exigences
de la communauté chrétienne plutôt que du jugement
et du goût personnel des artistes, il importe extrêmement de
laisser le champ libre à l'art de notre temps, qui, soucieux du
respect dû aux temples et aux rites sacrés, se met à
leur service, de telle sorte que, lui aussi, puisse unir sa voix à
l'admirable cantique chanté, dans les siècles passés,
par les hommes de génie, à la gloire de la foi catholique.
Nous ne pouvons, cependant, Nous empêcher - c'est pour Nous un devoir
de conscience - de déplorer et de réprouver ces images ou
ces statues introduites récemment par quelques-uns, et qui semblent
bien être une dépravation et une déformation de l'art
véritable, en ce qu'elles répugnent parfois ouvertement à
la beauté, à la réserve et à la piété,
par le regrettable mépris qu'elles font de l'instinctif sentiment
religieux, il faut absolument bannir ou expulser ces œuvres de nos églises,
ainsi qu'" en général tout ce qui n'est pas en conformité
avec la sainteté du lieu " (C.I.C. can. 1178).
Dans l'esprit
et la ligne des directives pontificales, ayez grand soin, Vénérables
Frères, d'éclairer et de diriger l'inspiration des artistes,
auxquels sera confié à présent le soin de restaurer
et de reconstruire tant d'églises atteintes ou détruites
par les violences de la guerre ; puissent-ils et veuillent-ils, s'inspirant
de la religion, trouver le style le plus capable de s'adapter aux exigences
du culte ; il adviendra de la sorte, fort heureusement, que les arts humains,
semblant venir du ciel, resplendiront de lumière sereine et contribueront
extrêmement au progrès de l'humaine civilisation, en même
temps qu'à l'honneur de Dieu et à la sanctification des âmes.
Puisqu'en toute vérité, les beaux-arts s'harmonisent avec
la religion, dès lors qu'ils se comportent " en très nobles
serviteurs du culte divin " (Pie XI, Const. Divini cultus).
Importance de vivre la vie liturgique
Mais il y a
quelque chose de plus important encore, Vénérables Frères,
et que Nous recommandons spécialement à votre sollicitude
et à votre zèle apostolique. Tout ce qui concerne le culte
religieux extérieur a son importance, mais ce qui est le plus urgent
et ce qui importe au plus haut point, c'est que les chrétiens vivent
la vie de la liturgie, en alimentent et fortifient l'esprit.
Ayez donc grand
soin que le jeune clergé, en même temps qu'il s'initie aux
disciplines ascétiques, théologiques, juridiques et pastorales,
soit formé à l'intelligence des cérémonies
sacrées, à la compréhension de leur majestueuse beauté,
et qu'il en apprenne diligemment les règles, appelées rubriques.
Cela non dans un motif de pure érudition, ni afin seulement que
le séminariste puisse, un jour, accomplir les rites religieux avec
l'ordre, la bienséance et la dignité convenables, mais surtout
pour qu'il s'adonne, dès le cours de sa formation, à une
très intime union avec le Christ-Prêtre et devienne un saint
ministre des choses saintes.
Ingéniez-vous
aussi de toute façon pour qu'à l'aide des secours, jugés
dans votre prudence les plus efficaces, le clergé et le peuple forment
un seul esprit et une seule âme ; et qu'ainsi le peuple chrétien
prenne une part active à la sainte liturgie, qui deviendra vraiment
alors l'action sacrée, où le prêtre, et surtout le
prêtre chargé d'âmes, dans la paroisse à lui
confiée, en étroite union avec l'assemblée du peuple,
rend au Seigneur le culte qui lui est dû.
Les enfants de chœur au service de l'autel
Pour obtenir
plus sûrement ce résultat, il sera fort utile que, dans toutes
les catégories sociales, on fasse choix d'enfants pieux et bien
élevés qui servent assidûment à l'autel, s'y
dévouant avec désintéressement et de bon cœur ; cette
fonction devrait être tenue en grande estime par les parents, même
de condition et de culture plus élevées.
Si ces jeunes
gens étaient instruits comme il convient et entraînés,
grâce aux soins vigilants du clergé, à remplir cet
office, qui leur est confié, en des heures déterminées,
avec persévérance et respect, cela favoriserait l'éclosion
parmi eux de nouvelles vocations au sacerdoce et il n'arriverait pas que
le clergé se lamente - comme, hélas ! même en des régions
très catholiques - de ne trouver personne pour lui répondre
et le servir dans la célébration de l'auguste sacrifice.
Zèle des pasteurs
Tâchez
surtout d'obtenir, par votre zèle très diligent, que tous
les fidèles assistent au sacrifice eucharistique ; et, pour qu'ils
en retirent de plus abondants fruits de salut, ne manquez pas de les exhorter
souvent à y participer de toutes les manières correctes dont
Nous avons parlé ci-dessus. L'auguste sacrifice de l'autel est l'acte
principal du culte divin ; il faut donc qu'il soit la source et le centre
de la piété chrétienne. Et tenez pour certain que
vous n'aurez pas satisfait à votre tâche apostolique, aussi
longtemps que vous ne verrez pas vos enfants s'approcher nombreux du banquet
céleste, " ce sacrement de la piété, ce signe de l'unité,
ce lien de la charité " (S. Augustin, Tract. XXVI in Ioan., 13).
Mais pour que
le peuple chrétien puisse toujours plus abondamment mettre à
profit ces dons surnaturels, prenez soin de l'instruire des richesses que
contient pour la piété, la sainte liturgie ; faites-le par
des prédications opportunes, spécialement par des séries
de conférences, des semaines d'études et autres procédés
semblables. Dans ce but, les militants de l'Action catholique, toujours
prêts à collaborer avec la hiérarchie, afin de promouvoir
le règne de Jésus-Christ, se mettront volontiers à
votre disposition.
Vigilance contre les erreurs et les préjugés
Il est cependant
indispensable qu'en tout cela vous veilliez attentivement à ce que
dans le champ du Seigneur ne s'introduise pas l'ennemi, semeur de zizanie
au milieu du bon grain (cf. Mt XIII, 24-25) ; prenez garde, autrement dit,
que ne s'infiltrent dans votre troupeau les erreurs pernicieuses et subtiles
d'un faux " mysticisme " et d'un nocif " quiétisme " - erreurs que
Nous avons déjà condamnées, comme vous savez (Lettre
encycl, Mystici Corporis) - et que les âmes ne soient séduites
par un dangereux " humanisme ", ni par l'introduction d'une fallacieuse
doctrine, altérant la notion même de la foi catholique, ni
enfin, par un retour excessif à l'" archéologisme " en matière
liturgique. Déployez une égale diligence pour que ne se répandent
pas les fausses opinions de ceux qui croient à tort et enseignent
que la nature humaine du Christ glorieux habite réellement et d'une
présence continuelle dans les " justifiés " ou qu'une grâce
unique et identique, prétend-on, unit le Christ avec les membres
de son Corps mystique.
Ne vous laissez
pas décourager par les difficultés qui se font jour ; que
jamais ne se lasse votre zèle pastoral : " Sonnez de la trompette
dans Sion, convoquez l'assemblée, réunissez le peuple, sanctifiez
l'Église, rassemblez les vieillards, les enfants et les petits à
la mamelle " (Joël, II, 15-16), et faites en sorte, de toutes manières,
que dans l'univers entier les temples et les autels voient en foule accourir
des chrétiens qui, tels des membres vivants réunis à
leur Chef divin, se fortifient par la grâce des sacrements et, de
concert avec lui et par lui, célèbrent l'auguste sacrifice,
en rendant au Père éternel les louanges qui lui sont dues.
CONCLUSION
Voilà
ce que Nous avions, Vénérables Frères, à vous
écrire, et Nous le faisons dans l'espoir que Nos et vos fils comprennent
mieux et estiment davantage le très précieux trésor
contenu dans la sainte liturgie : à savoir, le sacrifice eucharistique,
représentation et renouvellement du sacrifice de la croix ; les
sacrements, canaux de la grâce et de la vie divine ; l'hymne de louange,
élevé par la terre et le ciel, chaque jour, vers Dieu.
Il Nous est
peut-être permis d'espérer que ces exhortations porteront
les tièdes et les récalcitrants, non seulement à l'étude
plus profonde et plus exacte de la liturgie, mais aussi à sa mise
en pratique en ranimant dans leur conduite son souffle surnaturel, comme
Nous les en avertissons d'un cœur paternel, selon le mot de l'apôtre
: " N'éteignez pas l'Esprit " (I Thess., V, 19).
A ceux qu'un
zèle intempestif pousse quelquefois à dire ou à faire
ce que Nous avons le regret de ne pouvoir approuver, Nous redisons le conseil
de saint Paul : " Mettez tout à l'épreuve ; gardez ce qui
est bon " (Ibid., V, 21). Et Nous leur demandons paternellement de vouloir
bien rectifier leur façon de penser et d'agir, d'après une
doctrine chrétienne qui soit conforme aux leçons de l'Épouse
sans tache de Jésus-Christ, Mère des saints.
Nous rappelons
aussi à tous la nécessité d'une généreuse
et fidèle volonté d'obéir aux pasteurs, à qui
appartient le droit et incombe le devoir de régler toute la vie
de l'Église et principalement la vie spirituelle : " Obéissez
à vos supérieurs et soyez-leur soumis. Chargés, en
effet, de veiller sur vos âmes, dont ils auront à rendre compte,
qu'ils le fassent avec joie et non en gémissant " (He XIII, 17).
Daigne le Dieu
que nous adorons et qui " n'est pas le Dieu de la discorde, mais de la
paix " (I Co XIV, 33), nous accorder à tous de participer d'un seul
esprit et d'un seul cœur, en cet exil terrestre, à la sainte liturgie,
qui soit comme une préparation et un avant-goût de cette liturgie
céleste, dans laquelle, espérons-le, nous chanterons en compagnie
de la Reine du ciel, notre Mère très douce : " A Celui qui
est assis sur le trône et à l'Agneau : bénédiction,
honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles
" (Ap V, 13).
Dans cette
très joyeuse espérance, à vous tous et à chacun
de vous, Vénérables Frères, ainsi qu'aux brebis confiées
à votre vigilance, comme gage des dons célestes et témoignage
de Notre particulière bienveillance, Nous envoyons de très
grand cœur la Bénédiction apostolique.
Donné
le 20 novembre de l'année 1947, 9e de Notre Pontificat.
Pie XII