232. Les joies
pures qui accompagnèrent en abondance les prémices de Notre
sacerdoce sont à
jamais liées,
dans Notre mémoire, à l’émotion profonde que Nous
avons ressentie le 8 janvier
1905, en la
basilique vaticane, lors de la béatification glorieuse de cet humble
prêtre de France
que fut Jean-Marie-Baptiste
Vianney. Elevé Nous-même au sacerdoce depuis quelques mois
à
peine, Nous
fûmes saisi par l’admirable figure sacerdotale que Notre Prédécesseur
saint Pie X,
l’ancien curé
de Salzano, était si heureux de proposer en exemple à tous
les pasteurs d’âmes. Et,
à tant
d’années de distance, Nous ne pouvons rappeler ce souvenir sans
remercier encore Notre
divin Rédempteur,
comme d’une grâce insigne, de l’élan spirituel ainsi imprimé,
dès ses débuts, à
Notre vie
sacerdotale.
233. Il Nous
souvient aussi que, le jour même de cette béatification, Nous
apprenions l’élévation
à l’épiscopat
de Mgr Jacques-Marie Radini-Tedeschi, ce grand évêque qui
devait quelques
jours après
Nous appeler à son service, et qui fut pour Nous un maître
et un père très aimé. Ce
fut en sa
compagnie qu’au début de cette année 1905 Nous Nous rendions
pour la première fois
en pèlerinage
à Ars, ce modeste village que son saint Curé rendit à
jamais si célèbre.
234. Par une
nouvelle disposition providentielle, c’est l’année où Nous
recevions la plénitude du
sacerdoce
que le Pape Pie XI, d’illustre mémoire, procédait, le 31
mai 1925, à la solennelle
canonisation
du " pauvre Curé d’Ars ". Dans son homélie, le Pontife se
plaisait à décrire " la frêle
silhouette
de Jean-Marie Vianney: cette tête aux longs cheveux blancs qui lui
font comme une
éclatante
couronne; ce mince visage creusé par les jeûnes, mais sur
lequel se reflétaient si bien
l’innocence
et la sainteté d’un coeur très humble et très doux,
ce visage dont le seul aspect
suffisait
à ramener les foules à de salutaires pensées " (1).
Peu après, Pie XI, en l’année de son
Jubilé
sacerdotal, complétait le geste déjà accompli par
saint Pie X à l’égard des curés de
France et
étendait au monde entier le céleste patronage de saint Jean-Marie
Vianney " pour le
bien spirituel
des curés de tout l’univers " (2).
235. Ces actes
de Nos Prédécesseurs, liés à tant de chers
souvenirs personnels, Nous aimons,
Vénérables
Frères, les évoquer en cette année centenaire de la
mort du saint Curé d’Ars par
cette Encyclique.
Le 4 août, en effet, il rendait son âme à Dieu, usé
par les fatigues d’un
exceptionnel
ministère pastoral de plus de quarante années et entouré
de la vénération unanime.
Nous bénissons
donc la bienveillante Providence, qui par deux fois déjà
se plut à réjouir et à
illuminer
les grandes heures de Notre vie sacerdotale par l’éclat de la sainteté
du Curé d’Ars, de
Nous offrir
à nouveau, dès les premiers temps de ce suprême Pontificat,
l’occasion de célébrer
la si glorieuse
mémoire de ce pasteur d’âmes. Vous ne vous étonnerez
pas, d’autre part, qu’en
vous adressant
cette lettre, Notre esprit et Notre coeur se tournent spécialement
vers les prêtres,
Nos fils très
chers, pour les exhorter tous instamment – et ceux surtout qui sont engagés
dans le
ministère
pastoral – à méditer les admirables exemples de leur frère
dans le sacerdoce, devenu
leur céleste
patron.
236. Certes,
nombreux sont les documents pontificaux qui, déjà, rappellent
aux prêtres les
exigences
de leur état et les guident dans l’exercice de leur ministère.
Pour ne mentionner que les
plus importants,
nous recommandons à nouveau l’Exhortation Haerent animo, de saint
Pie X (3),
qui stimula
la ferveur de Nos premières années sacerdotales ; la magistrale
Encyclique Ad
Catholici
Sacerdotii fastigium, de Pie XI (4), et, parmi tant de documents et d’allocutions
de
Notre Prédécesseur
immédiat sur le prêtre, son Exhortation Menti Nostrae (5),
et aussi
l’admirable
trilogie en l’honneur du sacerdoce (6), que lui suggéra la canonisation
de saint Pie X.
Ces textes,
Vénérables Frères, vous sont connus. Mais vous Nous
permettrez d’évoquer ici,
avec émotion,
le dernier discours que la mort empêcha Pie XII de prononcer et qui
demeure
comme l’ultime
et solennel appel de ce grand Pontife à la sainteté sacerdotale
: " Le caractère
sacramentel
de l’Ordre, y était-il écrit, scelle de la part de Dieu un
pacte éternel de son amour
de prédilection,
qui exige en échange de la créature choisie la sanctification...
Avec humilité et
vérité,
le clerc doit s’habituer à nourrir, au sujet de sa personne, une
conception bien différente et
bien plus
haute que la conception ordinaire du chrétien, même éminent
; il sera un élu parmi le
peuple, un
privilégié des charismes divins, un dépositaire du
pouvoir divin, en un mot un " autre
Christ "...
Il ne s’appartient plus, il n’appartient plus à ses parents et à
ses amis, pas même à une
patrie déterminée
: la charité universelle sera sa respiration. Ses pensées
elles-mêmes, sa volonté,
ses sentiments,
ne sont pas les siens, mais sont du Christ, qui est sa vie " (7).
237. Vers ces
sommets de la sainteté sacerdotale, saint Jean-Marie Vianney nous
entraîne tous.
Et Nous sommes
heureux d’y convier les prêtres d’aujourd’hui; car, si Nous savons
les
difficultés
qu’ils rencontrent dans leur vie personnelle et dans les charges du ministère,
si Nous
n’ignorons
pas les tentations et les fatigues de certains, Notre expérience
Nous dit aussi la fidélité
courageuse
du plus grand nombre et les montées spirituelles des meilleurs.
Aux uns comme aux
autres, le
Seigneur adressa, au jour de l’ordination, cette parole de tendresse :
" Je ne vous
appelle plus
serviteurs, je vous appelle amis 8 ". Puisse Notre lettre encyclique les
aider tous à
persévérer
et à grandir dans cette amitié divine qui constitue la joie
et la force de toute vie
sacerdotale.
238. Notre
dessein n’est pas, Vénérables Frères, d’aborder ici
tous les aspects de la vie
sacerdotale
contemporaine ; et, à l’exemple de saint Pie X, " Nous ne disons
rien que vous
n’ayez entendu,
rien de neuf pour qui que ce soit, mais simplement ce qu’il importe à
tous de se
remémorer
(9) ". En effet, en retraçant les traits de la sainteté du
Curé d’Ars, Nous serons conduit
à mettre
en relief des aspects de la vie sacerdotale, qui en tout temps sont essentiels,
mais qui
prennent de
nos jours une telle importance que Nous tenons pour un devoir de Notre
charge
apostolique
d’y insister particulièrement à l’occasion de ce centenaire.
L’Eglise, qui
a glorifié ce prêtre " admirable par son zèle pastoral
et son désir ininterrompu de
prière
et de pénitence (10) ", a aujourd’hui la joie, un siècle
après sa mort, de le présenter aux
prêtres
du monde entier comme un modèle d’ascèse sacerdotale, un
modèle de piété et surtout
de piété
eucharistique, un modèle de zèle pastoral.
I
239. Parler
de saint Jean-Marie Vianney, c’est évoquer la figure d’un prêtre
exceptionnellement
mortifié
qui, pour l’amour de Dieu et la conversion des pécheurs, se privait
de nourriture et de
sommeil, s’imposait
de rudes disciplines et surtout pratiquait le renoncement de soi à
un degré
héroïque.
S’il est vrai qu’il n’est pas communément demandé aux fidèles
de suivre cette voie
d’exception,
la divine Providence a disposé du moins qu’il ne manquerait jamais,
à travers le
monde, des
pasteurs d’âmes qui, poussés par l’Esprit-Saint, n’hésiteraient
pas à s’engager sur
ces traces,
car de tels hommes opèrent des miracles de conversion ! a tous,
l’exemple
admirable
de renoncement du Curé d’Ars, " sévère pour lui-même
et doux pour les autres (11) ",
rappelle de
façon éloquente et pressante la place primordiale de l’ascèse
dans la vie sacerdotale.
240. Notre
Prédécesseur Pie XII, d’heureuse mémoire, voulant
dissiper certaines équivoques,
tint à
préciser qu’il est faux d’affirmer " que l’état clérical
– en tant et parce qu’il procède du
droit divin
par sa nature ou du moins en vertu d’un postulat de cette même nature,
exige que ses
membres professent
les conseils évangéliques (12) ". Et le Pape de conclure
avec justesse : " Le
clerc n’est
donc pas tenu par droit divin aux conseils évangéliques de
pauvreté, de chasteté et
d’obéissance
(13). " Mais ce serait se tromper gravement sur la pensée de ce
Pontife, si soucieux
de la sainteté
des prêtres, et sur l’enseignement constant de l’Eglise, de croire
pour autant que le
prêtre
séculier est moins appelé à la perfection que le religieux.
241 C’est même
le contraire qui est vrai, car l’accomplissement des fonctions sacerdotales
" requiert
une plus grande sainteté intérieure que ne l’exige l’état
religieux lui-même (14) ". Et si,
pour atteindre
à cette sainteté de vie, la pratique des conseils évangéliques
n’est pas imposée au
prêtre
en vertu de son état clérical, elle s’offre néanmoins
à lui comme à tous les disciples du
Seigneur,
comme la voie royale de la sanctification chrétienne. Du reste,
à Notre grande
consolation,
combien de prêtres généreux l’ont aujourd’hui compris
qui, tout en demeurant dans
les rangs
du clergé séculier, demandent à de pieuses associations
approuvées par l’Eglise de les
guider et
de les soutenir dans les voies de la perfection !
242. Convaincus
que " la grandeur du sacerdoce est dans l’imitation de Jésus-Christ
(15) ", les
prêtres
seront donc plus que jamais attentifs aux appels du divin Maître
: " Si quelqu’un veut se
mettre à
ma suite, qu’il se renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix
et qu’il me suive... " (Mt 16,
24). Le saint
Curé d’Ars, rapporte-t-on, " avait médité souvent
cette parole de Notre-Seigneur,
et il tâchait
de la mettre en pratique (16) ". Dieu lui fit la grâce d’y demeurer
héroïquement fidèle ;
et son exemple
nous guide encore dans les voies de l’ascèse où il brilla
d’un grand éclat par sa
pauvreté,
sa chasteté et son obéissance.
243. Avant
tout, la pauvreté de l’humble Curé d’Ars, digne émule
de saint François d’Assise,
dont il fut
dans le Tiers-Ordre un disciple fidèle (17). Riche pour donner aux
autres, mais pauvre
pour lui-même,
il vécut dans un total détachement des biens de ce monde,
et son coeur vraiment
libre s’ouvrait
largement à toutes les misères matérielles et spirituelles
qui affluaient vers lui.
" Mon secret
est bien simple, disait-il, c’est de tout donner et de ne rien garder (18).
"
244. Son désintéressement
le rendait attentif aux pauvres, à ceux de sa paroisse surtout,
envers
qui il témoignait
d’une extrême délicatesse, les traitant " avec une véritable
tendresse, avec
beaucoup d’égards,
on peut dire, avec respect (19) ". Il recommandait de ne jamais manquer
d’égards
envers les pauvres, parce que ce manque retombe sur Dieu ; et quand un
miséreux
frappait à
sa porte, il était heureux, en l’accueillant avec bonté,
de pouvoir lui dire : " Je suis
pauvre comme
vous, je suis aujourd’hui un des vôtres (20) ! " À la fin
de sa vie, il aimait répéter :
" Je suis
très content, je n’ai plus rien, le bon Dieu peut m’appeler quand
il voudra (21). "
245. Aussi
pourrez-vous comprendre, Vénérables Frères, de quel
coeur Nous exhortons Nos
chers fils
du sacerdoce catholique, à méditer un tel exemple de pauvreté
et de charité.
" L’expérience
quotidienne atteste – écrivait Pie XI en pensant au saint Curé
d’Ars – qu’un
prêtre
qui est évangéliquement pauvre et désintéressé
fait des miracles de bien auprès du peuple
chrétien
(22). " Et le même Pontife, considérant l’état de la
société contemporaine, adressait aussi
aux prêtres
ce grave avertissement : " Au milieu d’un monde corrompu où tout
se vend et tout
s’achète,
le prêtre doit passer exempt de tout égoïsme, saintement
dédaigneux de toute basse
cupidité
et de gain terrestre, se donnant à la recherche des âmes,
non de l’argent, de la gloire de
Dieu, non
de la sienne (23). "
246. Ces paroles
doivent être inscrites au coeur de tous les prêtres. S’il en
est qui possèdent
légitimement
quelques biens personnels, qu’ils ne s’y attachent pas ! Qu’ils se souviennent
plutôt
de l’obligation
que formule le Code de droit canonique, à propos des bénéfices
ecclésiastiques,
de dépenser
leur superflu pour les pauvres ou les bonnes oeuvres (24) ". Et Dieu veuille
qu’aucun
ne mérite
le reproche du saint Curé à ses ouailles : " Combien ont
de l’argent qu’ils tiennent
enfermé,
tandis que tant de pauvres meurent de faim ! (25) "
247. Mais Nous
savons que beaucoup de prêtres aujourd’hui vivent en fait dans des
conditions
de réelle
pauvreté. La glorification d’un des leurs, qui volontairement vécut
si dépouillé et se
réjouissait
à la pensée d’être le plus pauvre de la paroisse (26),
sera pour eux un providentiel
encouragement
à se renoncer eux-mêmes dans la pratique d’une évangélique
pauvreté. Et si
Notre paternelle
sollicitude peut leur être de quelque réconfort, qu’ils sachent
combien Nous
Nous réjouissons
vivement de leur désintéressement au service du Christ et
de l’Eglise.
248. Mais en
recommandant cette héroïque pauvreté, Nous n’entendons
nullement, Vénérables
Frères,
approuver le dénuement auquel sont parfois réduits les ministres
du Seigneur dans les
villes ou
les campagnes. Dans son commentaire de l’exhortation du Seigneur au détachement
des
biens de ce
monde, saint Bède le Vénérable nous met précisément
en garde contre toute
interprétation
abusive : " Il ne faut pas croire, écrit-il, qu’il soit prescrit
aux saints de ne pas
conserver
d’argent pour leur usage personnel ou celui des pauvres, puisqu’on lit
que le Seigneur
lui-même...
avait une caisse pour fonder l’Eglise... ; mais, plutôt, qu’on ne
serve pas Dieu pour
cela ni qu’on
renonce à la justice par crainte du dénuement (27). " Aussi
bien l’ouvrier a droit à son
salaire (cf.
Lc 10, 7), et, faisant Nôtres les préoccupations de Notre
Prédécesseur immédiat (28),
Nous demandons
instamment à tous les fidèles de répondre avec générosité
à l’appel des
évêques
légitimement soucieux d’assurer à leurs collaborateurs des
ressources convenables.
249. Saint
Jean-Marie Vianney, pauvre dans ses biens, fut également mortifié
en sa chair. " Il n’y
a qu’une manière
de se donner à Dieu dans l’exercice du renoncement et du sacrifice,
disait-il :
c’est de se
donner tout entier (29). " Et toute sa vie, il pratiqua, à un degré
héroïque, l’ascèse de la
chasteté.
250. Son exemple
sur ce point apparaît d’une particulière opportunité,
car en bien des régions,
hélas
! les prêtres sont tenus de vivre, en raison même de leur charge,
dans un monde où règne
une atmosphère
d’excessive liberté et de sensualité. Et le mot de saint
Thomas n’est pour eux
que trop vrai
: " Il est parfois plus difficile de vivre vertueusement en ayant charge
d’âmes, à
cause des
dangers extérieurs (30). " Souvent, au surplus, ils sont moralement
seuls, peu compris,
peu soutenus
par les fidèles auxquels ils se dévouent. A tous, aux plus
isolés et aux plus exposés
surtout, Nous
adressons ici un appel très pressant pour que leur vie entière
soit un pur
témoignage
rendu à cette vertu que saint Pie X appelait " le plus bel ornement
de notre état
sacerdotal
(31) ".
251. Et Nous
vous recommandons avec une vive insistance, Vénérables Frères,
de procurer à
vos prêtres,
dans toute la mesure du possible, des conditions d’existence et de travail
qui
soutiennent
leur générosité. Il faut à tout prix combattre
les périls de l’isolement, dénoncer les
imprudences,
écarter les tentations de l’oisiveté ou les risques du surmenage.
Qu’on se
souvienne
également à cet égard des magnifiques enseignements
de Notre Prédécesseur dans
l’Encyclique
Sacra Virginitas (32).
252. " La chasteté
brillait dans son regard (33) ", a-t-on dit du Curé d’Ars. En vérité,
qui se met à
son école
est saisi non seulement par l’héroïsme avec lequel ce prêtre
réduisit son corps en
servitude
(Cf. Cor. 9, 27), mais aussi par l’accent de conviction avec lequel il
réussissait à
entraîner
à sa suite la foule de ses pénitents. C’est qu’il savait,
par une longue pratique du
confessionnal,
les ravages des péchés de la chair : " S’il n’y avait pas
quelques âmes pures pour
dédommager
le bon Dieu, soupirait-il..., vous verriez comme nous serions punis ! "
Et, parlant
d’expérience,
il joignait à son appel un encouragement fraternel : " La mortification
a un baume et
des saveurs
dont on ne peut plus se passer quand on les a une fois connus... Dans cette
voie, il
n’y a que
le premier pas qui coûte (34). "
253. Cette
ascèse nécessaire de la chasteté, loin de refermer
le prêtre dans un stérile égoïsme,
rend son coeur
plus ouvert et plus disponible à tous les besoins de ses frères
" Lorsque le coeur
est pur, disait
magnifiquement le Curé d’Ars, il ne peut pas se défendre
d’aimer, parce qu’il a
retrouvé
la source de l’amour qui est Dieu. "
Quel bienfait
pour la société humaine d’avoir ainsi au milieu d’elle des
hommes qui, libres des
sollicitudes
temporelles, se consacrent entièrement au service de Dieu et donnent
à leurs frères
leur vie,
leurs pensées et leurs forces Quelle grâce pour l’Eglise que
des prêtres fidèles à cette
haute vertu
! Avec Pie XI, Nous la considérons comme la gloire la plus pure
du sacerdoce
catholique,
elle qui Nous semble " la meilleure réponse aux désirs du
Coeur de Jésus et à ses
desseins sur
les âmes sacerdotales (35) ". N’est-ce pas à ce même
dessein de la charité divine que
pensait le
saint Curé d’Ars, quand il s’écriait : " Le sacerdoce c’est
l’amour du Coeur de
Jésus
! (36) "
254. Sur l’esprit
d’obéissance du Saint, les témoignages sont innombrables,
car on peut affirmer
que pour lui
l’exacte fidélité à la promesse faite au jour de l’Ordination
d’obéir à ses Supérieurs
fut l’occasion
d’un renoncement permanent de quarante années. Toute sa vie, en
effet, il aspira à
la solitude
d’une sainte retraite, et les responsabilités pastorales lui furent
un trop lourd fardeau,
dont il tenta
même plusieurs fois de se libérer. Son obéissance totale
à l’évêque n’en fut que plus
admirable.
Ecoutons, Vénérables Frères, les témoins de
sa vie : " Depuis l’âge de quinze ans, dit
l’un, ce désir
(de la solitude) était dans son coeur pour le tourmenter et lui
enlever le bonheur
qu’il aurait
pu goûter dans sa position (37). " Mais " Dieu ne permit pas, atteste
un autre, qu’il pût
réaliser
son dessein. La divine Providence voulait sans doute qu’en sacrifiant son
goût à
l’obéissance,
son plaisir au devoir, M. Vianney eût sans cesse l’occasion de se
vaincre
lui-même
(38) ". " M. Vianney, conclut un troisième, resta Curé d’Ars
avec une aveugle
obéissance,
et il y est demeuré jusqu’à sa mort ". (39)
255. Cette
totale adhésion à la volonté de ses supérieurs
était – faut-il le préciser ? – toute
surnaturelle
en son motif ; elle était un acte de foi en la parole du Christ
disant à ses Apôtres :
" Qui vous
écoute m’écoute " (Lc 10, 16). Et, pour y demeurer fidèle,
il s’exerçait à renoncer
habituellement
à sa volonté propre dans l’acceptation de son lourd ministère
du confessionnal et
dans toutes
les tâches quotidiennes où la collaboration entre confrères
rend l’apostolat plus
fructueux.
256. Nous aimons
proposer cette rigoureuse obéissance en exemple aux prêtres,
dans la
confiance
qu’ils en comprendront toute la grandeur et en acquerront le goût
spirituel. Et si jamais
ils étaient
tentés de douter de l’importance de cette vertu capitale, si facilement
méconnue
aujourd’hui,
qu’ils sachent bien qu’ils ont contre eux les affirmations claires et nettes
de Pie XII,
qui atteste
que " la sainteté de la vie personnelle et l’efficacité de
l’apostolat ont pour base et
pour soutien...
l’obéissance constante et exacte à la sainte hiérarchie
" (40). Au reste, vous vous
souvenez,
Vénérables Frères, avec quelle force Nos derniers
Prédécesseurs ont dénoncé les
dangers graves
de l’esprit d’indépendance dans le clergé, tant pour l’enseignement
de la doctrine
que pour les
méthodes d’apostolat et la discipline ecclésiastique.
257. Nous ne
voulons pas insister davantage sur ce point, mais Nous préférons
exhorter Nos fils
prêtres
à développer en eux-mêmes le sens filial de leur appartenance
à l’Eglise, notre Mère. On
disait du
Curé d’Ars qu’il ne vivait que dans l’Eglise, et pour l’Eglise,
comme le brin de paille
perdu dans
le brasier. Prêtres de Jésus-Christ, nous sommes plongés
dans ce brasier qu’anime le
feu de l’Esprit-Saint
; nous avons tout reçu de l’Eglise ; nous n’agissons qu’en son nom
et par les
pouvoirs qu’elle
nous a conférés : aimons la servir dans les liens de l’unité
et de la manière dont
elle-même
veut être servie. (41)
II
258. Homme
de pénitence, saint Jean-Marie Vianney avait également compris
que " le prêtre
avant tout
doit être l’homme de la prière " (42). Chacun connaît
les longues nuits d’adoration que,
jeune curé
d’un village alors peu chrétien, il passait devant le Saint Sacrement.
Le tabernacle de
son église
devint vite le foyer de sa vie personnelle et de son apostolat, au point
qu’on ne saurait
évoquer
plus justement la paroisse d’Ars au temps du Saint que par ces mots de
Pie XII sur la
paroisse chrétienne
: " Le centre en est l’église, et dans l’église le tabernacle,
et, à côté, le
confessionnal
où les âmes mortes retrouvent la vie et les malades la santé
" (43).
259. Aux prêtres
de ce siècle, volontiers sensibles à l’efficacité
de l’action et facilement tentés
même
par un dangereux activisme, combien salutaire est ce modèle de prière
assidue dans une
vie entièrement
livrée aux besoins des âmes ! " Ce qui nous empêche
d’être saints, nous autres
prêtres,
disait-il, c’est le manque de réflexion. On ne rentre pas en soi-même
; on ne sait pas ce
qu’on fait.
C’est la réflexion, l’oraison, l’union à Dieu qu’il nous
faut ". Lui-même demeurait, au
témoignage
de ses contemporains, dans un état de continuelle oraison, dont
ni le poids harassant
des confessions
ni ses autres charges pastorales ne le distrayaient. " Il conservait une
union
constante
avec Dieu au milieu de sa vie excessivement occupée ". (44)
260. Mais écoutons-le
lui-même, car il est intarissable quand il parle des joies et des
bienfaits de
la prière.
" L’homme est un pauvre qui a besoin de tout demander à Dieu...
(45) Que d’âmes nous
pouvons convertir
par nos prières ! " (46) Et il répétait : " La prière,
voilà tout le bonheur de
l’homme sur
la terre ". (47) Ce bonheur, il l’a longuement goûté lui-même,
tandis que son regard
éclairé
par la foi contemplait les mystères divins et que, par l’adoration
du Verbe incarné, il
élevait
son âme simple et pure vers la Trinité Sainte, objet suprême
de son amour. Et les pèlerins
qui se pressaient
dans l’église d’Ars comprenaient que l’humble prêtre leur
livrait quelque chose
du secret
de sa vie intérieure par cette exclamation fréquente, qui
lui était chère : " Etre aimé de
Dieu, être
uni à Dieu, vivre en la présence de Dieu, vivre pour Dieu
: oh ! belle vie et belle mort !
(48) "
261. Nous voudrions,
Vénérables Frères, que tous les prêtres de vos
diocèses se laissent
convaincre,
par le témoignage du saint Curé d’Ars, de la nécessité
d’être des hommes d’oraison
et de la possibilité
de l’être, quelle que soit la surcharge parfois extrême des
travaux de leur
ministère.
Mais il y faut une foi vive, comme celle qui animait Jean-Marie Vianney
et lui faisait
accomplir
des merveilles. " Quelle foi ! s’exclamait un de ses confrères.
II y aurait de quoi
enrichir tout
un diocèse ! " (49)
262. Cette
fidélité à la prière est d’ailleurs pour le
prêtre un devoir de piété personnelle, dont la
sagesse de
l’Eglise a précisé plusieurs points importants, comme l’oraison
mentale quotidienne,
la visite
au Saint Sacrement, le chapelet et l’examen de conscience. (50) C’est même
une stricte
obligation
contractée envers l’Eglise, quand il s’agit de la récitation
journalière de l’office divin. (51)
Peut-être
est-ce pour avoir négligé telles de ces prescriptions que
certains membres du clergé se
sont vus peu
à peu livrés à l’instabilité extérieure,
à l’appauvrissement intérieur, et exposés un
jour sans
défense aux tentations du monde.
263. Au contraire,
" en travaillant incessamment au bien des âmes, M. Vianney ne négligeait
pas
la sienne.
Il se sanctifiait lui-même pour être plus apte à sanctifier
les autres (52) ". Avec saint Pie X
" ... considérons
donc comme certain et bien établi que le prêtre, pour tenir
dignement sa place
et remplir
son devoir, doit se consacrer avant tout à la prière... Plus
que tout autre, il doit obéir
au précepte
du Christ : il faut toujours prier ; précepte que saint Paul recommande
avec
instance :
persévérez dans la prière, avec vigilance et dans
l’action de grâces... Priez sans
cesse (53)
". Et, volontiers, Nous reprendrions Nous-même, en terminant ce point,
le mot d’ordre
que Notre
Prédécesseur immédiat donnait aux prêtres, dès
le début de son pontificat : " Priez,
priez toujours
davantage et avec plus de ferveur ". (54)
264. La prière
du Curé d’Ars, qui passa pour ainsi dire les trente dernières
années de sa vie dans
son église
où le retenaient ses innombrables pénitents, était
surtout une prière eucharistique. Sa
dévotion
envers Notre-Seigneur présent dans le Très Saint Sacrement
de l’autel était vraiment
extraordinaire.
Il est là, disait-il, Celui qui nous aime tant ; pourquoi ne l’aimerions-nous
pas ? "
(55) Et, certes,
il l’aimait et se sentait comme irrésistiblement attiré vers
le tabernacle : " On n’a pas
besoin de
tant parler pour bien prier, expliquait-il à ses paroissiens. On
sait que le bon Dieu est
là,
dans le saint tabernacle ; on lui ouvre son coeur ; on se complaît
en sa sainte présence. C’est
la meilleure
prière celle-là ". (56) En toutes circonstances, il inculquait
aux fidèles le respect et
l’amour de
la divine présence eucharistique, les invitant à s’approcher
fréquemment de la Table
sainte ; et
lui-même donnait l’exemple de cette profonde piété
: " Pour s’en convaincre,
rapportèrent
les témoins, il suffisait de le voir dire la messe, faire la génuflexion
en passant devant
le tabernacle...
" (57)
265. " L’exemple
admirable du saint Curé d’Ars garde aujourd’hui encore toute sa
valeur ",
atteste Pie
XII. 58 Rien ne saurait remplacer dans la vie d’un prêtre la prière
silencieuse et
prolongée
devant l’autel. Tour à tour, l’adoration de Jésus, notre
Dieu, l’action de grâces, la
réparation
pour nos propres fautes et celles des hommes, la supplication pour tant
d’intentions
qui lui sont
confiées, élèvent ce prêtre à plus d’amour
pour le Maître divin à qui il a donné sa foi
et pour les
hommes qui attendent son ministère sacerdotal. C’est par la pratique
d’un tel culte,
éclairé
et fervent envers l’Eucharistie, qu’un prêtre accroît sa vie
spirituelle et que se forgent les
énergies
missionnaires des plus valeureux apôtres.
266. Et faut-il
ajouter le bienfait qui en découle pour les fidèles, témoins
de cette piété de leurs
prêtres
et attirés par leur exemple. " Si vous voulez que les fidèles
prient avec dévotion, disait Pie
XII au clergé
de Rome, donnez-leur vous-même d’abord l’exemple, à l’église,
faisant oraison en
leur présence.
Un prêtre agenouillé devant le tabernacle dans une pose digne,
dans un profond
recueillement,
est, pour le peuple un sujet d’édification, un avertissement, une
invitation à
l’émulation
dans la prière (59) ". Ce fut par excellence l’arme apostolique
du jeune Curé d’Ars ; ne
doutons pas
de sa valeur en toutes circonstances.
267. Nous ne
saurions oublier toutefois que la prière eucharistique au sens plénier
du terme est le
saint sacrifice
de la messe. Il convient, Vénérables Frères, d’insister
spécialement sur ce point
puisqu’il
touche à l’un des aspects essentiels de la vie sacerdotale. Sans
doute, Notre intention
n’est-elle
pas de reprendre ici l’exposé de la doctrine traditionnelle de l’Eglise
sur le prêtre et le
sacrifice
eucharistique ; Nos Prédécesseurs, Pie XI et Pie XII d’heureuse
mémoire, dans des
documents
magistraux, ont rappelé avec tant de clarté cet enseignement
que Nous ne pouvons
que vous exhorter
à le faire largement connaître aux prêtres et aux fidèles
qui vous sont confiés.
Ainsi seraient
dissipées des incertitudes ou des hardiesses de pensée qui
ont pu, ici ou là, se
manifester
à cet égard.
268. Mais il
est bon de montrer dans cette Encyclique en quel sens profond le saint
Curé d’Ars,
héroïquement
fidèle aux devoirs de son ministère, mérita vraiment
d’être proposé en exemple
aux pasteurs
d’âmes et proclamé leur céleste patron. S’il est vrai,
en effet, que le prêtre a reçu le
caractère
de l’Ordre pour le service de l’autel et a commencé l’exercice de
son sacerdoce avec
le sacrifice
eucharistique, celui-ci ne cessera d’être, tout au cours de sa vie,
au principe de son
action apostolique
et de sa sanctification personnelle. Et tel fut bien le cas de saint Jean-Marie
Vianney.
269. Qu’est-il
donc l’apostolat du prêtre, considéré dans son action
essentielle, si ce n’est de
réaliser,
partout où vit l’Eglise, le rassemblement autour de l’autel d’un
peuple uni dans la foi,
régénéré
et purifié ? C’est alors que le prêtre, par les pouvoirs qu’il
a seul reçus, offre le divin
sacrifice
où Jésus lui-même renouvelle l’immolation unique accomplie
sur le calvaire pour la
rédemption
du monde et la glorification de son Père ; c’est là que les
chrétiens réunis offrent au
Père
céleste la divine Victime par le moyen du prêtre et qu’ils
apprennent à s’immoler
eux-mêmes
en " hosties vivantes, saintes, agréables à Dieu " (Rm 12,
1) ; c’est là que le peuple
de Dieu, éclairé
par la prédication de la foi, nourri du corps du Christ, trouve
sa vie, sa
croissance
et, s’il en est besoin, renforce son unité ; c’est là en
un mot que, de générations en
générations,
dans toutes les contrées du monde, se construit dans la charité
le Corps mystique du
Christ, qui
est l’Eglise.
270. A cet
égard, le saint Curé d’Ars fut chaque jour davantage exclusivement
engagé dans
l’enseignement
de la foi et dans la purification des consciences, et, donc, tous les actes
de son
ministère
convergeaient vers l’autel, et une telle existence doit justement être
dite éminemment
sacerdotale
et pastorale. Sans doute, à Ars, les pécheurs affluaient-ils
d’eux-mêmes à l’église,
attirés
par le renom de sainteté du pasteur, alors que tant de prêtres
doivent consacrer de longs
et laborieux
efforts à rassembler leur peuple ; sans doute d’autres, à
la tâche plus missionnaire,
en sont-ils
encore à la première annonce de la bonne Nouvelle du Sauveur
: mais ces travaux
apostoliques
si nécessaires et parfois si difficiles ne peuvent faire oublier
aux apôtres la fin qu’ils
doivent poursuivre
et qu’atteignait le Curé d’Ars quand, dans son humble église
de campagne, il
se consacrait
aux tâches essentielles de l’action pastorale.
271. Il y a
plus. C’est toute la sanctification personnelle du prêtre qui doit
se modeler sur le
sacrifice
qu’il célèbre, selon l’invitation du Pontifical romain. "
Considérez l’action que vous
accomplissez
; imitez le sacrifice que vous offrez ". Mais laissons ici la parole à
Notre
Prédécesseur
immédiat, dans son Exhortation apostolique Menti nostrae : " De
même que toute
la vie du
Sauveur fut ordonnée au sacrifice de lui-même, ainsi toute
la vie du prêtre, qui doit
reproduire
en soi l’image du Christ, doit être avec Lui, par Lui et en Lui,
un sacrifice agréable...
Le prêtre
ne se contentera pas de célébrer le sacrifice eucharistique,
mais il devra le vivre d’une
manière
très profonde. Ainsi y puisera-t-il la force surnaturelle qui le
transformera complètement
et le fera
participer à la vie expiatrice du Rédempteur lui-même
(60) ". Et le même Pontife de
conclure :
" C’est donc une obligation pour le prêtre de reproduire dans son
âme ce qui se
produit sur
l’autel, et puisque le Christ Jésus s’y immole lui-même, son
ministre s’y immolera
avec lui ;
puisque Jésus expie les péchés des hommes, le prêtre
parviendra à sa propre
purification
et à celle des autres en suivant la voie ardue de l’ascèse
chrétienne ". (61)
272. C’est
cette haute doctrine que l’Eglise a en vue quand elle invite ses ministres
à une vie
d’ascèse
et leur recommande de célébrer avec une profonde piété
le sacrifice eucharistique.
N’est-ce pas
faute d’avoir assez bien compris le lien étroit, et comme réciproque,
qui unit le don
quotidien
de soi-même à l’offrande de la messe, que des prêtres
en sont venus peu à peu à
perdre la
ferveur première de leur ordination ? Telle était l’expérience
acquise par le Curé
d’Ars : "
La cause, disait-il, du relâchement du prêtre, c’est qu’on
ne fait pas attention à la
messe ". Et
le Saint, qui avait lui-même l’héroïque " habitude de
s’offrir en sacrifice pour les
pécheurs
" (62), versait d’abondantes larmes " en pensant au malheur des prêtres
qui ne
correspondent
pas à la sainteté de leur vocation ". (63)
D’un coeur
paternel, Nous demandons à Nos chers prêtres de s’examiner
régulièrement sur la
façon
dont ils célèbrent les saints mystères, et surtout
sur les dispositions spirituelles avec
lesquelles
ils montent à l’autel et sur les fruits qu’ils s’appliquent à
en retirer. Le centenaire de ce
prêtre
admirable, qui puisait dans " la consolation et le bonheur de célébrer
la sainte messe " (64) le
courage de
son propre sacrifice, les y invite : son intercession leur vaudra, Nous
en avons la
ferme confiance,
d’abondantes grâces de lumière et de force.
III
273. Cette
vie d’ascèse et de prière, dont Nous venons, Vénérables
Frères, de vous dire la
ferveur, livre
au surplus le secret du zèle pastoral de saint Jean-Marie Vianney
et de l’étonnante
efficacité
surnaturelle de son ministère. " Que le prêtre cependant se
souvienne, écrivait Notre
Prédécesseur
d’heureuse mémoire Pie XII, que son ministère, si important,
sera d’autant plus
fécond
qu’il sera lui-même plus étroitement uni au Christ et qu’il
sera guidé dans l’action par
l’esprit du
Christ (65) ". La vie du Curé d’Ars vérifie une fois de plus
cette grande loi de tout
apostolat,
fondée sur la parole même de Jésus : " Sans moi, vous
ne pouvez rien faire " (Jn 15,
5).
274. Sans doute
ne s’agit-il pas ici de rappeler l’admirable histoire de cet humble Curé
de
campagne,
dont le confessionnal fut, trente années durant, assiégé
par des foules si nombreuses
que certains
esprits forts de l’époque osèrent lui reprocher de " troubler
le XIXe siècle " (66), ni de
traiter avec
opportunité de ses méthodes d’apostolat qui ne sont pas immédiatement
applicables
à l’apostolat
contemporain. Et il Nous suffit de rappeler, sur ce point, que le saint
Curé fut en
son temps
un modèle de zèle pastoral dans ce village de France où
la foi et les moeurs se
ressentaient
encore des ébranlements de la Révolution.
275. " Il n’y
a pas beaucoup d’amour de Dieu dans cette paroisse, vous y en mettrez ",
lui
avait-on dit
en l’y envoyant. (67) Apôtre infatigable, plein d’initiatives pour
gagner la jeunesse et
sanctifier
les foyers, attentif aux soucis humains de ses ouailles, proche de leur
vie, se dépensant
sans compter
pour l’établissement des écoles chrétiennes et en
faveur des missions paroissiales,
il fut en
vérité pour son petit troupeau le bon pasteur, qui connaît
ses brebis, les garde du danger
et les conduit
avec autorité et sagesse. Ne se louait-il pas à son insu
par cette apostrophe d’un
de ses sermons
: " Un bon pasteur, un pasteur selon le coeur de Dieu : c’est là
le plus grand
trésor
que le bon Dieu puisse accorder à une paroisse ! " (68)
276. L’exemple
du Curé d’Ars garde en vérité une valeur permanente
et universelle sur trois
points essentiels,
qu’il Nous plaît, Vénérables Frères, de proposer
ici à votre attention.
Ce qui frappe
tout d’abord, c’est le sens aigu qu’il avait de ses responsabilités
pastorales. Son
humilité
et la connaissance surnaturelle qu’il avait du prix des âmes lui
firent porter avec crainte
sa charge
de curé. " Mon ami, confiait-il à un confrère, vous
ne savez pas ce que c’est que de
passer d’une
cure au tribunal de Dieu ! " (69) Et l’on sait le désir qui le tourmenta
longtemps de fuir
en quelque
lieu de retraite pour y " pleurer sa pauvre vie ", et comment l’obéissance
et le zèle des
âmes
le ramenèrent chaque fois à son poste.
277. Mais si,
à certaines heures, il fut ainsi accablé par sa charge devenue
exceptionnellement
écrasante,
c’est que précisément il avait de son devoir et de ses responsabilités
de pasteur une
conception
héroïque. " Mon Dieu, priait-il en ses premières années,
accordez-moi la conversion
de ma paroisse
; je consens à souffrir ce que vous voudrez tout le temps de ma
vie ! " (70) Il obtint
du ciel cette
conversion. Mais il avouait plus tard : " Quand je suis venu à Ars,
si j’avais prévu les
souffrances
qui m’y attendaient, je serais mort d’appréhension sur le coup (71)
". A l'exemple des
apôtres
de tous les temps, il voyait dans la croix le grand moyen surnaturel de
coopérer au salut
des âmes
qui lui étaient confiées. Pour elles, il souffrit sans se
plaindre les calomnies, les
incompréhensions,
les contradictions ; pour elles, il accepta le véritable martyre
physique et
moral d’une
présence presque ininterrompue au confessionnal chaque jour durant
trente années ;
pour elles,
il lutta en athlète du Seigneur contre les puissances infernales
; pour elles, il mortifia
son corps.
Et l’on connaît sa réponse à ce confrère qui
se plaignait du peu d’efficacité de son
ministère
: " Vous avez prié, vous avez pleuré, vous avez gémi,
vous avez soupiré. Mais
avez-vous
jeûné, avez-vous veillé, avez-vous couché sur
la dure, vous êtes-vous donné la
discipline
? Tant que vous n’en serez pas là, ne croyez pas avoir tout fait
". (72)
278. Nous Nous
tournons vers tous les prêtres qui ont charge d’âmes et Nous
les conjurons
d’entendre
ces véhémentes paroles ! Que chacun, selon la prudence surnaturelle
qui doit
toujours régler
nos actions, apprécie sa propre conduite vis-à-vis du peuple
confié à sa
sollicitude
pastorale. Sans jamais douter de la miséricorde divine qui vient
en aide à notre
faiblesse,
qu’il considère à la lumière des exemples de saint
Jean-Marie Vianney sa propre
responsabilité.
" Ce qui est un grand malheur pour nous autres curés, déplorait
le Saint, c’est que
l’âme
s’engourdit " ; et il entendait par là une dangereuse accoutumance
du pasteur à l’état de
péché
dans lequel vivent tant de ses ouailles. Ou encore, pour mieux se mettre
à l’école du Curé
d’Ars, qui
" était convaincu que pour faire du bien aux hommes, il fallait
les aimer ", (73) que
chacun s’interroge
sur la charité qui l’anime à l’égard de ceux dont
il a devant Dieu la charge et
pour qui le
Christ est mort !
279. Certes,
la liberté des hommes ou certains événements indépendants
de leur volonté peuvent
parfois s’opposer
aux efforts des plus grands saints. Mais le prêtre n’en garde pas
moins le
devoir de
se rappeler que, selon les insondables desseins de la divine Providence,
le sort de
beaucoup d’âmes
est lié à son zèle pastoral et à l’exemple
de sa vie. Cette pensée n’est-elle pas
de nature
à provoquer chez les tièdes une salutaire inquiétude
et à stimuler les plus fervents ?
280. " Toujours
prêt à répondre aux besoins des âmes (74) ",
saint Jean-Marie Vianney excella en
vrai pasteur
à leur procurer en abondance l’aliment primordial de la vérité
religieuse. Il fut toute
sa vie prédicateur
et catéchiste. On sait le travail acharné et persévérant
qu’il s’imposa pour bien
remplir ce
devoir de sa charge, le premier et le plus grand des devoirs, selon le
Concile de
Trente. Ses
études, faites tardivement, furent laborieuses, et ses sermons lui
coûtèrent au début
bien des veilles.
Mais quel exemple pour les ministres de la Parole de Dieu ! Certains
s’autorisent
volontiers de son peu d’instruction pour excuser leur manque de zèle
dans les
études.
Mieux vaudrait imiter son courage à se rendre digne d’un si grand
ministère, selon la
mesure des
dons qui lui avaient été départis ; ceux-ci d’ailleurs
n’étaient pas si modestes qu’on
se plaît
parfois à dire, car " il y avait dans son intelligence beaucoup
de distinction et de clarté ".
(75)
281. En tout
cas, chaque prêtre a le devoir d’acquérir et d’entretenir
les connaissances générales
et la culture
théologique proportionnées à ses aptitudes et à
ses fonctions. Et plaise à Dieu que
les pasteurs
d’âmes fassent toujours autant que fit le Curé d’Ars pour
développer les capacités
de son intelligence
et de sa mémoire, et pour puiser surtout aux lumières du
plus savant livre
qu’on puisse
lire, la croix du Christ ! Son évêque disait de lui à
certains de ses détracteurs : " Je
ne sais pas
s’il est instruit, mais il est éclairé ". (76)
282. C’est
avec grande raison que Notre Prédécesseur d’heureuse mémoire,
Pie XII, ne craignit
pas de donner
en modèle aux prédicateurs de la Ville Eternelle l’humble
prêtre de campagne.
" Le saint
Curé d’Ars n’avait certes pas le génie naturel d’un P. Segneri
ou d’un Bossuet ; mais
la conviction
vive, claire, profonde, dont il était animé, vibrait dans
sa parole, brillait dans ses
yeux, suggérait
à son imagination et à sa sensibilité des idées,
des images, des comparaisons
justes, appropriées,
délicieuses qui auraient ravi un saint François de Sales.
De tels prédicateurs
conquièrent
vraiment leur auditoire. Celui qui est rempli du Christ ne trouvera pas
difficile de
gagner les
autres au Christ (77) ". Ces paroles décrivent à merveille
le Curé d’Ars, catéchiste et
prédicateur.
Et quand, à la fin de sa vie, sa voix affaiblie ne parvenait plus
à se faire entendre de
tout l’auditoire,
c’est encore par son regard de feu, par ses larmes, par ses cris d’amour
de Dieu
ou son expression
de douleur à la seule pensée du péché, qu’il
convertissait les fidèles accourus
au pied de
sa chaire. Comment, en effet, n’être pas saisi par le témoignage
d’une vie aussi
totalement
livrée à l’amour du Christ ?
283. Jusqu’à
sa mort, saint Jean-Marie Vianney fut ainsi fidèle à instruire
son peuple et les
pèlerins
qui emplissaient son église, à dénoncer " à
temps et à contretemps " (2 Tim 4, 2) le mal
sous toutes
ses formes, à soulever surtout les âmes vers Dieu, car " il
préférait montrer le côté
attrayant
de la vertu plus que la laideur du vice " (78). Cet humble prêtre
avait en effet compris à un
rare degré
la dignité et la grandeur du ministère de la Parole de Dieu
: " Notre-Seigneur qui est la
Vérité
même, disait-il, ne fait pas moins de cas de sa Parole que de son
Corps ".
284. On comprend
donc la joie de Nos Prédécesseurs d’offrir ce pasteur d’âmes
en modèle aux
prêtres,
car il est d’une souveraine importance que le clergé soit partout
et en tout temps fidèle à
son devoir
d’enseigner. " Il importe, disait à ce propos saint Pie X, de mettre
en relief et avec
insistance
ce point essentiel : un prêtre quel qu’il soit n’a pas de tâche
plus importante et il n’est
tenu par aucune
obligation plus stricte (79) ". Cette objurgation, constamment renouvelée
par tous
et dont le
Code de droit canonique se fait l’écho (80), Nous vous l’adressons
à Notre tour,
Vénérables
Frères, en cette année centenaire du saint catéchiste
et prédicateur d’Ars.
285. Nous encourageons
les recherches faites avec prudence et sous votre contrôle en divers
pays pour
améliorer les conditions de l’enseignement religieux des jeunes
et des adultes, sous ses
différentes
formes et compte tenu des différents milieux. Mais, pour utiles
que soient de tels
travaux, Dieu
nous rappelle en ce centenaire du Curé d’Ars l’irrécusable
puissance apostolique
d’un prêtre
qui, par sa propre vie autant que par ses paroles, rend témoignage
au Christ crucifié
" non par
les discours persuasifs de la sagesse, mais par une démonstration
d’Esprit et de
puissance
" (1 Co 2, 4).
286. Il nous
reste enfin à évoquer dans la vie de saint Jean-Marie Vianney
cette forme du
ministère
pastoral qui lui fut ici-bas comme un long martyre et demeure à
jamais attachée à sa
gloire : l’administration
du sacrement de pénitence, qui en reçut un singulier éclat
et produisit les
fruits les
plus abondants et salutaires. " Il passait en moyenne quinze heures au
confessionnal
chaque jour.
Ce labeur quotidien commençait à 1 h. ou 2 h. du matin et
ne finissait qu’à la
nuit (81)
". Et quand il tomba d’épuisement, cinq jours avant sa mort, les
derniers pénitents se
pressèrent
au chevet du moribond. Vers la fin de sa vie, estime-t-on, le nombre annuel
des
pèlerins
avait atteint le chiffre de quatre-vingt mille. (82)
287. On a peine
à imaginer les gênes, les incommodités, les souffrances
physiques de ces
interminables
séances au confessionnal, pour un homme déjà épuisé
par les jeûnes, les
macérations,
les infirmités, le manque de repos et de sommeil. Mais surtout,
il en fut moralement
comme écrasé
de douleur. Ecoutez sa plainte : " On offense tant le bon Dieu, qu’on serait
tenté
de demander
la fin du monde ! ... Il faut venir à Ars pour savoir ce qu’est
le péché... On ne sait
qu’y faire
: on ne peut que pleurer et prier ". Le Saint oubliait d’ajouter qu’il
prenait aussi sur lui
une part de
l’expiation : " Pour moi, confiait-il à qui lui demandait conseil,
je leur donne une petite
pénitence
et je fais le reste à leur place ". (83)
288. En vérité,
le Curé d’Ars ne vivait que pour les " pauvres pécheurs ",
comme il disait, dans
l’espérance
de les voir " se convertir et pleurer ". Leur conversion était "
le but vers lequel
convergeaient
toutes ses pensées et l’oeuvre pour laquelle il dépensait
tout son temps et toutes
ses forces
" (84). C’est qu’en effet il sait, par l’expérience du confessionnal,
toute la malice du
péché
et ses effroyables ravages dans le monde des âmes ; il en a parlé
en termes terribles : " Si
nous avions
la foi et que nous vissions une âme en état de péché
mortel, nous mourrions de
frayeur !
" (85)
289. Mais l’acuité
de sa peine et la véhémence de sa parole proviennent moins
de la crainte des
peines éternelles
qui menacent le pécheur endurci que de l’émotion ressentie
à la pensée de
l’amour divin
méconnu et offensé. Devant l’obstination du pécheur
et son ingratitude envers un
Dieu si bon,
les larmes jaillissaient de ses yeux : " Oh ! mon ami, disait-il, je pleure
de ce que
vous ne pleurez
pas ! (86) " Mais, au contraire, avec quelle délicatesse et quelle
ferveur ne fait-il
pas renaître
l’espérance dans les coeurs repentants. Inlassablement, il se fait
auprès d’eux le
ministre de
la miséricorde divine, qui est, disait-il, puissante " comme un
torrent débordé qui
entraîne
les coeurs sur son passage " (87) et plus empressée que la sollicitude
d’une mère, car Dieu
est " plus
prompt à pardonner qu’une mère ne le serait à tirer
son enfant du feu " (88).
290. A l’exemple
du saint Curé d’Ars, les pasteurs d’âmes auront à coeur
de se consacrer, avec
compétence
et dévouement, à ce ministère si grave, car c’est
là que finalement la miséricorde
divine triomphe
de la malice des hommes et que le pécheur est réconcilié
avec son Dieu.
291. Qu’on
se souvienne également que Notre Prédécesseur Pie
XII a condamné " en termes
sévères
" l’opinion erronée d’après laquelle il ne faudrait pas faire
tant de cas de la confession
fréquente
des fautes vénielles : " Pour avancer avec une ardeur croissante
dans le chemin de la
vertu, Nous
tenons à recommander vivement ce pieux usage de la confession fréquente,
introduit
par l’Eglise
sous l’impulsion de l’Esprit-Saint ". (89) Enfin, Nous voulons avoir confiance
que les
ministres
du Seigneur seront eux-mêmes les premiers fidèles, selon les
prescriptions canoniques,
(90) à
la pratique régulière et fervente du sacrement de pénitence,
si nécessaire à leur sanctification,
et qu’ils
tiendront le plus grand compte des pressantes objurgations que, plusieurs
fois et le coeur
serré,
Pie XII tint à leur adresser à cet égard. (91)
292. Au terme
de cette lettre, Vénérables Frères, Nous désirons
vous dire Notre très douce
espérance
que, par la grâce de Dieu, ce centenaire de la mort du saint Curé
d’Ars réveillera en
tous les prêtres
le désir d’accomplir plus généreusement leur ministère,
et surtout ce " premier
devoir qui
est de travailler à leur propre sanctification (92) ".
293. Quand,
de ce faîte du suprême Pontificat où la Providence a
voulu Nous placer, Nous
considérons
l’immense attente des âmes, les graves problèmes de l’évangélisation
en tant de
pays et les
besoins religieux des populations chrétiennes, toujours et partout
se présente devant
Nos yeux l’image
du prêtre. Sans lui, sans son action quotidienne, que deviendraient
les
initiatives
les plus appropriées aux nécessités de l’heure ? Que
feraient même les apôtres laïques
les plus généreux
? C’est à ces prêtres tant aimés et sur qui se fondent
tant d’espoirs de progrès
dans l’Eglise,
que Nous osons demander, au nom du Christ Jésus, l’entière
fidélité aux exigences
spirituelles
de leur vocation sacerdotale. Ces sages paroles de saint Pie X rehaussent
Notre
appel : "
Pour faire régner Jésus-Christ dans le monde, rien n’est
plus nécessaire qu’un clergé
saint, qui
soit, par l’exemple, la parole et la science, le guide des fidèles
(92) ". Saint Jean-Marie
Vianney disait
semblablement à son évêque : " Si vous voulez convertir
votre diocèse, il faut faire
des saints
de tous vos curés ".
294. A vous,
Vénérables Frères, qui portez la responsabilité
de la sanctification de vos prêtres,
Nous vous
recommandons de les aider dans les difficultés, parfois graves,
de leur vie personnelle
ou de leur
ministère. Que ne peut faire un évêque qui aime ses
prêtres et a gagné leur confiance,
qui les connaît,
les suit de près et les guide avec une autorité ferme et
toujours paternelle !
Pasteur de
tout le diocèse, soyez-le en premier lieu et avec une sollicitude
toute particulière pour
ces hommes
qui collaborent si étroitement avec vous et auxquels vous unissent
des liens si
sacrés.
295. C’est
aussi à tous les fidèles que Nous demandons, en cette année
centenaire, de prier pour
les prêtres
et de contribuer, pour leur part, à leur sanctification. Aujourd’hui,
les chrétiens
fervents attendent
beaucoup du prêtre. Ils veulent voir en lui, dans un monde où
triomphent
souvent la
puissance de l’argent, la séduction des sens, le prestige de la
technique, un témoin du
Dieu invisible,
un homme de foi, oublieux de lui-même et plein de charité.
Qu’ils sachent bien,
ces chrétiens,
qu’ils peuvent beaucoup pour la fidélité de leurs prêtres
à un tel idéal, par un
respect religieux
de leur caractère sacerdotal, une plus exacte compréhension
de leur tâche
pastorale
et de ses difficultés, une plus active collaboration à leur
apostolat.
296. Enfin,
c’est vers la jeunesse chrétienne que Nous tournons un regard chargé
d’affection et
rempli d’espoir.
" La moisson est grande, mais les ouvriers sont peu nombreux " (Mt 9, 37).
En
tant de régions,
les apôtres, usés par le labeur, attendent avec un vif désir
ceux qui assureront la
relève
! Des peuples entiers souffrent d’une faim spirituelle plus grave encore
que celle du corps ;
qui leur portera
la nourriture céleste de vérité et de vie ? Nous avons
la ferme confiance que la
jeunesse de
ce siècle ne sera pas moins généreuse à répondre
à l’appel du Maître que celle des
temps passés.
297. Certes,
la condition du prêtre est souvent difficile. Il n’est pas étonnant
qu’il soit le premier
en butte à
la persécution des ennemis de l’Eglise, car, disait le Curé
d’Ars, " quand on veut
détruire
la religion, on commence par attaquer le prêtre ". Mais, malgré
ces grandes difficultés,
que nul ne
doute du bonheur profond qui est le partage du prêtre fervent appelé
par le Sauveur
Jésus
à collaborer à la plus sainte des oeuvres, celle de la rédemption
des âmes et de la
croissance
du Corps mystique. Familles chrétiennes, pesez vos responsabilités
et donnez vos fils
avec joie
et gratitude pour le service de l’Eglise.
298. Nous ne
voulons pas développer ici cet appel, qui est aussi le vôtre,
Vénérables Frères.
Mais vous
comprendrez, Nous en sommes sûr, et partagerez l’anxiété
de Notre coeur et toute la
puissance
de conviction que Nous voudrions mettre en ces quelques paroles. C’est
à saint
Jean-Marie
Vianney que Nous confions cette cause si grave et dont dépend l’avenir
de tant de
milliers d’âmes
!
299. Vers la
Vierge immaculée Nous tournons maintenant Nos regards. Peu avant
que le Curé
d’Ars n’achevât
sa longue carrière pleine de mérites, elle était apparue
dans une autre région de
France à
une enfant humble et pure pour lui communiquer un message de prière
et de pénitence,
dont on sait
l’immense retentissement spirituel depuis un siècle.
300. En vérité,
l’existence du saint prêtre dont Nous célébrons la
mémoire, était à l’avance une
vivante illustration
des grandes vérités surnaturelles enseignées à
la voyante de Massabielle ! Il
avait lui-même
pour l’Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge une
très vive dévotion, lui
qui, en 1836,
avait consacré sa paroisse à Marie conçue sans péché
et devait accueillir avec tant
de foi et
de joie la définition dogmatique de 1854. (94)
301. Aussi,
Nous plaisons-Nous à unir dans Notre pensée et Notre gratitude
envers Dieu ces
deux centenaires,
de Lourdes et d’Ars, qui se succèdent providentiellement et honorent
grandement
la nation si chère à Notre coeur, à qui appartiennent
ces lieux si saints. Fidèle à tant
de bienfaits
obtenus et dans l’espérance de grâces nouvelles, Nous ferons
Nôtre l’invocation
mariale qui
était familière au saint Curé d’Ars : " Bénie
soit la Très Sainte et Immaculée
Conception
de la bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu ! Que toutes les nations
glorifient,
que toute
la terre invoque et bénisse votre Coeur immaculé ! " (95)
302. Avec la
vive espérance que ce centenaire de la mort de saint Jean-Marie
Vianney pourra
susciter,
dans le monde entier, un renouveau de ferveur chez les prêtres et
chez les jeunes
appelés
au sacerdoce, et aussi qu’il pourra susciter de la part de tous les fidèles
une attention
plus grande
et plus agissante aux problèmes de la vie et du ministère
des prêtres, Nous
accordons
de grand coeur à tous, et en premier lieu à vous, Vénérables
Frères, en gage des
grâces
célestes et de Notre bienveillance, la Bénédiction
apostolique.
Donné
à Rome, près Saint-Pierre, le 31 juillet de l’année
1959, la première de Notre Pontificat.
NOTES
(1) Pie XI,
Homélie Praeclaram Nobis à l’occasion de la canonisation
de saint Jean-Marie
Vianney et
de saint Jean Eudes, du 31 mai 1925. AAS XVII (1925) 224.
(2) Pie XI, Lettre apostolique Anno Jubilari du 23 avril 1929. AAS XXI (1929) 313.
(3) Pie X,
Exhortation au clergé catholique, à l’occasion du 50e anniversaire
de son sacerdoce, du
4 août
1908. AAS XLI (1908) 555-577.
(4) Pie XI, Lettre encyclique sur le sacerdoce, du 20 décembre 1935. AAS XXVIII (1936) 5-53.
(5) Pie XII,
Exhortation apostolique sur la sainteté de la vie sacerdotale du
23 septembre 1950.
AAS XLII (1950)
657-702.
(6) Pie XII,
Allocution à l’épiscopat après la canonisation de
saint Pie X, du 31 mai 1954. AAS
XLVI (1954)
313-317 et 666-677.
(7) Pie XII,
Discours Sull’esempio pour le 50e anniversaire du Séminaire régional
des Pouilles,
préparé
pour le 19 octobre 1958. AAS L (1958) 961-971.
(8) Pontifical romain, Ordination sacerdotale. Cf. S. Jean 15, 15.
(9) Pie X, Exhortation Haerent animo au clergé catholique, du 4 août 1908.
(10) Missel Romain, Oraison de la Messe de saint Jean-Marie Vianney (9 août).
(11) Cf. Archives secrètes du Vatican, Congrégation des Rites, Actes du Procès, t. 227, p. 196.
(12) Pie XII,
Allocution Annus sacer aux membres du premier Congrès international
des religieux,
à Rome,
du 8 décembre 1950. AAS XLIII (1951) 29.
(13) Ibidem.
(14) S. Thomas, Somme théol., II-II, q. 184, art. 8.
(15) Pie XII,
Allocution à l’occasion du centenaire du Séminaire pontifical
français de Rome, du 16
avril 1953.
AAS XLV (1953) 288.
(16) Cf. Arch. secr. Vat., t. 227, p. 42.
(17) Ibid. t. 227, p. 137.
(18) Ibid. t. 227, p. 92.
(19) Ibid. t. 3897, p. 510.
(20) Ibid. t. 227, p. 334.
(21) Ibid. t. 227, p. 305.
(22) Pie XI,
Lettre encyclique Divini Redemptoris sur le communisme athée du
19 mars 1937.
AAS XXIX (1937)
99.
(23) Pie XI, Lettre encyclique Ad catholici sacerdotii. AAS XXVIII (1936) 28.
(24) Code de Droit Canon, c. 1473.
(25) Cf. Sermons du Bienheureux Jean-Baptiste-Marie Vianney, t. 1 (1909) p. 364.
(26) Cf. Arch. secr. Vat., t. 227, p. 91.
(27) Bède le Vénérable, In Lucae Evang. Expositio, IV, in c. 12. PL 92, 494-495.
(28) Cf. Pie XII, Exhortation apostolique Menti nostrae. AAS XLII (1950) 697-699.
(29) Cf. Arch. secr. Vat., t. 227, p. 91.
(30) S. Thomas, Somme théol., II-II, q. 184, art. 8.
(31) Pie X, Exhortation Haerent animo. Cf. supra n. 97.
(32) Cf. Pie
XII, Lettre encyclique Sacra Virginitas sur la virginité consacrée
à Dieu, du 25 mars
1954. AAS
XLVI (1954) 161-191.
(33) Cf. Arch. secr. Vat., t. 3897, p. 536.
(34) Cf. Arch. secr. Vat., t. 3897, p. 304.
(35) Pie XI, Lettre encyclique Ad catholici sacerdotii. AAS XXVIII (1936) 28.
(36) Cf. Arch. secr. Var., t. 227, p. 29.
(37) Ibid. t. 227, p. 74.
(38) Ibid. t. 227, p. 39.
(39) Ibid. t. 3895, p. 153.
(40) Pie XII, Exhortation In auspicando au clergé indigène. AAS XL (1948) 375.
(41) Cf. Arch. secr. Vat., t. 227, p. 136.
(42) Ibid. t. 227, p. 33.
(43) Cf. Pie
XII, Discours du 11 janvier 1953 : Discorsi e Radiomessaggi di SS. Pio
XII, t. 14,
p. 452.
(44) Cf. Arch. secr. Vat. t. 227, p. 131.
(45) Ibid. t. 227, p. 1100.
(46) Ibid. t. 227, p. 54.
(47) Ibid. t. 227, p. 45.
(48) Ibid. t. 227, p. 29.
(49) Cf. Arch. secr. Vat., t. 227, p. 976.
(50) Code de Droit Canon, c. 125.
(51) Code de Droit Canon, c. 135.
(52) Cf. Arch. secr. Vat., t. 227, p. 36.
(53) Pie X, Exhortation Haerent animo.
(54) Pie XII, Allocution Sollemnis conventus du 24 juin 1939. AAS XXXI (1939) 249.
(55) Cf. Arch. secr. Vat., t. 227, p. 1103.
(56) Ibid. t. 227, p. 45.
(57) Ibid. t. 227, p. 459.
(58) Pie XII,
Message autographe Nous sommes présent adressé au 160 Congrès
eucharistique
de Rennes,
France, du 25 juin 1956. AAS XLVIII (1956) 579.
(59) Pie XII,
Allocution La paterna parola nostra aux curés de Rome et aux prédicateurs
de
Carême,
du 13 mars 1943. AAS XXXV (1943) 114-115.
(60) Pie XII, Exhortation apostolique Menti nostrae. AAS XLII (1950) 666-667.
(61) Ibid. p. 667-668.
(62) Cf. Arch. secr. Vat., t. 227, p. 319.
(63) Ibid. t. 227, p. 47.
(64) Cf. Arch. secr. Vat., t. 227, p. 667-668.
(65) Pie XII, Exhortation apostolique Menti nostrae. AAS XLII (1950) 676.
(66) Cf. Arch. secr. Vat., t. 227, p. 629.
(67) Ibid. t. 227, p. 15.
(68) Cf. Sermons du Bienheureux Jean-Baptiste-Marie Vianney, t. II (1909), p. 86.
(69) Cf. Arch. secr. Vat., t. 227, p. 1210.
(70) Ibid. t. 227, p. 53.
(71) Ibid. t. 227, p. 991.
(72) Cf. Arch. secr. Vat., t. 227, p. 53.
(73) Ibid. t. 227, p. 1002.
(74) Cf. Arch. secr. Vat., t. 227, p. 580.
(75) Ibid. t. 3897, p. 444.
(76) Ibid. t. 3897, p. 272.
(77) Pie XII,
Allocution Ci torna sempre aux curés et aux Prédicateurs
de Carême de Rome, du
16 mars 1946.
AAS XXXVIII (1946) 186.
(78) Arch. secr. Vat., t. 227, p. 185.
(79) Pie X, Lettre encyclique Acerbo nimis, Acta Pii X, t. 11, p. 75.
(80) Code de Droit Canon, cc. 1330-1332.
(81) Arch. secr. Vat., t. 227, p. 18.
(82) Ibid.
(83) Ibid. t. 227, p. 1018.
(84) Arch. secr. Vat., t. 227, p. 18.
(85) Ibid. t. 227, p. 290.
(86) Ibid. t. 227, p. 999.
(87) Ibid. t. 227, p. 978.
(88) Ibid. t. 3900, p. 1554.
(89) Pie XII, Lettre encyclique Mystici Corporis du 29 juin 1943. AAS XXXV (1943) 235.
(90) Code de Droit Canon, c. 125.
(91) Cf. Pie
XII, Lettre encyclique Mystici Corporis. AAS XXXV (1943) 235 ; Encyclique
Mediator Dei
du 20 novembre 1947. AAS XXXIX (1947) 585 ; Exhortation apostolique
Menti nostrae.
AAS XLII (1950) 674.
(92) Pie XII, Exhortation apostolique Menti nostrae. AAS XLII (1950) 677.
(93) Pie X, Lettre au Cardinal Respighi La ristorazione. Acta Pii X, t. 1, p. 257.
(94) Arch. secr. Vat., t. 227, p. 90.
(95) Arch. secr. Vat., t. 227, p. 1021.