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 Dernier départ. (Saint ISAAC JOGUES)

 «Aller à Jérusalem... souffrir beaucoup... étre mis à mort... et ressusciter. »

Après huit années passées au milieu des tribus huronnes et Dquoises, après avoir enduré de terribles tortures, Isaac Jogues écrit : Si je suis barbare par les coutumes et le vêteent, bien plus, si je suis presque sans Dieu dans ie vie si agitée, cependant je veux mourir comme '" vécu en fils de la très sainte Eglise romaine et la Compagnie... Je mène une vie vraiment misérable dans laquelle toutes les vertus sont en riger. La foi, certes, dans de Si épaisses ténèbres l'infidélité; l'espérance, dans de Si longues et res épreuves; la charité dans une Si grande cor~ion et l'absence de tout sacrement; la chasse, bien qu'elle ne soit pas ici beaucoup menacée par les plaisirs est cependant menacée par la cohabitation.

Jogues rentre en France. Ses mains sont mutilées, tout son corps porte les marques de la torture. L'amour des Iroquois qui ne connaissent pas Dieu l'emporte sur l'appréhension à la pensée de nouvelles souffrances. Il sera martyrisé peu de temps après avoir écrit la letîre suivante. Quand commencerai-je à servir et à aimer celui qui n'a jamais commencé à nous aimer; et quand commencerai-je à me donner totalement à celui qui s'est donné à moi sans réserve? Quoique je sois extrêmement misérable et que j'aie fait un mauvais usage des grâces que Notre Seigneur m'a faites en ce pays, je ne perds pas courage, puisqu'il prend le soin de me rendre meilleur, me fournissant encore de nouvelles occasions de mourir à moi-même et de m'unir inséparablement à lui. Mon espérance est en Dieu, qui n'a que faire de nous pour l'exécution de ses desseins. C'est ànous de tâcher de lui être fidèles et de ne pas gâter son ouvrage par nos lâchetés. J'espère que vous m'obtiendrez cette faveur de Notre Seigneur et qu'après avoir mené une vie si lâche jusques àmaintenant, je commencerai à le mieux servir. Le coeur me dit que, si j'ai le bien d'être employé en cette mission, j'irai et je ne reviendrai pas, mais je serais heureux si Notre Seigneur voulait achever le sacrifice où il l'a commencé, et que ce peu de sang que j 'ai répandu en cette terre fût comme les arrhes de celui que je lui donnerais de toutes les veines de mon corps et de mon coeur. Enfin, ce peuple-là est pour moi un époux de sang, je me suis fiancé à lui par mon sang. Notre bon maître qui se l'est acquis par son sang, lui ouvre, s'il lui plaît, la porte de son Evangile comme aussi à quatre nations ses alliées, qui sont proches de lui. A Dieu, mon cher Père, priez-le qu'il m'unisse inséparablement à lui.

 

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