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Une réflexion sur « Eglise émergente ». La Grande Bretagne en mouvement, la France en attente De nombreuses études montrent le développement dune Eglise émergente en Grande Bretagne et en dautres pays [1]. En effet, une véritable mutation culturelle nous fait entrer dans ce quon peut appeler une période post-moderne ou ultra-moderne, et certainement dans une post-chrétienté. Le changement appelle de nouvelles formes dexpression de foi, une nouvelle maniere de « faire église ». Au cours des dernieres décennies, de nombreuses innovations sont intervenues. Ce mouvement est foisonnant. Il se développe dans des directions variées et témoigne dune grande créativité. Ainsi le théologien britannique Stuart Murray distingue trois grandes pistes en cours dexploration [2] :
Des églises centrées sur la mission cherchent a re-mettre au point léglise. Elles ciblent une population spécifique (jeunes, sub-cultures, minorités ethniques), se réorganisent autour de leur mission (petits groupes, rencontres pour les personnes en recherche), sinstallent dans de nouveaux lieux (cafés, lieux de travail, Internet).
Des églises centrées sur le développement communautaire reconfigurent léglise. Elles simpliquent dans des initiatives urbaines, relient des croyants mécontents (groupes domestiques ou informels), redécouvrent une vie communautaire (églises de maisons, églises post-alpha, nouvelles formes de communautés monastiques).
Des églises centrées sur des nouvelles façons de rendre un culte a Dieu cherchent a réanimer léglise (cultes alternatifs, églises pluralistes, mouvements de priere, site Internet). La situation en France
Dans quelle mesure ce phénomene existe-t-il aussi en France ? Apparemment, ce foisonnement na pas déquivalent dans notre pays. Le concept meme déglise émergente commence tout juste a y etre connu. Cependant, il y aussi en France des initiatives missionnaires. Dans cette analyse, nous mettrons davantage laccent sur une composante majeure de léglise émergente : la constitution de groupes et de communautés vivant en marge des églises classiques. Si on considere léglise catholique au cours des derniers siecles, elle sest principalement manifestée sous la forme de linstitution paroissiale. Comme lécrit la sociologue Daniele Hervieu Léger « la figure du pratiquant régulier correspond a une période typique du catholicisme marqué par lextreme centralité du pouvoir clérical et par la forte territorialité des appartenances communautaires » [3a]. Laffaissement actuel de la pratique religieuse traduit la crise de ce modele.
En regard, dautres figures du religieux sont en train de naître, de la « religiosité pelerine » a une spiritualité caractérisée par un accent mis sur la conversion [3]. Dans une rétrospective historique couvrant le dernier demi-siecle, on constate lapparition successive de différentes formes de groupes et de communautés.
Les mouvements daction catholique, sils étaient placés sous la tutelle de linstitution, ont également suscité un nouveau genre de vie spirituelle, alliant lEvangile et la présence dans la vie sociale et professionnelle, suscitant une nouvelle forme dexercice du ministere sacerdotal, celui daumônier, si bien que les groupes qui en étaient issus pouvaient se situer en marge du systeme paroissial.
Dautres groupes comme la mouvance issue de lexemple de Marcel Legaut, ou dans un autre style, essayant de combiner indépendance et insertion, les fraternités du mouvement « Vie nouvelle » ont commencé a se développer en marge de linstitution.
Dans leffervescence des années post-68, des communautés de base sont apparues tandis que des lieux dexpérimentation comme Boquen attiraient un public en provenance de tout lhexagone [4].
Aujourdhui, linspiration réformatrice du concile Vatican II nourrit un ensemble de groupes en opposition au conservatisme et a limmobilisme présent dans linstitution officielle. Cette tendance se manifeste notamment dans le réseau de Parvis [5].
A partir des années 70 la France a été parcourue par la vague du renouveau charismatique qui a suscité un grand nombre de groupes et de communautés. Ce courant a permis une intériorisation et une extériorisation de la foi. On compte aujourdhui en France environ 200 000 personnes qui sinscrivent dans cette mouvance [6a]. Celle-ci exprime des convictions fortes qui se manifestent par de nombreuses initiatives, notamment sur le plan missionnaire. Des orientations théologiques différentes sont apparues. Certaines constituent un retour au paradigme catholique romain traditionnel tandis que dautres manifestent une ouverture a locuménisme et un souci de compréhension de la culture actuelle.
Sur un tout autre registre, au cours des dernieres décennies, la communauté ocuménique de Taizé a exercé une influence considérable, particulierement aupres de jeunes. Des groupes informels sinspirent de cette spiritualité.
On pourrait également inclure comme composante de léglise émergente, des efforts innovants entrepris a lincitation de formes ouvertes de linstitution catholique comme les groupes de la Mission de France et les initiatives exploratoires engagées dans certains dioceses comme ceux de lYonne ou de la Vienne.
Le paysage religieux est ainsi tres complexe. Ecrit par deux géographes, le livre : « Ou sont passés les catholiques ? Une géographie des catholiques en France » [6] exprime bien cette diversité. Il met en valeur un déplacement des publics des paroisses traditionnelles vers dautres lieux. Il y a aujourdhui une multitude de groupes informels. Daniele Hervieu Léger les décrit en ces termes : « Les lieux institutionnels administrés par léglise sont désertés, les bâtiments sont vides, mais il y a pourtant de la sociabilité catholique en France. Celle-ci se déploie dans une nébuleuse de petits groupes et de réseaux connectés, de façon plus ou moins lâche, a des structures organisées : mouvements spirituels, communautés nouvelles, « nouvelles paroisses » fédérant des initiatives largement auto-gérées, ONG chrétiennes, centres de dévotion attachés a des lieux de pelerinage etc. »[7].
Ce tableau a porté principalement jusquici sur un univers catholique en pleine mutation, si bien que pour une part de celui-ci, laccent est mis de plus en plus sur un retour au christianisme dorigine.
Parallelement dans la meme période, les églises évangéliques se sont multipliées en France. Dans le contexte de notre pays, ce courant est naturellement innovant. Comme leurs homologues anglo-saxonnes, ces églises néchappent pas cependant aux risques de décalage avec la culture « post-moderne », risque accru dans ce cas par lhéritage dun esprit défensif associé a une situation minoritaire. Des initiatives nouvelles se préparent pour répondre a ce décalage. Surgissant au départ a la marge comme beaucoup dinnovations, plus libre par rapport aux traditions religieuses, bien inscrit dans la vie internationale, ce courant peut susciter des expressions nouvelles en phase avec la recomposition culturelle et contribuer a une diversification du paysage chrétien permettant lélargissement de loffre. Dans le secteur plus classique des églises réformées, on peut noter, entre autres, une innovation importante : le développement dun pastorat féminin apportant une sensibilité chrétienne au quotidien.
La diversification du paysage religieux facilite le développement dinitiatives chrétiennes interconfessionnelles. Leur apport potentiel néchappe pas a lhistorien Jean Delumeau lorsque dans son dernier livre : « Guetter laurore » [8] il appelle a la multiplication des initiatives a la base : « Pour éviter la marginalisation dont le christianisme est menacé, il faudrait, je crois, tenir compte des expériences proposées a la fois par les communautés de base dAmérique Latine et par les groupes évangéliques. Car, malgré tout ce qui les sépare, elles soulignent ensemble une meme nécessité : promouvoir des structures de proximité qui soient des interfaces entre la religion et la société et favoriser des espaces de convivialité chrétienne. » [8a] On pourra ajouter une autre nécessité : celle dallier une conviction intérieure nourrie par la parole biblique, une relation personnelle avec la présence divine et un dynamisme social et culturel en réponse aux besoins de nos contemporains. Cest bien a ce carrefour que se situe léglise émergente. FranceGrande Bretagne
Léglise émergente est perçue comme telle en Grande Bretagne : · Parce que le diagnostic concernant le déclin des églises traditionnelles est ouvertement posé, · Parce que lenjeu est dessiné : de la chrétienté a la conscience du témoignage dans une culture nouvelle · Parce que des forces dinnovation sont a louvre · Parce que lensemble des forces innovantes est perçu comme tel en tant qualternative a léglise classique sans pour cela nier lutilité de celle-ci pour certains publics.
Léglise émergente existe parce quil y a une conscience de sa nécessité et de sa réalité.
En France, des groupe comparables existent. Ils se sont développés par vagues successives au cours du dernier demi-siecle. Mais ces groupes, ces communautés, nont pas actuellement conscience de constituer une église émergente, ouvrant la voie a une forme nouvelle déglise et ils ne manifestent pas un dynamisme analogue a ce qui peut etre observé en Grande Bretagne. Pourquoi ?
Il est bon de se reporter a une approche historique pour mieux comprendre la genese et lévolution de ces groupes. A cet égard le livre de Denis Pelletier : « La crise catholique. Religion, société, politique en France (1965-1978) » est extremement éclairant. Il montre bien le décalage qui sest creusé entre linstitution et la société. Cependant, en dehors de la mouvance charismatique, qui a sa dynamique propre dans la durée, il semble bien que beaucoup de groupes se soient centrés sur les besoins propres de leurs membres.
Des groupes de ce genre existent aussi en Grande Bretagne dans la mouvance communautaire décrite par Stuart Murray. Mais celui-ci montre aussi combien léglise émergente y couvre un bien plus large éventail. Il y a aussi un élan missionnaire qui est peu visible en France en dehors de la Mission de France et des initiatives ayant pour origine des communautés charismatiques.
Une premiere explication de la différence entre les deux contextes, le Français et le Britannique, nous paraît en relation avec lexistence en Grande Bretagne dune minorité militante plus nombreuse, animée par une foi personnelle dinspiration biblique. On peut également relever le contraste entre la crise des ministeres en France et le flux de serviteurs formés présents dans les diverses églises britanniques [9].
En Grande Bretagne, le diagnostic est clairement posé. En labsence de changements marqués dans la politique des églises, leur fréquentation sachemine vers une baisse progressive qui mene a une quasi inexistence sociale. Ce diagnostic est également pris en compte par beaucoup déglises.
La situation paraît différente en France. Les éléments du diagnostic existent. La conjoncture est comparable a celle de la Grande Bretagne. Mais le diagnostic nest pas posé dune façon synthétique. Et par ailleurs, les institutions ne le prennent pas en compte sérieusement.
Pourquoi cette différence ? Nous posons deux hypotheses. Sil y a en France dexcellents sociologues des religions, leurs travaux pénetrent peu dans les Eglises. Ils y sont mal relayés. En Grande Bretagne au contraire, les sciences sociales ont sans doute davantage daudience. La « Christian research association » est un bon exemple dassociation entre les églises et la recherche [10]. On peut se demander par ailleurs si la différence majeure ne réside pas dans la capacité découte des églises. En France léglise majoritaire présente un grave dysfonctionnement institutionnel dans la persistance dune gestion hiérarchique traditionnelle et leffritement de ses cadres. En conséquence, on se refuse a prendre en compte des données qui meneraient a une grave remise en question.
Le christianisme en Grande Bretagne a un caractere pluraliste. Si léglise anglicane recueille une adhésion majoritaire, en fait le public « pratiquant » se répartit en trois groupes équivalents : anglicans, évangéliques, catholiques. Surtout les églises sont traversées par des courants trans-confessionnels, évangélique et charismatique notamment. Léglise anglicane se situe ainsi a un carrefour et offre un visage pluraliste. Dans ce contexte linterconfessionnel peut également sexercer a plein. Ainsi il ny a pas de position hiérarchique en mesure de freiner le changement.
En France le paysage religieux sest beaucoup modifié au cours du dernier demi siecle. Léglise catholique nest plus en situation dexercer un rôle hégémonique mais elle demeure une institution majoritaire dont la structure hiérarchique induit la dépendance dans son champ dinfluence.
Lhistoire religieuse en Grande Bretagne est marquée par des réveils ou la naissance de grands mouvements qui se développent hors de linstitution majoritaire : Méthodisme, Armée du salut, Eglises de maison. Elément majeur de la spiritualité, la lecture croyante de la Bible nourrit une vie spirituelle autonome. Dans ce contexte, le renouveau charismatique a trouvé un accueil particulierement favorable. Ce christianisme est fondé sur une conviction personnelle et suscite une orientation missionnaire. Les cours Alpha sont nés dans cet environnement. Cependant, parallelement, il y a aussi un public majoritaire peu impliqué. La sociologue Grace Davie parle de « religion par procuration » (vicarious religion) [11]. On se sert de linstitution et on sen remet a elle.
Cet effet nous paraît jouer pleinement en France ou léglise catholique est le prototype de linstitution [12]. Il y a toujours eu des courants dintériorisation spirituelle, se développant par exemple, dans un grand nombre de retraites et de lieux monastiques, mais la « démocratisation » de la vie spirituelle, menant a une autonomisation de celle-ci est beaucoup plus récente. Elle sest développée sous des formes différentes dans les grands mouvements qui ont mis le christianisme au cour de la vie, puis dans le renouveau charismatique. Aujourdhui lélan de la mission, produit dune conviction intérieure, est globalement attiédi par léloignement des jeunes générations, par la mémoire du passé et le manque de perspective engendré par le dysfonctionnement institutionnel. Cet élan est par contre perceptible dans les milieux charismatiques et dans les églises évangéliques.
La structure hiérarchique de léglise catholique est le produit dune histoire. Aujourdhui, elle est entretenue par leffet de sujétion exercé par le pouvoir pontifical. Cependant le paradigme romain médiéval, dont parle le théologien Hans Kung [13] a été cassé par le processus du concile Vatican II. La cohérence interne sest dissoute [14]. De grands changements sont intervenus, mais « lAncien Régime » continue a exercer une influence dans les mentalités. La ligne paroissiale dominante incorpore un patrimoine, une culture ancienne non sans richesse, mais qui fait barrage a une participation naturelle et créative. Une sacralité, autrefois totalitaire, maintenant tempérée, est maintenue par la pratique cléricale qui reste maîtresse des actes considérés comme centraux par linstitution : consécration eucharistique, sacrements. Au cours des dernieres décennies, une partie du clergé a voulu rompre avec la tradition dominante. La chute des ordinations traduit la perte dinfluence de la figure traditionnelle du pretre liée a une conception datée de la société et de la culture. La place croissante des laics dans linstitution est également un facteur de changement. Cependant les tendances conservatrices en provenance de la papauté ont empeché les réformes et ont suscité des blocages dans la hiérarchie. De hauts responsables intériorisent encore aujourdhui le modele traditionnel du sacerdoce. Une partie du jeune clergé sy réfere ostensiblement. La structure hiérarchique sexprimait autrefois dans la vision totalitaire : « Hors de léglise point de salut ». Cette vision sest éloignée, mais laisse des traces bien ancrées dans les mentalités. Il reste chez beaucoup de « fideles » une autocensure et lintériorisation dune dépendance. La situation en Grande Bretagne est évidemment bien différente.
Une ouverture pour la France
La précédente analyse ne devrait pas susciter un effet démobilisateur. En effet, comme on la déja noté incidemment, la situation a déja beaucoup changé au cours des dernieres décennies. Des forces de changement sont a louvre. Si on reprend, point par point, les différents aspects déja abordés, on peut anticiper dautres changements dans les années a venir.
Lécart entre le changement culturel et les cultures déglises et, en particulier, la culture de linstitution majoritaire, va etre de plus en plus visible a travers ses effets. Déja des personnalités comme Georges Hourdin [15] avaient lancé des cris dalerte. Les analyses des sociologues sont accessibles a tous. Le déni de cette situation ne pourra pas etre maintenu indéfiniment.
Un ensemble de groupes réformateurs sexprime actuellement en milieu catholique. Ils sont issus, pour une grande part, des générations qui ont vécu la période conciliaire. Parviendront-ils a rassembler au-dela, dans les générations plus jeunes, marquées entre autre par linfluence du renouveau charismatique, et aupres des laiques exerçant des responsabilités dans linstitution ? Une fédération des aspirations sur des objectifs communs est certainement a rechercher.
Dans la mouvance des églises évangéliques, ou des problemes sont en voie de se poser également, bien que différemment, une réflexion de fond a commencé a se développer. Dans un contexte interconfessionnel, le travail du groupe de recherche de Témoins commence a etre entendu.
Comme on la observé, le pluralisme se développe progressivement en France. Cette constatation peut-etre appuyée par différentes observations au plan local, mais aussi au plan national. Des initiatives inter-dénominationnelles se développent : cours Alpha [16], Société Biblique. La portée de lapproche interconfessionnelle commence a etre reconnue. Elle permet de dépasser les frontieres et les cloisonnements et ouvre un espace de liberté.
La crainte du changement, langoisse suscitée par le déclin des pratiques religieuses favorise les crispations identitaires et le regain de manifestations dautorité. Ainsi les tendances traditionalistes connaissent actuellement un regain au sein du catholicisme. Mais a plus long terme, le changement social et culturel suscite le déclin des institutions hiérarchisées dont, en France, léglise catholique a été la matrice. Cette tendance va se poursuivre.
La réduction de lappareil ecclésiastique entraîne une baisse de lencadrement. Les acteurs de terrain, pretres et laics, devraient gagner en liberté. La part croissante des laics dans les rouages de linstitution catholique devrait entraîner a terme des changements dans son fonctionnement [17] qui pourraient etre accélérés par une expression commune de leur part. Il devrait également susciter de nouvelles représentations quant a lexercice des pratiques spirituelles. Comme le montre Daniele Hervieu Léger dans son livre : « Catholicisme La fin dun monde » [7], « dans le cours ordinaire de la vie des communautés, des redistributions interviennent dans les rôles respectifs des laics et des clercs ». Et elle note : « un déplacement des représentations et des modes dexercice de lautorité religieuse ».
Par ailleurs, la circulation de la communication et de linformation a travers les nouveaux médias échappe a tout contrôle et rend caduque un mode dautorité sexerçant dans les cadres dun territoire géographique. Laffaissement de la « civilisation paroissiale » est également appelé a se poursuivre.
Dans ces conditions, et bien que des tendances contradictoires soient a louvre, on peut formuler lhypothese que le contrôle social exercé par les cadres de linstitution va continuer a se réduire et que, par conséquent, les dépendances intériorisées vont également diminuer. Parviendra-t-on a développer un pluralisme permettant aux forces de changement dinnover librement ?
Les chrétiens dOccident sont confrontés aux memes enjeux.
En Grande Bretagne et en France, les églises doivent faire face a une conjoncture analogue. Dans cette situation, il faut encourager la créativité et linnovation. Cest bien la these que soutient Jean Delumeau, ce grand historien du fait religieux [8]. « Le besoin se fait maintenant sentir dune multiplication géographique des points de rencontre et dentraide que je souhaiterais ocuménique Jai bien conscience de plaider encore une fois avec beaucoup dautres pour une importante modification, de haut en bas, des structures ecclésiales, en particulier catholiques. La réussite de la « nouvelle évangélisation » me paraît a ce prix. Il sagit de libérer la parole des fideles, de remplacer par une organisation souple et décentralisée un pouvoir conçu sur le modele de la monarchie absolue de lancien régime qui na pas de justification théologique et nest plus en phase avec la société actuelle » [8b]. Aujourdhui, on en revient partout « au meme diagnostic et a la meme nécessité : décentraliser pour réunir ; et devancer le mouvement en multipliant les initiatives a la base » [8c].
En France et en Grande Bretagne, des groupes se sont effectivement développés en marge des églises établies en recherchant des pratiques plus pertinentes pour leur vie de foi. Nous avons montré combien les initiatives ont été nombreuses en France. Il y a la un potentiel pour le développement dune église émergente.
Pourquoi donc cette réalité et ce concept sont-ils encore si peu développés dans notre pays alors quen regard cette approche est particulierement dynamique en Grande Bretagne ? Dans cette étude, nous avons cherché a répondre a cette question. Il nous paraît que les obstacles résident tout particulierement dans un ensemble de représentations issues de lhistoire. Pourtant la culture, dans laquelle elles sinscrivent, est en pleine évolution. Cest a ce niveau quun effort prioritaire devrait etre engagé pour susciter une transformation des mentalités. Idéalement, église classique et église émergente sont complémentaires. Comme lécrit Rowan Williams, primat de léglise anglicane, Ainsi, il y a au moins deux églises anglicanes. Il y a la frange qui va croissant, une abondance de nouvelles initiatives avec les nouveaux défis que cela comporte en ce qui concerne le culte et les ministeres. Et il y a aussi la routine quotidienne, la vie ordinaire des paroisses ou les gens sont chaque jour amenés a Jésus Christ. Ces deux réalités en forment une. » [18]
Comment faciliter le développement de léglise émergente en France ? Ce développement peut advenir a travers un ensemble de communautés débouchant sur un courant dinnovation. Dans la mouvance des églises évangéliques, un tel mouvement est en train déclore [19]. En milieu catholique, un potentiel existe malgré de fortes contraintes [20]. A travers une dynamique associant information, innovation, recherche et sexerçant a une échelle internationale, le processus de léglise émergente peut devenir de plus en plus actif, et en meme temps de plus en plus visible. Bien sur, on peut décliner différentes formes dactions : susciter des réseaux, favoriser des rassemblements, développer des compétences, offrir des ressources nouvelles.
Léglise émergente apparaît dans le contexte dune mutation culturelle. Elle manifeste une conviction et une solidarité spirituelle. LEsprit Saint nous précede et nous appelle a aller de lavant.
Jean Hassenforder Références
[1] ¨Moynagh (Michael). LEglise autrement Les voies du changement. Empreinte. Temps présent, 2003 (version originale : Changing world changing church. 2001). ¨Murray (Stuart). Church planting. Laying Foundations. Paternoster, 1998. ¨Ward (Pete). Liquid church. A bold vision of how to be Gods people in worship and mission a flexible, fluid way of being church. Paternoster 2002. Ces livres sont analysés sur le site internet de Témoins : www.temoins.com (groupe de recherche). Voir dans la rubrique Perspective : « A monde qui change, église qui change », « Vers une nouvelle génération déglises », « Faire église ». Au cours des dernieres décennies, les innovations se sont développées sous des formes différentes. La derniere vague s'exprime dans le terme d'"église émergente". Nous reprenons ici cette appellation au sens le plus large. [2] Intervention de Stuart Murray Williams le 25 octobre 2003 a Paris; Compte rendu par Françoise Rontard (site internet de Témoins). [3] Hervieu Léger (Daniele). Le pelerin et le converti. Flammarion, 1999 (3a p.92). [4] La période 1965-1978 a été le siege de changements profonds, déclins et novations qui permettent de comprendre les décennies ultérieures. Pelletier (Denis). La crise catholique. Religion, société, politique (1965-1978) Payot 2002. Analyse remarquable a la fois historique et sociologique. [5] Parvis. Chrétiens en liberté pour dautres visages déglise. 68 rue de Babylone 75007 Paris. [6] Muller (Colette). Bertrand (Jean René). Ou sont passés les catholiques ? Une géographie des catholiques en France. Desclée de Brouwer, 2002. (6a p.210-224). [7] Hervieu Léger (Daniele). Catholicisme. La fin dun monde. Bayard, 2003. Citation p. 276, p.297-298. [8] Delumeau (Jean). Guetter laurore. Un christianisme pour demain. Grasset 2003. (8a p. 259), (8b p. 260), (8c p. 204). [9] a) Davie (Grace). La religion des britanniques de 1945 a nos jours. Labor et Fides, 1996. b) Davie (Grace). Religion in modern Europe. A memory mutates. Oxford University Press, 2000. En 1992, 39000 pretres ou pasteurs en Grande Bretagne (9a p. 77). 300 ordinations par an dans léglise anglicane (contre une centaine en France) (9b p. 48). [10] Christian research. www.christian-research.org.uk. [11] Davie (Grace). Europe the exeptional case. Parameters of faith in the modern world. Darton. Longman. Todd. 2002. [12] Dubet (François). Le déclin de linstitution. Seuil 2002. [13] Kung (Hans). Le christianisme. ce quil est et ce quil est devenu dans lhistoire. Seuil 1999. [14] Léclatement de lancien paradigme entraîne une crise dont les conséquences sont bien analysées dans Arbuckle (Gérald A). Refonder léglise. Dissentiment et leadership. Bellarmin, 2000. Ainsi, la crise est liée a la fois aux dysfonctionnements dans lévolution interne et au hiatus avec le changement culturel. Cette analyse est bien illustrée par une histoire récente de léglise catholique aux Etats Unis : Steinfels (Peter). A people adrift. The crisis of the roman catholic church in America. Simon and Schuster 2003. [15] Hourdin (Georges). Le vieil homme et lEglise. DDB. 1998. [16] Créés en Grande Bretagne il y a une dizaine dannées, les cours Alpha y ont connu un grand essor, puis se sont répandus dans le monde entier. Dans une forme conviviale, ces cours enseignent les fondements de la foi chrétienne et, a ce titre, ils ont été adoptés par la plupart des églises chrétiennes. Aujourdhui les cours Alpha se développent également en France. Voila donc une innovation qui a traversé les frontieres ecclésiastiques, culturelles et nationales. En montrant quil ny a pas de barrieres infranchissables, cet exemple nous encourage a développer une perspective internationale. ¨Hassenforder (Jean). Bienvenue a la culture Alpha. Témoins, n° 136, septembreoctobre 2001. p. 12-13. ¨Alpha news. Cours Alpha France. BP 18. 78780 Maurecourt. [17] En France, D. Hervieu-Léger et H. Tincq font bien apparaître cette évolution qui est également présente aux Etats Unis. (cf Peter Steinfels (14). Tincq (Henri). Dieu en France. Mort et résurrection du catholicisme. Calmann-Lévy, 2003. [18] Williams (Rowan). Traditional and emerging church. Site : emergingchurch.info (emergingchurch.info est une ressource majeure sur le développement de léglise émergente). [19] Lactivité de la commission « Evangile et Culture » au sein de lAlliance Evangélique, le développement dune collection : Evangile@notreculture.fr aux éditions Farel, témoignent de ce mouvement. Parmi les innovations en cours on peut citer la « Dynamique cellulaire » développée par lassociation Luc 5. [20] Cette situation se manifeste a travers un ensemble de signes. On notera entre autres le désir de réforme manifesté dans lenquete organisée par le groupe Paroles (Une Eglise pour le XXI° siecle. DDB. Bayard. 2001), les travaux menés par « Droits et liberté dans les églises » et « Recherches sur les nouveaux visages déglises » pour étudier et soutenir les églises locales dans leur action innovante, la vision dun renouveau a travers le surgissement de communautés domestiques exprimée par le frere Dominicain André Gouzes (André Gouzes : Une église condamnée a renaître. Ed Saint Augustin. 2001), lexpérience dune refondation des communautés de croyants engagée avec succes dans le diocese de lYonne (Témoins, Mai-Juin 2001. p. 13). Ces deux dernieres initiatives sont analysées sur le site Témoins (rubrique recherche) : www.temoins.com Références: Groupe Recherche Témoins (Témoins) ajouté le 21-6-2004 dans Déviations charismatiques |
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