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LA LOI DE L'ESPRIT. (Stanislas LYONNET)

 « Laissez-vous mener par l'Esprit. »

Le chapitre VIII de l'épître aux Romains débute par un cri de triomphe : Il n'y a donc plus maintenant de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus. Et Paul en précise la raison Car la loi de l'Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus t'a délivré de la loi du péché et de la mort. Ainsi l'homme est délivré de cette loi qui, au témoignage indiscutable de la Bible, avait été l'instrument du péché et de la mort, par quelque chose que saint Paul appelle également, de façon pour le moins surprenante, une loi, la loi de l'Esprit qui donne la vie. La tradition d'ailleurs ne s'y est point trompée et saint Thomas, par exemple, la résume tout entière avec une clarté et une concision qui ne laissent aucune équivoque possible. « La loi de l'Esprit », commente-t-il, « est ce qu'on appelle la loi nouvelle; or elle s'identifie soit avec la personne même du Saint-Esprit, soit avec l'activité en nous de ce même Esprit. » La loi de l'Esprit ne se distingue donc pas de la loi mosaïque et a fortiori de toute autre loi non révélée même considérée comme expression de la volonté divine, seulement parce qu'elle proposerait un idéal plus élevé, imposerait des exigences plus grandes ou bien, au contraire, ce qui constituerait un vrai scandale, offrirait un salut au rabais, comme Si, au joug insupportable de la législation sinaïque le Christ avait substitué une « morale facile ». Elle en diffère radicalement par sa nature même; elle n'est plus un code, fût-il « donné par l'Esprit Saint », mais une loi « accomplie en nous par l'Esprit Saint »; non pas une simple norme d'action, extérieure, mais, ce qu'évidemment nulle législation en tant que telle ne saurait être, un principe d'action, un dynamisme nouveau, intérieur.

Je mettrai ma loi au plus profond d'eux-mêmes et je l'inscrirai dans leur coeur. Et chaque fois que le Docteur Angélique évoquera ce « Nouveau Testament », les mêmes formules réapparaîtront sous sa plume ; c'est le Saint-Esprit lui-même qui est le Nouveau Testament en opérant en nous l'amour, plénitude de la loi ». Loin de tomber dans l'amoralisme, le chrétien, recevant cet Esprit agissant en lui ou, formule pratiquement équivalente, cette activité de l'Es-prit, devient capable de marcher selon l'Esprit, c'est-à-dire conformément à ce que la loi « spirituelle » elle aussi, exigeait en vain de lui. L'amour n'est pas d'abord une norme de conduite, mais une force, un dynamisme. En ces conditions, on conçoit fort bien qu'un chrétien, c'est-à-dire un homme animé par l'Esprit Saint, selon la définition que Paul donne ici même du fils de Dieu, puisse à la fois être affranchi de toute loi extérieure, ne pas se trouver sous la loi, et cependant mener une vie parfaitement morale et vertueuse. Saint Paul l'explique en termes limpides dans l'épître aux Galates, aussitôt après avoir réduit toute la loi à l'amour Laissez-vous mener par l'Esprit et vous ne risquerez pas de satisfaire la convoitise charnelle. Rien de plus évident. Si l'Esprit vous anime, vous n'êtes pas sous la loi. En effet, quel besoin en auriez-vous ? Un homme spirituel sait parfaitement ce qui est charnel et qu'il fuira comme d'instinct, s'il est spirituel fornication, impureté, libertinage, idolâtrie, magie, haines, discordes, jalousie, emportements, disputes, dissensions, sec tes, sentiments d'envie, beuveries, orgies et choses semblables. Commettre de telles fautes serait montrer que vous n'êtes pas animés par l'Esprit. En tout cas, je vous préviens, comme je l'ai déjà fait, que de tels pécheurs n'hériteront pas du royaume de Dieu. Mais ces fautes, vous ne les commettrez pas, du moment que vous êtes spirituels. Les fruits que vous produirez, ce sont ceux de l'Esprit, ou plutôt le fruit, car il n'y en a qu'un aux multiples aspects : il est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maitrise de soi.

Sans donc avoir besoin d'une loi qui le contraigne de l'extérieur, le chrétien, animé par l'Esprit, accomplit toute loi dans la pleine liberté des fils.

Seigneur, donne-nous la liberté comme le don le plus merveilleux de ton amour.

 

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