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Mission paroissiale prosélytisme ?
Cette semaine, la Croix nous a donné deux articles sur comment dire ? l'annonce de l'Évangile dans le contexte socio-culturel de la France a l'orée du XXIe siecle. Il s'agit, dans le premier article, de la mission de la ville de Douai dans le Nord, réalisée avec le concours de l'EIFE (École internationale de formation et dévangélisation). Le second est le FORUM de Gaston PIÉTRI, bien connu des lecteurs de La Croix, intitulé «L'Évangélisation, par quelles voies ?»
D'autre part, lors de la journée diocésaine de la Vie Religieuse de Paris (11/02/07), furent donnés trois "Témoignages de démarche d'Évangélisation" sur la Paroisse de St Ferdinand des Ternes, dans le 17eme arrondissement de Paris.
Il s'agit donc du compte-rendu de deux actions d'évangélisation pratique a Douai et a St-Ferdinand et de la réflexion plus a distance de Gaston PIETRI sur ce qu'il appelle le prosélitisme ou un marketing religieux.
Ces témoignages et cette réflexion intéressent au premier chef le Pretre et le Frere de la Mission engagé a suivre le Christ évangélisateur des pauvres. Celui-ci peut a bon droit se poser la question : que veut dire aujourd'hui "Évangéliser les pauvres", s'il ne lui reste plus que la présence silencieuse et cachée ? C'est, dit justement Piétri, l'option de l'Église d'Algérie ; c'est l'engagement de nos confreres et de nos sours qui travaillent dans ce pays de minorité chrétienne. Mais les témoignages de Douai et de St-Ferdinand ne sont-ils pas un appel a des pratiques plus actives, qui pour etre plus actives ne sont pas pour autant dépourvues de respect pour la liberté fondamentale de l'homme devant le choix de la foi.
Voici ces témoignages et cette reflexion pour notre propre recherche sur la mission vincentienne.
Claude LAUTISSIER cm
Les catholiques de Douai sillonnent la ville pour témoigner de la Mission
Cette paroisse du Nord a organisé pendant dix jours une mission dévangélisation et de rencontres dans la ville.
DOUAI : de notre envoyé spécial
Devant la brasserie "La Renommée", Michel et Anne, tracts a la main, abordent Marie-Hélene, maman avec son grand gaillard dadolescent. «Vous savez quil y a une mission organisée par la paroisse catholique a Douai ?», interroge Michel. Préliminaire informatif pour engager un échange plus spirituel et personnel sur la foi, lÉglise, la paroisse et la messe «Je vais de temps en temps a léglise, quand jai des problemes. Mais toute seule», confie-t-elle. «La messe, je ny vais plus depuis que jai perdu ma fille», coupe rapidement Marie-Hélene. Létonnante discussion dure un petit quart dheure, sans bruit, au milieu des rues de Douai battues par le vent froid matinal. Invitation est faite a ladolescent de participer a la «veillée des jeunes organisée par la paroisse, avec une comédie musicale», ce samedi a léglise Notre-Dame. Anne donne ses coordonnées. Au cas ou. Puis repart avec Michel Bronstun, directeur de lÉcole internationale de formation et dévangélisation (Eife) de Paray-le-Monial (lire ci-dessous), dont une quinzaine de jeunes sont venus preter main forte a la paroisse. «Moi, javais des réticences a faire ce porte-a-porte, explique Anne, une fidele de Saint Maurand-Saint-Amé, la paroisse de Douai. Mais la je me suis dit que, pour la semaine Paroisse en mission, je ne pouvais pas passer a côté.»
Comme Anne, une centaine de paroissiens sur les 1 500 fideles se sont mobilisés pour cette mission dévangélisation tous azimuts dans le quartier : porte-a-porte, bénédictions des commerces et des maisons, rallye des jeunes a travers la ville, récollection des groupes de priere charismatiques, comédie musicale, partage festif et musical dans le quartier populaire de Gayant, soirée «couples et familles», soirée «lycéens et étudiants», théâtre avec les enfants en catéchese, table ronde sur le theme «Peut-on etre heureux au travail ?», repas avec les sans-abri Le point dorgue aura été la venue des reliques de sainte Thérese de Lisieux, en visite dans le diocese et qui ont séjourné a Douai pendant les quatre derniers jours de cette mission paroissiale. Événement public et médiatique, larrivée du reliquaire sest faite en hélicoptere ! Place de lArsenal, sous un ciel passant de la grele aux rayons de soleil, en présence de 200 habitants, du maire de Douai, Jacques Vernier, et de Mgr Bernard Lagoutte, recteur des sanctuaires de Lisieux.
Pourquoi lhélicoptere ? «Cest ici que Louis Bréguet a fait voler pour la premiere fois, il y a cent ans son gyroplane» , explique le P. José Van-Oost, un des trois pretres en charge in solidum (collégialement) de la paroisse : «Ce nest pas un caprice, mais le but était de sinscrire dans le patrimoine de Douai.» La manifestation était inscrite au programme du centenaire de lUnion française de lhélicoptere ! Autre lien avec le patrimoine douaisien : la réalisation, dans la cité ou se perpétue la tradition folklorique des «géants», dun «géant» de Thérese de Lisieux, samedi dernier. Avant de conclure cette mission dévangélisation par une messe, présidée dimanche par larcheveque de Cambrai, Mgr François Garnier.
La mission paroissiale aura eu une double dimension : «Annoncer le message du Christ aux personnes loin de lÉglise et créer un dynamisme missionnaire au sein de la paroisse», souligne le P. Van-Oost.
«Cela a permis aux paroissiens de mieux se connaître, constate Marie-France Gueriot, paroissienne de Douai et coordinatrice générale de la mission, et daller vers les autres On a reçu beaucoup dappels de gens quon ne connais sait pas.» Grâce notamment a un gros travail de communication : 10 000 foyers ont été prévenus de la mission par courrier. «Beaucoup de gens nous ont dailleurs dit : On vous attendait.», confie le P. André Merville, curé doyen de Douai.
Dix jours de rencontres hors cercle paroissial, qui, esperent les catholiques de Douai, en susciteront dautres. Anne voudrait ainsi revenir régulierement faire des animations au quartier Gayant avec les scouts (de France, dEurope et unitaires). Quant aux visites, «jen ai encore pour les semaines a venir», sourit le P. Merville.
Pierre SCHMIDT La Croix, Jeu.22 2007, p.19.
LÉcole dévangélisation de lEmmanuel
LÉcole internationale de formation et dévangélisation (Eife) a été créée en 1984 par la communauté de lEmmanuel. Elle est basée a Paray-le-Monial et a été fréquentée depuis par 550 étudiants, originaires de 52 pays différents. Melant des temps de «mission dévangélisation», comme celle de Douai a raison de trois par an , a des temps de formation théologique et philosophique et des temps de retraites, lEife vise a former des «missionnaires laics». Parmi ceux qui sont passés par lÉcole, 31 sont devenus pretres et 45 sont entrés dans la vie consacrée.
Témoignages de démarche d'Évangélisation sur la paroisse St Ferdinand des Ternes. 17eme
Il nous a été demandé de venir vous présenter une initiative un peu originale de la paroisse St Ferdinand des Ternes dans l'ouest de Paris.
Pour souligner le caractere original de cette initiative, il me paraît intéressant de vous raconter un fait concret, une petite histoire vécue par Monseigneur Vingt-Trois et qu'il a raconté au congres de la nouvelle Évangélisation a Bruxelles en novembre dernier.
Cela se passait il y a déja un certain temps, bien avant qu'il soit éveque, un dimanche, pour remplacer un curé malade, il est allé célébrer une messe dans un village. Un peu en avance, il s'installe au soleil devant le porche de l'église et la, il est abordé par un groupe de témoins de Jéhovah débarquant d'une voiture qui venait de se garer devant lui sur la place. Les témoins renoncent assez vite a le convertir et partent en démarche dans les rues du village.
A la sortie de la messe, Monseigneur Vingt-Trois parle avec les paroissiens de sa rencontre avant la messe, avec les témoins dont la voiture est toujours la sur la place de l'église. Et l'un d'eux commente : «Ah oui, nous les avons croisé en venant a l'église. Et meme qu'on s'est dit en les voyant frapper aux portes : Heureusement que nous on est catholique, et qu'on ne nous demande pas a nous, de faire des choses pareille !
Et bien l'initiative originale que nous venons vous présenter, c'est celle d'un curé catholique qui demandé a ses paroissiens de jouer cette meme démarche, dont voici trois spécimens : Gérard, Guy et moi-meme Pierre. Je précise que la mission qui nous a été confiée ne fait pas référence aux Témoins de Jéhovah. On appelle ça des «visites a domicile». VAD pour les intimes, ça passe mieux
Historique et pratique actuelle de la démarche :
A l'occasion du congres de la Nouvelle Évangélisation Paris-Toussaint 2004, le Pere SCHWAB, curé de la paroisse St-Ferdinand, a demandé a ses paroissiens d'aller visiter chez eux tous les habitants de la paroisse pour rendre compte de notre Espérance. Quelques paroissiens acceptent de tenter l'expérience. Des réunions de préparation et d'échanges pour préciser le fonds et la forme se mettent en place. Une soirée de témoignages par des personnes invitées ,ayant pratiqué ailleurs ce type de mission. Un objectif fixé : 4 soirées de visites.
Le bilan : Quantitatif : 40 visiteurs volontaires, constitués en 20 binômes. Choix de 2 rues, 50 immeubles ; 600 sonnettes tirées. Qualitatif : parmi les personnes visitées, il y avait 15 personnes qui nécessitaient une reprise de contacts. Du côté des visiteurs : tous prets a recommencer malgré les difficultés. Conclusion du bilan : Il faut RECOMMENCER l'expérience.
Expérience acquise en 2005-2006 Nous avons acquis une certaine expérience. Progressive aboutissant a la pratique actuelle : - Deux campagnes annuelles de six a huit semaines de visites autour de Toussaint et de Pâques - A chaque nouvelle campagne, nous avons comme regle de faire une ré-inscription des visiteurs afin de conserver toute la fraîcheur de l'engagement et de délimiter clairement les possibilités de temps a consacrer aux visites. Beaucoup de gens sont prets a venir, qui ne s'engageraient pas dans un mouvement global, général ou ils ne sentiraient pas la ou ça fini... Le fait de s'engager sur un terme précis aide l'engagement. On a centralisé un certain nombre de choses et décentralisé d'autres :
- La centralisation : Nous avons une coordination de tout ce qui est intendance : il s'agit de constituer les binômes, déterminer un périmetre de rues et d'immeubles a visiter attribué a chaque binôme. - Nous leur donnons toute une série de documents distribuables. - Réunions de briefing et débriefing, et d'échanges des expériences - Essayer de donner un minimum d'informations sur 2 ou 3 themes.
Nous avons fait venir quelqu'un qui nous a parlé longuement du Judaisme, parce que nous tirons pas mal de sonnette ou derriere ce sont des personnes de religion juive, nous avons une petite formation sur l'Islam, Il vaut mieux avoir quelques notions sur les autres religions, pour donner un peu plus d'aise lors des visites.
- Ce que nous avons tres vite décentralisé, c'est l'organisation qui releve de chaque binôme visiteurs : L' agenda des visites est en fonction de ses contraintes propres. Ils décident sur les 6 semaines que va durer la session, tel jour, telles heure etc. Le recensement des personnes a visiter dans le périmetre attribué est un gros probleme a Paris, Il revient a chaque binôme de définir la liste des gens qui habitent dans les immeubles qu'ils vont visiter, car il s'agira d'envoyer avant la visite, une lettre du curé, faut-il encore pouvoir mettre le bon nom et la bonne adresse. Prise en charge de la mise sous enveloppe etc de la lettre du curé. Traite de tout ce qui est le probleme d'acces a un immeuble, code, interphone etc , Le suivi a donner aux éventuelles demandes exprimées par les personnes visitées ou leur mise en contact par des responsables paroissiaux.
La priere est une dimension importante de la mission Nous nous efforçons cette année de mettre plus l'accent sur cet aspect. La constitution d'un petit groupe de personnes qui soutiennent la mission par la priere. Elles portent ainsi les binômes de visiteurs pendant leur temps de mission et les demandes d'intentions particulieres de personnes visitées qui ont été confiées aux visiteurs. Je vous propose a titre d'illustration le texte adressé aux membres du groupe de priere lors du commencement de chaque campagne : «Vous avez souhaité etre associé a la démarche des visites a domicile et de pouvoir les soutenir par la priere, ce mot a pour objet, au moment ou les visiteurs (noms inscrits ci-dessous pour mémoire) commencent une campagne de visites qui se poursuivra jusque...(dates inscrites) de les confier a vos prieres d'intercession.
D'une part tous ces binômes de visiteurs, afin que chacun d'eux trouve le mot juste et que sa démarche constitue un témoignage crédible pour les personnes a la rencontre desquelles il ira. D'autre part, les personnes qui seront visitées, afin que chacune d'elle perçoive comme un signe qui s'adresse a elle tres personnellement, le simple fait que des visiteurs, viennent a sa rencontre au nom de Jésus-Christ.». Une copie de ce mot est adressée aux visiteurs eux-memes pour qu'ils se sachent portés et vous transmettrai leurs éventuelles demandes de prieres pour telle ou telle des personnes rencontrées, ainsi que les intentions de priere qui leur auront été confiées par leurs interlocuteurs. »
* Illustration de message adressé au groupe de priere a la suite de certaines visites : «Pour donner suite a des visites faites lundi, mardi, les personnes suivantes sont plus particulierement confiées a vos prieres. - Une dame sexagénaire qui envisage de revenir maintenant vers l'église, alors qu'elle s'en était écartée depuis de bien nombreuses années, en raison de maladresses verbales et de contre témoignage de certains de ses représentants., dont elle avait voulu se démarquer et se désolidariser. - Une femme trentenaire qui souffre d'une profonde solitude intérieure, et dont le désir du cour est de revenir a la pratique religieuse dont elle s'est écartée il y a déja des années dans un contexte de rupture de son mariage. (Nous rencontrons beaucoup de cas, qui en raison d'un divorce se sont écartés de l'Église et voudraient bien y revenir, mais ne savent pas comment s'y prendre...) - un jeune couple pratiquants avec enfants et tout spécialement la mere, qui prise, tout comme son mari dans le tourbillon d'une vie professionnelle, aspire a une réflexion en couple pour se repositionner et donner plus de sens a la vie de chacun.»
Témoignages personnels des visiteurs présents 1er témoignage
«Vous faire part de mon expérience personnelle comme visiteur moi-meme. Je vous dirai que les visites a domicile, telles qu'elles sont pratiquées a St Ferdinand ne demandent pas de charisme extraordinaire. Pas besoin d'aspirer au martyr, en général l'accueil que nous recevons est bienveillant. Beaucoup de : «c'est bien ce que vous faites...» et cela, meme de la part de personnes d'autre religion, juives ou musulmanes ou agnostiques... Le «casse-toi, les histoires de curé je ne supporte pas» est tres exceptionnel. Pas besoin d'etre titulaire d'un doctorat en théologie ou d'un master en marketing : des que ça dépasse notre niveau, on propose un contact avec quelqu'un de plus formé que nous, ou un parcours Alpha ou un site Internet spécialisé... pour les plus jeunes, ou ils trouveront de quoi nourrir leur foi.
On se limite a aller au-devant des gens chez eux. Notre simple présence physique devant la porte, témoigne que les chrétiens, ça existe (encore pour l'instant !), et que nous sommes des gens normaux et pas des fantômes d'extraterrestre. Dire seulement qu'on a accepté la demande du curé de faire des visites simplement, parce pour nous, la foi en Jésus donne du sens a notre vie, c'est, témoigner que l'Évangile est un plus. Une fois ces témoignages-la posés, il y a plus a écouter qu'a parler.
En résumé, accepter d'etre visiteur, c'est accepter de frapper a beaucoup de portes pour rien ou pas grand chose (du moins en apparence) et accepter que, de temps en temps seulement on voit réagir UNE personne. Une personne qui a faim et soif de sens dans sa vie, et qui rouspete, parfois fort. Et on est la pour l'écouter et l'orienter vers la «fontaine d'eau vive».
Le visiteur c'est pas un pro, il est comme simple voyageur samaritain qui tâche d'aider comme il peut, les gens qui sont la devant lui et qu'il trouve blessés.
Dans le concret, la difficulté, c'est moins une question de compétence pour évangéliser qu'une série d'obstacles bien matériels. Car l'Esprit-Saint, il lui arrive de vous souffler ce qu'il faut dire a la personne visitée, mais je n'ai pas encore jamais entendu l'Esprit me souffler la combinaison du code a l'entrée d 'un immeuble (encore que... il y a parfois des coincidences... !)
Quels fruits La question est souvent posée : «Quelle efficacité concrete, combien de baptemes ?» Le rôle du visiteur se limite a celui de sainte Bernadette : «Je suis chargée de vous le dire, pas de vous le faire croire.» L'accueil par les personnes visitées : Aspects quantitatifs : ordre de proportion : Sonnettes tirées : 100 Portes ouvertes : 50 Dialogues rapides : 25 S'asseoir pour dialoguer : 10.
Aspect qualitatif : Accueil tres généralement aimable. Meme par les non chrétiens et ceux que cela n'intéresse pas, des refus le plu souventt polis et tres rarement agressifs.
Impacts concrets non mesurables : Sur les incroyants : celui du témoignage basique : «Les chrétiens ça existe encore, j'en ai rencontré, ont-ils donc quelque chose a dire ?» Sur les paroissiens les plus tiedes et les croyants non pratiquants : ne plus avoir peur d'affirmer leur foi.
Le point de vue des visiteurs : Aspects quantitatifs : ordre de grandeur Habitants sur notre paroisse : 25000 Pratiquants réguliers : 3000 Visiteurs a Toussaint 2006 : 34
La plupart de s visiteurs reprennent du service campagne apres campagne parce que: Ils rencontrent quelques personnes qui ont effectivement soif de donner plus de sens a leur vie. Percevoir cette soif de sens chez autrui les incite a la fois a approfondir leur foi et a témoigner qu'elle est Bonne Nouvelle qui abreuve et assouvit leur propre soif.
2eme témoignage
«Je voudrais vous parler de 2 themes : I. Quelles sont les angoisses du visiteur la premiere fois. II. Quel est l'impact de la visite sur le visiteur lui meme.
Pour ce qui est des angoisses, je me souviens des réunions de préparation Toussaint 2004, deux grandes angoisses s'exprimaient : la premiere «nous ne sommes pas formés, nous ne savons pas, on va etre rejeté». Sur la formation, on réclamait a Mr le Curé des séances de théologie etc,.. etc... et lui qui n'avait pas beaucoup de temps, il ne savait pas tres bien comment nous faire des cours de théologie en une demi-heure. Je peux vous assurer, qu'il est extremement rare, quand vous visitez quelqu'un qu'il vous demande de parler du dogme de la sainte Trinité, ça n'arrive pas. Donc, normalement quelqu'un qui a été au catéchisme et qui a suivi régulierement les enseignements, est a meme de répondre a 99 % des questions qui lui sont posées, et pour le 1 % restant, renvoyer a des gens qui en savent un peu plus.
L'angoisse d'etre jeté était plus forte . or la grande surprise de Toussaint 2004, c'est qu' en fait, on était attendu. J'avais peur et je me souviens tres bien de cette dame qui nous a accueilli disant : « ça fait trente ans qu'on vous attend»... Meme dans le 17eme, sociologiquement c'est un quartier de Paris qui est encore raisonnablement chrétien, le nombre de gens qui ont cette distance de l'église ont peur de rentrer. Le fait de franchir le seuil de l'église est déja un acte de courage. L'idée de s'adresser a un curé, les panique. Beaucoup dans une dimension de leur vie est un peu en marge des enseignements de l'Église tel qu'ils les lisent dans les journaux, se disent : «si je rentre dans l'église, la premiere question qu'on va me poser, c'est est-ce que je suis marié ?» si je dis que je cohabite, je vais me faire engueuler... je crois que c'est vrai. Et si on ne va pas voir ces gens la, pour leur dire que l'église ce n'est pas comme ça qu'elle parle aux gens, ils n'iront pas. Mais d'un autre côté, ils ont tres envie de parler. Donc on est accueilli, meme si on pense que dans d'autres paroisses de Paris, il y aurait une autre expérience. Il ne faut pas sous-estimer l'attente. C'est maintenant qu'il faut y aller, car dans 30 ans, il sera peut-etre trop tard...
Ce que ça fait aux visiteurs ? Monsieur le curé nous a dit : «Allez, aux portes pour rendre compte de votre espérance »... Il y a un moment, ou on se dit : «Mais, c'est quoi mon espérance?». Autrement dit, nous ne pouvons pas parler a autrui de notre espérance, sans nous interroger sur notre propre espérance... Je peux vous dire que ça m'a interrogé tres tres fort, car les gens qui nous parlent nous prennent au sérieux. Ceux qui ne sont pas intéressé nous disent: « je suis content de votre visite, mais nous ferment la porte». Ceux qui nous laissent entrer sont des gens qui sont sérieux, donc on est obligé d'etre sérieux. Je pense que ce serait une vision tres restrictive que de voir uniquement la visée missionnaire, parce que qu'est-ce qui se passe au bout d'un certain temps ?
La premiere chose c'est que le missionnaire change, donc au début, 5 ou 6 soirées dans un mois et puis ensuite, on se rend compte que quand on est chez le coiffeur, qu'il y a 2 ou 3 personnes et qu'une conversation s'engage, on peut pousser un petit peu dans la direction d'un témoignage, le réflexe nous vient, avant on ne l'aurai jamais fait. Quand pendant un an, on a pratiqué les visites a domicile, je vous assure que le réflexe naturel de parler de sa foi , des que l'occasion s'en présente, il vient... Nous sommes des paroissiens comme tout le monde, et un dimanche, notre curé, a invité tous les missionnaires a venir devant l'autel pour les bénir spécialement. L'impact sur l'assemblée a été tres fort. Subitement, les gens on vu se lever, la personne assise a côté d'eux, qu'ils avaient toujours considéré comme étant comme eux, ont découvert que cette personne la allait sonner aux portes... et que les gens qui allaient sonner aux portes n'étaient pas des martiens, au point qu'une personne qui était la et que j'ai rencontré ensuite, m'a dit que ça l'avait gené, parce qu'elle s'était sentie coupable se disant : «si eux ils y vont, pourquoi moi je n'y vais pas ?..». Je pense que, quelque part, ce témoignage fait dire que c'est dans la vie de tous les jours qu'on est missionnaire et que c'est progressivement, il faut du temps, parfois plusieurs années, pour se sentir concerner par cette démarche paroissiale. En dernier point, on sait que beaucoup de mouvements d'église sont essentiellement féminins, si nous regardons la sociologie des visiteurs de paroisse a St Ferdinand, il y a beaucoup d'hommes et je trouve que ça c'est tres bien.
3eme témoignage
Cheres amies dans le Seigneur, en introduction, je ne résiste pas a la tentation de vous lire une priere écrite par Mgr Jean-baptiste Pham Minh Man sur l'appel.
Il avait besoin...
Dieu a besoin d'un pere pour son peuple, Il choisit un vieillard, Alors Abraham se leva...
Il avait besoin d'un porte-parole, Il choisit un timide qui bégayait, Alors Moise se leva .....
Il avait besoin d'un chef pour conduire son peuple, Il choisit le plus petit, le plus faible, Alors David se leva...
Il avait besoin d'un roc pour poser l'édifice, Il choisit un renégat, g Alors Pierre se leva...
Il avait besoin d'un visage pour dire aux hommes son amour, Il choisit une prostituée, Ce fut Marie de Magdala...
Il avait besoin d'un témoin pour crier son message. Il choisit un persécuteur Ce fut Paul de Tarse...
Il avait besoin de quelqu'un pour que son peuple se rassemble et qu'il aille vers les autres. Il t'a choisi. Meme si tu trembles, pourrais-tu ne pas te lever ? Cette priere n'a pas été pour moi, en novembre 2004, le point de déclenchement de mon engagement dans les visites a domicile mais est venue, l'an dernier, si besoin était, me conforter dans cette mission. A chaque fois que je la relis, je me dis que pour qu'il y ait Alliance, il faut qu'il y ait Parole-Écoute-Réponse. A la suite du Christ, a l'appel de l'église, faisons connaître la Bonne Nouvelle du salut du monde et d'abord nos voisins, ceux qui habitent dans le périmetre de notre paroisse. Je ne suis pas spécialiste des écritures. Je n'ai jamais fait de catéchisme ni de théologie. Alors, avant chaque départ en mission, je prie le Seigneur pour: Qu'il m'aide a trouver les mots justes pour dire a mes voisins qu'ils sont ses enfants. Mais aussi pour que je fasse sa volonté et non la mienne. C'est du projet de Dieu qu'il s'agit et non du mien. C'est d'évangéliser et non de convertir qu'il s'agit. La conversion est un acte personnel qui se déroule dans l'intimité de l'âme. Par la lettre envoyée par notre curé, quelques jours avant notre passage, nous nous présentons en son nom. Ce qui veut dire que cela donne des obligations a respecter. L'utilisation du «je» et du «nous chrétien» n'est pas neutre. C'est ce qui le paraît le plus difficile de la visite. C'est la ou le langage de la Vérité quand il est transparent frappe le plus. Heureusement que nous sommes en binôme (une femme et un homme si possible). Cette complémentarité est une richesse, car tres souvent nous n'avons pas les memes sensibilités, les memes mots, pour dire les choses, pour les entendre, et les memes dispositions pour etre a l'écoute.
Le Christ doit etre notre principal modele Comme ma prétention n'est tout au p"lus que d'etre une petite luciole dans la nuit, j'emporte avec moi un certain nombre de documents a distribuer si le besoin se fait sentir. Il n'y a pas de distribution systématique, mais plutôt appropriée aux sujets abordés au cours de l'entretien.
La rencontre meme si elle est breve, de 2 minutes a 30 minutes, est toujours pleine d'imprévus. Des femmes, des hommes , des enfants nous ouvrent leurs portes avec des attentes tres différentes. Voire aucune. L'écoute pendant les premieres secondes est tres importante, car elle déterminera la suite de l'entretien
Une constatation : les personnes visitées parlent beaucoup plus facilement que je ne l'aurai prévu. Les silences comptent autant que les paroles.
Nous n'avons rien a vendre, nous n'avons pas de rendement a effectuer, nous ne sommes pas en mesure de voir les conséquences de pareilles visites. Nous donnons de notre temps gratuitement.
Le don gratuit est essentiel dans pareille démarche.
Ce que j'ai retiré de ces missions :
- Je rends grâce au Seigneur d'etre envoyé en mission. Il m'a donné l'audace de mettre en route. - Un sentiment de vivre davantage dans une communauté paroissiale, par une meilleure connaissance de ce qui se fait dans la paroisse, par une meilleure connaissance des personnes qui la compose. - Un enrichissement personnel qui se traduit par : - Une soif d'aller plus loin dans l'information et dans l'aide vu des détresses rencontrées. - Une joie d'entendre des témoignages de foi extraordinaires, notamment des personnes tres âgées qui auraient bien des raisons de se lamenter. - L'envie d'approfondir certains sujets, n on pour devenir spécialiste, mais pour vivre mieux avec ce que le Seigneur nous enseigne. - Une joie d'etre chrétien et de me dire que nous avons vraiment une Bonne Nouvelle a annoncer.
Merci Seigneur, que ta volonté soit faite.
C.R. de la journée diocésaine "Vie religieuses" de Paris du 11 février 2007, a St-Michel de Picpus, pp.10-15
Lévangélisation, par quelles voies ? Gaston Piétri, pretre a Ajaccio
Naurions-nous pas a notre tour intériorisé une véritable phobie de ce prosélytisme, quune partie de lopinion craint comme la peste ?
Pour avoir raison de lindifférence profonde, plus encore que de lhostilité, laffirmation chrétienne, nous dit-on, doit etre claire et sans complexe. Telle est la position dun certain nombre de catholiques, qui en ont assez des séquelles dune période ou les croyants étaient censés cultiver, selon le mot de saint Paul, les «silences de la honte».
Chemin faisant, il en est parmi ces freres chrétiens qui en viennent a dénoncer le dialogue comme cette «tarte a la creme» qui pourrait nous éviter le courage de nous prononcer sans réticences en faveur de notre foi. Allons jusquau bout : il en est meme qui envisagent dans ce style la «nouvelle évangélisation » préconisée avec tant dinsistance par Jean-Paul II. Mais a-t-on bien compris en quoi cette évangélisation est nouvelle ? Il y a la une part indéniable de malentendu. Une émission de télévision, récemment, présentait dans cet esprit les initiatives de tel ou tel groupe de la mouvance «évangélique» dans les banlieues, et principalement en vue damener a la foi chrétienne de jeunes dorigine musulmane. Si lordre du Christ est bien : «Allez par le monde entier, annoncez lÉvangile a toute créature», pourquoi se gener ? Notre réserve extreme ne serait-elle pas, selon certains, un signe de faiblesse ?
Naurions-nous pas a notre tour intériorisé une véritable phobie de ce prosélytisme, quune partie de lopinion craint comme la peste et dans lequel on a vite fait de suspecter des agissements de secte ? De telles questions nous sont effectivement posées. Il arrive quelles le soient sur fond de suspicion, cette fois, envers les orientations de Vatican II telles que nous avons pensé les mettre en ouvre.
Ce type dengagement dans une évangélisation directe, simple en ses énoncés, sans ambiguité quant a sa volonté de convertir, est une caractéristique affichée dun courant multiforme du protestantisme désigné par le terme «évangélique ». Sa progression en Amérique centrale et latine a été spectaculaire au cours de ces dernieres années. Sa présence et son influence en Europe, notamment en France, sont désormais considérables.
Sans rien devoir aux contenus de la prédication des évangéliques, quelques groupes et communautés dappartenance catholique semblent se reconnaître dans ce mode dévangélisation. Certes, ils ont leur place dans une Église plurielle. Mais ils ne sauraient revendiquer pour eux le monopole de la fidélité a la mission évangélisatrice. Pour au moins deux raisons.
La premiere tient au fait que, menée de façon unilatérale, cette action aboutit a ne plus prendre suffisamment en considération nos interlocuteurs. Car les destinataires de lÉvangile sont dabord des interlocuteurs. Ils sont a divers degrés porteurs des attentes et des questions de notre société. Le danger, sous prétexte du décalage entre les mours et certains impératifs de léthique chrétienne, est de décrire alors cette société comme le lieu, selon les mots dune ancienne formule de priere, des «ténebres de lerreur et du péché » .
La seconde raison est que lÉvangile, avant toute intention de convertir, nous presse de nous faire proches. «Quel est celui qui sest fait le prochain de lhomme blessé ?», interroge Jésus dans la parabole du bon Samaritain. Se faire proche est une donnée constante de toute initiative qui entend faire écho a celle de Dieu a notre égard.
Cest ainsi que la présence tres minoritaire de lÉglise en Algérie a obéi essentiellement a cette exigence au milieu dune masse musulmane. Consciente dune longue histoire conflictuelle entre chrétiens et musulmans, elle a joué la carte de cette proximité avec une loyauté et une constance inaltérables. Au plus fort de la violence des groupes islamistes dans les années 1990, alors que 19 chrétiens étaient assassinés parmi lesquels le P. Pierre Claverie, éveque dOran, et sept moines de Tibhirine, la présence chrétienne a continué son chemin. Elle a permis a de nombreux musulmans, qui ne se reconnaissaient pas dans cette forme extrémiste dislam, de pressentir quelque chose de la force de lÉvangile.
Les éveques dAlgérie nont pas caché qualors lÉglise a pu etre taxée a la fois dimprudence et de naiveté, au regard du traitement infligé a des minorités chrétiennes en Arabie saoudite et en bien dautres pays. Il est bien vrai que se maintient encore le principe selon lequel un musulman na pas le droit de quitter sa religion. Il est possible que certaines méthodes dévangélisation, employées pour convertir des musulmans dans nos banlieues elles-memes, contribuent en fait a durcir les positions au lieu de les assouplir.
Le chrétien, de toute façon, ne peut jamais renoncer au désir daccueillir dans lÉglise tout homme et toute femme qui a été en mesure de se décider librement pour lÉvangile. A condition que cette décision ait pu éclore dans des conditions dun total respect réciproque.
Ce respect existe-il, lorsque lemporte le besoin de «recruter» et que les moyens ressemblent a ceux dun marketing religieux ? Dans un contexte particulierement difficile, lexemple de lÉglise dAlgérie, au cours des dernieres décennies, est devenu pour nous tous un guide précieux. Jusquen dautres contextes, il nous invite a etre dabord pour nos contemporains dauthentiques compagnons de route. Cest dans ce compagnonnage, et non dans une stratégie de conquete, que lÉvangile trouvera les gestes, mais aussi les mots pour se dire en toute clarté.
La Croix, Sam.24 - Dim. 25 février 2007, p.15. |
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