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nouvelle évangélisation-retour

Gaston Raymond, o.p.,

Institut de pastorale

 

Il y a encore peu de temps, le spirituel passait pour un surplus et, en Occident, pour un monopole laissé aux Églises ou religions. Ne s'intéressaient a la spiritualité, comme art de vivre maintenant, que quelques uns qui s'y sentaient appelés. La recherche d'une qualité de vie au-dela du niveau de vie, tout en s'y appuyant et en s'y opposant, devient aujourd'hui une caractéristique plus répandue, permettant d'envisager la vie autrement que selon une perspective matérialiste ou positiviste ou conventionnelle chrétienne. En effet les progres acquis en ce début de siecle apparaissent comme moins satisfaisants qu'on l'avait présumé et les risques se sont multipliés.

 

Ce contexte, ou la recherche spirituelle devient acceptable, présente un défi nouveau a l'Église dans sa proposition d'un chemin de vie authentique inspiré par la figure de Jésus et l'option radicale de marcher a sa suite comme des disciples de ce Maître. Défi, parce que les propositions spirituelles sont multiples et obligent l'Église a prendre place dans ce kaléidoscope. Défi aussi parce que cette recherche veut conduire a une expérience spirituelle personnelle et collective ou partagée.

 

Que signifie dans ce contexte la "seconde conversion" ? L'expression peut concerner ceux et celles qui ont déja eu une foi personnelle et vivante, dans l'enfance souvent, puis ont pris une distance marquée de cette expérience. Pour quelles raisons ? Le savent-ils eux-memes ? Au moins celles-ci : la diminution de la plausibilité du christianisme, i.e. de l'entraînement par le milieu qui rend normales, raisonnables et évidentes les convictions et pratiques chrétiennes ; et l'échec a sortir de la foi de l'enfance pour accéder a une foi d'adulte.

 

La seconde conversion peut aussi caractériser le cheminement de personnes qui ont d'abord misé leur vie sur des valeurs et convictions éthiques, artistiques et politiques, sans portée religieuse, et qui a partir de leur combat en viennent a chercher un horizon plus radical pour envelopper leurs engagements. Péguy peut servir d'exemple qui affirmait ne s'etre converti qu'une fois dans sa vie, et a la "cité fraternelle", mais en vint a s'engager dans une foi chrétienne pour rester fideles a son idéal social. En réalité, une seconde conversion authentique ne peut etre simplement la reprise d'une foi de l'enfance, ce qui semble caractériser le fondamentalisme courant. Il lui faut une reprise adulte de ses options radicales, éprouvées par son histoire propre et muries par une authenticité cohérente et réfléchie. Il s'agit en fait de suivre le "chemin de la parole" ou de traverser les "niveaux de parole", bien mis en lumiere par Claude et Jacqueline Lagarde dans leur effort de renouvellement de la catéchese. Donc prendre le chemin de l'expérience spirituelle guidée par la tradition chrétienne.

 

Une quete spirituelle

 

Si, depuis Thérese de Lisieux, la voie spirituelle inspirée par la tradition chrétienne est ouverte pour tous et non seulement aux etres exceptionnels, il reste que les organisations que sont les Églises certes souhaitaient la conversion au spirituel mais acceptaient peu de se mettre a la portée de ceux qui n'étaient pas encore rendus la ou ne le souhaitaient pas. Existe encore la distinction dans les fideles entre les "avancés" et les "grossiers" pour lesquels la foi concerne surtout l'au-dela. Cela a développé dans le dispositif ecclésial l'attention aux structures et moyens de masse, la patience devant la lenteur de la conversion nécessaire, la confiance dans la transmission par osmose avec un milieu de la foi chrétienne. Mais alors que le marché du spirituel se déploie avec ses promesses d'une vie harmonieuse et réussie, le chemin spirituel proposé par les Églises chrétiennes locales devra maintenant s'adresser a la quete spirituelle diffuse dans la culture contemporaine et ressentie par les gens ordinaires. Ainsi plusieurs ont trouvé et trouvent de plus en plus une réponse a leur préoccupation d'un art de vivre contemporain dans l'ouvre du regretté Henri Nouwen [1] .

 

La conjoncture de cette recherche spirituelle comporte aussi la situation de "fin de la chrétienté" qui s'est mise en place et que résumait Situation et Avenir du catholicisme québécois : "les arteres qui ont traditionnellement servi a transmettre la foi sont en partie ou totalement obstruées" [2] . Ces arteres "fonctionnent aujourd'hui bien irrégulierement. Le systeme de transmission est devenu incertain, peut-etre précaire" [3] . Dans les foyers : le silence ; dans les écoles : un rendement aléatoire ; dans les paroisses : la rareté de la Parole [4] . La généralisation de cette situation de "fin de la chrétienté" amene la seconde conversion a etre une démarche personnelle a contre-courant de la culture ambiante

 

Posons deux images ou figures habitées par une recherche de qualité spirituelle et qui déja anticipaient le dépassement d'un univers chrétien traditionnel. Il arrive que le christianisme est simplement reçu comme un héritage évident et en quelque sorte naturalisé et devient difficile a transmettre. Madeleine Delbrel disait :

 

Nous ne pouvons pas évangéliser dans la mesure ou nous ne savons plus que nous sommes évangélisés, que nous avons reçu la bonne nouvelle et qu'elle nous a été donnée. Ce que nous pensons croire "naturellement", nous ne nous sentons pas en dette de l'annoncer ; il nous paraît normal que ce soit su. [5]

 

Et Françoise Dolto comprenait la foi non comme une expression intellectuelle mais comme un "acte, une expérience de vie. C'est une histoire, bien souvent, sans histoires" [6] . Elle ajoutait :

 

Tenir un discours sur Dieu, sur la foi, peut passionner certains ; pas moi. Je préfere prendre, comme pour les autres livres, les Évangiles, textes fondateurs de notre civilisation occidentale et qui se donnent comme la parole de Dieu. (…) Je serais contrariée si mes lecteurs me copiaient ou répétaient mes propos comme si je détenais la vérité… (…) A chacun son itinéraire. [7]

 

A l'horizon de ces deux "témoignages", une meme conviction : la vie spirituelle chrétienne est la résonance en quelqu'un de médiations premieres grâce auxquelles on entre dans une expérience religieuse, une perspective et une visée sur ce qu'est la vie. Il ne suffit pas que des choses soient simplement acceptées comme naturelles et normales, il faut une reprise personnelle et partagée. De plus en plus ce que nous appelons la foi, la conversion religieuse, passe par une recherche explicite de spiritualité en réponse a une quete de sens, non seulement dans les situations de tragédie mais tout autant dans la perception des limites de la satisfaction. Et ce, au sein d'une complexification de la situation religieuse et spirituelle.

 

Traits indicateurs du contexte actuel

 

Le rapport a la démarche religieuse proposée par les Églises locales du milieu québécois, sans grande originalité par rapport aux milieux occidentaux, se traduit d'abord dans l'affirmation suivante, souvent entendue, et notée par les spécialistes : « Le spirituel oui, la religion non! » Ainsi se trouve indiquée une distance avec la religion instituée – ici le catholicisme et ses institutions – en meme temps qu'une recherche d'une certaine qualité de vie, d'une profondeur de sens et d'un agir cohérent [8] .

 

L'inadéquation ou l'insuffisance des organisations chrétiennes, Églises et mouvements, ne sont sans doute pas le principal facteur. Ils sont inadéquats, ou non fonctionnels, parce que les sociétés ont changé profondément sous le jeu de facteurs qui sont loin d'etre répertoriés. Pensons a la caractérisation de l'homme moderne comme "homeless mind" -esprit sans racine- de P.Berger, comme "protean man" -humain aux identités successives et conversions rapides-" de R. Lifton, comme "narcissique" de C.Lasch. Il existe une insatisfaction qui peut avoir plusieurs autres motifs, mais qui comporte la déception de ne pas trouver dans les milieux que sont les Églises locales ce qu'on pourrait appeler des "laboratoires de recherche spirituelle". On devient plus opposé a la distinction, traditionnelle en pastorale, des mystiques et du peuple, des "majores" et "minores".

 

Un autre indicateur, certes partagé par d'autres milieux occidentaux, se trouve dans la prise au sérieux du besoin d'une nouvelle évangélisation. Dans cet Occident qu'on a qualifié longtemps de chrétien, on entend de plus en plus résonner des appels a l'évangélisation, a une nouvelle évangélisation. Ainsi, dans les orientations des dioceses sur la réorganisation pastorale, on rappelle que la finalité des aménagements en cours veut poursuivre la mission de l'Église ou l'évangélisation en meme temps que soutenir la communion des croyants. En intégrant les diverses activités pastorales autour de l'évangélisation, ces documents prennent acte du passage a un contexte historique ou la foi chrétienne ne se transmet plus par osmose, comme naturellement, mais a besoin d'une intervention permanente qui ne postule ou ne présuppose plus l'adhésion déja acquise au message chrétien mais n'hésite pas non plus a la proposer sur le ton de l'invitation. Il s'agit donc, pour passer a une évangélisation, de développer des réflexes nouveaux dont un principal est de rejoindre la dramatique ou les enjeux ultimes d'une existence humaine.

 

Lectures scientifiques de la situation du spirituel

 

Les précédentes observations autant que les préoccupations pastorales rejoignent les récentes lectures scientifiques majeures de nos milieux. Ainsi le sociologue R.Bibby [9] soutient l'affirmation suivante : Le marché religieux est "une situation saintement incompréhensible." [10]

 

Tout conduit a un paradoxe incroyable. Justement au moment ou les conditions culturelles semblent idéales pour inviter la religion a une place importante dans la vie des canadiens, les groupes religieux a travers le pays sont en situation de déclin. C'est comme si McDonald, Wendy's et Burger King tombaient en faillite au moment meme ou les citoyens se mettent a aimer les "hamburgers" .... Quelque chose va sérieusement mal. Étant donné ce qui semble etre d'excellentes "conditions" de marché, le temps est venu de mettre de côté les détails et de se poser la question premiere : Pourquoi les organisations religieuses cafouillent-elles au lieu de prospérer ? [11]

 

Les groupes religieux "échouent dans ce qui semble une époque spirituellement prospere" [12] . Le déclin de l'appartenance aux Églises se traduit dans leur perte d'influence sur la société. Mais la réalité importante derriere les statistiques, c'est que les besoins spirituels, personnels et sociaux d'un nombre croissant de gens ne sont plus rencontrés par les Églises, et le plus souvent par aucune autre organisation ou source. Ces bancs vides sont le symbole de vies fragmentées et vides.

Dans une liste des découvertes faites en cours de sa recherche, Bibby indique celles-ci :

 

6- La réceptivité a la spiritualité est étendue. Les gens sont intrigués par le mystere et en recherche de sens. Les organismes religieux peuvent etre en difficulté ; mais un grand nombre de Canadiens tout en étant peu impliqués dans les Églises, montrent une remarquable ouverture au surnaturel et a la spiritualité. 7- La plupart des gens ne cherchent pas d'Églises. La question "pastorale "- Que faire pour ramener les gens aux Églises ?- est une mauvaise question car la majorité des Canadiens ne sont pas en marché pour une Église ni une religion. Mais ils sont en marché, en recherche de ces choses dont les religions historiquement s'occupaient. Ils expriment des besoins spirituels, personnels et sociaux. Mais la connexion ne se fait pas entre cette recherche et les organismes religieux, ni les traditionnels, ni les autres. [13]

 

A son tour, mais pour un milieu plus restreint ou ciblé, J. Grand'Maison [14] arrivait a un diagnostic semblable. L'aventure communautaire de la foi se polarise ici autour du dépassement des illusions de la "Révolution tranquille" dont on ne veut pas perdre les acquis tout en constatant les promesses non remplies. Du sein meme de la modernité émerge un appel de spirituel qu'il faut absolument distinguer du passé religieux québécois. Cette recherche spirituelle met en relief la profondeur des expériences humaines individuelles et collectives qui se manifestent par une attention a des valeurs (éthiques) et des quetes spirituelles nouvelles. Les entrevues de cette recherche non pas statistique mais qualitative manifesteraient quelque chose de différent qui n'est pas la "foi" mais une densité humaine requise pour y accéder.

 

C'est dans des groupes et des communautés différenciés du dedans et dans le monde extérieur que l'expérience spirituelle relationnelle peut se preter a de riches communications, a des exercices collectifs de discernement, a des vérifications et validations de ses propres expériences et options. [15]

 

Ainsi on reconnaît un cheminement spirituel possible tant a l'intérieur des Églises (disciples sérieux) qu'a l'extérieur (chercheurs de spirituel). Le deuxieme chapitre, qui porte sur le nouvel intéret spirituel, cherche a cerner explicitement la "nouvelle" quete spirituelle dont voici quelques caractéristiques qui ressortent des entrevues : l'expérience spirituelle, c'est une "nouvelle liberté intérieure, une libération d'une religion de formules, de rites, de dogmes, de prescriptions, de pratiques extérieures". Certes, elle connaît des dérives, des ratés, mais elle est "un trait de base qui ouvre a tous les autres qui vont suivre. Retenons particulierement le fait que beaucoup de gens ne veulent rien entendre ni s'associer a qui que ce soit s'il n'y a pas de place pour leur propre expérience". [16]

 

De plus "l'autonomie spirituelle ou religieuse semble etre l'ultime conquete apres celle de toutes les autres autonomies : en ce domaine, comme dans les autres, beaucoup s'affirment comme sujet libre ou responsable. D'ou ce discrédit d'un pouvoir religieux qui n'en tient pas compte. ... La révolution subjective au cours des dernieres décennies a marqué profondément l'univers spirituel ". [17] Certes, des critiques sont faites, narcissisme, individualisme, etc., mais il faut discerner le potentiel prometteur d'une subjectivité plus riche dans l'expérience spirituelle. Réappropriation du « Je » dans la foi, - Je du Credo - condition incontournable pour accéder a un Dieu spirituel. Un exemple : « Quand avez-vous dit votre premier "Je crois", vraiment en votre nom personnel ? – C'est lorsque j'ai cessé de pratiquer » [18] Mais a-t-on vraiment intégré la subjectivité dans la pastorale, dans la théologie ?

 

On a remarqué que les interviewés tenaient a une distinction entre le spirituel et le religieux : "Le spirituel oui, mais la religion, non" [19] . Cette opposition a divers sens mais pour le plus grand nombre, elle signifie une sorte de coexistence entre leur religieux-spirituel personnel, leur culture sécularisée, et une affirmation plus ou moins distante a l'égard d'une religion instituée, de l'Église de leur héritage religieux

 

Ces deux recherches sociologiques récentes ont dessiné un portrait de la situation religieuse de notre contexte et son rapport avec la quete spirituelle. La situation décrite a des accents et meme une acuité particuliere au Québec mais répercute une transformation plus universelle.

 

Interprétation de Grace Davie

 

On aura beau détecter une sensibilité au spirituel, la quete spirituelle se profile sur fond d'une situation générale affectant le christianisme ici et ailleurs. Il semble bien que, de façon assez générale, nous soyons en Occident devant une figure déterminée du christianisme, que plusieurs ont notée et qu'exprime plus clairement la sociologue anglaise Grace Davie [20] décrivant la situation britannique actuelle, qui ressemble a la nôtre. Son analyse, moins optimiste que les précédentes, semble faire avancer les diagnostics contemporains et invite a poser de nouvelles questions. Le rapport a la religion des britanniques est décrit comme un "Believing without Belonging" (croire mais sans appartenir) en prenant soin d'entendre par le terme croyance ("belief") une description tres vague d'attitude n'impliquant pas l'acceptation d'énoncés particuliers de foi. En meme temps la majorité de la population est rarement hostile a la religion en soi et conserve une sorte de "croyance non attachée". La diversité au sein du christianisme et des autres religions recouvre un nominalisme chrétien qui, en Angleterre, a une forme anglicane. Le sécularisme est tenu par une petite minorité. L'absence de contact régulier avec les institutions ecclésiales produit la corrosion de la vision du sacré, qui, sous un vocabulaire traditionnel, véhicule des conceptions autres du sens de la vie.

 

Le point crucial a saisir est qu'une sorte de religiosité persiste malgré le déclin de la pratique… La séparation entre la "pratique" et la "croyance" caractérise la vie religieuse britannique d'apres guerre, séparation qui s'accentue. Si le lien institutionnel s'atrophie a chaque étape de la transmission, le sacré lui a trouvé d'autres issues. C'est une des ironies cachées de la sécularisation … La diminution de la religion institutionnelle n'a pas détruit la croyance religieuse (jusqu'a maintenant en tout cas) mais a rendu cette croyance vulnérable a toutes sortes de pressions externes. Le christianisme nominal (par opposition au christianisme organisé) offre par exemple un riche terreau pour des versions alternatives du sacré. D'ou pour certaines gens, mais non la population dans son entier, l'attrait .. des idées du Nouvel Âge. [21]

 

La situation religieuse que nous vivons ici correspond aux grands traits repérés par Grace Davie.

 

L'analyse … suggere la conclusion hypothétique que la croyance religieuse, quand elle n'est pas associée avec la participation active a une Église, tend a etre associée a une croyance superstitieuse tandis que la pratique ecclésiale permet de s'opposer a la superstition. De plus, nous avons quelqu'évidence que pour ces gens qui ne fréquentent pas l'Église mais disent etre religieux et prier souvent, la croyance religieuse s'est assez éloignée de la position de l'Église orthodoxe et est en réalité beaucoup plus pres de ce que nous appellerions normalement superstition. [22]

 

Il faut aussi se demander quelle sera la durée de cette façon de croire, et jusqu'a quelle diminution la minorité religieusement active peut espérer avoir une influence sur la société. Le "croire sans appartenir" nous confronte nous aussi a une situation ou des gens s'estiment chrétiens et risquent de ne jamais le devenir si les aménagements pastoraux en cours ne sont pas ajustés a cette conjoncture : "Cette dérive de la croyance est probablement un défi aux Églises plus grand que la supposée nature sécularisée de la société dans laquelle nous sommes obligés de vivre. Bref le nominalisme chrétien demeure un phénomene plus prévalent que la sécularisation." [23] Cette dérive de la croyance loin de tout ce qui pourrait se nommer orthodoxie est un défi majeur aux Églises contemporaines, défi bien plus grand que la nature supposément sécularisée de la société environnante [24] .

 

Donc sensibilité aux spiritualités de toutes origines mais aussi christianisme rémanent sans appartenance constituent les composantes majeures affectant le chemin vers une seconde conversion.

 

Conversion chrétienne dans un contexte nominaliste

 

La seconde conversion (ou seconde évangélisation) demandera aux Églises locales de repenser leur fonctionnement pastoral dans la ligne d'une éducation au et du spirituel. Il s'agit pour l'Église de participer avec ses convictions a la demande de spirituel qui la déborde mais offre une occasion importante. Les principaux points a rappeler seront les suivants :

1- La distinction du spirituel comme tâche humaine d'authenticité et de sa reprise par les traditions religieuses historiques. Le spirituel n'est pas que chrétien mais il y a une réponse chrétienne a cette quete dont l'achevement, croyons-nous comme chrétiens, se vit dans l'accueil de la transcendance de la Révélation ou l'abandon complet au Mystere qui nous entoure. Pour que ces Églises jouent leur rôle de proposeur d'un chemin spirituel puisé a la tradition juive et a sa transformation par Jésus, elles devront montrer comment le salut éternel s'anticipe dans une vie humaine qui se transforme déja et elles devront cesser de se satisfaire de la distinction entre chrétiens majeurs et mineurs. Ce qui ne veut pas dire que nous ignorons les étapes ou phases du cheminement ni les corruptions habituelles et fréquentes de l'acte religieux.

 

2- Le spirituel chrétien ne se contente pas de développement, progres ou croissance relevant uniquement de la responsabilité du sujet autonome ; il introduit l'expérience centrale de la "métanoia", de la conversion, que B.Lonergan a analysé et défini comme étant un changement d'horizon. L'horizon, c'est ce sur fond de quoi tout le reste se situe. Quand l'horizon change, a la fois tout change et rien ne change, i.e. que tout prend une couleur et perspective nouvelle. Le service pastoral pourra enrichir ses activités en les plaçant a contre-jour de cette conversion, a la fois initiale et progressive. Et les théologies devront entrer dans le changement de paradigme qui remet au centre de leurs réflexions l'expérience spirituelle et la conversion qui la structure en christianisme, au-dela des matériaux ou elles plafonnent trop souvent. Ce déplacement global fait passer de la théologie "classique" a une théologie axée sur le sujet en chemin de conversion vers son achevement religieux. Comme le signalait S.Moore : "il s'ensuit un déplacement de la spiritualité hors de ce recoin (qui m'a toujours semblé un endroit étrange) nommé théologie mystique ou ascétique ou spirituelle vers la position fondatrice [de la théologie]" [25] . De plus « l'importance de ce déplacement pour l'ocuménisme universel peut difficilement etre exagéré. Puisque le bouddhisme et l'hindouisme se sont toujours compris comme des spiritualités et non comme des systemes dogmatiques, le théologien chrétien découvrant que c'est aussi vrai du christianisme possede maintenant une nouvelle base pour le dialogue » [26] . A partir de la meme position intellectuelle, il devient également capable d'évangéliser la nouvelle religiosité comme relevant non d'une fantaisie mais de l'oscillation fonciere de l'etre humain.

 

L'important est de replacer activités pastorales et théologiques en regard d'abord de la quete d'authenticité humaine et de son prolongement dans la recherche spirituelle, et de les articuler comme éclairage ou structuration d'une conversion radicale ou d'une foi. En n'oubliant pas que si la plupart des considérations théologiques traitent de la conversion initiale, il est aussi important de présenter le développement de cette conversion premiere [27] .

 

Le chemin de la seconde conversion

 

Parler de seconde conversion, c'est soit avoir en vue ceux qui ayant déja eu une adhésion réelle a la foi chrétienne, fut-ce comme enfant, et apres l'avoir quittée de longues années, vivent un essai de redécouverte, soit aussi, tous ceux, la majorité, qu'on peut considérer comme post-chrétiens, c'est a dire qui croient savoir ce qu'est la vision et l'expérience chrétienne, parce que cela fait partie de l'histoire commune occidentale et surtout ces chrétiens "nominaux" qui constituent, selon G.Davie, pour une génération encore, la relation majoritaire a l'Église. Ils ont certes toujours existé mais enrobés dans une société chrétienne qui pouvait les accueillir a tout moment.

 

L'accent doit etre mis de plus en plus sur une autre approche qui consiste a conduire ceux qui sont touchés par la sensibilité a l'authenticité humaine et a son ouverture au spirituel a se mettre en apprentissage aupres d'un maître spirituel dont la tradition chrétienne a conservé le souvenir, la sagesse et meme la mystérieuse présence. Approcher Jésus comme Maître spirituel, ou devenir disciple de Jésus, demande une Église qui suscite les cheminements, indique des étapes, reconnaît les découvertes, et accueille la confession de foi lorsqu'elle arrive

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