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NAISSANCE DE L'EGLISE. (J. RATZINGER)

Ce coup de lance qui transperça le Crucifié, Jean le raconte avec une solennité toute particulière et de façon très circonstanciée, signe de l'importance qu'il y attache. Dans son récit, quasi authentifié sous forme de serment, Jean a utilisé deux textes de l'Ancien Testament, qui éclairent en même temps le sens de cet événement. Le premier texte, Aucun de ses os ne sera brisé, évoque une prescription juive relative à l'agneau pascal. Par là Jean veut nous faire comprendre que Jésus, transpercé par la lance à l'heure même de l'immolation rituelle au Temple des agneaux de la Pâque, est lui-même le véritable Agneau pascal sans tache; qu'en Lui seulement devient visible la signification réelle du culte. Avant le Christ le culte tout entier repose en définitive sur l'idée de substitution.

Dieu meurt en tant qu'homme. Il se donne totalement aux hommes, impuissants, eux, à se donner à lui; à la place du culte inefficace de substitution, il met la réalité de son amour surabondant. Commentant l'évocation de l'évangile johannique, la lettre aux Hébreux explique la liturgie juive du « jour des expiations » comme une figure de liturgie véritable, celle de la vie et de la mort de Jésus Christ. Il se présente devant son Père, non pas avec le sang d'êtres de remplacement, mais en s'offrant lui-même conformément aux exigences d'un amour véritable qui ne peut donner moins que soi-même. Jean nous dit qu'un soldat a ouvert le côté de Jésus avec une lance. Pour cela, il se sert du terme employé déjà dans i 'Ancien Testament pour décrire la création d'Eve tirée du côté d'Adam endormi. Quelle que soit la signification précise de cette allusion, une chose est claire.Jean veut dire que le mystère de la création de l'homme et de la femme, ne formant qu'une seule chair, se répète dans la relation du Christ avec l'humanité croyante. L'Eglise naît du côté ouvert de Jésus mourant; en d'autres termes moins imagés c'est la mort du Seigneur, son amour radical allant jusqu'au don de lui-même, qui est le fondement de la fécondité de l'Eglise. Parce qu'il ne s'est pas enfermé dans l'égoïsme de celui qui, satisfait de ne vivre que pour lui-même, place sa propre conservation au-dessus de tout le reste, mais parce qu'il s'est laissé ouvrir afin de se quitter pour être au service des autres, Jésus Christ s'élève à présent au-dessus de lui-même et embrasse tous les temps. Le côté ouvert devient ainsi le symbole d'une nouvelle image de l'homme, d'un nouvel Adam; ce côté ouvert caractérise le Christ comme l'homme pour les autres. Etant entièrement pour les autres, il est pleinement lui-même, le modèle de la vraie humanité. Devenir chrétien signifie devenir homme, en réalisant l'être humain véritable qui est « être pour les autres » et « être de Dieu ». La plaie béante du Crucifié, la plaie mortelle du Nouvel Adam c'est le point de départ du véritable être humain de l'homme : Ils regarderont celui qu'ils ont transpercé.

 

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