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JESUS éducateur. (André DE PERETTI)

Conditionner, rendre libre? Faire pression, ou favoriser la communication ? Modeler, épanouir? Mais n'avons-nous pas un modèle, même pour les actions de la liberté ? Il faudrait nous retourner vers la catéchèse évangélique. Non pas un code moral et des connaissances, mais une « Bonne nouvelle ». Quelles attitudes s'en dégagent ? Et comment avons-nous pu habiller à notre façon certaines d'entre elles pour couvrir nos motivations les plus autoritaires ?

Joug suave! La communication avec le Christ est un contact qui nous réfléchit vers le centre de nous-mêmes. C'est le paradoxe d'un lien qui n'est pas un lien, mais un appel : un fardeau léger qui soulève et n'appesantit pas sous sa contrainte.

Jésus se présente en refusant d'exercer une domination. Je suis doux et humble de coeur. Ne m'appelez pas rabbi. Ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur. Il ne structure aucune relation de dépendance. Le jeune homme riche n'est pas capté : il lui est possible de ne pas tout abandonner et aucun reproche direct ne lui est adressé. Les invitations aux Apôtres sont des acquiescement à leur présence et à leur contact permanent. Mais ne sommes-nous pas tentés, parfois, d'imaginer Jésus recrutant, fascinant, subjuguant, conditionnant ? Il les choisit en écoutant leurs élans authentiques, leurs motivations profondes; en les élucidant. Même le: Pais mes agneaux, répété trois fois à Pierre, n'est pas tellement une direction, un conseil ou un ordre, mais plutôt l'élucidation d'une vocation libre. Qu'on écoute le ton inimitable au secret de son coeur.

Les Béatitudes sur la montagne sont-elles composées avec des injonctions, des conseils, des jugements ou des suggestions directes ? Le Christ fait-il pression pour que nous pleurions, pour que nous soyons pauvres, pour que nous soyons altérés avec le désir de justice, ou pour que nous allions vers les tribulations ? Et, au préalable, avait-il attiré les foules pour leur faire discours, sans goûter en profondeur les messages des individus rassemblés ?

Le Christ informe, il éclaire, il n'enjoint pas. Vous êtes le sel de la terre... Il énonce, dans les paraboles ou dans ses réflexions directes, des propriétés de la nature spirituelle, j'oserais écrire les lois de la physique de la grâce (ce que Péguy évoquait avec sa physique de la « mouillature »). Il décrit la bénédiction qui est au bord des âmes ameublies par la douleur ou travaillées par la dignité de la justice. C'est parce qu'il ne fait aucune pression que sa parole retentît en chacun de nous comme un écho magnifique. Heureux ceux qui pleurent, heureux ceux qui ont faim et soif de justice, ils seront consolés, rassasiés.

Dans ce message, Jésus ne se met pas à distance mais se place en présence effective de ceux qui pleurent et peinent, pour qu'ils découvrent dans leur solitude et leur angoisse un visage qui les accompagne et les accueille.

 

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