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Jésus et le Royaume

Jésus dans le discours sur la montagne nous engage à marcher avec Lui sur le chemin caillouteux des traces quotidiennes. Et pour cela Il nous mets en mains les clefs du vrai bonheur. Car ce n'est pas à une vie étroite, amoindrie, minable qu'Il nous appelle! Non, tout au contraire, c'est à la vie la plus réaliste qui soit, celle qui; de l'étoffe journalière de misère et de souffrances, tisse l'habit de lumière de noces éternelles.

Jésus nous convie tous à la joie du Royaume de Dieu, à la fête du ciel. Son message éclate comme un coup de trompette pour nous tirer de la tristesse du temps présent. Il éclaire d'ailleurs ce temps d'un tout autre Soleil que celui de la terre, et nous appelle à une Espérance plus solide que celle de lendemains qui ne chanteraient que des joies éphémères!

Bienheureux! Ce sont les premiers mots de sa charte. Oui, bienheureux êtes-vous... et d'un bonheur possible, à portée de la main, non pas un bonheur imaginaire et inaccessible aux pauvres gens que nous sommes!

Car il s'agit pour Lui de monnayer sans argent le train-train journalier de pauvreté, de budget étriqué, de chômage, de besoin de faim et de soif, de froid peut-être, d'arthrose, de vieillesse, de peines morales et de larmes, de deuil et de solitude, il s'agit de monnayer toute cette souffrance humaine contre la joie et même contre la joie éternelle.

Jésus nous crie ici la joie de Dieu de voir l'homme, sa créature, poussière spirituelle, appelée au bonheur éternel, à travers le chemin fragile et périssable du temps.

"Bienheureux les pauvres en esprit, parce que le Royaume des cieux est à eux". La première des béatitudes nous indique la disposition fondamentale requise pour entrer de plain-pied dans le Royaume de Dieu. Jésus ne béatifie ni le dénuement ni la pauvreté. Il nous mets seulement en garde contre les attitudes qui se traduisent dans la vie courante par une fringale de biens matériels. Non seulement il nous faut réussir, mais toujours mieux réussir; non seulement il nous faut gagner de l'argent, mais toujours en gagner d'avantage. Notre coeur, notre esprit, nos forces vives, tout est requis, accaparé pour atteindre ce but. Rien n'est terrible comme ce démon de l'avoir, le jour où nous en sommes possédés. Et il nous guette tous.

Jésus nous invite à libérer notre coeur, à y faire place nette et nous promet, à travers cette première béatitude, le bonheur du présent, à l'encontre des autres béatitudes, qui ne nous le promettent, elles, que dans l'avenir. Car, pour ceux qui vivent de cette pauvreté de coeur, Jésus devient le Royaume vivant et se trouve au centre de leur vie présente. Il devient leur Lumière et leur Chemin. Aucun obstacle n'arrête plus l'ardeur de ses paroles qui comblent "leur désir", rendu disponible pour aimer Dieu et les hommes de tout leur coeur, de tout leur esprit, et de toutes leurs forces.

C'est pourquoi, être pauvre en esprit entraîne à lutter contre tout manque, chez les autres, afin de parvenir à un partage vrai des biens de la terre. Être pauvre en esprit cela nous entraîne aussi à désirer pour nous et pour tous les hommes, d'un désir insatiable, la richesse de Dieu. La Sainte Vierge Marie est le modèle parfait de cette pauvreté. Cette Femme fut si vide d'elle-même, si passionnée de Dieu, qu' Elle L'attire en son sein, et renouvelle l'Alliance d'Abraham, alors que les riches s'en vont, les mains vides. Avec elle, les vrais pauvres de coeur exultent et dansent de joie. Car leur bonheur n'est pas une insulte pour ceux qui ont faim et soif, ou froid, mais une invitation à un partage fraternel.

 

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