619

« Elle a donné de son indigence.

Superstitions concrètes et superstitions abstraites. (Jean GUITTON)

Ma foi est sans doute plus savante que celle du peuple. Elle est plus instruite, elle n'est pas plus éclairée; surtout elle n'est pas plus forte. Et, lorsque je me trouve immergé dans une foule catholique, je me sens chez moi, et non pas chez des rustres ou des analphabètes. Même, j 'ai l'impression qu'un enfant, qu'un malade, un mystique sans culture peut avoir une expérience plus pure et plus profonde de la vérité que je ne l'ai moi-même. On comprend pourquoi je n'aime pas entendre opposer les dévotions du peuple à la foi des intelligences. Je sais qu'il existe des superstitions. Je me demande, si les cierges, les prières à saint Antoine et tant d'autres rites ne traduisent pas dans un autre langage la même adoration, s'il n'y a pas, à côté des « superstitions » concrètes qui sont si visibles, certaines superstitions abstraites qui sont invisibles je veux dire des attachements à certaines abstractions, certains systèmes. N'est-ce pas là aussi des parasites, des superstructures ? Je me sens peuple avec le peuple, subtil avec les subtils, sage avec les sages. Le charme du catholicisme, c'est cette possibilité qu'il offre de penser ensemble, de prier ensemble, à quelque degré que l'on soit sur l'échelle où montent et descendent les esprits - et avec l'idée sous-entendue (que j'ose à peine chuchoter) que ceux qui sont au plus bas degré, s'ils ont le coeur pur, voient plus et mieux que les grands, qui jouissent de leur travail d'intelligence comme si ce travail était par lui-même une prière.

 

619