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Pax
LETTRE ENCYCLIQUE
"SACRA VIRGINITAS"
Virginité et chasteté parfaite sont le plus beau fleuron de l’Église
2. C’est assurément pourquoi les saints Pères ont souligné que la virginité perpétuelle est un don supérieur d’origine essentiellement chrétienne. Et c’est à bon droit qu’ils remarquent que, si les païens de l’antiquité demandaient aux vestales un tel genre de vie, ils ne l’imposaient que pour un certain temps (cf. S. AMBROISE, De virginibus, L 1er, c. IV, n 15 ; De virginitate, c III, n 13 ; PL XVI, 193. 269) ; et lorsque dans l’Ancien Testament on prescrivait de garder et de pratiquer la virginité, on l’ordonnait seulement comme une conditions préliminaire au mariage (cf. Exod. XXII, 16-17 ; Deut. XXII, 23-29 ; Eccli. XLII. 9) ; et par ailleurs — comme l’écrit saint Ambroise (S. AMBROISE. De virginibus, L 1er, c III, n 12 ; P.L. XVI, 192) — " nous lisons qu’il y avait aussi des vierges au Temple de Jérusalem. Mais que, dit l’Apôtre ? "Toutes ces choses leurs sont arrivées en figure" (1 Cor. X, 11) pour présager les temps futurs ".
3. Et certainement depuis les temps apostoliques, cette vertu s’est développée et a fleuri dans le jardin de l’Église. Lorsque, dans les Actes des Apôtres (Act. XXI, 9), il est écrit que les quatre filles du diacre Philippe étaient vierges, c’est pour signifier assurément leur état de vie plus que leur jeunesse. Et, pas longtemps après, Ignace d’Antioche, en saluant les vierges, rappelle (cf. S. IGNACED’ANTIOCHE, Ep. ad Smyrn…, c. XIII ; Ed. Funk-Diekamp, Patres Apostolici, vol 1er p. 286), qu’elles constituaient déjà, avec les veuves, un élément important de la communauté de Smyrne. Au IIème siècle — comme en témoigne saint Justin, — " un grand nombre des deux sexes, à l’âge de 60 et 70 ans, persévèrent sans tache, formés depuis leur enfance à la discipline du Christ ". (S. JUSTIN, Apolo. I pro christ., c XV ; P.G., VI, 349). Peu à peu s’accrût le nombre des hommes et des femmes qui vouaient leur virginité à Dieu ; et de la même façon l’importance de l’office dont ils s’acquittaient dans l’Église s’accentua grandement comme Nous l’avons amplement exposé dans Notre Constitution apostolique Sponsa Christi (cf. Const. apost. Sponsa Christi A.A.S., XLIII, 1951, p 5-8).
4. Et, d’autre part, les saints Pères — comme Cyprien, Athanase, Ambroise, Jean Chrysostome, Jérôme, Augustin et bien d’autres — l’ont exaltée, dans leurs écrits sur la virginité avec les plus grandes louanges. Cette doctrine des saints Pères, enrichie au cours des siècles par les Docteurs de l’Église et les maîtres de l’ascèse chrétienne, a certainement une grande influence pour susciter et affermir la résolution une fois prise de se vouer à Dieu dans la chasteté parfaite et d’y persévérer jusqu’à la mort.
La Virginité fleurit chez de nombreux fidèles de toute condition
5. La multitude des fidèles qui, depuis le début de l’Église jusqu’à nos jours, ont consacré à Dieu leur chasteté, est incalculable : les uns en gardant intacte leur virginité, d’autres en lui vouant à la mort du conjoint leur veuvage, d’autres enfin, en regrettant leurs péchés, par le choix d’une vie parfaitement chaste ; mais tous se distinguent par cette résolution commune de s’abstenir pour Dieu, des plaisirs de la chair et cela pour toujours. Que, par conséquent, ce que les saints Pères ont proclamé touchant le mérite et la gloire de la virginité, que cela soit pour tous ceux-ci une invitation, une aide et une force pour persévérer fermement dans l’offrande de leur sacrifice, à savoir de ne rien soustraire, même si peu que ce soit, ni se réserver de l’holocauste qu’ils ont offert sur l’autel de Dieu.
6. Mais si un des trois vœux qui constituent l’état religieux repose sur cette chasteté parfaite (cf. Code de droit canon de 1917, can. 487°, et si elle est demandée aux clercs de l’Église latine ordonnés dans les Ordres majeurs (cf. Code de droite canon de 1917, can 132, § 1er) et si on l’exige des membres des Instituts séculiers (cf. Const. apost. Provida Mater, art 3 § 2 ; A.A.S. XXXIX, 1947, p.121), cette vertu est également florissante chez de nombreux fidèles qui restent à l’état purement laïque ; car il y a des hommes et des femmes qui ne sont pas dans l’état public de perfection et qui cependant renoncent totalement au mariage et aux plaisirs de la chair de propos délibéré et même par vœu privé, afin de servir plus librement le prochain et d’unir leur âme à Dieu plus facilement et d’une manière plus intime.
7. A chacun et à tous ces fils et filles très chers qui ont consacré leur corps et leur âme à Dieu, de quelque façon que ce soit, Nous Nous adressons d’un cœur paternel, et Nous les exhortons vivement à affermir la résolution qu’ils ont prise et à vouloir y rester fidèles avec soin.
8. Mais, parce qu’il y en a aujourd’hui un bon nombre qui, s’écartant de la voie droite sur ce point exaltent tellement le mariage au point de le préférer même à la virginité et déprécient à cause de cela la chasteté consacrée à Dieu et le célibat ecclésiastique, conscient des exigences de Notre charge apostolique Nous devons proclamer et défendre spécialement à présent, l’excellence du don de la virginité, pour garder de ces erreurs la vérité catholique.
I. — La foi chrétienne nous enseigne l’excellence de la virginité.
9. Tout d’abord nous pensons devoir rappeler que l’Église a reçu des lèvres mêmes de son divin Époux l’essentiel de la doctrine touchant la virginité.
10. Comme en effet, les disciples trouvaient trop lourds les liens et les difficultés du mariage que leur Maître leur avait exposés dans son discours et comme ils lui disaient : " Si telle est la situation de l’homme à l’égard de la femme, mieux vaut ne pas se marier " (Matth. XIXX, 10). Jésus-Christ leur répondit que tous ne comprenaient pas cette parole, mais seulement ceux qui en avaient le don ; que certaines étaient empêchés de se marier par un défaut naturel, d’autres par la violence et la malice des hommes, mais que d’autres s’en abstenaient spontanément, de leur propre volonté et le faisaient " pour le règne des cieux " ; et il conclut par ces paroles : " Comprenne qui peut comprendre. " (Ibid. , XI, 12.)
11. Par ce mot donc, le divin Maître ne faisait pas allusion aux empêchements physiques de contracter mariage, mais à la résolution spirituelle d’une libre volonté de s’abstenir pour toujours du mariage et des plaisirs du corps. En faisant cette comparaison entre ceux qui ont décrété spontanément ce renoncement et ceux qui du fait de la nature ou de la violence des hommes, sont forcés d’y renoncer, le divin Rédempteur ne nous enseigne-t-il pas qu’en vérité la chasteté, pour être réellement parfaite, doit être perpétuelle ?
Ce qu’est la Virginité chrétienne dans l’enseignement des Pères et des Docteurs
12. De plus — comme l’ont enseigné très clairement les saints Pères et Docteurs de l’Église, — la virginité ne peut être une vertu chrétienne si nous ne l’embrassons pas " pour le règne des cieux " (Ibid., 12) : c’est-à-dire si nous ne prenons pas cette condition de vie pour pouvoir plus facilement nous appliquer aux choses divines ; pour arriver plus sûrement un jour à la béatitude éternelle : pour pouvoir enfin plus librement, conduire les autres aussi au règne des cieux en nous nous y appliquant avec soin.
13. Ils ne peuvent donc revendiquer l’honneur de la virginité chrétienne ces chrétiens ou chrétiennes qui renoncent au mariage par égoïsme démesuré ou pour en fuir les charges comme l’observe saint Augustin (S. AUGUSTIN, De sancta virginitate, C XXII. P.L. XL, 407), ou même à la manière des pharisiens pour faire orgueilleusement parade de leur intégrité corporelle, ce que déjà le Concile de Gangres réprouvait, condamnant ceux qui, vierges ou continents, s’abstenaient du mariage comme d’une abomination et non pour la beauté et la sainteté même de la virginité (Cf. can. 9 ; Mansi, Coll. Concil. II, 1096).
14. Et c’est pourquoi l’Apôtre des nations, inspiré de l’Esprit-Saint, nous avertit : " L’homme qui n’est pas marié a souci des affaires du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur… Et la femme sans mari, comme la vierge, pense aux choses du Seigneur, pour être sainte de corps et d’esprit. " (Cf. I Cor, VII, 32, 34). Telle est donc la première intention, telle est la principale raison de la virginité chrétienne ; à savoir d’aspirer uniquement et de diriger son esprit et son cœur vers les choses divines ; de vouloir plaire à Dieu en toutes choses ; de penser à lui intensément et de lui consacrer totalement son esprit et son corps.
15. Les saints Pères ont toujours
interprété de cette façon la parole de Jésus-Christ
et la doctrine de l’Apôtre des nations ; depuis les premiers temps
de l’Église, en effet, ils ont tenu la virginité pour l’offrande
à Dieu de la consécration du corps et de l’esprit. Aussi
saint Cyprien demande aux vierges " que s’étant consacrées
au Christ, elles s’abstiennent de tout plaisir charnel, qu’elles se vouent
à Dieu de corps et d’esprit… qu’elles ne recherchent point de parure,
ni à plaire à qui que ce soit, si ce n’est à Dieu
". (S. CYPRIEN. De habitu
virginum, 4 ; P.L. IV, 443.) L’évêque
d’Hippone, avec plus de précision déclare : " Ce n’est pas
pour elle-même, parce que c’est la virginité, mais parce qu’elle
est consacrée à Dieu qu’on l’honore… Et nous ne la louons
pas dans les vierges parce qu’elles sont vierges, mais parce qu’elles sont
des vierges consacrées à Dieu par une pieuse continence "
(SAINT AUGUSTIN.De
sancta virginitate, c. VIII, 11 ; PL
XL, 400, 401). Les principes de la sacrée théologie,
saint Thomas d’Aquin (S. THOM.Sum.
theol… IIa IIæ q CLII
a. 3) et saint Bonaventure (S. BONAVENTUREDe
perfectione evangelica q III a 3, sol. 5), se
basant sur l’autorité de saint Augustin enseignent que la virginité
ne possède pas la fermeté de la vertu si elle ne vient pas
d’un vœu de la garder perpétuellement sans tache. Et, en effet,
ceux-là réalisent le mieux et le plus parfaitement la parole
du Christ touchant la perpétuelle abstinence du mariage qui s’obligent
par un vœu perpétuel à la garder ; et on ne peut justement
prétendre que soit meilleure et plus parfaite l’intention de ceux
qui voudraient se réserver la possibilité de se libérer
de son obligation.
inspire et anime la virginité chrétienne
17. C’est pourquoi les saints Pères exhortent les vierges pour qu’elles aiment leur divin Époux avec plus d’ardeur qu’elles n’aimeraient celui qui aurait été leur conjoint, et de suivre toujours sa volonté dans leurs pensées et leurs actions (cf. S. CYPRIEN, De habitu virginum, 4 et 22 ; P.L., 443-444 et 462 ; S. AMBROISE, De virginibus, L Ier, c. VII, n. 37 ; P.L., XVI, 199). Saint Augustin leur écrit même : " Aimez de tout votre cœur le plus beau des enfants des hommes : cela vous est loisible ; votre cœur est libre des liens conjugaux… Si donc vous devriez un grand amour à vos conjoints, combien plus devez-vous aimer Celui pour qui vous n’avez pas voulu avoir de conjoints ? Qu’il soit fixé dans votre cœur profondément Celui qui pour vous a été attaché à la croix. " (S. AUGUSTIN, De sancta virginitate, c. LIV-LV ; P.L., XL, 428) Ce qui d’ailleurs correspond aux sentiments et résolutions que l’Église elle-même demande aux vierges, dans le rite de leur consécration à Dieu, quand elle les invite à prononcer ces paroles : " J’ai méprisé le royaume de ce monde et tout le faste du siècle pour l’amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que j’ai vu, que j’ai aimé, en qui j’ai cru, que j’ai préféré " (Pontificale Romanum : " De benedictione et consecratione virginum ".) Il n’y a donc rien d’autre qui incline avec suavité la vierge à consacrer totalement son corps et son âme au divin Rédempteur, sinon l’amour de Dieu, selon les très belles paroles que saint Méthode, évêque d’Olympe, met sur ses lèvres : " Christ, tu es tout pour moi. Je me garde chaste pour toi, et tenant ma lampe resplendissante, je cours au-devant de toi. " (S. MÉTHODED’OLYMPE, Convivium decem virginum, or. XI, c. II ;P.G., XVIII, 209). C’est donc l’amour du Christ qui conseille à la vierge de se réfugier dans l’enceinte d’un monastère, et d’y demeurer toujours pour contempler et aimer plus librement et plus facilement son Époux céleste ; c’est cet amour qui la stimule puissamment à entreprendre les œuvres de miséricorde en faveur du prochain de toutes ses forces jusqu’à la mort.
18. Pour ces hommes " qui ne se sont
pas souillés avec les femmes, car ils sont vierges " (Apoc.XIV,
4), l’apôtre saint Jean assure : " Ceux-ci suivent l’Agneau partout
où il va. " (Ibid.) Méditons donc cette exhortation
que saint Augustin adresse à tous : " Suivez l’Agneau, parce que
vierge est assurément la chair de l’Agneau… A bon droit vous le
suivez par la virginité du cœur et de la chair partout où
il va. Qu’est-ce, en effet, que le suivre sinon l’imiter ? Car le Christ
a souffert pour nous, nous laissant son exemple, comme dit l’apôtre
Pierre, " pour que nous suivions ses traces ". (I
Petr. II, 21 ; S. AUGUSTIN,
De
sancta virginitate, c. XXVII ; P.L.,
XL, 411). Tous ces disciples et épouses du Christ ont donc
embrassé l’état de la virginité, comme le dit saint
Bonaventure, " par conformité avec le Christ leur époux,
à qui leur état rend semblables les vierges ". (S.
BONAVENTURE. De perfectione evangelica,
q. III, A. 3.) Il ne pouvait suffir, en effet à
leur ardente charité envers le Christ de lui être unie par
les simples liens de l’affection : mais il fallait absolument que cette
même charité fût éprouvée par l’imitation
de ses vertus, particulièrement par une conformité avec sa
vie, toute consacrée au bien et au salut du genre humain. Si les
prêtres, si les religieux, si les religieuses, si enfin tous ceux
qui d’une manière ou d’une autre, se sont voués au service
de Dieu, observent la chasteté parfaite, c’est en définitive
parce que leur Maître divin fut vierge jusqu’à la fin de sa
vie. " C’est même le Fils unique de Dieu, s’écrie saint Fulgence.
Fils également unique de la Vierge, unique Époux de toutes
les vierges saintes, fruit, ornement et récompense de la sainte
virginité, lui que la sainte virginité a engendré,
que la sainte virginité épouse spirituellement, lui qui féconde
la sainte virginité pour qu’elle persévère sans tache,
lui dont elle est ornée pour qu’elle reste belle, lui qui la couronne
pour qu’elle règne éternellement glorieuse. " (S.
FULGENT. Epist., III,
c IV, n 6 ; P.L. LXV, 326).
plus librement et plus facilement
et féconde l’apostolat
21. C’est précisément pour que ses ministres sacrés arrivent à cette liberté spirituelle de l’esprit et du corps et qu’ils ne soient pas embarrassés dans des affaires terrestres que l’Église latine leur demande d’assumer volontairement et de bon gré l’obligation de la chasteté parfaite (Cf. Code de droit canon 1917, can. 132 §1). " Si cette même loi ne lie pas dans toute sa rigueur — comme le rappelait Notre Prédécesseur d’immortelle mémoire, Pie XI — les clercs de l’Église orientale, chez eux aussi pourtant, le célibat ecclésiastique est en honneur : et en certains cas — quand il s’agit des plus hauts degrés de la hiérarchie — c’est une condition nécessaire et obligatoire. " (Cf. lettre Enc Ad catholici sacerdotii fastigium. A.A.S., XXVIII, 1936 p. 24-25)
22. Il faut de plus observer que
les ministre sacrés s’abstiennent complètement du mariage,
non seulement pour qu’ils s’acquittent de leur charge apostolique, mais
également parce qu’ils servent à l’autel. Car, si déjà,
dans l’Ancien Testament les prêtres s’abstenaient de l’usage du mariage
lorsqu’ils s’acquittaient du service du Temple pour ne pas contracter l’impureté
légale comme les autres hommes (cf. Lév XV,
16-17 ; XXII, 4 ; 1 Sam., 21, 5-7 ; S.
SIRICE, Pape, Ep ad Himer., 7 ; P.L.,
LVI,
558-559), combien plus il convient que les ministres de Jésus-Christ,
qui offrent chaque jour le Sacrifice eucharistique, se distinguent par
une chasteté perpétuelle ? Pour ce qui regarde cette continence
parfaite des prêtres, saint Pierre Damien observe sous une forme
interrogative : " Si donc notre Rédempteur a tant aimé cette
fleur de la chasteté parfaite, au point non seulement de naître
du sein d’une Vierge, mais encore de recevoir les soins d’un nourricier
vierge, et cela alors que tout enfant il vagissait dans la crêche,
à qui, dites-moi, veut-il confier son corps maintenant qu’il règne
immense dans les cieux ? " (SAINT
PIERRE DAMIEN,
De
cœlibatu sacerdotum, c. III ; P.L.,
CXLV, 384).
24. Mais si nous considérons
l’abondance de fruits qui en proviennent alors sans aucun doute, son excellence
est mise encore en plus grande lumière : car " on connaît
l’arbre à ses fruits ". (Matth XII,
33)
26. D’autre part, la virginité n’est pas seulement féconde par les initiatives et les œuvres extérieures auxquelles peuvent se dévouer plus facilement et plus pleinement tous ceux qui l’embrassent mais encore en raison des formes de charité parfaite à l’égard du prochain comme le sont leurs ardentes prières appliquées à son intention et les lourdes privations supportées spontanément et volontiers pour la même raison. A tout cela, les serviteurs de Dieu et les épouses de Jésus-Christ — ceux et celles surtout qui passent leur vie dans l’enceinte du cloître — ont consacré leur vie.
27. Enfin, la virginité consacrée
au Christ témoigne par elle-même d’une telle foi dans le royaume
de Dieu, montre un tel amour à l’égard du divin Rédempteur,
qu’il ne faut pas s’étonner qu’elle produise des fruits abondants
de sainteté. Car ces vierges et tous ceux qui s’adonnent à
l’apostolat et se vouent à la chasteté parfaite par la sainteté
élevée de leur vie sont en nombre presque incalculable, l’honneur
de l’Église. Cette virginité donne en effet aux âmes
une telle force spirituelle qu’elle peut s’il le faut les mener jusqu’au
martyre : et c’est ce qu’enseigne l’histoire très nettement en proposant
à l’admiration de tous tant de phalanges de vierges depuis Agnès
la Romaine jusqu’à Maria Goretti.
29. Il nous plaît encore de souligner ce qui est le fruit le plus suave de la virginité : c’est que les vierges manifestent et rendent comme publique la parfaite virginité de leur Mère l’Église elle-même et la sainteté de son étroite union avec le Christ. C’est pour cela que très sagement ont été écrites les paroles dont se sert le pontife en suivant le rite de la consécration des vierges et en suppliant Dieu en ces termes : " Afin qu’il y ait des âmes plus sublimes qui méprisant dans le mariage les plaisirs de la chair en cherchent la signification secrète et au lieu d’imiter ce qui se pratique dans le mariage, aspirent à ce qu’il symbolise. " (Pontificale Romanum : " De benedictione et consecratione virginum ".)
30. C’est pour les vierges leur plus
grande gloire qu’elles soient les images vivantes de cette parfaite intégrité
qui unit l’Église avec son divin Époux. Elles offrent en
outre un signe admirable de la sainteté florissante et de la fécondité
spirituelle par laquelle excelle la société fondée
par Jésus-Christ et elles procurent à cette même société
une joie aussi intense que débordante. C’est pourquoi saint Cyprien
écrit fort à propos : " C’est la fleur qui s’épanouit
en l’Église l’honneur et l’ornement de la grâce spirituelle,
la joie de sa nature, une œuvre parfaite et sans tache de louange et de
gloire, l’image de Dieu correspondant à la sainteté du Seigneur,
la part la plus illustre du troupeau du Christ. La glorieuse fécondité
de l’Église, notre Mère, se réjouit par elles et en
elles elle fleurit abondamment ; et plus l’essaim des vierges grandit en
nombre, d’autant plus croît la joie de cette Mère. " (S.
CYPR.De habitu virginum,
3 ; P.L., IV 443.)
II. — Condamnation des erreurs
et doctrine de l’Église touchant la chasteté parfaite.
31. Cette doctrine qui établit
l’excellence et la supériorité de la virginité et
du célibat sur le mariage, comme Nous l’avons dit, a déjà
été énoncée par le divin Rédempteur
et l’Apôtre des nations ; de même au Concile de Trente (Sess.,
XXIV,
Can 10) elle fut solennellement définie comme dogme de foi divine
et les Pères et les Docteurs de l’Église ont toujours été
unanimes à l’enseigner. Nous-même, comme Nos Prédécesseurs,
chaque fois que l’occasion Nous en a été donnée, Nous
n’avons cessé de l’exposer et de la recommander vivement. Cependant
comme récemment plusieurs ont attaqué cette même doctrine
transmise par l’Église, non sans graves dangers et dommages pour
les fidèles en raison des devoirs de Notre charge, Nous avons jugé
opportun de l’exposer à nouveau dans cette Encyclique et de dévoiler
et condamner les erreurs qui bien souvent, sont proposées sous la
fausse apparence de la vérité.
33. Comme saint Thomas le fait justement observer, l’instinct qui est le plus profondément enraciné dans notre âme est celui de la conservation, l’instinct sexuel ne vient qu’en second lieu. De plus, il appartient à l’impulsion dirigeante de la raison humaine, ce privilège singulier de notre nature de maîtriser les impulsions et les instincts et de les ennoblir en les dirigeant avec rectitude. (Cf SAINT THOMAS, Sum. theol., Ia -IIæ, q. XCIV, a.2.)
34. Il est vrai, malheureusement qu’après le premier péché d’Adam, les facultés et les désirs déréglés de notre corps cherchent à dominer non seulement les sens, mais les âmes en obscurcissant les esprits et en affaiblissant les volontés. Mais la grâce de Jésus-Christ nous est donnée particulièrement dans les sacrements pour que vivant de l’esprit, nous réduisions notre corps en servitude. (Cf Gal. V, 25 ; 1 Cor, IX, 27) La vertu de chasteté n’exige pas de nous que nous ne sentions pas l’aiguillon de la concupiscence, mais plutôt que nous le soumettions à la juste raison et à la loi de la grâce, en le faisant tendre de toutes nos forces à ce qu’il y a de plus noble dans la vie humaine et chrétienne.
35. Pour acquérir parfaitement
cette domination de l’âme sur les sens, il ne suffit pas de s’abstenir
seulement des actes qui sont directement contraires à la chasteté,
mais il est absolument nécessaire de renoncer volontairement et
généreusement à tout ce qui de près ou de loin
offense cette vertu ; l’âme régnera alors pleinement sur ce
corps et pourra avec tranquillité et liberté vivre de sa
vie spirituelle. Qui ne voit parmi ceux qui sont imprégnés
des principes de la religion catholique que la virginité et la chasteté
parfaite loin de nuire au développement et au progrès naturels
de l’homme et de la femme, les augmentent et les ennoblissent au plus haut
point ?
37. Enfin, on ne peut pas affirmer, comme le font certains, que " l’aide mutuelle " (cf. Code de droit canon 1917 can. 1013 §1er) que les époux cherchent dans le mariage chrétien, soit pour leur propre sanctification une aide plus parfaite que — selon l’expression utilisée — la solitude de cœur des vierges et des non-mariés. Car bien que ceux qui ont embrassé l’état de chasteté parfaite aient renoncé à l’amour humain on ne peut dire que par cette renonciation ils aient diminué ou dépouillé leur personnalité humaine. Ils reçoivent, en effet, du Rémunérateur céleste lui-même, un don spirituel qui dépasse de loin " l’aide mutuelle " qu’il est donné aux époux de recevoir l’un de l’autre. En se consacrant à Celui qui est leur principe et qui leur communique sa vie divine, bien loin de s’appauvrir, ils s’enrichissent au plus haut point. Qui pourrait prendre à son compte d’une façon plus vraie que les vierges cette phrase admirable de saint Paul : " Ce n’est pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. " (Gal. II, 20.) ?
38. C’est pour cette raison que l’Église
estime avec sagesse devoir maintenir le célibat des prêtres
parce qu’elle sait qu’il est et doit être une source de grâces
qui les unit plus intimement à Dieu.
40. Ce n’est certes pas notre intention de nier que les époux catholiques par les exemples de leur vie chrétienne dans leur milieu de vie et d’affaires peuvent porter des fruits abondants et salutaires par le témoignage de leurs vertus. Cependant, celui qui, pour cette raison suggère qu’il est préférable de vivre dans le mariage que de se consacrer à Dieu invertit et confond l’ordre normal des choses. Il est certain que nous désirons ardemment, Vénérables Frères que ceux qui sont déjà mariés ou aspirent à le devenir soient instruits du grave devoir qui leur incombe, non seulement d’élever avec un soin parfait leurs enfants, mais d’aider les autres, dans la mesure de leurs moyens, par leurs bons exemples et le témoignage de leur foi. Mais ceux qui cherchent à détourner les adolescents d’entrer au Séminaire ou dans les Ordres et Congrégations religieuses et de prononcer les saints vœux en les persuadant qu’ils peuvent en se mariant faire davantage de bien spirituel par la profession publique et visible de leur vie chrétienne en tant que père ou mère de famille, tous ceux-là, comme la conscience de Notre charge Nous en fait un devoir. Nous ne pouvons que les condamner absolument. ils feraient beaucoup mieux d’exhorter avec le plus de zèle possible ceux qui, nombreux, vivent dans le mariage à coopérer avec empressement aux œuvres d’apostolat laïque, plutôt que de chercher à détourner de l’état de virginité les jeunes aujourd’hui malheureusement peu nombreux, qui veulent se consacrer au service de Dieu. Saint Ambroise écrit opportunément, à ce propos : " Il a toujours appartenu à la grâce sacerdotale de répandre la semence de la chasteté et de susciter l’amour de la virginité. " (S. AMBR.De virginitate, c. V, n. 26 ; P.L. XVI. 272)
41. Nous estimons en outre devoir avertir qu’il est absolument faux d’affirmer que ceux qui embrassent une vie de chasteté parfaite sont comme étrangers à la communauté des hommes. Les religieuses qui consacrent leur vie au service des pauvres et des malades sans distinction de race, de condition sociale ou de religion, ne sont-elles pas unies intimement aux misères et aux douleurs de ces derniers et n’y compatissent-elles pas comme le feraient leurs mères ? De même, le prêtre, à l’exemple du divin Maître, ne remplit-il pas l’office de bon pasteur qui connaît ses brebis et les appelle par leur nom (Cf. Joan.X, 14 ; X, 3) ? C’est là une conséquence de la chasteté parfaite que pratiquent ces prêtres, ces religieux et ces religieuses qu’ils puissent se dévouer à tous les hommes et les aimer tous de l’amour du Christ. Même ceux qui mènent la vie contemplative, parce qu’ils offrent à Dieu non seulement leurs prières et leurs supplications, mais aussi leur propre immolation pour le salut des autres, contribuent beaucoup au bien de l’Église ; ils sont même hautement louables, car, dans les circonstances présentes, ils se consacrent aux œuvres d’apostolat et de charité selon les directives que Nous avons données dans la Lettre apostolique Sponsa Christi (Cf. A.A.S., XLIII, 1951, p.20) ; ils ne peuvent pas être considérés comme étrangers à la société, puisqu’ils contribuent doublement au bien spirituel des hommes.
III. — Les moyens de conserver la chasteté parfaite
42. Nous en venons maintenant, Vénérables Frères, aux conséquences pratiques qu’on peut déduire de la doctrine de l’Église sur l’excellence de la virginité.
43. Il faut d’abord dire clairement
ceci : de ce que la virginité doit être estimée comme
un état plus parfait que le mariage, on ne doit pas conclure qu’elle
doive être considérée comme nécessaire pour
parvenir à la perfection chrétienne. Il est possible de vivre
saintement, même sans chasteté consacrée à Dieu,
comme le prouve l’exemple de tant de saints et de saintes, honorés
par l’Église d’un culte public, qui ont été des époux
fidèles et d’excellents pères et mères de famille
; et il n’est pas rare de rencontrer des époux qui recherchent ardemment
la perfection chrétienne.
45. C’est pourquoi, d’une part, la
chasteté parfaite postule des chrétiens un libre choix avant
qu’ils s’offrent et se consacrent à Dieu ; d’autre part, elle postule
de Dieu lui-même un don et une grâce supérieure (Cf.
I
Cor. VII, 7). Déjà le divin Rédempteur
lui-même nous a avertis à ce sujet en disant : " Tous ne comprennent
pas cette parole mais seulement ceux à qui cela a été
donné… Comprenne qui peut comprendre (Matth.
XIX, 11-12). Commentant cette parole de Jésus-Christ, saint
Jérôme invite " chacun à estimer ses propres forces
pour savoir s’il lui sera possible de pratiquer la virginité et
d’obéir aux préceptes de la pureté. La chasteté
en elle-même est en effet, douce et attirante pour tous. Mais il
faut bien mesurer ses forces pour que celui qui peut comprendre comprenne.
La voix du Seigneur semble encourager et exhorter ses soldats à
recevoir la récompense de la chasteté. Que celui qui peut
comprendre comprenne : que celui qui peut combattre combatte, vainque et
triomphe " (S. JÉRÔME,
comment, in Matth. XIX, 12 ; P.L. XXVI,
136).
47. Avant de s’engager sur ce chemin
ardu, que ceux à qui l’expérience a appris qu’ils ont l’âme
trop faible écoutent humblement cet avertissement de saint Paul
: " S’ils ne peuvent se contenir, qu’ils se marient ; car il vaut mieux
se marier que de brûler. " (I Cor. VII,
9) Pour beaucoup en effet la continence perpétuelle serait une charge
beaucoup trop lourde pour qu’on puisse la leur conseiller. De même
les prêtres en aidant de leurs conseils les adolescents qui disent
sentir l’appel au sacerdoce ou à la vocation religieuse, ont le
strict devoir de les exhorter à considérer la chose attentivement,
de façon à ce qu’ils ne s’engagent pas dans un chemin dont
on ne peut pas espérer qu’ils le parcourront jusqu’au bout avec
constance et succès. Qu’ils examinent prudemment leurs aptitudes,
en demandant conseil même à des médecins chaque fois
que cela leur semblera nécessaire : alors, s’il reste un doute sérieux,
surtout à cause de l’expérience de leur vie passée,
qu’ils usent de leur autorité pour dissuader les candidats d’embrasser
l’état de chasteté parfaite, et pour empêcher leur
admission aux Ordres sacrés et à la profession religieuse.
49. Les moyens recommandés
par le divin Rédempteur lui-même pour protéger efficacement
notre vertu sont : une vigilance assidue et attentive, grâce à
laquelle nous faisons soigneusement ce qui est en notre pouvoir : et en
outre une prière constante par laquelle nous demandons à
Dieu ce que, en raison de notre faiblesse, nous ne pouvons pas faire :
" Veillez et priez afin que vous n’entriez point en tentation ; l’esprit
est prompt, mais la chair est faible " (Matth. XXVI,
41).
51. A cause de cela, il faut avant
tout que nous veillions sur les mouvements des passions et des sens et
que nous les maîtrisions par une austérité volontaire
de vie et les pénitences corporelles de façon à nous
soumettre à la juste raison et à la loi de Dieu : " Ceux
qui sont à Jésus-Christ ont crucifié la chair avec
ses passions et ses convoitises " (Ibid 24). L’Apôtre des
nations avoue au sujet de lui-même : " Je traite durement mon corps
et je le tiens en servitude de peur qu’après avoir prêché
aux autres, je ne sois moi-même réprouvé " (I Cor.IX,
27). Tous les saints et saintes ont veillé attentivement aux mouvements
de leurs sens et des passions et quelquefois les ont maîtrisés
énergiquement, selon les paroles du divin Maître lui-même
qui nous enseigne : " Et moi je vous dis que quiconque regarde une femme
avec convoitise, a déjà commis l’adultère avec elle
dans son cœur. Si ton œil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le
et jette-le loin de toi ; car il vaut mieux pour toi perdre un seul de
tes membres et que ton corps tout entier ne soit pas jeté dans la
géhenne " (Matth.V, 28,29). Par cet
avertissement, notre Rédempteur nous demande d’une façon
très claire tout d’abord que nous ne tombions pas dans le péché,
ne serait-ce qu’en pensée, et de même, que nous écartions
de nous avec une volonté ferme ce qui pourrait ternir cette magnifique
vertu, même le plus légèrement. Sur ce point, on ne
veillera jamais trop, on ne sera jamais trop sévère. Si quelqu’un,
en raison d’une mauvaise santé ou pour d’autres causes ne peut pas
pratiquer les austérités corporelles, cela ne doit en aucun
cas le dispenser de la vigilance et de la mortification intérieure.
53. En tous temps, les saints et les saintes ont considéré cette fuite et cette vigilance attentive, par lesquelles nous devons éviter soigneusement les occasions du péché comme la meilleure façon de lutter dans ce domaine ; cependant, aujourd’hui, il semble que tous ne pensent pas ainsi. Certains soutiennent que tous les chrétiens, et principalement les prêtres, ne doivent pas — selon leur expression — être séparés du monde comme dans les siècles passés, mais qu’ils doivent être présents au monde, et par conséquent qu’il est nécessaire de leur faire courir des risques et de mettre leur chasteté à l’épreuve, pour qu’ils montrent par là si oui ou non, ils ont la force voulue pour résister : il s’ensuivrait que les jeunes clercs doivent tout voir, pour les habituer à tout regarder avec une âme tranquille et les immuniser contre tous les troubles. Pour cela, ils leur permettent facilement, sans aucune réserve, de regarder librement tout ce qui se présente à leurs yeux, d’aller au cinéma et de voir même les films qui sont prohibés par la censure ecclésiastique : de feuilleter des revues même obscènes, et de lire même les romans qui sont à l’Index ou interdits par la loi naturelle. Et ils le leur permettent parce qu’ils estiment que les masses d’aujourd’hui se nourrissent de tels spectacles et de tels livres, et que ceux qui auront à les aider doivent comprendre leur mode de penser et de sentir. Mais il est facile de voir que cette façon d’éduquer les jeunes clercs et de les préparer à la sainteté de leur état est erronée et préjudiciable. En effet " celui qui aime le danger y trouvera sa perte " (Eccli. III, 24), et ce conseil de S. Augustin est ici opportun : " Ne dites pas que vous avez des âmes pures si vous avez des yeux impurs, parce que l’œil impur annonce un cœur impur " (S. AUGUSTIN, Epist.,CCXI, n. 10 ; P.L., XXXIII, 961).
54. Il n’est pas douteux que cette funeste façon d’agir repose sur une grave confusion de pensée. Certes, Notre-Seigneur a dit de ses apôtres : " Je les ai envoyés dans le monde " (Joan. XVII, 18) ; mais avant il avait aussi dit d’eux : " Ils ne sont pas du monde, comme moi-même je ne suis pas du monde " (Ibid. 15). L’Église, qui est guidée par ces mêmes principes, a édicté des lois opportunes et sages pour éloigner les prêtres des tentations auxquelles peuvent facilement être sujets ceux qui sont engagés dans les affaires du monde (Cf. Code de droit canon, can. 124-142. Cf. B. PIE X, Exhortation ad cler. cath. Hærenti animo, A.A.S., XLI, 1908, p. 565-573 ; PIE XI, Litt. enc. Ad catholici sacerdotii fastigium, A.A.S., XXVIII, 1936, p. 23-30 ; PIE XII, Adhort apost. Menti Nostræ, A.A.S., XLII, 1950, p692-694) ; par ces règles leur sainteté de vie est suffisamment mise à l’abri des sollicitudes et des divertissements des laïques.
55. A plus forte raison les jeunes
clercs, parce qu’ils doivent être formés à la vie spirituelle
et à la perfection sacerdotale et religieuse, doivent être
écartés du tumulte du monde avant d’être lancés
dans les luttes de la vie ; ils doivent demeurer longtemps au Séminaire
ou au Scholasticat pour y recevoir l’éducation soignée et
attentive qui les préparera progressivement et prudemment à
traiter et à connaître les problèmes de notre temps,
selon les directives que nous avons Nous-mêmes, données dans
l’Exhortation apostolique Menti Nostræ (Cf. A.A.S.,
XLII, 1950, p. 690-691). Quel jardinier exposerait de jeunes plantes,
précieuses, mais fragiles, aux rigueurs de temps pour éprouver
une robustesse qu’elles n’ont pas encore ? Les élèves des
Séminaires et des Scolasticats sont comme les jeunes plantes fragiles,
il faut les tenir à l’abri et les exercer progressivement à
la résistance et à la lutte.
57. La pudeur, en outre suggère aux parents et aux éducateurs et met dans leur bouche les paroles appropriées pour former à la pureté la conscience des jeunes. " Cette réserve — comme Nous l’avons dit dans une allocution récente — ne doit pas être entendue de telle sorte qu’on fasse un silence perpétuel sur ce sujet, et que dans l’enseignement de la morale on n’en dise jamais un mot avec sobriété et prudence. " (Alloc. Magis quam mentis, 23 sept. 1951 ; A.A.S. XLIII, 1951, p 736). Cependant, aujourd’hui, il arrive trop souvent que des professeurs et des éducateurs croient qu’il est de leur devoir d’initier d’innocents enfants, garçons ou filles, aux mystères de la procréation d’une manière qui offense leur pudeur. La réserve chrétienne exige que, lorsque l’on traite de ce sujet, on le fasse avec juste mesure et modération.
58. Cette pudeur est alimentée
par la crainte de Dieu, cette crainte filiale basée sur une profonde
humilité chrétienne, qui nous fait prendre en horreur le
moindre péché, comme Notre prédécesseur, saint
Clément Ier l’assure en ces mots : " Celui
qui est chaste, qu’il ne s’en glorifie pas, sachant bien que c’est à
un autre qu’il doit ce don de la continence… " (S.
CLÉMENT ROMAd
Corinthios, XXXVIII, 2 ; éd. Funk-Diekam,
Patres
Apostolici. Vol Ier p. 148). Quelle est l’importance
de l’humilité dans la sauvegarde de la virginité, personne,
peut-être, ne l’a dit plus clairement que saint Augustin : " La continence
perpétuelle, et bien plus la virginité, est un grand don
de Dieu qui est fait aux saints, il faut veiller avec soin à ce
que l’orgueil ne le corrompe… Plus grand est le bien que je vois, plus
je crains pour lui l’orgueil ravisseur. Ce don de la virginité,
il n’est personne d’autre qui le protège que Dieu de qui il vient
: et " Dieu est amour " (I Joan. IV,
8). Le gardien de la virginité, c’est donc l’amour, mais c’est dans
l’humilité qu’il réside " (S. AUGUSTIN.De
sancta virginitate, c. XXXIII, LI : P.L., XL,
415, 426 ; cf. c XXXI-XXXII, XXXVIII ; 412-415, 419.)
60. Il ne faut jamais oublier que la chasteté parfaite est un don supérieur qui vient de Dieu. Saint Jérôme dit nettement à ce sujet : " Cela a été donné (Cf. Matth. XIX 11), à ceux qui l’ont demandé, qui l’ont voulu, qui ont peiné pour l’obtenir. Celui qui demande recevra, celui qui cherche trouvera, et à celui qui frappe, il sera ouvert " (Cf. Ibid. VII, 8 ; S. JÉRÔME. Comm. in Matth., XIX, 11 ; P.L., XXVI, 135). Saint Ambroise ajoute que de la prière dépend la constante fidélité des vierges envers le divin Époux (Cf. S. AMBROISE, De virginibus, l. III, c IV, n. 18-20 ; P.L., XVI, 225). Et saint Alphonse de Liguori, avec son ardente piété, enseigne qu’il n’y a rien de plus nécessaire et de plus sûr pour vaincre les tentations contre cette belle vertu de la pureté que de se réfugier aussitôt près de Dieu dans la prière (Cf. S. ALPHONSE DE LIGUORI, Pratica di amar Gesu Cristo, c. XVII, n. 7-16).
61. À la prière il
faut encore ajouter le sacrement de la Pénitence qui reçu
fréquemment et avec ferveur, est un remède spirituel qui
purifie et guérit ; il en est de même de l’Eucharistie qui,
selon les paroles de Notre Prédécesseur d’immortelle mémoire
Léon XIII, est le meilleur " remède
contre la concupiscence " (Léon XIII, Enc.
Miræ
caritatis, 28 mai 1902 ; A.L., XXII, p. 1902-1903). Plus une âme
est pure et chaste, plus elle a faim de ce Pain dans lequel elle puise
la force de résister à tous les attraits du péché
impur, et par lequel elle s’unit plus intimement avec le divin Époux
: " Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en
lui " (Joan. VI, 57).
63. Saint Athanase fait remarquer que c’est par elle qu’est née la virginité (Cf. S. ATHANASE, De virginitate, éd. Th. Lefort, Museon, XLII, 1929, p. 247) et Saint Augustin enseigne clairement : " C’est avec la Mère de Dieu qu’a commencé la dignité virginale " (S. AUGUST. Serm. LI, c. XVI, n. 26 : P.L., XXXVIII, 348). A la suite de saint Athanase (Cf. S. ATHANASE, ibid., p244), saint Ambroise propose en exemple aux vierges la vie de la Vierge Marie : " Filles, imitez-la… (Cf S. AMBROISE, De institutione virginis, c. XIV, n. 87 ; P.L., XVI, 328). Que la vie de Marie soit pour vous comme un tableau de la virginité, qui, ainsi qu’un miroir, reflète l’éclat de la chasteté et la beauté de la vertu. Prenez des exemples pour votre vie, là où se trouve pour vous comme un modèle qui vous montre ce que vous devez corriger, imiter et garder… Elle est l’image de la virginité. Telle, en effet fut Marie, que sa seule vie soit un enseignement pour tous… (S. AMBROISE, De virginibus, L. II. c. II, n. 6, 15 ; P.L.XVII, 208, 210). Que Marie donc, soit la règle de votre vie " (Ibid., c. III, n.19 ; P.L., XVI, 211.) " Si grande fut sa grâce qu’elle n’a pas gardé pour elle seule le don de la virginité, mais qu’elle a donné la parure de l’intégrité aussi à ceux sur lesquels elle veillait " (S. AMBROISE, De institut. virginis, c. VII, n. 50 ; P.L., XVI, 319.) Combien est vraie cette phrase du même saint Ambroise : " O richesse de la virginité de Marie ! " (Ibid., c. XIII, n. 81 ; P.L., XVI, 339.) C’est à cause de ces richesses qu’il est si profitable aux religieuses, aux religieux et aux prêtres d’aujourd’hui de contempler la virginité de Marie, pour pratiquer plus fidèlement et plus parfaitement la chasteté de leur état.
64. Qu’il ne vous suffise pas, chers fils et filles, de méditer les vertus de la Bienheureuse Vierge Marie : recourez à elle avec une confiance absolue, selon le conseil de saint Bernard : " Cherchons la grâce et cherchons-la par Marie. " (S. BERNARD, In nativitate B. Mariæ Virginis, " Sermo de aquæductu " n. 8 ; P.L., CLXXXIII, 441-442.) Et particulièrement en cette Année mariale, confiez-lui le soin de votre vie spirituelle et de votre perfection, imitant l’exemple de saint Jérôme qui affirmait : " Pour moi, la virginité est une consécration en Marie et au Christ. " (S. JÉRÔME, Epist. XXII, n. 18) ; P.L., XXII, 405.)
IV. — Inquiétudes du Saint-Père
65. Dans les graves difficulté
contre lesquelles l’Église doit aujourd’hui lutter, c’est une grand
consolation pour Notre âme de pasteur suprême, Vénérables
Frères, de voir que la virginité qui fleurit dans le monde
entier en notre époque comme dans les précédentes,
est tenue en grand estime et hautement honorée, bien que, comme
nous l’avons dit, elle se heurte à des erreurs, qui, nous l’espérons,
seront passagères et se dissiperont rapidement.
67. Nous exhortons en outre — comme la conscience de Notre charge apostolique Nous en fait un devoir — les pères et les mères de famille pour qu’ils consentent volontiers à offrir au service du Seigneur ceux de leurs enfants qui s’y sentent appelés. Si cela leur coûte, s’ils en éprouvent de la tristesse ou de l’amertume, qu’ils méditent attentivement ces paroles que saint Ambroise adressait aux mères de Milan : " J’ai connu des jeunes filles qui voulaient se consacrer à Dieu et qui en ont été empêchées par leur mère… Si c’était un homme que vos filles voulaient aimer, les lois leur permettraient de choisir celui qu’elles désirent. S’il leur est permis de choisir un homme, ne leur est-il pas permis de choisir Dieu ? " (S. AMBROISE, De virginibus, l. I, c. X, n. 58 ; P.L.XVI, 205)
68. Que les parents pensent au grand
honneur qui rejaillit sur eux avec un fils qui reçoit la prêtrise
ou un fille qui consacre sa virginité au divin Époux. Parlant
des vierges sacrées, le même évêque de Milan
disait : " Parents, vous avez entendu… la vierge est un don de Dieu, une
oblation de son père, le sacerdoce de la chasteté. La vierge
est l’hostie de sa mère, dont le sacrifice quotidien apaise la colère
de Dieu. " (Ibid., c. VII, n. 32 ; P.L.,
XVI,
198)
70. Que tous persévèrent fermement dans leur sainte résolution de servir Dieu " jusqu’à la mort " (Phil. II, 8) ; qu’ils pensent à la grande valeur que représentent devant Dieu leurs angoisses, leurs souffrances et leurs prières, pour instaurer son règne dans leurs pays et dans toute l’Église ; qu’ils soient aussi certains que ceux qui " suivent l’Agneau partout où il va " (Apoc. XIV, 4), chanteront éternellement le " cantique nouveau " (Ibid., 3) que personne d’autre ne peut chanter.
71. Notre cœur paternel et compatissant se tourne avec émotion vers ces prêtres, ces religieux et ces religieuses qui, courageusement, confessent leur foi jusqu’au martyre ; Nous prions pour eux comme aussi pour toutes les âmes consacrées au service divin dans toutes les parties du monde pour que Dieu les confirme, les fortifie, les console ; et Nous vous invitons ardemment, Vénérables Frères, ainsi que vos fidèles, à prier en union avec Nous afin d’implorer pour eux tous les consolations célestes ainsi que les dons et les secours divins qui leur sont nécessaires.
72. Pour qu’elle soit la médiatrice de ces dons divins et en gage de Notre particulière bienveillance, Nous vous accordons de grand cœur, Vénérables Frères, Notre Bénédiction apostolique, à tous les prêtres, les religieux, les religieuses, en particulier à ceux " qui souffrent persécution à cause de la justice " (Matth., V, 10) et à tous vos fidèles.
73. Donné à Rome, à Saint-Pierre, le 25 mars en la fête de l’Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie, l’an MDCCCCLIV, de Notre pontificat le seizième.