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Le Royaume des Béatitudes

C'est au présent que "les pauvres en esprit" établissent le Royaume des Cieux car, dans notre monde, les grandes barrières entre les hommes sont: biens fonciers, salaires et revenus répartis selon des critères iniques, qui ne favorisent que certains individus ou certaines classes de la population et privent le plus grand nombre d'hommes de moyens d'existence. Et Dieu qui est le Père de tous les hommes nous à donné les biens de la terre, afin de permettre à tous de vivre normalement.

"Bienheureux les doux parce qu'ils posséderont la terre"; Bienheureux les pacifiques parce qu'ils seront appelés fils de Dieu."

Sagesse nouvelle qui s'oppose à la sagesse humaine. N'est-ce pas l'orgueil, la violence, qui maintiennent les royaumes des grands de cette terre? Jésus s'inscrit en faux contre cela et nous affirme tranquillement le contraire. Avec la rage de posséder existe bien chez l'homme un terrible désir de puissance. La racine de ce désir, l'agressivité, est une force, une pulsion nécessaire à notre survie comme le désir de posséder un territoire et de le défendre. C'est une nécessité biologique.

Mais Jésus affirme que ces deux forces ne doivent pas devenir envahissantes et qu'il nous faut les maîtriser, ici, par un esprit de détachement, là, par un esprit filial envers Dieu qui nous fait reconnaître en tout homme un frère, et non un sujet de notre empire. Car nous sommes tous les fils de Dieu et le Père de miséricordes prend soin de rappeler à son vertueux aîné que le fils perdu et toujours son fils. Il y à un mépris des autres qui aboutit à la haine, au racisme, à la guerre. Bienheureux les doux... Bienheureux les pacifiques...

"Bienheureux ceux qui pleurent parce qu'ils seront consolés".

Nous sommes désemparés devant les grandes douleurs. Les pleurs d'une veuve ou ceux d'une mère nous laissent muets. La mort est un scandale irréparable; que dire dans de telles circonstances? Les paroles du Seigneur nous étonnent et nous irritent: "Bienheureux qui pleurent parce qu'ils seront consolés". Ces paroles ressemblent-elles aux condoléances dérisoires que l'ont fuit avec horreur? ou ne sont-elles que paradoxe? Et pourtant, deux fois durant sa vie, les larmes d'une femme commandèrent l'attitude de Jésus face à la mort. Bouleversé devant la détresse de la veuve de Naïm, Il lui dit: "Ne pleure pas", et Il lui rend son fils. Troublé, frémissant devant les lamentations de ses deux amies de Béthanie, Marthe et Marie, Il ressuscite Lazare, non sans dire à Marthe: "Je suis la Résurrection et la Vie; celui qui croit en moi, fut-il mort, vivra. et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais" (J 11,25).

En fait, la formule impersonnelle de la béatitude employée par Jésus: "Ils seront consolés", cache sa propre tendresse, la tendresse même de Dieu. Seul Dieu peut oser donner une réponse à nos larmes devant la mort, et Il la donne. Car, comme Jésus vient de le dire aux deux soeurs de Lazare, c'est dans la seule perspective du Royaume qu'il n'y à plus de mort. Jésus dit aux Saducéens: "Que les morts ressuscitent, Moïse l'a fait aussi entendre à l'endroit du Buisson, quand il dit: le Seigneur, Dieu d'Abraham et Dieu d'Isaac, et Dieu de Jacob; or Il n'est pas Dieu de morts mais de vivants; car, tous vivent pour Lui."(Lc 20m37-38)

Bienheureux ceux qui pleurent, ils seront consolés par Dieu Lui-même. Dieu de tendresse et de miséricorde, car Dieu ne nous explique pas le pourquoi de notre condition mortelle, de notre condition de créature fragile et éphémère par des paroles, des bavardages. Il calme notre détresse devant le néant de notre être, et de ceux que nous chérissons, en devenant par amour l'un de nous, le Fils de l'Homme, et en passant le premier par la mort, Jésus, le Fils Bien-Aimé, est la Porte qui s'ouvre sur la vraie Vie. Ses paroles: "Il n y à pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l'on aime", prennent ici tout leurs sens. Elles nous invitent à nous abandonner comme Lui, à la Volonté du Père, en sachant bien que comme pour Lui, la mort est le chemin de la Résurrection.

"Bienheureux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés".

C'est une clef merveilleuse que cette béatitude; elle ouvre une porte secrète, celle de la prière efficace! Ici le mot "Justice" est pris au sens biblique. Cela ne veut pas dire, en premier lieu, un souci de justice distributive, à chacun son dû, ce qui va de soi pour Jésus, mais le souci de voir s'établir en tous les hommes la Volonté de Dieu. Cette "Justice" correspond exactement aux demandes de Jésus dans "le Notre Père": "Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel".

Cette faim et cette soif de la Justice, ce sont les cris de nos prières, lorsque nous sommes angoissés, désorientés devant nos propres infidélités, bien sûr, mais plus encore devant la trahison complète de nos proches ou amis à l'égard du règne de Dieu. En effet, ces pleurs, cette faim, cette soif de la Justice pour nos proches, tout cela monte comme un cri vers Dieu. Et Jésus nous l'affirme: "Vous serez rassasiés". Dieu vous exaucera. Mais Dieu n'est pas pressé. Un jour inéluctablement, votre prière portera les fruit de votre chagrin et de votre patience.

"Bienheureux les miséricordieux, parce qu'ils obtiendront miséricorde".

Dieu de tendresse et de miséricorde, c'est le beau titre donné à Dieu dans les Psaumes. La miséricorde est empreinte d'amour. Elle voit le mal sans naïveté, elle en souffre. Et pourtant elle ne juge pas pour condamner, mais pour rendre au frère tombé sa dignité. Le père de l'enfant prodigue est avant tout le Père Miséricordieux. Puissions-nous toujours nous inspirer de son attitude face à nos frères, dans leur déroute morale et spirituelle.

"Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, parce qu'ils verront Dieu".

Le mot "pur" signifie: sans mélange, comme un lingot de métal purifié par le feu. Jésus nous invite à être sans mélange, et sans partage, pour voir Dieu. Lutte incessante où les violents l'emportent, et cela aussi bien pour nous débarrasser de la gangue des biens matériels qui nous comment aux mains, que pour nous libérer de ce besoin impérieux de domination envers nos frères. Être pur... comme un cristal décanté des boues du désir, désir insatiable de la richesse, de la sensualité, du pouvoir. Être pur... comme un cristal qui ne capte plus que la seule lumière de Dieu.

"Bienheureux ceux qui sont persécutés pour la justice, parce que le Royaume de Cieux est à eux".

C'est l'immense cortège de tous ceux qui, à travers les siècles, ont rendu témoignage au Christ. Ils ont tout simplement osé redire les paroles qui dérangent, celles que Luc nous rapporte:

"Malheur à vous qui êtes repus maintenant, parce que vous aurez faim". "Malheur à vous qui riez maintenant, parce que vous serez dans le deuil et les larmes". "Malheur à vous lorsque tous les hommes diront du bien de vous, car c'est ainsi que leurs pères traitaient les faux prophètes".

Ce sont les paroles qui ont valu la persécution, la prison et la mort à tant et tant d'amis du Seigneur. "Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse, parce que votre récompense est grande dans les cieux". (Mt 5,13).

 

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