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SERMON POUR LA FÊTE DE LA DÉDICACE Du respect que l'on doit avoir dans les églises Et intravit Jesus in templum Dei, et ejiciebat omnes vendentes et ementes in templo. Jésus entra dans le temple, il en chassa tous ceux qui vendaient et achetaient. (S. Matth., XXI, !2.) A quoi, M.F., pouvons-nous attribuer cet air de zèle et d'indignation, que Jésus-Christ laisse éclater aujour d'hui sur son visage ? Nous le voyons ailleurs s'établir juge de la femme adultère, mais seulement pour avoir la douce consolation de ne là pas condamner ; nous le voyons pardonner avec bonté tous les scandales et les désordres les plus affreux d'une pécheresse ; il nous montre sa miséricorde envers tous les pécheurs repen tants, dans la parabole de l'enfant prodigue . A peine aperçoit-il Jérusalem, cette ville ingrate, qu'il est touché de compassion, et ses yeux adorables laissent couler des larmes amères. « Ah ! ville criminelle qui as tué les pro phètes que mon père avait envoyés pour t'annoncer la grandeur de ses bienfaits ! Tu vas mettre le comble à la barbarie, en faisant mourir ton Dieu et ton Sauveur ! Ah ! si tu voulais au moins, en ce jour qui t'est donné, recevoir la grâce que je te présente ! Mais non, c'est en vain que je te presse ! » Vous le voyez, M.F., ce n'est partout que bonté et amour. Qui peut donc aujour d'hui, dites-moi, lui ravir cette clémence, et armer ses mains bienfaisantes des verges de la justice ? Ah ! c'est que l'on profane la maison de son Père, c'est qu'on en fait une caverne de voleurs, une maison de trafic ! Cette profanation est pour lui un glaive qui perce vive ment son tendre cur. L'amour pour son Père et le zèle de sa gloire ne peuvent plus se contenir ; à peine est-il entré dans la ville de Jérusalem, qu'il se rend aussitôt dans le temple pour reprocher aux Juifs l'hor rible profanation qu'ils font du lieu destiné à la prière. II ne leur donne pas même le temps de fuir ; il prend lui-même les tables, les marchandises, et renverse tout par terre. Ah ! M.F., faut-il qu'elles soient affreuses les irrévérences commises dans les églises, dont le temple de Salomon n'était pourtant que la figure ! Avec quel respect, avec quel recueillement et quelle dévotion ne devrions-nous pas venir dans nos églises ? Afin de mieux vous le faire comprendre, je vais vous montrer quelles sont les pensées qui doivent nous occuper 1° en venant à l'église, 2° pendant que nous y sommes, et 3° lorsque nous en sortons. I.- Qui pourra jamais comprendre notre aveugle ment, si nous considérons, d'un côté, les grâces que le bon Dieu nous prépare dans son saint temple, le besoin que nous en avons, le désir ardent qu'il nous montre de nous les vouloir donner ; de l'autre, notre ingratitude et notre peu d'empressement pour correspondre à ses bienfaits ? Lorsque notre devoir nous appelle dans un lieu si saint, ne dirait-on pas que nous ressemblons à des criminels conduits devant leurs juges pour être condamnés au dernier des supplices, plutôt qu'à des chrétiens que l'amour seul devrait conduire à Dieu ! Oh ! que nous sommes aveugles, M.F., d'avoir si peu à cur les biens du ciel, tandis que nous sommes si portés pour les choses du monde ! En effet, quand il s'agit d'affaires temporelles, ou même de plaisirs, l'on en sera tout préoccupé, l'on y pensera d'avance, l'on y réfléchira ; mais, hélas ! quand il s'agit du service de notre Dieu et du salut de notre pauvre âme, ce n'est qu'une espèce de routine et une indifférence inconcevable. Veut-on parler à un grand du monde, lui demander quelque grâce ? L'on s'en occupe longtemps d'avance ; l'on va consulter les personnes que l'on croit plus instruites, pour savoir la manière dont il faut se présenter ; l'on paraît devant lui avec cet air de modestie et de respect, qu'inspire ordinairement la pré sence d'un tel personnage. Mais quand on vient dans la maison du bon Dieu, ah ! ce n'est plus cela. Personne ne pense à ce qu'il va faire, à ce qu'il va demander à Dieu. Dites-moi, M.F., quel est celui qui, en allant à l'église, se dit à lui-même : Où vais-je ? est-ce dans la maison d'un homme, ou dans le palais d'un roi ! Oh ! non, c'est dans la maison de mon Dieu, dans la demeure de celui qui m'aime plus que lui-même, puisqu'il est mort pour moi ; qui a ses yeux miséricordieux ouverts sur mes actions, ses oreilles attentives à mes prières, toujours prêt à m'exaucer et à me pardonner. Pénétrés de ces belles pensées, que ne disons-nous comme le saint roi David « O mon âme, réjouis-toi, tu vas aller dans la maison du Seigneur », lui rendre tes hommages, lui exposer tes besoin, écouter ses divines paroles, lui demander ses grâces ; oh ! que j'ai de choses à lui dire, que de grâces j'ai à lui demander, que de remerciements j'ai à lui faire ! je lui parlerai de toutes mes peines, et je suis sûr qu'il me consolera ; je lui ferai l'aveu de mes fautes, et il va me pardonner ; je vais lui parler de ma famille, et il la bénira par toutes sortes de bienfaits. Oui, mon Dieu, je vous adorerai dans votre saint temple, et j'en reviendrai plein de toutes sortes de bénédictions. Dites-moi, ! M.F., est-ce bien là la pensée qui vous occupe, lorsque vos devoirs vous appellent dans l'église ? sont-ce bien là les pensées que vous avez, après avoir passé toute la pauvre matinée à parler de vos ventes et de vos achats, ou du moins, de choses entièrement inu tiles ? Vous venez à la hâte entendre une sainte Messe, qui, souvent, est à moitié dite. Hélas ! si j'osais le dire, combien vont visiter le lieu de l'ivrognerie avant leur Créateur, et, venant à l'église la tête remplie de vin, s'entretiennent d'affaires temporelles jusqu'à la porte ! O mon Dieu ! sont-ce là, des chrétiens, qui doivent vivre comme des anges sur la terre ?... Et vous, ma sur, vos sentiments sont-ils meilleurs, lorsque, après avoir occupé votre esprit et une partie de votre temps à penser com ment vous allez vous habiller pour mieux plaire au monde, vous venez ensuite dans un lieu où vous ne devriez venir que pour pleurer vos péchés ? Hélas ! bien souvent, le prêtre monte à l'autel que vous êtes encore à vous contempler devant une glace de miroir, à vous y tourner et retourner. O mon Dieu ! sont-ce bien là des chrétiens, qui vous ont pris pour leur modèle, vous qui avez passé votre vie dans les mépris et les larmes !... Écoutez, jeune fille, ce que vous apprend saint Ambroise, évêque de Milan. Étant à la porte de l'église et voyant. une jeune personne parée avec beaucoup de soins, il lui adressa ces parles : « Où allez-vous, femme ? » Elle lui répondit qu'elle allait à l'église. « Vous allez à l'église, lui dit le saint évêque, l'on dirait bien plutôt que vous allez à la danse, à la comédie ou au spectacle ; allez, femme pécheresse, allez pleurer vos péchés en secret, et ne venez pas à l'église insulter par vos vains ajustements, un Dieu humilié. » Mon Dieu ! que ce siècle nous fournit des ! Combien de jeunes personnes, en venant à l'église, ne sont occupées que d'elles-mêmes et de leurs parures ! Elles entrent dans le temple du Seigneur en disant au fond de leur cur : « Regardez-moi. » En voyant ces tristes dispositions, ne devrait-on pas verser des larmes ? Et vous, pères et mères, quelles sont vos dispositions, lorsque vous venez à l'élise, à la Messe. Hélas ! il faut bien le dire avec douleur, ce sont le plus souvent les pères et les mères, que nous voyons entrer dans l'église alors, que le prêtre est déjà à l'autel ou même en chaire ! « Ah ! me direz-vous, nous venons bien quand nous pouvons, nous avons autre chose à faire. » Sans doute, vous avez autre chose à faire ; mais je sais bien aussi que si vous n'aviez pas laissé pour le dimanche mille choses de votre ménage que vous deviez faire le samedi, et, si vous vous étiez levés un peu plus matin, vous auriez eu fait tout cela avant la sainte Messe, et vous seriez arrivés avant que le prêtre ne fût monté à l'autel. Il en serait de même pour vos enfants et vos domestiques, si vous ne leur commandiez pas jusqu'au dernier coup de la Messe, ils y arriveraient au commen cement. Je ne sais pas si le bon Dieu voudra bien rece voir tous ces prétextes, je ne le crois guère. Mais pourquoi, M.F., parler en particulier, n'est-ce pas la plus grande partie qui agit de la sorte ? Oui, quand on vous appelle dans l'église pour vous y distribuer les Grâces du bon Dieu, n'aperçoit-on pas en vous ce peu d'empressement, cette nonchalance, ce dégoût qui vous dévore, cette dissipation presque générale ? Dites-moi, voit-on beaucoup de monde quand on commence les saints offices ? Les vêpres ne sont-elles pas souvent à moitié dites, quand vous êtes tous arrivés ? « Nous avons de l'ouvrage », me dites-vous. Eh ! mes amis, si vous me disiez que vous n'avez ni foi, ni amour de Dieu, ni désir de sauver votre pauvre âme, je vous croi rais bien mieux. Hélas ! que peut-on penser de tout cela ?... Il y a de quoi gémir en voyant de pareilles dis positions dans la plupart des chrétiens ! Plusieurs semblent ne venir à l'église que malgré eux, ou, si j'osais dire, il semble qu'on les y traîne. De la maison jusqu'à l'église, l'on ne parle que d'affaires temporelles ; quelques jeunes filles ensemble ne parlent que de la vanité, de la beauté, et le reste ; les jeunes gens, des jeux, des plaisirs, et autres choses encore plus mau vaises ; les pères ou mères de maisons causeront de leurs biens, de leurs ventes ou de leurs achats ; les mères ne seront occupées que de leur ménage et de leurs enfants : personne n'oserait nier cela. Hélas ! pas une seule pensée sur le bonheur qu'ils vont avoir, pas une seule réflexion sur les besoins de leur pauvre âme, ni de celle de leurs enfants et de leurs domestiques ! Ils entrent dans le saint temple sans respect, sans attention, et plusieurs, le plus tard possible. Combien d'autres ne se donnent pas la peine d'entrer, et restent dehors, afin de mieux trouver à se dissiper ? La parole de Dieu ne trouble pas leur conscience : ils regardent ceux qui vont et qui viennent... Mon Dieu ! sont-ce là des chrétiens pour lesquels vous avez tant souffert, afin de les rendre heureux ? Voilà donc toute leur reconnais sance ? Avec de telles dispositions, que de péchés se com mettent pendant les saints offices ! Que de personnes font plus de péchés le dimanche, que dans toute la se maine !... Écoutez ce que nous apprend saint Martin. Tandis qu'il chantait la sainte Messe avec saint Brice son disciple, il s'aperçut que celui-ci souriait. Après que tout fut fini, saint Martin lui demanda ce qui l'avait fait sourire. Saint Brice lui répondit : « Mon père, j'ai vu quelque chose d'extraordinaire pendant que nous chan tions la sainte Messe : j'ai vu derrière l'autel un démon, il écrivait sur une grande feuille de parchemin les péchés qui se commettaient dans l'église, et sa feuille a été plu tôt remplie que la sainte Messe achevée ; ce démon a pris ensuite ce papier avec les dents, il a tiré si fort, qu'il l'a déchiré en plusieurs morceaux. Voilà, mon père, ce qui m'a fait sourire. » Que de péchés et même mor tels, nous commettons pendant les saints offices par notre peu de dévotion et de recueillement ! Hélas ! que sont devenus ces temps heureux où les chrétiens pas saient, non seulement le jour, mais encore la plus grande partie des nuits dans l'église, à pleurer leurs péchés, ou à y chanter les louanges du Seigneur ? Voyez même dans l'Ancien Testament, voyez sainte Anne la prophétesse, qui s'était retirée dans une tribune, pour ne plus quitter la présence, de Dieu . Voyez le saint vieillard Siméon ; voyez encore Zacharie et tant d'autres, qui ont passé la plus grande partie de leur vie dans le temple du Seigneur . Mais aussi, combien ne sont- elles pas grandes et précieuses, les grâces que le bon Dieu leur accordait. Dieu, pour récompenser sainte Anne, voulut qu'elle fût la première à connaître Jésus-Christ. Le saint vieillard Siméon fut aussi le premier après saint Joseph qui eut le bonheur, le grand bonheur de porter, le Sauveur du monde sur ses bras. Saint Zacharie fut choisi pour être le père d'un enfant destiné à être l'am bassadeur du Père Éternel, pour annoncer la venue de son Fils dans le monde. Que de grâces le bon Dieu n'ac corde-t-il pas à ceux qui se font un devoir de venir le visiter dans son saint temple autant qu'ils le peuvent ? Dans le Nouveau Testament ne voyons-nous pas que les saints ont fait consister tout leur bonheur à venir adorer Jésus-Christ dans son temple ? Pourquoi, M.F., tant de communautés, qui passent une partie de la nuit en prières, dans leur église, tandis que nous dormons ? C'est pour tenir compagnie à Jésus-Christ dans son tabernacle. Aussi voyez combien cela fait plaisir à Jésus- Christ. Il est rapporté qu'un saint prêtre couchait toutes les nuits sur le marchepied de l'autel, afin d'être plus près de Jésus-Christ. Le bon Dieu permit qu'il y mou rût ; il fut enterré dans le même endroit. Un autre cou chait à la sacristie pour la même raison. Lorsque saint Louis était en voyage, au lieu de passer la nuit dans un lit, il la passait dans une église : si on lui disait qu'il ne pourrait pas y tenir, il leur répondait qu'il se trouvait mieux que quand il la passait dans son lit, tant il goûtait de consolations en la compagnie d'un si bon Maître. Si, M.F., nous ne sommes pas portés à des actions si agréables à Dieu, au moins pendant le peu de temps que nous passons à l'église, soyons bien pénétrés et convaincus que nous sommes en la sainte présence de notre Dieu, qui ne nous y appelle que pour nous com bler de ses bienfaits et nous faire travailler au salut de notre pauvre âme. Allons-y avec un saint empressement, mais aussi avec beaucoup de respect, dans la crainte d'attirer sur nous les châtiments de Dieu, par notre peu de dévotion et nos irrévérences. En voici un exemple bien frappant. Nous lisons dans l'Écriture sainte qu'Héliodore, un des premiers officiers du roi d'Assyrie, envoya une troupe de soldats pour profaner le temple de Jérusalem ; mais ils furent tous renversés à terre, et s'enfuirent avec précipitation. Il y alla lui-même pour y commettre toutes sortes d'impiétés. Mais à peine y fut-il entré, que deux anges le prirent, et le frappèrent si rude ment, qu'il serait resté sous les coups, sans le prêtre Onias qui demanda grâce pour lui. Combien de fois, M.F., les anges, nous voyant paraître avec tant de dissipation, pour ne pas dire d'impiété, ne nous frapperaient- ils pas de mort, si Jésus-Christ dont la bonté est infinie ne les arrêtait pas ? Saint Paul nous dit que Dieu per drait et punirait rigoureusement ceux qui oseraient pro faner son temple . Que devons-nous donc faire en venant à l'église ? Le voici. Il faut nous occuper, en che min, de nos misères, des grâces que nous allons demander au bon Dieu, et de la grandeur de Celui devant lequel nous allons paraître. Notre préparation doit com mencer dès que nous nous éveillons le, matin, en parlant si peu que nous pourrons, et notre esprit ne doit être occupé que de ce qui a rapport à Dieu. Laissons de côté les choses temporelles, parce que ce jour est pour notre âme. Mais quelles sont les pensées qui doivent nous occuper pendant que nous sommes dans la maison du bon Dieu, c'est-à-dire auprès de Jésus-Christ qui est notre Père, notre Sauveur et notre Médiateur ? Nous allons le voir. II. Oh ! quel spectacle, M.F., pour un chrétien qui n'a pas entièrement perdu la foi ! que d'objets capables de toucher et d'attendrir son cur ! Quand nous entrons dans une église, pénétrons-nous de cette pensée que c'est la maison du bon Dieu et le lieu où sont renfer mées toutes les grâces du ciel. De quelque côté que nous portions nos regards, tout nous y parlera de Dieu, de notre vocation, de nos espérances, de ce que nous avons été, de ce que nous sommes et de ce que nous devien drons. Pouvons-nous, M.F., trouver quelque chose de plus capable de fixer notre attention et de nous inspirer des sentiments de la plus tendre dévotion ? Entrons, nous y trouverons d'abord de l'eau bénite, qui a été sanctifiée par les prières de l'Église, elle semble nous montrer avec quelle pureté et quelle sainteté nous de vons entrer dans ce saint lieu pour plaire à Jésus-Christ ; car, si nous sommes coupables de péchés, nous ne devons y venir que pour les y pleurer, pleins de crainte que Dieu ne nous en punisse dans ce saint lieu où les anges ne sont qu'en tremblant. Un autre motif qui doit nous engager à prendre cette eau bénite avec beaucoup de respect et de douleur de nos péchés, c'est qu'elle commencera à mettre en notre âme de bien bonnes dis positions pour entendre la sainte Messe. Si nous levons les yeux plus haut, le premier objet qui se présente à nos regards, c'est le crucifix. Oh ! M.F., que cette image est capable d'attendrir nos curs et de nous faire pleurer nos péchés ! Que de grandes vérités elle nous rappelle ! Jésus-Christ ne semble-t-il pas nous dire du haut de cette croix où il est attaché : « Ah ! mes enfants, voyez et considérez s'il y a une douleur sem blable à la mienne ; voyez et considérez combien le pé ché est énorme et mon amour immense ; voyez ce pauvre corps tout en lambeaux et meurtri par les souffrances de ma douloureuse passion ; voyez cette tête percée d'horribles épines ! Ah ! chrétiens, pouvez-vous bien considérer ce corps tout couvert de plaies, sans pleurer vos péchés qui en sont la cause ? Mes enfants, c'est mon amour et vos péchés qui m'ont attaché à cette croit, et vous continuez à m'outrager ! Arrêtez, arrêtez ! mes en fants. Ah ! cessez au moins de me persécuter en m'in sultant dans mon temple ! » Pouvons-nous bien regarder ce tendre Sauveur, étendu sur cette croix, sans être pé nétrés de respect et agités d'un saint tremblement ?... Si nous nous tournons d'un autre côté, nous y voyons les fonts sacrés du baptême qui semblent nous dire « Ah ! chrétiens, souvenez-vous qu'avant d'être portés ici, vous étiez des enfants de colère, de vils esclaves de Satan, bannis pour jamais de la présence de votre Dieu ; oui, c'est ici que vous avez été lavés par le sang ado rable de Jésus-Christ. Oui, c'est ici que le ciel vous a été ouvert, et que le Sauveur lui-même est devenu votre récompense et votre félicité. » Oh ! M.F., quelle joie et quelle reconnaissance ne devons-nous pas avoir, en por tant les yeux sur ces fonts sacrés qui nous ont procuré tant de biens ! Ne l'oublions pas : au tribunal de Dieu, ils nous seront montrés, comme pour nous reprocher nos prévarications. Nous verrons les promesses que nous avons faites, et, en même temps, le nombre de fois que nous les aurons violées et foulées aux pieds. Cette seule pensée doit être capable de nous couvrir de con fusion. Si cela n'est pas assez puissant pour nous tou cher, portons nos regards vers ce confessionnal ; n'est-il pas l'asile et l'espérance des pécheurs qui veulent re venir à Dieu ? Un chrétien ne doit-il pas s'écrier, en voyant cette fontaine de grâces et de miséricorde : Oui, c'est là, dans ce bain salutaire, que je peux venir avec confiance recouvrer la grâce de mon Dieu si j'ai eu le malheur de la perdre ? Oh ! quel bonheur, quelle con fiance et quelle reconnaissance, pour un chrétien qui a perdu son Dieu par le péché, d'avoir un moyen si sûr de le retrouver ! Mais aussi, quels reproches ne fait-il pas à ces pécheurs endurcis, qui aiment mieux mourir et être damnés, que de profiter de ce moyen qui leur rendrait l'amitié de Dieu et la jouissance du ciel ? Oh ! qui pourra jamais comprendre le malheur du pécheur ? Dieu pleure sa perte, lui offre tout pour le sauver, sans pouvoir y réussir !... Cette chaire, M.F., lors même que je ne vous parle pas, pouvez-vous bien la regarder sans vous rappeler les vérités qui vous y ont été annoncées, et les nom breux moyens qui vous ont été donnés pour arriver au ciel, votre véritable patrie ? Ne semble-t-elle pas aussi vous reprocher votre ignorance, la dureté de votre cur et le dérèglement de votre vie, malgré tant d'instruc tions que vous avez entendues ? Regardons-la bien ; cette même chaire au jour du jugement se lèvera pour nous accuser, si nous continuons à mépriser cette parole qui en a tant converti d'autres, tandis que cela n'a servi qu'à nous rendre plus coupables par le mépris que nous en avons fait. La Table sainte que nous dit- elle ? M.F., pouvons-nous bien considérer ces nappes étendues, sans sentir nos curs tout brûlants d'amour et de reconnaissance ? Dites-moi ! Avons-nous bien pensé que c'est ici que nous avons eu le bonheur de manger le Pain des anges, que là, notre Dieu s'est donné à nous en nourriture, que là, Jésus-Christ a pris possession de notre âme et de notre cur ? Avons-nous bien réfléchi que c'est à cette Table sainte que nous avons reçu le baiser de paix ? O bonheur trop grand, mais trop peu connu des chrétiens de nos jours !... Mais, montez plus haut, M.F., et vous verrez un autre spectacle encore plus touchant. Cet autel ! sera-t-il bien possible d'y porter nos regards sans mouiller le pavé de nos larmes ?... O Religion sainte, que tu es belle, que tu es riche et capable de rendre heureux un chré tien qui te connaît ! Oh ! que ce nouveau Calvaire nous rappelle à lui seul de mystères ! Dites-moi, avez-vous jamais bien pensé que c'est là que le Père Eternel con somme sa justice, en immolant chaque jour son divin Fils ? Avez-vous jamais bien réfléchi que c'est sur ce même autel que ce même Père consomme sa miséri corde, en y sacrifiant chaque jour ce Fils bien-aimé pour le salut de nos âmes, que c'est là qu'il paie toutes les dettes dont nous sommes redevables envers la justice de son Père ? Ah ! disons mieux : cet autel est comme le sein de Marie, où un Dieu s'incarne chaque ,jour entre les mains du prêtre. Oui, c'est la crèche où il prend une seconde naissance, c'est, sur cet autel qu'il s'immole comme autrefois sur le Calvaire. Que dis-je ? c'est vraiment un deuxième ciel où il est assis à la droite de son Père pour être notre Médiateur. O mon Dieu ! que de grandes merveilles nous annonce cet autel ! Je pourrais encore vous dire que c'est ici que Jésus-Christ détruit la mort du péché, pour nous donner la vie de la grâce, et qu'il paie, par l'effusion de tout son sang adorable, tout ce que nous devons à la justice de son Père. Dites-moi, comment, à la vue de tant de bienfaits de la part d'un Dieu, ne devrions-nous pas sentir nos curs brûler, se fondre d'amour devant cet autel comme la cire devant le feu ? La lampe même, ne semble-t-elle pas nous dire que Jésus-Christ est véritablement présent dans le taber nacle, et que si nous sommes pécheurs, nous pouvons y venir pleurer nos péchés, nous y trouverons notre pardon ? Ces images qui sont, exposées à nos regards, ne nous disent-elles pas que les saints qu'elles représen tent ont passé leur vie dans l'humilité, le mépris et les souffrances, et qu'ils l'ont finie pour la plupart dans les tourments les plus affreux ?» Oh ! nous crient ces saints du ciel, si vous pouviez comprendre combien nos souffrances sont récompensées, avec quelle ardeur ne marcheriez-vous pas sur nos traces ! » Que vous disent, M.F., ces morts, sur lesquels vous êtes maintenant, puisque autrefois l'on enterrait dans les églises ? Ne nous disent-ils pas : « Oh ! que vous êtes insensés de vous attacher si fort à la vie et de perdre de vue votre éter nité ? Dans quelques moments vous quitterez la terre avec des regrets ; le monde est un trompeur, qui, après nous avoir séduits, nous précipite pour jamais dans les flammes. » Oui, M.F., les pierres même de cette église, unies par le ciment, nous montrent la charité et l'amour que nous devons avoir les uns envers les autres. Disons plus : tout ce qui est dans l'église nous instruit et nous porte à Dieu. Les cierges qui se consument en la présence de Jésus-Christ présent dans ce tabernacle, nous montrent qu'un chrétien doit employer toute sa vie au service et au salut de son âme. L'encens qui brûle semble nous dire que nos curs doivent être tout ardents pour Dieu ; que toutes nos pensées et nos désir doivent se tourner vers le ciel notre patrie. Le chant, comme dit saint Augustin , doit attendrir notre cur, et lui faire verser des larmes d'amour, ainsi qu'il lui arrivait dans l'église de Milan, en entendant chanter des hymnes et des cantiques à la gloire de Dieu. « O mon Dieu ! s'écriait ce grand saint, quelle sera donc la joie que nous éprouverons, lorsque nous entendrons les anges chanter leurs beaux cantiques d'allégresse éternelle ! » Convenez avec moi, que si nous faisions attention à tout cela, nous aurions une vraie dévotion, et un grand respect pendant les saints offices. Si nous aimions tant soit peu le bon Dieu, des objets si touchants ne de vraient-ils pas enflammer notre cur d'amour et de reconnaissance, et remplir notre esprit de saintes pen sées ? Ne devrions-nous pas dire comme le saint roi David : « O mon Dieu, qu'il fait bon habiter dans votre saint temple, un jour nous y rend plus heureux que mille dans les assemblées des grands du monde . » Oui, M.F., si nous pensions sérieusement que nos églises sont un autre ciel, où Jésus-Christ daigne habiter parmi nous, et qu'il est le même Dieu que celui que les anges n'adorent qu'en tremblant ; dites-moi, M.F., ose rions-nous nous y tenir sans respect, dans une dissipa tion presque scandaleuse, riant, tournant la tête, tenant des conversations tout à fait mondaines, et peut-être y donnant des rendez-vous ? Ah ! M.F., qu'ils outragent le bon Dieu, ceux qui parlent dans nos églises, où l'on ne doit que prier ! Nous lisons dans l'histoire, qu'une femme avait l'habitude de parler à l'église quand l'occa sion s'en présentait. Après sa mort, l'on trouva son corps sans aucune tache, mais l'on vit sortir de sa bouche un serpent et plusieurs crapauds qui lui man geaient la langue. Le bon Dieu fit ce miracle, pour nous montrer combien sont coupables ceux qui osent parler dans nos églises, sans une grande nécessité. Ah ! si nous aimions le bon Dieu, nous n'aurions pas besoin que l'on nous fit connaître la grandeur de ce péché ! Etant bien convaincus que c'est là qu'habite notre Dieu, que là il tient le trône de sa miséricorde et le canal de ses grâces, nous n'y pourrions entrer qu'en tremblant. Dites -moi, M.F., jusques à quand répondrons-nous à tant de bienfaits par une mortelle indifférence et de nouveaux outrages ? Oh ! combien ne serions-nous pas heureux, si nous assistions à nos saints offices avec respect et confiance ! que de grâces et de bénédictions nous reti rerions ! quel changement ne verrait-on pas dans notre manière de vivre ? III. Il est dit dans l'Écriture sainte que la reine de Saba avant entendu raconter de si belles choses de Salomon et des merveilles qui s'opéraient chez lui, voulut les voir par elle-même. Mais quand elle vit la beauté du temple et le bel ordre qui y régnait, elle s'en retourna, nous dit l'Écriture, avouant que tout ce qu'on lui avait dit n'était rien en comparaison de ce que ses yeux avaient vu. Ces merveilles restèrent profondément gravées dans son cur. Voilà, M.F., précisément ce qui nous arriverait, en sortant de nos églises, si nous faisions bien attention à tout ce qui se passe pendant nos saints et redou tables mystères. Que pouvait-il y avoir dans le temple de Salomon qui pût approcher de la moindre cérémonie de nos églises ? C'était un homme que Dieu faisait agir ; ici c'est Dieu lui-même qui agit et qui opère des miracles à l'infini. Le temple de Salomon était destiné à renfermer un peu de manne, les tables de la Loi ; mais dans nos églises, oh ! grand Dieu ! c'est Jésus-Christ lui-même, qui répand son sang, et s'immole chaque jour sur nos autels à la justice de son Père, pour nos péchés. Oh ! non, M.F., ne pénétrons pas dans la grandeur des mer veilles qui s'opèrent chaque jour ; elles sont si grandes, si au-dessus de nos connaissances, nous ne pouvons que nous y perdre ! Plus nous les examinons, et plus nous trouvons qu'elles sont incompréhensibles. Ne parlons que de ce qui peut frapper nos yeux. Un chrétien, au sortir des saints offices, touché de la parole de Dieu qu'il y a entendue, des saintes pensées que lui ont fait naître la vue des cérémonies et les prières qu'il a faites : « Je viens d'assister à la sainte Messe, doit-il se dire, un Dieu s'est immolé pour moi, il a répandu son sang pour le salut de mon âme, que pouvait-il faire de plus ? Ah ! misérable ! moi qui, depuis tant d'années, lui refuse mon cur qu'il n'a créé que pour lui, et qu'il me demande afin de le rendre heureux ! Je viens de chanter les louanges de Dieu, avec cette même bouche que j'ai tant de fois souillée par des mensonges, des jurements et des paroles déshonnêtes. O mon Dieu ! ma langue servira-t-elle toujours, tantôt à vous louer, tantôt à vous mépriser ? Non, Seigneur, je ne veux plus que vous bénir et vous aimer. Je viens d'entendre la parole divine, oh ! qu'elle est belle et véritable ! Je me suis sincèrement reconnu dans tout ce que l'on a dit ; oui, c'est bien pour moi que l'on a prêché ; il y a tant d'années que j'entends cette parole sainte, et je suis toujours le même ! Mon Dieu, tant d'instructions que j'entends, ne vont donc servir qu'à ma condamnation ? Ne me les rappellerez -vous pas au jour du jugement, pour savoir le profit que j'en aurai fait ? Que de bonnes actions, que de bonnes uvres, que de bonnes prières j'aurais faites, si j'avais voulu faire ce que l'on m'a enseigné !... » Oui, M.F., voilà le langage qu'un bon chrétien doit tenir en sortant des saints offices, et, tout chrétien qui n'a pas, en s'en allant, ces pensées dans le cur, n'a pas assisté aux saints offices avec les dispositions qu'il devait avoir. Nous disons encore que la reine de Saba, de retour chez elle, ne pouvait se rassasier de raconter tout ce qu'elle avait vu dans le temple de Salomon ; elle en par lait toujours avec un nouveau plaisir. La même chose doit arriver à un chrétien qui a bien assisté à la sainte Messe ; étant de retour dans sa maison, il doit s'entretenir avec ses enfants et ses domestiques, et leur demander ce qu'ils ont retenu, ce qui les a touchés davantage. Hélas ! mon Dieu, que vais-je dire ?... Combien de pères et de mères, de maîtres et de maîtresses, qui, si on voulait leur parler de ce qu'ils ont entendu à la sainte Messe, se moqueraient de tout cela en disant qu'on les ennuie, qu'ils en savent assez !... Cependant, généralement par lant, il semble que l'on écoute encore cette parole sainte ; mais, dès qu'on est sorti de l'église, on se laisse aller à toutes sortes de dissipation ; l'on se lève avec précipi tation ; on court, on se presse à la porte ; le prêtre sou vent n'est pas encore descendu de l'autel que l'on est déjà dehors, et là, on se livre à toutes sortes de choses étrangères. Savez-vous. M.F., ce qu'il en résulte ? Le voici. On ne profite de rien, et l'on ne tire aucun fruit de tout ce que l'on a entendu et vu dans la maison du bon Dieu. Que de grâces méprisées ! que de moyens de salut foulés aux pieds ! O quel malheur ! de faire tourner à notre perte ce qui nous aiderait si bien à nous sauver ! Hélas, vous le voyez vous-mêmes, combien ces saints offices sont à charge au plus grand nombre des chré tiens ! Pendant ces moments, ils sont restés à l'église comme dans une espèce de prison, et aussitôt sortis, vous les entendez crier à la porte, semblables à des pri sonniers à qui l'on vient de donner la liberté. N'est-on pas souvent obligé de fermer la porte, si l'on ne veut être étourdi par leurs cris continuels ? Mon Dieu, sont -ce là des chrétiens, qui ne devraient se retirer de votre saint temple, qu'avec un esprit rempli de toutes sortes de bonnes pensées et de bons désirs ? Ne devraient-ils pas chercher à les bien graver dans leur mémoire, pour ne jamais plus les perdre, et les mettre en exécution, aussitôt que l'occasion s'en présenterait ? Hélas ! le nombre de ceux qui assistent aux offices avec attention et qui tâchent d'en profiter, est à peu près comme le nom bre des élus : ah ! qu'il est petit ! Que devons-nous conclure de tout cela, M.F. ? Si vous voulez que le culte que vous rendez à Dieu, lui soit agréable et avantageux pour le salut de votre âme, met tez-le en pratique : commencez à vous préparer à la sainte Messe dès que vous vous éveillez, en vous unissant à toutes les messes qui se disent dans ce moment. Lors que la cloche sonne pour vous appeler dans la maison du bon Dieu, pensez que c'est Jésus-Christ lui-même qui vous appelle ; partez sur le champ, afin d'avoir quelque moment pour méditer sur la grandeur de l'action à laquelle vous allez assister. Ne dites pas, comme ces gens sans religion, que vous avez bien le temps, que vous y serez toujours assez tôt ; mais bien plutôt comme le saint prophète : « Je me suis réjoui quand on m'a dit que nous irions dans la maison du Seigneur . » Dès que vous sortez de chez vous, occupez-vous de ce que vous allez faire, et de ce que vous demanderez au bon Dieu. Commencez à débarbouiller votre esprit des choses ter restres, pour ne penser qu'à Dieu. Évitez toute sorte de conversations inutiles, qui ne sont bonnes qu'à vous faire mal entendre la sainte Messe. En entrant dans l'église, rappelez-vous ce que dit le saint patriarche Jacob : « Oh ! que ce lieu est terrible ! oh ! qu'il est saint ; c'est vraiment la maison de Dieu et la porte du ciel ! » Lorsque vous êtes à votre place, humiliez- vous profondément à la vue de votre indignité, et de la grandeur de votre Dieu, qui veut bien, malgré vos péchés, vous souffrir en sa sainte présence. Faites un acte de foi de tout votre cur. Demandez à Dieu qu'il vous fasse la grâce de ne rien perdre de toutes les faveurs qu'il accorde à ceux qui y viennent avec de bonnes dis positions ; ouvrez votre cur, afin que la parole de Dieu puisse y entrer, y prendre racine et y porter du fruit pour la vie éternelle. Avant de sortir de l'église, ne manquez jamais de remercier le bon Dieu des grâces qu'il vient de vous faire, et allez-vous-en chez vous tout occupés de ce que vous avez vu et entendu. Oui, M.F., si nous nous comportions de cette manière, nous ne sortirions jamais des saints offices sans nous sentir rem plis d'un nouveau goût pour le ciel, d'un nouveau dégoût pour nous-mêmes et pour la terre. Notre cur et notre esprit seraient tout pour Dieu et rien, pour le monde ; alors la maison du bon Dieu serait vraiment pour nous la porte du ciel : c'est ce que je vous souhaite. SERMON SUR LA RELIGION Dixit insipiens in corde suo : non est Deus. 'impie a dit dans son cur : Non, il n'y a point de Dieu. (Ps. xiii, 1.) Le pécheur, M.F., séduit par le démon et aveuglé par : ses passions, s'écrie : « Non, non, il n'y a point de Dieu. » Il voudrait qu'il n'y en eût point, afin de pouvoir s'aban donner avec plus de liberté à la fureur de ses penchants corrompus ; car s'il admettait l'existence d'un Dieu, il faudrait qu'il admit aussi la justice de ce Dieu, et, par conséquent, que le péché est puni et la vertu récom pensée. Cet insensé ne fait pas attention que le nom de Dieu est gravé dans son cur avec le doigt même de son Créateur. C'est en vain qu'il nie l'existence de son Dieu ; sa conscience le démontrera toujours. D'où viennent donc ces mots, que l'on dit même sans y penser ? « Mon Dieu ! que j'ai du malheur ! Mon Dieu ! ayez pitié de moi !... » Si Dieu n'existait pas, ne serait-ce pas le plus grand de tous les malheurs ? A quoi serviraient donc toutes les larmes, les pénitences et les sacrifices de tant de chré tiens ? Non, non, M.F., loin de nous une pensée aussi désespérante. Il y a un Dieu qui nous voit et qui nous jugera, pour nous récompenser si nous avons fait le bien et évité le mal ; pour nous punir, si nous nous sommes abandonnés au gré de nos passions. Oui, il y a une religion sainte, qui fait tout le bonheur de celui qui observe ce qu'elle lui commande. Laissons, laissons crier les impies dans leur frénésie et leur démence ; re posons-nous tranquillement dans le sein de notre religion divine, et à l'ombre de notre Créateur. O mon Dieu ? faites descendre un rayon de votre lumière dans le cur de ces pauvres aveugles, et ils verront ce qu'ils n'ont pas encore vu, et ils connaîtront ce qu'ils n'ont pas encore voulu connaître. Vouloir vous prouver, M.F., qu'il y a un Dieu, ce serait, je crois, vous faire affront ; je parle à de bons chrétiens et non à des athées, c'est-à-dire à des personnes qui ne croient à rien, et qui nient tout. Si par malheur il s'en trouvait quelqu'un parmi vous, ce que je ne crois pas, et dont la bouche fût assez impie pour vomir de tels blasphèmes, ne serait-ce que dans un mo ment de désespoir, aussitôt, il entendrait les cris de sa conscience lui donner le démenti. Oui, M.F., soyons bien convaincus que s'il y a des impies assez malheureux pour le dire, ils ne le croient pas : je vous le ferai voir dans la suite. I. La religion dans laquelle nous avons eu le bon heur de naître, est très ancienne. C'est Dieu lui-même qui nous l'a apportée du ciel pour la donner à Adam notre premier père, lorsque, le plaçant dans le paradis terrestre, il lui promit des biens infinis s'il était fidèle à ses commandements, et le menaça, s'il venait à les transgresser, d'une punition rigoureuse pour lui et tous ses descendants. Adam pécha, le Seigneur le condamna lui et sa race, à toutes sortes de maux. Adam se repentit et fit pénitence, Dieu le pardonna, et lui rendit son amitié ainsi qu'à toute sa postérité. Puis, cette sainte religion nous a été transmise de génération en généra tion, par les patriarches et les prophètes, jusqu'à la venue du Messie ; depuis le Sauveur, par les apôtres et leurs successeurs ; et ainsi continuera-t-elle jusqu'à la fin des siècles. Jésus-Christ nous a dit qu'elle durerait autant que le monde durera, malgré la fureur de l'enfer, des idolâtres et des mauvais chrétiens, qui sont ses plus cruels ennemis ; Jésus-Christ nous a promis qu'elle se conserverait parmi nous sans être interrompue jusqu'à la consommation des siècles . Elle est une, sainte, catholique, apostolique et romaine ; elle a toujours cru ce qu'elle croira jusqu'à la fin du monde, elle a toujours commandé et défendu ce qu'elle commandera et défen dra ; elle n'ajoutera ni ne changera rien de ce qu'elle a déjà établi : qualités qui ne se trouvent que dans la seule religion catholique, bâtie sur Jésus-Christ même, et, comme lui, à jamais invariable. Mais une preuve qui n'est pas moins forte et moins convaincante, à l'appui de cette vérité, c'est l'hommage qu'ont rendu à la religion catholique presque tous ses plus cruels persécuteurs, en désapprouvant publique ment, à l'heure de la mort, toutes les horreurs et les blasphèmes qu'ils avaient vomis contre elle pendant leur vie. Si cela était nécessaire, je vous en citerais un nombre infini. Mais non, laissons les d'Alembert, les Diderot, les Jean-Jacques Rousseau, et tant d'antres qui ont vécu si près de nous : contentons-nous d'un seul trait, qui suffira pour vous convaincre parfaitement. C'est la fin tragique de cet impie du dernier siècle, je veux dire Voltaire, que peut-être vous n'avez que trop connu, par les écrits infâmes et infernaux qu'il a répandus pen dant plus de trente ans. Dans ses écrits, toute son occu pation fut d'étaler tout ce que la fureur put lui suggérer, pour noircir et détruire la religion. Il ne craint pas de dire dans la préface d'un de ses ouvrages, que la jeune personne qui lirait son livre, n'aurait pas encore achevé, que son cur serait perverti. Quand il écrivait à ses amis, c'est-à-dire à des impies, il ne manquait presque jamais d'y mettre ces mots horribles : « Écrasons l'in fâme ! », il parlait de notre sainte religion ! voulant dire par ces mots : Faisons tout ce que nous pourrons pour détruire une religion qui nous fait une guerre cruelle et continuelle ? Si vous l'aviez entendu, vous auriez peut- être dit en vous-mêmes : « Voilà un homme qui sait lire, écrire, qui est savant, riche et noble ; pourrait-il donc se perdre ? » Ah ! mes amis, suivez-moi un instant auprès de cet homme. Il est malade, nous allons lui parler ; demandez-lui si maintenant il n'a point de crainte ; s'il croit que quand il sera mort tout sera fini, comme il l'a si souvent répété pendant sa vie : demandez-lui si sa conscience est bien en paix ; s'il pense qu'après ce monde, il y en a un autre où nous serons punis ou récompensés selon le bien ou le mal que nous aurons fait. Demandez-lui s'il serait plus content maintenant d'avoir aimé, respecté et observé tout ce que la religion catholique nous commande, au lieu de l'avoir méprisée et avilie autant qu'il a pu. Mon Dieu ! que de regrets !... que de désespoirs dévorent sa pauvre âme à ce dernier moment ! Restez un instant auprès de son lit, avant qu'il ne vomisse son âme dans les enfers. Écoutez ce que sa bouche, guidée par sa cons cience, va vous dire. Ses amis sont réunis auprès de lui. Ces impies ont prêté serment que si l'un d'eux tombe malade, on n'appellera auprès de lui aucun prêtre. Or, entendez-vous ce misérable : « Mon Dieu ! mourir aban donné !... Ah ! mes amis, n'ayez pas égard à ce que j'ai dit !... De grâce, faites venir au plus tôt un ministre du Seigneur. Oh ! je me repens de tout ce que j'ai dit et fait contre Dieu et la religion ! Mon Dieu, mon Dieu, n'aurez-vous pas encore pitié de moi ? Ah ! de grâce, faites-moi venir un prêtre ! » Le bon Dieu voulut que Monsieur l'abbé Gauthier pût pénétrer jusqu'auprès du malade, non pour le salut de cette âme, mais seulement pour qu'il pût affirmer d'une manière plus authentique que le malheureux se repentait de tout ce qu'il avait fait dans ses jours de frénésie et de fureur. Voltaire fait donc une rétractation par écrit ; on la porte à l'archevêque de Paris. Mais Dieu ne permit pas qu'un tel impie, après avoir passé sa vie à vomir contre la religion tout ce que la corruption de son cur avait pu engendrer ; il ne permit pas, dis-je, qu'il pût en profiter. Ses amis l'emportèrent dans une maison de campagne... Voyez-vous, M.F., comme cet athée a bientôt trouvé un Dieu et une religion ? Il invoque Dieu et il demande un prêtre : il vous prouve ainsi l'existence de Dieu et la nécessité de la religion. Écoutez-le encore un instant, et il va vous enseigner qu'il y a, pour le pécheur, un juge ment à subir et un enfer à craindre. Etroitement gardé par ses amis ou plutôt par ses bourreaux, perdant tout espoir de revoir jamais l'abbé Gauthier, il s'écrie : « Hé las ! je suis donc abandonné ? il faut que j'aille me pré senter devant mon Juge ! il me faudra donc aller en en fer ?... O belle religion, que j'ai tant persécutée pendant ma vie, toi qui fais le bonheur de celui qui suit le che min que tu lui traces !... Adieu, beau ciel, je ne te verrai jamais !... » Il se livre au désespoir, et meurt en réprouvé . Eh bien ! M.F., que pensez-vous de cela ? Avez-vous bien fait attention comment cet impie vous a prouvé l'existence de Dieu, la vérité de notre sainte religion, et la certitude d'un jugement que nous devons tous subir à l'heure de notre mort ? Avez-vous vu comment il vous a prouvé la vérité d'un enfer pour les pécheurs, et le certitude d'un ciel pour les gens de bien ? Croirez-vous maintenant ce que vous disent les athées quand vous les entendez vomir leurs impiétés ? Savez-vous ce qu'il faut leur répondre ? Non, me direz-vous peut-être. Le voici : « Va, pauvre aveugle, tu feras bien comme les autres ; quand la mort te serrera d'un peu près, tu chan geras bien de langage et de sentiment. » Savez-vous, M.F., pourquoi ces malheureux débitent toutes ces impiétés ? ce n'est pas qu'ils les croient ; vous venez de voir qu'à la mort ils les désavouent publiquement ; mais c'est qu'ils voudraient que cela fût, car s'il y a un Dieu et une religion sainte, assurément il faut que le péché soit puni : voilà ce qui les jette au dernier des désespoirs. Voulez-vous savoir, M.F., ce que je pense ? Cest que malgré tout ce que pourront dire les libertins, je suis sûr que si j'observe tout ce que la religion me commande, j'aurai le bonheur d'aller un jour dans le ciel, pour être heureux à jamais ; voilà toute ma croyance. « II n'y a point de Dieu !... » un tel blasphème peut-il bien sortir de la bouche d'un chrétien !... Dites-moi, malheureux impies, s'il y en a qui m'écoutent, ce que je ne crois pas, dites-moi, qui vous a donc créés ? Ce sont nos pères et nos mères. Ce sont vos pères et mères ? Eh bien ! qui donc a créé vos pères et mères ? Ce sont leurs pères et mères. Qui a donc créé Adam ? Il n'avait ni père ni mère ; est-il venu au monde par hasard ? Qui donc a créé le ciel et la terre et tout ce qu'ils contiennent ? Personne ? Sans doute... il a été un temps que cela n'était pas. Baissez les yeux, vieux impies, et allez vous cacher dans le fond des forêts, où jamais les rayons du soleil n'ont pu pénétrer. Ces monstres-là voudraient se faire passer pour savants ; tandis qu'ils affichent publiquement qu'ils ont la cervelle renversée, et qu'ils sont pétris de l'ignorance la plus crasse que le péché puisse engendrer !... O mon Dieu ! peut-on bien tenir un tel langage ?... II. Venons, M.F., à une autre preuve plus forte et plus satisfaisante, qui nous montrera, qui nous prouvera on ne peut mieux, la sainteté, la divinité de notre reli gion. Ce sont les travaux et les souffrances qu'ont endurés ceux dont le bon Dieu s'est servi pour l'établir. Vous conviendrez avec moi qu'il n'y a pas un homme sur la terre, qui eût voulu donner sa vie pour soutenir une chose fausse. Cela est très-certain, me direz-vous. -Eh bien ! je vais vous donner un petit aperçu de ce qu'ont enduré ceux qui ont fondé ou maintenu notre religion. Je n'ai pas besoin de vous prouver que Jésus-Christ est venu sur la terre, qu'il a souffert et est mort pour nous. Si je parlais à des idolâtres, je commencerais à leur faire comprendre tout ce que les prophètes ont prédit touchant le Messie, et ils verraient qu'il n'y a pas une lettre qui n'ait eu son accomplissement ; mais, parlant à des chré tiens, ce serait temps perdu. Je vais seulement vous mettre devant les yeux, la force, le courage que cette sainte religion donne à ceux qui la professent de tout leur cur, afin de réveiller un peu en vous cette foi presque éteinte. Je dis donc que rien ne prouve mieux la divinité de notre sainte religion, que cette foule de martyrs livrant leurs corps à la fureur des tyrans ; se présentant et mon tant sur les échafauds avec plus de joie et de plaisir que des rois sur leur trône. Nous en voyons aussi bien dans l'Ancien Testament que dans le Nouveau. Nous lisons dans l'Écriture sainte que les Juifs revenus de la cap tivité de Babylone passèrent leurs jours dans la paix et la tranquillité, jusqu'à ce que l'impie Antiochus montât sur le trône. Ce prince cruel et barbare leur fit éprouver tout ce que sa rage put lui inspirer ; le dessein de ce prince cruel était d'anéantir, s'il le pouvait, le culte du vrai Dieu. Il ordonna de profaner tous les jours consa crés au Seigneur, d'élever des autels d'idoles, même dans le saint temple, et de faire brûler toutes les Saintes Écritures. Cette triste nouvelle répandit la frayeur dans, tout le royaume. Presque tous prirent la fuite à l'instant même. Les villes furent abandonnées de leurs habitants, le temple fut désert, les fêtes se changèrent en tristesse et en deuil ; cependant, malgré toutes ces menaces, plu sieurs prirent la résolution de tout souffrir plutôt que de violer la loi du Seigneur, et de ce nombre fut un bon vieillard nommé Éléazar . Il fallait, M.F., que ce vieillard fût bien sûr de l'exis tence d'un Dieu, de la vérité d'une religion sainte, et d'une autre vie où les justes seront récompensés pour toujours et les pécheurs punis pour jamais, pour endurer des tourments si longs et si rigoureux ? Quel est l'impie qui voudrait mourir pour soutenir ses impiétés ? Pas un, M.F., non, pas un. Rien ne nous prouve mieux la vérité de notre religion, que le courage et la constance des martyrs de l'un et de l'autre sexe, dans les tourments qu'ils ont endurés pour ne pas déplaire à Dieu. Un impie, tant qu'il n'a rien à craindre, débitera bien ses impiétés ; mais, dès que le moindre danger approche, aussitôt il désavoue ce qu'il a dit. Jamais un chrétien, je ne veux pas dire un chrétien lâche, qu'un malheureux respect humain fera transgresser les lois de Dieu et de l'Église autant de fois que l'occasion se présentera, qui, crainte d'être méprisé et raillé, ou dans l'espérance d'avoir quelque service d'un voisin se prêtera à tout ce qu'il voudra, malgré ses remords de conscience ; ce n'est pas un bon chrétien, mais seulement un fantôme de chrétien, que la colère de Dieu punira par les flam mes ; je veux dire un bon chrétien qui aime Dieu et son âme plus que lui-même, celui-là ne désavouera jamais ce qu'il a dit ; au contraire, vous le verrez monter sur l'échafaud avec un courage et une joie incroyable. Non, jamais il ne se repentira d'avoir observé ce que sa sainte religion lui a commandé. Allons, M.F., d'échafaud en échafaud, et nous nous convaincrons de plus en plus de la vérité de la religion dont nous faisons si peu de cas, ou, pour mieux dire, que nous semblons abandonner et mépriser. Après que le même empereur eut fait mourir le saint vieillard Éléazar, on vint lui annoncer qu'une femme et ses enfants méprisaient publiquement ses ordres et por taient un grand nombre d'autres à faire de même. An tiochus ordonna, d'amener devant son tribunal cette mère avec tous ses enfants (sermon sur le martyr des Machabées). Ils étaient donc bien persuadés ces martyrs, de l'existence d'un Dieu qui les voyait, qui les punirait ou les récompenserait selon qu'ils auraient bien ou mal fait ? Ils étaient donc bien sûrs que leur religion était sainte et divine ? C'est cepen dant la même que nous professons. O belle religion des chrétiens, que ceux qui te connaissent sont heureux !... Que de grands biens tu nous prépares pour l'autre vie !... Si nous passons de l'Ancien Testament au Nouveau, les persécutions, les bourreaux et les martyrs ne sont pas moins nombreux. Parcourez le monde, M.F., depuis la venue du Sauveur ; partout vous trouverez des sup plices préparés et des chrétiens pour les subir avec joie, donnant leur vie afin de soutenir la religion qu'ils pro fessent. Oui, toutes ces potences, tous ces instruments de tortures sont autant de monuments qui nous affir ment la sainteté de notre religion. Voyez ce que le cruel Néron fit endurer aux premiers chrétiens : tantôt il les faisait coudre dans des peaux de bêtes, on les portait ainsi dans les bois pour les faire servir d'appât aux loups ; tantôt il les faisait revêtir d'une robe trempée dans la poix, les pendait aux arbres le long des grandes routes, et y faisait mettre le feu pour éclairer les passants. II porta la cruauté si loin, qu'il planta dans son jardin des arbres où il attacha à chacun un chrétien, couvert éga lement de poix et y faisait mettre le feu, afin d'avoir le barbare plaisir de marcher pendant la nuit à la lueur de ces flambeaux. Si vous allez plus loin, vous voyez un saint Ignace dévoré par les bêtes, un saint Barthélemy écorché tout vif, un saint Pierre et un saint André cloués sur une croix, un saint Vincent étendu sur le che valet où on lui arrache les entrailles avec des crochets de fer. Pourquoi tant de tourments, M.F., sinon pour soutenir la vérité de la religion qu'ils avaient le bonheur de professer ? O mon Dieu ! peut-on bien entendre sans frémir, les impiétés que l'on vomit avec tant de fureur contre une religion si sainte et si consolante ? « O belle religion, s'écrie saint Augustin, que tu rends heureux celui qui a eu le bonheur de suivre le chemin que tu lui traces ! » Voyez aussi, M.F., la différence qu'il y a entre un peuple qui connaît, qui pratique ce qu'elle commande, et un autre qui ne vit pas selon ses règles. Voyez une mère qui a cette religion bien gravée dans son cur voyez le soin qu'elle prend de ses enfants ; ils sont encore dans son sein, qu'elle les a déjà mille fois donnés au bon Dieu ; voyez son empressement à leur faire rece voir le saint baptême. Voyez son attention, dès qu'ils commencent à parler, comme elle est attentive à leur apprendre à prier le bon Dieu, à leur parler de la gran deur de leur destinée, de ce que leur Dieu a souffert pour eux, de la grandeur de la récompense réservée à celui qui évite le péché et fait le bien ; elle ne cesse de leur souhaiter toutes sortes de bénédictions. Cet enfant fera un jour la consolation et le bonheur de ses parents, par sa soumission, son amour et son obéissance. Un bon chrétien n'est point jaloux des bénédictions que le bon Dieu répand sur son voisin et sur ses biens ; au contraire, ils s'unissent tous ensemble pour bénir le bon Dieu de ses dons. Si nous avions le bonheur de bien observer ce que notre sainte religion nous com mande, nous commencerions vraiment notre paradis en ce monde. Voyez dans une autre contrée, un royaume, une paroisse ou même une famille qui ne veut pas sui vre les règles que nous prescrit notre sainte religion, combien ils sont malheureux ! Une mère aura déjà mille fois maudit son enfant, avant de lui avoir donné le jour ; voyez ces haines entre voisins, entre parents ; écoutez ces médisances, ces calomnies ; combien d'enfants vont jusqu'à souhaiter la mort de leur père, de leur mère, pour avoir le peu de bien qu'ils possèdent Oh ! quel malheur pour un chrétien de ne pas connaître sa religion ou de ne pas la pratiquer, c'est un véritable enfer en ce monde ! Je vous avoue, M.F., que je me suis grandement trompé en vous faisant cette instruction ; je vous ai prouvé qu'il y a un Dieu. Quel est celui de tous ceux qui m'écoutent qui en doutait ? Personne, me direz- vous. Vous avez raison ; je vous ai prouvé que nous verrions à l'heure de notre mort qu'il y a un ciel pour ceux qui auront combattu leurs penchants et le démon, et un enfer pour ceux qui auront suivi la route de leurs passions ; personne ne doute de cela, s'il s'en trouvait quelqu'un pour avoir quelque doute là-dessus, ce ne pourrait être qu'un impudique ou un ivrogne, et per sonne ne croit ce que disent ces sortes de monstres ; on les fuit, on les méprise !... Oui, je me suis trompé en vous faisant cette instruc tion ; il fallait plutôt vous mettre sous les yeux ce que votre religion exige de vous et ce que vous faites, et vous auriez vu que votre vie est entièrement opposée à votre croyance. Touchons ceci d'un peu plus près, et vous verrez que vous vous comportez comme si vous ne croyiez à rien. Vous savez très bien que votre reli gion vous dit que le premier mouvement de votre cur doit être de penser à Dieu, et votre premier ouvrage, de faire votre prière ; cependant ce n'est pas ce que vous faites. Votre religion vous dit de ne pas jurer le nom de Dieu, vous défend les blasphèmes, vous ne vous en abstenez pas pour cela ; elle vous défend de travailler le saint jour du Dimanche, en vous commandant de le passer dans la prière et les bonnes uvres. Vous faites- vous le moindre scrupule de travailler ou de passer ce saint jour à la danse, au jeu, à faire des ventes ou des achats ? En faites-vous moins que si votre religion était fausse ? Elle vous dit que si vous avez honte de paraître chrétien, vous serez rejetés de la face du bon Dieu pen dant toute l'éternité. Eh bien ! dites-moi : n'est-ce pas qu'une simple compagnie vous fait rougir, au point que vous n'osez dire ni votre benedicite ni vos grâces devant le monde. Votre religion vous défend de manger de la viande certains jours de la semaine, et vous dit que, si vous le faites, vous vous rendez coupables d'un péché qui vous perd pour une éternité. Ne faites-vous pas le contraire autant de fois que vous en trouvez l'occasion ? Elle vous dit de ne pas laisser occuper votre esprit de pensées de haine, de vengeance, d'impureté, etc... ; n'y prenez-vous pas plaisir presque autant de fois que le démon vous les présente ? Elle vous dit de ne pas faire tort à votre prochain, soit dans ses biens, soit dans sa réputation ; le faites-vous ? N'êtes-vous pas toujours à le tromper dans vos ventes, vos achats, à médire de lui et souvent même à le calomnier avec un certain plaisir malin ? Elles vous dit que tant que vous restez dans le péché, vous tenez Jésus-Christ cloué sur la croix de votre cur, et que votre pauvre âme est toujours prête à tomber en enfer ; cependant vous ne faites pas diffi culté de rester des années et même des dix et vingt ans sans même vous confesser... Vous voyez donc bien que vous ne croyez pas tout ce que votre religion vous enseigne. D'après les enseigne ments de cette religion, vos enfants sont un dépôt que le bon Dieu vous a confié, et dont il doit un jour vous demander un compte bien rigoureux ; s'ils sont damnés et que ce soit de votre faute, vous êtes sûrs de l'être aussi. Vous comportez-vous comme si cela était ? Ils ne font ni pâques, ni confessions, et pour ne pas vouloir les aider à se sauver ou, pour mieux dire, pour les aider à se damner, vous consentez à faire comme eux. Vous voyez donc clairement que vous vous comportez comme si vous étiez convaincus que tout ce que la religion vous enseigne n'est que farce et mensonge. Oh ! me direz- vous, cela n'est pas tout à fait vrai. Mon ami, exami nez bien la chose de près. Que feriez-vous donc de moins si vous croyiez tout le contraire de ce que la religion vous enseigne ? De tout cela, M.F., il faut conclure que, si nous som mes sûrs de la vérité de ce que la religion nous enseigne, s'il est vrai que tous ceux qui ont voulu aller au ciel ont fait ce qu'elle leur a commandé, nous devons, nous aussi, faire de même. O mon Dieu ! quel malheur que l'aveugle ment au sujet du salut de notre pauvre âme ! Être cer tains et très certains qu'en vivant comme nous vivons, nous n'aurons jamais le ciel, et, malgré cela, continuer à faire toujours de même !... Revenons, M.F., de nos éga rements ; il en est encore temps : le bon Dieu nous offre sa miséricorde, son amitié et les grâces nécessaires pour quitter le péché et revenir à lui. Évitons les regrets de ces pauvres malheureux dont nous avons parlé en com mençant ; et puisque la religion seule fait notre bonheur sur la terre, attachons-nous fortement à elle, et faisons tout ce qu'elle nous commande : ainsi nous serons heu reux non seulement dans ce monde, mais encore dans l'autre. C'est ce que je vous souhaite. |
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