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Le Christ ressuscité demeure pauvre. (Jacques GUILLET) 

Jésus ressuscite, le Fils de Dieu entre dans la gloire, et tout, pensons-nous, va changer.

Jésus ressuscite dans la gloire de son Père et cette gloire remplit le ciel et la terre. Toutes les richesses de la création sont à lui; invulnérable à la douleur, à la déchéance et à la mort, il jouit, partout à la fois, de l'univers entier, il dispose de l'avenir, jusqu'à la consommation des siècles. Pourtant ce pouvoir n'est pas celui de la richesse. Jésus ressuscité n'apporte aux siens ni la fortune, ni même la moindre amélioration de leur genre de vie. Par un paradoxe qui déconcerte notre naïveté, de l'affirmation : Tout pouvoir m a été donné, il tire cette conclusion dont la logique nous paraît étrange : Allez donc, de toutes les nations, faites des disciples... Il les prévient ainsi que leur existence reproduira exactement celle qu'ils ont mené à sa suite tant qu'il vivait au milieu d'eux, dans la poussière des chemins, l'incertitude de l'accueil, à la merci de l'indifférence ou de l'hostilité, chargé d'un message redoutable et sans moyens humains pour s'imposer.

Est-ce là tout ce que le Christ ressuscité apporte aux siens?

Il y a plus étrange peut-être : Jésus lui-même est-il devenu riche ? Des richesses de la terre, il est naturel qu'il se passe, maintenant que toute la création est à sa disposition. Mais cette pauvreté plus profonde qui le distinguait, cette façon de dépendre des hommes, des événements, de la conduite du Père, ne la retrouvera-t-on pas identique après la Résurrection ?

Qu'y a-t-il en lui de changé ? Ressuscité, il devrait, nous semble-t-il, imposer sa présence à Jérusalem et conquérir ainsi ceux qui, avant-hier, le défiaient de descendre de sa croix. Ils seraient les premiers à l'acclamer et sa résurrection serait simplement un triomphe.

Or le triomphe de Jésus se réduit à quelques apparitions à des témoins préparés. Jérusalem demeure partagée, en partie remuée, mais au fond hostile. Jésus ressuscité ne s'impose pas plus que Jésus mortel, et demeure le Fils qui tient tout de son Père, qui monte à son Père, qui envoie aux siens la promesse du Père et qui les confie au temps fixé par la seule autorité du Père.

Le Christ ressuscité demeure le Christ pauvre de Bethléem et du Calvaire, celui qui a choisi pour amis les pauvres et les petits, et qui garde avec eux, maintenant qu'il est entré dans la gloire, la même aisance familière, la même humanité simple.

Les siens, ce sont toujours les pauvres, les malades, les prisonniers, ceux qui, durant sa vie, composaient son entourage habituel et qui demeurent jusqu'à la fin des siècles son prolongement personnel.

Le Christ ressuscité, c'est toujours le pauvre, le laissé pour compte qui nous embarrasse et que nous abandonnons sur le bord de la route.

Pour que l'homme enfin puisse être riche, pour que ses mains et son coeur s'ouvrent aux trésors divins, pour que dans la surabondance de la création il voie la générosité débordante du Père, Jésus s'est fait pauvre et a vécu, dans la privation et le dénuement, l'action de grâce du Fils de Dieu.

« Je suis le chemin, la vérité et la vie. »

Le Seigneur a vaincu pour nous toute laideur et toute vilenie.

C'est l'amour qui, en fin de compte, a raison!

 

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