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EMMAÜS. Tout autour d'eux le calme était revenu. Les lieures du Golgotha et de la foule sont désormais passées. Jérusalem est loin derrière et sur la route longue d'Emmaüs, les disciples redécouvrent le sens de leur vie. Mon Dieu, comme je les comprends ces heures qu'ils vécurent sur la route silencieuse. Souvent, c'est lorsque je vous ai cru loin de moi que je vous ai ensuite découvert tout près, autrement. Et les angoisses de notre croissance spirituelle sont les signes avant-coureurs de plus grandes intimités, encore inconnues. Ils étaient deux. Étaient-ils de ces soixante-douze disciples que le Seigneur envoya deux par deux sur les routes de Judée ? En vérité, comme eux, ils cheminaient. Serait-elle bien utile, cette amitié spirituelle pour celui qui marche avec la foule au milieu de la route large? Mais elle m'est indispensable, mon Dieu, pour vous atteindre. Tout âme vivante a besoin d'un témoin dans sa vie qui puisse la faire se découvrir en l'écoutant. Toute âme donnée sur la voie montante a besoin d'un entraîneur qui lui révèle sa force et réveille son ardeur. Et l'espérance ne s incarne dans ma chair que par la parole dite à un ami qui sait en vivre. Encore parlaient-ils de celui qui n'était plus, que déjà il était avec eux. Et les âmes fidèles ne connaissent pas le don qui leur est fait, quand dans la sincérité de leur coeur et de leur désir de grandir elles mettent en commun leur lumière et leur force. Le Christ est au milieu d'elles et elles l'ignorent. Voilà, devant les yeux des disciples d'Emmaùs, longue histoire humaine du salut, avec les lourdes phalanges d'hommes terrestres, et les prophètes qu'ils ont tués mais qui avaient prophétisé, et les justes qu'ils ont persécutés, mais ont vécu au milieu d'eux plus qu'aucun d'eux. Voilà, devant les yeux de ces disciples du Christ, la longue histoire humaine de la rédemption continuée, avec les lourdes phalanges d'hommes terrestres et l'Église qu'ils ont malmenée du dehors et du dedans, mais qui demeure vivante, et les saints qu'ils ont persécutés, mais qui ont vécu au milieu d'eux plus qu'aucun d'eux, et cette extraordinaire lutte de la foule qu'appelle l'abîme du bas et de l'homme qu'appelle l'abîme du ciel. Et le jour paraît. Le Christ ne leur dit rien de nouveau qu'ils ne sachent, ces disciples, et pourtant tout leur paraît neuf. Envoyez votre Esprit, Seigneur, et vous renouvellerez la face de la terre. Ils les connaissaient tous, ces événements que Jésus leur rappelle, mais maintenant ils les savent autrement. Mais maintenant le sens du mystère leur est venu avec le sens de leur vie. Le Christ continuait de leur parler. Ils ne l'avaient pas encore reconnu. Et Jésus prit entre ses mains ces âmes préparées, ces fruits d'une vie dense que la journée avait muris. Il prit du pain, prononça une bénédiction, puis le rompit et le leur donna. Messe que les disciples commencèrent sur la route, que le Christ continua avec eux et consomma dans la pièce basse d'une échoppe, qu'une transfiguration couronna! Donnez-nous de connaître aussi, quand le jour de nos existences passera, le repos dans l'auberge du soir avec vous, et d'abord l'étape où l'on souffle un peu comme vous l'avez fait dans la maison de Marie. Mais il faut le mériter, il faut connaître les heures où le Christ encore est crucifié dans ceux qui l'ont bien servi; il faut vivre les heures où la foi défie toute évidence dans son affirmation insensée d'une espérance que tout détruit. Mon Dieu, donnez-nous d'être les disciples d'un nouvel Emmaüs. |
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