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HABITER LE MONDE sans le dominer. ( Paul RICUEUR) Lui qui est riche, il est devenu pauvre a cause de vous. Se soustraire à la fascination de la puissance. Habiter ce monde sans le dominer. Renouer une relation fraternelle aux êtres dans une sorte d'amitié franciscaine pour la création. Retrouver le gracieux, le gracié, l'imprévu, l'inouï C'est ici que la « communion des saints » prend son sens; ceux qui sont les dépositaires de la puissance peuvent être secrètement placés au bénéfice de ceux qui ont renoncé à toute puissance : n'est-ce pas la chasteté du moine qui aide et porte la droiture du lien conjugal? Et la pauvreté du moine qui aide et porte l'usage modéré des biens ? Cette nouvelle dialectique entre la non-puissance et la puissance, entre la non-jouissance et la jouissance, entre l'obéissance et l'autonomie peut être vécue très concrètement, comme celle que nous évoquions tout à l'heure, entre l'éthique de conviction et l'éthique de responsabilité. C'est à partir de cette dialectique concrètement vécue que nous pourrons commencer d'entrevoir une réponse à cette simple question quels signes de grâce pouvons-nous trouver et donner dans le monde de la consommation maxima, lequel, nous le savons maintenant, est aussi le monde du désir sans fin? Pour ma part je vois se dessiner quelques comportements significatifs - tenter de faire prévaloir, en toutes choses, l'attitude du créateur sur l'attitude du consommateur (consommation, consumation, destruction...);- résister à la fuite dans le loisir, je veux dire, à la tentation de transférer sur le loisir tout le sens du travail humain; restituer au travail son sens propre et plein. Ce qui doit avoir quelque rapport avec le souci précédent;- dans le loisir même, résister aux suggestions et aux impulsions de la consommation de masse; retrouver le chemin de la culture personnelle et libre. Par là, me tenir dans un rapport avec ce qui fut et ce qui est créateur;- me réenraciner dans la mémoire de notre culture. L'innovation technique efface le passé, fait de nous des êtres au futur; mais l'homme de culture doit arbitrer sans cesse le rapport entre la mémoire (culture) et le projet (utopie). C'est dans la mesure où nous retournons aux sources que nous sommes les hommes de la perspective. Nous restons et nous devenons créateurs, à partir d'une réinterprétation du passé qui sans cesse nous interpelle. Tout a été déjà dit... nous sommes nés dans la lumière de la parole et nous devons l'expliciter sans fin. |
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