765

EN HAUTE MER. (Saint FRANÇOIS DE SALES)

« Jésus obligea les disciples à monter dans la barque. »  

Pourvu que cette fine pointe regarde toujours à Dieu, nous ne nous devons point troubler. Les navires ont tous une aiguille marine, laquelle étant touchée de l'aimant regarde toujours l'étoile polaire, et encore que la barque s'en aille du côté du midi, l'aiguille marine ne laisse pourtant pas de regarder toujours à son nord. Ainsi il semble quelquefois que l'âme s'en aille toute du côté du midi, tant elle est agitée de distractions, que néanmoins la fine pointe de l'esprit regarde toujours à son Dieu, qui est son nord. Les personnes les plus avancées ont parfois de Si grandes tentations, qu'il leur semble que leur âme consent, elles n'ont que cette fine pointe qui résiste. Vous allez prendre la haute mer du monde, ne changez pas pour cela de patron, ni de mât, ni de voile, ni d'ancre, ni de vent. Ayez toujours Jésus Christ pour patron, sa croix pour arbre, sur lequel vous étendez vos résolutions en guise de voile; que votre ancre soit une profonde confiance en lui, et allez à la bonne heure. Veuille à jamais le vent propice des inspirations célestes enfler de plus en plus les voiles de votre vaisseau et vous faire heureusement surgir au port de la sainte éternité. Quoique toutes choses se tournent et varient diversement autour de nous, il nous faut demeurer constamment immobiles à toujours regarder, tendre et prétendre à notre Dieu. Que le navire prenne telle route qu'on voudra, qu'il cingle au couchant ou au levant, au midi ou au septentrion, et quelque vent que ce soit qui le porte, jamais pourtant son aiguille marine ne regardera que sa belle étoile et le pôle. Que tout se renverse sens dessus dessous, je ne dis pas seulement autour de nous, mais je vous dis en nous, c'est-à-dire que notre âme soit triste, joyeuse, en douceur, en amertume, en paix, en trouble, en clarté, en ténèbres, en tentations, en repos, en goût, en dégoût, en sécheresse, en tendreté, que le soleil la brûle ou que la rosée la rafraichisse, ah, si faut-il pourtant qu'à jamais et toujours la pointe de notre coeur, notre esprit, notre volonté supérieure, qui est notre boussole, regarde incessamment, et tende perpétuellement à l'amour de Dieu.

 

765