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COMMENTAIRE DE SAINT GRÉGOIRE LE GRAND SUR LE LIVRE DE JOB

Le témoin intérieur.

Celui qui, comme moi, est tourné en dérision par ses amis, invoquera Dieu, qui l'exaucera. Souvent, l'âme fragile, lorsqu'elle est enveloppée, pour ses bonnes actions, par la tise caressante de la faveur humaine, se laisse entraîner vers les joies extérieures, néglige ce qu'elle désirait anterieurement et demeure sans force devant les appels qui lui parviennent du dehors; au point qu'elle se réjouit moins d'être bienheureuse que d'en avoir la réputation. En buvant les paroles qui font son éloge, elle abandonne première entreprise. Ainsi, elle se sépare de Dieu pour le motif même qui la faisait paraître digne d'éloge à cause Dieu.

Mais il arrive aussi que l'âme persévère dans le bien, et pourtant subisse la dérision des hommes. Elle agit de manière admirable, et elle reçoit des injures. Alors celui que les louanges auraient pu attirer au dehors, repoussé par les affronts, rentre en lui-même. Et il s'affermit en Dieu d'autant plus solidement qu'il ne trouve à l'extérieur rien où il puisse se reposer. Il met toute son espérance dans son Créateur et, au milieu des moqueries outrageantes, il n'implore plus que le témoin intérieur. L'âme de l'homme affligé s'approche de Dieu d'autant plus qu'il est délaissé par la faveur des hommes. Il se répand aussitôt en prière, et sous l'oppression venue du dehors, il se purifie pour saisir les réalités intérieures.

C'est pourquoi notre texte dit avec raison : Celui qui, comme moi, est toumé en dérision, par ses amis, il invoquera Dieu, qui l'exaucera, parce que les hommes mauvais, en blâmant l'esprit des bons, montrent quel témoin de leurs actes ceux-ci doivent chercher. Lorsque ces malheureux trouvent des armes dans la prière, ils rejoignent intérieurement la bonté divine celle-ci les exauce parce que, extérieurement, ils sont privés de la louange des hommes.

Remarquez la portée de cette parenthèse : parce qu'il y a certains hommes que les moqueries humaines découragent, mais que Dieu n'est pas disposé à exaucer. Car, lorsque la raillerie est dirigée contre le péché, il est évident qu'elle ne produit aucun mérite vertueux. On tourne en dérision la simplicité du juste. La sagesse de ce monde consiste à dissimuler le coeur sous des artifices, à voiler la pensée par des paroles, à montrer comme vrai ce qui est faux, à prouver la fausseté de ce qui est vrai.

Au contraire, la sagesse des justes consiste à ne rien inventer pour se faire valoir, à livrer sa pensée dans ses paroles, à aimer la vérité comme elle est, à fuir la fausseté, à faire le bien gratuitement, à préférer supporter le mal plutôt que de le faire, à ne jamais chercher à se venter d'une offense, à considérer comme un bénéfice l'insulte qu'on reçoit pour la vérité. Mais c'est précisément cette simplicité des justes qui est tournée en dérision, car les sages de ce monde croient que la pureté est une sottise. Tout ce qui se fait avec intégrité, ils le considèrent évidemment comme absurde; tout ce que la Vérité approuve dans la conduite des hommes apparaît une sottise à la sagesse charnelle. 

Lumière sur nos pas, Jésus Christ, dans les chemins de vérité. Celui qui fait la vérité vient à la lumiere. Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu. 

Tu as voulu, Seigneur, qu'en recevant ta grâce nous devenions des fils de lumière ; ne permets pas que l'erreur nous plonge dans la nuit, mais accorde-nous d'être toujours rayonnants de ta vérité.

Si tu retiens les fautes, Maître, qui donc subsistera? Pourquoi cacher loin de moi ta face, me traiter comme ton ennemi? Dis-moi, en quoi ai-je péché, quelle a été ma transgression, mon offense? Éloigne de moi tes coups, sous les assauts de ta main je me consume. 

 

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