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PRIERE et vie. (Mgr Antoine BLOOM)

Trop souvent, la vie que nous menons se dresse en témoignage contre la prière que nous faisons et ce n'est que, si nous arrivons à harmoniser les termes de notre prière et la façon dont nous vivons, que notre prière acquiert la force, l'éclat et l'efficacité que nous en attendons. Trop souvent, nous nous adressons au Seigneur espérant que lui fera ,ce que nous devrions faire en son nom et dans son service. Trop souvent, nos prières sont des discours polis, bien préparés, usés par les siècles aussi, que nous offrons de jour en jour au Seigneur, comme s'il suffisait de lui répéter d'année en année d'un coeur froid, d'une intelligence paresseuse, sans que notre volonté y soit impliquée, des paroles de feu qui sont nées dans les déserts et dans les solitudes, dans les plus grandes souffrances humaines, dans les situations les plus intenses que l'histoire ait jamais connues.

Et il y a tant d'occasions où nos prières sont lettres mortes, et, qui plus est, ce sont des lettres qui tuent parce que chaque fois que nous permettons à notre prière d'être morte, de ne pas nous rendre vivants, de ne pas nous rendre l'intensité qu'elle possède intrinséquement, nous devenons de moins en moins sensibles à sa morsure, à son impact, et de moins en moins nous devenons capables de vivre la prière que nous prononçons.

Lisez les prières qui vous sont données dans les Psaumes. Choisissez une prière quelle qu'elle soit, et faites-en un programme de vie, et vous verrez que cette prière ne deviendra jamais fatigante, qu'elle ne s'usera jamais, parce que de jour en jour elle sera affûtée, aiguisee par la vie elle-même. Et cela personne ne peut le faire que chacun de nous pour soi-même, et faute de le faire, prière et vie se dissocient. Pour un temps la vie va son chemin et la prière continue son ronronnement de moins en moins clair, de moins en moins inquiétant pour notre conscience, son insistance s'affaiblit. Et comme la vie a des exigences tandis que la prière vient de Dieu, d'un Dieu timide, d'un Dieu aimant, qui nous appelle et qui ne s'impose jamais par la brutale violence, c'est la prière qui meurt. Alors nous disons pour nous consoler que nous avons maintenant incarné notre prière dans l'action, c'est l'oeuvre de nos mains qui représente notre adoration.

Ce n'est pas là l'attitude que nous avons à l'égard de nos amis, de nos parents, de ceux que nous aimons. Certes quelquefois, peut-être toujours, faisons-nous tout ce que nous devons faire pour eux; mais cela implique-t-il que nous les oublions de coeur, que jamais notre pensée ne se tourne vers eux ? Certes non! Dieu seul aurait-il ce privilège d'être servi sans que jamais nous jetions un regard vers lui, sans que jamais notre coeur ne devienne chaud et aimant lorsque nous entendons son nom? Dieu seul serait-il servi dans l'indifférence ?

 

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