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REFORMER L'EGLISE?. (Georges BERNANOS)

Il n'écrasera pas le roseau froissé. »  

On ne réforme l'Eglise qu'en souffrant pour elle, on ne réforme l'Eglise visible qu'en souffrant pour l'Eglise invisible. On ne réforme les vices de l'Eglise qu'en prodiguant l'exemple de ses vertus les plus héroïques. Il est possible que saint François d'Assise n'ait pas été moins révolté que Luther par la débauche et la simonie des prélats. Il est même certain qu'il en a plus cruellement souffert, car sa nature était bien différente de celle du moine de Weimar. Mais il n'a pas défié l'iniquité, il n'a pas tenté de lui faire front, il s'est jeté dans la pauvreté, il s'y est enfoncé le plus avant qu'il a pu, avec les siens, comme dans la source de toute rémission, de toute pureté. Au lieu d'essayer d'arracher à l'Eglise les biens mal acquis, il l'a comblée de trésors invisibles, et sous la douce main de ce mendiant le tas d'or et de luxure s'est mis à fleurir comme une haie d'avril. L'Eglise n'a pas besoin de réformateurs mais de saints. Dès le commencement mon Eglise a été ce qu'elle est encore, ce qu'elle sera jusqu'au dernier jour, le scandale des esprits forts, la déception des esprits faibles, l'épreuve et la consolation des âmes intérieures, qui n'y cherchent que moi. Oui, qui m'y cherche m'y trouve, mais il faut m'y trouver, et j'y suis mieux caché qu'on ne le pense, ou que certains de mes prêtres prétendent vous le faire croire plus difficile encore à découvrir que dans la petite étable de Bethléem, pour ceux qui ne vont pas humblement vers moi, derrière les Mages et les bergers. Car c'est vrai qu'on m'a construit des palais, avec des galeries et des péristyles sans nombre, magnifiquement éclairés, jour et nuit, peuplés de gardes et de sentinelles, mais pour me trouver là, comme sur la vieille route de Judée ensevelie sous la neige, le plus malin n'a encore qu'à me demander ce qui lui est seulement nécessaire une étoile et un coeur pur.

PRIÈRE 

Accorde-nous, Seigneur, de rester toujours unis au Christ, et de travailler dans l'Eglise au salut de nos frères.

 

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