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Être libre dans l'ESPRIT. (Olivier CLEMENT)

Être libre dans le Saint-Esprit, c'est se découvrir aimé de Dieu, aimé d'amour fou et ainsi pouvoir se désarmer, se déposséder, se libérer du ressentiment et de la peur et devenir capable d'accueillir comme Dieu nous accueille, de discerner et de servir en tout homme comme en toute situation historique les chances de la vie.

Nous serons dans l'histoire un levain de communion et de transfiguration si nous restons les témoins du Mystère, du Vivant, de ce Dieu qui donne sens et juste perspective à toute chose, de ce Dieu que nous sommes appelés à devenir. Nous devons discerner le soupir mystérieux de la créature qui gémit dans les douleurs de l'enfantement et préparer témoigner déjà - la participation de l'univers et de l'histoire à la liberté glorieuse des enfants de Dieu, à la Pâque de l'éternité.

Si nous savons donner aux hommes le goût et le besoin d'un certain feu, le goût et le besoin de la vraie joie, de la vraie fête, peut-être, comme ils l'ont déjà fait, mais avec d'autres matériaux, bâtiront-ils une civilisation qui sera comme le foyer de ce feu, comme l'écho de cette fête. Peut-être.

Mais nous devons savoir que la liberté ultime, celle qui empêche l'histoire de se refermer sur elle-même et introduit dans son tissu une déchirure d'éternité, c'est le martyre - dont il existe bien des lormes peu spectaculaires, non moins essentielles. Chaque fois que nous prions, dans le Notre Père: Que ton Nom soit sanctifié, nous nous engageons très humblement au martyre (car nous prions aussi pour que la tentation, c'est-à-dire les épreuves des derniers temps, nous soit épargnée). Dans la tradition hébraïque en effet, la sanctification du Nom, c'est l'engagement de sceller par son sang la fidélité à la transcendance. Celui qui s'engage à mourir pour témoigner que seul Christ est Seigneur et non pas César, c'est-à-dire l'homme individuel ou collectif, celui qui accepte volontairement cette ultime dépossession pour s'assimiler à la croix de lumière, celui-là est libre dans l'Esprit Saint et prépare cette explosion d'Esprit et de liberté que sera le retour en gloire du Christ, notre Libérateur.

On nommait les chrétiens aux premiers siècles de notre ère : Ceux qui n'ont pas peur de la mort. C'est-à-dire ceux qui n'ont pas peur. Ceux qui, par la foi dans la Résurrection, métamorphosent aux tréfonds de leur être l'angoisse en confiance. Dans ce monde plus que jamais ravagé de peurs - de la révolution, de la réaction, de la bombe, du cancer, de l'accident - prions pour être, dans l'Esprit donateur de vie, humblement libres de la peur, c'est-à-dire capables d'aimer.

 

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