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SCANDALES dans l'Eglise. (John Henry NEWMAN)

 D'où vient donc qu'il y a de l'ivraie?

Il y a des scandales dans l'Eglise, des choses blâmables et honteuses. Aucun catholique ne pourra le nier. Elle a toujours encouru le reproche et la honte d'être la mère de fils indignes. Elle a des enfants qui sont bons, elle en a bien davantage qui sont mauvais. C'est la volonté de Dieu telle qu'il l'a affirmée dès le commencement. Il aurait pu instituer une Eglise qui soit pure. Mais il a formellement prédit que l'ivraie semée par l'ennemi demeurerait avec le froment jusqu'à la moisson, à la fin du monde. Il a affirmé que son Eglise serait semblable à un filet de pêcheur qui ramasse des poissons de toutes sortes que l'on ne trie pas avant le soir. Allant plus loin encore, il a déclaré que les mauvais et les imparfaits l'emporteraient de beaucoup sur les bons. Ily a beaucoup d'appelés, a-t-il dit, mais peu d'élus et son apôtre dit qu'il s'est trouvé un reste par élection de grâce.

Il y a donc sans cesse, dans l'histoire et dans la vie des catholiques, largement de quoi faire le jeu des contradicteurs qui, partant du principe que la sainte Eglise est l'oeuvre du démon, veulent avoir confirmation de leur idée. Ses prérogatives elles-mêmes leur en fournissent une occasion spéciale : je veux dire, ce fait qu'elle est l'Eglise de tous les pays et de tous les temps. S'il y a eu un Judas parmi les apôtres, et un Nicolas parmi les diacres, pourquoi nous étonner que pendant 1800 ans il y ait eu des exemples si flagrants de cruauté, d'infidélité, d'hypocrisie ou de dépravation, et cela non seulement dans le peuple catholique, mais aussi en haut lieu, dans les palais des rois et des évêques, voire même dans la chaire de saint Pierre? Pourquoi nous étonner, si à des époques barbares ou en des temps licencieux, il y a eu des évêques, des abbés ou des prêtres qui ont oublié leurs devoirs et leur Dieu pour se faire esclaves du monde ou de la chair, et qui se sont perdus dans cette servitude maudite ? Y a-t-il de quoi triompher si dans une longue dynastie de deux ou trois cents papes, parmi des martyrs, des confesseurs, des docteurs, de bons et sages pasteurs de leur peuple, il s'en est trouvé un, deux ou trois pour répondre à la description faite par Notre Seigneur de ce méchant serviteur qui se mettait à battre les serviteurs et les servantes, à manger et à boire jusqu a s'enivrer. Qu'en conclure si nous admettons qu'à telle ou telle époque, ici ou là, l'action de l'Eglise ou ses rapports avec ses enfants ont paru déterminés par des erreurs du jugement pratique, des mesures inopportunes, une certaine timidité ou hésitation dans l'action, des principes temporels, une rigueur inhumaine ou de l'étroitesse d'esprit ? Je dirais simplement qu'étant donné ce qu'est l'homme, ce serait un miracle que des scandales de ce genre soient absents de l'histoire de l'Eglise.

 

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