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LE REGARD de Jésus. (Albert-Marie BESNARD)

 « Il le regarda et l'aima. »

Jésus fixe sur les siens son regard : ce n'est pas une formule banale, ce regard concentre sur les disciples la flèche de lumière de la sainteté divine en lui se lit l'exigence absolue, qui ne compose ni avec le mal ni avec la médiocrité : en lui aussi se reçoit l'amour absolu, qui pardonne à chaque instant toute défaillance et réconforte chaque conscience à l'intime d'elle-même en lui révélant qu'elle est appelée à partager la vie du Père, et du Fils et de l'Esprit. Impossible pour nous de lire le Sermon sur la montagne sous une autre lumière que celle de ce regard du Christ vivant qui nous interpelle chacun par notre nom. Il ne s'agit nullement ici de la proclamation d'une espèce de loi édictée par un pouvoir lointain et publiée dans un «Journal officiel », et tant pis pour ceux qui n'en auront pas pris connaissance et ne l'observeront point. Chaque phrase vient à nous enveloppée par le regard brûlant du Maître de vie, et après chacune retentit l'avertissement : prenez garde, pour les hommes ce que je dis là est impossible, mais non pour Dieu, car tout est possible pour Dieu. Il ne nous servira de rien de faire de l'Évangile une morale - car nous ne pourrons la pratiquer -si nous n'en faisons pas en même temps une mystique, à savoir celle de notre union avec le Christ, celle de notre greffe sur sa propre personne. Hélas! c'est ce que ne parviennent pas à faire beaucoup de ceux qui se disent chrétiens, obsédés par des commandements dont ils défendent farouchement le principe sans parvenir à les pratiquer, et n'ayant pas la moindre expérience de ce qu'est la prière, le regard du Christ sur eux, la familiarité confiante avec lui, l'abandon à sa miséricorde.

 

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