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nouvelle évangélisation-retour

Le développement rapide des technologies

dans le domaine des médias

 

Lettre apostolique du Pape Jean-Paul II

aux responsables des communications sociales

 

 

 

 

 

 

traduction française de LA DOCUMENTATION CATHOLIQUE

(no 2333, 3 avril 2005)

a partir du texte italien paru les 21 et 22 février 2005

dans L’OSSERVATORE ROMANO

 

 

 

 

1. Le développement rapide des technologies dans le domaine des médias est assurément un des signes du progres de la société moderne. En considérant ces nouveautés en évolution constante, le texte du Décret du Concile oecuménique Vatican II Inter mirifica, promulgué par mon vénéré prédécesseur, le Serviteur de Dieu Paul VI, le 4 décembre 1963, semble encore plus actuel : « Parmi les admirables inventions techniques qu'avec l'aide de Dieu, le génie de l'homme a tirées de la création, l'Église accueille et suit avec une sollicitude toute maternelle celles qui, plus directement, touchent les facultés spirituelles de l'homme et offrent des possibilités élargies de communiquer tres facilement des nouvelles, des idées et des enseignements de toutes sortes » (1).

 

 

 

 

I. Un chemin fécond dans la ligne du Décret Inter mirifica

 

 

 

2. Aujourd'hui, a plus de quarante ans de la publication de ce document, il semble plus que jamais opportun de réfléchir sur les « défis » que les communications sociales constituent pour l'Église, laquelle, comme le fit remarquer Paul VI, « se sentirait coupable devant son Seigneur si elle ne mettait pas en oeuvre ces puissants moyens » (2). En fait, l'Église n'est pas appelée seulement a utiliser les médias pour diffuser l'Évangile mais, aujourd'hui plus que jamais, a intégrer le message salvifique dans la « nouvelle culture » que ces puissants instruments de communication créent et amplifient. Elle reconnaît que l'utilisation des techniques et des technologies de la communication contemporaine fait partie intégrante de sa mission spécifique au troisieme millénaire.

 

Stimulée par cette prise de conscience, la communauté chrétienne a fait des pas importants dans l'utilisation des instruments de communication pour l'information religieuse, l'évangélisation et la catéchese, la formation des agents pastoraux dans ce domaine et l'éducation a une utilisation responsable des usagers et des destinataires des différents instruments de la communication.

 

 

3. Les défis de la nouvelle évangélisation sont multiples dans un monde riche comme le nôtre en possibilités de communication. En considérant cela, dans ma Lettre encyclique Redemptoris missio, j'ai voulu souligner que le premier aréopage des temps modernes est le monde de la communication, capable d'unifier l'humanité en en faisant - comme on le dit souvent - « un village global ». Les moyens de communication sociale ont atteint une telle importance qu'ils sont pour de nombreuses personnes les instruments principaux qui guident et inspirent les comportements des individus, des familles et des sociétés. Il s'agit d'un probleme complexe, parce que telle culture, au-dela de son contenu, naît du fait meme qu'il existe de nouvelles manieres de communiquer en utilisant des techniques et des langages inédits.

 

Notre époque est celle de la communication globale, ou de nombreux moments de l'existence humaine se déroulent a travers des processus médiatiques, ou au moins doivent se confronter a eux. Je me borne a rappeler la formation de la personnalité et de la conscience, l'interprétation et la structuration des liens affectifs, l'articulation des phases éducatives et formatives, l'élaboration et la diffusion des cultures, le développement de la vie sociale, politique et économique.

 

Dans une vision organique et correcte du développement de l'etre humain, les médias peuvent et doivent promouvoir la justice et la solidarité, en rapportant les événements de maniere précise et véridique, en analysant attentivement les situations et les problemes, et en donnant la parole aux diverses opinions. Les criteres supremes de la vérité et de la justice, dans l'exercice mature de la liberté et de la responsabilité, constituent l'horizon ou se situe une authentique déontologie dans l'utilisation des puissants et modernes moyens de communication sociale.

 

 

 

 

II. Discernement évangélique et effort missionnaire

 

 

 

4. Le monde des médias a lui aussi besoin de la rédemption du Christ. Pour analyser avec les yeux de la foi les processus et la valeur des communications sociales, un approfondissement de la Sainte Écriture peut etre d'une grande utilité, car celle-ci se présente comme un « grand code » de communication d'un message non éphémere et non occasionnel, mais fondamental par son contenu salvifique.

 

L'histoire du salut raconte et met en scene la communication de Dieu avec l'homme, communication qui utilise toutes les formes et manieres de communiquer. L'etre humain a été créé a l'image et a la ressemblance de Dieu, pour accueillir la révélation divine et ouvrir un dialogue d'amour avec lui. A cause du péché, cette capacité de dialogue au niveau tant personnel que social s'est altérée, et les hommes ont fait et continuent a faire l'expérience amere de l'incompréhension et de l'éloignement de Dieu. Cependant, Dieu ne les a pas abandonnés et leur a envoyé son propre Fils (cf. Mc 12, 1-11). Dans le Verbe fait chair, l'événement communicatif assume sa plus profonde dimension salutaire : ainsi est donnée a l'homme, dans l'Esprit Saint, la capacité de recevoir le salut, de l'annoncer et d'en etre le témoin aupres de ses freres.

 

 

5. La communication entre Dieu et l'humanité a donc atteint sa perfection dans le Verbe fait chair. L'acte d'amour a travers lequel Dieu se révele, uni a la réponse de foi de l'humanité, génere un dialogue fécond. Pour cela, en faisant nôtre, d'une certaine maniere, la demande des disciples « apprends-nous a prier » (Lc 11, 1), nous pouvons demander au Seigneur de nous aider a comprendre comment communiquer avec Dieu et avec les hommes a travers les merveilleux instruments de la communication sociale. Ramenés sur l'horizon de cette communication ultime et décisive, les médias deviennent une occasion providentielle pour rejoindre les hommes de toutes les latitudes, pour passer au-dela des barrieres du temps, de l'espace et des langues, en formulant selon les modalités les plus diverses le contenu de la foi et en offrant a quiconque est en recherche des points de repere surs qui permettent d'entrer en dialogue avec le mystere de Dieu révélé pleinement en Jésus Christ.

 

Le Verbe incarné nous a laissé l'exemple de la maniere de communiquer avec le Pere et avec les hommes, que ce soit en vivant des temps de silence et de recueillement, ou bien en prechant en tous lieux et par tous les langages possibles. Il explique les Écritures, s'exprime en paraboles, dialogue dans l'intimité des maisons, parle sur les places publiques, le long des chemins, sur les rives du lac, sur le sommet des montagnes. La rencontre personnelle avec lui ne laisse pas indifférent, plutôt elle stimule a l'imiter : « Ce que je vous dis dans les ténebres, dites-le au grand jour ; et ce que vous entendez dans le creux de l'oreille, proclamez-le sur les toits » (Mt 10, 27).

 

Il existe encore un point culminant ou la communication se fait pleinement communion : c'est la rencontre eucharistique. Reconnaissant Jésus dans la « fraction du pain » (cf. Lc 24, 30-31), les croyants se sentent poussés a annoncer sa mort et sa résurrection, et a devenir de courageux et joyeux témoins de son Regne (cf. Lc 24, 35).

 

 

6. Grâce a la Rédemption, la capacité communicative des croyants est guérie et renouvelée. La rencontre avec le Christ fait d'eux des créatures nouvelles, leur permet de faire partie de ce peuple qu'il s'est acquis par son sang en mourant sur la Croix, et les introduit dans la vie intime de la Trinité, qui est communication continue et circulaire d'amour parfait et infini entre le Pere, le Fils et le Saint-Esprit.

 

La communication impregne les dimensions essentielles de l'Église, appelée a annoncer a tous le joyeux message du salut. Aussi saisit-elle les opportunités offertes par les instruments de communication sociale comme des parcours providentiellement donnés par Dieu a notre époque pour accroître la communion et rendre l'annonce plus incisive (3). Les médias permettent de manifester le caractere universel du Peuple de Dieu, en favorisant un échange plus intense et immédiat entre les Églises locales, en alimentant la connaissance réciproque et la collaboration.

 

Rendons grâce a Dieu pour la présence de ces puissants moyens qui, s'ils sont utilisés par les croyants avec le génie de la foi et dans la docilité a la lumiere de l'Esprit Saint, peuvent contribuer a faciliter la diffusion de l'Évangile et a rendre plus efficace les liens de communion entre les communautés ecclésiales.

 

 

 

 

 

III. Changement de mentalité et renouveau pastoral

 

 

 

 

7. L'Église trouve dans les moyens de communication un soutien précieux pour diffuser l'Évangile et les valeurs religieuses, promouvoir le dialogue et la coopération oecuménique et interreligieuse, ainsi que pour défendre ces solides principes qui sont indispensables pour construire une société qui respecte la dignité de la personne humaine et qui soit attentive au bien commun. Elle les emploie volontiers pour fournir des informations sur elle-meme et pour élargir les frontieres de l'évangélisation, de la catéchese et de la formation, et elle considere leur utilisation comme une réponse au commandement du Seigneur : « Allez dans le monde entier, proclamez l'Évangile a toute la création » (Mc 16, 15).

 

Cette mission n'est certes pas facile a notre époque ou la conviction se répand que le temps des certitudes est irrémédiablement terminé : pour beaucoup, l'homme devrait apprendre a vivre dans un horizon de totale absence de sens, avec le sentiment du provisoire et de l'éphémere (4). Dans ce contexte, les instruments de communication peuvent etre utilisés « pour proclamer l'Évangile ou pour le réduire au silence dans le coeur des hommes » (5). Ceci représente un défi sérieux pour les croyants, surtout pour les parents, les familles ainsi que les responsables de la formation des enfants et des jeunes. Avec prudence et sagesse pastorale, tous ceux qui ont des talents particuliers pour le travail dans le monde des médias doivent etre encouragés par la communauté ecclésiale, afin qu'ils deviennent des professionnels capables de dialoguer avec le vaste monde médiatique.

 

 

8. Valoriser les médias ne concerne pas seulement les professionnels du secteur, mais bien toute la Communauté ecclésiale. Si, comme on l'a déja souligné, les communications sociales intéressent les différents secteurs de l'expression de la foi, les chrétiens doivent prendre en compte la culture médiatique dans laquelle ils vivent : de la liturgie, sommet et expression fondamentale de la communication avec Dieu et avec les freres, a la catéchese qui ne peut ignorer le fait qu'elle s'adresse a des sujets influencés par les langages et la culture contemporaine.

 

Le phénomene actuel des communications sociales pousse l'Église a une sorte de révision pastorale et culturelle permettant de faire face au changement d'époque que nous vivons. Les Pasteurs, en tout premier lieu, doivent se faire les interpretes de cette exigence : il est en effet important que l'on se préoccupe de donner a l'annonce de l'Évangile un caractere incisif qui en favorise l'écoute et la réception (6). Une responsabilité particuliere, dans ce secteur, est réservée aux personnes consacrées qui, par leur propre charisme institutionnel, sont amenées a travailler dans le domaine des communications sociales. Formées spirituellement et professionnellement, celles-ci « auront a coeur de collaborer en fonction des besoins de la pastorale [...] pour, d'une part, limiter les dommages provoqués par l'usage dévoyé des médias et, d'autre part, promouvoir une meilleure qualité des émissions, dont le contenu sera respectueux de la loi morale et riche de valeurs humaines et chrétiennes » (7).

 

 

9. C'est justement en considérant l'importance des médias que, il y a déja quinze ans, j'ai jugé qu'il était inopportun de les laisser a l'initiative de particuliers ou de petits groupes, et je suggérais de les insérer avec évidence dans la programmation pastorale (8). Les nouvelles technologies, en particulier, créent de nouvelles occasions de communication comprise comme un service du gouvernement pastoral et de l'organisation des différentes tâches de la communauté chrétienne. Que l'on pense, par exemple, a la maniere dont internet fournit non seulement des ressources pour une plus grande information, mais habitue les personnes a une communication interactive (9). De nombreux chrétiens sont déja en train d'utiliser de façon créative ce nouvel instrument, en explorant les potentialités pour l'évangélisation, l'éducation, les communications internes, l'administration et le gouvernement. Mais a côté d'internet, il faut utiliser d'autres nouveaux médias et vérifier toutes les mises en valeur possibles des instruments traditionnels. Les quotidiens et les journaux, les publications de différente nature, les télévisions et les radios catholiques restent tres utiles dans un panorama complet des communications ecclésiales.

 

De meme que le contenu des médias doit etre naturellement adapté aux besoins des différents groupes, leur but devrait toujours etre de rendre les personnes conscientes de la dimension éthique et morale de l'information (10). De meme, il est important de garantir la formation et l'attention pastorale des professionnels de la communication. Souvent, ces hommes et ces femmes se trouvent devant des pressions particulieres et des dilemmes éthiques qui surgissent du travail quotidien ; beaucoup d'entre eux « veulent sincerement savoir et faire ce qui est juste dans le domaine éthique et moral », et ils attendent de l'Église une orientation et un soutien (11).

 

 

 

 

IV. Les médias, carrefour des grandes questions sociales

 

 

 

 

10. L'Église, forte du message de salut reçu de son Seigneur, est aussi maîtresse d'humanité. Aussi ressent-elle le devoir d'apporter sa propre contribution pour une meilleure compréhension des perspectives et des responsabilités liées au développement actuel des communications sociales. Justement parce qu'ils influencent la conscience des personnes, forment leur mentalité et déterminent leur vision des choses, il faut réaffirmer de façon forte et claire que les instruments de communication sociale constituent un patrimoine a défendre et a promouvoir. Il est nécessaire que les communications sociales entrent, elles aussi, dans un cadre de droits et de devoirs organiquement structurés, tant du point de vue de la formation et de la responsabilités éthique, que des références aux lois et aux compétences institutionnelles.

 

Le développement positif des médias au service du bien commun est une responsabilité de tous et de chacun (12). A cause des liens forts que les médias ont avec l'économie, la politique et la culture, il est nécessaire de mettre au point un systeme de gestion qui soit en mesure de sauvegarder l'intégrité et la dignité de la personne, la primauté de la famille, cellule fondamentale de la société, et un rapport correct entre les divers sujets.

 

 

11. Quelques choix fondamentaux s'imposent, que l'on peut ramener a trois options fondamentales : formation, participation, dialogue.

 

En premier lieu, il faut une grande oeuvre de formation pour que les médias soient connus et utilisés de façon consciente et appropriée. Les nouveaux langages qu'ils introduisent modifient les processus d'apprentissage et la qualité des relations humaines. Aussi, sans une formation adéquate, on court le risque que les médias, au lieu d'etre au service des personnes, parviennent a les instrumentaliser et a les conditionner lourdement. Cela vaut particulierement pour les jeunes, qui manifestent un penchant naturel vers les innovations technologiques : aussi ont-ils encore plus besoin d'etre éduqués a une utilisation responsable et critique des médias.

 

En second lieu, je voudrais attirer l'attention sur l'acces aux médias et sur la participation coresponsable a leur gestion. Si les communications sociales sont un bien destiné a l'humanité tout entiere, il est nécessaire de trouver des formes toujours nouvelles pour rendre possible une plus large participation a leur gestion, meme par le biais d'opportunes mesures législatives. Il faut faire grandir la culture de la coresponsabilité.

 

Pour finir, on ne peut pas oublier le potentiel des médias pour favoriser le dialogue, en devenant des véhicules de connaissance réciproque, de solidarité et de paix. Ils constituent une ressource positive puissante, s'ils sont mis au service de la compréhension entre les peuples ; une « arme » de destruction, s'ils sont utilisés pour alimenter les injustices et les conflits. De façon prophétique, mon vénéré prédécesseur, le Bienheureux Jean XXIII, dans l'Encyclique Pacem in terris, avait déja mis en garde l'humanité contre de tels risques potentiels (13).

 

 

12. La réflexion sur le rôle « de l'opinion publique dans l'Église » et « de l'Église dans l'opinion publique » éveille un grand intéret. Rencontrant les éditeurs des périodiques catholiques, mon vénéré prédécesseur Pie XII eut l'occasion de dire que quelque chose manquerait dans la vie de l'Église s'il n'y avait pas l'opinion publique. Ce meme concept a été réaffirmée en d'autres circonstances (14) et le Code de Droit canonique reconnaît, a des conditions déterminées, le droit d'exprimer sa propre opinion (15). S'il est vrai que les vérités de la foi ne sont pas ouvertes a des interprétations arbitraires et que le respect des droits des autres crée des limites intrinseques a l'expression de nos propres évaluations, il n'en est pas moins vrai que, dans d'autres domaines, il existe entre les catholiques un large espace pour l'échange d'opinions, dans un dialogue respectueux de la justice et de la prudence.

 

La communication au sein de la communauté ecclésiale, comme celle de l'Église avec le monde, demande une transparence et une nouvelle maniere de traiter les questions liées a l'univers des médias. Cette communication doit tendre a un dialogue constructif pour promouvoir dans la communauté chrétienne une opinion publique correctement informée et capable de discernement. L'Église ressent le besoin et le droit de faire connaître ses activités propres, comme d'autres institutions et groupes, mais en meme temps, si cela est nécessaire, elle doit pouvoir s'en tenir a une réserve adéquate, sans que cela nuise a une communication ponctuelle et suffisante sur les faits ecclésiaux. C'est la un des domaines ou la collaboration entre les fideles laics et les pasteurs est la plus demandée, puisque, comme le Concile le souligne de façon opportune, de « ces rapports familiers entre laics et pasteurs, il faut attendre pour l'Église toutes sortes de biens. Par la, en effet, s'affirme chez les laics le sens de leur propre responsabilité ; leur ardeur s'entretient et leurs forces viennent plus facilement s'associer a l'action des Pasteurs. Ceux-ci, avec l'aide de l'expérience des laics, sont mis en état de juger plus distinctement et plus exactement en matiere spirituelle aussi bien que temporelle. Et c'est toute l'Église qui pourra ainsi, renforcée par tous ses membres, remplir plus efficacement sa mission pour la vie du monde » (16).

 

 

 

 

V. Communiquer avec la force de l'Esprit Saint

 

 

 

13. Pour les croyants et pour les personnes de bonne volonté, le grand défi de notre temps consiste a promouvoir une communication véridique et libre, qui contribue a consolider le progres intégral du monde. A tous, il est demandé de savoir opérer un discernement attentif et exercer une vigilance constante, tout en développant une saine capacité critique face a la force persuasive des moyens de communication.

 

Dans ce domaine aussi, les croyants dans le Christ savent qu'ils peuvent compter sur la force de l'Esprit Saint. Une aide encore plus nécessaire si l'on considere a quel point peuvent etre amplifiées les difficultés intrinseques de la communication a cause des idéologies, de l'appât du gain et du pouvoir, des rivalités et des conflits entre les individus et les groupes, ou encore a cause de la fragilité humaine ou des maux sociaux. Les technologies modernes augmentent d'une maniere impressionnante la vitesse, la quantité et la portée de la communication, mais elles ne favorisent pas ce fragile échange d'esprit a esprit, de coeur a coeur, qui doit caractériser toute communication au service de la solidarité et de l'amour.

 

Au cours de l'histoire du salut, le Christ s'est présenté a nous comme le « communicateur » du Pere : « Dieu, en ces jours, nous a parlé par le Fils » (He 1, 2). Parole éternelle faite chair, le Christ, en se communiquant, manifeste toujours son respect de ceux qui l'écoutent, il enseigne la compréhension de leur situation et de leurs besoins, incite a la compassion pour leur souffrance. Il est résolument déterminé a leur dire ce qu'ils ont besoin d'entendre, sans l'imposer, sans compromis, tromperie ou manipulation. Jésus enseigne que la communication est un acte moral : « L'homme bon, dans son trésor qui est bon, prend des choses bonnes ; l'homme mauvais, de son trésor qui est mauvais, prend des choses mauvaises. Je vous le dis, toute parole creuse que prononceront les hommes, ils devront en rendre compte au jour du Jugement. Sur tes paroles, en effet, tu seras déclaré juste ; sur tes paroles, tu seras condamné » (Mt 12, 35-37).

 

L'apôtre Paul a un message clair pour tous ceux qui travaillent dans la communication sociale, hommes politiques, communicateurs professionnels, spectateurs : « Débarrassez-vous donc du mensonge et dites tous la vérité a votre prochain, parce que nous sommes membres les uns des autres... Aucune parole mauvaise ne doit sortir de votre bouche, mais, s'il en est besoin, dites une parole bonne et constructive, bienveillante pour ceux qui vous écoutent » (Ep 4, 25-29).

 

Aux artisans de la communication, et particulierement aux croyants qui oeuvrent dans cet important milieu de la société, je réitere l'invitation que, des le début de mon ministere de Pasteur de l'Église universelle, j'ai voulu lancer au monde entier : « N'ayez pas peur ! ».

 

N'ayez pas peur des nouvelles technologies ! Elles « font parties des merveilles » - « inter mirifica » - que Dieu a mises a notre disposition pour découvrir, utiliser, faire connaître la vérité, et aussi la vérité sur notre dignité et sur notre destin de fils de Dieu, héritiers de son Royaume éternel.

 

N'ayez pas peur de l'opposition du monde ! Jésus nous a assuré : « J'ai vaincu le monde ! » (Jn 16, 31).

 

N'ayez pas peur non plus de votre faiblesse et de vos incapacités ! Le divin Maître a dit : « Je suis avec vous tous les jours jusqu'a la fin du monde » (Mt 28, 20). Communiquez le message d'espérance, de grâce et d'amour du Christ, en maintenant toujours vive, en ce monde qui passe, l'éternelle perspective du Ciel, perspective qu'aucun moyen de communication ne pourra jamais rejoindre directement : « Ce que personne n'avait vu de ses yeux et entendu de ses oreilles, ce que le coeur de l'homme n'avait pas imaginé, ce qui avait été préparé pour ceux qui aiment Dieu » (1 Co 2, 9).

 

A Marie, qui nous a donné le Verbe de la vie, et qui a médité dans son coeur ses ineffables paroles, je confie la route de l'Église dans le monde d'aujourd'hui. Que la Vierge Sainte nous aide a communiquer par tous les moyens la beauté et la joie de la vie en Jésus-Christ notre Sauveur.

 

A tous ma Bénédiction !

 

 

 

Du Vatican, le 24 janvier 2005,

mémoire de saint François de Sales, patron des journalistes

 

JEAN-PAUL II

 

 

 

 

(1) Concile Vatican II, Décret Inter mirifica, 1.

 

(2) Exhortation apost. Evangelii nuntiandi (8 déc. 1975) : AAS 68 (1976), 35 ; La Documentation catholique (1976), n. 1689, p. 1 ss.

 

(3) Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30 déc. 1988), 18-24 : AAS 81 (1989), 421-435 ; La Documentation catholique(1989), n. 1978, p. 162-169 ; cf. Conseil pontifical des Communications sociales, Instruction pastorale Aetatis novae (22 fév. 1992), 10 : AAS 84 (1992), 454-455 ; La Documentation catholique(1992), n. 2048, p. 362.

 

(4) Jean-Paul II, Encycl. Fides et ratio (14 sept. 1998), 91 : AAS 91 (1999), 76-77 ; La Documentation catholique 1998, n. 2191, p. 934.

 

(5) Conseil pontifical pour les Communications sociales, Instr. past. Aetatis novae (22 fév. 1992), 4 : AAS 84 (1992), 450 ; La Documentation catholique (1992), n. 2048, p. 360.

 

(6) Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale, Pastores gregis, 30 : La Documentation catholique (2003), n. 2302, p. 1024-1025.

 

(7) Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale, Vita consecrata (25 mars 1996), 99 : AAS 88 (1996), 476 ; La Documentation catholique (1996), n. 2136, p. 392.

 

(8) Cf. Jean-Paul II, Lett. Encycl. Redemptoris missio (7 déc. 1990), 37 : AAS 83 (1991), 282-286 ; La Documentation catholique (1991), n. 2122, p. 166-167.

 

(9) Cf. Conseil pontifical pour les Communications sociales, L'Église et Internet (22 fév. 2002), 6 : La Documentation catholique (2002), n. 2267, p. 315-316.

 

(10) Cf. Concile Vatican II, Décret Inter mirifica, 15-16 ; Conseil pontifical pour les Communications sociales, Instr. past. Communio et progressio (23 mai 1971), 107 : AAS 63 (1971), 631-632 ; La Documentation catholique (1971), n. 1588, p. 562 ss ; Conseil pontifical pour les Communications sociales, Instr. past. Aetatis novae (22 fév. 1992), 18 : AAS 84 (1992), 460 ; La Documentation catholique (1992), n. 2048, p. 364.

 

(11) Conseil pontifical pour les Communications sociales, Instr. past. Aetatis novae (22 fév. 1992), 19 : AAS 84 (1992), 460 ; La Documentation catholique (1992), n. 2048, p. 364.

 

(12) Cf. Catéchisme de l'Église catholique, n. 2494.

 

(13) Cf. Jean-Paul II, Message pour la 37e Journée mondiale des Communications sociales (24 janv. 2003) : La Documentation catholique (2003), n. 2288, p. 267-269.

 

(14) Cf. Conc. Vatican II, Lumen gentium, 37 ; Commission pont. pour les Communications sociales, Instr. Past. Communio et progressio (23 mai 1971), 114-117 : AAS 63 (1971), 634-635 ; La Documentation catholique (1971), n. 1588, p. 562 ss.

 

(15) Can. 212, § 3: « Selon le savoir, la compétence et le prestige dont ils jouissent, ils ont le droit et meme parfois le devoir de donner aux pasteurs sacrés leur opinion sur ce qui touche le bien de l'Église et de la faire connaître aux autres fideles, restant sauves l'intégrité de la foi et des moeurs et la révérence due aux pasteurs, et en tenant compte de l'utilité commune et de la dignité des personnes » ; Cf. Code des Canons des Églises orientales, can. 15, § 3.

 

(16) Conc. Vatican II, Lumen gentium, 37.

 

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