DE L'IMMIGRATION POLONAISE EN FRANCE-
Gabriel Garçon
--------------------------------------------------------------------------------
INTRODUCTION
La migration des personnes a toujours constitué un problème pour lEglise catholique romaine. De nombreuses causes provoquent souvent chez les migrants une crise psychologique et morale au moment de leur installation dans un nouvel environnement et, simultanément, du point de vue de lencadrement religieux, ceux-ci se trouvent dans une situation beaucoup plus précaire que les fidèles autochtones. Ce problème découle du fait que lEglise, comme toute collectivité humaine structurée, est régie par des lois, et que le travail des prêtres seffectue donc dans un cadre législatif bien défini. Tout prêtre, même sil ne soccupe que démigrés, reçoit les pouvoirs canoniques de lévêque du diocèse où il exerce. Si le prêtre est lui-même originaire du pays doù proviennent les personnes dont il a la charge, et sil désire développer des formes spécifiques de pastorale, se pose alors la question de sa relation avec lévêque local. Schématiquement, deux solutions peuvent être envisagées : les aumôniers des émigrés demeurent totalement sous la juridiction de lévêque du lieu dimplantation, ou bien ils forment une administration autonome dépendante directement du Saint-Siège. LEglise sest penchée sur la question depuis le VIII-ème siècle ; et sa législation, depuis le quatrième Concile de Latran en 1215 jusquau Code de Droit canonique de 1918 (canon 216 paragraphe 4), a toujours reconnu aux migrants le droit de disposer dun aumônier propre, mais a toujours privilégié la première solution en ce qui concerne les rapports hiérarchiques 1 .
Larrivée dune immigration polonaise massive en France, à la suite de la convention signée par la France et la Pologne le 3 septembre 1919, pose le problème avec acuité. Quelle assistance religieuse pourra-t-on assurer dans leur langue maternelle à ces flots dimmigrés disséminés sur le territoire français ? Comment lorganiser ? Comment lui donner la possibilité de développer une pastorale particulière, tout en respectant les stipulations du droit canon ? Les gouvernements français et polonais se désintéressent de la question ; en tout cas, la convention de septembre 1919 est muette sur ce point, comme sur dautres touchant au maintien du patrimoine culturel des immigrés, lencadrement scolaire des enfants par exemple. Il reste donc aux hiérarchies ecclésiastiques des deux pays à trouver un accord de collaboration. Or, lencadrement catholique des immigrés polonais en France plonge ses racines dans la Grande Emigration issue de léchec de lInsurrection de Novembre 1830 : une Mission polonaise, qualifiée de catholique à partir de 1917, existe en effet à Paris depuis le milieu du XIX-ème siècle, et cest sur elle que lEglise polonaise va sappuyer pour organiser la pastorale auprès de ses compatriotes émigrés en France. Lhistoire de cette institution constitue lun des thèmes de notre étude.
Linstallation des ouvriers polonais en France sest accompagnée dun foisonnement de la vie associative : sociétés de toutes natures, cercles de chant, de musique ou de théâtre, clubs sportifs, groupes déducation physique, ont rapidement vu le jour dans les cités habitées par les immigrés. Toutes les associations inscrivent dans leurs buts la sauvegarde des valeurs culturelles polonaises, le maintien de la langue et des traditions nationales ; il sagit de construire un coin de la patrie quittée sur la terre française. Cette attitude correspond parfaitement au désir, majoritaire au sein de cette communauté dimmigrés, de retourner au pays dès que les conditions économiques le permettront ; pour beaucoup dentre eux, linstallation en France nest quune étape transitoire. Parmi ces associations, naissent et prospèrent des sociétés catholiques regroupant femmes, hommes, jeunes et enfants au sein dune fédération organisée, à partir du milieu des années 1930, selon les directives de lAction catholique nouvellement établie par le Pape Pie XI. Que des associations polonaises puissent à la fois veiller à la défense du sentiment religieux et du sentiment national, ne surprend pas. Tout au long du XIX-ème siècle, alors que la Pologne nexistait plus en tant quétat (1795 1918), une identification entre religion et nationalisme sest opérée : cest souvent dans les églises que lâme polonaise sest réfugiée pour éviter de sombrer sous les coups de la germanisation ou de la russification ; et le clergé polonais, porte-drapeau de la résistance à loppression des puissances copartageantes, sort de cette lutte, après la Première Guerre mondiale, entouré dune aura particulière. Ce qui paraît évident aux yeux dun Polonais mélange, voire confusion, des sentiments religieux et nationaux, et volonté de défense des valeurs liées à la foi et au patriotisme lest beaucoup moins aux yeux du compagnon de travail français et même du clergé français. La construction, lévolution, le fonctionnement et le rôle des associations catholiques polonaises en France forment le second thème de notre étude.
La vie des catholiques polonais en France sinscrit donc dans lhistoire de deux institutions : la Mission catholique polonaise et la fédération des associations catholiques polonaises en France, auxquelles notre travail est consacré. Un certain nombre de questions communes aux deux institutions se pose également. Représentent-elles lensemble des catholiques polonais en France ? Ont-elles été fidèles à leur vocation de service auprès des hommes ? Les prêtres ont-ils été présents aux côtés des fidèles pour les guider dans leur vie religieuse, et les laïcs ont-ils rempli leur rôle dans la fondation et lanimation de laction catholique ? En dehors de laction spirituelle proprement dite, quelles ont été les lignes directrices de leurs programmes ? Quels ont été leurs principaux mots dordre ? Comment ont-elles concilié le maintien du service religieux et la défense du sentiment national ? Létude de lévolution des structures administratives des deux organismes, la présentation de leurs activités, lanalyse de leurs idées et de leurs prises de position, en dégageant les facteurs favorables à leur épanouissement et aussi les obstacles qui se sont dressés devant eux, permettent daborder ces questions.
Le point de départ a été placé en 1919, date à partir de laquelle seffectue larrivée massive des ouvriers polonais en France ; un chapitre rappelle toutefois la genèse de la Mission catholique et les premières démarches pour assurer lencadrement religieux des Polonais en France entre 1836 et 1918. Lannée 1949 constitue la date finale de létude, 1949 plutôt que 1939. Certes, la Seconde Guerre mondiale marque une interruption dans lévolution des institutions ; mais il ny a pas de rupture fondamentale dans leur mode de fonctionnement entre les années davant-guerre et celles daprès-guerre. De plus, un problème majeur domine toute la période étudiée, celui de la position des organismes catholiques par rapport aux autorités polonaises : droite nationaliste au pouvoir avant 1939, gouvernement en exil à Londres ensuite, enfin gouvernement en exil et gouvernement communiste installé à Varsovie après 1945. La question est très complexe et pousse le bloc catholique à lancer, dès 1927, linitiative dune fédération de toutes les sociétés polonaises de France, au sein de laquelle son influence serait déterminante. Empêchée par laction des consulats polonais, notamment celui de Lille, en 1930 1933, lidée est finalement concrétisée en 1949 avec la fondation du Congrès des Polonais en France, qui nest plus une association répondant aux critères de lAction catholique. Nous nous efforcerons de montrer que 1949 est, à cet égard, une date charnière, bien plus que 1939.
Le sujet de notre étude est relativement peu connu de lhistoriographie polonaise et française 2 . La thèse de droit de labbé Czeslaw Kaczmarek, soutenue à lUniversité catholique de Lille et publiée en 1927, Lémigration polonaise en France après la guerre, est une uvre pionnière consacrée à la vie religieuse des immigrés et aux conditions de la pastorale polonaise en France au cours des sept premières années de limmigration. La thèse en sciences sociales de labbé Louis Poszwa, Lémigration polonaise agricole en France, soutenue en 1930 à lInstitut catholique de Paris, est en quelque sorte un complément au travail de labbé Kaczmarek. Dans le domaine religieux, elle sintéresse surtout aux pratiques religieuses de la catégorie spécifique des travailleurs agricoles et aux problèmes particuliers de la pastorale en milieu rural. Dun point de vue strictement historique, elle napporte cependant rien de neuf par rapport à la thèse de labbé Kaczmarek. Aucune autre étude sur la vie religieuse des Polonais en France na été publiée pendant lentre-deux-guerres. Seuls les travaux de Georges Mauco en 1932, Les étrangers en France. Leur rôle dans lactivité économique, tiennent compte, bien que de manière très générale, du côté institutionnel de la vie religieuse des ouvriers polonais, du rôle des aumôniers et des organisations catholiques.
La littérature daprès-guerre est à peine plus abondante. Deux autres thèses en sociologie traitent directement de notre sujet au cours de la période de lentre-deux-guerres. La première, La crise religieuse des ouvriers polonais en France, soutenue à lInstitut catholique de Paris en 1947 par labbé Wladyslaw Barton, donne une analyse détaillée du phénomène considéré. La seconde, de labbé Roman Dzwonkowski, publiée en 1988 sous le titre Polska opieka religijna we Francji (Lassistance religieuse polonaise en France) 1909 1939, concerne essentiellement lorganisation de la pastorale et le rôle des aumôniers. Dautres travaux, Halina Janowska Polska emigracja zarobkowa we Francji (Lémigration ouvrière polonaise en France) 1919 1939, Kazimiera Maj Polscy komunisci we Francji (Les communistes polonais en France) 1919 1946, Janine Ponty Polonais méconnus Histoire des travailleurs immigrés en France dans lentre-deux-guerres, apportent également des informations sur lencadrement religieux des Polonais en France, mais ne dépassent pas lannée 1939, lannée 1946 au mieux. Le livre de Leon Turajczyk, Spoleczno-polityczne organizacje polskie we Francji (Les organisations sociales et politiques polonaises en France) 1944 1948, comporte une partie consacrée à la fédération des sociétés catholiques polonaises en France. Des articles, essentiellement de chercheurs polonais, publiés surtout dans les revues Przeglad Polonijny (La revue de la communauté polonaise) de lUniversité jagellonne de Cracovie et Studia Polonijne (Etudes sur la communauté polonaise) de lUniversité catholique de Lublin, permettent de compléter limage des institutions religieuses polonaises en France sur des points particuliers tels que le statut juridique des aumôniers ou lencadrement scolaire quelles ont mis en place et géré. Larticle de Jean Charles Bonnet sur La vie religieuse des catholiques polonais du bassin stéphanois dans lentre-deux-guerres, dans le Bulletin du Centre dHistoire régionale de lUniversité de Saint-Etienne, constitue une heureuse exception détude réalisée par un historien français. Mais, de nouveau, presque tous ces articles ne traitent que de la période de lentre-deux-guerres ; ils englobent parfois les années de la seconde guerre mondiale et ne vont guère au-delà.
Cette présentation des travaux historiques menés sur le sujet appelle quelques remarques importantes. Il y a dabord le désintérêt manifeste des chercheurs français pour la question. Cela signifie-t-il que lidée stéréotypée, selon laquelle les Polonais seraient venus en France avec leurs curés et aussi leurs instituteurs, que lon peut couramment entendre dans la région du Nord, même parfois dans la bouche de descendants dimmigrés des années 1920, soit également ancrée dans lesprit des historiens français ? Pourtant, la thèse de doctorat dEtat de Madame Janine Ponty, publiée en 1988 sous le titre cité ci-dessus, apporte un démenti formel à ces assertions.
Les recherches polonaises, certes plus nombreuses, ne sont pas exemptes de critiques. Jusquà une date récente, les études en histoire contemporaine menées par des universitaires dépendant de létat polonais étaient tenues de dépeindre sous un jour favorable laction des organisations de gauche, surtout les communistes, et de manière négative celle de leurs opposants. Les ouvrages de H. Janowska, K. Maj et L. Turajczyk ne dérogent pas à cette règle. En particulier, le livre de Leon Turajczyk cité ci-dessus donne souvent limpression dun tableau peint en noir et blanc : dun côté, les organisations qui se situent dans lorbite du Conseil national des Polonais en France dobédience communiste et qui sont parées de toutes les vertus de progrès et de démocratie, de lautre, celles adhérentes à lUnion centrale des Polonais en France proche du gouvernement polonais en exil à Londres la fédération des sociétés catholiques est quelque peu épargnée qui sont le siège des forces conservatrices et rétrogrades. Au contraire et sans doute par opposition, les écrits émanant de lUniversité catholique de Lublin ou de lAcadémie de Théologie catholique de Varsovie ont une tendance apologétique : certes il sagit de mettre en avant limmense effort réalisé par les aumôniers et les laïcs dans lorganisation de la pastorale et de la vie religieuse des émigrés polonais, les difficultés de la tâche sont mentionnées mais, souvent, les insuffisances dans les actions entreprises sont atténuées ou minimisées. Il y a donc lieu détablir un équilibre entre les deux tendances, et de mesurer à la même aune les aspects positifs et négatifs dans lactivité des institutions étudiées.
Enfin, et cest certainement le point le plus important, aucun des auteurs mentionnés na utilisé de manière systématique les archives de la Mission catholique polonaise ou de lUnion des Associations catholiques polonaises en France. Seul labbé Barton utilise dans sa thèse de 1947 une partie des archives de la Mission catholique, principalement la correspondance échangée avec les prêtres en poste. Pendant de très longues années, celles-ci ont été hermétiquement fermées sur lordre du Recteur de la Mission. Nous avons eu la chance dy accéder pendant un temps suffisant pour étudier les dossiers qui nous paraissaient les plus instructifs, par exemple les rapports du Conseil de la Mission ou les rapports des réunions de doyennés. Mais les portes de la Mission se sont assez vite refermées devant nous, de sorte que nous navons pas lassurance davoir exploité lintégralité des documents. Par contre, personne na exploité les archives de lUnion des Associations catholiques polonaises. Le travail de Monsieur Turajczyk sur les relations entre les trois grandes composantes de la vie associative polonaise en France entre 1944 et 1948 ne repose que sur les archives du Comité central du Parti Ouvrier Unifié. Et même si labbé Dzwonkowski mentionne lexistence des archives de la fédération catholique déposées au siège de la Société du Christ à Hesdigneul-les-Béthune, il nen fait pratiquement aucun usage dans son livre. La raison en est quelles étaient absolument inexploitables : toutes les pièces se trouvaient mélangées, il ny avait aucun classement même simplement chronologique. Aussi, lorsque, grâce à lamabilité du secrétariat général de la fédération, nous avons pu accéder aux archives, un énorme travail de mise en ordre nous a occupé pendant plusieurs années : dabord le tri chronologique des documents selon les périodes de lentre-deux-guerres, de la Seconde Guerre mondiale et des années 1945 1949 ; puis, pour chaque période, leur classement selon des thèmes que nous avons définis nous-même. Un autre document original qui constitue également une source nouvelle, nous a été fourni avant même le début de notre recherche ; il sagit du Registre des délibérations de lUnion catholique dans lequel sont consignés les comptes rendus des réunions des instances dirigeantes de la fédération depuis la fondation en novembre 1924 jusquà lassemblée générale de juin 1939.
Le plan adopté pour présenter les résultats de nos recherches est chronologique. La coupure dans lévolution des institutions catholiques polonaises en France occasionnée par la Seconde Guerre mondiale est une première raison de ce choix. Même si, comme nous lavons indiqué, aucune rupture fondamentale napparaît dans le mode de fonctionnement entre lentre-deux-guerres et la période de laprès-guerre, les circonstances particulières dues à létat de guerre imposent de traiter séparément les années 1939 1944, en mettant laccent sur les efforts déployés pour préserver la vie religieuse des Polonais en France et sur les actions dictées par les conditions exceptionnelles de lépoque.
De plus, le plan chronologique permet de montrer lévolution dans le court terme. Des années 1920 à septembre 1939, les conditions de la vie catholique polonaise en France se modifient rapidement : il a dabord fallu trouver, de manière urgente, des réponses pour pallier le vide des conventions bipartites franco-polonaises dans le domaine de lassistance religieuse aux ouvriers immigrés ; puis est venu le temps de consolider les structures créées avec, somme toute, bien peu de moyens ; enfin, au cours des années 1930, face à la politique de plus en plus agressive des autorités polonaises pour sassurer le contrôle des sociétés polonaises de France, le clergé et les associations catholiques ont dû défendre leur originalité et marquer leur position. A partir de 1945, les catholiques polonais en France sont placés devant de nouveaux défis : les changements dans la situation politique internationale soulèvent en effet de nombreux problèmes. Après une phase de réorganisation des structures antérieures, se pose de nouveau la question du positionnement des institutions catholiques dans la vie associative. Face aux tentatives hégémoniques des uns liés au gouvernement en exil à Londres ou des autres favorables au nouvel ordre politique qui se dessine en Pologne, le bloc catholique préfère suivre sa propre voie. Pour cela, létablissement dune administration rigoureuse et une présence accrue sur le terrain manifestée par une multiplication des activités savèrent indispensables.
Notre étude est donc divisée en trois parties : la période de lentre-deux-guerres, la Seconde Guerre mondiale, les années 1945 1949. Chacune comporte des chapitres ou des sous-chapitres consacrés à ladministration des institutions catholiques (les démarches de lépiscopat polonais pour assurer une pastorale polonaise en France, la genèse et la structure des organisations, leur évolution, le statut des prêtres polonais, leurs relations avec le clergé français, la répartition géographique, les statistiques, lapport des congrégations religieuses) ou à leurs activités (les différentes formes de pastorale, les activités propres aux sociétés catholiques, les actions particulières en faveur des enfants et des jeunes, la presse religieuse, lengagement dans lenseignement du polonais, la question de ladhésion des militants catholiques aux syndicats, les relations avec les autres associations polonaises existant en France, les relations avec les autorités polonaises). Les paragraphes relatifs à lorganisation administrative des institutions catholiques donnent parfois limpression de longs catalogues, mais ils sont indispensables pour bien comprendre la hiérarchie des structures et surtout la superposition des activités ; sans une connaissance approfondie des schémas administratifs, il est en effet impossible de consulter avec profit les archives.
A ce défaut que constitue le retour des mêmes thèmes à lintérieur des tranches temporelles, sajoutent une certaine systématisation de linformation et une organisation méthodique assez poussée des chapitres. Ceci est dû certainement à notre formation première de mathématicien ; à partir dhypothèses et dacquis définis ou précisés au début, les ouvrages de mathématiques développent un discours qui ne peut aboutir à la conclusion quà partir dune organisation systématique et minutieuse des arguments. Il y a en général peu de place pour des interprétations diverses. Nous sommes conscient que ces défauts alourdissent notre présentation ; nous nous sommes efforcé de les atténuer, il nous était difficile de les gommer entièrement.
--------------------------------------------------------------------------------
Chapitre 1
UNE TRADITION DASSISTANCE AUX IMMIGRES POLONAIS EN FRANCE
--------------------------------------------------------------------------------
LA MISSION CATHOLIQUE POLONAISE EN FRANCE
--------------------------------------------------------------------------------
La maisonnette de Janski et lordre des Résurrectionnistes (1836 - 1844)
Après léchec de lInsurrection de Novembre 1830, les émigrés polonais arrivés à Paris traversent une profonde crise morale: on cherche les raisons de la chute de linsurrection, on recherche des moyens nouveaux pour recouvrer la patrie, on sinterroge sur le mode de vie pratiqué jusqualors. Le débat politique parmi les Polonais est très vif et les divise en plusieurs camps rivaux. Deux tendances principales saffrontent, héritières des courants déjà opposés en Pologne sur la manière de mener linsurrection. La droite nobiliaire conservatrice voit dans son chef de file, le prince Adam Jerzy Czartoryski, le roi de facto de la Pologne : il est vrai que celui-ci, de sa résidence de lhôtel Lambert dans lîle Saint-Louis à Paris, dirige tout un réseau dagents et dagitateurs chargés de marquer la présence polonaise partout où les intérêts des puissances copartageantes sont attaqués, entretient de bonnes relations avec les gouvernements français et anglais, et ne manque pas une occasion pour leur rappeler limportance de la question polonaise en Europe. A lopposé, le programme de la Société démocratique polonaise, exposé complètement un peu plus tard dans le Manifeste de Poitiers du 4 décembre 1836, prône une Pologne réunifiée, sans domination nobiliaire, et légalité entre toutes les classes sociales, y compris les paysans auxquels la propriété des lopins de terre cultivée est promise.
Cest dans ce contexte de dissensions parmi les Polonais installés en France que, vers le milieu de lannée 1832, arrive à Paris le poète mage Adam Mickiewicz, porte-parole du nouveau courant littéraire romantique. Réfugié dabord à Dresde avec le flot des émigrés polonais, sous le choc de la tragédie nationale, il écrit des poèmes patriotiques consacrés à linsurrection : La redoute dOrdon (Reduta Ordona), La mort dun colonel (Smierc Pulkownika), et surtout la troisième partie des Aïeux (Dziady) dite de Dresde. Mickiewicz y décrit les malheurs de la Pologne en des vers dune intensité dramatique et expose ses idées messianiques : les souffrances endurées conduisent la Pologne sur le chemin de la Passion du Christ mais, comme le Christ, la Pologne ressuscitera et apportera la liberté, non seulement à elle-même mais aussi aux autres peuples opprimés. Ces uvres accroissent le prestige et linfluence du poète sur ses compatriotes. A Paris, il se plonge dans la vie sociale des immigrés polonais, désireux de servir la cause nationale, sans tenir compte des clans opposés les uns aux autres. Mais dès la fin du mois de septembre 1832, les conflits de nature politique qui surgissent sans cesse, provoquent son désintérêt pour laction politique. Il séloigne des affaires publiques et revient à la création littéraire.
La publication, en décembre 1832, des Livres de la nation et du pèlerinage polonais (Ksiegi Narodu i Pielgrzymstwa Polskiego), marque le début dune nouvelle phase dans lactivité de Mickiewicz. Il y présente en effet à ses compagnons dexil une nouvelle façon de reconquérir la patrie, en se purifiant moralement et religieusement. La première partie, Le livre de la nation, est à la fois une violente protestation contre la conception dune politique sans morale, et une vigoureuse affirmation des droits de la politique chrétienne, cest-à-dire inspirée des lois de lamour et de la fraternité évangéliques. Le livre du pèlerinage indique la route sur laquelle la Pologne doit sengager ; pour ressusciter et vivre comme nation libre, les Polonais, pèlerins dune authentique politique chrétienne, doivent dabord se perfectionner individuellement.
Les idées de Mickiewicz se répandent et deviennent de plus en plus influentes 3 . Mais cela ne lui suffit plus ; le poète a besoin de les concrétiser et, avec un groupe damis, fonde en décembre 1834 lassociation des Frères unis, sorte de congrégation laïque tournée vers la résurrection nationale et la renaissance spirituelle. Lacte de fondation des Frères unis 4 commence par de très nombreuses citations des Evangiles, et désigne les moyens qui devraient permettre datteindre le but cherché :
« - prier quotidiennement pour nous-mêmes, pour la Patrie et le prochain, pour nos amis et nos ennemis ;
- accomplir en paroles et en actes les préceptes du Seigneur ;
- entraîner par notre exemple nos compatriotes dans cette voie ;
- nous y maintenir nous-mêmes, en nous aidant les uns les autres. »
Lun des disciples de Mickiewicz, Bogdan Janski, rivalise de zèle et, dès le mois de février 1835, tente de créer un embryon de vie communautaire en accueillant à son domicile, rue de Suresnes, deux autres adeptes, Piotr Semenenko et Adam Celinski. Puis, sous son influence, les Frères unis évoluent vers une Fraternité pour le Service de la Nation, mais le jour même de la constitution officielle de la Fraternité, cest-à-dire le 13 juin 1835, des divergences dopinions apparaissent entre Janski et Celinski ; Janski, Semenenko et Celinski se séparent.
Janski persévère dans son entreprise. En février 1836, il fonde avec Piotr Semenenko et Hieronim Kajsiewicz la maisonnette de Janski, située au numéro 11 de la rue Notre Dame des Champs, ce qui fut considéré ensuite, sans réelle justification, comme le début de la Mission catholique polonaise 5 . De petites divergences existent à propos de la date de la fondation. Kajsiewicz écrit le 18 mai 1836 à Pavie 6 :
«(...) Je ne sais pas si tu as eu connaissance que le 15 février 1836, six dentre nous, amis catholiques, avons loué un logement afin davoir la possibilité de pratiquer la vie chrétienne. » ;
par contre, Janski, dans ses notes, donne la date du Mercredi des Cendres 17 février 1836 7 , date qui a été par la suite officiellement retenue par la Mission catholique polonaise.
Au cours des premiers mois de lannée 1836, le nombre de personnes liées avec la maisonnette augmente rapidement. Dans ses notes, à la date du 25 septembre 1836, Janski en précise la liste, en les répartissant en deux groupes: le premier, constitué de ceux qui habitent rue Notre Dame des Champs (Janski, Jozef Hube, Edward Dunski appelé aussi Karski, Wiktor Sidorowicz et Jozef Ziemecki), le second, formé de ceux qui poursuivent leurs études de séminaire au Collège Stanislas, mais conservent un étroit contact avec la maisonnette (Piotr Semenenko, Hieronim Kajsiewicz, Leonard Rettel).
En 1837, le nombre des habitants de la maisonnette fluctue entre cinq et sept. En septembre 1837, Semenenko et Kajsiewicz partent pour Rome, afin dy terminer leurs études de théologie. A leur place, entrent au séminaire du Collège Stanislas, Edward Dunski et Jozef Hube. En 1838, de nombreuses demandes pour mener la vie religieuse commune de la maisonnette sont présentées à Janski. Cette situation loblige à trouver un autre logement, au numéro 13 de la rue Vavin. A la fin de lannée 1838, environ vingt personnes résident dans les deux maisons parisiennes.
En 1839, certains membres de la confrérie traversent une crise idéologique : en mars, lune des maisons doit être abandonnée, il ne reste plus que sept membres. Si la volonté de Janski ne connaît aucun fléchissement, ses forces physiques le trahissent. En octobre 1839, un refroidissement loblige à saliter ; ses compagnons de Rome lincitent à les rejoindre, il arrive à Rome en janvier 1840 et y meurt le 2 juillet. Après le départ pour Rome de Janski, puis de son adjoint Hipolit Terlecki, il ne reste à Paris que deux frères. Dans la pratique, toute activité de la maison parisienne est suspendue, et la continuation du mouvement religieux dépend alors uniquement de la communauté romaine.
Semenenko et Kajsiewicz sont ordonnés prêtres en décembre 1841, puis Dunski et Hube en janvier 1842. Au cours du Carême de lannée 1842, ils élaborent une règle en trente trois points, et le jour de Pâques de la même année, est officiellement formée une nouvelle congrégation sous le nom de la Résurrection du Seigneur. Ils se lancent aussitôt dans laction pastorale auprès des immigrés polonais en France. Dès le 7 juin 1842 déjà, Dunski est à Paris ; le 12 juillet, arrive Kajsiewicz, et à la fin de lannée ou au début de lannée 1843, Semenenko. Ils se mettent à luvre avec dautant plus de ferveur quà partir de 1841 sest répandu au sein de limmigration un nouveau courant religieux, le towianisme, du nom de son fondateur, Andrzej Towianski.
La doctrine présentée par Towianski peut se ramener à lidée suivante 8 : une nouvelle époque chrétienne souvre dans lhistoire de lhumanité, et pour réaliser luvre de Dieu, la Pologne doit répondre aux exigences de sa vocation chrétienne ; lémigration a une mission privilégiée au sein de la nation, et cest Towianski, prophète des temps nouveaux, qui a été choisi pour la lui révéler. Proches des idées messianiques de Mickiewicz, ces conceptions séduisent le poète qui, à partir de septembre 1841, sen fait le principal disciple et propagateur. La forte personnalité de Mickiewicz, son autorité morale, son influence sur les immigrés à Paris, font que les Résurrectionnistes, en particulier Piotr Semenenko et surtout Hieronim Kajsiewicz, verront dans la doctrine de Towianski une hérésie dont il faut absolument sauver la communauté polonaise, et livreront une lutte acharnée contre le poète 9 .
La première tâche des Résurrectionnistes à Paris est détablir des messes dominicales régulières pour les Polonais. Quelques tentatives ont déjà échoué auparavant. Ainsi, lorsque les émigrés se sont massivement fixés à Paris après léchec de lInsurrection de Novembre 1830, des messes dominicales à leur intention ont été célébrées en léglise Saint Louis en lIle, près de lHôtel Lambert, résidence du prince Adam Jerzy Czartoryski, ou en léglise Saint Germain des Prés, où se trouve le tombeau du roi de Pologne Jean Casimir, ou encore en léglise Saint Séverin ; mais aucune aumônerie na été constituée de manière durable pour les Polonais, même pour ceux demeurant à Paris. Immédiatement après la mort de Janski, respectant les termes de son testament, Dunski interrompt ses études de théologie pour une brève période, part à Rome en octobre 1840, puis regagne Paris pour réorganiser et ranimer la maisonnette. Lune de ses missions est justement de créer une chapelle polonaise fixe. Ses démarches sont couronnées de succès : le dimanche 27 septembre 1840, a lieu la première messe en léglise Notre Dame des Victoires. Mais cette tentative aussi ne connaît pas de suite durable : bien avant larrivée des Pères Résurrectionnistes de Rome, plus aucune messe pour les Polonais nest célébrée dans cette église, probablement à cause de la personnalité de labbé Korycki qui, en charge de ces offices, na pas su attirer ses compatriotes divisés.
Par contre, les efforts des Résurrectionnistes aboutissent assez rapidement : le 11 septembre 1842, dans la Chapelle du Calvaire de léglise Saint Roch, se déroule linauguration dun office particulier pour les immigrés. Très vite, le talent oratoire de Hieronim Kajsiewicz attire la foule ; Dunski écrit à ce sujet à Semenenko 10 :
« Au cours de son dernier sermon, Frère Hieronim a développé une chose difficile et malgré les mots durs quil leur a adressés, il les a cependant émus jusquaux larmes. Le cher Frère Hieronim sest révélé un grand prédicateur, tout de suite, dans ses premiers sermons... Nous aurons en Frère Hieronim un prédicateur exceptionnel. Tout le monde est impressionné par ses sermons et les loue ».
Les Pères Résurrectionnistes se rendent également en province pour visiter les dépôts polonais disséminés sur le territoire français. Au milieu du mois de février 1843, Kajsiewicz se met en route pour Toulouse ; en chemin, il prêche dans tous les dépôts quil rencontre : 18 février à Angers, 25 à Tours, 27 à Poitiers, 1er mars à Bordeaux, 4 à Langon, 5 à Agen, et 7 à Toulouse. En août et septembre 1843, Kajsiewicz accomplit déjà son deuxième périple : au début du mois daoût, Angers du 11 au 17 août, Tours, puis Nantes, de nouveau Tours à partir du 20 septembre, Poitiers. Au même moment, Dunski visite les centres de Beauvais, Tours, Château Razay. Hipolit Terlecki, arrivé de Rome à Paris en juin 1843, mène une activité missionnaire à Aix en Provence, Nîmes, Montpellier, Toulouse, Bordeaux, Poitiers, Tours, Orléans. La visite des dépôts et laction pastorale auprès des immigrés y résidant deviennent la principale activité missionnaire de la jeune congrégation, activité quelle sefforcera constamment de maintenir.
--------------------------------------------------------------------------------
Développement et déclin de la Mission (1844 - 1919)
Au lieu de veiller à la consolidation interne de la congrégation, ses premiers membres se dépensent donc sans compter dans le travail pastoral au sein de limmigration. Cest pourquoi ils se trouvent sans défense lorsque les problèmes surgissent ; Kajsiewicz explique dans une lettre à Jan Kozmian les causes des premières difficultés rencontrées par la congrégation 11 : « Tu sais que tout droit des bancs de lécole, nous avons couru pour sauver lémigration du towianisme. Je reconnais aussi que péchant par lexcès de zèle propre aux novices dans lapostolat, nous avons trop consacré nos âmes et notre maison à des travaux extérieurs (...) ».
A peine fondée, la congrégation subit, au début de lannée 1844, une première attaque de la part de certains prêtres émigrés qui, voyant la masse des fidèles participant aux offices célébrés dans la Chapelle du Calvaire de léglise Saint Roch, puis dans léglise de lAssomption située rue Saint Honoré, désirent accaparer ces centres. A la fin de lannée 1845, à la suite de désaccords avec certains membres de la congrégation au sujet de la constitution dune branche féminine et à la suite dévénements personnels, Semenenko est démissionné de son poste de supérieur général et, pendant trois ans, ne prend part à aucune activité de la congrégation. En 1848, Edward Dunski passe au towianisme ; un an plus tard, il quitte la congrégation. Une autre tragédie pour le jeune ordre religieux est labandon par Hipolit Terlecki non seulement de la congrégation mais même du catholicisme, abandon consécutif à son revers dans la défense, contre les intrigues de la diplomatie tsariste, du Séminaire catholique slave des pères Résurrectionnistes quil avait fondé à Rome en vue du travail pastoral parmi les catholiques uniates de lEst européen.
Le 27 septembre 1849 12 , larchevêque de Paris, Denis Affre, met à la disposition des pères Résurrectionnistes léglise de lAssomption, rue Saint Honoré, sur le terrain de la paroisse Sainte Madeleine ; à côté de léglise, au numéro 263-bis de la rue Saint Honoré, la congrégation installe son siège. Depuis cette date, léglise de lAssomption est communément appelée église polonaise de Paris. Cependant, dès 1844, les pères Résurrectionnistes y célébraient des offices ; cest pourquoi, certains documents indiquent lannée 1844 comme date officielle de linstallation de la Mission en ce lieu 13 .
A cette époque également, sopère lorganisation définitive de la mission parisienne des Résurrectionnistes sous la direction énergique du père Jelowicki 14 . Ayant pris part à lInsurrection de Novembre 1830, Aleksander Jelowicki quitte la Pologne après léchec de celle-ci, et se retrouve à Paris où il fonde avec Eustachy Januszkiewicz et Stefan Dembowski la Librairie polonaise ; en 1838, il entre au séminaire et reçoit lordination sacerdotale à Versailles, en tant que prêtre diocésain ; ce nest quen 1842 quil se rend à Rome, où il entre dans la congrégation de la Résurrection du Seigneur.
Sous son impulsion, le travail pastoral est davantage planifié, structuré, organisé. En relation avec laristocratie polonaise réfugiée en Europe de lOuest, la Mission établit un service saisonnier dans les stations estivales de Hyères et dOstende. Une imprimerie et une maison dédition de livres religieux remplissent un rôle considérable. Un pèlerinage à Notre Dame des Victoires est organisé deux fois par an ; et le 8 décembre 1854, jour de la proclamation du dogme de lImmaculée Conception, une plaque de marbre est apposée sur lun des murs du sanctuaire marial en souvenir des pèlerinages polonais. Au cours de lInsurrection de Janvier 1863, le père Jelowicki déploie une intense activité pour intéresser au sort de la Pologne ses amis appartenant à lélite de la société française. Au cours de la Commune de Paris, il mène une action en faveur des plus démunis ; léglise polonaise est cependant entièrement pillée, et le curé de la paroisse Sainte Madeleine, labbé Deguery, y est assassiné ; le pape Pie IX prend part à la restauration de léglise, en offrant des vêtements liturgiques, des calices, un ostensoir. En 1874, la Mission organise pour la première fois un pèlerinage des Polonais de France à Lourdes.
Les années de direction de la Mission par le père Jelowicki sont donc des années dintense et profonde activité pastorale ; cette époque est certainement aussi celle du XIX-ème siècle, où son autorité et son influence ont été les plus grandes. Une plaque commémorative dans léglise polonaise, dévoilée en novembre 1930 par lambassadeur A. Chlapowski et bénie par larchevêque de Paris, de Guébriant, rappelle les mérites du premier recteur de la Mission polonaise. La seule ombre dans lactivité du père Jelowicki est la réaction négative dune partie de la société polonaise, contre la façon dont les fonds collectés pour la construction dune église propre aux Polonais ont été utilisés. En 1865, avec la permission des principaux donateurs et du pape Pie IX lui-même, cet argent a été utilisé pour la fondation du Collège papal polonais des pères Résurrectionnistes à Rome. De vives critiques se sont alors soulevées à lencontre du père Jelowicki.
Le premier successeur du père Jelowicki à la direction de la Mission est le père Wladyslaw Witkowski ; il prend ses fonctions en 1876, un an avant la mort dAleksander Jelowicki. Auparavant, le père Witkowski sétait acquis la reconnaissance des autorités françaises en tant quaumônier militaire au cours de la guerre franco-prussienne de 1870 et du siège de Paris : il avait alors organisé et personnellement dirigé une infirmerie de campagne, il sétait également occupé du sort des prisonniers de guerre. En récompense de ses mérites, le président de la République française, Adolphe Thiers, lavait décoré de la Légion dHonneur. Au cours de son rectorat, la Mission connaît un grand prestige social ; les rapports amicaux qui lient le père Witkowski au nonce apostolique à Paris, larchevêque Wlodzimierz Czacki, y contribuent beaucoup.
A la mort du père Witkowski, en 1893, la fonction de recteur est assumée pendant quelques semaines par le père Wladyslaw Bakanowski. Celui-ci transmet ensuite la charge au père Karol Grabowski (1893 - 1896).
Le successeur du père Grabowski est le père Wladyslaw Orpiszewski (1896 - 1903), le dernier des Résurrectionnistes au poste de recteur de la Mission. A cause dune initiative mal comprise du père Orpiszewski, éclate sous le rectorat de son successeur, labbé Leon Postawka, un nouveau conflit à propos de la construction dune église polonaise à Paris. Le père Orpiszewski lance lidée dune collecte pour la construction en France dun noviciat de la congrégation ; la société polonaise de Paris linterprète cependant comme devant servir à bâtir une église propre. Comme cet argent a également été transféré à Rome, le nouveau recteur de la Mission, en 1903, labbé Postawka, réclame sa restitution ; la congrégation romaine chargée des ordres religieux décide de rendre la moitié des fonds ; la somme est déposée à larchevêché de Paris en 1904, et la Mission bénéficie alors des intérêts.
A la mort du père Orpiszewski en 1903, la congrégation des Résurrectionnistes quitte la Mission ; la décision a été prise en 1901 déjà par le chapitre général de la congrégation, pour de multiples raisons, entre autres à cause des mesures anticléricales du gouvernement français. Le rectorat de la Mission est alors remis entre les mains du clergé diocésain : larchevêque de Paris, F. B. Richard, nomme le 18 décembre 1903, au poste de recteur, labbé Leon Postawka, du diocèse de Kielce, qui, depuis son arrivée en France après lInsurrection de Janvier 1863, exerce son sacerdoce dans les paroisses françaises à Paris. Le fait que la nomination du nouveau recteur dépende de larchevêque de Paris, sexplique par labsence de lien formel entre lEglise de Pologne et la Mission de Paris, malgré le prestige dont jouit celle-ci, tant en Pologne quen émigration.
Au cours de la Première Guerre mondiale, alors que lactivité politique polonaise est en pleine effervescence à Paris, la Mission reste à lécart ; elle nest plus représentée que par le vieil abbé Postawka, inapte à exercer ses fonctions. Seule l église polonaise sert aux différentes manifestations patriotiques et religieuses organisées par des prêtres polonais de passage à Paris. Lorsquen juin 1917 est créée à Paris la Mission militaire polonaise, afin de distinguer cette nouvelle institution de la Mission religieuse et éviter tout malentendu, cette dernière prend la dénomination de Mission catholique polonaise, titre qui est conservé jusquà nos jours.
Sous le rectorat de labbé Postawka (1903 - 1922), commence, à partir de 1909, larrivée en France dune immigration ouvrière polonaise, avec laquelle la Mission catholique nétablit dabord aucun contact structuré. Ce contact ne sétablira durablement quaprès 1920.
--------------------------------------------------------------------------------
UNE ASSISTANCE PONCTUELLE
--------------------------------------------------------------------------------
Les premiers ouvriers mineurs polonais dans le Nord de la France
A partir de 1909 arrivent, en provenance des régions industrielles allemandes de Westphalie et de Rhénanie, des ouvriers mineurs polonais appelés par les compagnies minières des départements du Pas-de-Calais et du Nord 15 . Leur arrivée répond à un manque de main-duvre estimé, en janvier 1908, à 15 000 mineurs pour lensemble de la France, cest-à-dire 8 à 10 % du personnel utile. Or, à cette époque, 130 000 mineurs polonais, installés avec leurs familles, travaillent dans le bassin rhéno-westphalien. Cette importante colonie polonaise sy est implantée peu à peu à partir de 1871, et surtout après 1880, attirée par la possibilité de trouver un emploi stable et bien rémunéré. Depuis 1899, elle se trouve confrontée à une politique de germanisation qui se fait de plus en plus vive 16 . Jozef Skrochowski, secrétaire du prince Witold Czartoryski, petit-fils du prince Adam Jerzy, émet alors lidée de faire appel à cette main-duvre polonaise pour pallier le manque de personnel en France. Certes, le prince Witold est actionnaire des Compagnies des Mines dAnzin et dAniche ; mais la volonté de soustraire les ouvriers polonais aux influences germanisatrices semble avoir été prépondérante.
Les premiers mineurs polonais arrivent donc en 1909 à Barlin dans le Pas-de-Calais, recrutés par la Compagnie de Vicoigne Noeux Drocourt. En mai 1910, la Compagnie dAniche en installe dautres à Lallaing et Guesnain, et celle dAnzin, à Wallers, dans le Nord. En 1912, les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais comptent environ 2 000 Polonais, dont 620 actifs employés dans les mines.
Très rapidement, ce groupe numériquement modeste développe une activité sociale assez dense, avec laide de Jozef Skrochowski et lappui financier du prince Czartoryski. Des classes polonaises sont ouvertes à Lallaing et à Guesnain ; des organisations sociales voient le jour sous limpulsion de Stefan Rejer, premier président de lUnion professionnelle polonaise (Zjednoczenie Zawodowe Polskie Z.Z.P.) fondée en 1902 à Bochum, installé en France depuis 1911 ; des sections gymnastiques Sokol sont créées.
Lassistance religieuse apportée à ces immigrés dépend aussi du soutien de J. Skrochowski et du prince Witold 17 . Le prince couvre les frais de transport et de séjour des Pères Missionnaires de Cracovie qui rendent visite, pendant les mois dété, aux plus importants centres polonais ; J. Skrochowski soccupe de lorganisation de ces déplacements, en informant de larrivée des Pères, en leur facilitant le contact avec les colonies polonaises, et en obtenant pour eux les pouvoirs canoniques auprès des évêchés français. Cest ainsi que, par exemple, les pères Wiktor Bieniasz, Konstanty Witaszek et Truszkowski visitent, dès 1910, les Polonais installés à Arenberg, Lallaing, Escaupont, Liévin et Barlin. En avril 1912, le père Jan Wilhelm Kulawy, de la congrégation des Oblats de Marie Immaculée, prêche une mission à Barlin, Guesnain et Lallaing 18 .
La vie religieuse se développe également au sein dorganisations fondées sur le modèle de celles existant en Westphalie. En 1910, est créée à Barlin une Association de Ste Barbe pour les Mineurs (Stowarzyszenie Sw. Barbary dla Gornikow), et une Association de St. Adalbert (Stowarzyszenie Sw. Wojciecha) à Lallaing 19 .
Très vite, les catholiques polonais employés par les compagnies minières ressentent durement labsence dun prêtre parlant leur langue, comprenant leur mentalité et leur expression propre de la foi. Une motion de lAssociation de Ste Barbe de Barlin, prise en 1910 déjà, réclame à la direction de la compagnie et au curé français, la venue dun prêtre polonais. Les négociations se poursuivent entre le prince Czartoryski, lévêché dArras, la Compagnie des Mines de Noeux et le curé de la paroisse. Les détails des tractations ne sont pas connus ; elles aboutissent toutefois à létablissement dun prêtre polonais à Barlin, attesté par la présence de labbé Jan Swiader de larchevêché de Lwow en 1914 20 .
--------------------------------------------------------------------------------
Les ouvriers agricoles
Des accords, passés entre des organismes galiciens démigration et des sociétés dexploitants agricoles français (la Société dAgriculture de Meurthe-et-Moselle et la Fédération des Sociétés agricoles du Nord-Est de la France dabord, puis, à partir de 1910, la Société des Agriculteurs de France), permettent larrivée, entre 1908 et 1914, douvriers agricoles polonais, saisonniers dabord puis, dès 1909, embauchés à lannée. Leur nombre diverge selon les sources ; la plus récente étude de la question, réalisée par Madame Janine Ponty 21 , indique le chiffre de 10 000, dont 8 000 provenant de Galicie, cest-à-dire des territoires polonais occupés par lempire austro-hongrois, et 2 000 de la partie polonaise prise par la Russie. Ces ouvriers sont disséminés dans les départements agricoles français. Eparpillés, peu, en tout cas très mal, protégés par un contrat de travail hâtivement négocié entre les organismes polonais et français, souvent exploités par les fermiers, mal logés et sous-payés, ils vivent, pour la plupart, dans le dénuement, aggravé encore par une misère morale profonde : la différence de comportement religieux de la société française, dans laquelle ils sont amenés à évoluer, surprend bon nombre de ces ouvriers immigrés.
La Mission de Paris, dirigée par le vieil abbé Postawka, ne peut leur être daucun secours. La Société dEmigration polonaise (Polskie Towarzystwo Emigracyjne P.T.E.) de Cracovie envoie bien, en septembre 1909, un prêtre du diocèse de Tarnow, labbé Jakub Gorka, puis au printemps 1910, labbé Reczajski, étudiant à Louvain, pour visiter les Polonais travaillant dans les fermes ; mais, face à limmensité de la tâche, lenvoi dun seul prêtre paraît dérisoire 22 . Leurs rapports mentionnent les plaintes unanimes des ouvriers relatives à limpossibilité, dans laquelle ils se trouvent, daccomplir les pratiques religieuses les dimanches et jours de fête. Le contrat, imposé en 1909 aux partenaires français par lOffice central de Placement de Lwow et la P.T.E., prévoit bien, à larticle 3, que « les ouvriers seront complètement libres les dimanches et les jours fériés suivants : » suit une énumération de seize cérémonies religieuses, dont certaines sont plus ou moins abandonnées en France, en tout cas non chômées. Mais ce contrat reste le plus souvent lettre morte, beaucoup dexploitants ne se sentant pas tenus de le respecter.
Les organismes officiels faisant défaut, cest une initiative privée qui apportera aux ouvriers agricoles polonais une certaine aide et un réconfort. Alertée par la fille du comte de Montalembert, qui sindigne de la situation déplorable des ouvriers polonais dans le département de la Côte-dOr, la comtesse Maria Zamoyska fonde, vers le milieu de lannée 1910, une uvre dans le but dassurer aux immigrés polonais employés dans lagriculture, à la fois une assistance religieuse et une défense juridique contre les exactions des fermiers français et toutes sortes dagents recruteurs malhonnêtes 23 . Linstitution sinstalle à Paris, dans un vieux local situé dans lîle Saint Louis, au 6 quai dOrléans, siège de la Bibliothèque polonaise, et bénéficie rapidement de dons généreux pour mener son action. Dès la première année de fonctionnement, grâce aux relations de la comtesse Zamoyska, notamment avec la Société des Agriculteurs de France, elle réussit à placer un millier de Polonais introduits illégalement en France. Ce type dactivité nécessite cependant une déclaration juridique. La fondation de la comtesse Zamoyska est donc déclarée à la Préfecture de Police de Paris le 28 octobre 1912, sous le numéro 155 488 et sous le nom de Protection de lOuvrier polonais en France (Opieka nad Robotnikiem polskim we Francji).
La fondation recrute aussi un prêtre français parlant le polonais, labbé Auguste Lurat, aumônier dun institut pédagogique financé à Zakopane par la comtesse Zamoyska, pour visiter, au printemps et en été, les différents centres agricoles habités par des Polonais. Labbé Lurat sert également dintermédiaire entre les ouvriers et les fermiers, pour régler les conflits nés de lincompréhension mutuelle. La tâche est gigantesque. Aussi, à la demande des curés des paroisses ou des patrons, ce sont parfois des représentantes de la Protection qui partent dans les villages, pour diriger les chants au cours de la messe dominicale et rendre divers services aux immigrés. Luvre publie aussi, en 1911, une brochure bilingue intitulée Questionnaire franco-polonais, méthode permettant à tout prêtre de confesser les Polonais sans savoir leur langue, dune efficacité sans doute toute théorique, mais qui témoigne de lextrême difficulté dassurer une assistance religieuse aux immigrés.
Toutes ces activités de la Protection de lOuvrier polonais sont menées avec lappui des évêchés français, en particulier ceux de Nancy, Troyes et Versailles 24 , qui ouvrent les colonnes de leurs bulletins diocésains, pour annoncer la venue de laumônier ou de ses envoyés, ou encore publier ses appels et informations. La Protection entretient du reste une correspondance étroite avec les évêques français, les employeurs, les institutions chargées du sort des ouvriers polonais ; elle commence peu à peu à se faire reconnaître et apprécier. Son grand mérite est davoir maintenu les visites aux ouvriers agricoles polonais, malgré les dépenses importantes occasionnées, jusquau déclenchement de la Première Guerre mondiale.
--------------------------------------------------------------------------------
Le bouleversement de la Première Guerre mondiale
La Première Guerre mondiale va complètement modifier la situation des immigrés polonais en France. Si les ouvriers agricoles, dispersés à travers un vaste territoire, ne causent pas de souci à ladministration française, il nen est pas de même dans les centres miniers du Nord, où les réactions de xénophobie à légard des mineurs polonais, sujets autrichiens ou allemands, sintensifient après la mobilisation et lentrée en guerre. Dès le début des opérations militaires, les Polonais du Nord sont dirigés vers les mines de charbon du Centre : Aubin et Cransac (Aveyron), Roche-la-Molière et Saint-Etienne (Loire), Alès (Gard) 25 . Un prêtre polonais, labbé Michal Piaszczynski, se voit confier, pour toute la durée de la guerre, la charge pastorale des Polonais employés par la Compagnie des Mines de Roche-la-Molière, et de la paroisse française privée alors de curé.
Grâce à linitiative de la colonie polonaise de Paris, une assistance religieuse est également assurée pour les prisonniers de guerre polonais ayant servi dans les armées ennemies. Ce sont les pères de la congrégation du Sacré Cur de Jésus qui en ont dabord la charge, notamment au Puy où se trouve le principal centre de regroupement des prisonniers polonais. Puis, en 1915, le gouvernement français nomme labbé Augustyn Jakubisiak, qui mène ses études en France depuis quelques années, aumônier des prisonniers allemands ou autrichiens dorigine polonaise 26 .
Le décret du 4 juin 1917, signé par le président Raymond Poincaré, permet la création sur le territoire français dune armée polonaise. A la fin de la guerre, cette armée commandée par le général Jozef Haller comptera plus de 30 000 hommes. Mais la part de lélément polonais résidant en France avant 1914 y est minime ; le gros des forces est constitué démigrés polonais venus dAmérique, de prisonniers de guerre, de déserteurs des armées ennemies. Sous le commandement de labbé Jan Wieckowski, 22 prêtres, dont 19 arrivés des Etats-Unis, y assurent les fonctions daumônier. Après le retour de larmée du général Haller en Pologne, labbé A. Sinka restera à Paris pour soccuper des Polonais soignés dans les hôpitaux militaires de Paris et de la région parisienne.
La société de secours aux ouvriers polonais en France de la comtesse Maria Zamoyska poursuit également son activité pendant toute la durée de la guerre 27 . Un comité dhonneur mixte franco-polonais lui permet de trouver des subsides provenant généralement de fonds privés ; un conseil de douze membres, parmi lesquels est choisi un bureau composé de quatre personnes, dirige adroitement lassociation ; la comtesse Zamoyska en demeure bien entendu la présidente. Comme, avant la constitution en août 1917 du Comité national polonais, il ny avait pas à Paris dorganisme officiel polonais, les ministères français des Affaires Intérieures et des Affaires Etrangères, ainsi que la Préfecture de Police de Paris, demandent à la Protection de lOuvrier polonais en France de vérifier les documents didentité démigrés polonais, de certifier leur nationalité polonaise, daider à classer les prisonniers de guerre internés dans les camps en tant que sujets de pays ennemis. Dès la première année de guerre, laction efficace de la fondation de la comtesse Zamoyska permet de faire libérer plus de mille prisonniers polonais ; elle mènera cette activité jusquà la fin des hostilités.
--------------------------------------------------------------------------------
QUEL AVENIR ?
La fondation de la congrégation des Résurrectionnistes constitue certainement une réponse au désarroi moral dans lequel se trouve plongée la Grande Emigration installée à Paris après léchec de lInsurrection de Novembre 1830. A travers les premières tentatives, les Frères unis du poète Adam Mickiewicz dès décembre 1834, transformés en Fraternité pour le Service de la Nation sous limpulsion de Bogdan Janski, puis la maisonnette de Janski à partir de février 1836, il sagit dapporter aux Polonais vaincus des raisons despérer en la victoire finale, en proposant une réflexion sur la conduite tenue jusqualors et de nouvelles pistes daction : la résurrection nationale passe dabord par la renaissance spirituelle. Lordre des Résurrectionnistes, fondé à Rome à Pâques 1842, est laboutissement de la démarche religieuse entreprise par quelques membres de la maisonnette.
Cette création permet cependant linstallation durable à Paris dune institution catholique polonaise et lexistence dune pastorale propre. Arrivés dans la capitale française au cours de la seconde moitié de 1842, les Résurrectionnistes redoublent defforts pour organiser des offices pour les Polonais, sopposer aux idées propagées par Andrzej Towianski avec laide dAdam Mickiewicz, et étendre aussi leur action vers les dépôts polonais disséminés à travers la France, où sont cantonnés les soldats de linsurrection. La mise à la disposition de la congrégation en septembre 1849, par larchevêque de Paris Denis Affre, de léglise de lAssomption et du bâtiment attenant, situés rue Saint Honoré, constitue le point de départ véritable de linstitution catholique appelée Mission polonaise. Dorénavant, la congrégation dispose dun siège fixe à partir duquel elle peut développer son activité.
Mais, malgré larrivée de deux autres courants migratoires de Pologne, après le Printemps des Peuples en 1848 et léchec de lInsurrection de Janvier 1863, courants nettement moins nombreux et moins prestigieux que celui daprès 1830, le champ daction de la Mission polonaise se rétrécit peu à peu et se cantonne presque exclusivement à la communauté polonaise installée dans la capitale. Aussi, lorsque lordre des Résurrectionnistes la quitte en 1903, cest un prêtre déjà assez âgé, labbé Leon Postawka, que larchevêché de Paris place à sa tête.
Dans ces conditions, le fait que la Mission nétablisse aucun contact avec les premiers ouvriers polonais arrivés en France à partir de 1909, ne suscite guère détonnement. Seules des initiatives privées, de la comtesse Zamoyska ou du prince Czartoryski en faveur des ouvriers agricoles et des ouvriers mineurs respectivement, sont capables de leur apporter une assistance religieuse. Même le bouleversement de la Première Guerre mondiale nentraîne aucun regain de la Mission : l église polonaise de Paris ne sert que pour des manifestations patriotiques, et la pastorale auprès des prisonniers de guerre sujets polonais des empires centraux est assurée par des prêtres nommés par le gouvernement français. Lapposition de ladjectif catholique dans son titre, à partir de le seconde moitié de 1917, na dautre but que de la distinguer de son homologue militaire.
Quelles perspectives davenir souvrent donc devant elle à la fin des hostilités ? Certainement aucunes, si un événement particulier nintervient pas pour modifier profondément la finalité de linstitution et lui redonner vitalité. Le faste des cérémonies patriotiques célébrées à léglise de lAssomption étant dissipé, après soixante-dix ans de mise à disposition des Polonais, celle-ci aurait été sans doute reprise par larchevêché de Paris ; et la Mission aurait peu à peu sombré dans loubli. Quelques initiatives privées auraient probablement continué à maintenir une assistance religieuse ponctuelle.
Mais létat de la France et de la Pologne restaurée, à la fin de la Première Guerre mondiale, va provoquer un phénomène dune importance et dune ampleur exceptionnelles : larrivée massive en France, à partir de 1920, de limmigration ouvrière polonaise. Les besoins en matière religieuse sont décuplés ; il faut apporter des solutions à une situation que ni lépiscopat français ni lépiscopat polonais ne sont préparés à affronter. Plutôt que de créer une nouvelle structure, la Mission catholique polonaise, puisquelle existe déjà, pourrait servir de centre de direction de la pastorale auprès des immigrés. Cest la grande chance qui soffre à elle. Encore faut-il pouvoir la réorganiser et la restructurer !
--------------------------------------------------------------------------------
PREMIERE PARTIE :
LENTRE-DEUX-GUERRES
--------------------------------------------------------------------------------
Chapitre 2
UN NOUVEAU CHAMP DACTION : LARRIVEE MASSIVE DES TRAVAILLEURS POLONAIS EN FRANCE
Le recours massif à la main duvre polonaise, queffectue la France à partir de 1920, constitue lévénement exceptionnel nécessaire à la Mission catholique polonaise pour retrouver un dynamisme depuis longtemps oublié. En effet, le problème du service religieux pour les Polonais résidant en France se pose dès lors en des termes complètement nouveaux par rapport à la situation davant la Première Guerre mondiale ; et la cause essentielle en est incontestablement le caractère massif de larrivée des ouvriers polonais : les besoins sont devenus trop grands pour se contenter encore de solutions précaires dues au zèle de quelques évêques polonais ou au dévouement dorganismes privés.
Le but de ce chapitre est de montrer limmensité de la tâche à accomplir pour assurer la pastorale des immigrés. Leur nombre dune part, leur répartition à travers presque tout le territoire français dautre part, soulèvent des difficultés auxquelles les institutions catholiques polonaises en France seront constamment confrontées. Les réponses aux questions : combien sont-ils arrivés ?, que font-ils ?, et en conséquence où sinstallent-ils ?, ont été magistralement données par Madame Ponty dans létude déjà signalée. Son livre, Polonais méconnus Histoire des travailleurs immigrés en France dans lentre-deux-guerres, est fondamental sur le sujet et nous dispense de longs développements. Le rappel de lorigine du mouvement migratoire des Polonais vers la France et de quelques tableaux statistiques suffit pour avoir une vue densemble de la question.
--------------------------------------------------------------------------------
UNE CONVENTION D EMIGRATION NECESSAIRE AUX DEUX PARTIES
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, lémigration de ses citoyens pour la Pologne et le recours à la main-duvre étrangère pour la France constituent des impératifs économiques.
Après cent vingt-trois années de domination étrangère totale, mise à part la brève parenthèse du Duché de Varsovie, la Pologne retrouve son indépendance en novembre 1918 dans des circonstances difficiles : le général Pilsudski est certes proclamé chef de lEtat, mais aussi bien à lest quà louest, le sort de territoires entiers nest pas réglé, et ne le sera souvent quaprès dâpres combats.
A ces problèmes politiques viennent sajouter des difficultés économiques et sociales, qui forment sans doute le handicap le plus important pour la Pologne renaissante. Au cours du XIX-ème siècle, les trois puissances copartageantes, la Russie, lAutriche et la Prusse, nont guère favorisé lessor de lindustrie sur les territoires polonais ; léconomie y est restée essentiellement agraire. Certes, des différences existent entre les trois tronçons ; mais partout, la proportion douvriers agricoles totalement démunis et de propriétaires dexploitations trop petites pour subvenir aux besoins de leurs familles, est prépondérante. Ces paysans, misérables, en grande majorité analphabètes, ont pris très tôt lhabitude démigrer vers lAmérique, lAllemagne, puis la France à partir de 1909, en quête dun avenir meilleur. Les territoires polonais ont également servi, pendant la guerre, de théâtre dopérations militaires et, de ce fait, subi de profondes dévastations. En 1919, le caractère agricole du pays, la surpopulation des campagnes, le retard dans lindustrialisation et les techniques agricoles, les destructions dues à la guerre, ne paraissent pas devoir être résorbés rapidement. La fin de la guerre et la défaite des empires centraux provoquent aussi le retour au pays de prisonniers de guerre, de soldats démobilisés, de travailleurs déportés. Le traité de Versailles donne enfin la possibilité aux Polonais ressortissants allemands dopter pour la nationalité polonaise et de rentrer au pays ; mais la Pologne ne peut garantir demploi à tous ceux qui souhaitent quitter la Rhénanie Westphalie. Les candidats à lémigration ne manquent donc pas.
Pour sa part, la France sort de la guerre, meurtrie et ébranlée. Le bassin houiller du Nord de la France a particulièrement souffert des hostilités : aux effets dévastateurs de la guerre se sont ajoutés les destructions et les sabotages systématiques opérés par les troupes allemandes en retraite. En 1918, le Comité Central des Houillères de France (C.C.H.F.) fait état de 200 fosses inutilisables, et compte sur une production de 20 millions de tonnes pour 1919, la moitié de celle de 1913 ; au 1-er juillet 1919, il ne reste en France que 163 000 mineurs 28 . Dans lagriculture, la dénatalité, observée en France depuis un demi-siècle, labandon progressif des campagnes, joints aux pertes humaines consécutives à la guerre, imposent la nécessité de recruter des ouvriers étrangers. La Confédération des Associations agricoles des Régions dévastées (C.A.R.D.) va semployer, en liaison avec le C.C.H.F., à fournir à lagriculture les bras dont elle a besoin.
Une convention franco-polonaise relative à lémigration et à limmigration est signée le 3 septembre 1919. Le texte, imposé par la France à la Pologne après des négociations dérisoires, est très incomplet 29 . Alors que la France, dans sa recherche de main duvre étrangère, dispose de solutions de rechange : Belges, Portugais, Espagnols, Italiens, Tchécoslovaques, la Pologne voit se fermer les routes traditionnelles démigration vers lAllemagne, le Brésil ou les Etats-Unis. Varsovie na pas le choix, signe la convention ; et la Diète de Pologne la ratifie le 30 octobre 1919 malgré ses imperfections. Le grand mouvement de migration des Polonais vers la France peut commencer.
--------------------------------------------------------------------------------
UN RECRUTEMENT IMPORTANT
Une Mission française pour le Recrutement de la Main duvre en Pologne est créée tout de suite après la signature de la convention. Elle dépend du Ministère des Régions libérées, puis du Ministère du Travail, service de la Main duvre étrangère. Sa tâche consiste à procéder au recrutement des travailleurs polonais pour la France, à lexamen médical des candidats, à la vérification de leur aptitude professionnelle et à lorganisation de leur transport vers la France. Totalement dépassée, elle laisse rapidement aux représentants du C.A.R.D., en ce qui concerne les ouvriers agricoles, et à ceux du C.C.H.F., pour la main duvre destinée aux mines de charbon et aussi aux mines de fer, le soin de veiller au recrutement et au transport. A partir de 1924, lensemble des opérations passe sous le contrôle de la Société générale dImmigration (S.G.I.), qui nest quune émanation du C.C.H.F.
Du côté polonais, un seul organisme, lOffice dEmigration (Urzad Emigracyjny), relevant de deux ministères, celui des Affaires étrangères (Ministerstwo Spraw Zagranicznych M.S.Z.) et celui du Travail et de la Protection sociale (Ministerstwo Pracy i Opieki Spolecznej M.P.O.S.) est chargé de la surveillance de lémigration. Face à la toute puissance du C.C.H.F. puis de la S.G.I., il ne peut que déterminer les régions de Pologne où le recrutement sera autorisé, ainsi que le nombre et les catégories de travailleurs qui pourront faire lobjet dune embauche collective.
Le recrutement seffectue donc en Pologne avec une certaine ampleur. Ce sont surtout les paysans sans terres, les ouvriers agricoles les plus démunis, qui sont attirés par loffre démigration, et les voïévodies de Lwow, Cracovie, Poznan, Kielce et Lodz, qui fournissent, comme avant 1914, les plus gros contingents.
Le bassin minier de la Ruhr constitue une autre source de recrutement, dautant plus intéressante quil sagit là de mineurs qualifiés et expérimentés. La Pologne ne peut fournir de travail à tous ceux qui désirent opter pour la nationalité polonaise et rentrer au pays ; la Haute Silésie, qui connaît, de 1919 à 1921, trois insurrections successives et se trouve partagée entre la Pologne et lAllemagne après plébiscite, na pas besoin de main duvre supplémentaire. On estime à 30 000, peut-être 50 000, le nombre de Westphaliens qui rentrent en Pologne après la guerre 30 . Un accord, conclu le 5 juin 1920 à Paris entre les gouvernements français et polonais, permet au C.C.H.F. de soccuper directement du recrutement des mineurs polonais de Westphalie.
Peu important au cours de la première année (automne 1920 automne 1921), le flux migratoire des Westphaliens vers la France sintensifie après linstallation à Duisbourg, le 1-er janvier 1922, dun bureau du Comité des Houillères. Mais il est impossible den établir la valeur numérique : toutes les données publiées sur la question ne sont que des estimations ; et une nouvelle fois, retenons celle de Madame Ponty indiquant que le nombre de Westphaliens arrivés en France entre 1920 et 1925 oscille entre 100 000 et 130 000 31 . Par contre, il est établi que cette source de recrutement sest tarie après janvier 1925, lAllemagne réussissant alors à mettre un terme au départ des mineurs polonais.
Les statistiques concernant la main duvre recrutée en Pologne sont également très imprécises et varient beaucoup dune source à lautre. Le tableau suivant indique le mouvement global de la main duvre polonaise (ouvriers et membres de leurs familles), recrutée indifféremment en Pologne ou en Westphalie, selon des sources officielles françaises
(Bulletin du ministère du Travail) et polonaises (Annuaire statistique de la République de Pologne) 32 :
Mouvement de la main duvre polonaise
année entrées en France rapatriements
(1) (2) (1) (2)
1919 1920 14 651 14 183 2 031 ?
1921 9 345 8 851 4 113 4 100
1922 31 687 29 840 1 850 1 900
1923 54 673 70 895 61 1 100
1924 38 048 48 912 89 8 000
1925 30 634 36 373 11 5 126
1926 53 311 68 704 2 6 392
1927 9 981 16 211 12 509 4 143
1928 24 617 32 145 11 872 10 058
1929 55 269 81 508 10 578 8 448
1930 54 907 86 500 9 817 9 800
1931 19 947 28 000 24 570 26 174
1932 6 090 8 100 37 139 25 126
1933 7 359 11 400 16 178 10 171
1934 4 871 8 000 16 334 20 204
1935 1 036 1 400 20 731 35 451
1936 5 653 8 400 14 867 23 229
1937 24 188 33 000 2 893 7 600
1938 14 459 20 500 4 663 12 100
1939 5 162 ? 4 585 ?
totaux 465 888 612 922 194 893 219 122
(1) chiffres officiels français (2) chiffres officiels polonais
Même sils diffèrent entre eux du reste, il ny a aucune concordance entre les statistiques données par les différents auteurs ayant étudié la question , ces chiffres permettent de se faire une idée de limportance du phénomène migratoire des Polonais vers la France, tout en y décelant des phases de flux et de reflux en fonction de la conjoncture économique.
--------------------------------------------------------------------------------
UNE REPARTITION GEOGRAPHIQUE LIEE A LEMPLOI
Les Polonais sont donc massivement recrutés pour fournir la main duvre nécessaire à lindustrie du charbon ou du fer, et à lagriculture. Même si, au cours des années 1929 1931, lintroduction des Polonais sest faite dans des secteurs industriels plus diversifiés (la métallurgie, la sidérurgie, lélectrochimie, lélectrométallurgie), lindustrie minière (mines de charbon, de fer, ou de potasse) et lagriculture restent, pendant toute la période de lentre-deux-guerres, les domaines où les travailleurs polonais sont les plus nombreux : elles totalisent 58,5 % de la population active polonaise en France en 1926, 55,8 % en 1931, et 57,2 % en 1936.
La population active polonaise en France 33
Répartition par branche dactivité en 1926
nombre total pourcentage
Mines 70 797 41,8
Métallurgie, forges 19 873 11,7
Bâtiment 5 444 3,2
Textiles 14 806 8,7
Industrie chimique 6 796 4,0
Agriculture 28 263 16,7
Service domestique 4 932 2,9
Divers 18 668 11,0
total 169 579 100
Répartition par branche dactivité en 1931
nombre total pourcentage
Mines 94 389 37,5
Métallurgie, forges 42 395 16,8
Bâtiment 11 297 4,5
Textiles 18 629 7,4
Industrie chimique 8 169 3,2
Agriculture 46 083 18,3
Service domestique 7 651 3,0
Divers 23 422 9,3
total 252 035 100
Répartition par branche dactivité en 1936
nombre total pourcentage
Mines 59 150 26,9
Métallurgie, forges 17 164 7,8
Bâtiment 5 047 2,3
Textiles 22 499 10,2
Industrie chimique 3 614 1,7
Agriculture 66 563 30,3
Service domestique 10 897 5,0
Divers 34 693 15,8
total 219 627 100
La structure socio-professionnelle des immigrés polonais en France détermine leur répartition à travers le territoire français. Le tableau statistique suivant 34 montre comment la distribution géographique des Polonais en France se superpose à celle des grandes zones agricoles et industrielles, en particulier les régions minières.
Nombre de Polonais par départements (1921 1934)
(chiffres exprimés en milliers, entre parenthèses : pourcentages relatifs à la population polonaise en France)
département 1921 1926 1931 1934
Seine 14,8 (30,8) 31,8 (10,3) 50,6 (10,0) 56,0 (13,2)
Pas-de-Calais 3,4 (7,1) 91,0 (29,4) 115,3 (22,7) 125,3 (29,6)
Nord 1,3 (2,7) 49,6 (16,0) 76,4 (15,0) 81,9 (19,4)
Moselle 5,6 (11,7) 20,8 (6,7) 38,0 (7,5) 29,7 (7,0)
Meurthe-et-Moselle 2,9 (6,0) 12,1 (3,9) 27,1 (5,3) 21,6 (5,1)
Haut Rhin 0,6 (1,2) 3,5 (1,1) 11,1 (2,2) 8,3 (2,0)
Bas Rhin 1,3 (2,7) 3,2 (1,0) 3,4 (0,7) 4,2 (1,0)
Aisne 1,1 (2,3) 9,9 (3,2) 16,9 (3,3) 18,9 (4,5)
Seine-et-Oise 0,6 (1,2) 7,5 (2,4) 19,6 (3,9) 20,8 (4,9)
Oise 0,9 (1,9) 6,6 (2,1) 10,9 (2,2) 12,4 (2,9)
Seine-et-Marne 0,4 (0,8) 5,5 (1,8) 13,3 (2,6) 14,6 (3,4)
Somme 0,5 (1,0) 4,2 (1,4) 5,9 (1,2) 7,0 (1,6)
Saône-et-Loire 1,6 (3,3) 9,6 (3,1) 12,6 (2,5) 10,6 (2,5)
Loire 2,6 (5,4) 5,9 (1,9) 9,3 (1,8) 7,5 (1,8)
total 37,6 (78,3) 261,2 (84,5) 410,4 (80,8) 418,8 (99,0)
total en France 48 309 508 423
Ainsi, les Polonais forment dimportantes colonies dans le Pas-de-Calais (compagnies des mines de Marles, Bruay, Noeux, Béthune, Carvin, Courrières), le Nord (compagnies des mines dOstricourt, de lEscarpelle, Aniche, Anzin), en Lorraine (bassin de fer de Briey Longwy, bassin de charbon de Creutzwald, Freyming, Merlebach), dans le centre de la France (compagnies des mines de Roche-la-Molière et Firminy, de Montrambert et La Béraudière, dans le département de la Loire ; compagnies dAlès, La GrandCombe, dans le Gard ; mines dAlbi Cagnac, Carmaux, dans le Tarn ; mines dAubin, Cransac, Decazeville, dans lAveyron). Le regroupement de ces immigrés autour des puits de mines, le plus souvent dans des logements mis à leur disposition dans les corons par les compagnies minières, en tout cas dans des localités où ils forment une proportion importante de la population, favorise la constitution dun milieu national qui leur permet de supporter plus facilement les conditions de lémigration.
A lopposé, les travailleurs agricoles, même sils sont relativement nombreux dans les zones de grande culture (départements de lAisne, de lOise, de la Somme, de Seine-et-Oise, de Seine-et-Marne, indiqués dans le tableau précédent), sont beaucoup plus dispersés, et ne forment presque jamais de groupes compacts. Pendant toute la période de lentre-deux-guerres, la dispersion et lisolement restent les caractéristiques principales de limplantation des ouvriers polonais dans lagriculture.
--------------------------------------------------------------------------------
Chapitre 3
DES REPONSES DIVERSES A LURGENCE DES PREMIERES ANNEES (1919 - 1926)
La convention du 3 septembre 1919 régit les règles de lembauche des ouvriers polonais mais, entre autres, reste totalement muette sur les questions de leur encadrement scolaire et religieux. Or la vie en Pologne reste rythmée par les fêtes religieuses ; les marques de respect envers la religion et ceux qui sy sont consacrés, font partie des habitudes et témoignent dun savoir-vivre. En France, les immigrés polonais se trouvent plongés dans une société beaucoup plus indifférente du point de vue religieux. La méconnaissance de la langue les empêche aussi de se rapprocher de la paroisse et du curé français. Les immigrés en provenance de Westphalie, habitués aux dures luttes contre ladministration allemande pour obtenir lassistance dun prêtre polonais, sont surpris de ce que la France, pays de la liberté, ne leur en procure pas. Mais vers qui se tourner? La Mission catholique polonaise de Paris nest plus quun vestige et, en dehors de Paris, il ny a plus quun seul prêtre polonais en exercice : labbé Wincenty Helenowski à Barlin, dernier témoin de la situation créée par larrivée des premiers ouvriers polonais avant la Première Guerre mondiale.
Tout concourt donc à conférer à la situation religieuse des ouvriers polonais, au cours des premières années de leur installation en France, un caractère durgence : ils traversent souvent une profonde crise morale, caractérisée par un abandon progressif des pratiques religieuses 35 . Le diagnostic est assez précoce : les travaux universitaires des abbés Kaczmarek et Poszwa, en 1927 et 1930 respectivement, montrent déjà lindigence de la situation religieuse des immigrés polonais ; et le constat est sévère : « On peut dire que pendant plus de deux ans la plus grande partie des populations polonaises furent abandonnées au point de vue religieux », écrit labbé Czeslaw Kaczmarek 36 .
Et il faut du temps pour que des institutions officielles se mettent en place. Cest encore linitiative privée qui, la première, sefforcera dapporter aux immigrés, aide et réconfort.
--------------------------------------------------------------------------------
LES OEUVRES DE PROTECTION POLONAISES (OPIEKI POLSKIE)
La plus ancienne est la société de Protection de lOuvrier polonais en France, fondée en 1910 par la comtesse Zamoyska, et qui na jamais cessé de fonctionner. La fin de lannée 1919 voit sopérer des modifications en son sein 37 . LAssemblée générale du 24 septembre 1919 modifie la dénomination de lassociation, qui devient lOeuvre de Protection polonaise (Opieka Polska), et confie la présidence dhonneur à lépouse dIgnacy Paderewski, pianiste de réputation mondiale et homme détat polonais. Celle-ci sefforce de consolider la base matérielle de lOeuvre, en offrant la somme de 10 000 francs en juillet et de 9 000 francs en novembre 1919, et en obtenant une subvention trimestrielle de 10 000 francs accordée par lorganisation de la Croix Blanche polonaise en Amérique. Peu de temps après, la comtesse Maria Zamoyska rentre en Pologne, et elle est remplacée à la tête de lassociation par une autre comtesse Zamoyska, lépouse du comte Maurycy Zamoyski, ministre plénipotentiaire de Pologne à Paris 38 . Les relations de celle-ci permettent dassurer à lOeuvre de Protection une aide financière du gouvernement polonais : le Ministère polonais des Affaires étrangères octroie à partir du 3 septembre 1921 une subvention mensuelle de 1 500 francs, portée au 1-er février 1922 à 5 000 francs. Un nouveau changement à la présidence de lorganisation seffectue en 1924 : cest lépouse du ministre plénipotentiaire puis ambassadeur de Pologne à Paris, Alfred Chlapowski, qui en assure désormais la direction.
La Protection polonaise renoue dabord avec lactivité menée avant la guerre mondiale : en 1920, 1921 et 1922, elle envoie des prêtres polonais aux ouvriers agricoles disséminés 39 . Puis, une structure ecclésiastique polonaise ayant été de nouveau mise en place en France, il semble que lOeuvre ait abandonné ce type dactivité. Elle mène aussi des actions caritatives nombreuses : aide aux indigents, recherche de travail, rapatriement, aide médicale gratuite ; les plus démunis sont dirigés vers le foyer situé boulevard Jourdan, où leur sont donnés des soins médicaux, des repas, des aides multiples. Une préoccupation constante de lOeuvre de Protection est le sort des enfants. Avec laide dun organisme caritatif américain, lAmerican Catholic War Council, elle ouvre en novembre 1919, à Saint Germain en Laye, un foyer pour enfants polonais, quelle doit fermer, en 1920 déjà, par manque de budget approprié et de personnel qualifié. En 1921, elle a de nouveau à sa charge 21 enfants placés dans différentes institutions, en particulier celle de Saint Casimir à Paris, et 25 enfants en 1922. En 1924, elle transfère 15 orphelins de lInstitut Saint Casimir dans une école créée à Puiseux, dans lOise, par une demoiselle Walacha et labbé Lurat, et subvient à leur entretien. Les exemples de lactivité débordante de lOeuvre foisonnent. Mais le nombre de demandeurs augmente régulièrement: 3 513 personnes se sont adressées à elle en 1920, 22 686 en 1924 ; et les besoins deviennent très disparates. Une restructuration de lorganisation parisienne savère indispensable.
Les premières mesures sont de nature administrative et financière. Les statuts de lassociation sont modifiés par lAssemblée générale du 28 mars 1925, afin de lui permettre dacquérir la reconnaissance dutilité publique ; le Bureau de lOeuvre est chargé de préparer les documents correspondants, mais rien nindique que la demande ait abouti. Par souci déconomie, le siège du Quai dOrléans pouvant être sous-loué, un nouveau local, situé au 11 rue de lInterne Loeb dans le 13-ème arrondissement et obtenu à des conditions avantageuses, sert de siège à partir du 15 décembre 1926. Mais le fait le plus remarquable consiste en la décentralisation quelle effectue en créant des filiales en province. Ainsi, une section de lOeuvre de Protection est créée à Lille en septembre 1925, à Metz dans le courant de lannée 1926, et au Havre à partir du 5 juin 1926. Peu à peu, un réseau assez dense de sociétés de secours aux Polonais va couvrir la France. Toutes ne sont sans doute pas des filiales de lorganisation parisienne ; ainsi, sur les sept sociétés existant à la fin de lannée 1926 40 , il semble que trois, situées à Amiens, Lyon et Strasbourg, ne soient pas rattachées à Paris. Le nom et les buts de lOeuvre de Protection polonaise de Paris sont sans doute suffisamment connus et appréciés des personnes préoccupées du sort des ouvriers polonais, pour quils placent leur propre action sous la même dénomination. Mais les archives ont conservé peu de témoignages du dévouement de leurs animateurs, sans doute primordial à une époque où la multiplicité et la complexité des besoins rendaient la situation des immigrés polonais particulièrement précaire. Nous ne pourrons que mentionner brièvement, par la suite, lévolution de ces sociétés. Il faut cependant noter que certaines dentre elles développent très rapidement des activités propres. Ainsi par exemple, lOeuvre de Protection de Lille ouvre, dès 1926, deux dispensaires de soins destinés aux immigrés polonais : à Douai et à Bruay-en-Artois 41 .
Laction de lOeuvre parisienne va connaître aussi une profonde mutation avec la spécialisation de ses secteurs dactivités. Lannée 1925 voit apparaître des sections spécialisées avec, souvent, leurs propres budgets et leurs propres dirigeants : contact avec le Dispensaire interallié de la Croix Rouge française pour les soins médicaux, Mission hospitalière (Misja szpitalna), Section féminine et maternelle (Sekcja kobieca i macierzynska) 42 . A cela sajoutent toutes les actions caritatives précédemment décrites, qui sont toujours menées avec la même vigueur.
Une autre société de bienfaisance, très active en milieu rural, mérite dêtre citée : il sagit de celle dAmiens. A sa fondation, ce nest pas à proprement parler une association polonaise. Elle est créée en novembre 1923 par un jésuite français, le père Joseph Baumgartner, et labbé Ferdynand Machay, alors aumônier polonais à Amiens, dans le but d « apporter une aide morale aux émigrés polonais dans le département de la Somme, veiller au développement intellectuel et social des ouvriers polonais, apaiser les conflits pouvant résulter des contrats de travail » 43 . Elle bénéficie de la protection dun Comité franco-polonais ayant à sa tête le député de la Somme, Antoine ; son Bureau, dirigé par le père Baumgartner, ne compte que quatre Polonais sur un total de dix membres. Mais les difficultés financières croissantes entraînent le renoncement du père Baumgartner à la fin de 1925. Labbé Poszwa, arrivé en novembre 1925 en remplacement de labbé Machay, prend alors la direction de lassociation. Il règle, au moins en partie, le problème financier, en obtenant du gouvernement polonais une subvention mensuelle, et entreprend la polonisation de linstitution : si le Comité dhonneur français reste en place, il ny aura bientôt, parmi les administrateurs, quun seul Français. Même si lon connaît moins de détails sur les activités de lOeuvre dAmiens au cours de cette période, laide apportée aux immigrés polonais dispersés à travers tout le département ne peut certainement pas être considérée comme négligeable.
--------------------------------------------------------------------------------
LA REORGANISATION DE LA MISSION CATHOLIQUE POLONAISE (POLSKA MISJA KATOLICKA - P.M.K.)
Un seul prêtre en poste à Barlin dans le Nord de la France, quelques prêtres envoyés dans les campagnes au moment des fêtes religieuses grâce à la persévérance de lOeuvre de Protection de Paris, cest peu pour apporter le secours de la religion au flot des immigrés qui ne cesse de grossir. Or les demandes pour lenvoi daumôniers polonais permanents, émanant dévêques ou de patrons français, affluent auprès du Primat de Pologne. Une réaction de lépiscopat polonais est indispensable, mais celui-ci doit dabord régler ses problèmes internes dorganisation au sein de lEtat restauré. Aussi, les premières tentatives pour répondre aux besoins des immigrés paraissent assez désordonnées 44 .
Deux missions de reconnaissance viennent dabord en France, pour évaluer létat de la pastorale polonaise et les conditions de sa réorganisation. Dès le mois de décembre 1919, un premier mémoire est remis au cardinal Dalbor, primat de Pologne, par labbé Stanislaw Adamski ; au cours de lété 1920, cest labbé Leon Kalinowski qui est envoyé en France par Mgr Sapieha, évêque de Cracovie, chargé par lépiscopat polonais de lassistance religieuse aux émigrés. Les contacts établis par labbé Kalinowski aboutissent à des propositions concrètes, provenant des directions de quelques compagnies minières, pour linstallation daumôniers polonais. Une réponse, et seulement partielle, ne pourra être donnée à ces propositions que lannée suivante. A la suite de la visite en France, en janvier 1921, de deux évêques polonais : Mgr Sapieha, et Mgr Teodorowicz archevêque arménien de Lwow 45 , trois prêtres polonais sont envoyés en France. Dautres évêques polonais, sans aucune concertation avec Mgr Sapieha, en envoient également. Limprovisation est complète : larrivée des aumôniers polonais dans tel ou tel centre de résidence des immigrés dépend plus des demandes alarmantes adressées par la partie française, ou des conditions plus ou moins intéressantes proposées par celle-ci, quelle ne correspond à une stratégie bien définie. A partir du mois de mars 1921, seules cinq colonies sont desservies de manière permanente par un prêtre polonais : Barlin, Bruay-en-Artois et Marles-les-Mines dans le Pas-de-Calais, Roche-la-Molière dans la Loire, et Cagnac dans le Tarn ; à la fin de lannée, un prêtre supplémentaire est nommé à Metz. Le nombre de prêtres polonais en France est donc dérisoire au moment où lémigration des Polonais vers la France va entrer dans sa phase de plus grand flux.
Lannée 1921 voit cependant lépiscopat polonais accomplir des pas décisifs en vue de lorganisation administrative de la pastorale pour les migrants. Le 2 mai, lAssemblée plénière des évêques polonais confie au Primat la direction de la pastorale des émigrés polonais. Mgr Dalbor envoie aussitôt un délégué en France, labbé Arkadiusz Lisiecki. Le compte-rendu de celui-ci, intitulé Rapport sur la pastorale et lenseignement polonais en France (Memorial w sprawie duszpasterstwa i szkolnictwa polskiego we Francji), remis au Primat au mois de juillet, influe profondément sur les évêques polonais qui, au cours de leur Assemblée du 28 août, prennent la résolution dorganiser de manière adéquate la pastorale en France. Aussi bien le rapport de labbé Lisiecki que ceux des envoyés précédents, les abbés Adamski et Kalinowski, insistent sur la nécessité de disposer en France dun centre de direction du clergé polonais et, dans ce but, de réorganiser la Mission catholique polonaise en lui conférant une existence juridique officielle ; ce sera la première tâche du Primat de Pologne.
--------------------------------------------------------------------------------
Le statut juridique de la P.M.K.
Depuis sa création, la Mission catholique polonaise na aucun lien formel avec lEglise polonaise, et ne dépend, du point de vue du droit canonique, que de larchevêché de Paris. Cest donc à la suite dun accord entre larchevêque de Paris, le cardinal Dubois, et le Primat de Pologne, le cardinal Dalbor, quest rédigé le Statut de la Mission polonaise. Ce statut, ne comprenant que six articles, est formulé en termes assez vagues, mais il officialise lexistence dune institution dont le titre est certes inchangé, mais dont les buts sont complètement nouveaux. Larticle 1 confie à la province polonaise de la Congrégation des Pères missionnaires de Saint Vincent de Paul, la charge de la P.M.K. avec pour siège, léglise de lAssomption à Paris. Les autres articles en précisent les moyens daction, en particulier que sa compétence sétend à la France entière (article 3) et quelle est le seul interlocuteur des entreprises françaises soucieuses dassurer une assistance religieuse à leurs ouvriers polonais (article 4). A la fin du mois de juin 1922 46 , la P.M.K. envoie à tous les évêques de France, au Ministère français des Affaires Etrangères et à lAmbassade de Pologne à Paris, la lettre de nomination du père Wilhelm Szymbor au poste de recteur, accompagnée de son pouvoir de contrôle sur lenseignement de la religion en langue polonaise et du statut.
Sest ainsi opéré un étonnant transfert de compétences. Depuis sa fondation, la mission parisienne des Résurrectionnistes a certes vocation à soccuper des Polonais établis en France, principalement à Paris. Les pouvoirs canoniques lui sont attribués par larchevêque de Paris, ce qui est conforme au droit de lEglise et nen fait pas pour autant une institution française. Mais jusquen 1919, elle nétablit aucun lien avec la hiérarchie ecclésiastique polonaise. De plus, la mise à la disposition de la congrégation de la Résurrection du Seigneur des édifices de la rue Saint Honoré en septembre 1849 et, surtout, la nomination du recteur en 1903 par larchevêque de Paris, tendent à prouver que la Mission catholique polonaise est considérée par larchevêché parisien comme lune de ses uvres, quil lui appartient dadministrer. Le fait essentiel que la nomination du recteur de la P.M.K. relève de larchevêque de Paris, en fait bien une institution française. Or larticle 1 du Statut de la Mission transmet cette compétence à lEglise de Pologne ; cest en effet le Primat de Pologne qui négocie la prise en charge de la Mission par la province polonaise de la congrégation de Saint Vincent de Paul. La P.M.K. est ainsi devenue une institution entièrement polonaise. Et larticle 4 lui confère un rang exceptionnel ; la Mission est appelée à devenir une véritable courroie de transmission entre les différents partenaires : le patronat français, lEglise de France et celle de Pologne. Cette transformation dune institution française en organisme polonais seffectue sans que lEtat français intervienne de quelque manière que ce soit. Il semble bien en effet que le Ministère des Affaires étrangères se soit contenté denregistrer les documents reçus en juin 1922 de la P.M.K. sans approfondir davantage la question, ni en référer à dautres services gouvernementaux.
Cependant, la formulation générale du statut et sa faible teneur le rendent nécessairement incomplet : font surtout défaut des directives pratiques et juridiques pour les aumôniers sur le terrain. La nécessité dun texte complémentaire plus étoffé apparaît rapidement. Une première ébauche est élaborée à Paris, à la fin de lannée 1923, au cours dune rencontre entre le cardinal Dubois assisté de Mgr Chollet, archevêque de Cambrai, et lensemble des prêtres polonais travaillant en France. Il est convenu que le projet sera soumis au Primat et aux évêques polonais. Loccasion en est fournie par une visite officielle de prélats français en Pologne du 11 au 28 juin 1924 47 .
La délégation se compose du cardinal Dubois, de Mgr Chollet, de Mgr Julien évêque dArras, de Mgr Chaptal président de la commission chargée de la pastorale des immigrés, récemment créée au cours de la réunion de la Congrégation des Cardinaux et Archevêques de France des 2 et 3 mars 1924, de Mgr. Baudrillart - recteur de lInstitut catholique de Paris, du chanoine Delabar secrétaire du cardinal, et enfin du père Szymbor. Lobjet de la visite est de cerner la spécificité du catholicisme polonais, afin daméliorer la situation des ouvriers travaillant en France 48 ; et la partie polonaise y attache beaucoup dimportance 49 .
Ce nest toutefois quaprès le retour de la délégation en France, et après un échange de correspondance entre le Primat de Pologne et lévêque Chaptal, puis des discussions supplémentaires entre ce dernier et le père Szymbor, quest rendu public, en janvier 1925, mais avec la date 1924, le Règlement des aumôniers polonais, établi entre lEpiscopat Français, représenté par le Cardinal Dubois, Archevêque de Paris, assisté de Mgr Chollet, et entre lEpiscopat Polonais, représenté par le Recteur de la Mission Polonaise Catholique, le Révérend Père Szymbor Guillaume (1924) 50 . Les quatorze articles du Règlement traitent essentiellement deux questions : les activités purement pastorales des aumôniers (juridiction, offices, baptêmes, catéchisme, communions, mariages, salut du Saint Sacrement, registres, confessionnaux), et les conditions matérielles de leur activité (logement, droits, quêtes, denier du culte, rapports annuels).
Il faut cependant souligner le fait que le Règlement ne résulte que dune entente privée entre lArchevêque de Paris et lépiscopat polonais ; en aucun cas, le cardinal Dubois nest mandaté par lépiscopat français et, par la suite, ce fait aura parfois des conséquences néfastes pour la bonne entente entre les deux épiscopats. Certes, le texte est envoyé à tous les évêques de France, mais il na pas force de loi ; ceux-ci peuvent laccepter par bonne volonté, zèle apostolique personnel, mais ils peuvent tout aussi bien lignorer, ou le modifier à leur convenance. Ainsi, dans le diocèse de Cambrai, lactivité des aumôniers polonais est régie par dautres prescriptions rassemblées sous le titre Service religieux des Polonais dans le diocèse de Cambrai ; elles sont antérieures au Règlement 51 , mais rien nindique quelles aient cessé dêtre en vigueur après la diffusion de celui-ci au début de 1925. Les deux textes présentent de nombreuses similitudes ; rien détonnant à cela, puisque Mgr Chollet, archevêque de Cambrai, ayant participé à la rencontre avec les prêtres polonais en 1923 et au voyage en Pologne en juin 1924, est parfaitement au courant des différents projets existants. Ses dispositions sont toutefois beaucoup plus restrictives que celles du Règlement. Alors que ce dernier accorde aux aumôniers polonais la faculté de célébrer, dans une large mesure, des offices et des cérémonies religieuses propres, Mgr Chollet impose aux enfants polonais, lassistance aux catéchismes paroissiaux français, sauf en cas dimpossibilité où « des catéchismes spéciaux devront être faits », ainsi que la célébration commune, « à moins dobstacles sérieux », des communions avec les enfants français, et, par une simple note ajoutée aux dix articles du Service, laisse aux curés le « soin de confier à laumônier polonais » les baptêmes, mariages et funérailles, « toutes les fois que la chose sera possible, désirée par les Polonais, ( ), bien quil (leur) appartienne en droit dadministrer les Sacrements aux Polonais, de présider à leurs funérailles ».
Le droit canonique plaçant les prêtres polonais travaillant en France sous la juridiction des évêques ordinaires de leur lieu de résidence, le cardinal Dalbor rappelle en 1925, dans ses Directives pour les prêtres polonais en France (Wskazowki dla ksiezy polskich we Francji) 52 , leur subordination à la hiérarchie ecclésiastique polonaise. Le prêtre polonais se rendant en France doit avoir lautorisation de son évêque (article 1), être agréé par le Cardinal Primat (article 2), se présenter à Paris au Recteur de la P.M.K. qui lui assignera le lieu de son travail (articles 3 et 4), puis seulement à lévêque du diocèse où il a été affecté (article 5) ; son appartenance à la P.M.K. est fortement soulignée, son déplacement dun diocèse à un autre en France relève de la compétence du Recteur, et son rappel en Pologne de celle du Primat (article 3). Les autres articles contiennent encore certaines dispositions administratives, et rappellent quelques obligations juridiques et morales liées au caractère spécifique de la pastorale parmi les émigrés.
Le Statut de la Mission polonaise, le Règlement des aumôniers polonais malgré son caractère privé, et les Directives forment, pour la période de lentre-deux-guerres, la base juridique de lactivité de la P.M.K. Après 1925, ninterviennent que des textes secondaires dont le but est de préciser certains points du statut canonique de la Mission.
--------------------------------------------------------------------------------
Lorganisation administrative de la P.M.K.
Disposant désormais dun centre de direction à Paris et de règles de fonctionnement généralement admises par toutes les parties, le clergé polonais peut sinstaller plus facilement en France. A la fin du mois de janvier 1924, létat numérique de la P.M.K. est le suivant 53 :
à Paris : 8 prêtres ;
en province : dans le Nord : 8 (à Noeux-les-Mines, Bruay-en- Artois, Marles-les-Mines,
Barlin, Oignies, Sallaumines, Lallaing et Valenciennes) ;
dans le Centre : 4 (à Montceau-les-Mines, Les Gautherets, Roche-la-Molière et
Lyon) ;
dans lEst : 2 (à Metz et Merlebach) ;
dans la région parisienne : 1 (à Meaux).
Il y a encore un certain nombre de prêtres étudiant à Paris, Lille, Strasbourg, Lyon, et même Louvain, Fribourg ou Rome, qui viennent seconder les aumôniers pendant les vacances.
Au 1-er février 1926, la répartition géographique des aumôniers polonais et leur nombre ont peu varié 54 :
à Paris et dans la région parisienne : 5 prêtres
3 à Paris, dont le recteur, 1 à Changis-Saint-Jean, 1 à Saint-Dizier ;
dans le Nord : 14
2 à Bruay et Oignies, 1 à Marles, Noeux, Lens, Calonne-Liévin, Sallaumines,
Méricourt-sous-Lens, Billy-Montigny, Dourges, Auby et Valenciennes ;
dans le Centre : 5
1 à Montceau, Les Gautherets, Les Baudras, Le Creusot et Roche-la-Molière ;
dans lEst : 2
1 à Merlebach et Nancy.
Ces chiffres ne tiennent pas compte non plus des prêtres étudiant dans les villes universitaires : 13 à Paris et à Strasbourg, 2 à Lille et à Lyon.
La coordination entre les membres de la P.M.K. se fait au cours dune Assemblée annuelle (Zjazd Ksiezy) à Paris. La première a lieu le 13 avril 1923 et réunit 13 prêtres ; les suivantes se déroulent respectivement les 16 décembre 1924, 18 décembre 1925, et 7 juin 1926, cette dernière en présence des évêques Lukomski, Przezdziecki, Hlond et Kubina, de passage à Paris sur le chemin du retour du Congrès eucharistique de Chicago 55 . Mais la durée denviron une année entre deux telles réunions étant évidemment trop importante, seules des questions dordre général (confrontation dexpériences, uniformisation des formulaires administratifs, remarques sur le travail pastoral devant faire lobjet dun rapport à la hiérarchie ecclésiastique française ou polonaise) peuvent y être abordées. Des échelons intermédiaires savèrent nécessaires ; deux sont créés en 1925.
Dabord, au début de lannée, le territoire français est divisé en quatre doyennés : doyenné de Paris, du Nord, de lEst et du Sud. Les premiers doyens nommés sont respectivement les abbés Antoni Zralek, Jozef Gorgolewski, Teodor Taczak et Tadeusz Kotowski 56 . Puis, le 11 décembre 57 , est constitué le Conseil de la Mission (Rada Misji), dont la tâche consiste à apporter aide et conseil au Recteur dans la gestion des affaires courantes de la P.M.K. A cette première réunion participent, outre le recteur Szymbor, les abbés Augustyn Jakubisiak, Antoni Zralek, Wincenty Bialik et Karol Rzychon.
Signalons enfin que les Directives pour les prêtres polonais en France, édictées par le cardinal Dalbor en 1925, rendent obligatoire la participation des aumôniers aux Assemblées annuelles (article 12), et précisent le rôle des doyens (article 13) : ils sont chargés, en relation étroite avec le Recteur de la P.M.K., de toutes les questions nécessitant une intervention auprès de lévêque de leur circonscription, des autorités françaises ou polonaises locales, ou encore des directions des entreprises de leur district ; ils convoquent également à intervalles réguliers des conférences décanales, dont les rapports doivent être envoyés au Recteur.
--------------------------------------------------------------------------------
Une pastorale difficile
La comparaison des données numériques du chapitre 2 et du paragraphe précédent montre à lévidence linsuffisance du nombre de prêtres polonais en France. Or, en théorie du moins, le recrutement des prêtres polonais à destination de la France doit seffectuer selon un schéma très simple. Le Recteur de la P.M.K. centralise, conformément au Statut de la Mission polonaise, les besoins en aumôniers ; il les transmet à lArchevêque de Gniezno Poznan, Primat de Pologne, qui, à son tour, en informe ses confrères du collège épiscopal. Dans chaque diocèse, lévêque fait alors appel aux membres de son clergé désireux de partir en France ou, lorsque les candidatures font défaut, propose la charge à des personnes de son choix. Mais, malgré la résolution, prise au cours de la Conférence des Evêques polonais de juillet 1924, denvoyer un prêtre de chaque diocèse, les demandes ne sont jamais satisfaites ; et les circulaires du Primat des années 1924, 1925 et 1926 rappellent de manière pressante aux évêques polonais la nécessité de fournir un prêtre, puis deux voire même trois, pour le travail en France 58 . Peine perdue ! Plusieurs causes, dimportance inégale, peuvent expliquer une telle situation : la faiblesse numérique du clergé dans certains diocèses, la multiplicité des tâches des clercs dans la Pologne restaurée, et aussi le manque de volontaires pour la France dont la situation religieuse est jugée difficile.
Conséquence peut-être du peu denthousiasme des prêtres polonais à exercer leur ministère en France, ceux-ci restent, pour la plupart, peu de temps au même poste, ou même en France, trop peu en tout cas pour assurer une continuité dans le travail. Bien souvent, les nouveaux arrivés trouvent la place vide et aucune indication pratique sur la manière de mener leur fonction ; ils doivent tout recommencer depuis le début. Létude des listes nominatives montre que, sur les 23 prêtres de la P.M.K. en janvier 1924 59 , il nen reste que 11 en février 1926, dont 6 seulement, parmi lesquels le Recteur, occupent le même poste.
La lecture des tableaux du paragraphe précédent fait apparaître aussi un déséquilibre dans la répartition géographique des aumôniers polonais en France. Les centres les mieux desservis sont incontestablement les colonies minières des départements du Pas-de-Calais et de Saône-et-Loire : sur les 26 prêtres qui constituent la P.M.K. au 1-er février 1926, ces deux départements en comptent 16. Par contre, celles du Gard, du Tarn et de lAveyron nont encore aucun aumônier permanent. Le fait que les aumôniers dans les centres miniers disposent dune résidence fixe, ne signifie pas cependant que leur action se cantonne à la localité où ils demeurent : bien souvent, ils desservent des communes avoisinantes 60 . Même si des disparités énormes existent entre les différents départements industriels il suffit par exemple de rapprocher le nombre de 12 aumôniers pour le seul Pas-de-Calais et celui de 2 pour le Nord, leur situation du point de vue de lencadrement religieux des immigrés polonais est globalement beaucoup plus satisfaisante que celle des régions rurales.
Pour ces régions, la P.M.K. a développé une pastorale particulière, qualifiée par labbé Roman Dzwonkowski de ministère itinérant (duszpasterstwo objazdowe), sous deux aspects. Soit le prêtre réside dans un lieu déterminé et de là rayonne sur tout le territoire environnant ; cest le cas de labbé Jozef Bielawski, domicilié à Saint-Dizier en 1926, qui a la charge des départements de la Haute-Marne et de la Marne, ou de labbé Juljan Unszlicht, à Changis-Saint-Jean, qui dépasse vite les limites de la Seine-et-Marne pour visiter les Polonais de lYonne, du Loiret, etc. Soit il sagit de prêtres basés à Paris, donc sous la dépendance directe du Recteur, ou de prêtres étudiants, qui sont envoyés en mission dans les endroits les plus reculés ; pour ces derniers, ce sont bien sûr le temps de Pâques et les vacances scolaires qui sont le plus mis à profit. Ainsi, la colonie polonaise de Rosières, près de Bourges, voit arriver pour la première fois un prêtre polonais, labbé Wladyslaw Spikowski, étudiant à Strasbourg, en 1924 seulement ; en 1925, cest un autre prêtre étudiant, labbé Wladyslaw Giszter de Paris, qui vient la visiter ; enfin, en 1926, labbé Wincenty Bialik, de Paris également, y célèbre les fêtes de Pâques 61 . Telle est aussi lactivité de labbé Ferdynand Machay, entre octobre 1922, date de son arrivée à Paris, où il remplit les fonctions daumônier de lInstitution Saint Casimir, et juillet 1924, lorsquil retourne en Pologne ; il part en effet régulièrement en mission dans les colonies minières du Nord et surtout parmi les travailleurs agricoles disséminés dans la région parisienne, lAisne ou la Somme 62 . Lanalyse de ces tournées missionnaires que donne Wladyslaw Barton 63 , permet de se faire une idée de leur portée réelle, de limmensité de la tâche des prêtres, et du profond désarroi moral et religieux dans lequel étaient plongés les ouvriers agricoles. Labbé Barton écrit :
« La fréquence des visites du prêtre polonais variait beaucoup, et ces visites sespaçaient parfois de plusieurs mois, parfois de plusieurs années. A loccasion dune telle visite, lon pourvoyait à tous les besoins religieux et spirituels de lagglomération » ;
et il cite à lappui la statistique des 137 missions effectuées par labbé Unszlicht, de septembre 1924 à mai 1927, dans 60 paroisses différentes :
18 paroisses ont eu 1 mission,
22 paroisses 2 missions,
10 paroisses 3 missions,
5 paroisses 4 missions,
5 paroisses 5 missions.
Tous les moyens sont jugés bons pour lutter contre la pénurie de prêtres, leur instabilité, la disproportion de leur répartition à travers le territoire français. Lefficacité de certains peut paraître douteuse, comme celle de la brochure Le confesseur polonais, ou méthode permettant à tout prêtre , parlant français, de confesser des Polonais sans savoir leur langue 64 . Il sagit dune version, remaniée par le Recteur Szymbor, du Questionnaire franco-polonais édité en 1911 par la Protection de lOuvrier polonais en France.
A ces causes polonaises qui rendent lencadrement religieux des immigrés très insuffisant, viennent sajouter des raisons plutôt liées à la partie française. Lune dentre elles réside dans lattitude du clergé français à légard de la pastorale polonaise. Que de nombreux évêques français se préoccupent dassurer une assistance religieuse aux masses détrangers qui viennent sétablir dans leurs diocèses, quils témoignent à leur égard de beaucoup de sollicitude, nul ne le conteste 65 ; et les évêques polonais, en visite pastorale en France, se font souvent lécho, dans leurs rapports, de la bienveillance de lépiscopat français. Mais presque chaque évêque a sa propre conception du rôle que doivent jouer les prêtres polonais. Si les uns, tel Mgr Julien à Arras, sont plutôt conciliants et prêts à leur accorder beaucoup dautonomie, dautres sont plus réticents. Ainsi, pour affermir le lien du clergé polonais avec la hiérarchie diocésaine, Mgr Chollet lui fait servir son traitement, que les compagnies minières acceptent de verser pour garantir linstallation de prêtres polonais dans leurs concessions, par lintermédiaire de la Chancellerie de lArchevêché (article 8 du Service religieux des Polonais dans le diocèse de Cambrai).
La présence même des prêtres polonais est parfois considérée comme un mal nécessaire. Mgr Chaptal qui est, rappelons le, président de la commission épiscopale française chargée de la pastorale des immigrés, écrit en mars 1926 à propos des vocations sacerdotales dans les familles étrangères en France 66 :
« Il est important quon ne diminue pas la valeur de ces vocations venues de létranger. Ces jeunes gens, en effet, doivent devenir aptes au ministère des Français ; mais ils doivent aussi conserver une aptitude suffisante pour le ministère de leurs compatriotes. Des millions dItaliens, dEspagnols, de Flamands, de Polonais ont besoin de prêtres sachant leur langue. Nous navons jusquici à leur donner que des prêtres étrangers qui sont souvent dadmirables apôtres, mais qui ne sont pas tous de ceux que nous aurions choisis, et qui dailleurs entrent difficilement dans le cadre de nos paroisses françaises. Au contraire, les enfants étrangers, devenus prêtres, appartiendront à leurs évêques français, seront vicaires ou curés de nos paroisses françaises, resteront soumis aux lois françaises, donc aux lois militaires, et quand ils seront encadrés par un clergé formé dans nos séminaires, nous pourrons envisager avec un sentiment de sécurité, que nous navons pas actuellement, la présence de ces catholiques étrangers en France ».
Mgr Chaptal fait appel, dans cet article, au sentiment dinsécurité, à la méfiance plutôt, quéprouvent les institutions françaises de manière générale à légard de toutes les initiatives ou structures polonaises qui entretiennent le culte de la patrie et, ainsi, retardent dautant lassimilation des immigrés. Lencadrement exclusif des Polonais, sensibles au discours du clergé, par des prêtres issus de leurs rangs mais formés dans les séminaires français et soumis à lautorité des évêques français, devrait, aux yeux des Français, la rendre plus facile. De ce point de vue, la présence des prêtres polonais, que lon espère sans doute temporaire, est bien un mal nécessaire ; en effet, faute dautres possibilités, lépiscopat français na « jusquici à leur donner que des prêtres étrangers ».
Les efforts de Mgr Chollet pour louverture, en novembre 1926, dun cours de polonais à lUniversité catholique de Lille, vont dans le même sens : lintention est effectivement de faire apprendre le polonais aux curés et vicaires des paroisses minières, pour quils puissent assurer le ministère auprès de la population ouvrière polonaise 67 .
Une autre difficulté réside dans la dépendance du clergé polonais vis-à-vis du français au niveau local. Aussi bien le Règlement des aumôniers polonais que le Service religieux des Polonais dans le diocèse de Cambrai rappellent quen vertu du droit canon, « les aumôniers polonais ne sont pas curés et nont pas la juridiction attachée à ce titre », qu « il ne peut exister une paroisse dans une paroisse », et que « le curé français est et demeure le curé de tous ». Cest pourquoi, dans les paroisses où ils résident, les prêtres polonais sont, « du point de vue de la juridiction, considérés comme vicaires coopérateurs » ; et dans les paroisses où ils exercent leur ministère sans résider, ils sont « regardés comme prêtres auxiliaires chargés du service religieux des Polonais (...) mais sans délégation générale ». Cela entraîne inévitablement de multiples frictions et malentendus. Comment faire comprendre à la population polonaise que leur curé na pas le droit dadministrer les sacrements, si le curé français de la paroisse sy oppose ? Et tous les prétextes sont bons pour alimenter les querelles : la détermination des horaires des offices, lorsque les Polonais ne disposent pas dun lieu de culte propre ; lutilisation des confessionnaux ; le catéchisme et la préparation des enfants à la communion solennelle. Le clergé français ne peut saisir limportance du caractère national dans lexpression de la foi chez les Polonais (la symbolique des bannières des confréries, le port de costumes nationaux au cours de cérémonies religieuses, le patriotisme de certains chants déglise, le particularisme de certains offices), alors que le clergé polonais, pour sa part, ne mesure pas toujours la portée de ses revendications 68 . En fait, tout dépend de la bonne volonté des uns et des autres.
Enfin, linstallation des prêtres polonais en France dépend, dans une large mesure, du bon vouloir du patronat français qui la finance, le budget de la P.M.K. étant trop insuffisant pour subvenir à tous les besoins. Cest le cas notamment dans la région du Nord, où pratiquement tous les aumôniers sont logés et rémunérés par les compagnies minières. Le Comité central des Houillères de France avait du reste mesuré, dès 1920, tout lintérêt quil y avait à fournir un encadrement scolaire et religieux aux ouvriers polonais, afin de les maintenir dans leur emploi 69 . Certaines compagnies se montrent généreuses : celle des Mines dOstricourt fait construire à Oignies une église, dédiée à Saint Joseph, consacrée le 1-er novembre 1922, et destinée à lusage exclusif de la colonie polonaise 70 ; et elle est citée en exemple 71 . Dautres désirent assimiler le plus rapidement possible leur population ouvrière polonaise, et refusent de pourvoir à la charge dune aumônerie polonaise trop nombreuse : la Compagnie des Mines dAnzin, par exemple, naccepte quun seul prêtre, labbé Sadowski, en mission itinérante sur son territoire. Et souvent, puisquil les paye, le patronat sattribue un pouvoir de contrôle sur lactivité et lattitude des aumôniers. Si quelquun vient à lui déplaire, la compagnie minière peut demander son renvoi, ou tout simplement cesser de le rétribuer. La direction de Bully-les-Mines demande au recteur Szymbor « nimporte quel prêtre, à lexception seulement de labbé F. Machay », quelle accuse davoir propagé, au cours dune mission précédente, des conceptions sociales trop radicales, car labbé Machay nhésite pas à utiliser la chaire pour parler des devoirs mais aussi des droits des ouvriers mineurs 72 . De même, le traitement versé par la Compagnie dAniche à labbé Gorgolewski est suspendu, « en raison des manières peu déférentes et par trop cavalières manifestées dans lexigence à vouloir défendre, outre mesure, les intérêts de ses concitoyens ». Des prêtres polonais se font en effet le porte-parole des réclamations de leurs compatriotes ouvriers auprès des compagnies minières ; il arrive que des conflits surgissent entre les dirigeants des mines et les prêtres polonais, qui ont tendance à « sinterposer entre ouvriers et patrons avec trop dautorité et trop dexigences » 73 .
--------------------------------------------------------------------------------
Les débuts de la presse religieuse
Les premiers rapports sur la réorganisation de la Mission catholique polonaise, ceux des abbés Adamski de décembre 1919 et Lisiecki de juin 1921, indiquent déjà la nécessité de créer une presse catholique à lintention des ouvriers qui sinstallent en France 74 . Mais ce nest quen décembre 1923 que paraît le premier numéro du journal Polak we Francji (Le Polonais en France) ; il porte la mention n° 1 édition de Noël 1923 (wydanie swiateczne 1923 r.). Le numéro 2 sort à la date du 6 janvier 1924 ; le journal paraît ensuite tous les dimanches. La page de couverture, outre les indications de prix et des tarifs dabonnement, comporte un sous-titre Journal consacré aux questions religieuses, sociales et nationales (Pismo poswiecone sprawom religijnym, spolecznym i ojczystym). A partir du numéro 49 du 30 novembre 1924, une inscription figure au-dessus du titre : Nous réclamons légalité des droits entre louvrier polonais et le français (Zadamy rownouprawnienia robotnika polskiego z francuskim).
Sont également indiquées en couverture les adresses de ladministration 263 bis rue Saint Honoré Paris 1, qui nest autre que le siège de la P.M.K., et de la rédaction 119 rue du Chevaleret Paris 13, qui est celle de lInstitution Saint Casimir. Cest là en effet que réside labbé Ferdynand Machay, auquel la Mission catholique polonaise a confié la tâche de fonder et de rédiger le journal. Une annonce dans le numéro 18 du 27 avril 1924, en page 4, informe les lecteurs que labbé Machay ne rédige plus le journal, à cause de ses multiples occupations et de son prochain retour en Pologne. La rédaction de lhebdomadaire est alors assurée par Henryk Lubienski, élève de lEcole des Sciences politiques à Paris, par la suite journaliste connu lié au Slowo, journal aux orientations pro-gouvernementales marquées, dirigé à Wilno par Stanislaw Cat Mackiewicz 75 ; ladresse de la rédaction devient celle de ladministration.
Le journal se présente sous le format 22,5 x 30, et contient 16 pages. Les illustrations sont peu nombreuses, et nont en général aucun rapport avec les thèmes développés dans les articles. Un article introductif qui consiste plutôt en un commentaire de lEvangile du dimanche, surtout sous la rédaction de labbé Machay, un service dinformations politiques rédigé sous forme de dépêches, des articles sur la vie et les conditions de travail des immigrés polonais en France, des informations sur lactivité de la P.M.K. et des aumôniers polonais, tel en est habituellement le contenu. A partir du numéro 51 du 14 décembre 1924, est éditée, environ une fois par mois, une rubrique destinée aux enfants, Maly Wychodzca (Le Petit Emigré). Dabord imprimée sur une colonne, au bas de deux pages dans le sens horizontal, elle couvre bientôt une page entière du journal. A partir de 1925, paraissent aussi quelques Calendriers du Polonais en France, apportant des renseignements utiles sur la pastorale, lassistance sociale, lenseignement du polonais, la sécurité sociale, les associations polonaises, etc.
Le but de lhebdomadaire est clairement défini dans son premier numéro. Larticle inaugural précise en effet : « Notre programme est bref et clair : nous voulons que nos compatriotes en France demeurent Polonais et Catholiques (...) Et surtout nous ne perdrons pas de vue la question fondamentale : ce sont des ouvriers qui seront nos lecteurs. Cest pour eux que nous écrirons, ce sont eux que nous instruirons et défendrons » 76 . Aussi, de nombreux articles sont consacrés à la défense des droits des travailleurs immigrés, renseignent sur les conditions demploi et la législation en vigueur dans lagriculture et lindustrie françaises, indiquent les adresses où les jeunes filles polonaises abandonnées peuvent trouver du secours 77 . Une attention particulière est portée aux moyens de lutter contre lexploitation des ouvriers agricoles par les fermiers français : en réponse aux nombreuses lettres relatives aux conditions de vie épouvantables des travailleurs agricoles, la rédaction du journal rappelle les stipulations du contrat des ouvriers agricoles, sinsurge contre les abus, et appelle régulièrement les autorités polonaises à sintéresser davantage au sort de ces ouvriers abandonnés. Le journal fournit enfin une aide précieuse dans lorganisation de la pastorale, en informant surtout les Polonais disséminés, des trajets et des dates des missions itinérantes des prêtres polonais, et en leur apportant le soutien religieux que les aumôniers ne peuvent leur dispenser directement que trop rarement. Cest pourquoi, les périodiques diocésains français et aussi LEtranger catholique en France de Mgr Chaptal, encouragent régulièrement les curés et les patrons catholiques français à informer les immigrés de la publication du Polonais en France, et à les inciter à sabonner.
Cependant, dès le début, la situation financière du journal est critique ; le recteur Szymbor écrit au Primat de Pologne, le 24 août 1924, quil est « au bord du gouffre » 78 . Le tirage, oscillant entre 3.000 et 3.500 exemplaires 79 , ne couvre pas les frais dédition ; et les revenus des annonces publicitaires, insérées à la seizième et dernière page du journal, sont insignifiants. La Chancellerie du Primat, persuadée de la nécessité de maintenir la parution, pourvoira, pendant toute la période de lentre-deux-guerres, à ses besoins, en octroyant dotations exceptionnelles et subventions mensuelles, toujours insuffisantes.
Trois initiatives de presse locale, quAndrzej Paczkowski qualifie de paroissiale 80 , méritent enfin dêtre signalés. La première est le bimensuel Robotnik (LOuvrier), publié à Barlin par labbé Helenowski au cours des années 1920 et 1921, peut-être un peu plus longtemps encore. Comme son sous-titre lindique, il sagit de la seule publication polonaise de lépoque, destinée aux ouvriers polonais et traitant de leurs problèmes. Un mensuel au titre inconnu est encore édité par le curé français dAuberchicourt, dans le diocèse de Cambrai, labbé Flamant, en 90 exemplaires. Distribué gratuitement aux paroissiens polonais, il contient de courtes leçons de religion et des informations sur la vie de la paroisse (offices, mariages, baptêmes). Enfin, de 1925 à 1927, labbé Masny publie pour la colonie polonaise dOstricourt et des villages environnants dont il a la charge, lune des plus importantes de la région du Nord, un mensuel religieux et social, intitulé Nasze Pismo (Notre Journal) 81 . Ajoutons seulement que tous les numéros de ce mensuel ne sont pas à proprement parler des journaux, avec des articles précis traitant de sujets déterminés ; Nasze Pismo est plutôt une publication qui répond aux besoins de la communauté en fonction des circonstances. Ainsi, le numéro 11 12 de décembre 1926 porte le sous-titre Koledy (Cantiques de Noël), et contient effectivement, après une courte introduction sur la beauté des chants religieux polonais, en particulier ceux de Noël, les textes de 48 cantiques et celui de lhymne bien connu My chcemy Boga (Nous désirons Dieu) 82 .
--------------------------------------------------------------------------------
LA NAISSANCE DE L ACTION CATHOLIQUE POLONAISE
--------------------------------------------------------------------------------
Lorigine des associations catholiques
Pratiquement dès leur arrivée en France, les immigrés polonais développent, surtout dans les centres de forte implantation que constituent les bassins miniers, une intense vie associative. Les promoteurs en sont principalement les mineurs recrutés en Westphalie 83 , soucieux de préserver les formes de vie sociale si difficilement élaborées dans la Ruhr, sous le contrôle strict du gouvernement allemand. Tous les types dactivités menées en Rhénanie Westphalie se retrouvent sur le sol français 84 ; dautres sy ajoutent. Apparaissent donc chorales, sociétés de musique, cercles de théâtre amateur, clubs de sport, sections gymnastiques Sokol, associations féminines, sociétés dentraide, cercles culturels...
Des organisations catholiques voient le jour également : associations douvriers placées sous le patronage de saints honorés en Pologne ou propres à la corporation (société Sainte Barbe, Saint Joseph, Saint Stanislas, Saint Michel), confréries du Rosaire (bractwo Zywego Rozanca) pour les femmes. Insistons sur le fait quil sagit, non pas de création à proprement parler, mais plutôt de la transplantation dorganisations existant en Allemagne : au début de 1914, fonctionnaient en Rhénanie Westphalie, dans les districts administratifs dArnsberg, Münster, Düsseldorf, Cologne et Aix-la-Chapelle, 273 sociétés ouvrières polonaises catholiques (robotnicze towarzystwo polsko-katolickie), et 93 confréries du Rosaire 85 . En 1921 est créée la première confrérie polonaise du Rosaire sur le territoire français, à Bruay-en-Artois 86 ; une société Sainte Barbe à Freyming-Merlebach dépose ses statuts le 9 septembre 1920 87 ; en 1923, ces associations se sont multipliées dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, et leur réseau dépasse déjà les limites de la région du Nord : on note une société Saint Joseph à Bois du Verne, quartier ouvrier de Montceau-les-Mines 88 , une société Sainte Barbe à Cransac dans lAveyron 89 , et bien dautres. Il faut encore noter que, dans la majorité des cas, surtout dans la région du Nord, ce sont les ouvriers immigrés eux-mêmes qui sont à la base de la création de ces associations. Ils en dirigeaient déjà en Westphalie, en connaissent donc parfaitement le mode de fonctionnement. Le passage, même seulement occasionnel, dun prêtre polonais pour préciser lorientation spirituelle du mouvement, suffit ; pour le reste, ils se débrouillent ; la situation leur est familière 90 . De toute façon, entre 1921 et 1924, il y a trop peu de prêtres polonais en France pour fonder, diriger, gérer un nombre sans cesse croissant de sociétés.
Le but de ces associations découle évidemment de leur caractère catholique ; il sagit donc principalement de grouper les catholiques polonais pour le renforcement, la défense et la propagation de la foi. Ce sont les dirigeants de ces sociétés qui sadressent aux représentants des compagnies minières, à la Mission catholique polonaise, et même au cardinal Dalbor 91 , pour lenvoi daumôniers polonais. La défense des valeurs nationales polonaises figure aussi parmi leurs priorités : aux revendications pour la satisfaction de leurs aspirations religieuses, sajoutent des réclamations pour obtenir des instituteurs polonais et assurer lenseignement de la langue. Leurs activités mêlent intimement les deux aspects : religion (messes solennelles, cérémonies à léglise à loccasion de lanniversaire de la fondation de la société ou de la fête du saint patron, conférences sur la religion et la morale religieuse, catéchèse), et maintien du caractère national (usage exclusif de la langue polonaise, manifestations culturelles avec déclamation de poésies et interprétation de chants, exposés sur les valeurs de la culture polonaise, commémorations des événements historiques, chorales paroissiales). En fait, la finalité des associations catholiques est très bien exprimée par la devise que leurs bannières arborent fièrement : Dieu et Patrie (Bog i Ojczyzna). Ces mots dordre font incontestablement penser à ceux du parti national démocrate (Stronnictwo Narodowo Demokratyczne, N.D.), dominé par la personnalité de Roman Dmowski, glorifiant à la fois la tradition nationale et la religion catholique. Lorigine géographique de ces associations et de leurs dirigeants, la Rhénanie Westphalie, confirme cette analyse. Au début du XX-ème siècle, la montée en puissance de la N.D. seffectue dans les trois tronçons de la Pologne partagée : après la révolution de 1905 en Russie, la N.D. remporte la quasi-totalité des sièges réservés aux Polonais aux doumas ; elle domine aussi lors des élections de 1907 au parlement de Berlin et au Cercle polonais de Vienne. Mais cest surtout en Allemagne, en particulier dans la région industrielle de la Ruhr, que la coloration religieuse de la N.D. est la plus forte 92 .
A partir de 1924 sont encore organisées quelques associations, à caractère catholique, de jeunesse polonaise (stowarzyszenie mlodziezy polskiej S.M.P.). Entre 1924 et 1926, elles sont peu nombreuses : une section masculine et une féminine existent à Houdain dans le Pas-de-Calais depuis 1924, une section masculine est créée à Ronchamp dans le Doubs en 1924 également 93 , une féminine à Bruay-en-Artois en 1925 et à Barlin en 1926 94 . A propos des sociétés féminines, il est difficile de préciser sil sagit réellement dune section S.M.P. indépendante ou dune section de la confrérie du Rosaire locale : celle de Houdain sintitule société de jeunes filles (towarzystwo panien) et dépendrait de la confrérie du Rosaire, il en est de même au Bois du Verne (Montceau-les-Mines), un peu plus tard, après 1930 95 .
Ce type dorganisation pour la jeunesse est cependant probablement inconnu des Westphaliens ; il nexiste dans le bassin de la Ruhr, en 1914, que 20 sociétés de jeunesse polonaise, qui ne sont pas forcément dobédience catholique 96 . Par contre, le mouvement S.M.P. nest pas nouveau en Pologne, en particulier en Grande-Pologne, où les influences de la N.D. sont déjà anciennes. Dès 1910, est fondé à Ostrow Wielkopolski un mensuel Przyjaciel Mlodziezy (LAmi de la Jeunesse) destiné aux jeunes gens ; en 1912, se crée à Poznan une Union des Sociétés de Jeunesse polonaise catholique (Zwiazek Towarzystw Mlodziezy Polsko-Katolickiej) regroupant les associations de jeunesse masculine existant en Grande-Pologne ; enfin, en 1914, est constitué auprès de cette Union un secrétariat général dirigé par labbé Walerian Adamski, soccupant à la fois des groupes de jeunesse masculine et de jeunesse féminine. Après la guerre, lélargissement du mouvement à tout le territoire polonais rend nécessaire la fondation à Poznan, le 20 mai 1919, dune Union des Associations de Jeunesse polonaise (Zjednoczenie Stowarzyszen Mlodziezy Polskiej) avec toujours labbé W. Adamski comme directeur, regroupant uniquement les sections masculines. A partir de mai 1919, apparaissent à travers toute la Pologne des associations paroissiales de jeunesse féminine, à côté de leurs homologues masculines ; et le 21 octobre 1919, est fondée, à Poznan encore, lUnion des Associations de Jeunesse polonaise féminine (Zjednoczenie Stowarzyszen Mlodziezy Polskiej Zenskiej), sous la direction de labbé Jozef Schulz et de Zofia Ozdowska. Une commission issue des deux unions règle ensuite les problèmes dadministration et la question des statuts. Enfin, lAssemblée générale de décembre 1919 à Varsovie raffermit les bases du mouvement, qui prend le nom dUnion de la Jeunesse polonaise (Zjednoczenie Mlodziezy Polskiej Z.M.P.), regroupant à la fois les associations féminines et masculines 97 .
Le S.M.P. a donc une certaine notoriété en Pologne, surtout dans larchidiocèse de Poznan Gniezno, siège du Primat de Pologne, dont sont issus la plupart des aumôniers envoyés en France. Ce sont eux sans doute qui ont répandu en France lidée du mouvement. La création du groupe S.M.P. à Ronchamp au début de 1924 sexplique certainement de cette façon : linitiateur en est labbé Wladyslaw Spikowski, de larchidiocèse de Poznan, ordonné en octobre 1922 98 , étudiant à Strasbourg.
--------------------------------------------------------------------------------
La création dune fédération des associations catholiques
En fonction de leur objet, la nécessité de se fédérer est apparue plus ou moins rapidement aux différentes organisations polonaises. La création dun groupement dassociations, même au niveau régional seulement, permet en effet de mettre en commun des moyens capables de résoudre certaines difficultés, alors quune association seule ny parviendrait pas. Ainsi par exemple, il est impossible à une chorale locale de posséder la totalité des partitions des chants les plus en vogue ; par contre, largent mis en commun au sein de lUnion des Cercles de Chant (Zwiazek Kol Spiewaczych), créée dans le Nord de la France en 1922, permet dalimenter et dentretenir une bibliothèque beaucoup plus riche, à laquelle les sociétés adhérentes font appel selon leurs besoins. De même, une Union des Sociétés de Théâtre (Zwiazek Towarzystw Teatralnych) est fondée en 1924 à Douai, et une Union des Sociétés musicales (Zwiazek Towarzystw Muzycznych) en 1926 à Douai également 99 .
Encore une fois, il ne sagit pas là dun phénomène nouveau. Une structure verticale dans le fonctionnement des associations polonaises existait déjà en Westphalie. LUnion des Sociétés féminines (Zwiazek Towarzystw Kobiecych), fondée à Lille le 20 mai 1926, nest que le prolongement de la même union créée en Allemagne en 1914 100 . Si lAssemblée générale, réunie à Lens les 7 et 8 avril 1924, décide finalement la constitution de la Société des Ouvriers polonais en France (Zwiazek Robotnikow Polskich we Francji Z.R.P.F.) en tant quassociation de type 1901, et non en tant que syndicat à linstar de lUnion professionnelle polonaise (Zjednoczenie Zawodowe Polskie Z.Z.P.) créée à Bochum en novembre 1902 101 , cest pour ne pas enfreindre la loi française de 1884 ; le Z.R.P.F. se veut cependant lhéritier du Z.Z.P. et se voit même accusé dêtre un « syndicat déguisé » par certains militants français 102 .
Les organisations catholiques polonaises en Allemagne connaissent également ce type de structure verticale. Dès 1903, fonctionne à Berlin une Union des Sociétés ouvrières polono-catholiques (Zwiazek Towarzystw Polsko-Katolickich Robotnikow) ; dans le bassin de la Ruhr, en mars 1904, est organisée une Union dEntraide des Sociétés polonaises catholiques (Zwiazek Wzajemnej Pomocy Polskich Towarzystw Katolickich). Dabord très lent, le développement de cette dernière union est prodigieux à partir de 1909 : au milieu de lannée 1914, elle regroupe 174 associations comptant 18 684 membres, ce qui représente les deux tiers des sociétés existantes 103 . Cest donc tout naturellement dans les milieux des dirigeants westphaliens établis en France, que naît lidée de rassembler les associations catholiques en une fédération 104 ; le clergé polonais nen est certainement pas linspirateur.
Des réunions de concertation entre les représentants des sociétés masculines de Bruay-en-Artois, Houdain, Calonne-Ricouart et Marles-les-Mines, ont lieu en présence de labbé Helenowski au cours de lété 1924. Un comité dorganisation, composé de Jan Szambelanczyk (société Sainte Barbe de Bruay), Aleksander Grzes (société Sainte Barbe de Calonne-Ricouart), Jozef Marciniak (société Saint Joseph de Houdain) et Mikolaj Lawniczak (société Sainte Barbe de Houdain), est chargé de préparer et de convoquer une assemblée générale des organisations catholiques. Des appels sont lancés par voie de presse 105 ; ils insistent sur le fait que des fédérations existent déjà, tandis quil ny a pas dunion catholique, et justifient sa création par les nombreux problèmes dordre religieux qui se posent à la communauté polonaise en France : abaissement du niveau moral, insuffisance de lencadrement religieux, propagande des sectes, faiblesse de lenseignement du catéchisme aux enfants.
LAssemblée constituante de lUnion des Associations paroissiales polonaises (Zwiazek Polskich Towarzystw Koscielnych Z.P.T.K.) se déroule à Lens le 1-er novembre 1924 avec la participation du Recteur de la Mission catholique polonaise, labbé Szymbor. Le consensus sur le bien-fondé de la création du Z.P.T.K. étant réalisé, la tâche principale de la réunion est délire un bureau provisoire, chargé daméliorer le projet de statut en tenant compte des remarques exprimées par lassemblée, et de convoquer, une fois le travail sur les statuts terminé, une assemblée générale extraordinaire pour entériner la fondation de lUnion 106 . Sont choisis : au poste de président Jan Szambelanczyk de Bruay-en-Artois, à celui de secrétaire Jan Zimny dOstricourt, et à celui de trésorier Franciszek Kubiak de Lens. Cette première assemblée décide encore de confier le protectorat sur lUnion à chaque recteur successif de la P.M.K. ; la décision est confirmée par le Bureau au cours de sa réunion du 8 février 1925 107 . Enfin, labbé Samulski de Lens est élu secrétaire général ; mais, à cause de létendue de sa paroisse et de limportance du travail pastoral qui en résulte, il doit rapidement remettre sa démission. Le 8 février 1925, le Bureau prend acte de son remplacement par labbé Jozef Gorgolewski, aumônier à Waziers et doyen des aumôniers polonais du Nord. Il ne sagit plus dune élection mais dune nomination, sans quil ait été possible de déterminer avec certitude quelle autorité a procédé à cette nomination ; il est probable que ce soit la Mission catholique polonaise 108 .
LAssemblée générale extraordinaire qui officialise définitivement lexistence du Z.P.T.K., a lieu le 5 avril 1925 à Lens. LUnion compte alors 62 associations membres, et se donne un nouveau bureau composé de Jan Szambelanczyk président, Franciszek Kubiak secrétaire, Franciszek Cieslik trésorier. Son siège est fixé à Lens ; et son but est « de répandre la foi catholique parmi les membres de la Société et de lémigration polonaise, au moyen de son organe, de ses bibliothèques, des cérémonies religieuses polonaises, de lenseignement du catéchisme en polonais, par des solennelles communions des enfants célébrées par des prêtres polonais, par ladministration des Saints Sacrements par le clergé polonais, par léducation catholique en polonais et lenseignement de lesprit catholique, par linstruction donnée aux enfants les mieux doués des émigrés », tout en excluant « lactivité politique et lesprit de parti » 109 . On ne peut plus étroitement mélanger le maintien de la foi catholique et la défense du sentiment national polonais. La réunion du Bureau du 8 février 1925 a auparavant adopté le journal de la Mission catholique polonaise, Polak we Francji, comme organe de lUnion. A partir du milieu de 1925 110 , commence à paraître, de manière très irrégulière, un supplément au Polak we Francji intitulé Przewodnik Spoleczny Z.P.T.K. (Guide social du Z.P.T.K.). Mais ni la parution de ce supplément, ni les appels successifs pour que les associations souscrivent un abonnement au journal de la P.M.K., ne semblent avoir obtenu leffet escompté.
Le Z.P.T.K. est ensuite enregistré à la sous-préfecture de Béthune, le 29 janvier 1926, sous le numéro 1516, et fait lobjet dune publication au Journal Officiel de la République Française, n° 48 du 26 février 1926 111 . La deuxième Assemblée générale du 7 mars 1926 approuve la version finale des statuts, et apprend le prochain retour en Pologne de son secrétaire général. Labbé Gorgolewski est remplacé par labbé Czeslaw Garstecki, officiellement accueilli par le Bureau du Z.P.T.K. le 13 juin 1926 112 .
--------------------------------------------------------------------------------
Lorganisation des premiers districts du Z.P.T.K.
A lexemple de ce qui se fait dans le Nord de la France, les organisations catholiques polonaises de la région de Montceau-les-Mines se regroupent également en une fédération qui, au mois daoût 1925 113 , se place sous la tutelle du Z.P.T.K. Laffiliation à la centrale nordiste est encore accentuée dans le règlement intérieur adopté par lAssemblée régionale du 20 septembre 1925 114 : le premier paragraphe stipule que la dénomination du groupement est District des Associations paroissiales polonaises pour le Sud de la France à Montceau-les-Mines (Okreg Polskich Towarzystw Koscielnych na Poludniowa Francje w Montceau-les-Mines) ; le paragraphe 20 affirme que le district adhère à lUnion, et que cette adhésion justifie son titre. Des liens étroits se tissent rapidement entre les deux régions : labbé Gorgolewski rend visite au district au cours de lété 1925 encore ; de lautre côté, le secrétaire régional, Stanislaw Chelminski, assiste à Lens à la réunion des présidents des sociétés membres du Z.P.T.K. le 27 septembre 1925, ainsi quà lassemblée générale du 7 mars 1926 115 .
La dispersion des associations à travers le territoire français, et la recherche dune meilleure coordination dans le travail, incitent le Bureau du Z.P.T.K. à généraliser linitiative des associations des environs de Montceau-les-Mines, en constituant des unités administratives plus petites, appelées district (okreg), dont lautorité sétend à des régions déterminées. Le 21 mars 1926 116 , il prend la décision den créer trois dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, plus particulièrement dans les circonscriptions de Bruay, Douai et Valenciennes, où des assemblées générales se déroulent sous sa direction, le 11 avril simultanément. Un quatrième district est ensuite fondé dans la circonscription de Lens. La dénomination et la numérotation de ces nouvelles entités administratives sont définitivement fixées au cours de la réunion du 13 juin 1926 : district I du Z.P.T.K. de Montceau-les-Mines, pour rendre hommage à son antériorité ; district II de Lens ; district III de Bruay-en-Artois ; district IV de Douai ; et district V dAnzin. Mentionnons enfin les noms de leurs premiers présidents respectifs : Antoni Weber (I), Stanislaw Siakowski (II), Babuszkiewicz (III), Jan Zimny (IV), Soja (V).
--------------------------------------------------------------------------------
Chapitre 4
DES DIFFICULTES CROISSANTES (1927 - 1933)
La nomination de labbé Szymbor au poste de recteur en juin 1922 a donc fait entrer la Mission catholique polonaise dans une phase de réorganisation complète. La promulgation successive du Statut de la Mission polonaise en juin 1922, du Règlement des aumôniers polonais à la fin 1924 début 1925, des Directives pour les prêtres polonais en France en 1925, en constituent les étapes principales du point de vue juridique. Sans compter les prêtres étudiants qui viennent leur apporter une aide occasionnelle, 24 prêtres polonais en janvier 1924, 26 en février 1926, se répartissent ainsi la tâche dassistance à leurs compatriotes immigrés en France, avec des charges très différentes selon la région de leur affectation : en effet, il ny a pas de commune mesure entre les difficultés de la pastorale itinérante pratiquée dans les zones rurales, et les conditions relativement favorables de celle mise en place dans les centres industriels.
Les années 1924 1926 voient aussi la naissance de la deuxième grande institution catholique polonaise en France. La création à travers le territoire français de sociétés catholiques, pour les adultes dès les années 1920 1921 et pour la jeunesse à partir de 1924, aboutit à la fondation dune fédération en novembre 1924 : lUnion des Associations paroissiales polonaises. Les Assemblées générales davril 1925 et de mars 1926 à Lens en officialisent lexistence par ladoption des statuts définitifs. La multiplication des sections nécessite encore la formation, en 1925 et 1926, de cinq groupements régionaux pour coordonner leur action sur des territoires déterminés.
Pour ces deux organismes, sans oublier les sociétés de secours aux ouvriers immigrés baptisées Oeuvres de Protection polonaises, il sagit à partir de 1927 de consolider leurs bases, de stabiliser leur existence. Le succès de lentreprise dépend de lextension des rouages administratifs et des activités. De fait, lUnion des Associations paroissiales cherche à définir une structure qui réponde le mieux à ses besoins ; et toutes les institutions sefforcent de diversifier leurs actions pour satisfaire les demandes des immigrés. Le premier paragraphe du chapitre décrit le développement de leurs structures administratives et de leurs activités. Comme nous lavons indiqué en introduction, ces pages sont fort descriptives, mais aussi nécessaires pour comprendre la superposition des différentes structures, mesurer le degré de responsabilité et dimplication des unes par rapport aux autres, apprécier la portée des décisions prises par les uns ou les autres, distinguer la hiérarchie des diverses manifestations collectives.
Mais une progression relative des effectifs et une diversification des activités ne suffisent pas pour résorber, parmi les difficultés de la Mission catholique polonaise, celles qui tirent leur origine de sa réorganisation même entre 1922 et 1926, des moyens de fonctionnement qui lui ont été alors octroyés. Son statut juridique imprécis et incertain, le nombre toujours insuffisant de prêtres qui lui sont affectés, leur impréparation à la tâche qui les attend, voilà autant dentraves à son action. Le deuxième paragraphe du chapitre sefforce de montrer en quoi, dans la mesure où aucune solution valable na pu leur être opposée, ces difficultés ont acquis un caractère permanent : nous les retrouverons en effet tout le long de létude.
Le mouvement catholique polonais en France dans son ensemble est encore confronté, entre 1927 et 1933, à des problèmes de nature nouvelle, analysés dans la troisième partie du chapitre. Il y a dabord lengagement syndical des Polonais, y compris de militants catholiques, au sein de la C.G.T. ou de la C.G.T.U. Or, le clergé de lépoque de manière générale soppose à ladhésion de catholiques dans des syndicats réputés hostiles à la religion ; le clergé polonais ne peut se tenir à lécart et doit prendre position sur la question. La scolarisation des enfants polonais est un autre domaine qui intéresse vivement le mouvement catholique attaché au maintien, pendant les heures réservées à lapprentissage du polonais, de lenseignement de la religion et des traditions nationales liées en particulier à la foi catholique, et opposé en cela à un corps dinstituteurs, arrivés de Pologne, aux conceptions pédagogiques plus laïques. Enfin, la volonté de mainmise des autorités consulaires sur la vie associative polonaise en France à partir de 1930, simple reflet des tendances totalitaires qui apparaissent nettement en Pologne à la même époque, fait surgir devant le bloc catholique un problème dautant plus grave quil tente lui-même, depuis trois ans, de mettre en place une structure fédérative où son rôle serait prépondérant.
--------------------------------------------------------------------------------
LE DEVELOPPEMENT DES ADMINISTRATIONS ET DES ACTIVITES
--------------------------------------------------------------------------------
Le réseau des Oeuvres de Protection polonaises
Entre 1927 et 1930, le réseau des Oeuvres de Protection polonaises, né de linitiative de personnes de bonne volonté, sétend à la France entière. Leur nombre passe de 7 au début de 1927 à 12 au début de 1929 117 . Aux centres déjà existant à Paris, Amiens, Le Havre, Lille, Lyon et Metz, sajoutent ceux de Caen, Mulhouse, Saint Etienne, Soissons et Toulouse ; lorganisme de Strasbourg est remplacé par celui de Nancy Toul. Un treizième siège est ouvert à Clermont-Ferrand, le 1-er juin 1929 118 .
Chacun de ces centres rayonne sur un territoire déterminé, et mène une activité débordante. En 1927, lOpieka Polska de Paris reçoit 16 153 personnes, la Section féminine soccupe de 2 383 cas, et la Section maternelle de 4 424 cas. En 1928, 18 011 personnes sadressent à elle ; un foyer fonctionne à Levallois-Perret depuis la mi-septembre ; de multiples contacts sont pris avec les institutions sociales françaises pour assurer laide aux familles nombreuses, aux mères célibataires, aux mères en situation de précarité 119 . LOeuvre dAmiens mène également une action dassistance auprès des femmes et des enfants en difficulté, et sefforce toujours de régler les conflits surgissant entre ouvriers polonais et patrons français (aide juridique, résiliation de contrats, accidents du travail, réclamations) :
10 100 personnes ont eu recours à elle en 1928. Autour du centre dAmiens, se développe aussi une vie associative rassemblant les immigrés polonais (association denfants, groupe de théâtre amateur, chorale féminine). En dirigeant des internats ou des foyers, en assurant des permanences daccueil, lorganisme de Lille veille tout particulièrement au sort des jeunes filles polonaises employées dans lindustrie textile à Lille, Roubaix ou Tourcoing 120 ; et soccupe encore de la gestion des dispensaires de soins de Douai et Bruay-en-Artois.
Les difficultés matérielles et financières demeurent cependant la principale entrave au fonctionnement de ces institutions. Elles sefforcent certes de trouver des ressources propres : en 1927, lOeuvre de Paris abandonne ses droits sur le local du Quai dOrléans, et obtient en contrepartie 20 000 francs de dédommagement ; en 1928, elle reçoit 25 527 francs de dons ; le consortium textile roubaisien subvient à la charge de deux salariés de lOeuvre de Lille : un employé à Lille et une directrice dinternat pour jeunes filles à Roubaix 121 . Mais les dépenses sont considérables : entre 14 000 et 18 000 francs par mois en 1927 pour Paris, entre 18 000 et 20 000 francs par mois en 1928 ; déficit mensuel moyen de 3 000 francs pour les deux dispensaires de Douai et Bruay en 1928. Aussi, les centres des Opieki Polskie ne peuvent subsister que grâce aux subventions, de plus en plus importantes, des autorités polonaises : ils émargent au budget du Ministère des Affaires étrangères sous la rubrique partie I : fonds dassistance aux émigrés alinéa 1 : organisation et gestion des Oeuvres de Protection polonaises en France, mais ne peuvent éviter en conséquence lingérence et le contrôle de plus en plus stricts des représentants consulaires.
En 1929, lOffice dEmigration prend la relève du Ministère des Affaires étrangères pour subventionner, au moins en partie, la politique sociale polonaise en France ; les économies budgétaires sont à lordre du jour. Dun autre côté, le durcissement du régime de Pilsudski à légard de toute forme dopposition en Pologne, à partir de la fin de lannée 1929, trouve également un écho sur le terrain de lémigration en France : à linstar du Bloc sans parti de coopération avec le gouvernement (Bezpartyjny Blok Wspolpracy z Rzadem B.B.W.R.) chargé de rassembler les mouvements les plus divers dans un soutien inconditionnel à la politique officielle, les associations polonaises en France sont invitées à édifier un front uni glorifiant les bienfaits du régime ; nous reviendrons, dans la suite du chapitre, sur les efforts entrepris par les autorités consulaires pour sassurer la mainmise sur la vie associative polonaise en France, et sur la position des catholiques à ce sujet. Dans ce contexte, la réunion des consuls polonais en France estime en 1930 que « les uvres sont un mal nécessaire » et quil convient de veiller plutôt « au renforcement du réseau consulaire » 122 : il est indiscutable quune aide doit être fournie aux Polonais en difficulté pendant leur séjour en France, que des organismes doivent gérer cette aide ; mais il serait préférable, aux yeux des consuls, que cette responsabilité leur incombe entièrement et non à des institutions sur lesquelles leur contrôle peut savérer aléatoire.
Ces deux causes, restrictions budgétaires et problèmes de compétences entre consulats et Oeuvres de Protection liés à la volonté des autorités polonaises de tout régenter, font que, à la fin de janvier 1931, un plan de liquidation des Opieki Polskie est proposé, puis mis en application. Le plan prévoit que, sur les treize centres, il nen resterait que quatre : à Paris, Lille, Nancy Toul et Toulouse. Effectivement, Mulhouse et Saint Etienne sont liquidés au 1-er mai 1931, Le Havre et Clermont-Ferrand au 1-er juillet, Soissons et Metz au 1-er octobre ; la liquidation du poste de Caen doit sopérer le 1-er janvier 1932, celle dAmiens le 1-er avril. Le plan évoque encore la possibilité de supprimer le centre de Toulouse, en confiant son patrimoine à une coopérative de colons agricoles, de transmettre celui de Lille à limmigration, en le transformant en association à caractère social. Par contre, Paris et Nancy Toul devraient être épargnés.
Le sort définitif des Opieki Polskie en France nest pas connu ; sans doute ont-elles presque toutes succombé au plan de liquidation de 1931. Lorganisme de Paris, sous la direction de K. Gniewinska et I. Stokowska, a pour sa part poursuivi ses activités jusquà loccupation de la capitale française par les armées allemandes en 1940 123 . De même, linstitution de Lille a probablement fonctionné jusquau déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, un rapport de 1938 indiquant quelle gère toujours deux dispensaires de soins, lun à Douai et lautre à Lens, où a été transférée la Maison de Santé polonaise (Polski Dom Zdrowia) de Bruay-en-Artois 124 . Enfin, les Secrétariats dAssistance sociale (Sekretarjat Opieki Spolecznej) fonctionnant, à partir de 1932 sans doute 125 , auprès des sièges de la Mission catholique polonaise à Amiens et Caen, et donc sous la direction des aumôniers polonais locaux, peuvent être considérés comme les héritiers des Opieki Polskie de ces deux localités 126 .
--------------------------------------------------------------------------------
Les progrès de la Mission catholique polonaise
Pour la Mission catholique polonaise, les années 1922 1926 ont été, sous limpulsion de son recteur, labbé Wilhelm Szymbor, des années dactivité intense, à la fois sur les plans juridique et administratif. A partir de 1927, la tâche principale du recteur Szymbor sera de consolider lexistence de linstitution, surtout dintéresser les milieux polonais, tant religieux que gouvernementaux, à son avenir, en prononçant de nombreuses conférences en Pologne 127 . Ce sera également le souci constant de son successeur, labbé Leon Lagoda, prêtre séculier de larchidiocèse de Poznan, entré en fonction à la tête de la P.M.K. le 15 avril 1929 128 . Les raisons du remplacement de labbé Szymbor par labbé Lagoda sont peu claires 129 : officiellement la province polonaise de la Congrégation de Saint Vincent de Paul modifie sa politique missionnaire et rappelle tous ses membres de France en fait, certains resteront ; mais des rapports font aussi état dantagonismes entre le Recteur, prêtre régulier, et des prêtres séculiers de la P.M.K.
La consolidation de la Mission passe par plusieurs facteurs : un bon fonctionnement de son organisation administrative, une diversification de ses activités, et surtout un accroissement de ses effectifs, condition sine qua non de son développement. Il sagit bien là de la préoccupation essentielle des abbés Szymbor et Lagoda : cest du faible nombre de prêtres polonais en poste en France qua le plus souffert la situation religieuse des immigrés au cours des premières années de leur installation.
des effectifs en progression
Etudions en conséquence lévolution de létat numérique de la Mission catholique polonaise entre 1927 et 1933, selon des intervalles de trois années approximativement :
Répartition des aumôniers polonais en France en avril 1927 130 :
doyenné de Paris : 9 prêtres
dép. de lAisne : 1 à Soissons ;
dép. de la Haute-Marne : 1 à Saint-Dizier ;
dép. de la Seine : 6 à Paris ;
dép. de Seine-et-Marne : 1 à Changis-Saint-Jean ;
doyenné du Nord : 16 prêtres
dép. du Nord : 1 à Auby, Dechy, Valenciennes, Waziers ;
dép. du Pas-de-Calais : 2 à Bruay-en-Artois, Oignies ; 1 à Barlin, Billy-Montigny,
Calonne Liévin, Dourges, Lens, Marles-les-Mines,
Nux-les-Mines, Sallaumines ;
doyenné de lEst : 6 prêtres
dép. du Haut-Rhin : 1 à Wittenheim ;
dép. de Meurthe-et-Moselle : 1 à Briey, Nancy ;
dép. de la Moselle : 1 à Hayange, Merlebach Freyming, Metz ;
doyenné du Sud : 5 prêtres
dép. de la Loire : 1 à Beaulieu ;
dép. de Saône-et-Loire : 1 à Les Baudras, Le Creusot, Les Gautherets,
Montceau-les-Mines.
Répartition des aumôniers polonais en France au 1-er trimestre 1930 131 :
doyenné de Paris : 12 prêtres
dép. de lAisne : 1 à Soissons ;
dép. du Calvados : 1 à Caen ;
dép. du Loiret : 1 à Chalette ;
dép. de la Seine : 7 à Paris ;
dép. de Seine-et-Marne : 1 à Meaux ;
dép. de la Somme : 1 à Amiens ;
doyenné du Nord : 20 prêtres
dép. du Nord : 1 à Auby, Dechy, Montigny-en-Ostrevent, Roubaix, Valenciennes,
Waziers ;
dép. du Pas-de-Calais : 2 à Bruay-en-Artois, Lens, Oignies ; 1 à Barlin, Billy-Montigny,
Calonne Liévin, Dourges, Harnes, Marles-les-Mines,
Nux-les-Mines, Sallaumines ;
doyenné de lEst : 9 prêtres
dép. du Bas-Rhin : 1 à Saint-Ludan, Strasbourg ;
dép. du Haut-Rhin : 1 à Bollwiller, Wittenheim ;
dép. de Meurthe-et-Moselle : 1 à Briey ;
dép. de la Moselle : 1 à Audun-le-Tiche, Hayange, Merlebach Freyming,
Metz ;
doyenné du Sud : 8 prêtres
dép. du Gard : 1 à Saint-Jean-de-Valériscle ;
dép. de la Loire : 1 à Beaulieu, La Ricamarie ;
dép. du Rhône : 1 à Lyon ;
dép. de Saône-et-Loire : 1 à Les Baudras, Le Creusot, Les Gautherets,
Montceau-les-Mines.
Répartition des aumôniers polonais en France vers la fin du 3-ème trimestre 1932 132 :
doyenné de Paris : 14 prêtres
dép. de lAisne : 1 à Soissons ;
dép. de Loire-Inférieure : 1 à Couëron ;
dép. de la Seine : 8 à Paris ;
dép. de Seine-et-Marne : 1 à Dammarie-les-Lys, Meaux ;
dép. de Seine-et-Oise : 1 à Argenteuil ;
dép. de la Somme : 1 à Amiens ;
doyenné du Nord Ouest : 13 prêtres
dép. du Pas-de-Calais : 2 à Bruay-en-Artois, Oignies ; 1 à Barlin, Billy-Montigny,
Calonne Liévin, Harnes, Lens, Marles-les-Mines,
Nux-les-Mines, Rouvroy, Sallaumines ;
doyenné du Nord Est : 5 prêtres
dép. du Nord : 1 à Auby, Montigny-en-Ostrevent, Roubaix, Valenciennes, Waziers ;
doyenné de lEst : 14 prêtres
dép. du Bas-Rhin : 1 à Saint-Ludan, Strasbourg ;
dép. du Haut-Rhin : 1 à Ensisheim, Mulhouse, Wittelsheim, Wittenheim ;
dép. de Haute-Saône : 1 à Ronchamp ;
dép. de Meurthe-et-Moselle : 1 à Briey, Pont-à-Mousson ;
dép. de la Moselle : 1 à Audun-le-Tiche, Hayange, Merlebach Freyming, Metz,
Nilvange ;
doyenné du Sud : 9 prêtres
dép. du Gard : 1 à Royale ;
dép. de la Loire : 1 à Beaulieu, La Ricamarie, Saint-Etienne ;
dép. du Rhône : 1 à Lyon ;
dép. de Saône-et-Loire : 1 à Les Baudras, Le Creusot, Les Gautherets,
Montceau-les-Mines.
La source utilisée pour dresser la liste de 1932 mentionne le poste de Ronchamp, en Haute-Saône, occupé par labbé Stoszko, qui figure déjà dans létat nominatif de 1930 comme étudiant à Strasbourg. Or ce poste est définitivement perdu pour la P.M.K. à la fin de 1932, suite au départ de labbé Stoszko et au refus de la direction des usines métallurgiques locales de continuer à entretenir un aumônier polonais 133 . Elle fait aussi état de trois sièges permanents de la Mission, provisoirement vacants : à Dechy dans le département du Nord, après le transfert de labbé Czerniawski au village voisin de Montigny-en-Ostrevent ; à Caen dans le Calvados, après le retour temporaire en Pologne de labbé Franciszek Cegielka, premier prêtre de la congrégation des Pères Pallottins 134 en poste en France 135 ; et à Longwy en Meurthe-et-Moselle.
Les chiffres indiqués, qui ne tiennent pas compte des prêtres étudiant dans les universités et apportant leur concours occasionnel à la P.M.K., montrent une nette progression du nombre total daumôniers polonais en France : 36 en 1927, 49 en 1930 et 55 en 1932. Un effort indubitable a été consenti par lEglise de Pologne, même si le recrutement des prêtres affectés à la P.M.K. peut paraître parfois assez aléatoire, et quil y a lieu de relativiser les chiffres concernant Paris.
Ainsi, la réponse du Consulat de Strasbourg à lenquête du Ministère polonais des Affaires étrangères de février 1930 précise que le prêtre en poste à Strasbourg, labbé Pawlowski, est citoyen américain ; on ne sait comment il est arrivé là, et il ne figure plus dans la liste de 1932. La réponse du Consulat de Lille à la même enquête mentionne que les abbés Glapiak et Sadowski, à Lens et Valenciennes respectivement, dépendent des curies épiscopales françaises, labbé Glapiak ayant terminé ses études au Grand Séminaire dArras en 1929, et que laumônier en poste à Dourges, labbé Charles Crueize, est un Français dont le diocèse dorigine est Châlons-sur-Marne. Ce dernier figure déjà dans la liste de 1924 comme aumônier des Polonais aux Gautherets, il est à Dourges depuis 1926 et disparaît des effectifs en 1932. De même, dans le doyenné de Paris, les abbés Lurat et Unszlicht 136 sont des citoyens français relevant des autorités ecclésiastiques françaises. Labbé Bernard Berk, installé à Rouvroy et chargé des colonies polonaises de Drocourt, Méricourt et Rouvroy depuis la fin de 1930, est un autre exemple singulier : il est Hollandais. Membre de la congrégation des Missionnaires de la Sainte Famille, fondée en Hollande en 1895, labbé Berk arrive en Pologne en 1924 comme professeur au séminaire de la congrégation ; informé par un médecin polonais exerçant dans le Pas-de-Calais de la situation des émigrés en France, il se porte volontaire et part pour la France avec laccord de ses supérieurs 137 . Ces exceptions ne doivent pas cependant masquer le réel effort de recrutement opéré par les évêques polonais. A cet égard, lexemple du doyenné du Sud en 1930 est éloquent : sur les huit prêtres constituant le doyenné, lun (abbé Knapik) fait partie de la congrégation des Pères Missionnaires, le diocèse dorigine dun autre (abbé Prusakiewicz) na pu être établi, les six derniers proviennent de cinq diocèses différents : diocèse de Gniezno Poznan (abbé Waclaw Stefaniak), de Cracovie (abbé Ryba), de Volhynie (abbé Kobylinski), de Pinsk (abbé Mieczkowski), de Sandomierz (abbés Szewczyk et Wojtysiak).
Par ailleurs, il ne faut pas déduire du nombre de prêtres basés à Paris, 6 en 1927, 7 en 1930 et 8 en 1932, quil y en eut autant à la disposition du Recteur pour des missions pastorales. En effet, ne doivent pas être pris en considération le Recteur lui-même, le secrétaire général de la Mission (labbé Waclaw Knapik en 1927, labbé Jozef Luczak en 1929, puis labbé Czeslaw Spychalski en 1931), et enfin trois prêtres chargés de tâches particulières : labbé Auguste Lurat, collaborateur de la première heure de la comtesse Maria Zamoyska, qui soccupe du foyer du boulevard Jourdan ; labbé Augustyn Jakubisiak, aumônier des prisons et philosophe connu, qui se consacre à ses recherches en philosophie ; et laumônier de lInstitution Saint Casimir (les abbés Kozlowski, et Syski successivement). Pour répondre à une éventuelle demande urgente, il ne reste donc quun seul prêtre disponible en 1927, deux en 1930 et trois en 1932. Et encore, parmi ces trois figure labbé Jozef Luczak, alors conférencier attitré de la P.M.K. et rédacteur en chef du journal Polak we Francji ; on peut penser que ces occupations lui laissent peu de disponibilité réelle. Les deux autres se chargent habituellement de travaux de secrétariat au siège de la Mission.
Cet accroissement des effectifs permet toutefois une meilleure répartition des prêtres polonais en France. La région du Nord voit le nombre de ses aumôniers se stabiliser entre 15 et 20. Mais ce sont surtout les doyennés de lEst et du Sud qui bénéficient de larrivée de nouveaux prêtres, et à un degré moindre, le doyenné de Paris : le doyenné de lEst est ainsi passé de 2 prêtres en 1926 à 14 en 1932 ; celui du Sud, de 5 en 1926 à 9 en 1932, et enfin celui de Paris, de 5 en 1926 à 14 en 1932. Deux prêtres supplémentaires viennent encore renforcer le doyenné de Paris à la fin de 1933, lun basé à Troyes et lautre à Chalette dans le Loiret.
Laugmentation des effectifs impose aussi une nouvelle délimitation territoriale des doyennés. Demandée par le Conseil de la Mission en octobre 1929 déjà 138 , elle nest réalisée quà partir de 1931 ou 1932, et se contente de découper le doyenné du Nord en deux parties : le doyenné du Nord-Ouest recouvrant le département du Pas-de-Calais, et celui du Nord-Est, le département du Nord. Les prêtres dun même doyenné sont tenus de participer à quelques conférences décanales par an, au cours desquelles sont présentées les directives émanant de la P.M.K., et discutées les affaires courantes du district. Les doyens 139 sont membres de droit du Conseil de la Mission 140 , qui se réunit également quelques fois par an, en session régulière ou sur la demande expresse du Recteur.
une diversification des activités
Certes la grande majorité des sièges de la Mission catholique polonaise, situés dans les zones industrielles du Nord, de lEst ou du Centre où limplantation des immigrés est particulièrement forte, sont des postes stables, avec un aumônier à demeure étendant son action sur les villages voisins. Mais avec laugmentation des effectifs du doyenné de Paris surtout, et la création dun poste à Lyon ainsi que dans le département du Gard (Saint-Jean-de-Valériscle en 1929, puis Royale en 1932, et finalement Abbaye de Cendras en 1933), cest quand même le ministère itinérant qui est le grand bénéficiaire de cet apport de forces nouvelles. A la réunion décanale parisienne du 27 novembre 1933 141 , afin de mieux structurer lassistance religieuse aux Polonais vivant dispersés dans les zones rurales, presque la moitié de la France est répartie entre les différents sièges de la P.M.K. ; chacun reçoit une portion de territoire à visiter :
doyenné de Paris :
siège dAmiens (abbé C. Pacuszka) : départements de Somme, Seine-Inférieure (sauf la ville du Havre) ;
siège d Argenteuil (abbé K. Swietlinski) : départements de Seine-et-Oise, Oise, Loir-et-Cher ;
siège de Caen (abbé F. Malecki) : départements de Calvados, Manche, Orne ;
siège de Chalette (abbé A. Trzeciak) : départements de Loiret, Charente, Charente-Inférieure ;
siège de Couëron (abbé S. Krzysztofik) : départements de Loire-Inférieure, Sarthe, Mayenne ;
siège de Dammarie-les-Lys (abbé B. Kulawik) : départements de Seine-et-Marne (partie méridionale), Cher (sauf la ville de Rosières), Vienne, Deux-Sèvres, Eure, Eure-et-Loir, Dordogne, Lot-et-Garonne, Haute-Garonne ;
siège de Meaux (abbé J. Unszlicht) : départements de Seine-et-Marne (partie septentrionale), Marne, Haute-Marne, Côte-dOr, Nièvre, Doubs, Hautes-Alpes ;
siège de Soissons (abbé Sinka) : département de lAisne ;
siège de Troyes (abbé S. Dabrowski) : départements de Aube, Yonne, Haute-Saône ;
siège de Paris (prêtres affectés à la P.M.K.) : villes de la périphérie de Paris (Saint Denis, Creil, Kremlin- Bicêtre, La Courneuve), et de province (Le Havre, Rosières).
doyenné du Sud :
siège de Lyon (abbé W. Knapik) : départements de Rhône, Allier, Puy-de-Dôme, Ain ;
siège de lAbbaye de Cendras (abbé Swiader) : départements de Gard, Ardèche.
La tâche paraît encore très difficile : un seul prêtre doit couvrir entre un et neuf départements, et certaines colonies polonaises ou certains immigrés vivant dans des endroits isolés ne doivent que rarement recevoir la visite de laumônier. Du moins, laction pastorale dans les zones rurales sen trouve davantage structurée et planifiée ; ensuite, tout dépend du zèle personnel des prêtres engagés dans cette action.
Des formes de pastorale particulière, développées au cours de cette période, apportent un complément non négligeable au travail pastoral habituel et assurent une présence accrue des aumôniers polonais sur le terrain. Dans son livre sur lassistance religieuse polonaise en France pendant la période de lentre-deux-guerres, labbé Dzwonkowski les qualifie de ministère extraordinaire (duszpasterstwo nadzwyczajne) 142 , et les décrit complètement.
La plus spectaculaire de ces formes est lorganisation de rassemblements catholiques (zjazdy katolickie), où se mêlent les éléments religieux, nationaux et sociaux : messes et offices particuliers, mais aussi conférences sur la nécessité de préserver lidentité nationale polonaise ou sur les conditions de vie des Polonais en France, en constituent généralement le programme. La lecture de résolutions à ladresse des autorités ecclésiastiques ou gouvernementales polonaises, et de télégrammes envoyés au Primat de Pologne ou aux Présidents de France et de Pologne, clôture la journée. Pris en charge par les aumôniers et les associations catholiques locales, ces rassemblements sont, le plus souvent, placés sous la présidence dhonneur dévêques français ou dévêques polonais de passage, du Recteur de la Mission, des autorités consulaires polonaises, et même des représentants des entreprises employant les immigrés. En 1925 déjà, un premier rassemblement a lieu à Amiens ; de 1927 à 1933 en sont organisés vingt 143 . Certes, comme lindique labbé Dzwonkowski, le but de ces manifestations est de proposer aux ouvriers un approfondissement religieux et une réflexion sur les problèmes sociaux à la lumière de lenseignement de lEglise ; mais il sagit également de sortir lélément catholique de limmigration, dune sorte dapathie face aux organisations de gauche ou anticléricales qui tentent alors de monopoliser la vie sociale polonaise en France. Dans son exposé sur Lavenir de la Mission au point de vue de lactivité sociale, présenté au Conseil de la Mission du 3 novembre 1927, le recteur Szymbor rappelle larrogance de la Société du Travail social et culturel (Towarzystwo Pracy Spoleczno-Kulturalnej) à Paris, de lUniversité ouvrière polonaise (Polski Uniwersytet Robotniczy) à Lille, la déclaration de la Société des Ouvriers polonais en faveur de la C.G.T., et précise que les rassemblements ont été conçus pour fortifier la masse des fidèles dans la foi, grâce à leur éclat extérieur :
« Chacun se souvient comme, il y a 7 8 mois, une curieuse dépression et une certaine couardise sétaient emparées de lélément catholique de lémigration. La Société du Travail social et culturel à Paris marchait la tête haute, lUniversité ouvrière polonaise triomphait à Lille, la Société des Ouvriers polonais publiait une déclaration en faveur de la C.G.T., ( ). Dans la vie publique et sociale de notre émigration, dominait sur toute la ligne un ton maçonnique et socialiste ; et un haut dignitaire polonais, avec la satisfaction non dissimulée dun Méphistophélès, déclarait à un prêtre polonais : « aujourdhui il ne peut plus être question de pouvoir parler du caractère catholique de la majorité de lémigration ».
Il fallait sortir lémigration de la dépression et de lapathie. Il ny avait pas de meilleur moyen que de lui donner une institution qui, par son éclat extérieur, par lenthousiasme des masses, électrise lensemble, donne du courage et du cur pour proclamer publiquement la foi. Cétaient les rassemblements catholiques. ( ). La nouvelle de lorganisation des rassemblements se répandait à travers la France ; les rassemblements se succédaient les uns aux autres ; des échos enthousiastes se répandaient partout et fortifiaient les participants dans la foi ( ). Le silence se fit dans le camp de ceux qui, il ny a pas si longtemps, marchaient sur le pavé parisien et lillois avec des mines de triomphateurs, et proclamaient dans les journaux progressistes la victoire du nihilisme et de lathéisme parmi les masses émigrées . ( ) ».
Se développent encore à cette époque les pèlerinages, principalement vers les sanctuaires mariaux ; mais aucune des sources étudiées nindique avec précision à quelle date ils ont débuté. Ce sont, en majorité, des pèlerinages départementaux ou régionaux, organisés chaque année pour regrouper les Polonais dun territoire déterminé 144 . A Paris par contre, il sagit plutôt de pèlerinages locaux à la basilique du Sacré Cur de Montmartre, à léglise Notre Dame des Victoires, ou encore au cimetière polonais de Montmorency, ces deux derniers remontant à lépoque de la Grande Emigration du XIX-ème siècle. Les immigrés polonais établissent aussi, pendant la période de lentre-deux-guerres, la tradition de se rendre en pèlerinage au plus important sanctuaire consacré à la Sainte Vierge, à Lourdes, renouant ainsi avec la pratique introduite en 1874 par la Mission catholique polonaise, puis un peu tombée dans loubli 145 . Pour labbé Dzwonkowski, ce sont des groupes indépendants, organisés par les aumôniers dans leurs localités ou leurs régions avec lappui des associations catholiques ; et ces pèlerinages à Lourdes nauraient pas le caractère national que leur conférera, en 1938, la décision de la P.M.K. den centraliser lorganisation pour tous les Polonais de France. Il semble toutefois que certains sadressent déjà à lensemble des immigrés : cest le cas des pèlerinages de 1926 et 1927 146 ; le compte rendu du Conseil de la Mission du 25 février 1930 indique aussi que, « cette année », la P.M.K. norganisera pas de pèlerinage à Lourdes, ce qui laisse supposer quelle le faisait les années précédentes 147 .
Signalons encore simplement les tâches dassistance aux malades et aux prisonniers 148 , malgré le faible nombre de prêtres pouvant sy consacrer, et la diffusion de causeries religieuses sur les ondes de la station Radio P.T.T. Nord entre 1932 et 1936 149 . Une influence non négligeable sur le raffermissement de lidentité catholique de limmigration est également exercée par les visites pastorales des évêques polonais : leur présence dans les colonies habitées par les ouvriers, la célébration doffices à leur intention, les discussions avec les fidèles et en particulier les dirigeants des mouvements catholiques, leur participation aux rassemblements catholiques quand leur séjour en France coïncide avec lorganisation dune telle manifestation, tout cela contribue fortement à stimuler la ferveur des foules 150 .
La multiplication des activités des aumôniers nécessite évidemment une bonne coordination entre eux, mais aussi leur laisse peu de temps pour un approfondissement de leur vie spirituelle. Cest pourquoi la Mission catholique polonaise multiplie les recommandations aux doyens et aux aumôniers eux-mêmes, pour quils veillent à assurer une pastorale de haute qualité, en accordant un soin particulier aux sermons et à lenseignement du catéchisme, et à intensifier leur propre vie spirituelle 151 . Dans ce but, la P.M.K. organise encore des retraites communes pour les prêtres polonais en poste en France. Les deux premières ont lieu à la fin des années 1925 et 1927 respectivement 152 ; puis, à partir de 1930, elles se tiennent régulièrement une fois par an, et lAssemblée générale annuelle des aumôniers polonais met fin traditionnellement aux trois ou quatre journées de retraite.
--------------------------------------------------------------------------------
Lapport des congrégations religieuses féminines
La présence de religieuses polonaises en France relève aussi dune certaine tradition. De lépoque de la Grande Emigration du XIX-ème siècle date en effet lInstitution Saint Casimir de Paris, dirigée par la congrégation des surs de Saint Vincent de Paul (les surs de la Charité), à la fois école, orphelinat, foyer pour personnes âgées, centre de secours pour les nécessiteux, office de placement pour jeunes filles. Depuis 1892, les surs de la Sainte Famille de Nazareth possèdent à Paris une maison qui sert décole pour jeunes filles. A Bischwiller en Alsace, est créé en 1905, à linitiative du curé de la paroisse, un internat pour les 120 jeunes filles polonaises employées par lusine textile locale ; la direction en est confiée aux surs de la congrégation du Sacré Cur de Jésus venues de Cracovie. En 1910 enfin, les surs de la Charité encore viennent à Barlin pour assurer linstruction religieuse des enfants de la colonie polonaise installée là en provenance de Westphalie.
A partir des années 1920, larrivée des surs polonaises en France est principalement due aux bonnes relations entretenues par le recteur Szymbor avec la congrégation des surs de la Charité. La congrégation des Pères Missionnaires, dont fait partie labbé Szymbor, et celle des surs de la Charité ont, toutes les deux, été créées par Saint Vincent de Paul ; et les contacts entre les deux administrations restent étroits. Vers le milieu de 1925 153 , environ 20 surs de la Charité travaillent déjà en France, en particulier à Montceau-les-Mines, Saint-Etienne, Montluçon, Sin-le-Noble et Oignies. Elles soccupent des enfants et de la jeunesse (garderies denfants, catéchisme, réunions avec les jeunes), des personnes âgées et des malades, visitent les hôpitaux, y sont même parfois employées, ou servent dauxiliaires dans les dispensaires de soins. Les surs du Sacré Cur de Jésus apportent également leur contribution, en maintenant linternat de Bischwiller et en ouvrant, en 1924 154 , une école ménagère pour les jeunes filles polonaises à Saint-Ludan en Alsace. Mais les besoins sont grands, et les demandes de la Mission catholique polonaise pour lenvoi de surs supplémentaires demeurent pressantes.
La persévérance des recteurs successifs Szymbor et Lagoda, et aussi laide financière du patronat, vont permettre, entre 1927 et 1933 surtout, une implantation plus importante des surs polonaises en France et le développement de leurs centres. Les compagnies minières principalement mettent des maisons à la disposition des surs, à proximité ou à lintérieur des cités minières, pour quelles puissent soccuper efficacement de leur main-duvre immigrée, et financent leurs activités. Les industries textiles confient davantage aux surs la direction dinternats destinés à leur personnel féminin. Lorsque les centres des congrégations religieuses féminines ne disposent pas de laide du patronat, leur situation est très souvent fort précaire ; cest le cas notamment de lInstitution Saint Casimir à Paris et de lécole de Saint-Ludan 155 .
Cest la congrégation des surs de la Charité qui, pendant toute la période de lentre-deux-guerres, a le plus grand nombre de centres en charge 156 :
dans la région parisienne : à Paris (Institution Saint Casimir), Viry-Châtillon ;
dans le département de la Loire : à La Ricamarie, hôpital de Saint-Etienne ;
dans le département du Nord : à Auberchicourt, Guesnain, Lille, Sin-le-Noble, Wattrelos ;
dans le département du Pas-de-Calais : à Barlin, Bruay-en-Artois, Frévent, Oignies, Vermelles ;
dans le département du Rhône : à Lyon, Saint-Pierre-la-Palud ;
dans le département de Saône-et-Loire : à Les Gautherets, Montceau-les-Mines, hôpital de Montceau.
Ceux tenus par les surs du Sacré Cur de Jésus sont également dispersés à travers le territoire français :
dans le département de Loire-Inférieure : à Couëron, La Brutz ;
dans le département du Nord : à Roubaix, Saint-André-lez-Lille ;
dans le département de lOise : à Betz ;
dans le département du Bas-Rhin : à Saint-Ludan, Urmatt-Mullerhof ;
dans le département du Haut-Rhin : à Ensisheim ;
dans le département de la Somme : à Athies, Tilloloy.
De 1931 à 1935, la congrégation des Ursulines dirige à Ferrière puis à Ucel, dans lArdèche, un internat pour les 130 jeunes filles travaillant dans lindustrie locale. Enfin, en 1933, les surs de la congrégation des Servantes de Marie du monastère de Pleszew (Sluzebniczki Maryi Niepokalanie Poczetej z Pleszewa) prennent la direction de deux foyers pour personnes âgées, à Trélon dans le département du Nord et à Cuts dans celui de lOise, tout en maintenant le contact avec les Polonais vivant à proximité.
Ainsi, en ne tenant pas compte de la Sainte Famille de Nazareth dont linternat, transféré à Gentilly dans le département de la Seine en avril 1927, est destiné aux étudiantes polonaises à Paris et na donc aucun rapport avec limmigration ouvrière, quatre congrégations religieuses féminines seulement ont développé une activité parmi les Polonais en France, y engageant 103 surs dans 32 centres : 28 surs de la Charité dans 19 centres, 41 du Sacré Cur de Jésus dans 10 centres, 10 Servantes de Marie dans 2 centres, et 24 Ursulines dans 1 centre. Ces quelques statistiques, élaborées à partir de documents fort discrets à leur sujet, ne reflètent sans doute pas létendue du travail social et caritatif accompli par les surs, qui leur a même valu parfois lestime des autorités consulaires polonaises 157 .
--------------------------------------------------------------------------------
La restructuration de lUnion des Associations paroissiales polonaises
Larrivée de labbé Czeslaw Garstecki au poste de secrétaire général ouvre, pour la fédération des associations catholiques, une période de profondes transformations et de développement intense : les effectifs ne cessent de croître, et une solide structure administrative se met en place. Cest dabord le titre de la fédération qui change. A la réunion du Bureau du 12 septembre 1926 158 , labbé Garstecki propose de lappeler Union des Associations catholiques polonaises (Zwiazek Polskich Towarzystw Katolickich, le sigle en polonais nétant donc pas modifié) ; cette proposition est entérinée par lAssemblée générale du 24 mars 1927 159 . Les raisons de la modification ne sont pas expliquées ; il sagit peut-être daccentuer le but du Z.P.T.K. dintroduire des principes de conduite catholiques dans la vie nationale, sociale, économique et politique. Une nouvelle modification du titre intervient au cours de lAssemblée générale du 21 avril 1929 160 : la dénomination adoptée est Zjednoczenie Polskich Towarzystw Katolickich we Francji, traduite officiellement par Union des Sociétés catholiques polonaises en France ; une nouvelle fois le sigle en polonais, Z.P.T.K., nest pas changé. Les causes de cette deuxième modification seront présentées un peu plus loin.
Par contre, la composition du bureau exécutif du Z.P.T.K. reste particulièrement stable au cours de la période 1927 1933. Aux assemblées générales de 1927, 1929 et 1932 (1-er mai), nintervient quun seul changement, à un poste majeur différent à chaque fois. En 1927, Feliks Rakowski de Houdain remplace Franciszek Kubiak au poste de secrétaire ; en 1929, Franciszek Ratajczak de Grenay succède à Franciszek Cieslik à celui de trésorier ; enfin, en 1932, cest Jan Szambelanczyk, le fondateur, qui démissionne de son poste de président, auquel est élu Stanislaw Siakowski de Lens.
Laugmentation des effectifs du Z.P.T.K. au cours de la même période est tout à fait spectaculaire. Les comptes rendus des différentes assemblées générales indiquent les chiffres suivants :
année nombre de sociétés nombre de membres
1927 96 10 000
1928 124 14 500
1929 151 15 329
1932 207 21 204
Ces données sont établies sur la base de questionnaires envoyés au secrétaire général, avant chaque assemblée générale, par toutes les sections locales affiliées au Z.P.T.K. et les responsables des districts ; elles paraissent donc vraisemblables 161 .
Laccroissement du nombre de sociétés affiliées et leur éparpillement à travers le territoire français rendent plus complexes les problèmes de coordination et de communication. Deux solutions sont mises en uvre pour les résoudre. La première consiste à faire paraître de nouveau, dans le journal de la Mission catholique polonaise Polak we Francji, un supplément propre au Z.P.T.K. ; la tentative précédente, le Przewodnik Spoleczny Z.P.T.K. (Guide social du Z.P.T.K.), sétait finalement soldée par un échec et avait cessé de paraître. Dans le journal de la Mission numéro 27 du 3 juillet 1927, paraît donc en page 5 le premier numéro des Wiadomosci Organizacyjne Z.P.T.K. (Nouvelles organisationnelles du Z.P.T.K.). Lorsque son contenu ne comporte que des communiqués ou des directives émanant du bureau ou du secrétaire général, le supplément porte parfois le titre de Informator dla Zarzadow Towarzystw Z.P.T.K. (Bulletin dinformations pour les Directions des Sociétés du Z.P.T.K.). La parution de ce supplément cesse définitivement après 1933.
La seconde solution vise à développer le réseau des districts servant de courroie de transmission entre les instances dirigeantes et la base. Aux cinq districts créés en 1925 et 1926 (Montceau-les-Mines, Lens, Bruay-en-Artois, Douai, Anzin Valenciennes), viennent sajouter de nouvelles créations. La fondation du district Paris daterait de la fin de lannée 1928, mais certaines indications font penser quelle est plus tardive 162 ; en tout cas, une assemblée générale du district se déroule en avril 1932, ce qui témoigne dun niveau dorganisation suffisant à cette époque 163 . Le district Saint-Etienne est créé le 14 mai 1932, et passe rapidement de 7 sociétés membres en 1932 à 13 en 1933 164 . LEst de la France constitue une autre entité administrative. La phase dorganisation du district Metz sétend sur les années 1928 et 1929 ; il est définitivement consolidé en 1932 165 . Les grandes distances séparant les différentes sections du district soulèvent rapidement des difficultés ; il est donc question de subdiviser le district en deux parties, intitulées respectivement district Homécourt et district Metz 166 . Cette suggestion ne fut jamais réalisée ; deux districts apparaîtront effectivement dans lEst, lun regroupant les sociétés de Lorraine, lautre celles dAlsace, mais plus tard. Enfin, une dixième entité, le district du Gard, apparaît de manière éphémère à la suite de la visite des colonies polonaises du département par labbé Garstecki. Aussi, laffirmation du secrétaire général du Z.P.T.K., dans son rapport à lAssemblée générale du 1-er mai 1932, que lUnion compte 10 districts 167 , décrit plutôt la répartition géographique des sociétés affiliées au Z.P.T.K. que la structure réellement existante.
une profonde modification de structure
Les associations catholiques polonaises en France se multiplient donc, et regroupent séparément les hommes dans les sociétés Sainte Barbe, Saint Joseph, Saint Stanislas, etc., les femmes dans les confréries du Rosaire, et les jeunes au sein de lorganisation S.M.P. Les centres dintérêt, ladministration, la gestion des activités, les difficultés se posent en termes différents selon le type dassociation. Les responsables catholiques prennent aussi conscience de la nécessité dencadrer la jeunesse polonaise dans une formation à caractère religieux, afin de la soustraire à linfluence des autres groupements de jeunes et de la conserver dans les rangs de lEglise 168 . Ces considérations amènent le secrétaire général du Z.P.T.K., labbé Garstecki, à proposer, à la réunion du Bureau du 4 mars 1928 169 , la création de trois unions spécialisées : une pour chaque catégorie dassociation ; mais les avis restent partagés.
Labbé Garstecki revient à la charge au cours de la réunion du Bureau du 10 mars 1929 170 . Son argumentation sarticule autour de trois points. Dabord, lassemblée générale annuelle de toutes les sections du Z.P.T.K. ne rend pas tous les services attendus : il y a trop peu de temps pour soccuper en détail des questions propres à chaque type dorganisation ; une assemblée annuelle des unions spécialisées pourrait en débattre plus efficacement. Ensuite, il nest absolument pas question de dissoudre le Zwiazek Polskich Towarzystw Katolickich ; les trois unions seraient regroupées au sein du Zjednoczenie Polskich Towarzystw Katolickich, dont le secrétaire général assurerait les mêmes fonctions à leur égard. Enfin, cette structure devrait permettre un travail plus approfondi à lintérieur de chaque mouvement, tout en favorisant une influence et un rayonnement plus importants à lextérieur. Le Bureau décide de porter la proposition à lordre du jour de la prochaine assemblée générale.
Celle-ci, réunie le 21 avril 1929, approuve la formation des trois unions spécialisées avec un secrétaire général et un trésorier communs, ceux du Z.P.T.K., et le changement du titre de la fédération. Chaque union tiendra désormais une assemblée générale annuelle pour élaborer un programme de travail propre, alors que la fédération ne se réunira en assemblée générale que tous les trois ans. Le Z.P.T.K. tient ainsi davantage un rôle de direction générale, de coordination, de gardien de lidéologie commune, plutôt que de gestionnaire des affaires courantes et des activités.
Il reste maintenant à concrétiser la décision de lAssemblée générale, en procédant à la constitution formelle des différentes unions. La première à être organisée est lUnion des confréries du Rosaire, le 29 mai 1929 à Lens 171 ; lAssemblée constituante rassemble les déléguées de 62 sections sous la présidence de labbé Garstecki, et choisit Stanislawa Witkowska de Bruay comme présidente, et Antonina Szypura, de Bruay également, comme secrétaire.
La réunion constituante de lUnion des Associations de Jeunesse polonaise (Zwiazek Stowarzyszen Mlodziezy Polskiej, S.M.P.), rassemblant momentanément les sections féminines et les masculines, a lieu le 6 avril 1930 à Lens. Elle se déroule sous la présidence effective du Bureau du Z.P.T.K., et en présence du Recteur de la Mission catholique polonaise, labbé Leon Lagoda. Sont représentées 8 sections féminines par 14 déléguées, et 10 sections masculines par 23 délégués. Dans son rapport introductif, labbé Garstecki indique cependant que 24 associations de jeunesse, féminines et masculines confondues, regroupant environ 1 000 membres, sont déjà en contact avec le Z.P.T.K., et que de belles perspectives de développement souvrent devant le S.M.P. en France. Le premier bureau constitué est mixte :
président : Franciszek Kotlarz (Bruay), vice-présidente : Marta Morawska (Bruay),
secrétaire : Jozef Fucks (Houdain), secrétaire adjoint : Stanislawa Grzeszczyk (Houdain).
Lassemblée générale suivante se déroule le 1-er mai 1932, le même jour que celle du Z.P.T.K. En fait, les représentants des sociétés de jeunesse participent aux travaux de la réunion plénière de la fédération, puis se rassemblent à part pour délibérer de leurs questions propres. Elle est encore commune à la jeunesse féminine et à la jeunesse masculine ; et le bureau qui en résulte, est encore mixte 172 . La séparation du mouvement en deux unions, Union féminine et Union masculine, date probablement de 1933 173 .
La dernière des trois à être formée est lUnion des Sociétés masculines (Zwiazek Towarzystw Meskich) le 15 mars 1931, avec à sa tête Stanislaw Siakowski.
De plus, le Conseil de la Mission catholique polonaise décide, le 19 avril 1932, la création dune union spécialisée supplémentaire, destinée à encadrer les enfants : lUnion des Associations dEnfants polonais (Zwiazek Stowarzyszen Dzieci Polskich) 174 . Dans les centres pastoraux polonais, existent déjà différents groupements chargés de léducation, surtout religieuse, des enfants : association des enfants sous la protection de lEnfant Jésus (Stowarzyszenie Dzieci pod opieka Dzieciatka Jezus), association des enfants de Marie (Stowarzyszenie Dzieci Marii) par exemple. Il sagit maintenant de conférer à leur action « une direction commune dans un esprit religieux et patriotique » 175 . Labbé Jozef Paciorek, aumônier à Auby dans le Nord, en est nommé directeur ; la rédaction de la rubrique pour les enfants, publiée par Polak we Francji sous le titre de Maly Wychodzca (Le Petit Emigré), lui est également confiée. Lidée est que cette rubrique serve dorgane à lorganisation nouvellement formée 176 . Labbé Ludwik Makulec, aumônier à Waziers, est adjoint à labbé Paciorek comme secrétaire. LUnion se développe rapidement ; et dans une lettre circulaire du 23 août 1933 177 , le recteur Leon Lagoda incite tous les prêtres polonais à organiser des associations denfants et à les enregistrer au sein de lUnion « comptant déjà plus de 6 000 membres ».
Enfin, en 1932 également mais à une date imprécise, est constituée la Société des Ouvriers agricoles polonais en France (Zwiazek Polskich Robotnikow Rolnych we Francji) 178 . Un tract signé par le président du Z.P.T.K., Jan Szambelanczyk, daté du mois davril 1932, annonce la création, auprès du siège de la Mission catholique polonaise, dun bureau où les ouvriers agricoles pourront trouver aides et conseils dans tous les domaines (contrats de travail, assurances sociales, regroupement des familles, retour au pays, formalités administratives, ...), et les invite à adhérer au Z.P.T.K. par lintermédiaire de ce bureau 179 . Une correspondance échangée avec le secrétariat général de la fédération catholique indique que cette société mène déjà une activité au cours de lété 1932. Mais lextrême pauvreté des documents retrouvés concernant la Société des Ouvriers agricoles polonais ne permet pas den préciser le mode de fonctionnement, létendue de son influence, ou ses rapports avec le groupement central 180 . Lidée nest cependant pas nouvelle. En 1924 déjà, pour lutter contre les conditions de vie catastrophiques des ouvriers agricoles, labbé Machay préconise larrêt de lenvoi de la main-duvre agricole et, face à linertie de Varsovie, conclut à la nécessité de créer une solide Union des Ouvriers et Ouvrières agricoles en France 181 . En mars 1924 182 , il appelle à la constitution dune Association sous la protection de Saint Isidore Laboureur (Stowarzyszenie Sw. Izydora Oracza), et propose la tenue dune assemblée générale pour le 20 avril. Son retour précipité en Pologne met un terme à cette initiative : lAssociation Saint Isidore ne vit pas le jour, et le problème des travailleurs agricoles resta entier 183 .
des activités multiples
Le but principal du Z.P.T.K. étant de maintenir au sein de limmigration polonaise un esprit catholique, et dassurer aux jeunes générations une éducation dans cet esprit, le devoir fondamental des associations catholiques est déveiller et raffermir la vie religieuse parmi leurs membres et, à travers eux, parmi lensemble de la communauté polonaise. La tâche semble évidemment plus aisée là où réside en permanence un aumônier polonais ; mais le grand mérite des bureaux des sections locales du Z.P.T.K., surtout de celles situées hors de linfluence directe de la pastorale polonaise, est de ne jamais cesser denvoyer aux autorités ecclésiastiques compétentes, ainsi quaux directions des compagnies minières ou des usines, des réclamations pour lenvoi dun aumônier polonais, ne serait-ce quà titre temporaire. Cest souvent grâce à cette détermination que les ouvriers polonais ont eu la possibilité dentendre la messe et de chanter des cantiques dans leur langue maternelle. Les associations masculines et les confréries du Rosaire constituent même fréquemment des chorales paroissiales, afin de maintenir les chants liturgiques à un niveau convenable. Les réunions régulières des associations sont aussi loccasion dintensifier la vie intérieure des participants par des conférences , des exposés ou des discussions. Lentraide permet de resserrer les liens de solidarité à lintérieur des groupes : les 72 confréries du Rosaire, que compte le Z.P.T.K. en 1932, soccupent toutes de rendre visite aux malades ; en 1931, elles ont versé conjointement 34 148 F. comme aide aux familles touchées par le décès dun de leurs membres ; les associations masculines ont versé la même année 21 630 F. dans le même but 184 . Les associations catholiques participent aussi de manière active à laction daide aux personnes touchées, à partir de 1931, par la crise économique et le chômage. Le Z.P.T.K. collabore à luvre du Comité central dAide aux Chômeurs (Glowny Komitet Pomocy Bezrobotnym), créé le 6 octobre 1931 dans le Nord de la France, à linitiative de la Société des Ouvriers polonais et des Sections polonaises de la C.G.T. 185 . Au cours des derniers mois de 1931 et au début de lannée 1932, les sections du Z.P.T.K. versent ensemble la somme de 9 300 F. pour secourir les chômeurs 186 .
Les manifestations extérieures permettent aussi de consolider les rangs du groupement catholique et dapporter, aux yeux de la communauté immigrée entière, un témoignage de sa vitalité. Rappelons les nombreux rassemblements catholiques organisés, entre 1927 et 1933, avec lappui des organisations catholiques et la participation massive de leurs membres. Des manifestations locales rehaussent également le prestige des sections du Z.P.T.K. au sein des colonies polonaises : le rapport du secrétaire général à lAssemblée du 1-er mai 1932 indique que, sur les 159 sections ayant renvoyé le questionnaire dactivités, 116 ont organisé des célébrations en lhonneur du Saint Père Pie XI, et 72 en lhonneur de lencyclique Rerum Novarum. Enfin, les pèlerinages sont toujours loccasion de déplacer les foules ; citons en particulier celui que dirigea labbé Garstecki pour prendre part au premier Congrès eucharistique polonais, à Poznan du 25 au 29 juin 1930, et auquel participèrent 473 personnes accompagnées de 242 enfants 187 .
Lactivité du Z.P.T.K. et en particulier de son secrétaire général ne se limite pas à ces actions à caractère exclusivement religieux ou caritatif. De multiples interventions auprès des autorités polonaises et françaises, ou auprès des employeurs et des compagnies minières, ont pour but de régler la question de la nationalité douvriers ayant perdu leurs papiers didentité, ou mal rempli les formulaires administratifs en Westphalie, dobtenir des secours pour des veuves et des orphelins, daccomplir les démarches pour loctroi des pensions de retraite pour les mineurs ayant cotisé en Allemagne (à la Knappschaft de Bochum par exemple) ; il sagit aussi de mener des recherches pour rassembler des familles dispersées, ou retrouver des travailleurs peu soucieux de venir en aide à leurs familles restées en Pologne ; il faut parfois porter secours à des compatriotes emprisonnés pour différents motifs 188 . Labbé Garstecki joue aussi un rôle éminent au sein du comité pour lérection, à La Targette près du cimetière militaire national de Notre Dame de Lorette, dun monument à la mémoire des volontaires polonais de la Légion de Bayonne tombés au champ dhonneur en mai 1915. Une simple croix de bois rappelait leur sacrifice ; le 21 mai 1933, est inauguré à sa place un monument, érigé grâce à une souscription lancée parmi lémigration polonaise en France et aux Etats-Unis 189 .
La pratique de la langue polonaise, le maintien de la conscience nationale, lapprofondissement du caractère catholique de lidentité nationale, constituent aussi un volet important dans les préoccupations de la fédération catholique. Elle envoie aux sections locales des bulletins (okolniki) dans lesquelles, en plus des informations purement administratives, figurent des textes de conférences sur les sujets les plus divers ; certains exposés sont même polycopiés sous forme de brochures. Les suppléments du Z.P.T.K. paraissant dans le journal Polak we Francji jouent le même rôle et permettent déconomiser lenvoi de circulaires. Il y a là un matériel culturel important mis à la disposition des sections : à côté de sujets strictement religieux (Le jubilé du Pape au cours de lAnnée Sainte, La Fête Dieu, LAvent) ou relatifs à la doctrine sociale de lEglise (Léon XIII, le Pape des ouvriers, Que représente Rerum Novarum pour les ouvriers ?, LEglise propagatrice de linstruction et de la science), les exposés rappellent également les liens qui unissent particulièrement les Polonais au catholicisme (Nos coutumes dans la célébration des mariages, La signification des traditions qui accompagnent la fête de Pâques, Histoire du siège primatial) 190 . Les sociétés locales les exploitent avec une certaine efficacité : en 1931 1932, 1 348 conférences sont ainsi prononcées au cours de leurs réunions. Le théâtre constitue également une manière efficiente de pratiquer la langue polonaise ; les programmes des matinées récréatives, organisées à différentes occasions par les sections, comportent souvent la représentation dune pièce de théâtre, des membres des associations catholiques locales se rassemblant pour la circonstance en un groupe de théâtre amateur. Le rapport du secrétaire général à lAssemblée du 1-er mai 1932 fait état de 360 représentations théâtrales données en 1931 1932. Il mentionne encore lexistence de bibliothèques auprès de 31 associations. Les livres pour les constituer proviennent de donations faites par des organisations sociales de Pologne, en particulier lOeuvre de Protection polonaise pour les Compatriotes à létranger (Opieka Polska nad Rodakami na Obczyznie). Celle-ci, créée en mars 1926 à Varsovie, développe une intense activité dinformation à lintention des candidats à lémigration, entretient des relations avec les principaux organismes gouvernementaux chargés de lémigration ainsi quavec presque tous les centres détablissement des émigrés polonais dans le monde, leur envoyant livres, journaux, périodiques, catéchismes, matériel scolaire, colis pour les fêtes de Noël 191 . La France tient une place prépondérante dans son action, notamment dans celle de son district occidental, créé en septembre 1929 et basé à Poznan 192 .
Cest justement une initiative du district de Poznan de lOpieka Polska nad Rodakami, qui permet à des séminaristes et étudiants polonais de France de passer les vacances scolaires dété en Pologne. Ils sont accueillis dans des presbytères ou dans les maisons de propriétaires terriens, sont astreints à un court stage dapprofondissement de la langue et de la culture polonaises, visitent des sites particulièrement liés au sentiment national polonais, éventuellement rendent visite à leurs familles demeurées en Pologne. Cette opération est menée chaque année de 1930 à 1934 193 ; les documents nindiquent pas si elle fut réalisée les autres années. Le but est de faire retrouver leurs racines polonaises à des jeunes gens dont les liens avec lidentité nationale et la culture polonaises pourraient, par une scolarité suivie exclusivement dans des établissements français, se distendre, alors que lon compte sur eux pour former lintelligentsia de limmigration polonaise en France, notamment pour renforcer, en ce qui concerne les séminaristes, les rangs de la pastorale polonaise en France : il faut les soustraire à une éventuelle trop forte influence du milieu ecclésiastique français, qui ne serait pas fâché de les englober. Cest dans le même esprit quest créée à Bruay-en-Artois, le 4 avril 1929, sous le patronage de labbé Jozef Radwanski, une Association des Etudiants polonais du Nord de la France sous la dénomination de St. Stanislas Kostka (Stowarzyszenie Studentow Polskich w Polnocnej Francji imieniem Sw. Stanislawa Kostki), regroupant principalement les séminaristes polonais du Grand Séminaire dArras. Le secrétaire général du Z.P.T.K., labbé Garstecki, entretient ensuite une relation régulière avec cette association, en assistant aux réunions, fournissant des livres pour la bibliothèque. Labbé Garstecki servant dintermédiaire entre les étudiants polonais de France et le district de Poznan pour lorganisation des vacances dété en Pologne, il encourage bien évidemment les étudiants du Nord à profiter de cette opportunité 194 .
Les organisations catholiques de la jeunesse commencent aussi à voir leurs effectifs, et donc le nombre de leurs sections, saccroître considérablement. La région du Nord, en particulier larrondissement de Bruay-en-Artois, demeure depuis 1924 le foyer le plus intense du mouvement S.M.P. ; apparaissent maintenant les sections masculines de Barlin en 1928, Divion et Haillicourt 2 195 en 1932. Le mouvement sétend ensuite aux régions de Douai et Lens. Les plus anciens groupes S.M.P. de la région de Douai sont les sections masculines de Ostricourt Oignies (en 1928), Waziers (1928), Lallaing (1931), la section féminine de Waziers (1930), la section mixte de Leforest (1930). Dans la région de Lens ce sont les sections masculines de Mazingarbe (1927), Rouvroy (1929), Billy-Montigny (1929), Lens 4 et Lens 11 (1930), Harnes (1933), Sallaumines (1933), Noyelles-sous-Lens (1933), la section féminine de Lens (1930). Le S.M.P. simplante encore dans la région de Montceau-les-Mines, avec la création de la section masculine des Gautherets en 1927 et de la section féminine des Essarts en 1930, ainsi que dans la région de Saint-Etienne, avec la fondation de la section masculine de Beaulieu - Roche la Molière en 1933. Au niveau des activités, sont privilégiées les manifestations publiques de masse, afin de démontrer le dynamisme de lorganisation et sa capacité à mobiliser les foules. Le 17 juillet 1932 par exemple, la section féminine de Houdain organise une fête des jeunes filles accompagnée dun rassemblement de la jeunesse féminine au nom de lUnion de la Jeunesse polonaise en France 196 ; le 22 octobre 1933, lUnion S.M.P. féminine et lUnion masculine organisent en commun, à Carvin, un rassemblement, appelé congrès (zlot kongres, ou kongres dans la terminologie de lorganisation), regroupant un millier de participants. LUnion des Associations dEnfants polonais préconise également ce type dactivités : le 12 juin 1932 à Auby, se déroulent simultanément la cérémonie de bénédiction de la bannière de la section locale et le premier rassemblement de lUnion ; des manifestations, imposantes par le nombre de participants, ont encore lieu en juin 1932 à Bruay et à Houdain, le 31 juillet à Sallaumines 197 .
Ainsi, laffirmation de labbé Garstecki, au début de son mandat de secrétaire général du Z.P.T.K. 198 , que « jusquà présent lUnion na pas réalisé grand chose », mérite, quelques années plus tard, dêtre notablement nuancée. Sous son influence, le Z.P.T.K. sest doté dune structure plus rationnelle qui sétoffera encore par la suite. Et surtout, grâce au dévouement des aumôniers et des responsables laïcs profondément engagés, le territoire français sest couvert dun réseau particulièrement dense dassociations catholiques, qui mêlent adroitement dans leurs programmes dactivités les mots dordre dobéissance aux principes religieux, de maintien de lidentité nationale polonaise, déducation des enfants et de la jeunesse dans un esprit catholique et polonais.
--------------------------------------------------------------------------------
LES ENTRAVES PERMANENTES A LACTION DE LA MISSION CATHOLIQUE POLONAISE
--------------------------------------------------------------------------------
Les limites du statut juridique de la Mission catholique polonaise
Le fait que le Règlement des aumôniers polonais, établi à la date de 1924 entre le cardinal Dubois, archevêque de Paris, et lépiscopat polonais, ne soit que le résultat dune entente privée entre les deux parties signataires, en a rapidement déterminé les limites et a provoqué des problèmes de compétence : au niveau local, la collaboration entre les aumôniers polonais et les curés français ne se fit pas toujours sans heurts. Lannée 1927 napporte pas de modifications sensibles dans lattitude des uns et des autres ; et les réunions du Conseil de la Mission se font régulièrement lécho des doléances de la partie polonaise. Par exemple, celui du 16 mai 1927 regrette que le Primat de Pologne abandonne un projet de visite en France, ce qui ôte lespoir détablir directement une réglementation juridique entre les évêques français et polonais. Celui du 10 juin soulève la question de lenvoi dune lettre pastorale du Primat à limmigration polonaise en France ; mais il faut pour cela laccord des évêques français, et le Conseil sattend à une opposition de Mgr Chollet, archevêque de Cambrai, et de Mgr Julien, évêque dArras, pourtant tous deux décorés en février 1926 de lordre Polonia Restituta ! Au cours de la réunion du 3 novembre en présence de Mgr K. Radonski, évêque de Wloclawek, qui est prié de transmettre au Primat et à la Chancellerie la teneur des discussions, labbé Garstecki demande que « lEpiscopat français rappelle de nouveau à ses prêtres le règlement, car lattitude de certains dentre eux à légard des prêtres polonais est absolument scandaleuse ». A la même réunion, dans son rapport Lavenir de la Mission au point de vue pastoral, le recteur Szymbor insiste particulièrement sur la nécessité délargir les compétences des prêtres polonais. Il rappelle dabord les stipulations du Règlement, et en tire la conclusion que ces dispositions constituent un droit particulier (jus particulare, en latin dans son texte) à préserver à tout prix : conformément à larticle 8 des Directives pour les prêtres polonais en France, il est interdit aux aumôniers de négliger les concessions accordées par les évêques locaux ; au contraire, il leur est recommandé den user certes avec prudence, mais cependant avec régularité pour en conserver la mémoire. Cest sans doute faire grand cas du Règlement et en donner une interprétation assez large ; mais le Recteur pousse plus avant sa réflexion et pose la question de savoir si le clergé polonais doit se contenter de cette situation ou bien réclamer lélargissement du champ de ses compétences : « Centre pastoral ou paroisse ? Devons-nous tendre à obtenir des paroisses au sens canonique, ou en rester aux centres dans leur définition actuelle ? Cette question ne se pose pas pour les évêques français ; ils précisent minutieusement que le prêtre polonais, même dans une cité à forte densité de Polonais, nest pas curé (parochus) mais seulement vicaire auxiliaire (vicarius auxiliaris) ». Lopinion du Recteur est bien entendu contraire.
Mais les espoirs polonais dans lintervention, auprès de larchevêque de Paris, du nouveau primat de Pologne, le cardinal August Hlond 199 , qui sest vu confier par lépiscopat polonais, comme son prédécesseur en 1921, la direction de la pastorale des émigrés polonais 200 , sont vite déçus. La réponse de larchevêché parisien détruit les illusions entretenues par les autorités ecclésiastiques polonaises quant au caractère officiel du Règlement, comme en témoigne un rapport du responsable de la Chancellerie du Primat, en date du 17 décembre 1927 201 :
« Après quatre mois, est arrivée de larchevêché de Paris la réponse au mémoire adressé au cardinal Dubois et à lévêque Chaptal ; il en résulte que le règlement des aumôniers polonais, conclu en son temps par feu le cardinal Dalbor avec le cardinal Dubois, est en réalité tout à fait illusoire, puisque dans cette affaire le cardinal Dubois nétait pas mandaté par lEpiscopat français ».
Dautres tentatives polonaises pour modifier la situation nobtiennent pas non plus les effets escomptés. Au cours dun voyage à Rome au début de lannée 1928 202 , le recteur Szymbor est reçu par la congrégation chargée de la pastorale des émigrés, fournit des renseignements sur le statut juridique de la Mission, sa composition, son action religieuse et caritative, demande au Vatican dimposer aux évêques français un état juridique favorable aux Polonais, mais sentend répondre que Rome laisse le soin de régler ces problèmes aux conventions entre les épiscopats des pays concernés.
Il ne reste plus au clergé polonais quà prendre, lorsque lopportunité se présente, des mesures visant à renforcer son autorité ou à établir un modus vivendi avec le clergé français. Ainsi, pour lever toute ambiguïté dans lutilisation des termes aumônier ou curé, le Conseil de la Mission décide, au cours de sa réunion du 24 octobre 1929, que le sceau utilisé par les prêtres polonais portera la mention en latin Capellanus Polonorum in Gallia suivie du lieu de résidence du prêtre, et que les en-têtes des papiers officiels seront rédigés en deux langues, avec linscription :
Polska Misja Katolicka we Francji
Duszpasterz w ...
Mission Polonaise Catholique en France
Aumônier à ...
Suite à une démarche du secrétaire général de la P.M.K., labbé Jozef Luczak, les prêtres polonais de France adressent au Primat, le 15 février 1930, une demande pour que le Recteur soit élevé à la prélature ; le motif invoqué est éloquent : une telle nomination rehausserait lautorité du Recteur, notamment à légard de la hiérarchie ecclésiastique. Labbé Lagoda est effectivement nommé prélat en mai 1931 203 . Enfin, en mai 1931 encore, le primat Hlond crée, dans le cadre de sa chancellerie, une Centrale dAssistance religieuse pour les Emigrés polonais, que le pape Pie XI « remet sous sa protection » 204 . Cest pourquoi, le Primat de Pologne utilisera désormais le titre de protecteur de lémigration polonaise, pour apporter une justification supplémentaire à son action. A la suite du document pontifical approuvant linitiative du cardinal Hlond, ce dernier écrit du reste, dès le 11 juin 1931, aux évêques polonais :
« Cette lettre possède une grande signification pratique, en ce sens quen sappuyant sur elle, il sera possible de traiter, avec les évêques des pays démigration, la question de lassistance religieuse auprès des masses démigrés, sur la recommandation officielle du Saint Père, alors que jusquà présent cette action avait un caractère privé et nétait mené par moi quau nom de lEpiscopat polonais ».
Mais le protectorat nautorise évidemment pas lingérence dans les droits et la juridiction des évêques ordinaires.
Lincapacité à définir convenablement le statut juridique de la Mission catholique polonaise et les attributions des prêtres polonais en poste en France, demeure, comme auparavant, une source dincompréhensions mutuelles et de tensions. Certes, les marques de sollicitude du clergé français à légard de la population immigrée polonaise ne manquent pas ; et dans lensemble, les rapports entre les prêtres français et polonais sont cordiaux, conciliants, empreints de bienveillance et de charité. Dans le bassin de la Loire, les aumôniers polonais, définitivement installés à demeure à la fin de lannée 1931 grâce au concours financier du patronat local, sont plutôt bien accueillis 205 . De même, la direction de lusine de Rosières dans le Cher, ainsi que le curé de la paroisse, se félicitent du regain dintérêt porté par la P.M.K., à partir de 1930, à la colonie polonaise locale 206 . Dans le Nord, la nomination de labbé Czeslaw Krzyszkowski au poste daumônier des Polonais de la région de Lille, Roubaix et Tourcoing, est loccasion dy rendre obligatoires les dispositions juridiques du Règlement de 1924, en particulier de son article 2. La lettre de nomination de labbé Krzyszkowski, signée le 1-er octobre 1929 par le vicaire général Dutoit 207 , précise en effet que dans les deux paroisses où il est affecté, léglise Saint Etienne à Lille et léglise du Sacré Cur à Roubaix, labbé Krzyszkowski « a le titre et les pouvoirs de vicaire avec délégation générale pour le service religieux des Polonais », et que « dans les autres paroisses, sil y est appelé par les Polonais, il devra demander une délégation spéciale pour chaque fonction : (...) pour les baptêmes et les mariages, et pour les funérailles ». Le diocèse dArras proclame, à la date du 28 décembre 1931, un Règlement des aumôniers polonais, qui nest pratiquement quune réplique exacte du Règlement de 1924. Seuls les articles 5 et 8, relatifs respectivement à lenseignement du catéchisme et aux mariages, sont modifiés : on reconnaît aux parents « le droit de choisir entre le catéchisme français et le catéchisme polonais », mais on demande de faire « en sorte que les enfants suivent les deux catéchismes » ; par contre, en ce qui concerne les mariages, le texte recommande aux curés, dans les paroisses où laumônier polonais ne réside pas, de se faire « un devoir de lui faciliter laccomplissement de son ministère et notamment de lui accorder pour la célébration des mariages les délégations nécessaires ».
Mais il faut reconnaître quà côté dexemples de collaboration harmonieuse entre les deux parties, subsistent encore beaucoup de situations conflictuelles. Même la Compagnie des Mines dOstricourt, pourtant favorable à un important encadrement scolaire et religieux de sa main-duvre polonaise, connaît, dès 1927, des difficultés avec les aumôniers polonais : des problèmes de compétence se posent entre eux et le curé français ; ce dernier sen plaint à la direction, et alerte lévêché en mars et avril 1927. Laumônier des mines dOstricourt, Paul Douay, surenchérit en mai 1927 208 :
« Quant à la question du clergé polonais, elle est plus embrouillée et plus ardue que jamais, et la Compagnie très mécontente manifeste sa mauvaise humeur en restreignant ses largesses au diocèse dArras ».
Finalement, un rapport sur la Situation du clergé polonais dans les paroisses de la concession des mines dOstricourt, daté du 27 août 1927, constitue un véritable code de conduite fixant les modalités de lexercice, par les aumôniers, de leur ministère auprès des mineurs polonais de la concession 209 . Tout y est décrit : situation juridique, baptêmes, mariages, funérailles, quêtes, premières communions solennelles, confessions, tarifs, messes du dimanche, litiges ; on sent linfluence du texte de 1924 dans la rédaction des différents paragraphes ; mais ce projet en donne une interprétation très concrète relative au territoire concerné, et laumônier polonais y jouit dune plus grande autonomie : il peut présider à toutes les cérémonies, dans certains cas cependant avec une délégation du curé, du moment que les familles le demandent. La conclusion du rapport indique que le projet ne peut avoir force de loi quavec lapprobation des évêques dArras et de Lille. La version finale du texte nest pas connue ; mais un accord réglant la situation du clergé polonais dans les paroisses de la concession des Mines dOstricourt a bien été promulgué par le vicaire général Guillemant le 27 octobre 1927 210 . Cela a sans doute permis une bonne harmonie dans les relations entre les deux clergés jusquà la fin des années 1930 211 .
Ailleurs, les difficultés ne se résolvent pas aussi facilement, avec le même esprit de tolérance quà Ostricourt ; et les exemples affligeants de querelles, élevées sous nimporte quel prétexte, en particulier à propos de la célébration des cérémonies religieuses, sont abondants. Voici quelques exemples empruntés au travail de labbé Barton 212 , qui ne cite souvent les localités et les personnes impliquées que par les initiales de leurs noms. Le premier est un rapport adressé en mars 1927 par un aumônier au Recteur de la Mission catholique polonaise :
« La population est sincèrement dévouée à lEglise ; malheureusement les curés sont vraiment très difficiles à manier, spécialement à D. Pour mieux vous orienter, je vous cite le cas suivant. Un mineur polonais était décédé à D. Les Polonais me demandèrent de lenterrer. Désirant une bonne entente avec le curé français, je les envoyai à lui, pour lui demander la permission. Le curé refusa catégoriquement. Ils retournèrent très déçus et me déclarèrent quen ce cas ils se passeront de prêtre français et quils feront lenterrement avec les gendarmes. Comme cette situation était extrêmement pénible, je mentretins moi-même avec le curé, qui ne voulut pas céder. Je lui déclarai donc que cest sous ma propre responsabilité que je conduirai lenterrement de la maison au cimetière, ce que jai fait aujourdhui. ( ) Le curé menaça de faire un rapport à lévêché de C. ; de mon côté je lassurai quoutre C., Rome pourrait aussi sintéresser à cette façon de traiter les besoins religieux des catholiques polonais en France ».
En janvier 1928, un prêtre français répond à propos doffices que laumônier polonais désirait célébrer dans sa paroisse :
« Je ne vous ai pas autorisé à baptiser quelquun à P. Veuillez désormais vous conformer au code canonique et ne pas présumer une permission quen aucun cas je ne vous accorderai. Le mariage dont vous me parlez, sera fait par moi ou mon vicaire, quand les papiers seront en règle. La Sainte Communion est distribuée à P. le dimanche aux messes de 7 heures 30 et de 8 heures, cest suffisant et raisonnable. Je vous ai déjà dit que je crois quà P. nous navons pas besoin de 4 messes de dimanche. ( ) Je vous prie donc de bien vouloir changer votre itinéraire ».
Le rapport pour lannée 1928 dun aumônier de la région du Nord indique bien où se situe le plus souvent le niveau de responsabilité :
« Malheureusement, je ne trouve pas de grande compréhension pour notre question polono-catholique, et je ne la rencontre pas du tout dans la région du Nord. ( ) Je ne voudrais pas généraliser ; il me semble pourtant que, pour la plus grande part, le prêtre polonais nest pas considéré ici comme un confrère mais comme quelquun dinférieur. ( ) Dans les conversations, au sujet de certaines facilités à accorder pour lexercice de lassistance religieuse parmi les Polonais, les Evêques montrent beaucoup de compréhension. Lexécution de ces facilités, cependant, appartient à dautres personnes, soit au Vicaire général, soit aux curés eux-mêmes ».
En août 1929, le recteur Lagoda alerte lévêque dArras sur les conséquences néfastes de lattitude peu conciliante du clergé français à légard du polonais :
« Les Polonais viennent régulièrement, soit pour baptiser leurs enfants, soit pour se marier à léglise, convaincus quils seront servis à tous les points de vues de leurs besoins spirituels. Mais, après un refus catégorique de la part du prêtre polonais (car il lui était interdit dadministrer les Saints Sacrements), ils se retirent avec hostilité et mépris. En vain le prêtre polonais donne des explications par tous les moyens possibles, pour les attirer à léglise paroissiale ; bien souvent, hélas, on ne les voit plus. Ils abandonnent les baptêmes et les mariages, et ne mettent plus les pieds à léglise, supposant que cétait la mauvaise volonté du clergé ».
A qui imputer la responsabilité dune telle situation ? Il est bien difficile de se prononcer. En fait, tout sépare les prêtres français et polonais : ils nont pas les mêmes manières, les mêmes habitudes, les mêmes méthodes, ils ne conçoivent pas leur ministère de la même façon. Dans le même courrier à lévêché dArras du 23 août 1929, labbé Lagoda en donne un exemple significatif relatif à la célébration des mariages :
« En Pologne, on donne les bénédictions nuptiales sur les marches de lautel et, obligatoirement, le prêtre assiste dans la chape, que ce soit pour les pauvres ou pour les riches. Malheureusement, parfois MM. les Curés ne veulent pas comprendre cette habitude chère aux aumôniers polonais. Cette forme du contrat de mariage dont on se sert en France, en dehors de lautel et quelquefois même sans cierges, est appliquée en Pologne aux jeunes filles qui sont, avant le mariage, des filles mères, ou qui sont de murs suspectes ou de mauvaise conduite ».
Mais le reproche le plus fréquent à lencontre du clergé français, en particulier du clergé local en contact direct avec les populations, est sa tendance à vouloir assimiler rapidement les immigrés polonais, les enfants essentiellement. Labbé Rogaczewski la dénonce dans le rapport quil dresse, en 1928, de son centre pastoral de Briey, en Meurthe-et-Moselle :
« Je fais des services religieux dans 30 églises, je dois donc mentendre avec 30 curés différents. Ils me font souvent comprendre que mon travail est purement un travail de missionnaire et quà part les sermons et les confessions, toute autre assistance religieuse de ma part nest pas indiquée. Ceci évidemment à cause des tendances, cachées ou ouvertes, de dénationaliser les enfants polonais. Ils ne permettent donc pas dorganiser la Première Communion, et ne permettent pas dapprocher des Saints Sacrements en langue polonaise ».
Un autre aumônier polonais émet le même jugement sur ses confrères français :
« Chacun deux interprète différemment le Règlement et trouve quil a raison. Je ne trouve pas de compréhension. Le prêtre français mène une lutte, bien que cachée, pour chaque enfant polonais. Il ma été interdit par lArchiprêtre de L. dorganiser cette année la Première Communion. Il y a de telles absurdités que les enfants sont littéralement déchirés entre deux côtés. Un enfant avait été hier à la confession chez le prêtre français, et il vient aujourdhui chez moi, ne considérant pas sa confession valable, car il avait été forcé de la faire ».
Et derrière les discours officiels pleins dattention à légard de la pastorale polonaise en France, certaines dispositions de la hiérarchie ecclésiastique française, comme à propos de lenseignement du catéchisme, ne manquent pas dinquiéter la partie polonaise. Lorsque le diocèse de Cambrai publie, à la fin de lannée 1929, un catéchisme franco-polonais, le Conseil de la Mission recommande dautant plus lutilisation du nouveau catéchisme de larchidiocèse de Gniezno Poznan 213 , puis celui préparé par labbé Aleksander Syski 214 . Linquiétude la plus vive est causée par un Règlement relatif au ministère de MM. les aumôniers étrangers, concernant principalement la catéchèse des enfants, élaboré par lévêque Emmanuel Chaptal, et approuvé par larchevêque de Paris, le cardinal Jean Verdier, à la fin de 1930 215 . Les principaux points de ce document indiquent que :
I MM. les Aumôniers étrangers sont invités à favoriser lentrée des enfants sachant le français dans les catéchismes paroissiaux et dans les uvres de persévérance organisées par les paroisses.
II Ils continueront à être pour les paroisses des auxiliaires fort utiles :
a En faisant le catéchisme dans leur langue aux enfants qui ne connaissent pas encore le français et qui, dailleurs, nont pas encore atteint lâge de la communion solennelle.
Dès que ces enfants sauront le français, ils semploieront à les faire entrer dans les catéchismes paroissiaux.
b En instruisant les enfants et les adultes retardataires ( ).
III MM. les Aumôniers étrangers, ( ), feront leur possible pour mettre en relation le clergé de la paroisse avec les familles appartenant à leur colonie.
IV Si les colonies étrangères ont organisé des uvres de persévérance, il leur sera loisible de les continuer, mais sous le contrôle de lAdministration diocésaine des Etrangers.
Certes, ce sont plutôt des recommandations que des ordres impératifs ; et le texte, signé par son ordinaire, nest valable que sur le territoire de larchevêché de Paris. Nous ne savons pas non plus dans quelle mesure il a été mis en pratique. Mais cette instruction, qui nest pas sans rappeler la disposition du Service religieux des Polonais dans le diocèse de Cambrai relative à la catéchèse, pourrait être reprise par lensemble des évêques français. Comme de plus en plus denfants polonais apprennent le français, les autorités polonaises y voient évidemment une preuve supplémentaire des tendances assimilatrices du clergé français 216 .
--------------------------------------------------------------------------------
Les insuffisances de lencadrement religieux
Il est indéniable quau cours de la période étudiée, des efforts ont été consentis par lEglise de Pologne, pour assurer lassistance religieuse auprès des émigrés polonais : rappelons que le nombre daumôniers polonais en France est passé de 26 en 1926 à 36 en 1927, puis 55 en 1932. Mais, en comparaison avec le nombre de travailleurs polonais en France, ce nombre apparaît bien faible, en tout cas toujours insuffisant pour satisfaire toutes les demandes. Même dans la région du Nord, pourtant assez bien pourvue en aumôniers, le manque de prêtres se fait sentir, et les délégués des associations catholiques réclament régulièrement lenvoi de prêtres supplémentaires. Dannée en année, au cours des assemblées générales du Z.P.T.K. du 24 mars 1927, du 18 mars 1928 et du 21 avril 1929, les mêmes plaintes se font entendre 217 : des localités, où résident plus de 10 000 Polonais, nont toujours pas daumônier à leur disposition, cest le cas sur le territoire de la Compagnie des Mines de Béthune ; ailleurs, il y en a un, dans la région de Valenciennes Anzin par exemple, mais seul pour couvrir un nombre important de villages. Dans lEst de la France, les résolutions des rassemblements catholiques se font également lécho des besoins 218 . Ce sont encore les régions agricoles qui souffrent le plus du trop petit nombre de prêtres disponibles. Laugmentation, toute relative, des effectifs de la Mission catholique polonaise ne permettra de répartir la pastorale des zones rurales entre les différents sièges quà la fin de lannée 1933 ; mais certains aumôniers ont des territoires immenses à parcourir, et la région du Sud Ouest semble particulièrement abandonnée 219 .
La composition de la P.M.K. est aussi caractérisée par une grande instabilité. Beaucoup de prêtres sont envoyés en France par leurs évêques ordinaires pour une période assez courte, en général de deux ans, et ne se font pas prier pour quitter des conditions de travail pour le moins difficiles. Ainsi, sur les 36 prêtres que compte la Mission en 1927, il nen reste que 16 en 1932, dont le philosophe Jakubisiak à Paris et les abbés Lurat, Sadowski et Unszlicht qui dépendent en fait de la curie épiscopale française. De plus, tous noccupent plus le même siège. Certains sont mutés dans le même doyenné, dautres en changent : labbé Sledziowski passe de Marles-les-Mines en 1927 à Nux-les-Mines en 1930, dans le même doyenné du Nord ; labbé Oscilowicz est à Hayange (Moselle) en 1927 et à Harnes (Pas-de-Calais) en 1930 ; labbé Makiela se trouve au Creusot en 1927, à Caen en 1930, et à Briey (Meurthe-et-Moselle) en 1932. De manière générale, les changements de prêtres à un poste donné sont très fréquents. Dans le bassin stéphanois par exemple, à Beaulieu se trouvent les abbés Tarnogorski en 1927, Stefaniak en 1930 et Dominczak en 1932 ; à La Ricamarie, le premier aumônier, labbé Szewczyk, arrivé à la fin de lannée 1927, est remplacé, en octobre 1931, par labbé Mularzuk, lequel est rappelé en Pologne en juillet 1933 et remplacé par labbé Drelowiec. Souvent, laumônier a à peine eu le temps de shabituer à ses nouvelles conditions de vie, de connaître ses ouailles, le curé français dont il dépend et avec lequel il doit sefforcer de trouver un terrain dentente, quil est obligé de sen aller ; pour son successeur, tout est à recommencer. Le problème est suffisamment grave pour quun exposé, à la conférence annuelle des prêtres polonais de France du 14 juin 1927, soit consacré aux méthodes pratiques pouvant assurer la continuité dans le travail pastoral 220 . Il semble bien que les propositions avancées (tenue de registres relatifs aux offices et cérémonies, aux associations catholiques existantes, listes nominatives des fidèles, etc. ; tous documents devant être transmis au successeur, éventuellement, dans le cas où celui-ci tarderait à arriver, par lintermédiaire du doyen) aient été peu suivies. Enfin si, lorsquun prêtre est rappelé en Pologne par son évêque, la Mission catholique polonaise ne peut bien sûr que sincliner, lorsque tel nest pas le cas, on sexplique mal les raisons qui la poussent à changer les prêtres de postes aussi souvent, au risque, parfois, de mécontenter les ouvriers eux-mêmes qui sétaient familiarisés avec un prêtre et acceptent mal son départ 221 .
Une autre difficulté de la pastorale polonaise en France consiste en limpréparation de ses cadres pour le travail en émigration. Les prêtres polonais envoyés en France ne savent pratiquement rien, à leur arrivée, de ce qui les attend, sauf quil sagit dun travail difficile. Dès 1927 222 , le recteur Szymbor insiste sur la nécessité, pour eux, de suivre un stage préparatoire comprenant des exposés sur les relations entre lEglise et lEtat en France, le droit social français, les lois sur les associations, les caractéristiques et les courants au sein de lémigration polonaise, les compétences des consulats polonais, et aussi de dominer les rudiments de la langue française. Parfois, la qualité des prêtres envoyés est mise en cause : les évêques polonais, pressés de désigner, faute de volontaires en nombre suffisant, les candidats au départ, nenvoient sans doute pas les meilleurs éléments. Certains prêtres polonais considèrent leur séjour en France comme un moyen de connaître le pays et sa culture, et sont peu enclins à développer une pastorale efficace sur plusieurs années ; même le recteur Szymbor déplore le peu denthousiasme de prêtres qui, à lexpiration du délai de deux ans imposé par leurs évêques, quittent précipitamment la France, sans attendre larrivée de leurs successeurs 223 . Dautres ne résistent pas à lappât du gain, réclamant des sommes trop importantes pour des traductions de documents polonais ou pour les frais dacheminement des certificats de baptêmes ou de mariages en provenance de Pologne ; le Primat en personne intervient pour que cessent ces pratiques 224 . Mais ces écarts de conduite ne sauraient masquer le dévouement de la plupart des aumôniers.
Trois solutions ont été envisagées pour pallier linsuffisance numérique et qualitative de la pastorale polonaise en France. Nous avons déjà signalé lattention que portaient les clergés français et polonais, en poursuivant certes des buts diamétralement opposés, aux séminaristes issus de limmigration polonaise et étudiant dans des séminaires français. Un seul parmi eux est ordonné prêtre au cours de la période étudiée : labbé Jan Glapiak en 1929 ; et effectivement, tout en restant sous la dépendance juridique de lévêque dArras, il est mis à la disposition de la Mission catholique polonaise qui le nomme à Lens.
Pour assurer une bonne préparation des prêtres destinés à travailler auprès des Polonais émigrés, le primat Hlond ouvre, en octobre 1929 à Gniezno, une annexe du Grand Séminaire diocésain, destinée à accueillir les volontaires pour la pastorale à létranger. Le produit dune quête, réalisée à loccasion du 25-ème anniversaire de sacerdoce du Primat, doit fournir les fonds nécessaires 225 . Mais, si 32 étudiants sy inscrivent en 1929, il ny en a plus que 14 en 1930, et aucun ensuite. Lannexe est fermée, et les séminaristes retournent poursuivre leurs études dans les séminaires de Gniezno et Poznan. Le projet a donc échoué, même sil a porté quelques fruits : dix prêtres de ce groupe viendront en effet renforcer la pastorale polonaise en France au cours des dernières années de lentre-deux-guerres 226 .
Mgr Hlond persévère cependant dans son intention, et reprend alors lidée, quil avait déjà présentée à Rome en 1929, de créer un ordre religieux polonais pour lémigration 227 . La demande est formellement introduite auprès du Vatican en mai 1931 ; labbé Ignacy Posadzy, auquel de nombreuses visites à létranger ont permis dacquérir une solide expérience dans le domaine de lassistance religieuse aux émigrés 228 , est choisi pour organiser la nouvelle congrégation ; et la comtesse Aniela Potulicka offre, au cours de lété 1932, sa propriété de Potulice, près de Naklo en Poméranie, comme siège de la congrégation. Celle-ci est juridiquement constituée, sous le nom de Congrégation du Saint Sépulcre (Religiosi Sancti Sepulcri, Kongregacja Swietego Grobu), par décret du Primat daté du 8 septembre 1932. Très vite, le nom du nouvel ordre religieux suscite de nombreuses controverses. Dautres titres sont proposés, mais cest finalement le Pape qui dictera au Primat la nouvelle appellation. Un décret de Mgr Hlond du 12 juin 1933 entérine le nouveau titre : Société du Christ pour les émigrés (Societas Christi pro Emigrantibus, Towarzystwo Chrystusowe dla Wychodzcow). Mais quelques années sont évidemment nécessaires pour que la pastorale polonaise à létranger, et notamment en France, puisse bénéficier de lapport de cette uvre ; la venue des premiers Chrystusowcy en France ne se réalise quen 1936, et il y en aura fort peu avant la Seconde Guerre mondiale.
Lassise matérielle de la pastorale polonaise en France demeure toujours très incertaine et constitue une préoccupation constante. Les sources de financement ne peuvent provenir que du patronat français, de lEglise ou de lEtat polonais.
Lorsque le patronat est favorable à un encadrement religieux convenable de sa main-duvre polonaise, il assure aux aumôniers un logement et un traitement, finance les institutions tenues par les surs, construit même des églises ou des chapelles à lusage exclusif de la colonie polonaise. Cest souvent le cas dans les grands centres industriels, miniers ou textiles dans le Nord par exemple. Dès 1927, les Polonais disposent, pour leur propre usage, dédifices du culte à Dourges, Marles-les-Mines, Oignies, Soissons, Les Gautherets. Le patronat agit ainsi par souci humanitaire sans doute, pour assurer un ordre moral et social parmi ses travailleurs, mais aussi faute, parfois, de pouvoir disposer dune autre solution. Les compagnies des mines dAniche et dAnzin acceptent de subventionner, à partir de 1927, les cours de polonais aux Facultés catholiques de Lille, dans lespoir quen sortiront des prêtres français sachant la langue polonaise et pouvant donc assurer le ministère auprès de leurs ouvriers polonais 229 . Et le recteur Szymbor souligne avec justesse que limmigration polonaise en France ne possède rien en propre : ni église, ni chapelle, ni école, ni classe maternelle, ni orphelinat ; et que les conditions de vie satisfaisantes de la plupart des aumôniers peuvent disparaître immédiatement, par la simple volonté des compagnies minières 230 . Lorsque les directions des mines sont moins généreuses, lencadrement religieux ne bénéficie pas des mêmes avantages, ou se trouve considérablement réduit. La Compagnie des Mines dAnzin naccepte dentretenir quun seul aumônier, labbé Sadowski, dépendant du reste du diocèse de Cambrai ; celle de Béthune nen veut aucun à demeure ; celles du département du Gard liquident en avril 1932 le poste quelles ont créé en octobre 1929 à Saint-Jean-de-Valériscle 231 . Quant aux régions agricoles, personne ou presque ne veut payer les tournées pastorales des aumôniers ; des Unions catholiques des Agriculteurs versent, dans quelques diocèses, des sommes destinées à couvrir une partie des frais de la pastorale itinérante, mais elles sont modestes et payées irrégulièrement 232 .
Dès les premières démarches pour la réorganisation de la Mission catholique polonaise, les autorités ecclésiastiques polonaises se sont efforcées dobtenir un budget du Ministère des Affaires étrangères et de lOffice dEmigration polonais 233 . Le gouvernement polonais reconnaît volontiers le rôle éminent de la P.M.K., mais les subventions tardent à arriver : une première dotation globale de 45 000 F. et un budget annuel de 60 000 F. ne sont accordés quen avril 1925. Entre 1927 et 1933, les subventions du Ministère sont très irrégulières et même parfois supprimées, si un désaccord surgit entre le Rectorat et lAmbassade de Paris, comme lorsque le recteur Lagoda critique publiquement lemprisonnement dans la forteresse de Brzesc, en septembre 1930, des opposants au régime politique. Début 1930, les partis politiques polonais de gauche et du centre, regroupés dans leur opposition au gouvernement au sein de la coalition du Centrolew (Centre Gauche), déploient en effet une intense campagne en prévision des élections à la Diète et au Sénat fixées en novembre. Pour assurer une campagne électorale favorable au Bloc sans parti de collaboration avec le gouvernement, le maréchal Pilsudski se fait présenter une liste de députés et sénateurs dopposition à arrêter. Contrairement à la loi, vingt personnalités de divers partis dopposition sont ainsi incarcérées dans une prison militaire, la forteresse de Brzesc, dans lEst de la Pologne. En tout cas, les dotations destinées à la Mission catholique sont toujours très inférieures à ce qui est versé aux organisations et à la presse favorables au gouvernement en place. En attendant dhypothétiques meilleurs jours, pour payer les frais de bureau et de personnel, les voyages, les loyers pour le logement et léglise de Paris, et aussi les frais de mission de la pastorale itinérante, la P.M.K. a recours à des expédients : emprunts dont les intérêts viennent aggraver encore le déficit budgétaire, et subventions exceptionnelles de lEglise de Pologne. Le Primat sefforce en effet de venir en aide à la P.M.K., en octroyant des dotations particulières lorsque les moyens le lui permettent, ou en autorisant, dans son archidiocèse, une puis deux quêtes en faveur de la Mission 234 . La question de la situation matérielle du clergé polonais en France, en particulier de son centre directeur à Paris, ne fut cependant jamais convenablement réglée ; et les rapports des recteurs successifs ne cessent dattirer lattention des autorités et du Primat de Pologne sur lextrême indigence des moyens financiers de la Mission.
--------------------------------------------------------------------------------
LEMERGENCE DE NOUVEAUX PROBLEMES
--------------------------------------------------------------------------------
Lengagement syndical
Larrivée dune importante main-duvre étrangère dans les mines ne peut laisser indifférents les principaux syndicats de mineurs : la Confédération Générale du Travail (C.G.T.), et aussi, après la scission de 1921 1922, la Confédération Générale du Travail Unitaire (C.G.T.U.). Celle-ci est la première à entreprendre un effort de propagande en direction des Polonais immigrés ; et dès 1922, sorganisent les premières sous-sections syndicales proprement polonaises, comme celle de Nux-les-Mines dont le drapeau porte la date du 22 janvier 1922 235 . Elle possède des recruteurs et, en la personne de Thomas Olszanski, un permanent nommé secrétaire de la Fédération unitaire des Mineurs du Sous-sol, spécialement chargé de la Main duvre étrangère (M.O.E.) 236 , ainsi quune presse en langue polonaise : Zwiazkowiec Polski (Le Syndiqué polonais), remplacé ensuite par Glos Pracy (La Voix du Travail).
La C.G.T. mesure vite lerreur commise en laissant le champ libre au syndicat rival. Létude de Madame Ponty 237 retrace pas à pas laction entreprise alors par le syndicat C.G.T. ; nous en donnons simplement les événements marquants. Lannée 1923 marque le réveil des Confédérés qui multiplient, dans la région du Nord principalement, les conférences destinées aux Polonais. Mais surtout, le syndicat bénéficie dun atout appréciable : lappui des syndicats polonais membres de lInternationale dAmsterdam. Le 18 août 1923, Jan Stanczyk et Jozef Adamek, respectivement secrétaire général et président du Syndicat des Ouvriers de lIndustrie minière et pétrolière, appellent, dans La Tribune, les mineurs polonais travaillant en France à adhérer à la C.G.T. A la fin de lannée 1924, Jan Kwapinski et Anton Zdanowski, président et secrétaire de la Commission centrale des Syndicats professionnels de Pologne, sont reçus avec Léon Jouhaux par le ministre du Travail Justin Godart ; ils visitent, en compagnie dAlfred Maës et Henri Mailly, les centres miniers de Marles-les-Mines et Bruay-en-Artois, où les immigrés leur réservent un accueil enthousiaste, et concluent avec Léon Jouhaux un accord qui permet aux ouvriers polonais dadhérer à la C.G.T. en organisant leurs propres sections syndicales, partout où le nombre dadhérents prévus par les statuts sera atteint. Laccord prévoit aussi lengagement dun propagandiste, Stefan Jesionowski, chargé de lencadrement des ouvriers polonais, bientôt aidé en cela par un deuxième militant, Guillaume Hordis. Un journal en langue polonaise, Prawo Ludu (Le Droit du Peuple), vient également renforcer leffort de propagande.
A lexemple du clergé de lépoque qui, dans son ensemble, condamne la pratique syndicale au sein dorganismes réputés hostiles à la religion, les prêtres polonais ne sont pas favorables non plus à ladhésion des ouvriers polonais à la C.G.T., et encore moins à la C.G.T.U. classée sous létiquette communiste. Dans un premier temps, ils paraissent toutefois se résigner. Dans son rapport sur les syndicats au Conseil de la Mission catholique polonaise du 3 novembre 1927, labbé Garstecki constate que même les militants et les présidents de sections de lUnion catholique adhèrent à la C.G.T., parce quils y trouvent la protection recherchée. Les participants à la réunion ne semblent pas trop sen émouvoir, recommandant tout au plus de 238 :
« 1 influer sur le Bureau de la Société des Ouvriers polonais (Z.R.P.) , pour que lui-même ainsi que la Société entière sappuient sur des fondements catholiques ;
2 expliquer aux Polonais le programme anti-catholique de la C.G.T. et le danger de perdre la foi ;
3 influer pour que les Polonais défendent le Z.R.P. et le soutiennent. »
Comment expliquer une telle attitude ? Le peu dinformations apportées par la C.G.T. elle-même sur le nombre de ses sections polonaises, que ce soit dans le journal Prawo Ludu ou dans les rapports soumis aux congrès annuels, laisse sans doute penser quils sont plutôt faibles, assez en tout cas pour ne pas sen glorifier ; de ce point de vue, le danger ne doit pas paraître très grand pour le moment aux yeux des prêtres polonais. Labbé Kaczmarek avance le total de 12 000 Polonais adhérents à la C.G.T. en 1927 239 , ce que létude la plus récente de Madame Ponty considère comme étant le chiffre le plus vraisemblable parmi tous ceux qui ont été indiqués dans différentes sources. Quant à la C.G.T.U., le développement de ses sections polonaises est beaucoup plus lent ; et Madame Ponty propose, comme effectif plausible à la fin de 1926, le chiffre de 6 000 240 .
Mais aussi, la Mission catholique polonaise ne dispose daucune solution de rechange. Elle sait fort bien que la Société des Ouvriers polonais na pas les droits dun syndicat, et rechigne à prôner ladhésion des ouvriers polonais à la Confédération française des Travailleurs chrétiens (C.F.T.C.) ; labbé Garstecki la présente en effet dans son rapport comme « dangereuse à cause de ses tendances assimilatrices ». Malheureusement, le document consulté ne contient quun compte rendu assez succinct de lintervention de labbé Garstecki ; les raisons pour lesquelles, de lavis du secrétaire général du Z.P.T.K., cette organisation syndicale pourrait prôner et favoriser lassimilation des Polonais, ne sont donc pas connues 241 . Du reste, la représentation de la C.F.T.C. dans les grands centres houillers est à lépoque extrêmement faible 242 . Aussi une résolution du même Conseil de la Mission du 3 novembre 1927 naccepte lidée de favoriser la C.F.T.C. que dans des circonstances précises :
« 4 là où le Syndicat chrétien (français) a une influence, et où il ny a aucune autre organisation, inciter à ce quils [les Polonais] se rallient à lui. »
Le texte de la motion ne précise pas de quelle autre organisation il sagit. Lobjet de la discussion étant cependant la défense des intérêts des travailleurs polonais, il vise probablement la Société des Ouvriers polonais ; les résolutions 1 et 3, citées ci-dessus, font pencher pour cette hypothèse. Mais dans ce cas, le Conseil de la Mission se méprend sur les possibilités daction de cette association au regard de la loi française, ou bien mise sur une éventuelle modification de la réglementation qui accorderait au Z.R.P. les droits dun syndicat.
Peu à peu, à partir de 1932 surtout, le ton va complètement changer. Linfluence de la C.G.T. et des organisations hostiles à la religion et à lEglise est alors jugée trop importante et pernicieuse. Les motions 4 et 7 de lAssemblée générale de lUnion des Sociétés catholiques polonaises du 1-er mai 1932 sont sans équivoque 243 ; la lutte dinfluence est bel et bien engagée :
« 4 Ne portant pas atteinte à la compétence des organisations professionnelles, lAssemblée générale appelle tous les compatriotes
à ne sunir que dans des syndicats qui ne combattent pas la religion et lEglise, et qui prennent en considération les principes chrétiens,
en sunissant dans une organisation professionnelle, à veiller à ce que les convictions religieuses de la majorité soient respectées.
7 LAssemblée générale met en garde les membres des sociétés catholiques contre une certaine fraction de la presse qui sattaque à lEglise catholique, comme le fait lorgane de la C.G.T. Prawo Ludu,
pour que les membres des sociétés catholiques ne sabonnent pas à cet organe qui tourne en dérision leurs sentiments catholiques. »
Le syndicat C.G.T. est donc directement visé. Le Conseil de la Mission du 29 novembre 1932, tout en reconnaissant que le problème se pose en termes différents selon les régions, souligne à son tour la nécessité de combattre linfluence prépondérante de la C.G.T., en favorisant limplantation de syndicats chrétiens avec des sections autonomes pour les Polonais 244 :
« il sagit de constituer des syndicats chrétiens auprès de la fédération française, en tant que sections séparées possédant leur autonomie, eu égard à la possibilité de mieux régler ainsi la question nationale pour lémigration polonaise. »
LAssemblée plénière annuelle des aumôniers polonais de France, qui se tient à Paris du 13 au 17 décembre 1932, va encore plus loin dans ses conclusions. Elle préconise que 245 :
- les associations catholiques éliminent lentement mais systématiquement tous leurs membres appartenant à la C.G.T. ;
- le secrétariat général du Z.P.T.K. interdise aux membres des sociétés catholiques doccuper la fonction de président dune section polonaise de la C.G.T., et les aumôniers agissent pour que ceux qui remplissent de telles fonctions, démissionnent aussitôt ;
- le secrétariat général du Z.P.T.K. interdise aussi aux membres des sociétés catholiques dadhérer aux autres organisations de gauche telles que lAssociation des Universités ouvrières (Towarzystwo Uniwersytetow Robotniczych, T.U.R) créée en mai 1928 sous le patronage des sous-sections polonaises de la C.G.T.
Il est cependant difficile de préciser dans quelle mesure toutes ces résolutions et décisions ont produit leffet escompté. Il faut néanmoins les replacer dans un contexte plus large. Lépoque où la position du mouvement catholique dans son ensemble vis-à-vis des organisations de gauche se transforme radicalement, est également lépoque où le Z.P.T.K. se réorganise et se renforce avec le développement des associations denfants et de jeunesse, où se multiplient les rassemblements catholiques précédemment décrits, où sont organisées un peu partout des manifestations en lhonneur des encycliques Rerum Novarum et Quadragesimo Anno. Tout concourt donc à renforcer la position du groupement catholique contre les syndicats de gauche. Mais il semble que ceux-ci ne soient pas les seuls en cause ; les relations avec les autorités polonaises, étudiées dans la suite du chapitre, deviennent aussi à ce moment de plus en plus tendues, principalement à cause de leur opération de mainmise sur la vie sociale de limmigration. Le recteur Lagoda indique sa ferme volonté de construire un solide barrage contre toutes les tentatives daffaiblissement du mouvement catholique, quelle quen soit lorigine. La conclusion de la discussion sur les syndicats, au cours de la réunion du Conseil de la Mission du 29 novembre 1932, latteste :
« Sur la base de ces discussions, le Recteur affirme la nécessité de créer des syndicats chrétiens. Puisque les autorités officielles veulent absolument transformer la représentation de lémigration, il faut former un bloc catholique, dans la composition duquel entrerait également le syndicat chrétien. »
Ce sera toutefois peine perdue ; et la lutte dinfluence contre les organisations de gauche, jamais complètement abandonnée, deviendra un problème secondaire. Tout au plus, la création de sections polonaises au sein de la C.F.T.C. restera toujours encouragée par lUnion catholique et la Mission, même sil est recommandé aux prêtres polonais de ne pas prendre part officiellement et publiquement à leur fondation ; mais leur développement jusquà la Seconde Guerre mondiale demeurera très lent 246 .
--------------------------------------------------------------------------------
La question scolaire
Tout comme à propos de lencadrement religieux, la convention démigration du 3 septembre 1919 reste muette sur la question de lenseignement du polonais aux enfants dimmigrés. Mais si labsence, dans ce document, de toute clause concernant léducation des enfants peut être considérée comme une victoire pour la France 247 , elle constitue un véritable problème pour les immigrés, en particulier ceux de Westphalie dont les enfants nés en Allemagne, privés là-bas de toute possibilité denseignement dans la langue maternelle, nont déjà plus quune connaissance amoindrie du polonais. Un sens patriotique certain des parents et la perspective dun retour futur dans une Pologne redressée leur imposent donc la nécessité dapprendre le polonais.
La demande pressante de la base se heurte cependant à la législation scolaire française de 1882 et 1886. Rien nest prévu pour permettre dans les écoles publiques un enseignement étranger. Des possibilités existent par contre dans les écoles privées entretenues par les entreprises ou les compagnies minières, et vont être exploitées par les aumôniers mandatés à cet effet par les ouvriers polonais. Toutes les études 248 soulignent effectivement le rôle pionnier et lengagement du clergé dans la création de cours de polonais durant la période 1920 1924, dautant plus ardent que lenseignement de la religion y est possible. Au fur et à mesure de leur arrivée en France, les surs polonaises des congrégations religieuses féminines sinvestissent également dans léducation des enfants, notamment au niveau de linstruction préélémentaire par le biais de garderies ou de classes maternelles. Les relations personnelles du Recteur de la Mission catholique polonaise, labbé Szymbor, avec les directions des usines et des mines sont dans ce domaine particulièrement utiles : elles permettent louverture et le financement, jusquà lautomne 1926, de 35 centres denseignement du polonais, et de 8 garderies et patronages pour les enfants et la jeunesse 249 . La comparaison avec les chiffres suivants 250 , concernant la totalité de lenseignement préélémentaire et élémentaire polonais à cette époque, montre bien limportance de laction du clergé :
enseignement préélémentaire :
année 1925/26 : 1 centre
année 1926/27 : 9 centres ;
enseignement élémentaire :
année 1923/24 : 42 centres
année 1924/25 : 82 centres
année 1925/26 : 82 centres.
Du reste, lEglise de Pologne souhaite à lévidence un contrôle de lenseignement et des moniteurs polonais par la Mission catholique. Le recteur Szymbor se fait même linstigateur dune rencontre, en 1923 à Poznan, entre le primat Dalbor et les président et vice-président du Comité central des Houillères de France, où sont discutés des problèmes relatifs à la pastorale et lenseignement polonais en France ; Henri de Peyerimhoff estime la question scolaire délicate et adopte une attitude de réserve prudente 251 .
Sous légide de la Mission catholique justement, quelques moniteurs de langue polonaise se regroupent au sein dune Association chrétienne nationale des Instituteurs polonais en France (Stowarzyszenie Chrzescijansko-Narodowe Nauczycieli Polskich we Francji) : une première tentative pour constituer un groupement des moniteurs polonais exerçant en France, prévue à Arras le 8 février 1923 252 , avorte ; la seconde, à Paris le 28 décembre 1923, est la bonne et réunit 19 instituteurs et prêtres, en majorité de lEst de la France 253 .
Cependant, à partir de 1924, la situation évolue rapidement au profit dune plus grande laïcisation de lencadrement de lenseignement du polonais : la Mission catholique perd peu à peu son influence dominante et les relations entre les aumôniers et les instituteurs deviennent même souvent conflictuelles. Les revendications incessantes des ouvriers immigrés, les interpellations de labbé Szymbor conduisent les autorités polonaises à placer la question scolaire à lordre du jour de la conférence franco-polonaise réunie à Paris du 25 mars au 17 avril 1924 sous la présidence du ministre polonais du Travail, Franciszek Sokal. En vertu des lois en vigueur, les autorités françaises ne peuvent accéder au désir des Polonais de voir ouvrir des cours de langue polonaise dans les classes fréquentées par les enfants dimmigrés ; elles laissent donc le soin au C.C.H.F. de se poser en médiateur : Henri de Peyerimhoff adresse le 17 avril une lettre au ministre F. Sokal, précisant certes ses intentions mais nengageant certainement pas la partie française, alors que la partie polonaise la considère comme la charte de lenseignement du polonais en France 254 .
A la suite de ce protocole davril 1924, complété par les circulaires du ministère français de lInstruction publique du 30 juin 1924, 21 décembre 1925, 13 décembre 1927 et 28 mars 1929, le gouvernement polonais, jusqualors très discret, prend de plus en plus en charge les cours de polonais, en créant le poste dInspecteur général déducation (Naczelny instruktor oswiatowy) auprès de lAmbassade de Paris, et en exploitant au maximum les obligations françaises pour couvrir le territoire de la France dun réseau de centres denseignement du polonais : au cours de lannée scolaire 1926/27, on en dénombre déjà 206, puis 260 en 1927/28, chiffre culminant pour la période de lentre-deux-guerres 255 . Cette augmentation saccompagne évidemment de larrivée en France de jeunes instituteurs, formés en Pologne et soumis à lautorité de lInspecteur général.
Ces derniers constituent, le 4 décembre 1924 à Bruay-en-Artois, une deuxième organisation professionnelle, lUnion des Instituteurs polonais en France (Zwiazek Polskiego Nauczycielstwa we Francji, Z.P.N.F.) 256 , sur le modèle de lUnion des Instituteurs existant en Pologne, dont ils étaient, pour la plupart, déjà membres. Cette nouvelle association est dirigée par Janusz Antoni Wiacek, Leon Strutynski, Janina Defont 257 . Même si celle-ci et lAssociation chrétienne nationale des Instituteurs polonais en France fusionnent le 15 avril 1925 sous la direction de Henryk Krakowski, publiciste et militant catholique, les opinions divergent sur les moyens de maintenir le caractère polonais de limmigration, les coutumes et les traditions polonaises. Les uns, provenant surtout de Westphalie, voient dans lEglise polonaise et son représentant en France le garant du caractère national de limmigration : le maintien de la religion catholique et la célébration des fêtes religieuses sont prépondérants, à leur avis, pour sauvegarder lexistence nationale. Même si cette conception fit ses preuves pendant la période des partages de la Pologne et dans la lutte contre la germanisation en Westphalie, les autres, frais émoulus des écoles normales polonaises, lui préfèrent une vision plus laïque de lécole : lattachement à la patrie doit se renforcer grâce au pouvoir dattraction de la culture de létat renaissant, et déplorent ou refusent de consacrer du temps à lenseignement de la religion, alors que lhoraire pour la langue, lhistoire et la géographie polonaises est déjà minimal. Une partie de la presse polonaise de France se fait lécho de ces divergences 258 : alors que le Wiarus Polski (Le Vieux Brave polonais) et bien évidemment le Polak we Francji défendent le point de vue des catholiques, le Glos Wychodzcy (La Voix de lEmigré) se déclare en faveur des instituteurs nouvellement arrivés ; lorgane de la Société des Ouvriers polonais, le mensuel Sila (La Force) dans son numéro du 7 novembre 1926 situe bien le débat :
« Dautres affirment que le corps actuel des instituteurs est trop peu religieux, quil ne conduit pas les enfants vers léglise, quil ne fait pas apprendre les prières quotidiennes ni le catéchisme, et donc tout ce que lon a enseigné à leurs parents il y a quelques années. Ceux-là oublient que lécole change constamment de méthodes pédagogiques, quen France des lois complètement différentes sont obligatoires. »
Le conflit entre le clergé et la fraction anticléricale des instituteurs devient ouvert à partir de 1927 et va se prolonger durant quelques années. La publication, au début de 1927, de la thèse de Jan Rozwadowski, Emigracja polska we Francji (Lémigration polonaise en France), soulève de violentes polémiques au cours de lAssemblée générale du Z.N.P.F. des 31 juillet et 1-er août 1927. Ce sont surtout Jan Brejski et Wladyslaw Budzynski, respectivement propriétaire et rédacteur en chef du Wiarus Polski qui, invités à la réunion, critiquent les passages du livre de J. Rozwadowski touchant au clergé et au catholicisme des immigrés ; une commission instituée par lAssemblée générale estimera cependant que, si quelques corrections lui sont apportées, la diffusion du livre mérite dêtre encouragée. Puis, lélection de Janusz Wiacek, chef de file de la tendance qui prône la libération de lenseignement du polonais de la tutelle de la Mission catholique, au poste de président du Z.N.P.F., au cours de lAssemblée générale extraordinaire du 2 janvier 1928, sous la pression de lInspecteur général déducation Maciszewski et en présence dun faible nombre dinstituteurs, provoque une scission au sein de lUnion. Les instituteurs de lEst de la France, convaincus de la nécessité de conserver à lenseignement son caractère catholique, convoquent début 1928 une assemblée sécessionniste ; ils sont bientôt soutenus par ceux, moins nombreux cependant, du Centre et du Sud. Le mouvement catholique se déchaîne alors contre la personne de J. Wiacek. Devant lAssemblée générale de lUnion des Associations catholiques polonaises du 18 mars 1928, Stanislawa Witkowska, présidente de la confrérie du Rosaire de Bruay-en-Artois, prononce un réquisitoire contre le président du Z.N.P.F. 259 :
« ( ) Il faut donc diriger léducation de la jeunesse. Actuellement, nos enfants dans une grande majorité ne bénéficient pas de cette éducation. Ils fréquentent en effet soit les écoles françaises où ils sont contaminés par lathéisme, soit les écoles polonaises où très souvent les instituteurs dirigés par M. Wiacek, même sils enseignent parfois la religion, contaminent les âmes de nos enfants par lathéisme dont ils sont eux-mêmes remplis. Aussi nous pouvons être certains que, tant que de ce point de vue il ny aura pas de changement, tant que le gouvernement polonais nous enverra des instituteurs non croyants, tant quil ne comprendra pas son intérêt propre et celui de lémigration, et quil ne destituera pas M. Wiacek, nous navons pas à attendre damélioration et nos enfants seront exposés à lathéisme. ( ) Nous demandons encore que lAssemblée de lUnion des Associations catholiques lance un appel au gouvernement polonais pour quil rappelle M. Wiacek , ce démoralisateur de lémigration, ce destructeur de lunité nationale au sein de lémigration, et quil ne lui attribue aucune allocation. »
La motion est acceptée à lunanimité. LAssemblée générale du district III de lUnion, qui se tient le 23 mars 1930 à Bruay-en-Artois, réitère encore la demande de destitution de J. Wiacek 260 . Et lorsque ce dernier est nommé, dans la première moitié de 1931, inspecteur de linstruction parascolaire auprès de lAmbassade de Pologne à Paris, le recteur Lagoda envoie, le 4 juin 1931,une lettre de protestation à lambassadeur Chlapowski, et demande aux aumôniers et aux organisations catholiques dappuyer sa réclamation, ce que ne manque pas de faire le Z.P.T.K. 261 :
« Ne voulant pas augmenter lindignation et amener de confusion dans les temps actuels, les bureaux des unions soussignés se contentent pour le moment de déposer une protestation entre les mains de Monsieur lAmbassadeur, confiants quil voudra bien appuyer leurs demandes légitimes non seulement de retirer la nomination mais aussi de libérer lémigration de la personne de M. Wiacek. Le laisser en place pourrait facilement miner la confiance de lémigration dans les autorités polonaises et rendre les parents indifférents à la cause nationale. »
A tout cela sajoute le fait que la fraction anticléricale du Z.N.P.F. bénéficie de lappui des autorités consulaires, surtout à partir de 1930, lorsquelles mettent en place un plan visant à soumettre la vie sociale et lenseignement polonais en France au contrôle et à linfluence du parti de lassainissement (sanacja) alors au pouvoir en Pologne.
La Mission catholique décèle, dans cette volonté manifeste de laïciser lenseignement, un danger pour la religion, la morale, et la préservation du caractère polonais de limmigration. Cest lobjet de polémiques entre le Polak we Francji, et lInspecteur général déducation ; dans une lettre pastorale publiée dans le journal de la P.M.K. et lue pendant les offices polonais en France, le recteur Lagoda précise clairement sa position 262 :
« Le devoir de lEglise envers lécole repose sur une tradition historique, car lEglise fut la première à fonder des écoles. Le corps enseignant est catholique, ainsi que les enfants qui fréquentent lécole ; lesprit chrétien imprègne le programme denseignement, la structure de lécole et les manuels scolaires. Il faut défendre lécole catholique. ( ) Le caractère de lécole dépend en premier lieu de la personne de linstituteur. Cest pourquoi nous devons réclamer pour notre école des instituteurs catholiques convaincus. »
La Mission catholique polonaise nentend donc pas se laisser déposséder de toute influence sur lenseignement du polonais. Pour cela, des appuis au sein du corps enseignant sont nécessaires. Le Conseil de la Mission du 25 février 1930 envisage même de faire revivre le groupement professionnel créé en 1924 sous son impulsion, avec la nouvelle dénomination dAssociation chrétienne des Instituteurs (Stowarzyszenie Chrzescijanskie Nauczycieli). Pour ne pas heurter de front les autorités consulaires, et ne pas passer aux yeux de lopinion pour les démolisseurs de lunité au sein de limmigration, la plus grande prudence est conseillée, et la décision est prise de tenter dabord lexpérience, dans le plus grand secret, dans lEst avant de lélargir à la France. Il semble que lidée neut pas de suite ; du reste, créer une nouvelle organisation professionnelle dans lEst, où les instituteurs ont déjà opéré une scission avec le Z.N.P.F. et restent soumis à linfluence du clergé, paraît absolument inutile. Cela nempêche pas labbé Lagoda de demander aux doyens, par courrier confidentiel du 24 décembre 1930, un rapport sur les instituteurs en poste dans leur région 263 :
« Je vous prie de madresser un rapport sur les instituteurs et institutrices polonaises de votre territoire, en particulier sur leur comportement vis-à-vis de lEglise et des prêtres. Je vous demande également un rapport identique sur les relations qui existent entre les prêtres et les consulats sur votre territoire.
Les rapports devraient être documentés de la manière la plus exacte et la plus précise possible ( ) ».
La Mission poursuit toujours le même but lorsquelle informe les doyens, en août 1931 264 , quelle détient une liste dinstituteurs catholiques de Pologne, volontaires pour venir travailler en émigration, et leur demande dindiquer, aux directions des entreprises concernées, le nom de lune de ces personnes pour occuper un éventuel poste vacant. Il sagit bien là dune tentative pour noyauter le corps enseignant, ou tout au moins pour contrecarrer lenvoi exclusif de maîtres affiliés à lUnion des Instituteurs de Pologne, provenant de la circonscription scolaire de Poznan jugée très anticléricale :
« Le curatorium du district scolaire de Poznanie prépare les maîtres pour lenseignement polonais en France. On envoie exclusivement des membres de lUnion des Instituteurs polonais, ( ),aux tendances anticléricales marquées. »,
écrit le Recteur au Primat en juin 1931 265 .
Par contre, le clergé polonais va sassurer un rôle dominant dans une organisation parascolaire intitulée Association dAide à lEnseignement pour les Polonais en France (Pomoc Oswiatowa dla Polakow we Francji, couramment désignée sous le titre abrégé de Pomoc Oswiatowa). Dès le début des années 1920, sont créés, à linstigation des aumôniers et des instituteurs, des comités locaux chargés dapporter toute laide possible à lenseignement du polonais. A partir de 1929, ces comités se développent notablement dans les grands centres du Nord et prennent la dénomination générale de Pomoc Oswiatowa ; au même moment, des comités semblables naissent dans lEst ; et au début de 1930, cest le Centre qui voit surgir les mêmes organismes 266 . Parallèlement existe, depuis sa fondation à Douai le 29 mai 1926, sous légide du Z.N.P.F., une organisation similaire nommée Conseil scolaire de lEmigration polonaise en France (Rada Szkolna Wychodzstwa Polskiego we Francji) 267 . Ce dernier ne jouit pas dune bonne opinion dans les milieux catholiques, sans doute parce quil est trop lié à la personne de Janusz Wiacek : lAssemblée générale de lUnion catholique du 18 mars 1928 appelle ceux de ses militants qui sont membres des comités locaux du Conseil scolaire, à se rendre à la réunion du Conseil convoquée à Douai par J. Wiacek le 25 mars, afin de lui faire entendre la motion adoptée à son encontre par lAssemblée sur lintervention de S. Witkowska, motion présentée précédemment qui demande son renvoi pur et simple 268 . Et labbé Antoni Tworek, dans son rapport au Conseil de la Mission du 25 février 1930, nhésite pas à déclarer que, compte tenu de léchec complet du Conseil scolaire, il y a lieu dexploiter la situation pour asseoir lautorité du clergé sur linstruction et les activités parascolaires. Il est donc convenu dopérer la jonction des comités locaux ou régionaux de la Pomoc Oswiatowa en une centrale, dont les statuts sont en cours de rédaction, au sein de laquelle la position de la Mission catholique sera prépondérante. Cette opération se réalise le 5 juin 1930 au cours dune réunion plénière à Oignies : lAssociation dAide à lEnseignement pour les Polonais en France est officiellement constituée avec son siège à Lille, et divisée en quatre districts Nord, Est, Centre, et région parisienne 269 . Ses activités consistent principalement à organiser des cours, des classes maternelles ou des garderies, élever le niveau intellectuel par des conférences et des bibliothèques, fournir des manuels et du matériel scolaire, mettre sur pied des sessions de formation complémentaire pour les enseignants. Le financement de toutes ces actions est rendu possible grâce aux collectes en faveur de lenseignement organisées sous légide des aumôniers. Lassociation fonctionne sous la direction successive des abbés Rogaczewski, Tworek et Wyderka. Elle satisfait en tout cas le Conseil de la Mission qui, au cours de sa réunion du 29 novembre 1932, se félicite de sa bonne marche, de lengagement des aumôniers, et invite ceux-ci à coordonner, au niveau des doyennés, laide financière et matérielle quils fournissent à la Pomoc Oswiatowa.
Le recteur Lagoda suscite également la création, sous légide de la Pomoc Oswiatowa, de comités dAssistance parentale polonaise (Polska Opieka Rodzicielska), dont le but est de favoriser louverture de nouveaux cours et veiller au bon fonctionnement de ceux existant déjà, fournir du matériel scolaire et garantir lassiduité des enfants aux cours de polonais 270 . Il sagit donc, en quelque sorte, dune officialisation, sous une dénomination particulière distincte, des comités locaux ayant été à la base de la création de la centrale Pomoc Oswiatowa. Les autorités gouvernementales polonaises acceptent mal cette mainmise du clergé et tentent, à partir de 1933, de sy opposer en organisant des Conseils parentaux (Rady Rodzicielskie) rivaux.
La lutte dinfluence ente clergé et autorités consulaires pour maintenir ou non le caractère catholique de lenseignement du polonais en France, est donc vive et constante. Aux initiatives de lun des deux camps répondent les contre-propositions de lautre ; sous peine dêtre contraint dabandonner ses objectifs dans le domaine scolaire, personne ne peut laisser le champ libre à ladversaire. Mais si, en ce qui concerne la nomination des maîtres, lorganisation des cours et la pédagogie, linitiative appartient au gouvernement polonais, et en particulier aux représentants en France du ministère polonais de lInstruction, force est de constater que, dans le domaine des activités parascolaires (garderies, classes maternelles, conférences, bibliothèques, sessions), de laide matérielle à lenseignement, et aussi de louverture et du maintien des cours grâce à la pression que peuvent exercer les comités locaux, la prérogative appartient au clergé et à lassociation Pomoc Oswiatowa quil patronne. Pour sauvegarder lunité daction, que préconisent du reste constamment dans leurs déclarations officielles aussi bien les autorités consulaires, les instituteurs que la Mission catholique, un compromis savère indispensable.
Celui-ci intervient en janvier 1933 à la suite des discussions entre le recteur Leon Lagoda et le ministre de lInstruction publique Janusz Jedrzejewicz, venu assister à lAssemblée générale du Z.N.P.F. les 6 et 7 janvier à Paris 271 . Les parties en présence conviennent que léducation polonaise en France est constituée de trois composantes formant un tout indissociable : linstruction religieuse et morale, linstruction patriotique, linstruction civique, et que le travail éducatif du clergé comme du corps enseignant doit prendre en considération ces trois aspects. Le compte rendu des débats énumère ensuite des moyens concrets pour atteindre le but assigné et établir une collaboration harmonieuse entre les aumôniers et les instituteurs. LAmbassade de Pologne à Paris édicte peu après une Instruction au sujet de léducation religieuse et morale dans les cours de polonais en France (Instrukcja w sprawie wychowania religijno-moralnego na kursach polskich we Francji). Même si lon peut mettre en doute la portée pratique de cette instruction, elle marque néanmoins un changement dattitude, et inaugure une période de collaboration plus étroite dans le domaine de léducation entre la Mission catholique, le Z.N.P.F., et les autorités gouvernementales qui abandonnent leur programme de laïcisation complète de lenseignement polonais en France.
--------------------------------------------------------------------------------
Lopposition aux autorités polonaises
Avec larrivée des premiers ouvriers polonais en France apparaît, au moins dans les zones de forte implantation, une intense vie associative qui atteint rapidement un degré dorganisation élevé. Voient donc le jour des associations religieuses, professionnelles, intellectuelles, des organisations dassistance sociale, des groupements artistiques, économiques, des sociétés sportives, des organismes divers.
La nécessité de sunir pour accroître les forces, tendre à une unité de buts et dactions, éventuellement conférer plus de poids à leurs revendications, simpose très vite aux dirigeants. Le regroupement sopère en fait à plusieurs niveaux. Localement, les sociétés les plus diverses sont présentes dans chaque colonie polonaise de quelque importance : une ou plusieurs associations catholiques, un club de théâtre amateur, une chorale, une fanfare, une section de Sokol, une troupe de scouts, etc. ; par exemple, la Compagnie des Mines de Bruay compte, dans la première moitié des années 1920, 42 sociétés polonaises 272 . Elles tissent nécessairement des relations étroites entre elles et, souvent, se regroupent au sein dun Comité des Associations locales (Komitet Towarzystw Miejscowych, K.T.M.), chargé de se faire linterprète de la colonie auprès des employeurs ou des autorités, françaises ou polonaises, et de gérer les festivités communes (cortèges, fêtes, processions, voyages).
Le groupement des sociétés de même nature ou de même idéologie a déjà été évoqué dans le chapitre précédent, et se conçoit assez aisément pour mettre en commun des moyens daction ou conforter une prise de position commune. Créées le plus souvent dans le Nord, ces unions ont ensuite cherché à regrouper toutes les sections disséminées à travers le territoire français, en organisant éventuellement des unités administratives régionales baptisées districts. Tel fut le cas de lUnion des Associations paroissiales polonaises.
Le point culminant de la structure pyramidale est la création dune fédération suprême représentant toutes les organisations polonaises, qui serait donc le porte-parole de limmigration polonaise en France. Encore une fois lidée surgit tôt : en novembre 1924, à linstigation de la Société des Ouvriers polonais (Zwiazek Robotnikow Polskich, Z.R.P.), apparaît dans le Nord un Comité exécutif des Unions polonaises (Rada Wykonawcza Zwiazkow Polskich) vite remplacé, en avril 1925 273 , par un Conseil supérieur des Unions et Sociétés polonaises en France (Rada Naczelna Zwiazkow i Stowarzyszen Polskich we Francji).
Le 30 janvier 1927, lAssemblée générale du Conseil supérieur souvre sur une déclaration lue par son secrétaire, Piotr Kalinowski, annonçant la décision du Z.R.P. de se retirer du Conseil et de le rappeler de son poste. Aussitôt est avancé un projet de restructuration du Conseil supérieur ; un statut provisoire est accepté, un bureau provisoire est formé de Jan Szambelanczyk et Jan Zimny, représentant tous deux lUnion des Associations paroissiales, ainsi que dAntoni Zbierski (Arenberg) de lUnion des Cercles de Chant. Formellement, le Comité central des Polonais en France (Centralny Komitet Polakow we Francji, C.K.P.) est né ; il sappuie principalement sur les délégués des sociétés catholiques et des comités locaux K.T.M., les autres grandes organisations polonaises restent dans lexpectative et attendent la convocation dune assemblée plénière (sejmik) de limmigration devant finaliser le projet.
Une réunion de préparation se déroule à Lens le 12 juin 1927. Le groupement est alors divisé en 12 districts ; les statuts de ces districts et des comités locaux est élaboré ; la date de lassemblée plénière est fixée au 11 septembre 1927 274 . Celle-ci a effectivement lieu à la date prévue à Douai et entérine la formation du C.K.P. 275 . En font partie des comités K.T.M., lUnion des Sociétés féminines, le Conseil scolaire de lémigration polonaise, et bien entendu lUnion des Associations catholiques prédominante. Mais cest très peu pour une fédération qui se veut le porte-parole de lensemble : les sections polonaises de la C.G.T. ne manifestent aucune opposition formelle à la création du C.K.P. ; les unions des Sokol et des clubs de football ne veulent pas adhérer pour le moment ; le Z.R.P. a envoyé une déclaration négative par écrit ; lUnion des Sociétés de Musique devrait adhérer bientôt ; celles des Cercles de Chant et des Sociétés de Théâtre attendent la décision de leurs assemblées générales respectives ; lUnion des Commerçants polonais et lAssociation des Etudiants polonais de Lille sont réservées. Voilà pour les organisations invitées ; et un certain nombre na pas été contacté ou na pas répondu ; on est loin du « grand congrès » réunissant « les délégués de toute lémigration en vue de constituer un Comité central représentant toutes les organisations polonaises » 276 .
Quelques résolutions sont néanmoins adoptées, notamment à propos de léducation des enfants et de la jeunesse, et à propos de la religion 277 . La motion sur léducation ne surprend pas au moment où le clergé et les autorités commencent à saffronter de plus en plus ostensiblement sur la question de la laïcisation de lenseignement ; elle réclame, entre autres, lattribution des postes aux seuls instituteurs dont les convictions ne soient pas contraires à celles inculquées aux enfants par les parents ; elle réserve aussi le droit aux K.T.M., en collaboration avec les aumôniers et les instituteurs, de contrôler lenseignement préélémentaire et parascolaire. La motion sur la religion met directement en cause les fonctionnaires polonais et la politique de subvention que pratique lEtat polonais à légard des associations polonaises de France :
« Nous ne sondons la conscience de personne, et nous laissons à chacun la liberté de croire ou non. Mais cest justement pourquoi nous protestons énergiquement contre la propagande menée contre la religion et lEglise par des journaux et des institutions subventionnés par les autorités polonaises, ainsi que contre la participation à ce travail de propagande de fonctionnaires polonais, envoyés en France pour servir lémigration en accomplissant consciencieusement leurs devoirs, et non à des fins de propagande contre la religion et lEglise, auxquelles une immense majorité des émigrés est sincèrement attachée. »
Un bureau est également élu au cours de la réunion du 11 septembre : Jan Szambelanczyk au poste de président, Ludmila Brejska Nawrocka fille de Jan Brejski propriétaire du journal Wiarus Polski et secrétaire de lUnion des Sociétés féminines à celui de secrétaire, et Jozef Szymanowski (Hersin-Coupigny) représentant les K.T.M. comme trésorier. La présence de Ludmila Brejska Nawrocka dans la composition du bureau sexplique certes par son rôle au sein de lorganisation des femmes qui constitue lun des piliers du C.K.P. ; mais elle dénote également lorientation politique possible de la nouvelle fédération. Le Wiarus Polski 278 est, à côté du Narodowiec, lautre grand journal polonais de la région du Nord : il tire alors à environ 10 000 exemplaires ; Jan Brejski en assure la direction, son gendre Stanislaw Nawrocki la direction administrative, et sa fille tient la rubrique féminine et celle pour la jeunesse. Lorsque J. Brejski sinstalle définitivement en France en 1927, et quil concentre son activité sur le journal transféré de Bochum à Lille en juillet 1924, après un bref passage à Poznan, il a déjà derrière lui une longue carrière politique. Député de la circonscription de Torun au Reichstag allemand entre 1903 et 1918, cofondateur en mai 1920 du Parti national des Travailleurs (Narodowa Partia Robotnicza, N.P.R.) dont il devient président, député à la Diète constitutionnelle, sous-secrétaire dEtat au Ministère des anciennes provinces prussiennes, son ascension subit un arrêt brutal quand il doit démissionner , en mai 1924, du poste de voïévode de Poméranie occupé depuis juillet 1920 ; le changement de régime politique en Pologne en 1926 ne lui laisse aucun espoir de revenir sur la scène politique : le N.P.R. se place en effet dans lopposition au gouvernement ; sa situation financière même est compromise : ses journaux de Torun connaissent des chicanes et leur tirage diminue. Il espère pouvoir faire jouer au Wiarus Polski en France le rôle quil a tenu en Allemagne : au combat contre la germanisation succède la lutte contre la francisation ; après les tentatives dinféodation des Polonais de la Ruhr au Zentrum allemand, cest de la propagande communiste quil faut préserver les mineurs polonais de France. Linfluence du journal sur la mentalité des ouvriers de Rhénanie Westphalie était déterminante ; Jan Brejski pense de même sauver limmigration en France des nouveaux dangers qui la guettent.
Comment expliquer un tel éclatement des positions respectives et, en particulier, le peu décho favorable suscité par la proposition de lunion catholique de créer une vaste fédération représentative de lensemble de limmigration ? La réponse doit être cherchée dans lattitude adoptée alors par les organes gouvernementaux et leur influence sur de nombreuses organisations. Après le coup détat du maréchal Pilsudski en mai 1926, pudiquement baptisé le renversement de mai (przewrot majowy) par les historiens polonais, une tendance commence à se manifester dans laction des consulats de Pologne en France : celle de regrouper limmigration sous la bannière de lassainissement (sanacja), mot dordre de la politique du nouveau gouvernement, et de la gagner à la cause du Maréchal. Le Bloc sans parti de coopération avec le gouvernement (B.B.W.R.) en Pologne doit apporter un soutien inconditionnel à la nouvelle orientation politique. Lémigration doit suivre : il sagit de la mettre au pas également, de lui imposer une direction idéologique conforme aux vux de léquipe dirigeante à Varsovie. A cet effet, et puisque les associations catholiques, et dautres dans leur sillage, se montrent réticentes, des formations concurrentes sont créées ou favorisées : aux Sociétés féminines et aux confréries du Rosaire, on oppose les cercles de lUnion du Travail civique des Femmes polonaises (Zwiazek Pracy Obywatelskiej Kobiet Polskich) ; aux hommes, on propose une adhésion aux Sociétés Pilsudski (Towarzystwa im. Marszalka Pilsudskiego) ou à lUnion des Francs-Tireurs (Zwiazek Strzelecki) organisation enfermée dans le culte aveugle du Maréchal par des nostalgiques des Légions ; la jeunesse est poussée vers le mouvement scout au détriment des formations S.M.P. Toutes les associations qui jouent le jeu des autorités polonaises, bénéficient évidemment de la manne gouvernementale ; et leurs déclarations, relayées par des organismes officiels, ne sont pas exemptes daccents anticléricaux. Il nen faut guère plus pour provoquer lirritation du mouvement catholique : le fait que le C.K.P. ait voté la motion précédemment citée, en est une illustration. Les catholiques sannoncent donc comme un adversaire sérieux dans la lutte qui va les opposer au bloc gouvernemental pour conquérir une influence dominante sur limmigration polonaise en France ; le clergé ne retirera pas facilement son soutien au C.K.P. De son côté, Jan Brejski se veut, à travers son journal, comme au temps de létablissement des Polonais en Westphalie, le maître à penser des immigrés en France. Ainsi, les aspirations du clergé dune part, celles de J. Brejski dautre part, contrecarrent les projets des autorités polonaises. Ils sont tous les deux désignés par les organes gouvernementaux comme les adversaires principaux ; le consulat de Lille désigne en effet J. Brejski comme linspirateur du Comité central, et le clergé comme le zélé propagateur du mouvement 279 :
« Il sagit du courant conservateur regroupant des personnes âgées originaires de Westphalie ; la ligne politique du Wiarus Polski, et précisément de M. Brejski, constitue leur programme. M. Brejski a remporté là un succès personnel. »
« Le principal propagateur et organisateur du C.K.P. est sans contestation M. Brejski ; M. Szambelanczyk et les autres ne sont que les exécutants de ses projets. Le changement qui sest opéré en émigration, à savoir laspiration des ouvriers à défendre leurs intérêts de classe, le souci dassurer matériellement lavenir, la tendance de plus en plus grande à se grouper dans des syndicats, et le plus grand radicalisme qui en découle, ont obligé M. Brejski à créer un organisme dont le Wiarus Polski serait la plate-forme idéologique. »
« Les organisateurs du C.K.P. sont soutenus par les sphères du clergé ; et jai [le consul Waclaw Gawronski] obtenu récemment linformation que cette action reçoit lappui éminent du primat Hlond, qui mettrait des moyens importants à la disposition de la future représentation de lémigration. »
Dans ces conditions, le Z.R.P., qui guette loccasion pour rejoindre le camp gouvernemental 280 , ainsi que les organisations soutenues par les consulats, ne peuvent quadopter une attitude négative envers linitiative de lunion catholique.
Cette dernière sent bien que laffaire est mal engagée. Une tentative de conciliation, le 15 janvier 1928 à Lens chez labbé Garstecki, réunit presque tout le monde sous la présidence de Stefan Rejer en personne, et en présence, en tant quinvités, du Conseiller démigration auprès de lAmbassade, Lisiewicz, du consul de Lille, Gawronski, des représentants des journaux Narodowiec, Glos Wychodzcy et Kurjer Polski ; officiellement, le Wiarus Polski nest pas invité, mais Stanislaw Nawrocki est là comme délégué de lUnion des Commerçants 281 . Lintervention de labbé Garstecki se veut conciliante :
« Tous ont commis des erreurs. Lémigration se disloque. Il faut faire preuve de compréhension, faire des concessions pour le bien de lémigration. »
Jan Szambelanczyk insiste sur la nécessité pour le C.K.P. dêtre indépendant et, pour cela, de ne pas toucher de subvention, en oubliant de rappeler que Narodowiec et Wiarus Polski versent une dotation mensuelle. On se quitte sans être convaincu, loin sen faut !
A tel point que, dès le 12 février 1928, les opposants au C.K.P. invitent les organisations polonaises à une autre assemblée plénière en mai. Parmi les signataires de linvitation figurent la plupart des représentants des associations peu favorables au projet du groupement catholique, S. Rejer en tête, mais aussi, événement exceptionnel bien quéphémère, Julian Majorczyk au nom des sections polonaises de la C.G.T. 282 . La nouvelle proposition qui, si les Polonais syndiqués à la C.G.T. acceptent dy prendre part, pourrait effectivement déboucher sur une réelle représentation de limmigration avec, en prime, un rapprochement espéré entre le Z.R.P. et les sections polonaises de la C.G.T., suscite lintérêt des cercles gouvernementaux. LAmbassade se prononce en faveur de la tenue de cette réunion générale, et demande au Ministère des Affaires étrangères dintervenir auprès du recteur Szymbor, pour que « le Polak we Francji se déclare pour la participation à lAssemblée » 283 . Le directeur du département consulaire au Ministère intervient même directement auprès du primat Hlond, pour quil obtienne de labbé Garstecki la présence du Z.P.T.K. à la réunion 284 : J. Brejski est désigné comme coupable, ce sont ses ambitions personnelles qui ont semé le désordre, mais personne na de grief conte lunion catholique. LEglise se montre du reste plutôt conciliante. Une circulaire du Primat du mois de mars 1928 285 incite le clergé à collaborer étroitement avec les autorités consulaires et le corps enseignant. La Mission catholique polonaise se réjouit des résultats positifs obtenus au cours des réunions décanales, en présence des consuls, consacrées à la coopération entre les aumôniers et les consulats 286 .
La nouvelle assemblée se déroule les 27 et 28 mai 1928 à Paris 287 . Le Z.P.T.K. est effectivement présent ; mais il y a un absent de marque : les sections polonaises de la C.G.T. qui ont fait volte-face. Labbé Garstecki défend la position du groupe catholique et réclame :
« - un hommage et de la reconnaissance pour les prêtres polonais, la bienveillance la plus étendue possible de la part des autorités polonaises.
- la collaboration entre la famille, lécole et léglise ; un représentant du clergé doit aussi être engagé dans la conduite des plans scolaires.
- lenvoi dinstituteurs qui sauraient respecter les sentiments religieux de lémigration, et qui sauraient compléter léducation catholique donnée par les parents. »
Une formule de Commission permanente des Congrès (Stala Komisja Zjazdow) est avancée ; mais devant lintransigeance des tenants du C.K.P., elle na aucune chance de durer. Aussi, tous ou presque se retrouvent le 16 décembre 1928 à Douai pour assister à la deuxième assemblée plénière du C.K.P. 288 Elle réunit les délégués des K.T.M., des unions membres ou invitées, les rédacteurs du Narodowiec et du Wiarus Polski, un représentant du consulat de Lille. Lorganisation est redécoupée en 7 districts regroupant au total 42 K.T.M. Le bureau subit une seule modification, mais de taille : L. Brejska Nawrocka cède son poste de secrétaire à Dymala ; le C.K.P. ne tient peut-être plus à afficher trop ouvertement son accointance avec lorientation de Jan Brejski. Et le Z.R.P., le Sokol, le Z.N.P.F., le P.U.R., dautres unions de moindre importance encore annoncent que leurs assemblées générales décideront de leur adhésion au Comité central. Cest la confusion complète ; en fait, tout le monde campe sur ses positions, mais personne ne désire rompre définitivement les ponts.
La fin de lannée 1930 apporte une nouvelle source de tension entre les deux tendances. En décembre, à linitiative du major Zielinski, chef instructeur déducation physique auprès de lAmbassade, se crée à Paris un Bloc du Travail national (Blok Pracy Panstwowej) composé de la Fédération des Unions polonaises des Défenseurs de la Patrie (Federacja Polskich Zwiazkow Obroncow Ojczyzny) 289 , de lUnion des Francs-Tireurs (Zwiazek Strzelecki) 290 , et de lUnion des Sociétés Pilsudski (Zwiazek Towarzystw im. Marszalka Pilsudskiego). Revient à nouveau lidée dominante chez les dirigeants polonais, de créer un organisme entièrement dévoué à la politique du régime installé à Varsovie par le maréchal Pilsudski. Ce nest sans doute pas un hasard si le mot bloc est utilisé dans le titre de la nouvelle fédération : lallusion au Bloc sans parti de coopération avec le gouvernement (B.B.W.R.) est manifeste. Le 19 octobre 1931, après ladhésion de lUnion des Instituteurs (Z.N.P.F.), le Bloc du travail national devient la Commission dEntente des Organisations polonaises en France (Komisja Porozumiewawcza Organizacji Polskich we Francji). Sébauche là lesquisse dune nouvelle fédération suprême davantage, pour ne pas dire entièrement, dévouée au camp gouvernemental.
Le maître-mot de la période qui souvre, est la consolidation de lémigration au sein dune structure supérieure. Les deux parties la souhaitent également, mais nen prévoient pas la réalisation de la même manière. Le Polak we Francji emploie le terme de konsolidacja wychodzstwa, tout comme les consuls dans leurs rapports sur létat de la vie sociale des immigrés. Bien sûr, le premier la voient sous légide du C.K.P. ou dun organisme semblable 291 :
« ( ) Enfin, elles [les résolutions] déclarent que le C.K.P. est prêt à accueillir en son sein toutes les organisations dans le but de rassembler les efforts communs en vue de créer un front uni. ( )
Il y a lieu de souligner lappel de lénergique président du C.K.P., M. Szambelanczyk, lancé à ladresse des organisations non membres du C.K.P., pour une collaboration. La plus grande organisation de lémigration avait le droit de lancer cet appel, et dattendre quil ne reste pas sans écho. Le président assure en effet que, ni les personnes composant actuellement le Bureau, ni le statut actuel, ni le titre, ne peuvent être et ne seront pas des obstacles à cette collaboration, car tout peut être modifié si tel est le souhait ; il est seulement interdit de détruire ce qui a été laborieusement construit jusquà présent. Lavenir montrera si lappel est suivi deffet et si, enfin, se réalise la consolidation espérée de lémigration, sous le signe de laquelle se déroulent actuellement les travaux de nos autorités. Ce ne sera pas la faute du C.K.P. si lon naboutit pas à cette collaboration, étant donné quil est prêt de son côté à toutes les concessions : modifier ses statuts, changer son titre, même changer ses principaux dirigeants. »
Les autres ne limaginent que sous la protection du gouvernement 292 :
« Créé ici il y a un an, le Bloc du Travail national, après avoir accompli sans conteste une certaine consolidation des éléments progouvernementaux, sest récemment dissous ; à sa place est en train de se former une commission dentente des organisations qui adhéraient auparavant au Bloc.
Deux buts sont assignés à cette commission dentente :
- la consolidation des éléments progouvernementaux,
- la consolidation de lémigration en général, sur la base dune attitude bien définie envers le gouvernement, le pays, et les organisations nationales chargées de ces questions.
Notre position à légard du C.K.P. est négative, mais il ne faut faire preuve daucune agressivité. ( ). Linfluence croissante des Francs-Tireurs viendra à bout du C.K.P. ; il ne sagit pas cependant dune affaire urgente, et toute précipitation serait ici plutôt néfaste que bénéfique. »
Et bien sûr également, chacun des deux camps espère venir à bout de lautre et lenglober dans sa propre fédération. Il ne faut donc pas couper les contacts.
Cela nempêche ni les uns ni les autres de fourbir leurs armes. Les sphères gouvernementales se plaignent régulièrement du fait que les aumôniers se mêlent de politique, sabotent laction des consulats et se placent au-dessus deux ; elles réclament en conséquence une attitude stricte et intransigeante envers le clergé. Dans un rapport élaboré à la suite dune enquête menée dans les pays de la diaspora polonaise en 1930, les fonctionnaires du Ministère polonais des Affaires étrangères mentionnent parmi les questions à régler rapidement entre lEtat et lEglise de Pologne 293 :
« b) La spécification explicite que les prêtres sont envoyés à létranger principalement pour remplir leurs obligations sacerdotales. Sils étendent par contre leur travail au domaine culturel en général, ils doivent le faire sur la base des instructions du Gouvernement délivrées soit par lintermédiaire des Conseillers démigration, des Instructeurs déducation, soit par celui des consuls.
La question de lingérence des prêtres dans les affaires à caractère politique, doit être
condamnée plus vigoureusement dans leur activité à létranger que dans le pays ; doit être clairement indiquée limpossibilité absolue de laisser les prêtres se mêler de cette action, introduire au sein de lémigration une confusion à ce sujet,la diviser en clans, combattre le Gouvernement et ses directives, etc.
Le Gouvernement doit aussi mettre clairement en garde contre les critiques adressées
publiquement par les prêtres à lencontre de laction éducative menée par des instances nationales, comme par exemple par les instituteurs. ( )
Les demandes émanant des autorités gouvernementales pour écarter un prêtre du lieu de
son affectation, ne peuvent être rejetées par le Primat sur la base dune opinion différente du rectorat ou dautres autorités ecclésiastiques. Si la demande est formulée par le département gouvernemental de manière catégorique, elle doit être exécutée sans appel. »
Un autre rapport du Ministère des Affaires étrangères sur la pastorale polonaise à létranger, datant de 1931 également, relève aussi « des antagonismes entre les prêtres et les représentants de lEtat sur le terrain. » 294 . Le consul général à Paris, K. Poznanski, nhésite pas à accuser le Polak we Francji de mener « délibérément une campagne antigouvernementale, ce qui est un phénomène inacceptable de la part de lorgane officiel de la Mission catholique subventionnée par le gouvernement. » 295
De son côté, le recteur Lagoda se livre parfois à des enquêtes confidentielles, demandant aux doyens de signaler des exemples concrets où des fonctionnaires consulaires auraient attaqué lEglise ou le clergé, ou soutenu la presse ou des organisations anticléricales ; dans une lettre classée strictement confidentielle du 13 mars 1930, il leur écrit 296 :
« Jai besoin de matériaux pour un mémoire montrant comment les postes consulaires et leurs fonctionnaires payés attaquent parfois lEglise et le clergé, soutiennent des sociétés et une presse antireligieuses.
Si M. le Doyen est en possession de tels matériaux basés sur des faits et des preuves, en particulier de date récente, je le prie de me les faire parvenir. »
Dans cette lutte dinfluence, qui aurait pu séterniser, un personnage va faire la différence : le consul Stanislaw Kara nommé à Lille en novembre 1931 comme consul-adjoint, puis comme consul général en août 1932. Il arrive avec la ferme intention de détruire le C.K.P., en rapprochant les unions adhérentes des associations favorables au gouvernement 297 . La partie sannonce pourtant difficile. En effet, au cours de son assemblée plénière du 20 mars 1932, le C.K.P. fait état de chiffres assez impressionnants : 11 unions membres avec 50 710 adhérents, et 56 K.T.M. représentant 473 associations locales 298 . Et si S. Rejer est, le 20 juillet 1929 à Poznan, le seul participant de France à la réunion constitutive du Conseil dOrganisation des Polonais à lEtranger (Rada Organizacyjna Polakow z Zagranicy) 299 ,issu du premier Congrès des Polonais à lEtranger qui sest tenu à Varsovie du 14 au 18 juillet, J. Szambelanczyk participe également à ses côtés aux réunions ultérieures du bureau du Conseil dOrganisation ; il y représente aussi bien le Z.P.T.K. que le C.K.P. 300 . Au cours de lAssemblée générale du groupement catholique du 1-er mai 1932, il démissionne de son poste de président pour pouvoir se consacrer davantage au renforcement du Comité central ; lAssemblée lui décerne à lunanimité le titre de président dhonneur, son autorité personnelle est grande et il nentend pas laisser la place au consul S. Kara.
Celui-ci manuvre cependant adroitement. Il peut certes compter sur les adhérents à la Commission dEntente, mais il lui faut frapper un grand coup en détournant du C.K.P. une association si possible prestigieuse. Le choix se porte pour des raisons tactiques sur le Sokol. Tout au long de lannée 1932, les pressions sur lorganisation gymnastique se font de plus en plus vigoureuses. Finalement, un projet de convention prévoit que 301 :
« 1- le Sokol quittera le C.K.P. ( ), une solution au remboursement dun prêt de 1 500 F contracté auprès du C.K.P. devra cependant être trouvée ;
2- le Sokol, en tant quorganisation, se soumettra à lautorité du chef instructeur déducation physique à Paris ;
3- le Sokol reconnaîtra les unions des Francs-Tireurs et des Scouts comme organisations proches idéologiquement et alliées ;
4- Pour couvrir les dépenses de lorganisation, le bureau du Sokol touchera une dotation mensuelle (probablement 1 500 F). »
Le 11 décembre 1932, le bureau directeur du Sokol vote à une écrasante majorité, par 24 voix contre une, le retrait du Comité central. Le 7 janvier 1933, une note officielle demande le rattachement du Sokol à la Commission dEntente. Laccord est finalisé le 17 janvier ; une dotation immédiate de 2 000 F, à laquelle sajoute une subvention de 1 500 F pour couvrir la dette au C.K.P., est versée à lorganisation gymnastique. Les autorités polonaises ne lésinent pas apparemment sur les moyens pour atteindre le but fixé.
En fait, ladhésion du Sokol à la Commission dEntente est utile pour permettre celle de la Société des Ouvriers polonais. Certes, les dirigeants du Z.R.P. ne cachent pas leur penchant pour le camp gouvernemental ; mais ils doivent compter avec leur base, catholique en grande partie, qui napprécie pas forcément le rapprochement avec lorganisme consulaire :
« En ce qui concerne ladhésion directe du Sokol à la Commission [dEntente], je nai pas la pleine assurance de la valeur de cette manuvre. Cependant, lintérêt de la Société des Ouvriers polonais réclame cette procédure : il sagit daffaiblir les cris provoqués par ladhésion de la Société à la Commission, de la part des catholiques avec lesquels la Société, du fait du recrutement de ses membres, dorientation catholique en grande majorité, doit compter. »
écrit le major Zielinski dans son rapport de décembre 1932.
Aussi, le Z.R.P. pose comme conditions à son adhésion à la Commission, lobtention des postes de président et de secrétaire pour Stefan Rejer et Piotr Kalinowski respectivement, et la présence du Sokol en son sein. Selon lanalyse des dirigeants du Z.R.P., la notoriété du Sokol, anciennement membre du C.K.P. et rallié maintenant à la Commission dEntente, fera taire les critiques et favorisera le rattachement de leur propre organisation. Cest la raison du choix tactique opéré par le consul Kara, de faire porter les efforts des autorités sur le détachement de lorganisation gymnastique de lorbite du Comité central. La cause étant gagnée en ce qui concerne lunion des sociétés de gymnastique, le reste ne pose pas vraiment problème : ladhésion du Z.R.P. va suivre, et les postes réclamés par ses responsables peuvent alors leur être confiés.
Au début de lannée 1933 tout est donc en place. Stanislaw Kara na plus quà transférer la Commission dEntente dans son fief de Lille, et à la transformer en un Conseil dEntente des Unions polonaises en France (Rada Porozumiewawcza Zwiazkow Polskich we Francji). A lassemblée constitutive du 12 février 1933 sont présents 302 :
comme membres de droit :
la Fédération des Anciens Combattants
lUnion des Francs-Tireurs
lUnion des Sociétés Pilsudski
lUnion des Instituteurs polonais
le Z.R.P.
le Sokol
lUnion des Sociétés de Théâtre
lUnion du Scoutisme polonais
lUnion des Etudiants polonais ;
et comme invités :
le Z.P.T.K.
lUnion des Sociétés féminines
lUnion des Cercles de Chant
lUnion de Football polonais
lUnion des Commerçants polonais en phase de réorganisation.
Le coup est dur pour le C.K.P. Mais les protestations les plus vives émanent du clergé qui estime, à juste titre, quil aura plus de mal à sassurer une influence aussi importante au sein du Conseil dEntente quau sein du C.K.P. Les aumôniers exerçant dans lEst de la France sont accusés dopposition systématique à la politique des autorités polonaises 303 :
« Le clergé dans lEst de la France possède un caractère hautement marqué dopposition à légard de la politique officielle des autorités polonaises envers lémigration.
Cette attitude dopposition porte nettement les caractéristiques de lopposition politique en Pologne ; et il ne fait pas le moindre doute que, du pays via Paris, arrivent non seulement des directives mais aussi une aide matérielle. » ;
mais le courrier nindique pas en quoi consistent ces directives et cette aide matérielle, ni de qui elles émanent.
Le Conseiller démigration auprès de lAmbassade nhésite pas à écrire au Ministère des Affaires étrangères que 304 :
« la Mission catholique polonaise en France est tournée contre le gouvernement et se comporte négativement à légard des organisations progouvernementales, entre autres envers lUnion des Francs-Tireurs. »
Ce ministère envoie même au Primat, en juin 1933, un rapport critiquant lattitude du clergé polonais en France et menaçant de rompre toute collaboration 305 . La tension est très vive entre les deux parties ; les relations entre le Recteur et lAmbassade sont particulièrement conflictuelles. Le cardinal Hlond soumet néanmoins au Ministère des Affaire étrangères un projet de compromis ; comme dans la question scolaire au même moment, le conflit semble alors sapaiser. Mais labbé Lagoda en fait les frais : il doit abandonner son poste le 1-er octobre 1933. Son successeur nest pas désigné, et labbé Jozef Luczak doit assurer lintérim.
Entre-temps, le Comité central, loin de savouer battu, a tenté de colmater les brèches. Ses efforts pour regrouper dans une union les Caisses dEntraide (Kasy Samopomocy) sont couronnés de succès en avril 1933 ; mais cette nouvelle organisation adhère bientôt au Conseil dEntente. LAssemblée plénière du 28 juin 1933 du C.K.P. décide quand même de chercher un compromis avec le Conseil. Deux réunions de concertation, le 30 juillet et le 1-er octobre 1933, se soldent par des échecs : le C.K.P. réclame une voix pour chaque K.T.M., ce qui lui aurait permis de conserver une bonne partie de son influence, mais le statut du Conseil ne prévoit de voix que pour les unions membres. Aussi, le 5 novembre 1933, un Comité dOrganisation des K.T.M. 306 se forme sous la présidence de Jozef Szymanowski, jusqualors trésorier du C.K.P., et entre directement dans la composition du Conseil dEntente.
La position du C.K.P. devient cependant de plus en plus difficile à maintenir. Cest lUnion des Sociétés catholiques polonaises, pourtant à lorigine de la fondation du Comité central en la personne de son président Szambelanczyk, qui va lui porter presque le coup de grâce. Dabord fidèle à la ligne du Comité 307 , le Z.P.T.K. a de plus en plus de mal à garder la même attitude ; les pressions, les discussions au sein de ses sections et de ses districts deviennent tellement vives quil se trouve dans lobligation de convoquer une Assemblée générale extraordinaire, le 29 octobre 1933 à Lens, presque entièrement consacrée à la question des liens avec le C.K.P. et le Conseil dEntente 308 . Dans son discours introductif, le président Siakowski rappelle que le groupement catholique a toujours uvré en faveur de lunité de limmigration, souligne les mérites de Jan Szambelanczyk et son dévouement à la cause du C.K.P., mais demande de bien prendre en considération les circonstances présentes et, en conséquence, propose que lunion catholique rejoigne les rangs du Conseil dEntente, afin de donner justement le meilleur exemple de sa volonté de coopération. Les opinions des délégués sont partagées : les uns se rendent aux arguments avancés en faveur dun rapprochement avec lorganisation gouvernementale, les autres préfèrent la fidélité à linstitution quils ont contribué à bâtir. Le secrétaire général, labbé Czeslaw Garstecki, est même contraint duser de son influence pour convaincre lassemblée dadopter la proposition de S. Siakowski : si le Z.P.T.K. nadhère pas au Conseil dEntente, il sera obligé de démissionner, le jour même, de sa fonction au secrétariat. Le recteur Lagoda nest plus là pour le soutenir dans une position contraire, et les directives de la Chancellerie du Primat, qui préfère apaiser les tensions avec le gouvernement polonais, doivent sans doute être assez strictes. Labbé Garstecki lit alors le texte dune longue motion ; dans sa conclusion, celle-ci autorise le Bureau du Z.P.T.K. à entamer des pourparlers en vue dadhérer au Conseil, sous réserve que le programme dactivités de lunion catholique ne soit en rien diminué :
« LUnion des Sociétés catholiques polonaises ( ) a, dès les premiers temps, soutenu toutes les initiatives visant à créer une représentation unique [de lémigration].
Aussi, lorsque fut fondé le Comité central des Polonais en France par lémigration patriotique en étroite concertation avec les représentants des autorités polonaises en émigration, les unions catholiques ont rejoint cette centrale.
LUnion a même donné son président à cette organisation.
LUnion est restée fidèle à cette organisation jusquau dernier moment.
On ne sait pas pourquoi cette représentation et son président nont pas trouvé un accueil favorable chez les personnes et les organisations qui ont contribué à sa fondation.
Constatant cependant
quune grande partie des associations, dans les rangs desquelles figurent des membres de lUnion, ont rejoint cette nouvelle centrale,
que lémigration est divisée,
que lUnion, fidèle à sa vocation de favoriser lunité et la paix au sein de lémigration parmi toutes ses composantes, ne veut pas contribuer à prolonger létat maladif de la vie associative en émigration, qui provoque des pertes douloureuses pour lémigration,
les délégués autorisent le Bureau de lUnion, par égard au bien de lensemble, à conclure un accord avec la nouvelle organisation.
Les délégués émettent cependant la restriction que le programme de lUnion, qui comprend une activité parmi lémigration minière, agricole, parmi les femmes, la jeunesse et les enfants, ne soit en rien entravé, ni diminué. »
La motion est soumise au vote : 39 voix sont favorables, 15 voix sexpriment pour le maintien au sein du C.K.P., 10 délégués sabstiennent, 1 vote est déclaré nul. Les dés sont jetés ; Jan Szambelanczyk, président du C.K.P., président dhonneur du Z.P.T.K., se lève, prend la parole et ne peut que blâmer labsence, selon lui, de discernement des délégués ; il est désormais seul.
Labbé Lagoda retiré, J. Szambelanczyk isolé, il ne reste plus que labbé Garstecki pour faire contrepoids, malgré son ralliement de dernière heure, à la toute-puissance des dirigeants du Conseil dEntente. Mais, désabusé, il sait que ses jours en France sont comptés. La politique officielle dite de consolidation, les autorités polonaises, le consul Stanislaw Kara en particulier, ont fini par triompher.
--------------------------------------------------------------------------------
Chapitre 5
UN EQUILIBRE FRAGILE (1934 - 1939)
La question des relations avec les autorités et les associations qui leur sont dévouées, domine la vie du bloc catholique polonais en France au cours de la période 1934 1939. Après labandon du Comité central par lUnion des Sociétés catholiques polonaises, ladhésion de celle-ci au Conseil dEntente nest plus quune question de temps. Il ny a plus de dirigeants catholiques capables de sopposer aux visées unificatrices du régime de la sanacja : le recteur Lagoda a été démissionné, le président Szambelanczyk nest plus écouté au sein du Z.P.T.K., le secrétaire général Garstecki sait que son mandat arrive à son terme. Même si lUnion catholique et le clergé tentent encore de maintenir une position propre, de faire entendre leur voix, comme à propos de la représentation des associations au sein des instances dirigeantes du Conseil dEntente ou de la conception de lenseignement dispensé aux enfants, ils sont contraints de suivre la marche vers lunité totalitaire imposée par Varsovie, dont laboutissement sera la fondation en 1938 de lUnion des Polonais en France, fédération suprême qui soumet presque toutes les sociétés polonaises de France à la politique du gouvernement polonais.
Cette soumission, même relative, du groupement catholique aux mots dordre de Varsovie, saccompagne dune modification importante de son mode de fonctionnement. A la tête des unions spécialisées, apparaissent des directeurs, prêtres nommés par la Mission catholique polonaise, chargés de veiller à lanimation spirituelle des mouvements, et aussi de préserver linfluence du clergé et empêcher une dépendance totale du Z.P.T.K. à légard de la fédération progouvernementale. Cette nouveauté présente cependant un inconvénient majeur : la rotation, assez rapide, des effectifs de la Mission entraîne des changements fréquents aux postes de direction, ce qui est une source dinstabilité. A cela sajoutent les problèmes récurrents de la Mission catholique : situation juridique incertaine, recrutement insuffisant des aumôniers.
A la veille de la Seconde Guerre mondiale, le camp catholique polonais en France se trouve donc confronté à de nombreuses difficultés de natures très diverses. Le renforcement de ses structures, notamment au niveau des districts régionaux, la multiplication dactivités attractives, lui assurent toutefois une stabilité en maintenant létat des effectifs.
--------------------------------------------------------------------------------
DES RAPPORTS COMPLEXES AVEC LES AUTORITES ET LES ASSOCIATIONS POLONAISES
--------------------------------------------------------------------------------
Une adhésion sans enthousiasme
LAssemblée générale extraordinaire du 29 octobre 1933 ayant confié au Bureau de lUnion des Sociétés catholiques polonaises le soin dentamer des pourparlers pour adhérer au Conseil dEntente, des contacts sont pris dès la fin de lannée, mais achoppent sur la question du nombre de représentants du Z.P.T.K. au sein du Conseil. Le groupement catholique réclame, en plus des trois mandats attribués à chaque organisation membre par le statut du Conseil, un délégué supplémentaire pour chaque union constituant la fédération. Cette procédure augmenterait évidemment le poids du Z.P.T.K. Le Conseil dEntente refuse, et prétend même limiter lactivité des cercles de jeunesse masculine S.M.P. dans les domaines sportif et culturel 309 .
Finalement, les difficultés sont levées. Les parties en présence ont en effet tout intérêt à trouver un compromis : le Conseil ne peut se permettre de tenir à lécart une organisation parmi les plus puissantes de la vie sociale de limmigration, et soutenue par le clergé demeuré très influent ; le Z.P.T.K. fait pour sa part la preuve de sa volonté de maintenir la cohésion de limmigration. A la réunion du Bureau de la fédération catholique du 10 mai 1934 310 , le président Siakowski annonce que le Z.P.T.K. aura droit à 9 délégués au sein du Conseil : 3 pour le bureau fédéral, 2 pour lUnion des Confréries du Rosaire, 2 pour lUnion des Sociétés masculines, et 1 pour chaque union de la jeunesse S.M.P. Il ny a pas de représentant prévu pour la Société des Ouvriers agricoles polonais en France, bien quelle ait déclaré, par courrier adressé au Conseil dEntente en date du 15 avril 1934 311 , son adhésion au Conseil aux conditions quétablira le Z.P.T.K. A la demande de labbé Feliks Malecki, les unions du Rosaire et des Sociétés masculines rétrocèdent chacune un délégué à la Société des Ouvriers agricoles ; cette nouvelle répartition contente tout le monde. Le Bureau vote alors, à lunanimité, le rattachement du Z.P.T.K. au Conseil dEntente, et décide de publier dans la presse sa prise de position, en la motivant par son souci de « défendre les droits de louvrier polonais, en commun avec toutes les unions adhérant au Conseil dEntente. » La justification peut en effet trouver un écho favorable parmi les militants : de 1931 à 1933, la crise économique provoque la montée du chômage et, même si les licenciements touchent différemment les Polonais selon le secteur dactivités auquel ils appartiennent, langoisse de la perte de lemploi et du retour forcé au pays reste constante. Lannée 1934 sannonce également sous de sombres perspectives : au printemps, les pouvoirs publics français sattaquent directement aux compagnies minières, dont ils veulent réduire la masse douvriers étrangers ; le 23 mars, au cours dune réunion à Paris du Comité central des Houillères, Henri de Peyerimhoff annonce le renvoi prochain, sur ordre gouvernemental, de 6 000 à 7 000 ouvriers immigrés, dont 5 000 à 6 000 Polonais du Nord et du Pas-de-Calais 312 .
Une longue lutte dinfluence opposant les autorités et les institutions catholiques polonaises en France (Union des Sociétés catholiques, Comité central des Polonais, Mission catholique polonaise) vient donc de connaître son épilogue. Certes, le C.K.P. na pas prononcé officiellement sa liquidation, mais il na plus guère de signification. Et, dans la perspective dun apaisement entre le Ministère polonais des Affaires étrangères et la Chancellerie du Primat, le nouveau recteur de la P.M.K., labbé Witold Paulus, de larchidiocèse de Poznan comme son prédécesseur, entré en fonction le 8 janvier 1934, se doit de rétablir des relations, sérieusement mises à mal à la fin du rectorat de labbé Lagoda, de coopération harmonieuse avec lAmbassade de Paris. Le Conseil dEntente regroupe pratiquement toutes les organisations polonaises et sen félicite ; ne manquent à lappel que les sections polonaises de la C.G.T.U. et de la C.G.T., ainsi que les organismes qui gravitent autour delles, tels que la F.E.P. ou le T.U.R. Certes, les sections syndicales polonaises représentent un potentiel important ; mais, sil est exclu dentrer en contact avec la C.G.T.U. communiste, le Conseil dEntente ne peut pas non plus tenter une approche en direction de la C.G.T., à cause de lattitude à légard de celle-ci du groupement catholique tout juste rallié à la fédération gouvernementale. Un long chapitre assez houleux vient ainsi de sachever. Le front dressé par le Conseil dEntente semble donner de sérieuses garanties de solidité, et lunion catholique doit y creuser peu à peu sa place.
Mais le Z.P.T.K. a en fait du mal à digérer ce qui ressemble quand même à une capitulation : en tant que pilier du Comité central des Polonais, il constituait jusqualors le barrage principal contre la politique hégémonique des autorités polonaises. Reflet de la lutte entre lEglise et lEtat en Pologne pour se garantir la plus grande influence possible sur la société, le conflit entre le camp catholique et les représentants officiels polonais en France est tout aussi déterminant : le ralliement de la fédération catholique au groupement gouvernemental permet denvisager la mise au pas de lensemble des associations polonaises de France. Le régime de la sanacja a remporté là un succès incontestable ; la route vers lapplication de ses projets de domination absolue de la vie associative lui est désormais ouverte. Les rapports du Z.P.T.K. avec lorganisme fédérateur resteront donc, jusquen 1939, empreints de méfiance et marqués par un mécontentement continuel. Par exemple, alors que le Règlement du Conseil dEntente répartit les travaux entre cinq commissions 313 , le groupement catholique nest représenté, en 1935, quau sein de la Commission de la Culture et de lInstruction par quelques délégués accompagnés du Recteur de la Mission catholique, et au sein de la Commission dEducation physique et civique par un délégué de la jeunesse S.M.P. Cet état ne convient pas au Z.P.T.K. ; et après plusieurs réclamations, il parvient à obtenir des représentants dans quatre des cinq commissions 314 . Lattitude du Conseil à légard de lorganisation de jeunesse catholique S.M.P. en particulier constitue une source de tension. Le Conseil accorde en effet plus dattention et daide aux autres mouvements de jeunesse, davantage orientés en faveur du gouvernement, tels que lUnion des Francs-Tireurs, le scoutisme ou le Sokol, ce dont le S.M.P. se plaint régulièrement 315 , en envoyant même des notes de protestation. Du reste, pour le Z.P.T.K., toutes les occasions sont bonnes pour prendre ses distances : en décembre 1936, il refuse de participer à linauguration du nouveau local du Conseil 316 , et en décembre 1937, il émet les plus vives réserves sur la nouvelle Fédération des Ouvriers polonais (Federacja Robotnikow Polskich, F.R.P.) et son admission au sein du Conseil 317 . Hanté par la réunification qui sest opérée entre la C.G.T. et la C.G.T.U. et par la victoire du Front populaire, Stanislaw Kara, devenu, officiellement en 1935, conseiller démigration auprès de lAmbassade à Paris, na quune idée en tête : isoler les communistes polonais et, pour cela, faire entrer dans le Conseil dEntente les éléments modérés, cest-à-dire ceux qui sont hostiles à une collaboration avec les anciens Unitaires, de la Fédération des Emigrés polonais (Federacja Emigrantow Polskich, F.E.P.), forte denviron 40 000 à 50 000 membres, correspondant des sections polonaises de la C.G.T. sur le terrain associatif. Pour le conseiller démigration, la situation est grave, et lheure nest plus à sinterdire tout contact avec les syndiqués à cause de lopinion des catholiques. La réussite de la manuvre lui permettrait également détoffer la composition du Conseil, en englobant les Polonais syndiqués absents à sa fondation : lhégémonie tant désirée sur le monde associatif serait alors presque parfaite. Lidée séduit quelques dirigeants de la F.E.P. et, pour brusquer quelque peu le cours des événements, S. Kara propose une fusion entre la F.E.P. et la Société des Ouvriers polonais (Z.R.P.) appelée en renfort. Un congrès de la Fédération des Emigrés polonais, réuni en novembre 1937, vote une résolution en ce sens ; il faut alors faire entrer la nouvelle formation intitulée Fédération des Ouvriers polonais (F.R.P.) dans le Conseil dEntente au grand dam du mouvement catholique. La création de la F.R.P. natteint pas toutefois les objectifs escomptés : après quelques mois dexistence, elle ne compte que 6 000 membres, létat financier est déplorable, et une F.E.P.sécessionniste sest maintenue 318 .
La création dune structure regroupant les chorales paroissiales auprès de la centrale catholique constitue un autre sujet de mécontentement réciproque. Des chorales sétaient en effet formées pour maintenir une certaine qualité du chant pendant les offices religieux ; et dès 1932, il était question den convoquer une assemblée générale spécifique. Le projet est repris en janvier 1936, ce qui provoque une forte réplique de lUnion des Cercles de Chant au cours dune réunion de la commission culturelle du Conseil dEntente 319 . Les avis au sein du Bureau du Z.P.T.K. sont partagés : certains préconisent de passer outre à ces observations. Finalement, lidée du groupe catholique de fonder sa propre asssociation de chorales ne verra pas le jour au cours de la période de lentre-deux-guerres, ce qui na pas manqué daviver la rancune de quelques dirigeants catholiques.
--------------------------------------------------------------------------------
Une position ambiguë à légard des autorités polonaises
Apparemment, les relations connaissent, à léchelon le plus élevé, une amélioration sensible. Dans son rapport sur le clergé présenté à la réunion des consuls polonais en France, qui se tient à Paris du 2 au 4 mars 1934 320 , Stanislaw Kara note que :
« Fondamentalement, lattitude du clergé à légard des postes consulaires et du travail quils entreprennent et dirigent, est le reflet de celle de la Chancellerie du cardinal Hlond et de lEpiscopat polonais vis-à-vis du gouvernement polonais. Aussi bien dans le pays quici, le clergé tend à sassurer le contrôle moral de lémigration. »
LEglise de Pologne na en effet témoigné aucune sympathie particulière pour le régime mis en place à la suite de la prise du pouvoir par le maréchal Pilsudski. Lesprit laïc de la sanacja sest rapidement opposé à son influence sur la société polonaise, et elle a vigoureusement combattu le mariage civil et le divorce que le gouvernement désirait introduire dans la législation. Mais, selon le rapport du consul Kara, les dernières modifications, le changement du recteur de la Mission catholique et dautres personnes à différents postes, permettent despérer une normalisation des relations entre le clergé et les consulats ; il y a lieu dattendre les suites sans, toutefois, se bercer dillusions sur le fonds de la pensée des prêtres.
Lensemble de la Mission catholique polonaise donne cependant limpression de se plier aux impératifs dune entente harmonieuse avec les consulats, respectant en cela les consignes de la hiérarchie ecclésiastique. Au cours de son séjour en France en mai et juin 1934, le primat Hlond en personne insiste en effet auprès des aumôniers sur la nécessité dune coopération, la plus étroite possible, avec les représentants des autorités polonaises. Faut-il y voir le signe dune allégeance de lEglise envers lEtat polonais ? Lannée 1934 semble prématurée pour répondre affirmativement : deux ans auparavant, en avril 1932, le Primat a publié une lettre pastorale Des principes chrétiens dans la vie de lEtat qui rejette à la fois le régime autoritaire de Pilsudski et les tendances totalitaires de la droite nationaliste polonaise ; elle garde en 1934 toute son actualité, mais les concessions accordées à lEglise par le gouvernement polonais, sur la question du divorce par exemple, permettent dapaiser les relations. Ainsi, à la réunion annuelle des prêtres polonais en France du 9 novembre 1934, lAmbassadeur de Pologne prononce un discours sur les différents aspects de leur mission, en tant quaumôniers, en tant quanimateurs de la vie sociale des immigrés, et en tant que Polonais au contact des Français, en particulier du clergé et du camp catholique français, à lissue duquel il est acclamé. Dans son compte rendu au Ministère des Affaires étrangères 321 , lAmbassade se réjouit du fait que « la politique de la Mission catholique polonaise à légard du pays et des représentations polonaises en France semble se diriger sur de nouveaux rails », et y voit « de manière certaine leffet, dune part, de la visite du cardinal Hlond et, dautre part, du remplacement de labbé Lagoda par labbé Paulus au poste de recteur de la Mission catholique ».
Même lUnion des Sociétés catholiques polonaises semble suivre le mouvement. Elle décide en effet de participer au deuxième Congrès des Polonais à lEtranger, en août 1934 à Varsovie, au sein de la délégation du Conseil dEntente 322 . Personne ne sémeut du fait que Jan Szambelanczyk, qui avait pourtant participé aux réunions du Conseil dOrganisation des Polonais à lEtranger à la fois au titre du C.K.P. et du Z.P.T.K., ne figure plus dans la délégation française à cette deuxième assemblée, alors que sy trouve Julian Majorczyk, président de la F.E.P. 323 . Du reste, la délégation française à la réunion de Varsovie, qui débouchera sur la fondation de lUnion mondiale des Polonais à lEtranger (Swiatowy Zwiazek Polakow z Zagranicy), compte autant de représentants des organisations syndicales que du camp catholique. Parmi les délégués, on note donc Stanislaw Siakowski au nom du Z.P.T.K., et Julian Majorczyk pour la F.E.P. ; et parmi les invités en tant quexperts, Marciniak, trésorier des sections polonaises de la C.G.T., siège aux côtés du recteur Paulus.
Au niveau des instances dirigeantes, tout semble donc aller pour le mieux, même si une motion de lAssemblée générale du Z.P.T.K. du 27 octobre 1935 se permet de rappeler que les autorités doivent aider laction du groupe catholique de la même manière que celle des autres associations 324 . Mais localement, les craintes formulées par S. Kara sur lesprit dopposition de certains membres du clergé se vérifient parfois. Dans lEst de la France en particulier, labbé Mieczkowski, en poste à Merlebach, et le doyen Rogaczewski surtout, sont accusés en 1934 par le consul à Strasbourg, J. Lechowski, de critiquer pêle-mêle les autorités et les principales organisations progouvernementales telles que les Sociétés Pilsudski, les Francs-Tireurs, le Travail civique des Femmes (Zwiazek Pracy Obywatelskiej Kobiet) 325 . Cette dernière, créée en 1932 pour contrecarrer les traditionnelles Confréries du Rosaire et Sociétés féminines, est leur cible privilégiée : le doyen Rogaczewski aurait même, dans une circulaire, interdit aux Polonaises catholiques dy adhérer.
Des constatations presque identiques, collaboration de façade mais antagonisme de fond entre clergé et consulats, sont formulées à la réunion des consuls polonais en France des 2 et 3 novembre 1936 326 . Le consul à Strasbourg, Lechowski toujours, indique que « malgré les efforts intensifs et la bonne volonté du poste consulaire, la coopération avec le clergé polonais laisse beaucoup à désirer, exclusivement de la faute du clergé qui mène une politique propre, bien quil proclame publiquement sa loyauté et son désir de collaboration ». Il reconnaît certes que les aumôniers de son territoire consulaire, qui combattaient âprement les associations gouvernementales, adoptent maintenant une attitude plus neutre à légard de celles-ci ; mais il note aussi toute une série dactions, menées par le clergé, contraires au programme gouvernemental en matière de direction de la vie sociale des immigrés : tentatives de transformation de sections du Z.R.P. en organisations catholiques, attitude indifférente voire négative envers le Conseil dEntente, accusations continuelles de la Pomoc Oswiatowa liée au clergé contre le district du Conseil, non participation aux cérémonies funèbres en lhonneur du général Orlicz Dreszer sous le prétexte que ce dernier était protestant, non respect des consignes administratives, en particulier non information des changements intervenus dans les postes daumôniers. Il conclut enfin qu « il faudrait régler, de manière formelle et fondamentale, lattitude de la Mission catholique et du clergé en poste en France à légard des autorités gouvernementales polonaises qui, tout en ne désirant absolument pas se mêler des affaires religieuses, ne devraient pas tolérer que certains prêtres mènent, dans les questions sociales et la vie associative, leur propre politique, souvent contraire à la nôtre et à notre programme de travail bien défini ». Le consul à Paris, Kawalkowski, német aucune remarque défavorable à légard des aumôniers de son district consulaire ; de même le consul à Lyon, Czosnowski, même sil regrette une certaine méfiance dans leurs relations réciproques. Le consul à Toulouse, Chamiec, na à traiter quavec un seul prêtre qui se mêle très peu de problèmes sociaux. Par contre, le consul Obrebski, à Marseille, na aussi quun seul prêtre en poste dans le territoire de son consulat : le jeune abbé Skweres, qui vient juste de remplacer labbé Swiader, et dont linexpérience provoque de graves remous au sein des colonies polonaises.
En mars 1938 encore 327 , le consul à Lyon, Wladyslaw Mierzynski, se plaint du désintérêt de labbé Wahrol, à Saint-Etienne, pour les initiatives des associations, et de lattitude de labbé Drelowiec, au Creusot, créant une ligue catholique opposée au K.T.M. local. On le voit, les rapports diffèrent selon les régions et aussi, peut-être surtout, en fonction des personnalités des uns et des autres. Mais ils démontrent également un haut niveau de méfiance réciproque entre clergé et consulats, ainsi quune forme despionnage permanent des agissements des prêtres épiés par les fonctionnaires consulaires.
Toutefois, certains événements fournissent, de temps en temps, loccasion de démontrer que, même si des divergences apparaissent sur le terrain entre aumôniers et agents des consulats, la volonté de collaboration entre les institutions peut exister, afin de préserver le modus vivendi un peu particulier établi entre le clergé et les autorités. Tel fut le cas, en 1934, avec la participation du camp catholique au Congrès des Polonais de lEtranger à Varsovie, et laccueil réservé à lAmbassadeur de Pologne à Paris à la réunion annuelle des prêtres polonais en France. Lannexion par la Pologne de la Silésie de Cieszyn, en septembre 1938, en est une autre illustration. Des lettres et des télégrammes de félicitations sont adressés, en grand nombre, au gouvernement polonais par le Conseil dEntente, de nombreux comités locaux K.T.M., de multiples associations 328 . Des prêtres, des responsables de sections locales du Z.P.T.K. apposent leurs signatures au bas des déclarations envoyées par les K.T.M. : à Billy-Montigny par exemple, la première signature est celle de labbé Kitka, puis viennent celles des présidents de toutes les sociétés locales, parmi lesquelles la confrérie du Rosaire, la société Sainte Barbe, les sections féminine et masculine de la jeunesse K.S.M.P. Le district parisien de la fédération catholique vote, le 2 octobre 1938, une motion exprimant la joie de voir le retour à la patrie du territoire dOutre-Olza. Et les prêtres polonais en France, réunis à Clamart le 25 novembre, adressent au Président de la République de Pologne une dépêche, signée par le recteur Cegielka, qui, sans mentionner explicitement laffaire de Cieszyn, félicite les autorités polonaises pour les derniers résultats de leur politique étrangère 329 :
« Les prêtres polonais en France, réunis en assemblée à Clamart près de Paris le 25 novembre 1938 en présence de Monsieur lAmbassadeur, Tadressent, Monsieur le Président, lexpression de leur hommage et de leur attachement, et Tassurent de leur dévouement pour la Pologne qui, au cours des dernières semaines, pleine de majesté et de victoire, a brillé à la face du monde grâce à Tes efforts. »
Cette déclaration marque laboutissement de lévolution du clergé polonais en France, amorcée seulement en 1934 par une normalisation progressive des rapports, au moins au niveau de la P.M.K., vers lapprobation de lidéologie totalitaire qui simpose de plus en plus nettement en Pologne. A Varsovie, le Camp de lUnité nationale (Oboz Zjednoczenia Narodowego, O.Z.N.), mis en place en 1936 en remplacement du B.B.W.R. dissous, vise à rassembler toute la droite politique derrière des slogans nationalistes ; la glorification outrancière du chef suprême, E. Rydz-Smigly, promu à son tour maréchal de Pologne en novembre 1936, tend à faire disparaître les différences entre sanacja et endecja (Parti national-démocrate, N.D.). La politique étrangère du colonel Beck imite les méthodes de Hitler à légard des pays de cette partie de lEurope : lannexion de la Silésie de Cieszyn par la Pologne est au diapason de celle des Sudètes tchèques par lAllemagne. Laveuglement du colonel Beck face à lencerclement progressif de la Pologne préparé par Hitler, a-t-il gagné la société polonaise, les Polonais de France en particulier ? Il paraît peu probable que les militants de base aient eu assez dinformations et de recul pour mesurer la portée de lévénement. Mais le chauvinisme démesuré propagé en Pologne a sans doute aussi des répercussions en France. Les responsables du Conseil dEntente, comme Stefan Rejer ou Piotr Kalinowski, ne peuvent quêtre favorables. Les prêtres et les dirigeants catholiques polonais en France ne peuvent rester indifférents ; lattitude de la Pologne flatte aussi leur amour-propre de Polonais Catholique (Polak Katolik), mot dordre cher à la N.D. : tout ce qui fortifie le caractère polonais contribue également au renforcement du catholicisme. Cette fois, les visées totalitaires de la sanacja et du régime des colonels de Varsovie saccordent avec les aspirations nationalistes de la N.D.
Les autorités polonaises sont évidemment satisfaites de ces relations entre représentants de lEglise et de lEtat polonais en France. Le consul Kara, dans son rapport final dactivités dressé en octobre 1938 330 , estime que le clergé, mal disposé à légard du gouvernement jusquen 1934, collabore maintenant loyalement avec les consulats et le Conseil dEntente ; il est même intervenu en 1936 pour rétablir une dotation mensuelle de 5 000 F. en faveur de la Mission catholique 331 .
--------------------------------------------------------------------------------
Des heurts avec les enseignants de polonais
Les relations du clergé avec le corps enseignant sont, au cours de cette période, tout aussi ambiguës quavec les autorités officielles. Certes, laccord de janvier 1933 entre le recteur Lagoda et le ministre Jedrzejewicz fait quau sommet elles sont nettement plus sereines quauparavant, plus calmes et moins chargées danimosité. Cependant, à la base, subsistent çà et là quelques tensions locales. Encore une fois, la personnalité des différents intervenants est prépondérante dans la qualité des rapports.
Ainsi, le caractère impétueux de labbé Rogaczewski rend la répartition des attributions particulièrement délicate dans lEst de la France 332 . Le Consulat de Strasbourg reproche aux prêtres polonais du district, leur ingérence dans les questions sociales et scolaires, en particulier le fait quils essaient de conclure des accords avec les directions des entreprises pour nommer, aux postes dinstituteurs vacants, des personnes dévouées à lEglise. Le doyen Rogaczewski se retranche derrière la nécessité de disposer dun instituteur catholique ; il se sent obligé de combattre toute autre personne à un tel poste. Chacun reste sur sa position ; le dialogue de sourds continue. Le rapport du Consulat conclut du reste que :
« laccord établi avec la Mission catholique polonaise, après le séjour de Mgr Kubina lannée dernière, cesse dêtre respecté ; on sent de la part du clergé un retour aux anciennes méthodes daction, dans le but de se garantir la plus grande influence sur lémigration, même y compris la lutte contre les différentes initiatives de lAmbassade ou du Consulat dans le domaine socio-culturel, et lébranlement de lautorité des personnes soutenues par les représentations de la République de Pologne. »
Entre 1936 et 1938, les relations entre les instituteurs de la circonscription consulaire de Marseille et le prêtre polonais en poste à lAbbaye de Cendras, les abbés Marian Skweres et Kazimierz Bober successivement, sont également tendues 333 : linstituteur reproche à laumônier dorganiser lenseignement du catéchisme aux mêmes heures que les cours de polonais, et laumônier reproche à linstituteur de convoquer délibérément les réunions du comité des parents délèves le dimanche matin au moment des offices. En octobre 1938, elles deviennent tellement conflictuelles que la Mission catholique polonaise est contrainte de révoquer labbé Bober dès le mois de décembre.
Le 1-er février 1935, lAmbassade de Pologne à Paris confie au Conseil dEntente la gestion et le contrôle des classes maternelles, garderies et patronages. Et la Commission de la Culture et de lInstruction du Conseil se met sérieusement au travail, cherchant à organiser de manière rationnelle cette branche de léducation. Les progrès réalisés sont assez intéressants 334 :
Année scolaire Nombre de classes maternelles Nombre de garderies Nombre denfants
1934 / 35 33 5 2 076
1935 / 36 23 23 3 032
1936 / 37 24 38 3 725
A ces chiffres il faut ajouter, à partir de lannée scolaire 1935 1936, trois centres polonais existant dans des écoles maternelles françaises, à Evin-Malmaison, à Montigny-en-Ostrevent et dans le quartier de De Sessevalle à Somain. Même si cette action natteint pas les résultats escomptés 335 , elle empêche toutefois le clergé de retrouver le rôle dominant joué dans ce secteur jusquau début des années 1930. Ainsi par exemple, au début de lannée 1935 1936 encore, le prêtre polonais de Bruay, labbé Wyderka, remet à la charge du Conseil dEntente les quatre garderies que lui finance la Compagnie des Mines de Bruay, mettant de cette manière un terme à de longues négociations entre lAmbassade et le doyen Radwanski 336 .
Les cours du jeudi, instaurés par le consul Kara en 1934, constituent une autre source de tension entre le système scolaire et le mouvement catholique. Il sagit dutiliser la journée du jeudi, libre de toute activité scolaire dans lenseignement primaire, pour encadrer les jeunes et leur inculquer des rudiments de langue polonaise, surtout dans les cités où nexistent pas de cours de polonais assurés par des moniteurs agréés 337 . Ces cours sont confiés en majorité aux personnes jugées les plus compétentes parmi les ouvriers, leurs femmes ou leurs filles ; la sélection est effectuée par les fonctionnaires consulaires ou la Commision dInstruction du Conseil dEntente. Ils se déroulent le plus souvent dans des conditions matérielles difficiles, dans des salles privées, des arrière-salles destaminet, peu propices à lenseignement. Aussi les responsables se contentent de faire chanter les enfants, les divertir par des jeux, leur raconter les événements principaux de lhistoire polonaise, leur donner le minimum de connaissances sur la Pologne actuelle, mais leur apprennent fort peu le maniement de la langue. Les statistiques relatives à cette action se présentent de la manière suivante 338 :
Année scolaire Nombre de centres Nombre délèves Total du personnel dencadrement
1934 / 35 70 3 691 79
1935 / 36 116 6 677 93
1936 / 37 156 8 500 116
Or le jeudi est également le jour consacré à lenseignement du catéchisme ; et dans les localités, les responsables dassociations catholiques, en particulier les femmes des organisations féminines qui apportent leur concours aux prêtres pour soccuper des enfants, ainsi que les aumôniers voient dun mauvais il cette ingérence des autorités dans la gestion de la journée du jeudi. Du reste, très peu de personnes dépendantes de la Mission catholique sinvestissent dans cette nouvelle activité : seuls deux prêtres et deux religieuses figurent parmi le personnel dencadrement en 1935 1936, le nombre de religieuses ne passe quà trois en 1936 1937. La question na pas toutefois provoqué de conflit ouvert entre les uns et les autres : le groupement catholique et le clergé, bien que nappréciant pas linitiative du consul Kara et ne sy engageant pas, ont en général observé à son égard une stricte neutralité. Lexplication réside certainement dans le fait que le recteur Paulus a donné son accord pour louverture de ces cours, sous la condition quune place sera réservée à lenseignement du catéchisme. Cest ce quil affirme à la réunion du Bureau du Z.P.T.K. du 28 octobre 1934, coupant ainsi court à toute discussion et à toute polémique 339 .
--------------------------------------------------------------------------------
LUnion des Polonais en France
Au cours de la réunion des présidents des organisations membres du Conseil dEntente du 16 janvier 1938 340 , lUnion des Comités de Sociétés polonaises, titre officiel du groupement des K.T.M., propose une réorganisation du Conseil. Le projet prévoit le remplacement de la Rada Porozumiewawcza par une Union des Polonais en France (Zwiazek Polakow we Francji Z.P.F.) ; la cellule de base serait le K.T.M. ; ceux-ci ainsi que les associations locales isolées constitueraient, sur un territoire déterminé, un district du Z.P.F. ; lUnion représenterait linstance suprême. Il semble toutefois hautement probable que cette nouvelle initiative soit due aux autorités de Varsovie, toujours soucieuses de conforter leur domination sur la vie associative polonaise en France. Dans son rapport final dactivités 341 , le consul Kara affirme en effet que le souci du Ministère des Affaires étrangères était de donner à son idée lapparence dune demande de la base :
« A lautomne 1937 a été lancée, par le Ministère des Affaires étrangères, linitiative de transformer lorganisation du Conseil dEntente en Union des Polonais en France. Puisque lintention du Ministère était que toute cette réorganisation, dans son lancement et son exécution, revête un caractère social, il fut décidé de reporter la convocation de lassemblée à lautomne 1938. »
Le projet de transformation vise donc à établir une liaison directe, en tout cas plus rapide, entre la base et le sommet. Aussi lune des motions de la réunion du 16 janvier préconise de créer des comités locaux là où ils nexistent pas encore et où les conditions le permettent. Une autre motion demande à toutes les organisations de faire correspondre le découpage de leurs propres districts avec celui qui sera en vigueur pour le Z.P.F. La manuvre est adroite : pouvant ainsi transmettre les informations à la base par lintermédiaire de ses districts, le Z.P.F. abandonnerait les canaux passant par les bureaux des unions membres et, en quelque sorte, mettrait au pas ces unions souvent jalouses de leurs prérogatives. Des circulaires sont bientôt envoyées à tous les groupements, avec les projets de statut et de règlements intérieurs pour le Z.P.F., les districts du Z.P.F., et les K.T.M. 342 .
Toutes ces modifications ne plaisent pas nécessairement à la fédération catholique, dont la structure connaît alors un développement tentaculaire étudié dans la suite du chapitre. En particulier, larticle 3 du statut de lUnion des Polonais provoque son mécontentement :
« LUnion des Polonais en France est lorganisation centrale des sociétés polonaises entrant dans la composition des Comités des Associations locales, ainsi que des groupements régionaux et des unions dont les activités sinspirent des principes nationaux, catholiques et chrétiens. »
Le 27 novembre 1938, le Bureau du Z.P.T.K. rédige une note de protestation adressée à la Commission statutaire du Z.P.F. auprès du Conseil dEntente. Le groupe catholique fait dabord remarquer que, compte tenu du fait que limmigration polonaise en France ne comprend aucune organisation protestante ou orthodoxe, la distinction entre les caractères catholique et chrétien na pas de fondement. Il déclare son opposition à lusage dans les statuts du mot chrétien, qui pourrait se prêter à une interprétation trop large à son avis, et donner ainsi la possibilité dadhérer au Z.P.F. « à ceux qui ont abjuré la foi de leurs pères » : il nest pas question pour le Z.P.T.K. de collaborer avec, par exemple, lAssociation des Universités ouvrières (T.U.R.) et les organisations idéologiquement proches de celle-ci. Il demande encore que ne puissent entrer dans la prochaine Union des Polonais que les sociétés se réclamant des valeurs catholiques et désireuses de sy conformer dans leurs activités. Il propose enfin que, dans le libellé de larticle 3, seule la référence aux principes nationaux et catholiques soit maintenue.
Ce courrier du Z.P.T.K. ressemble cependant fortement à un combat darrière-garde. Il nest plus possible pour lunion catholique de mener, contre une organisation qui regroupe quand même la grande majorité des sociétés polonaises et qui a lappui des autorités gouvernementales, le même combat que celui livré en son temps contre la formation du Conseil dEntente en défendant, aussi longtemps que possible, le Comité central des Polonais. Il nest plus question dentamer une nouvelle lutte dinfluence. La situation générale de limmigration polonaise en France, la situation des associations polonaises, et le contexte politique international ny sont du reste pas favorables. Le Bureau du Z.P.T.K. la bien compris : au cours de sa réunion du 27 novembre 1938, le jour même où il rédige la note de protestation précédemment indiquée, il prend la décision dadhérer à la future Union des Polonais 343 . Et le Z.P.T.K. est bien présent à lAssemblée générale du 11 décembre 1938 à Douai : le matin, ont lieu les assemblées générales de dissolution du Conseil dEntente et de lUnion des K.T.M., et laprès-midi, lassemblée de constitution de lUnion des Polonais 344 . Mais la leçon des années 1933 et 1934, où la fédération catholique avait dû âprement négocier le nombre de ses délégués au sein du Conseil dEntente, a été retenue. Ce nest pas le Z.P.T.K. en tant que fédération, mais chacune des unions le constituant, qui adhère individuellement au Z.P.F. Cela permet de disposer dun nombre convenable de délégués au sein de la nouvelle institution. Larticle 8 du statut du Z.P.F. prévoit en effet que chaque union membre sera représentée à lassemblée générale par 3 dirigeants, le groupement catholique disposera ainsi de 15 voix ; et les présidents des 5 unions formant le Z.P.T.K. siègeront doffice au Conseil de lUnion des Polonais (article 11 du statut).
En avril 1939, lUnion des Sociétés catholiques polonaises réitère sa protestation contre larticle 3 du statut du Z.P.F. : le Bureau constate que, malgré sa note de novembre 1938, aucune proposition de modification de larticle 3 nest arrivée, et décide de maintenir sa protestation auprès de lUnion des Polonais 345 . Des frictions apparaissent aussi dans certaines régions, comme en Alsace 346 , entre les districts du Z.P.T.K. et ceux, nouvellement formés, du Z.P.F. :
« Nous ne savons quelle est la situation dans les autres districts, mais ici en Alsace, les personnes choisies par lUnion [des Polonais] et perfidement élues au bureau du District de lUnion au cours de lassemblée constitutive à Mulhouse, nont cure du bien de toutes les organisations polonaises nationales et catholiques, mais sont surtout dévouées aux Francs-Tireurs, aux anciens combattants, aux cercles de chant et aux Pilsudskistes. ( ) Elles reçoivent de Pologne une aide matérielle qui devrait être partagée entre toutes les sociétés polonaises loyales envers la Pologne, et donc aussi bien les catholiques que celles exclusivement laïques. Nous ne recevons pas cette aide. ( ) LUnion des Polonais en France, il me semble, nestime guère le travail des prêtres, ni les prêtres eux-mêmes. ( ) » (extrait de la lettre de labbé Wiatr du 30 mai 1939).
« Comme auparavant au moment de la création du district du Conseil dEntente, de même maintenant à la création du district de lUnion des Polonais, on ne tint aucun compte du fait que les organisations catholiques polonaises en Alsace sont les plus anciennes, les plus nombreuses, les plus méritantes. La fondation des districts du Conseil et de lUnion a été exclusivement confiée à des personnes qui se tiennent à lécart des organisations catholiques, en évitant les militants catholiques méritants. On sest même garanti très soigneusement, bien que de manière guère honorable, contre lentrée dun dirigeant catholique au sein du bureau du District de lUnion des Polonais. ( ) Nous ne pouvons accepter un tel état de faits. » (extrait de la motion du district IX Alsace du Z.P.T.K. pour lAssemblée générale du 4 juin 1939).
Mais rien ne peut modifier profondément les positions respectives ; et bon gré mal gré, lunion catholique conserve au sein du Z.P.F. la place quelle a prise dans le Conseil dEntente. Du reste, des problèmes bien plus graves vont bientôt se poser à lensemble des associations polonaises, reléguant au second plan les anciennes divergences.
--------------------------------------------------------------------------------
LE MAINTIEN DES STRUCTURES, DES ACTIVITES ET DES EFFECTIFS, MALGRE LES PROBLEMES
--------------------------------------------------------------------------------
La prédominance des unions au sein de la fédération des sociétés catholiques
Depuis la réorganisation des années 1929 1932, avec la création des unions spécialisées pour les enfants, la jeunesse et les adultes respectivement, la structure de lUnion des Sociétés catholiques polonaises semble avoir trouvé une plus grande stabilité, qui lui a permis de traverser lorage provoqué par la politique de consolidation sans sombrer complètement. Mais la secousse a été forte et a laissé des traces.
En haut lieu, on désire réaffirmer lautorité de lEglise sur le mouvement catholique. Aussi, à la réunion du Bureau du Z.P.T.K. du 10 mai 1934 347 , le président Siakowski annonce quà la demande du recteur Paulus, des directeurs ont été nommés auprès de chaque union : labbé Antoni Sawicki pour les confréries du Rosaire, labbé Jan Glapiak pour les sociétés masculines, labbé Feliks Malecki pour les ouvriers agricoles, labbé Stanislaw Stefaniak pour la jeunesse masculine, labbé Emil Gielec pour la jeunesse féminine, et labbé Jozef Paciorek pour les enfants. En ce qui concerne les ouvriers agricoles, les jeunes et les enfants, cette disposition ne surprend pas ; elle officialise en quelque sorte un état de fait. La pastorale destinée aux travailleurs agricoles concerne essentiellement le doyenné de Paris ; et labbé Malecki, attaché au siège de la Mission à Paris, aidé de quelques laïcs formant une sorte de bureau, sefforce de répondre aux diverses demandes dintervention. Lunion de jeunesse S.M.P. masculine dispose déjà, depuis un peu plus dun an, dun instructeur en la personne de labbé Albin Jakubczak, nommé le 1-er mars 1933 ; appelé au rectorat de la Mission, il est remplacé le 25 avril 1934 par labbé Stefaniak 348 . Mais ceci ne constitue pas une nouveauté : dès leur création en 1914 puis en 1919, les S.M.P. de Pologne ont toujours fonctionné avec laide dun aumônier, portant le titre de directeur et assurant lanimation du mouvement. Quant à labbé Paciorek, cest lui qui a lancé lidée de grouper les enfants dans des associations catholiques propres ; il est le père spirituel et le directeur administratif de lorganisation.
Mais cette officialisation en elle-même, et lapparition de directeurs à la tête des sociétés regroupant les adultes, ne font pas lunanimité. Les participants à la réunion sinterrogent sur le bien-fondé de la décision : on craint une dislocation du Z.P.T.K. Finalement, il est convenu quune délégation, constituée du président, du trésorier et du secrétaire général du Z.P.T.K., ainsi que de la présidente de lUnion des Confréries du Rosaire, se rende à Paris chez le Recteur pour en discuter.
Le problème se pose de savoir quels sont les motifs de la nomination de prêtres aux postes de directeurs des unions, et quelles fonctions sont attachées à ce titre. Les deux questions sont liées. Certes, à cette période, lEpiscopat polonais procède à la réorganisation de ses mouvements laïcs dans le nouveau cadre défini sous lappellation dAction catholique, selon les principes édictés par le Vatican 349 . Dans ses explications, labbé Malecki, parlant au nom du Recteur à la réunion de mai 1934, insiste sur le fait quil sagit dun moyen pour renforcer, développer, dynamiser la fédération catholique. Mais la concomitance de la nomination des directeurs avec les discussions sur le ralliement du Z.P.T.K. au Conseil dEntente, et les tâches associées au titre de directeur, laissent planer le doute. Assez curieusement, la décision du Recteur est présentée au Bureau du Z.P.T.K. le jour même où celui-ci décide définitivement dadhérer au Conseil et de rendre publique son adhésion. Et le rôle imparti au directeur dune union nest pas cantonné à la direction spirituelle du mouvement ; il doit seconder le secrétaire général du Z.P.T.K. en soccupant de toute ladministration concernant son union. Il doit donc être présent à toutes les réunions de la fédération ainsi quà celles de sa propre union ; par conséquent, il participe à la prise de toutes les décisions. Pour des laïcs habitués, en Westphalie dabord pour beaucoup, puis aux premiers temps de leur installation en France, à se prendre en charge et à décider de leurs activités, cette nouvelle façon de travailler est surprenante. Le recteur Paulus persiste cependant dans son idée et, le 17 juin 1934, il vient en personne à la réunion des dirigeants du Z.P.T.K. pour entériner la nomination des directeurs 350 .
Par ailleurs, il y a lieu de remarquer aussi que, dans le mouvement catholique polonais en France, la notion dAction catholique, au sens de la nouvelle formulation préconisée par le pape Pie XI, nest largement présentée aux adhérents quà lAssemblée générale du 27 octobre 1935, donc bien après larrivée des directeurs à la tête des unions. Dans son exposé LAction catholique et les unions du Z.P.T.K. 351 ,le nouveau secrétaire général, labbé Seweryn Krzysztofik, présente les six conditions pour quun groupement puisse être reconnu comme membre de lAction catholique. Entre autres, il doit sagir de catholiques laïcs, affiliés à une organisation de femmes, dhommes ou de jeunes, ratifiée par lEglise et subordonnée à la hiérarchie ecclésiastique. Mais labbé Krzysztofik ne souffle mot de la fonction de directeur, avec laquelle les dirigeants se sont peut-être déjà familiarisés, et indique seulement que la structure du Z.P.T.K., avec ses cinq unions spécialisées, répond en tout point aux exigences du Saint Père, et quil faut encore intensifier les actions en vue dun approfondissement de la vie religieuse des membres et dun plus grand rayonnement sur lenvironnement. De fait, lorganisation de lAction catholique dans le monde, en Pologne en particulier, a sans doute été une source dinspiration pour le Z.P.T.K. en France, mais na pas modifié profondément sa façon dêtre. Seule la jeunesse S.M.P. transforme, à cette date, sa dénomination en Association catholique de la Jeunesse polonaise (Katolickie Stowarzyszenie Mlodziezy Polskiej K.S.M.P.) ; plus tard seulement, au cours de son assemblée générale du 29 mai 1938, lUnion des Sociétés masculines prend le titre dUnion des Sociétés catholiques dHommes polonais en France (Zwiazek Katolickich Stowarzyszen Mezow Polskich we Francji) 352 .
Cependant, la nomination des directeurs, qui veillent incontestablement au caractère propre de lorganisation, mais qui jouent aussi le rôle de permanents administratifs, va renforcer la position des unions. Elles délibéraient déjà en assemblées générales séparées ; leurs bureaux se réunissaient à part ; et maintenant, grâce à laide dun prêtre attaché à leur service, même sil nest pas dégagé des activités pastorales, elles peuvent mener leur administration, leur programme daction, sans se référer à la structure centrale du Z.P.T.K., en particulier au secrétaire général. Cette prédominance des unions comporte toutefois le risque de les voir réclamer de plus en plus dautonomie par rapport à la fédération.
Au début de lannée 1933 déjà, un district de la jeunesse S.M.P. masculine sétait créé dans la région de Bruay-en-Artois 353 ; un district Lens fonctionnait aussi depuis le mois de juillet 1933 au moins 354 . Il semble toutefois que ces unités administratives nétaient pas entièrement constituées. Aussi, au début de 1934, se déroulent successivement trois assemblées générales qui procèdent à la formation définitive des districts : le 14 janvier pour le district I Lens, le 21 janvier pour le district II Douai, et le 4 mars pour le district III Bruay 355 . Une division administrative en districts propres à une union commence ainsi à se superposer à celle, déjà existante, de la fédération Z.P.T.K. Cette initiative du S.M.P. fait naître quelques craintes. Les réunions du Bureau du Z.P.T.K. du 10 mai, du 17 juin et du 28 octobre 1934, dans une large mesure consacrées au nouveau mode de fonctionnement des unions, sen font lécho : le S.M.P. masculin se voit reprocher de vouloir séparer ses districts de ceux de la fédération et, de manière générale, de vouloir faire sécession ; le recteur Paulus insiste même auprès des dirigeants pour ne pas constituer de districts S.M.P. distincts ; enfin, pour que le Z.P.T.K. puisse conserver le contrôle de lensemble des activités du mouvement catholique, il est décidé que toutes les questions financières seront réglées par le seul trésorier fédéral, les unions ne disposant pas de trésorerie propre.
Peine perdue, la dynamique est enclenchée. A la réunion du Bureau du Z.P.T.K. du 10 mars 1935 356 , les présidents des districts Lens et Bruay de la fédération constatent que les associations de la jeunesse masculine de leurs régions ont pris leur indépendance. Le président de lUnion S.M.P. masculine, Florjan Kubala, ajoute encore que lAssemblée générale des jeunes du 10 février 1935 sest prononcé en faveur de lautonomie de lorganisation vis-à-vis du Z.P.T.K. Même lUnion des Confréries du Rosaire réclame bientôt la possession de sa propre trésorerie ; linfluence conjuguée du recteur Paulus et du secrétaire général Krzysztofik entrave momentanément la réalisation de ce souhait. Mais en 1936 357 , cette union passe outre et annonce la création de sa propre comptabilité. En décembre 1936, elle persiste et déclare procéder prochainement à la constitution de ses propres districts. LUnion des Sociétés masculines lui emboîte le pas, et désire créer un poste de trésorier personnel. Bref, chaque union membre du Z.P.T.K. réclame de plus en plus dindépendance, et finit par limposer en menant une politique de faits accomplis.
Le consensus sur lautonomie des unions sétant, par la force des choses, réalisé, une mesure simple va permettre déviter leffondrement de la structure fédérative du Z.P.T.K. Les unions sont autorisées à créer, là où elles le jugent nécessaire, des districts propres ; mais ceux-ci doivent reconnaître la tutelle du district du Z.P.T.K. de leur région, et en porter le titre 358 . Ainsi, un district du Z.P.T.K. nest plus un regroupement de sociétés locales affiliées directement à la fédération, mais un regroupement de districts affiliés à des unions et de sociétés locales isolées indépendantes dune structure régionale propre. Le schéma organisationnel devient donc plus complexe ; il entérine certes la domination des unions, mais rend plus rationnelle la circulation des informations, des communiqués et des mots dordre dactions à lintérieur de chaque mouvement ; il rehausse également le caractère fédérateur du district Z.P.T.K.au niveau dun territoire déterminé :
A partir de la seconde moitié de 1937 et au cours de lannée 1938, les unions des sociétés masculines, du Rosaire et de la jeunesse procèdent donc à la constitution de leurs propres districts, non seulement dans le Nord de la France mais aussi dans lEst et dans la région de Montceau-les-Mines. Par exemple, le 24 avril 1938, lAssemblée générale du K.S.M.P. féminin adopte la même délimitation géographique de ses districts que celle en vigueur dans lunion masculine, ce qui permet lexistence de districts mixtes dans les régions où le nombre dassociations est insuffisant pour créer une entité propre ; tel est le cas à Montceau-les-Mines et en Alsace 359 . Par contre, lopération nest pas menée dans le district parisien du Z.P.T.K. qui connaît alors des difficultés de fonctionnement, ni dans celui de Saint-Etienne où le nombre de sociétés locales appartenant à un mouvement est trop petit 360 .
En ce qui concerne lUnion des Associations dEnfants polonais, aucun document ne permet de préciser son organisation administrative ; il semble bien quelle soit restée à lécart des autres unions dans leur marche vers lautonomie. Enfin, il nest plus possible, à ce moment, de considérer la Société des Ouvriers agricoles polonais comme une colonne spécialisée du Z.P.T.K. ; il ne sagit plus que dun secrétariat fonctionnant auprès du siège de la Mission catholique polonaise à Paris, chargé dapporter toute laide possible aux travailleurs agricoles de la région parisienne 361 . Du reste, le Z.P.T.K. ne la cite même pas dans son courrier dadhésion à lUnion des Polonais en décembre 1938.
--------------------------------------------------------------------------------
Une hiérarchie vacillante
La multiplication des fonctions à la tête des unions provoque aussi un remplacement plus fréquent des responsables. Mais si certains changements consécutifs, par exemple, au retour dun prêtre en Pologne, ou à une nomination à un autre poste ou dans une autre paroisse, ou encore au vote dune assemblée générale, font partie du cours normal de la vie dune association, dautres modifications sont dues au climat tendu régnant au sein des institutions catholiques, entretenu par la complexité des rapports avec les autorités et lensemble du mouvement associatif polonais en France, et par la volonté des unions à asseoir leur autonomie.
Même le rectorat de la Mission catholique polonaise nest pas épargné par la vague de changements. Rappelons que lextrême tension entre la P.M.K. et le Z.P.T.K. dune part, et les autorités polonaises dautre part, a entraîné la démission de labbé Lagoda en octobre 1933. Le mandat de son successeur, labbé Witold Paulus, entré en fonction en janvier 1934, arrive à expiration en 1937. Il nest pas renouvelé pour des raisons qui restent obscures 362 ; et le 18 juillet 1937, cest labbé Franciszek Cegielka, de la congrégation des Pallottins, qui occupe le poste 363 .
Le secrétaire général du Z.P.T.K., labbé Czeslaw Garstecki, est sacrifié lui aussi sur lautel de la réconciliation avec les autorités. Le Bureau du mouvement catholique, au cours de sa séance du 28 octobre 1934, rend hommage à son dévouement durant huit années, et accueille labbé Seweryn Krzysztofik, chargé de lui succéder. En septembre 1936, le recteur Paulus remplace ce dernier par labbé Mieczyslaw Januszczak qui rentre mystérieusement en Pologne vers la fin de lannée 1938 364 . Lintérim est alors assuré par labbé Leon Plutowski, qui assure définitivement la charge en 1939 365 .
Ce sont les postes de directeurs des unions qui souffrent le plus de linstabilité de lencadrement religieux polonais en France. En octobre 1934, labbé Stefaniak rentre en Pologne, et cest labbé Januszczak qui est appelé de Pologne par le recteur Paulus, pour lui succéder à la tête du S.M.P. masculin 366 . En septembre 1935 367 , cest labbé Paciorek, directeur de lassociation des enfants, qui rentre à son tour au pays ; son collaborateur, labbé Makulec, le remplace. En septembre 1936, le Recteur procède à une nouvelle distribution des tâches : labbé Januszczak prenant la succession de labbé Krzysztofik au secrétariat général du Z.P.T.K., le K.S.M.P. masculin est confié à labbé Plutowski ; et labbé Antoni Szewczyk prend la direction des Confréries du Rosaire. Au début de 1938, le directeur du K.S.M.P. féminin, labbé Gielec, malade du coeur, est muté dans une paroisse plus petite, aux Baudras dans la région de Montceau-les-Mines ; à partir du 1-er mars 1938 368 , labbé Plutowski soccupe donc des deux unions de la jeunesse. Ainsi, tout au moins à partir de la fin de lannée 1938, celui-ci cumule trois fonctions : secrétaire général du Z.P.T.K., et directeur des deux unions K.S.M.P. Le 5 mars 1938 enfin 369 , labbé Franciszek Jagla, fraîchement arrivé de Pologne, prend la tête de lUnion des Sociétés masculines.
Au cours de lAssemblée générale doctobre 1935, Jozef Michalak, de Divion, est élu président du Z.P.T.K. Or, à loccasion dun pélerinage à Poznan, pendant lété 1937, suivi dun voyage à travers la Pologne, et au retour en France, celui-ci appose sa signature, en tant que président du mouvement catholique, au bas de documents ou de textes jugés, par le secrétaire général, préjudiciables à la bonne renommée du groupement. Et labbé Januszczak lui fait tout simplement comprendre, à la réunion du Bureau du 10 octobre 1937 370 , que sa démission volontaire est souhaitable. La majorité des membres réunis se range à lavis du prêtre ; et J. Michalak décide de remettre ses fonctions au vice-président Stanislaw Siakowski. Certes, la nature des documents signés par Michalak nest pas précisée ; cependant, il est raisonnable de penser que le représentant dune importante association de lémigration ait fait lobjet, en Pologne, de sollicitations de la part de la presse, dorganisations non-gouvernementales telles que lUnion mondiale des Polonais, et même des autorités. Or, si le groupement catholique a finalement accepté dadhérer au Conseil dEntente, il ne faut pas oublier dans quelles conditions cette décision a été prise. Et si, notamment sous le rectorat de labbé Paulus, règne une harmonie de façade dans les relations entre clergé et autorités polonaises en France, la méfiance reste souvent de rigueur, et lantagonisme de fond perdure. Pour le Z.P.T.K. donc, pas de compromission trop ouverte ! On peut supposer que J. Michalak nait pas su en déterminer la limite ; deux membres du bureau du Z.P.T.K. tentent du reste dexpliquer son attitude par son incompréhension de la signification qui pouvait être donnée à sa signature. En tout cas, aucun écart de conduite trop important par rapport à la ligne officielle ne saurait être toléré de la part des dirigeants de lorganisation catholique, même de celui qui en a la charge la plus élevée.
Le nouveau mode de fonctionnement avec lapparition des directeurs à la tête des unions, et les efforts de celles-ci pour obtenir leur autonomie, portent aussi leur part de responsabilité dans le climat tendu régnant au sein du comité directeur du Z.P.T.K. Les débats au cours des réunions du Bureau deviennent souvent très animés, en particulier lorsque la discussion porte sur lindépendance des unions ; des dissensions apparaissent, et la discorde sinstalle. Des réunions sont même interrompues, lambiance devenant houleuse, ou certains délégués quittant la séance. Cest le cas, par exemple, le 10 mai 1936 et le 26 décembre 1937. Le registre des délibérations du Z.P.T.K. note sèchement pour lune et lautre réunion respectivement :
« Les points 6, 7, 8 et 9 de lordre du jour ne furent pas discutés à cause des malentendus survenus entre les membres du bureau directeur. »
« Les points suivants de lordre du jour ne furent pas discutés à cause de malentendus entre les membres présents et du fait que certains quittèrent la réunion. »
Et ce registre ne contient aucun compte rendu pour lannée 1938 : en page 192 se termine le rapport de la réunion du Bureau du 26 décembre 1937, et en page 193, commence celui du 11 avril 1939. Il est difficile de croire quentre ces deux dates le bureau de la fédération catholique nait pas eu besoin de se réunir ; il est tout aussi improbable quil sagisse dun oubli de la part du secrétaire Feliks Rakowski qui, pratiquement depuis la fondation du Z.P.T.K. en 1924, consigne, parfois de manière trop laconique à notre regret, les comptes rendus des réunions du bureau et des assemblées générales. Faut-il alors y voir une preuve supplémentaire de tensions au sein du groupement catholique ? On peut être tenté de le supposer.
Les recteurs successifs prennent donc lhabitude dassister aux réunions, pour amener plus de sérénité dans les débats et calmer quelques esprits échauffés. Labbé Paulus, surpris peut-être par laccueil peu favorable réservé à la nomination des directeurs en mai 1934, vient défendre son point de vue à la réunion suivante du mois de juin ; il est encore présent en octobre, mais il est vrai que cest à loccasion de la cérémonie de départ de labbé Garstecki. Après lincident du 10 mai 1936, qui a certainement précipité le départ de labbé Krzysztofik du poste de secrétaire général du Z.P.T.K., le Recteur vient à nouveau mettre de lordre à la réunion du 27 septembre, au cours de laquelle il procède justement aux nouvelles nominations aux fonctions de secrétaire général, de directeur de lUnion des Confréries du Rosaire, et de directeur du K.S.M.P. masculin.
Dans ces conditions, il nest pas facile pour les dirigeants de remplir leur rôle. Excédé par le désir des uns et des autres de tenir leurs propres comptes, le trésorier Ratajczak propose, le 13 décembre 1936, sa démission ; les autres membres du Bureau le persuadent cependant de conserver sa fonction. Puis, cest au tour de Siakowski de présenter sa démission à labbé Cegielka, par courrier en date du 29 janvier 1939 ; le Recteur la refuse, et impose finalement au vice-président dassumer la charge de la présidence jusquà la prochaine assemblée générale.
Il semble donc que lharmonie dans les relations internes, qui régnait sous la direction de Jan Szambelanczyk et de labbé Garstecki, ait volé en éclats. Mais, fort heureusement pour le mouvement catholique, la composition des comités directeurs des unions, des districts des unions et des districts du Z.P.T.K., fait preuve à cette époque dune très grande stabilité. Or ce sont ces responsables-là qui sont le plus en contact avec les sections locales, et qui animent lorganisation ; les passions exacerbées au sommet ont finalement peu dimpact sur le militantisme de la base. Ainsi, par exemple, lUnion des Confréries du Rosaire ne connaît, jusquà la Seconde Guerre mondiale, quun seul bureau constitué de Stanislawa Witkowska présidente, Antonina Szypura secrétaire, et Maria Slaska trésorière. LUnion des Sociétés masculines, dabord dirigé par Stanislaw Siakowski, est présidé, à partir de 1934, par Franciszek Ratajczak. Feliks Rakowski en est linamovible secrétaire. Le bureau du K.S.M.P. masculin élu le 23 février 1936, Alojzy Ambrozy président, Stanislaw Broniarz secrétaire, et Wojciech Bartkowiak trésorier, reste en place jusquà lAssemblée générale du 26 février 1939, au cours de laquelle Broniarz et Bartkowiak cèdent leurs charges à Karol Dabkowski et Kazimierz Majcherek respectivement 371 . Stanislaw Broniarz, en poste réellement depuis lAssemblée générale du 5 novembre 1933, collaborateur de rédaction au journal Wiarus Polski, est même nommé directeur adjoint, le 15 mai 1934, par labbé Stefaniak ; il ouvre, à Libercourt, un secrétariat où les sections K.S.M.P. peuvent venir régler toutes les questions administratives. La composition du Bureau du K.S.M.P. féminin na pu être reconstituée que de manière fragmentaire, mais il est manifestement dominé par la personnalité de Teresa Durczynska :
fin 1933 ou début 1934 : T. Durczynska, Klementyna Nowak, Marta Bemke ;
avant 1938 : T. Durczynska, Helena Sieszchula 372 , Olejniczak ;
assemblée générale du 24 avril 1938 : T. Durczynska, Irena Majchrzak, Maria Kubas ;
assemblée générale de 1939 373 : I. Majchrzak, Jadwiga Walkowiak,Halina Welnowska.
Les dirigeants des districts du Z.P.T.K. restent également longtemps à leur poste, apportant ainsi au mouvement toute lexpérience acquise au cours de longues années de vie militante. Le district I de Montceau-les-Mines est alors animé par Stanislaw Jeziorek et Walenty Grypczynski. A la tête des districts II Lens, IV Douai et V Valenciennes, demeurent sans relâche Ratajczak, Nowacki et Grzegorzewski respectivement. Le district III Bruay, qui possède certainement le potentiel le plus élevé, est dirigé par Grzeskowiak, Michalak, Gradzielewski, Chrastek 374 . Le district VI Paris, présidé par Stanislaw Sobczak en 1935, connaît ensuite un certain fléchissement ; il se réorganise au cours de lAssemblée générale du 13 novembre 1938 sous la direction dAndrzej Reczek, Jan Chalupczak et Wladyslaw Pawelek. Depuis sa création, le district VII Saint-Etienne est dirigé par Marcin Cichocki puis Ignacy Dola secondé, à partir de 1938, par Michal Szostak au secrétariat. Dès la phase dorganisation du mouvement catholique dans lEst de la France entre 1928 et 1932, il avait été question de scinder ce territoire en deux parties. Effectivement, à partir de 1937 au moins 375 , existent un district VIII Metz présidé par Jozef Mosiek, et un district IX Alsace, plus connu localement sous la dénomination de Bloc des Associations catholiques polonaises dAlsace, dirigé par Stanislaw Konopinski.
Les difficultés chroniques de la Mission catholique polonaise
Le statut juridique de la P.M.K. ne connaît plus aucune amélioration ; aucun texte significatif ne vient lui conférer une autorité supérieure à celle quelle sest forgée jusqualors. Le cardinal Hlond publie encore un Règlement pour le Recteur de la Mission catholique polonaise à Paris, basé sur les précédentes Directives pour les prêtres polonais en France, qui précise certains points de détail concernant le rôle du recteur 376 . Et, afin déviter tout malentendu sur les pouvoirs des aumôniers, toujours communément appelés curés par les immigrés polonais, la Chancellerie du Primat rappelle, par lettre en date du 26 octobre 1937 377 , une disposition du Conseil de la Mission doctobre 1929, à savoir que leur titre officiel est Capellanus Polonorum Duszpasterz Polski Aumônier Polonais, mais réserve désormais le terme de Mission catholique polonaise à la centrale de Paris.
La structure et le fonctionnement ne subissent pas de modifications non plus. Le territoire de la France est de nouveau divisé en quatre doyennés, le Nord nen constituant plus quun seul. Labbé Rogaczewski (Metz) demeure linamovible doyen de lEst ; labbé Mateuszek (Les Gautherets) est celui du Sud, secondé, pour la région de Saint-Etienne, par labbé Knapik (Beaulieu) avec le titre de vice-doyen ; arrivé à Caen en 1937, labbé Sawicki prend en charge le doyenné de Paris ; et après la longue direction de labbé Radwanski, cest labbé Szewczyk (Barlin) qui est nommé, le 20 août 1938, à la tête du doyenné du Nord 378 . Les réunions de tous les prêtres polonais de France, précédées de quelques jours de retraite spirituelle, se tiennent chaque année, et permettent de partager les diverses expériences pastorales vécues et de déterminer une ligne de conduite commune sur les principaux problèmes rencontrés.
La difficulté majeure de la Mission catholique reste celle du recrutement des aumôniers. Il ny en a décidément jamais assez. Les documents concernant la période après 1934 sont très discrets sur les effectifs de la P.M.K. 379 ; fin 1938, il y aurait 79 prêtres polonais en poste en France 380 , mais leur répartition en catégories aumôniers à demeure, missionnaires, ou étudiants et selon les doyennés nest malheureusement pas indiquée. Or cest bien le point le plus important pour déterminer avec une certaine précision le potentiel de la Mission. Aussi, les réclamations des associations catholiques pour lenvoi de prêtres polonais ne cessent pas 381 .
Et le changement trop fréquent des prêtres continue de gêner le bon fonctionnement de lassistance pastorale, et dindisposer les compagnies industrielles qui subviennent à leur charge : les déplacements dun poste à un autre, les retours en Pologne des uns, les arrivées des autres, ne favorisent évidemment pas la stabilité ; il y a même des endroits où la durée moyenne du séjour de laumônier nexcède pas un an 382 . Ainsi, par exemple, au 1-er juillet 1935 ninterviennent que deux modifications dans la répartition des prêtres sur le territoire français ; mais il y en a onze au 1-er août de la même année 383 . L abbé Franciszek Drelowiec, en poste depuis juillet 1933, quitte La Ricamarie (région de Saint-Etienne) au début de 1938, et son remplaçant, labbé Czeslaw Krzyszkowski venu de Noeux-les-Mines dans le Pas-de-Calais, ne reste que quelques mois, laissant la place à labbé Gielec, qui devient ainsi le cinquième aumônier en poste à La Ricamarie depuis lautomne 1927 384 . A Saint-Etienne par contre, le premier aumônier installé à la fin de 1931, labbé Wahrol, reste jusquen juillet 1939, date à laquelle il est muté dans le Nord, à Waziers, et remplacé par labbé Babirecki, non sans provoquer le mécontentement de la Compagnie des Mines de la Loire, exprimé par son directeur au Recteur de la Mission catholique :
« Vous me permettrez de déplorer le déplacement dun aumônier qui commençait à bien connaître notre personnel et la population stéphanoise ».
Même protestation de la Société anonyme des Houillères de Rochebelle, en décembre 1938, à la suite de la révocation de labbé Bober par la P.M.K. 385 . Certes, la population polonaise du Gard va encore disposer dun aumônier résidant à lAbbaye de Cendras, puisque labbé Purgol est désigné pour remplacer labbé Bober ; mais la Société de Rochebelle proteste néanmoins contre le changement trop fréquent de prêtres, labbé Purgol étant déjà le quatrième à occuper le poste dAbbaye de Cendras depuis sa création en 1933, et précise quelle aurait aimé être consultée.
Les solutions pour pallier la faiblesse numérique chronique de lencadrement religieux polonais en France, ne sont pas faciles à trouver, les évêchés polonais nétant pas disposés à consentir defforts supplémentaires. Les prêtres étudiant dans les universités françaises, à Strasbourg et à Paris en particulier, sont donc toujours régulièrement mis à contribution les dimanches et pendant les vacances. Ainsi, en 1934 386 , la pastorale dans le doyenné de Paris est assurée par dix prêtres ayant une résidence dans un lieu déterminé, à partir de laquelle leur action sétend sur un territoire fixé, trois prêtres du siège de la Mission catholique à Paris desservant des centres polonais précis, et trois prêtres étudiants ayant également en charge des secteurs déterminés. En 1938 encore 387 , deux prêtres étudiants, les abbés Jan Tarczkowski et Miroslaw Kryzan, apportent leur concours au doyenné de Paris, soccupant des secteurs de Melun, Dammarie-les-Lys, Kremlin-Bicêtre et Les Mureaux.
Les prêtres polonais formés dans les séminaires français apportent aussi un peu de forces nouvelles. Soumis à la juridiction des évêques français, ils sont soit mis à la disposition totale de la Mission catholique polonaise, comme ce fut le cas de labbé Jan Glapiak en 1929, soit nommés dans des paroisses françaises ; mais dans ce cas, ils prennent également en charge les Polonais de leur secteur. Bien que, dans le milieu des années 1930, il y ait eu, sans doute en permanence, environ 70 séminaristes issus de limmigration polonaise dans les séminaires français 388 , seule une dizaine dentre eux est ordonnée avant-guerre et rejoint, directement ou indirectement, les rangs de la pastorale polonaise 389 . Quant à la tentative de faire apprendre le polonais aux prêtres français des paroisses minières du Nord, même après dix années dexistence de lInstitut de polonais aux Facultés catholiques de Lille, elle ne porte que très peu de fruits, au grand désappointement des Compagnies des Mines dAnzin et dAniche comme en témoigne un courrier adressé le 8 juillet 1935 par lingénieur en chef des mines dAniche, Broussier, au Recteur de lUniversité catholique de Lille 390 :
« M. le Directeur Général a pris connaissance, avec grand intérêt, des renseignements très précis que vous lui donnez, notamment en disant que plusieurs ecclésiastiques français sont désormais en état de remplir le ministère auprès de la population ouvrière polonaise. De fait jusquici les mines dAniche ont, depuis dix ans, alimenté pour moitié la subvention à la chaire de polonais mais nen ont pas encore bénéficié et nont encore éprouvé aucun allègement à la charge permanente constituée par les traitements de trois aumôniers polonais ; il était manifeste au début que les services à attendre de la création de la chaire polonaise seraient à longue échéance ; mais il semble bien quaprès dix ans écoulés, il ne soit pas excessif despérer aujourdhui récolter partiellement ce qui a été semé. »
Les prêtres figurant parmi les étudiants de lInstitut de polonais qui obtiennent les meilleurs résultats universitaires, ne sont du reste pas destinés à la pastorale parmi la population ouvrière. Et le cas de labbé Jean Molin du diocèse de Meaux, engagé aux côtés de labbé Unszlicht, juste avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, dans lassistance religieuse aux ouvriers agricoles polonais du département de Seine-et-Marne, qui non seulement a réussi à maîtriser la langue polonaise mais a su aussi saisir la mentalité des immigrés, reste isolé 391 .
Larrivée, à partir de 1935, de dix prêtres issus de la section du Grand Séminaire de Poznan préparant à la pastorale en émigration, constitue également un précieux apport 392 . Le cardinal Hlond avait ouvert, en 1929, une annexe du Grand Séminaire diocésain pour accueillir les volontaires pour la pastorale à létranger. Bien que le projet ait échoué faute de candidats, certains parmi les premiers inscrits ont persévéré, ce qui permet de renforcer un peu les rangs de la pastorale polonaise en France au cours des dernières années de lentre-deux-guerres.
Le Primat de Pologne avait cependant poursuivi son idée en créant, en septembre 1932, la Société du Christ pour les Emigrés, congrégation religieuse consacrée exclusivement à la pastorale parmi les émigrés polonais. Mais lapport de cette uvre à lencadrement religieux polonais en France reste, avant la Seconde Guerre mondiale, assez faible 393 . On note seulement la venue, en juillet 1936, de labbé Bronislaw Kaczanowski, nommé à Dechy après un stage à Paris mais reparti en Pologne en juin 1938, puis celle, en décembre 1936, de deux frères de la congrégation employés au siège de la P.M.K. à Paris. Au cours de lété 1937, deux séminaristes de Potulice viennent en stage en France. Enfin, en novembre 1937, la pastorale dans la région de Clermont-Ferrand avec siège à Lyon est confiée à labbé Aleksander Kazniak ; ce nest pas réellement un chrystusowiec, mais un prêtre de larchidiocèse de Gniezno Poznan qui sest préparé au travail en émigration, pendant un an, au séminaire de la congrégation à Potulice. Pour le moment, cest donc fort peu.
Quelques autres congrégations masculines sont également présentes dans la pastorale polonaise permanente en France, mais elles ny comptent quun petit nombre de personnes. Malgré le retrait total annoncé par la province polonaise au moment du départ du recteur Szymbor en 1929, quelques membres de la Congrégation de Saint Vincent de Paul, comme les abbés Bieniasz, Knapik, Sinka et Wahrol, ont poursuivi leur travail pastoral en France. Ils sont rejoints en juillet 1939 par labbé Babirecki nommé à Saint-Etienne. En 1938, la Congrégation des Missionnaires de la Sainte Famille 394 envoie labbé Edmund Kalas en aide à labbé Berk à Rouvroy ; labbé Kalas est ensuite nommé à Briey. Un autre prêtre de la congrégation, labbé Franciszek Dera, arrive encore dans le Pas-de-Calais en février 1939.
En 1932, deux séminaristes des Oblats de Marie Immaculée arrivent au séminaire de la congrégation à Notre-Dame de Lumières, près dAix-en-Provence ; trois autres les rejoignent en 1935 395 . Du premier groupe, seul le père Feliks Rozynek reste en France après son ordination en 1935 : en résidence à Marseille, puis à Toulouse à partir de 1937, il a en charge environ 4 000 Polonais disséminés dans sept départements. Du second groupe, les pères Wiktor Krusze et Henryk Repka, ordonnés en 1938, se voient confier le poste de Graissessac dans lHérault. En septembre 1938, ils sont rejoints par le père Piotr Purgol, venu directement de Pologne et nommé à lAbbaye de Cendras après un bref stage au Creusot. Certains prêtres de la congrégation profitent aussi de leurs vacances pour se rendre en France et seconder leurs confrères ; cest le cas, en 1939, des pères Stefan Calujek, Karol Kubsz et Piotr Miczko, alors que le père Konrad Stolarek participe au camp des scouts à Saint-Sirmin du Bois, près du Creusot. Le père Miczko va même grossir les rangs des Oblats polonais en France, en soccupant de la pastorale dans le département du Tarn. Ainsi, à la veille de la seconde guerre mondiale, cinq Oblats polonais sont en poste en France, et ont pour mission la pastorale parmi les ouvriers agricoles polonais disséminés dans les départements du Sud.
Les Pallottins 396 sont, pour leur part, représentés par le recteur Franciszek Cegielka. En octobre 1938, labbé Piotr Oramowski vient le seconder en occupant le poste de secrétaire de la P.M.K. ; un an plus tard, il est nommé aumônier à Noeux-les-Mines. Mais, dès 1937, la congrégation des Pallottins prend la décision de développer sa présence en France et, en décembre, envoie labbé Czeslaw Wedzioch pour étudier les possibilités dimplantation. Linauguration officielle de la résidence de la congrégation à Amiens se déroule le 1-er janvier 1938. Outre le directeur Wedzioch, viennent y travailler labbé Franciszek Bobrowski, deux frères, et trois séminaristes qui vont poursuivre leurs études à lInstitut catholique de Paris. Ils sont rejoints en 1939 par les abbés Julian Zblewski, Bronislaw Wiater et Bernard Pawlowski. La tâche principale de la maison dAmiens réside, en plus du service à Amiens même et dans les environs, dans la pastorale itinérante dans les départements de Somme, Seine-Inférieure et Oise, les visites aux malades des hôpitaux dAmiens et de lasile psychiatrique de Dury. Les prêtres de la congrégation donnent également des cours de langue polonaise, et dirigent une classe maternelle. Lidée majeure, présente en fait dès le début de lengagement de la congrégation en France, est louverture dun internat et collège pour les enfants polonais. La maison dAmiens accueille effectivement près de 60 jeunes pour lannée scolaire 1939/1940. La guerre et le bombardement dAmiens, qui va détruire complètement la possession des Pallottins, vont mettre un terme momentané à cette initiative. La congrégation ne renoncera pas pour autant à son entreprise.
Enfin, les problèmes financiers demeurent un souci constant pour le rectorat de la Mission catholique polonaise. Certes, avec la nomination de labbé Cegielka, les relations se sont améliorées entre la P.M.K. et les autorités polonaises ; et en 1936, une dotation gouvernementale mensuelle au bénéfice du siège de la Mission à Paris est rétablie. Mais les besoins de la P.M.K. sont grands : fonctionnement du bureau de Paris, publication de lorgane de presse, déplacements des membres du siège en province, et surtout fonctionnement de lensemble de la pastorale itinérante à lintention des ouvriers agricoles dispersés pour laquelle personne, ou presque, ne veut payer. Et lexemple des années antérieures montre que la source alimentée par le gouvernement polonais peut très vite se tarir en cas de désaccord. Quant à lEglise de Pologne, elle sefforce de maintenir son aide matérielle, mais ses possibilités restent limitées 397 . A la fin de lannée 1937 398 , le recteur Cegielka lance lidée dune quête parmi les fidèles catholiques polonais de France, baptisée la semaine de la charité chrétienne (tydzien milosierdzia chrzescijanskiego) pour recueillir les fonds nécessaires. Lopération est renouvelée en 1938, au moment de lAvent également. Dans un appel destiné à lancer la campagne de collecte, le Recteur précise à chaque fois les buts particuliers auxquels sera consacré largent ainsi récolté : en 1937, il met laccent sur les uvres de bienfaisance, la nécessité de secourir les veuves, les orphelins et les vieillards, et en 1938, sur la pastorale en milieu agricole. Les montants des sommes ainsi recueillies sélèvent à 32 000 F. et à 43 000 F. pour chaque collecte respectivement, ce qui représente un apport non négligeable au budget toujours très serré de la Mission.
--------------------------------------------------------------------------------
Laffaiblissement de la presse catholique
Le début de lannée 1934 voit la disparition du supplément du Z.P.T.K., Wiadomosci Organizacyjne (Nouvelles organisationnelles), publié par le journal Polak we Francji. La cause principale invoquée pour la justifier est le montant trop élevé des coûts de parution 399 ; mais nul doute aussi que la position de labbé Garstecki, en sursis au poste de secrétaire général après le long conflit ayant abouti au rattachement du groupe catholique au Conseil dEntente, nest pas propice à la poursuite dune tâche qui requiert quand même beaucoup de temps et dénergie. Le bureau du Z.P.T.K. décide alors, sur la proposition du recteur Paulus, de publier toutes les informations concernant ses activités, son organisation et son administration, dans le journal même 400 .
Mais la situation de celui-ci se dégrade rapidement après 1934. Déjà, le départ de Henryk Lubienski, qui avait assumé la charge de rédacteur en chef de 1924 à 1928, avait alors transféré celle-ci sur les épaules du secrétaire général de la Mission catholique polonaise. Il en est résulté une organisation défectueuse de la rédaction, et une baisse sensible du niveau du journal. Pris par labondant travail administratif au siège de la P.M.K., et aussi par les tâches pastorales occasionnelles comme, par exemple, la pastorale itinérante parmi les ouvriers agricoles qui incombe à la centrale de Paris, les secrétaires généraux successifs nont, en comparaison, que peu de temps à consacrer à lorgane de presse, dont la qualité sen ressent vivement. Mais la difficulté qui pèse de plus en plus lourdement sur le fonctionnement de lhebdomadaire catholique, demeure lextrême minceur de son assise financière 401 . En août 1924 déjà, le recteur Szymbor signale au Primat de Pologne que le journal est « au bord du gouffre » ; celui-ci décide alors de le subventionner. Le recteur Lagoda à son tour, découragé par les problèmes financiers, veut suspendre la publication, mais le Primat sy oppose. Pourtant, ni la Mission catholique polonaise ni la Chancellerie du Primat ne sollicitent de subvention gouvernementale, pour conserver au journal sa pleine indépendance et sa liberté dexpression. De plus, le tirage, qui ne dépasse pas 3 500 exemplaires, ne couvre pas les frais dédition. Les problèmes financiers vont donc grandissants ; et les subventions exceptionnelles, ainsi que les dotations mensuelles, versées par la Chancellerie du Primat de Pologne, ont de plus en plus de mal à couvrir le déficit du journal.
Dans ces conditions, en 1937, la décision est prise de sen séparer. En juillet, le Polak we Francji cesse dêtre lorgane de la Mission catholique ; il continue cependant à paraître, dabord sous la direction de labbé Paulus, tout récent ancien recteur de la P.M.K., qui en devient le propriétaire à titre privé, puis sous celle de Wincenty Bystrzanowski, auquel il est vendu en octobre. Toujours confrontée à de graves difficultés financières 402 , la publication du journal se poursuit néanmoins jusquen juin 1940. Cest même à W. Bystrzanowski que lAmbassade confie, en octobre 1939, lannonce de la composition du gouvernement polonais en exil institué, conformément à la Constitution de 1935, par le Président de la République de Pologne réfugié en Roumanie ; la France refuse cependant de le reconnaître et impose pratiquement la nomination dun deuxième gouvernement formé de personnalités politiques plus francophiles 403 . Le numéro du journal Monitor Polski qui, constitutionnellement, doit officialiser la nomination du premier gouvernement, est même confisqué par la police française.
En remplacement de lorgane de presse, la P.M.K. publie, à partir de janvier 1938, Wiadomosci Parafialne (Les Nouvelles paroissiales). Rédigées en France, imprimées en Pologne, elles sont diffusées en France, à environ 10 000 exemplaires, par les aumôniers polonais ; 20 numéros sont publiés jusquen septembre 1939. Mais ce journal, de quelques pages seulement au début, puis contenant une quinzaine de pages, offre un contenu très pauvre et peu attrayant 404 . Les organisations catholiques, surtout dans le Nord de la France, ont donc recours, pour informer de leurs activités, à des communiqués insérés dans les deux grands quotidiens en langue polonaise édités dans la région : Narodowiec et Wiarus Polski. Du reste, ces journaux favorisent une telle démarche, espérant ainsi recueillir des lecteurs parmi les membres des associations ou des abonnements parmi les comités directeurs 405 . Certaines branches du Z.P.T.K. commencent aussi à publier des bulletins ronéotypés pour leur propre usage, ou à tenir des rubriques spécialisées dans les quotidiens mentionnés. Cest le cas du K.S.M.P. qui dispose dune rubrique propre, depuis le début et le milieu de lannée 1934 respectivement, intitulée : Wiadomosci z K.S.M.P. (Les Nouvelles du K.S.M.P.) dans Wiarus Polski, et Gotow - Sprawie Sluz dans Narodowiec 406 . A partir de 1936 au moins 407 , lUnion de la Jeunesse masculine édite aussi son propre Lacznik zwiazkowy (Bulletin de Liaison de lUnion). Certains bulletins locaux ont sans doute également existé, comme à Waziers en 1938 avec le Lacznik K.S.M.P. z Waziers Notre Dame (Bulletin de Liaison K.S.M.P. de Waziers N.D.) 408 . A partir de 1938, lUnion des Sociétés catholiques dHommes polonais reprend également la parution régulière de bulletins internes. Et lUnion des Associations dEnfants polonais recommande toujours à ses adhérents de sabonner au Maly Polak we Francji (Le petit Polonais en France). Il sagit en fait de la rubrique Maly Wychodzca (Le petit Emigré) du journal Polak we Francji, transformée en supplément sous ce nouveau titre. La qualification de ce supplément en tant quorgane de lUnion, a certainement contribué à augmenter le nombre dabonnements ; mais, à lexception de la publication de communiqués administratifs, il est peu lié avec la vie de lassociation. Celle-ci prend néanmoins à sa charge la publication du mensuel après la cession, en 1937, du Polak we Francji ; le tirage de la revue atteint alors 3 000 exemplaires 409 . Les directeurs successifs de lUnion, les abbés Paciorek et Makulec, font encore paraître, entre 1934 et 1937 410 , quatre cahiers ronéotypés, un par an, intitulés Material Pomocniczy do Prowadzenia Stowarzyszen Dzieci Polskich (Matériel auxiliaire pour lAnimation des Associations dEnfants polonais). Ces documents, de 13 à 25 pages, ont un contenu identique : rubrique consacrée aux activités et à ladministration de lassociation, articles sur la religion, lhistoire polonaise, léducation des enfants, des jeux, des textes de chants et des schémas pour diriger les réunions des sections locales
--------------------------------------------------------------------------------
Des activités attractives
La multiplication des rassemblements catholiques (zjazdy katolickie) entre 1927 et 1933 avait permis aux institutions catholiques de faire face aux organisations de gauche ou anticléricales, et de montrer leur dynamisme aux yeux de limmigration. Les militants à la base, principalement dans les grands centres industriels, sont habitués à voir se dérouler dans leur localité, presque chaque semaine, une manifestation de lune ou lautre section locale : réunion de comité, assemblée générale, fête patronale, fête anniversaire, commémoration, etc. 411 . Sils sont invités par une société voisine, ils sy rendent avec drapeaux et bannières, et sont accueillis avec beaucoup dégards. A léchelon régional, des regroupements permettent de rassembler une foule plus importante encore. Tout cela contribue à affermir, chez les adhérents des différentes organisations, le sentiment de limportance de leur nombre et de leur activité. Les catholiques néchappent pas à la règle.
Lorganisation des rassemblements catholiques se poursuit donc jusquen 1939. Cest surtout dans lEst de la France quun effort particulier est alors réalisé : sur les neuf manifestations qui ont lieu entre 1934 et 1939, sept sy déroulent 412 . Une seule a lieu dans le Sud, à lAbbaye de Cendras en août 1938 413 . Le 27 octobre 1935, le matin, se tient encore un tel rassemblement à Lens 414 , en présence de lévêque dArras, Mgr Dutoit, du chef de la chancellerie du Primat de Pologne, le chanoine Zborowski, du recteur de la P.M.K., labbé Paulus, des représentants de lAmbassade de Pologne à Paris et du Consulat à Lille, des dirigeants du monde associatif polonais avec le président du Conseil dEntente, Stefan Rejer, en tête, et de la presse polonaise en France favorable au mouvement catholique. Les traditionnels discours des personnalités invitées sont entrecoupés de chants et de récitations exécutés par des groupes de jeunes ou denfants, de conférences, ou par la lecture de dépêches adressées au Président de la République polonaise, à lAmbassadeur à Paris, et au Primat de Pologne. Une messe solennelle concélébrée met fin à la manifestation. Lassemblée générale du Z.P.T.K., le même jour au même endroit, noccupe que laprès-midi 415 .
Les visites pastorales de prélats polonais, bien que moins nombreuses quentre 1927 et 1933, nen demeurent pas moins des occasions pour témoigner de la vitalité des organisations catholiques. En mai et juin 1934, cest le primat Hlond en personne qui séjourne en France. Il visite quelques colonies polonaises dans le Nord, à Paris, Lyon et Saint-Etienne ; il est reçu par les directions de compagnies minières, le Président de la République française, des évêques, ceux dArras et de Cambrai en particulier, et les cardinaux de Paris, Lille et Lyon. Le rang quil occupe dans lEglise de Pologne mobilise évidemment lattention de la hiérarchie ecclésiastique française, des autorités polonaises et françaises ; et la presse se fait largement lécho des cérémonies quil préside. A Lille, au cours de la rencontre avec le cardinal Liénart 416 , le Primat déclare être venu pour remercier lépiscopat français de laide et du soutien apportés aux aumôniers et à la Mission catholique polonaise. Mais, bien que la question ait certainement été soulevée au cours des entretiens entre le cardinal Hlond et les cardinaux français, cette visite ne débouche sur aucune amélioration du statut juridique de la P.M.K. et des aumôniers, malgré les déclarations souvent très chaleureuses de la partie française. Cest sans doute , du moins en partie, pourquoi la seconde visite du Primat en France, en juin 1936, à loccasion du centième anniversaire de la Mission catholique polonaise et du cinquantième anniversaire de la Jeunesse ouvrière chrétienne, revêt un caractère nettement moins officiel, avec des séjours privés seulement à Lourdes, Avignon et Paray-le-Monial 417 . Rappelons encore la participation, à Lens en octobre 1935, au rassemblement catholique et à lAssemblée générale du Z.P.T.K., du chanoine Zborowski, chef de la chancellerie du Primat. Enfin, le dernier évêque polonais à visiter les immigrés en France est celui du diocèse de Lomza, T. Zakrzewski, en juillet 1939. Son séjour, exclusivement dans lEst et le Centre de la France, est loccasion, compte tenu de la situation internationale très préoccupante, de chaudes démonstrations damitié entre les deux nations.
Les pèlerinages, destinés certes à affermir la foi des fidèles, drainent aussi des foules importantes, ce qui contribue à conforter le sentiment de force conféré par le nombre. En 1935, les Polonais du Nord de la France reçoivent, du monastère de Jasna Gora à Czestochowa, une copie du tableau de la Vierge noire ; au cours dune imposante manifestation rassemblant 15 000 personnes, le 16 juin 1935, celle-ci est bénie et scellée dans un mur de la basilique de Notre-Dame de Lorette 418 , ce qui incite lUnion des Sociétés catholiques polonaises, organisateur du traditionnel pèlerinage du mois de septembre, déplacé en 1937 au mois daoût, à redoubler defforts pour que la participation y soit toujours nombreuse 419 . Le secrétaire général du Z.P.T.K., labbé Januszczak, organise également le second pèlerinage à Poznan, après celui de 1930, à loccasion du Congrès eucharistique au cours de lété 1937 ; un programme particulier, comprenant la présence au Congrès et une excursion à travers la Pologne, est simultanément élaboré pour un groupe de quarante jeunes du K.S.M.P. 420 . En 1938 enfin, afin de mieux coordonner la participation des immigrés polonais en France au pèlerinage à Lourdes, et ainsi de lui conférer un caractère national, le recteur Paulus confie à labbé Januszczak la charge den assurer lorganisation 421 .
Une initiative du Z.P.T.K. en 1937 a encore pour but de renforcer le caractère propre de lassociation par le biais de manifestations de masse. En effet, la décision est prise de faire célébrer la fête du Christ Roi (swieto Chrystusa Krola) par toutes les sections de la région du Nord ensemble, et dinciter les autres districts du Z.P.T.K. à procéder de la même manière 422 . Cette manifestation, appelée à se développer par la suite, deviendra en quelque sorte la fête patronale du mouvement catholique.
Mais ce sont surtout les enfants et les jeunes qui sont le plus sensibles aux activités publiques. Aussi, les dirigeants essaient de les multiplier à tous les échelons. Les sections locales tiennent des réunions régulières, au cours desquelles sont prononcées des conférences sur des thèmes religieux ou nationaux, sont organisés des jeux et diverses activités de détente, et sont préparées les manifestations célébrant lanniversaire de la section (rocznica). Chaque année, à loccasion de lanniversaire de sa création, presque chaque section organise une fête à laquelle sont conviés les responsables du district et de lunion, les sections voisines appartenant au même mouvement, les autres associations locales membres du Z.P.T.K., et toute la communauté polonaise de la localité. Une messe est célébrée à lintention de la section ; le déploiement des bannières des sociétés présentes et la présence des enfants et des jeunes en tenue officielle du mouvement ou en costumes nationaux polonais lui confèrent en général un caractère solennel. Puis, la manifestation se poursuit par un spectacle composé de chants, de danses folkloriques, de sketches et de pièces de théâtre. Certaines sections du K.S.M.P. organisent en plus, souvent à loccasion de la Saint Stanislaw Kostka patron du mouvement, une fête des jeunes filles (swieto druhen) ou une fête des jeunes gens (swieto druhow) 423 .
A loccasion de la Saint Stanislaw Kostka également, les districts masculins du K.S.M.P. préparent une fête de la jeunesse (swieto mlodziezy). La première a lieu le 8 novembre 1936 à Barlin à linitiative du district Bruay-en-Artois 424 . Se déroulent aussi des rassemblements de district de la jeunesse masculine (zlot okregowy K.S.M.P.M.) auxquels prennent part toutes les sections constituant le district ; les premiers ont lieu le 16 juin 1935 pour le district Douai, le 12 septembre 1937 pour le district Bruay, le 30 janvier 1938 pour le district Montceau, et le 24 juillet 1938 pour le district Lens 425 .
Enfin, les deux unions de la jeunesse organisent en commun deux nouveaux congrès, après celui de 1933 à Carvin, le 15 août 1936 à Harnes et le 21 août 1938 à Waziers, avec la participation, à chaque fois, denviron 1 000 membres. LUnion des Associations dEnfants polonais favorise également ce type de grand rassemblement (zlot zwiazkowy) : les premiers essais datent déjà de 1932. En 1937, deux telles manifestations ont de nouveau lieu : le 5 septembre à Ostricourt, et le 19 septembre à Barlin 426 . Toutes les manifestations de cette nature, organisées par les districts ou les unions, se déroulent de manière semblable : le matin messe concélébrée et défilé, laprès-midi rencontres sportives, puis représentation de chants et danses folkloriques, saynètes et pièces de théâtre, précédée le plus souvent dun exposé sur les buts et devoirs de lassociation, sur son rôle déducation des enfants et de la jeunesse dans un esprit catholique et polonais.
Les activités sportives en particulier sont très appréciées des sections masculines du K.S.M.P. Au cours des fêtes de la jeunesse, des rassemblements de district, des congrès, ont lieu des compétitions dathlétisme, de football, de volley-ball, de basket-ball ; des éliminatoires entre les équipes engagées se déroulent même avant le jour de la fête, pour ne pas surcharger le programme de celle-ci. Sont encore organisés des championnats de district et dunion en tennis de table ; et les membres du K.S.M.P. prennent également part à la course nationale (bieg narodowy) mise en place par la Commission dEducation physique du Conseil dEntente.
Dautres activités ont pour but la formation individuelle et religieuse des membres. Les enfants disposent pour cela, en plus des réunions de leurs associations, des cours de catéchisme. Pour les adultes, groupes de prière, messes solennelles, conférences, retraites spirituelles, sont au programme de chaque confrérie du Rosaire ou de chaque société masculine. Pour la jeunesse, les questions religieuses et administratives sont traitées au niveau des sections locales comme pour les groupements dadultes, mais aussi au niveau des districts au cours de stages dencadrement (kursy organizacyjne) organisés par les deux unions K.S.M.P. Ainsi, par exemple, le 4 avril 1937, se tient à Haillicourt le deuxième stage du district masculin de Bruay, en présence de 35 délégués de 8 sections 427 ; les thèmes abordés sont : laction catholique et les bureaux des sections K.S.M.P., le K.S.M.P. la question sociale et sa solution actuelle. Par contre, par manque de budget pour mener de telles opérations, chaque union norganise, à lintention de lensemble de ses sections, quun seul stage daction catholique (kurs akcji katolickiej), qui mêle les thèmes religieux (fondements de la foi, histoire et organisation de lEglise) et la formation des dirigeants du mouvement. Grâce à lappui du recteur Cegielka, ces stages se déroulent dans la maison des pères pallottins à Amiens, du 28 au 30 janvier 1939 pour les garçons, du 13 au 15 mars 1939 pour les filles, et rassemblent chacun 30 participants 428 . Un stage identique est également mené à la fin du mois davril 1939, à Amiens encore, pour les sociétés masculines dadultes 429 .
Une autre forme importante daction, menée par le clergé pour contribuer à lélévation spirituelle des immigrés dans leur ensemble, et non seulement des adhérents aux sociétés catholiques, consiste en lorganisation de missions dans les secteurs de forte implantation polonaise. Leur durée varie de quelques jours à une semaine complète, ce qui est le cas le plus fréquent ; leur programme comprend des conférences générales, des conférences spéciales pour les adultes, les jeunes et les enfants séparément, messes et offices particuliers, confessions ; souvent aussi, la première communion des enfants coïncide avec le déroulement dune mission. Généralement, la fin de la mission est marquée par une grande cérémonie, haute en couleurs grâce à la présence des drapeaux de toutes les sociétés locales, des jeunes et des enfants en tenue de leur mouvement ou en costumes nationaux, dorchestres et de chorales, avec la participation parfois de lévêque français local, dun représentant du consulat polonais ou dun membre de la direction des compagnies industrielles locales ; des images pieuses, des objets de culte, des souvenirs sont alors distribués aux participants ou acquis par eux. Les obstacles majeurs pour mener cette activité résident cependant dans le fait que peu daumôniers, compte tenu de la charge déjà importante du travail pastoral habituel, peuvent sy consacrer, et dans la difficulté de recruter des prêtres de Pologne exclusivement pour elle.
Pourtant, en 1923 déjà, quelques missions sont prêchées dans certaines colonies du Nord par les aumôniers locaux ; cela reste cependant un phénomène assez rare jusquen 1928. Au Conseil élargi de la Mission catholique polonaise du 3 novembre 1927, en présence de lévêque Radonski, labbé Kaczmarek rappelle laction bénéfique des missions sur les ouvriers, et demande lenvoi de missionnaires de Pologne. A la réunion du Conseil du 7 février 1928, le doyen Radwanski réitère la demande. La réponse est apportée par les congrégations religieuses masculines. Encore occasionnelles entre 1930 et 1936, les missions connaissent ensuite un essor fulgurant entre 1937 et 1939, atteignant le chiffre dune centaine 430 , grâce donc à lengagement régulier des congrégations.
Les premiers arrivés sont les Oblats de Marie Immaculée, bénéficiant sans doute de lexpérience acquise par le père Jan Wilhelm Kulawy avant la guerre déjà. Ainsi, en 1929, deux membres de la congrégation, les pères Stanislaw Baderski et Kulawy, prêchent 14 missions en deux mois dans le Nord. En 1934, le père Kulawy encore sillonne lEst de la France pendant cinq mois. Au cours de lété 1937, le père Kulawy toujours, rejoint bientôt par le père Rozynek, aumônier dans le Sud, puis, en décembre, par le père Jan Cyrys de Pologne, parcourt de nouveau les régions du Nord et du Centre 431 . Entre 1932 et 1937, trois prêtres pallottins, les pères Franciszek Kilian, Jan Szambelanczyk et Czeslaw Wedzioch, viennent en France à intervalles réguliers, non seulement pour prêcher des missions ou diriger des retraites spirituelles, mais aussi pour remplacer momentanément un aumônier 432 . En 1938 et 1939, lactivité de la congrégation se concentre sur la pastorale itinérante en milieu agricole menée par la maison dAmiens, dont les membres, le père Tomasz Macior en particulier, sont néanmoins souvent demandés pour des missions dans les colonies polonaises. En 1937 aussi, la congrégation de la Sainte Famille envoie en France trois missionnaires : les abbés Zawada, Drzazga et Kielczewski. Labbé Stanislaw Stefaniak, de la même congrégation, arrivé en 1938, se consacre dabord aux missions également, dans les secteurs de Metz, Lille et Arras. Emu par létat dabandon religieux et moral dans lequel se trouvent de nombreux immigrés, il obtient de ses supérieurs lautorisation dêtre employé de manière permanente dans la pastorale polonaise en France : revenu en juin 1939, il est nommé à Dourges 433 .
--------------------------------------------------------------------------------
Des effectifs stables
Malgré les difficultés rencontrées, une certaine rigueur des structures, lengagement durable des dirigeants locaux, régionaux ou nationaux, et des activités nombreuses et variées, auxquelles participe volontiers la base du mouvement, permettent déviter la dislocation du groupement catholique et lémiettement de ses forces.
Les statistiques du Z.P.T.K. pour la période 1935 1938 se présentent de la manière suivante 434 :
dans les colonnes (1) sont donnés les nombres de sections locales, dans les colonnes (2), les nombres de membres
Union Année1935
(1) (2) Année1937
(1) (2) Année1938
(1) (2)
Sociétés masculines 117 8 340 117 8 500 134 8 130
Confréries du Rosaire 10 028 100 11 848 122 12 110
K.S.M.P. féminin 28 1 086 30 1 300 31 1 780
K.S.M.P. masculin 28 1 860 35 1 500 34 1 600
Associations denfants 65 7 996 93 8 102 104 7 230
Total 29 310 375 31 250 425 30 850
La progression du nombre total de membres est donc importante : de 21 204 en 1932, il dépasse les 30 000 cinq ans plus tard. Laugmentation est due surtout au développement des associations de jeunesse et à la création des sections denfants : la statistique de 1932 ne dénombre que 30 groupes S.M.P. au total et aucun groupe denfants, puisque cette dernière union nétait alors que dans sa phase dorganisation.
Ces statistiques prouvent aussi quil ny a pas eu désaffection des adultes à légard des organisations catholiques. Deux causes au moins auraient pu provoquer un tel phénomène : la volonté des autorités polonaises de dominer la vie associative polonaise en France et linfluence des organisations favorables à cette mainmise, ainsi que la montée des syndicats de gauche pendant la période du Front populaire. Après mai 1936, les ouvriers industriels polonais connaissent une vague de syndicalisation soudaine : la C.G.T. réunifiée évalue entre 100 000 et 120 000 le nombre de ses adhérents polonais 435 . Que de nombreux catholiques polonais aient alors adhéré aux sections polonaises de la C.G.T., la plus capable de défendre les intérêts de leur classe sociale, est incontestable. Quil y ait eu de ce fait conflit avec la hiérarchie de la fédération catholique ou avec le clergé, rien nest moins sûr : autant, au cours de la période 1927 1933, le discours des autorités catholiques était virulent contre les organisations syndicales de gauche, autant, maintenant, ces mêmes autorités demeurent silencieuses sur le problème de lappartenance de leurs adhérents à ces syndicats. Même si elles avaient voulu sy opposer, elles nen auraient certainement pas eu les moyens. Dune part, la vague denthousiasme soulevée par le Front populaire balaie les inhibitions antérieures. Dautre part, les turbulences qui secouent le Z.P.T.K. et la P.M.K. entre 1934 et 1937 à cause de la politique de consolidation des autorités polonaises, constituent un problème suffisamment grave pour ne pas se charger de soucis supplémentaires. Le but des instances catholiques est clairement de ne pas céder de terrain face aux organisations progouvernementales, de maintenir et même augmenter leurs effectifs, en développant une structure performante et en multipliant les activités, surtout les manifestations publiques, afin de conserver une place prépondérante dans la vie de limmigration. Les chiffres relatifs aux associations regroupant les adultes montrent que cette attitude des dirigeants catholiques sest avérée payante. Les Confréries du Rosaire sont au nombre de 72 en 1932, 122 en 1938 ; il y a 105 associations masculines en 1932, 134 en 1938 ; et, avec ses 31 250 membres, le Z.P.T.K. représente presque le tiers des 95 382 adhérents au Conseil dEntente recensés fin 1937.
--------------------------------------------------------------------------------
A LA VEILLE DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE
En 1938 1939, limmigration en France est dominée par le flot des réfugiés politiques : républicains espagnols, juifs et anti-nazis dEurope centrale ; la main-duvre étrangère nest plus quun problème secondaire 436 . Cest donc surtout contre ces immigrés dun genre nouveau que sont dirigés les décrets-lois sur la police des étrangers, pris par le gouvernement Daladier en mai, juin et novembre 1938. Mais évidemment, les ouvriers polonais sont également assujettis au respect de ces nouvelles dispositions.
Par contre, le décret-loi du 12 avril 1939 437 , qui ajoute le titre IV, Des associations étrangères, à la loi du 1-er juillet 1901, limite la liberté associative prévue par celle-ci, menace de ce fait la vie associative des immigrés polonais, base fondamentale de leur sociabilité, et les atteint donc directement :
« Aucune association étrangère ne peut se former ni exercer son activité en France, sans autorisation préalable du ministre de lIntérieur. »(article 22)
« Elle ne peut avoir des établissements en France quen vertu dune autorisation distincte pour chacun de ces établissements. »(article 23)
« Lautorisation peut être retirée à tout moment par décret. » (article 24)
« Les associations étrangères existant au moment de la promulgation du présent titre, sont tenues de demander dans le délai dun mois pour elles-mêmes et pour chacun de leurs établissements, lautorisation exigée à larticle 22. » (article 25)
« Sont délivrées de lobligation dautorisation, les associations étrangères dutilité publique, les associations cultuelles, les congrégations religieuses. » (article 33).
Le décret du 1-er juin 1939 438 , relatif à lapplication du décret du 12 avril 1939 sur les associations étrangères, stipule que le délai dun mois, prévu à larticle 25, prend date à partir de la publication du présent décret.
LUnion des Sociétés catholiques polonaises, qui avait déjà envisagé une refonte de ses statuts 439 , réagit rapidement à la promulgation du décret du 12 avril. Parallèlement aux travaux de modification des statuts, est menée une vaste enquête pour connaître létat exact du Z.P.T.K., et procéder à la déclaration auprès des autorités françaises de toutes les sections de la fédération catholique 440 . La collaboration entre toutes les instances des institutions catholiques est très efficace et, dès le 10 mai 1939, le Z.P.T.K. adresse au Ministre de lIntérieur une demande dautorisation de fonctionner, en joignant la liste des groupements, des sièges régionaux et des associations locales 441 . Les chiffres indiqués dans ce courrier corroborent ceux des années précédentes :
dans les colonnes (1) sont donnés les nombres de sections locales, dans les colonnes (2), les nombres de membres
Doyennés Paris
(1) (2) Nord
(1) (2) Sud
(1) (2) Est
(1) (2) Totaux
(1) (2)
Sociétés masculines 13 720 77 5 140 19 950 38 1 390 147 8 200
Confréries du Rosaire 11 790 73 6 800 18 1 570 47 2 080 149 11 240
K.S.M.P. féminin 1 30 33 1 200 5 190 11 380 50 1 800
K.S.M.P. masculin 33 1 670 7 210 9 300 49 2 180
Associations denfants 6 220 34 4 900 9 950 17 1 400 66 7 470
Totaux 31 1 760 250 19 710 58 3 870 122 5 550 461 30 890
LAssemblée générale du 4 juin 1939 nest plus alors quune formalité 442 . Les modifications aux statuts sont acceptées : il sagit essentiellement dy faire figurer la décomposition de la fédération en cinq unions spécialisées ; une nouvelle fois, le titre est changé : la fédération sappelle désormais Polskie Zjednoczenie Katolickie (P.Z.K.), traduit par Union des Associations polonaises catholiques ; et un nouveau bureau est élu : Franciszek Ratajczak président, Feliks Rakowski secrétaire, Alojzy Ambrozy trésorier, le secrétaire général demeurant labbé Leon Plutowski.
La situation internationale de plus en plus tendue commande aussi au camp catholique de regrouper ses forces. Cest ainsi que le 12 juillet 1939 443 , lAssociation dAide à lEnseignement Pomoc Oswiatowa, patronnée par le clergé polonais, transmet son patrimoine au P.Z.K. Et en répondant aux exigences administratives du gouvernement français, les dirigeants catholiques ont pu dresser linventaire de leur potentiel et consolider leurs structures : les assemblées générales des unions 444 le 26 février pour le K.S.M.P. masculin, le 5 mars pour lUnion des Confréries du Rosaire, le 26 mars pour lUnion des Sociétés catholiques dHommes polonais, et celle de la fédération en juin ont permis de placer partout des bureaux prêts, avec laide de leurs directeurs respectifs, à mobiliser les énergies si les circonstances le demandent.
--------------------------------------------------------------------------------
DEUXIEME PARTIE : LA SECONDE GUERRE MONDIALE
--------------------------------------------------------------------------------
Chapitre 6
LA PERIODE DE LA DRÔLE DE GUERRE
--------------------------------------------------------------------------------
LA PATRIE EN DANGER
Lagression allemande contre la Pologne, le 1-er septembre 1939, provoque un très vif désarroi au sein de limmigration polonaise en France, dont les liens avec la famille restée au pays natal sont encore forts. Cependant, les associations polonaises, dans leur ensemble, ne se trouvent pas prises au dépourvu par lévénement. Déjà, la visite de lambassadeur de Pologne, Juliusz Lukasiewicz, dans le Nord de la France, au mois de mai, a été loccasion dimposantes manifestations damitié franco-polonaise. Dautres cérémonies se sont déroulées, au cours de lété, dans presque toutes les régions de France, avec la participation des autorités françaises et des consuls polonais. Les dons pour le Fonds de Défense Nationale (Fundusz Obrony Narodowej) alimentent régulièrement le compte ouvert à la banque P.K.O. à Paris. Et, afin de calmer lopinion publique française inquiète de savoir si le soldat français doit « mourir pour Dantzig », lUnion des Polonais en France fait paraître dans la presse française et polonaise, fin août 1939, un communiqué affirmant la volonté des immigrés polonais en France de défendre les frontières de la France et de la Pologne les armes à la main 445 :
« Le Conseil dAdministration de lUnion des Polonais en France, en réalisant la ferme et patriotique volonté de tous les émigrés polonais en France exprimée déjà dans les déclarations adressées à Messieurs les Présidents du Conseil en Pologne et en France le 30 juillet dernier, a formulé une demande aux autorités compétentes de donner aux émigrés polonais en cas de guerre la possibilité dune participation active dans la défense des frontières de la France et de la Pologne les armes à la main.
Comme leurs camarades français, les émigrés polonais sont prêts à remplir les mêmes devoirs suprêmes imposés par la situation actuelle. Cette attitude correspond entièrement à leur profond sentiment du devoir en présence des idéaux communs de la liberté et de lhonneur. »
Mais ces manifestations et ces déclarations du mois de mai et de lété 1939 cherchent aussi à modifier limage de la Pologne dans lopinion française. Depuis quelques années en effet, limage traditionnelle de la « Pologne amie de la France » sest considérablement ternie, principalement à cause de sa politique étrangère. A la tête du ministère polonais des Affaires étrangères depuis 1932, le colonel Beck ne jouit guère dune bonne opinion dans les capitales occidentales, en particulier à Paris. Sa politique déloignement vis-à-vis de la France, sa conduite aventureuse dans la question de lannexion de la Silésie de Cieszyn, reprise à la Tchécoslovaquie après laccord de Munich, suscitent la réprobation des milieux politiques français. Celle-ci sétend à lopinion publique qui englobe, dans un même élan, le gouvernement polonais, la Pologne entière, ses ressortissants en France y compris. A la mi-septembre 1938 déjà 446 , ont circulé les rumeurs les plus fantaisistes à propos de manifestations pro-nazies de Polonais dans les cités minières de Vicq et dOnnaing dans le Valenciennois, rumeurs relayées par le journal LAction française de Charles Maurras dans son numéro du 23 septembre 1938 et, à sa suite, par des journaux locaux. Une enquête du Consulat de Pologne à Lille aboutit à la même conclusion que celle de la Préfecture du Nord : toutes les allégations contre les Polonais sont absolument sans fondement. La publication dun texte rétablissant la vérité et appelant au calme, dans les quotidiens français et polonais du Nord Pas-de-Calais, nempêche pas la rumeur de se propager. Des accusations semblables sont portées contre les Polonais dans le Doubs, au Creusot, à Cagnac, à Tucquegnieux ; et la prise du territoire de Cieszyn ravive les suspicions. Devant le péril croissant au cours de lété 1939, autorités et organisations polonaises en France saccordent donc pour conforter certes le patriotisme des immigrés par des manifestations de masse, mais aussi pour démontrer à la population française que les Polonais demeurent dans le camp de la France, et désamorcer ainsi les tensions qui pourraient survenir dans les corons entre les deux communautés vivant, malgré une vingtaine dannées de cohabitation, séparées lune de lautre.
Dès le 2 septembre, convoqués par télégramme au siège de lUnion des Polonais à Lille, se réunissent les dirigeants des associations formant lUnion, les directeurs des journaux Narodowiec, Wiarus Polski et Glos Wychodzczy, ainsi que les délégués des organisations F.E.P. et T.U.R. proches des syndicats de gauche. Le danger mortel couru par la patrie semble avoir, pour un temps, provoqué lunion sacrée entre les différentes composantes de la vie associative polonaise, vainement recherchée depuis de nombreuses années. Les autorités polonaises sont représentées à cette réunion par le consul général à Lille, Aleksander Kawalkowski , et le mouvement catholique par le recteur Cegielka en personne, le président dhonneur du P.Z.K., Jan Szambelanczyk, et le président du K.S.M.P.M., également trésorier du P.Z.K., Alojzy Ambrozy. Une longue déclaration est unanimement adoptée 447 . Elle proclame que la Pologne, aidée par ses alliés occidentaux, la France et lAngleterre, doit sortir victorieuse du combat engagé, que limmigration doit se mobiliser pour venir en aide à la patrie, et demeurer solidaire, unie, et prête aux plus grands sacrifices. Elle annonce enfin la création, afin de concentrer et dorganiser les efforts de limmigration, dun Comité civique polonais (Polski Komitet Obywatelski) :
« ( ) Dans la guerre qui nous imposée, nous ne sommes pas isolés. De notre côté se trouvent deux grandes puissances occidentales la France et lAngleterre, en notre faveur se prononceront tous les peuples fidèles aux idéaux de justice et d honneur.
Compatriotes ! au moment où lhorloge de lhistoire a sonné lheure de la lutte héroïque de la Nation polonaise pour la liberté et lindépendance de son propre Etat lémigration polonaise en France forte de 500 000 personnes ne peut rester inactive. Sur la balance de la lutte contre lennemi ancestral de la Pologne, nous devons placer toutes nos forces morales et matérielles.
Dans laction nous devons être solidaires, unis et prêts aux plus grands sacrifices que la Patrie nous réclamera. Pour que leffort entrepris par nous tous soit structuré et unifié, nous constituons le Comité civique polonais en France qui prend sur lui la lourde responsabilité dorganiser de manière adéquate laide de la communauté polonaise de France à la Patrie en lutte. ( )
Cet effort se traduira par notre participation militaire dans les formations polonaises qui verront le jour sur la terre française, par notre générosité matérielle en faveur de leffort de guerre polonais, et par le maintien dune attitude morale résolue, digne des Fils de la Grande Nation polonaise. Compatriotes ! Nous Vous appelons à vous référer au Comité civique polonais avec une confiance totale, et à remplir les instructions et les directives du C.C.P. avec précision et conscience. Le Comité mènera ses travaux en contact permanent avec les autorités polonaises et françaises. ( ) »
Point de référence ici à la France, autre que celle de lalliance militaire qui place la France dans lobligation de secourir la Pologne agressée. Dans lépreuve, toutes les énergies doivent être mobilisées pour venir en aide à la patrie : elle seule compte !
Immédiatement, le Comité civique sefforce de structurer son action. Et, dès le mois doctobre, dans la plupart des agglomérations industrielles habitées par des Polonais, fonctionnent des Comités civiques locaux (Miejscowe Komitety Obywatelskie) regroupés, dans les régions autres que le Nord, en Comités civiques régionaux (Okregowe Komitety Obywatelskie). Le Comité civique polonais, siégeant à Lille, prend alors la dénomination de Comité civique central (Polski Centralny Komitet Obywatelski we Francji), et supervise lensemble des actions 448 . Il est recommandé que les Comités civiques locaux rassemblent toutes les associations polonaises membres de lUnion, ainsi que les sections du F.R.P., du F.E.P. et du T.U.R., existant dans la localité. Leur but est dapporter toute laide possible à larmée polonaise en cours de formation en France, aux victimes de la guerre en Pologne, aux familles des soldats polonais en France, et de lutter contre la propagande hostile à la Pologne et à la France. Par contre, ils ne doivent pas se mêler de lanimation de la vie sociale des immigrés, les organisations existantes ainsi que les K.T.M. devant sen charger comme auparavant. Deux actions en particulier font lobjet de soins attentifs de la part des Comités civiques locaux : la collecte de dons, en argent pour le Fonds de Défense Nationale, et en nature pour larmée polonaise ou les réfugiés de Pologne ; et la confection de lainages par les sections féminines locales pour les soldats.
La contribution de limmigration à la création dune force armée polonaise en France est également loin dêtre négligeable 449 . Déjà, la convention signée par les généraux Gamelin et Kasprzycki en mai 1939 prévoyait lutilisation des Polonais résidant en France. Dans la fièvre des événements, un télégramme chiffré du ministère polonais des Affaires étrangères à lambassade de Paris, transmis dans la nuit du 29 au 30 août, précise le point de vue polonais sur la question 450 . Les discussions aboutissent, le 4 septembre, à la réactualisation, par le ministre français des Affaires étrangères, Georges Bonnet, et lambassadeur Lukasiewicz, des anciens accords militaires de 1921 et 1925. Un nouvel accord, le 9 septembre, décide de la formation en France dune division polonaise. Le 21 septembre, une circulaire du ministère de la Défense nationale et de la Guerre, adressée aux préfets, demande de procéder au recensement des citoyens polonais de sexe masculin, résidant ou de passage en France, âgés de 17 à 45 ans. Les bureaux dengagement volontaire, créés dès le 4 septembre à linstigation du Comité civique polonais, sont alors fermés ; leurs listes contiennent déjà les noms denviron 17 000 volontaires, pour la plupart des membres des organisations de jeunesse et des anciens combattants. Puis les associations polonaises, ainsi que les représentants des consulats, collaborent avec ladministration française pour effectuer les opérations de recensement. Laccord du 4 janvier 1940, entre Daladier et Sikorski, institue non plus une simple division mais une véritable armée polonaise en France. Il reprend cependant un point du protocole du 9 septembre 1939, à savoir le maintien en affectation spéciale des Polonais travaillant dans les secteurs stratégiques de léconomie, notamment dans les mines et les industries métallurgiques, cest-à-dire les secteurs où ils sont les plus nombreux. Cette disposition réduit évidemment les possibilités de mobilisation de la communauté polonaise de France : 43 000 de ses membres sont ainsi immobilisés sur leur lieu de travail. Mais, sur plus de 80 000 soldats que compte larmée polonaise en France en juin 1940, 50 000 sont quand même issus des rangs de limmigration ; le reste provient du transfert en France des soldats internés, après la campagne de Pologne de septembre 1939, en Roumanie ou en Hongrie, ou réfugiés dans les Etats baltes, et de lengagement de citoyens polonais disséminés dans les pays libres du monde entier 451 .
Les organisations catholiques prennent part, au même titre que les autres associations, à leffort dinformation des immigrés sur les opérations de recensement et de mobilisation. Leurs membres masculins sont mobilisés ou affectés spéciaux comme leurs compagnons de travail français ; certains, parmi les plus jeunes surtout, sengagent volontairement. La fédération P.Z.K. uvre aussi, au sein du Comité civique, pour collecter les dons et fournir des vêtements chauds aux soldats et aux familles réfugiées de Pologne. Il est cependant impossible de chiffrer leffort imputable au groupement catholique. En ces heures de grave péril, les énergies se sont mobilisées pour constituer un front commun solidaire ; et nul ne songe à tenir la comptabilité de ses actions, seul compte le dévouement.
Et, pendant ce temps, alors que les Polonais saffairent pour reconstituer sur le sol français un gouvernement et une armée, la France, tout en ayant déclaré la guerre à lAllemagne, sinstalle dans la drôle de guerre. A défaut dune action militaire énergique en faveur de la Pologne, elle laisse se développer un courant polonophile à travers la presse écrite, la radio, les manifestations publiques avec la participation des autorités françaises et polonaises 452 . Les institutions ecclésiastiques tiennent un rôle moteur dans la mobilisation de lopinion publique. En septembre et octobre 1939, dimposantes cérémonies religieuses en lhonneur de la Pologne ont lieu à Paris au Sacré Cur en présence du cardinal Verdier et du gouvernement polonais, à Notre-Dame des Victoires, et à la grande synagogue de la rue Notre-Dame de Nazareth , à Lille en présence du cardinal Liénart, à Lyon en présence du cardinal Gerlier et dÉdouard Herriot, à Amiens, Marseille, Bordeaux, Angoulême et Nice. En novembre, le prince Louis II de Monaco et Mgr Rivière président, en la cathédrale de Monaco, un service de requiem à la mémoire des combattants polonais 453 . Les déclarations des évêques français condamnant lagression allemande contre la Pologne se multiplient 454 :
protestation du cardinal Verdier à la radio le 4 septembre 1939 contre le bombardement du sanctuaire de Czestochowa :
« Pourquoi cet attentat ? Espère-t-on ainsi décourager nos amis Polonais ? Vain espoir. Le cur de la Pologne saigne mais nest pas abattu et quelles que soient les vicissitudes de demain, la Pologne bénie par la Vierge martyre retrouvera son indépendance et sa glorieuse destinée. »
sermon du cardinal Liénart à léglise Saint Maurice de Lille le 1-er octobre 1939 :
« Le drame rapide et effroyable qui vient de mettre à feu et à sang le territoire polonais a dépassé en horreur matérielle et morale tout ce que nous pouvions imaginer. ( ) Mais voici que par un contraste saisissant, en face de tant dhorreur, la Pologne, elle, sélevait jusquau sublime. ( )
Varsovie, symbole dun peuple indomptable, a fini par succomber. Les agresseurs ont pu faire ensemble un marché pour disposer de son territoire. La Pologne, elle, na pas traité, elle na pas signé sa déchéance, elle garde tous ses droits. Ils sont plus sacrés encore depuis quelle les a si noblement défendus.
Cest pourquoi notre hommage se refuse aux vainqueurs, il va tout entier vers leurs victimes. Il y a des victoires qui déshonorent, ce sont celles que la force remporte contre le droit. Il y a des défaites jusque dans lesquelles une nation se couvre de gloire. Nous rendrons hommage à la vaillance de la Pologne au nom de la justice et de la conscience. »
La fête nationale polonaise du 3 mai, en 1940, est encore loccasion de témoignages de solidarité envers la nation polonaise, au grand amphithéâtre de la Sorbonne à Paris et en la cathédrale de Monaco. Partout, le thème de lamitié séculaire entre les peuples français et polonais est repris ; même dans les paroisses, loin des fastes des cathédrales, des messes sont dites à lintention de la Pologne, des sermons essaient dapporter un certain réconfort aux immigrés et réfugiés polonais. Le concours des prêtres polonais pour officier est souvent demandé, en particulier celui du recteur Cegielka pour les manifestations importantes, comme celles à Notre-Dame des Victoires ou à la cathédrale dAmiens en octobre 1939. Labbé Cegielka nhésite pas non plus à condamner publiquement les actes de barbarie commis par les nazis en Pologne, soit en chaire à léglise de lAssomption siège de la Mission catholique, soit au cours de ses interventions à la radio 455 .
Les marques de sympathie pour la Pologne apportées par la hiérarchie ecclésiastique française réconfortent certainement les catholiques polonais de France. Quel singulier contraste avec lattitude du Vatican, dont aucune déclaration officielle ne condamne lagression allemande contre la Pologne ! Pourtant, lambassadeur polonais auprès du Vatican, Kazimierz Papée, sefforce dobtenir immédiatement du Pape une condamnation publique de lattaque allemande, mais sans résultats ; il écrit le 20 septembre 1939 dans une lettre à lAmbassadeur de Pologne à Paris 456 :
« Le travail de lAmbassade pour décider le Pape à formuler une énonciation en faveur de la Pologne na donné jusquà présent aucun résultat tangible ; je pense cependant quil a préparé le terrain pour les démarches que, tout de suite après son arrivée à Rome (le 18 de ce mois), le primat Hlond a entreprises en concertation avec nous. Daprès ce que ma dit aujourdhui le Primat, le Pape lui aurait promis de réaliser ce à propos de quoi il hésitait depuis quelques jours, à savoir la suggestion de lAmbassade de recevoir en audience générale tous les Polonais se trouvant actuellement à Rome. ( ) Le Pape nest pas encore mûr pour une croisade contre Hitler et Staline. »
Cette audience a effectivement lieu le 30 septembre à linitiative du cardinal Hlond. Le discours du Pape à cette occasion est diversement interprété : plein de sollicitude pour la cause polonaise selon lAmbassadeur de France auprès du Vatican, alors que labbé Walerian Meysztowicz, conseiller canonique de lAmbassade polonaise au Vatican, ny décèle « aucune tentative pour retenir la main allemande qui, alliée aux Soviets, détruit la Pologne ». Lambassadeur Papée partage cet avis négatif. Les efforts de lAmbassade polonaise au Vatican vont alors porter sur létablissement de relations diplomatiques entre le Vatican et le nouveau gouvernement polonais en exil en France. La reconnaissance par Rome du nouveau président de la République de Pologne, Wladyslaw Raczkiewicz, et du nouveau gouvernement formé par le général Wladyslaw Sikorski, en remplacement, aux termes de la Constitution de 1935, des autorités légales internées en Roumanie, est obtenue sans difficulté. Par contre, il en va tout autrement en ce qui concerne lenvoi du nonce apostolique, Mgr Filippo Cortesi, à Angers, siège du gouvernement polonais en France. Réfugié en Roumanie avec les autorités polonaises et le corps diplomatique, Mgr Cortesi y dirige au nom du Vatican une mission daide aux Polonais ; et le Vatican ne se presse pas pour le rappeler et lenvoyer en France. Le gouvernement polonais attache cependant de limportance à la question, ne serait-ce que pour asseoir sa reconnaissance dans larène internationale. Ses démarches naboutissent quà lenvoi à Angers, à la mi-janvier 1940, dun chargé daffaires, Mgr Alfredo Pacini, conseiller de la Nonciature à Varsovie ; bien que rentré à Rome au début davril 1940, Mgr Cortesi ne rejoindra jamais le gouvernement polonais en France. Au moment de la capitulation de la France, Mgr Pacini reste même en France pour des raisons non élucidées, et naccompagne pas le gouvernement polonais dans son exil en Angleterre.
Lobtention dune condamnation officielle par le Vatican de lagression allemande contre la Pologne et du régime de terreur pratiqué en Pologne par les nazis, est donc passée au second plan, tant les réticences de Rome semblent difficiles à vaincre. Lambassadeur Papée repose parfois le problème :
« En tant quun des éléments de laction que jai entreprise pour briser le silence dont le Vatican en général et lOsservatore Romano en particulier entourent jusquà présent la question des atrocités allemandes en Pologne, jai eu aujourdhui une discussion sur ce sujet avec le Cardinal Secrétaire dEtat. Jai rappelé au cardinal Maglione le matériau abondant, dont disposent actuellement en la matière aussi bien le Secrétariat dEtat que la rédaction de lOsservatore Romano (nombreux mémoires de lAmbassade, mémoire du Primat, mémoire des prêtres polonais, témoignages de Polonais de passage reçus au Vatican). Jai dit que lOsservatore Romano nécrit pratiquement rien sur ces questions , et pourtant le monde catholique attend du Vatican des informations et un jugement. Le Cardinal Secrétaire dEtat a répondu que laffaire est spécialement délicate, car les Allemands démontrent et stigmatisent les inexactitudes dans les informations, ou ont recours à des répressions. » (extrait du rapport de lambassadeur K. Papée du 19 janvier 1940) 457 .
Le silence du Vatican ne paraît pas gêner outre mesure le mouvement catholique polonais en France . Les archives tant de la Mission catholique polonaise que de lUnion des Associations catholiques polonaises, certes fort maigres pour la période concernée, nont gardé aucune trace dune rancur à légard de Rome. Les laïcs sont du reste accaparés par les actions au sein du Comité civique, laide à apporter aux militaires et aux réfugiés polonais ; le clergé pour sa part se contente du soutien manifesté par la hiérachie française.
--------------------------------------------------------------------------------
DES TÂCHES NOUVELLES POUR LA MISSION CATHOLIQUE POLONAISE
Pour assurer la pastorale parmi les Polonais en France, la Mission disposait, fin 1938, de 79 prêtres. Fin 1939, il y en a 76 458 . Ainsi, globalement, les effectifs se stabilisent, et la répartition géographique des aumôniers ne subit donc pas de modifications notables 459 .
Larmée nattire que relativement peu de volontaires. On note seulement les engagements des abbés Tadeusz Kirschke et Wiktor Miedzinski, ainsi que de labbé Ryszard Dudek du diocèse de Beauvais 460 . Parmi les prêtres arrivant de Pologne ou dailleurs, quelques-uns proposent également leurs services à Mgr Gawlina, évêque de larmée polonaise. Un séminariste de la Société du Christ pour les Émigrés, Czeslaw Czartoryski, rejoint la France et senrôle comme soldat : interné en Suisse dans les rangs de la 2-ème Division de Chasseurs du général Prugar-Ketling, il y sera ordonné prêtre 461 . Trois Pallottins parviennent aussi à fuir la Pologne et sengagent comme aumôniers dans larmée polonaise en France : les abbés Ignacy Olszewski, Jozef Zawidzki, et Leon Bemke, ce dernier après avoir déjà combattu lidéologie nazie dans la ville libre de Gdansk de décembre 1934 jusquà son arrestation le 1-er septembre 1939 462 . Enfin, quatre Oblats se présentent à Mgr Gawlina : les pères Szczepan Manka, Hubert Misiuda et Ignacy Pluszczyk, venus de la lointaine île de Ceylan, ainsi que le père Konrad Stolarek qui a réussi à quitter la Pologne et atteindre la France après un long et difficile périple 463 . Le nombre daumôniers dans les divisions polonaises ne correspondant pas à celui en vigueur dans larmée française, lévêque militaire polonais ne peut les accueillir immédiatement. Ce nest quen avril 1940, après quelques mois mis à profit pour suivre un stage à lÉcole Militaire, quils reçoivent leur affectation : les pères Pluszczyk et Stolarek sont nommés à la 1-ère Division de Grenadiers, le père Manka à la 2-ème Division de Chasseurs, et le père Misiuda à la 3-ème Division dInfanterie en formation en Bretagne.
Les autres prêtres viennent renforcer les rangs de la P.M.K. Mais cet apport reste limité ; il permet tout au plus de compenser les quelques départs, et donc de stabiliser les effectifs de la Mission. Ainsi, le travail pastoral habituel est maintenu par les aumôniers polonais sans trop de difficultés. Mais, compte tenu des circonstances, de nouvelles tâches se présentent aussi à la P.M.K.
--------------------------------------------------------------------------------
Le lycée Norwid
Parmi les réfugiés polonais ayant pu gagner la France par la Hongrie ou la Roumanie, se trouve un certain nombre de jeunes, dont les études secondaires ont été interrompues en Pologne par la guerre. Les autorités polonaises étant trop accaparées par la reconstitution dun gouvernement et dune armée, cest le recteur Cegielka qui prend linitiative de créer une école à leur intention : le collège et lycée Cyprian Norwid (gimnazjum i liceum im. Cypriana Norwida) 464 . Un comité dorganisation, au sein duquel sont particulièrement actives Halina Mélandre épouse du directeur dune école privée, lInstitut du Panthéon, à Paris et la femme du dernier ambassadeur de Pologne à Berlin Lipski, permet dobtenir le soutien du Premier ministre Sikorski, laide financière du ministère polonais du Travail et de la Protection sociale, ainsi que les autorisations nécessaires du ministère français de lÉducation nationale et de lAcadémie de Paris.
Lécole débute ses cours dans les locaux de lInstitut du Panthéon fermé à cause de lentrée en guerre de la France, au numéro 14 de la rue de Fleurus, et accueille 70 élèves à la fin du mois de novembre 1939, 180 au début de janvier 1940. Les filles qui nhabitent pas avec leurs parents, sont reçues à linternat tenu, rue de Vaugirard, par les surs de la Sainte Famille de Nazareth. Au début de 1940, une partie des garçons est placée dans les refuges de Charenton et de Neuilly, où les conditions matérielles sont très rudes. Une convention, signée le 14 mars 1940 entre les recteurs de lAcadémie de Paris et de la Mission catholique polonaise, met à la disposition de lécole, dès le mois de février 1940 en fait, des nouveaux locaux : les cours ont désormais lieu dans une annexe du lycée Fénelon, au 13 de la rue Suger ; et lobtention dune partie de linternat du lycée Saint Louis permet de loger les garçons dans de meilleures conditions. Le nombre délèves augmente alors rapidement : 250 en mars, entre 350 et 400 à la mi mai 1940, sans quil soit possible de déterminer la part respective des élèves issus de limmigration ouvrière de lentre-deux-guerres et des élèves arrivés en France du fait de la guerre.
Le programme des études basé sur le modèle polonais est reconnu par les autorités scolaires françaises, ce qui confère à létablissement aussi bien le statut et les droits dune école polonaise que ceux dune école française ; il se décompose en quatre classes de collège et deux classes de lycée. La direction du collège lycée Norwid est assurée au début par le recteur Cegielka en personne, bien que, formellement, un Français, J. Cottaz, ait été nommé. Puis, au milieu de décembre 1939, le gouvernement polonais nomme Kazimierz Fabierkiewicz, ancien professeur de mathématiques de la circonscription scolaire de Poznan, à la tête de lécole ; il y restera jusquà la fin de lexistence du collège lycée. Labbé Cegielka demeure cependant le protecteur de lécole, son guide moral ; cest lui qui procède à la nomination du corps professoral.
Un jury, présidé par le professeur Pawel Skwarczynski de lUniversité catholique de Lublin, prépare une session de baccalauréat pour la clôture de lannée scolaire. Celle-ci se déroule du 5 au 8 juin 1940 pour les examens écrits, avec beaucoup de sérieux malgré la gravité du moment ; les derniers examens oraux ont lieu le 13 juin, à la veille de lentrée des troupes allemandes dans Paris, et les bacheliers du lycée polonais se dispersent aussitôt.
Auparavant, au début de juin 1940, les élèves des classes de collège et de la première classe de lycée ont été déjà dispersés. Une quarantaine dentre eux est regroupée dans les Pyrénées, au château dAgnos, près dOloron-Sainte-Marie. Cette localité devant se retrouver en zone occupée aux termes de larmistice franco-allemand, ils embarquent à Saint-Jean-de-Luz pour former en Angleterre les premiers éléments du nouveau collège lycée Slowacki.
A lautomne 1940, le collège lycée Norwid est réactivé à Villard-de-Lans près de Grenoble, grâce aux efforts du professeur Zygmunt Lubicz Zaleski, représentant en France du ministère polonais de lInstruction publique pendant lentre-deux-guerres, et du professeur Waclaw Godlewski, ancien lecteur de polonais à lUniversité de Lille. Se pose la question de la filiation entre létablissement de Paris et celui de Villard-de-Lans. Dans son rapport sur lactivité de la Mission catholique polonaise pendant la guerre 465 ,labbé Wedzioch mentionne la création du lycée Norwid à Paris et le transfert en Angleterre dun groupe délèves après la défaite française, mais ne fait aucun état du lycée de Villard-de-Lans. Certaines études 466 affirment que lécole de Villard-de-Lans a été créée et gérée par la Croix Rouge polonaise (Polski Czerwony Krzyz, P.C.K.) ; dautres 467 indiquent également la contribution du P.C.K. mais insistent sur le fait que létablissement de Villard-de-Lans est la continuation de celui de Paris. La Croix Rouge polonaise dote effectivement le lycée dun budget de fonctionnement, et gère les internats où sont logés les étudiants. Il est également établi que la Mission catholique et son recteur ne sont plus du tout actifs dans la création de lécole à Villard-de-Lans, comme ils lont été dans celle de Paris. Mais, incontestablement, la fondation de Paris a servi dexemple à celle de Villard-de-Lans : les fonctions exercées par le professeur Zaleski lont vraisemblablement amené à émettre un avis sur la formation du lycée de Paris, et à en connaître parfaitement le fonctionnement. Du reste, le fait que les deux établissements portent la même dénomination de lycée Cyprian Norwid indique certainement un lien de parenté entre eux. La question est tranchée par Tadeusz Lepkowski dans son ouvrage sur lécole de Villard-de-Lans, dont il fut lélève pendant les années scolaires 1943 1944 et 1944 1945 468 . Pour T. Lepkowski, le lycée de Villard ne résulte certes pas du transfert du lycée de Paris celui-ci termine en quelque sorte son existence officielle en juin 1940 ,mais il en constitue la continuation . Au rôle joué par le professeur Zaleski et à la dénomination commune des deux établissements, lauteur ajoute dautres arguments dont lun paraît essentiel : pour les autorités françaises, Villard-de-Lans est le successeur institutionnel et juridique de Paris ; sans référence au précédent formé par lécole de Paris, à lautorisation déjà accordée pour son ouverture, Villard naurait pu voir le jour.
Linauguration du lycée a lieu à Villard-de-Lans le 18 octobre 1940 en présence du maire de la commune et dAmbroise Jobert, jeune historien de lUniversité de Grenoble qui achève sa recherche sur la Commission dEducation nationale en Pologne. Lécole est mixte, compte au cours de la première année de son existence 159 élèves répartis en 4 classes : les deux dernières de collège et les deux de lycée. Avec la mise en place progressive du système complet de classes selon le modèle polonais (4 classes de collège, et 2 de lycée), le nombre délèves augmente et se stabilise 469 :
226 en 1941 1942, 185 en 1942 1943, 211 en 1943 1944, 200 en 1944 1945, 220 en 1945 1946.
Les filles sont de plus en plus nombreuses, et à leur intention, à partir de 1942, des hôtels sont loués à Lans pour servir de salles de classe et dinternats. Peu à peu, la base de recrutement des élèves se modifie aussi ; alors quau début les jeunes issus de la nouvelle immigration due à la guerre constituent la majorité des élèves, ce sont les enfants de limmigration ouvrière de lentre-deux-guerres qui prédominent à la fin de la guerre.
Malgré les conditions particulières et les difficultés, lécole atteint et maintient un bon niveau. Chaque année, les étudiants de dernière année subissent les épreuves du baccalauréat polonais qui leur permet, grâce à laccord des autorités scolaires françaises, daccéder aux universités françaises ; le nombre de bacheliers selon les années scolaires se présente de la manière suivante 470 :
38 en 1941, 55 en 1942, 53 en 1943, 18 en 1944, 27 en 1945, 19 en 1946.
La notoriété de lécole est encore rehaussée par lactivité de la chorale organisée par le professeur Ernest Berger, et celle des équipes sportives dirigées par lingénieur Budrewicz 471 .
Latmosphère patriotique au sein du lycée, son statut particulier décole étrangère en France, la personnalité de son directeur, attirent évidemment lattention des autorités allemandes doccupation. Egalement président du Groupement dAssistance pour les Polonais en France, organisme qui a pris en 1941 la succesion de la Croix Rouge polonaise dissoute, le professeur Zaleski est arrêté en mars 1942 et déporté au camp de concentration de Buchenwald. Son successeur à la tête du lycée, le professeur Waclaw Godlewski, est arrêté à son tour en mars 1944 et déporté au camp de Mauthausen. Cest le professeur Berger qui assure alors la direction du lycée. Leur baccalauréat en poche, beaucoup danciens élèves, surtout les militaires des premières promotions, sefforcent de rejoindre les rangs des forces polonaises en Angleterre, via lEspagne le plus souvent, ou la résistance.
En juin et juillet 1944, la région du Vercors est embrasée par les luttes menées par le maquis contre loccupant allemand 472 . Dans létablissement polonais, il ne reste que très peu délèves : le centre de Lans est presque vide, dans celui de Villard ne résident plus que quelques filles et une trentaine de garçons. En effet, la répression qui sabat depuis le début de lannée 1944 sur les différents centres de regroupement des Polonais, incite la direction du lycée à avancer la date des sessions du baccalauréat : la première session a lieu fin mars, la session de rattrapage sétale sur la fin du mois de mai et le début de juin. Aussitôt, les bacheliers retournent dans leurs familles, sauf Zdzislaw Hernik qui rejoint le maquis, incité sans doute par un employé de lécole, Ludwik Wilk, entré dans la résistance en janvier ou février déjà. Pour les autres classes, la fin de lannée scolaire se déroule de manière un peu chaotique ; et du 19 au 25 juin, la majorité des élèves repartent chez eux. Ne sont restés que les élèves sans famille en France ou pour lesquels le trajet du retour comporte trop de risques, les professeurs et quelques employés. La direction du maquis du Vercors ayant décrété la mobilisation générale, un détachement arrive à Villard-de-Lans le 16 juillet et procède à lenrôlement obligatoire des jeunes, y compris des pensionnaires du collège lycée Norwid. Les protestations du directeur Berger ne peuvent modifier lattitude des maquisards : 12 élèves de plus de seize ans (11 de lécole Norwid et Eugeniusz Lukomski, frère de Zygmunt élève du collège, étudiant dans une école technique à Nîmes venu rejoindre son frère à Villard), 9 employés et 6 professeurs et éducateurs sont mobilisés. Au total, en comptant L. Wilk et Z. Hernik, ce sont donc 29 personnes liées au collège lycée Norwid qui se trouvent au cur du Vercors au moment de lattaque allemande.
Les tractations du professeur Berger avec les chefs du maquis ont cependant pour conséquence que presque tout le groupe polonais est affecté non pas à des bataillons de combat mais à un bataillon de travailleurs chargé daménager un terrain datterrissage à Vassieux-en-Vercors pour les renforts espérés. Or ce terrain est justement la cible principale de lattaque aéroportée allemande au petit matin du 21 juillet, prélude à laction de pacification de la région par la Wehrmacht. Cinq élèves tombent dès les premières minutes de lengagement, sans même avoir eu la possibilité de se défendre : Henryk Czarnecki Jerzy Delingier Witold Nowak Leon Pawlowski Jozef Zglinicki ; ainsi que Eugeniusz Lukomski probablement. Les deux combattants, Zdzislaw Hernik et Ludwik Wilk, ont réussi à gagner le Nord du Vercors : L. Wilk meurt près dAutrans vers la fin du mois de juillet ; Z. Hernik, fait prisonnier à la fin du mois daoût près dAutrans également, est fusillé comme otage fin août ou début septembre. Les professeurs de latin, Jan Harwas, et de physique, Kazimierz Gerhardt, ainsi que le médecin scolaire Tadeusz Welfle, qui ont pu quitter le Vercors, sont capturés par les Allemands et fusillés, vers le 20 août, sur laéroport de Lyon - Bron. Tous les autres membres du groupe mobilisé le 16 juillet parviennent à regagner létablissement de Villard sains et saufs.
En octobre 1944, lécole reprend ses activités dans des conditions plus normales, dans une région libérée ; un an plus tard, elle passe sous le contrôle des délégués de Varsovie. En juin 1946, a lieu la dernière cérémonie de remise des diplômes aux bacheliers, et lécole est définitivement fermée. A la rentrée de lannée scolaire 1946 1947, un nouveau lycée polonais est ouvert à Paris, au siège historique de la rue Lamandé 473 .
--------------------------------------------------------------------------------
Lorganisation Caritas
Le flot des réfugiés polonais en France, concentré principalement à Paris, comprend aussi un nombre important de personnes privées de toutes ressources. Pour leur venir en aide, le recteur Cegielka met aussitôt sur pied une organisation baptisée Caritas, chargée de distribuer vêtements, linges, et objets de première nécessité 474 . La collecte des vêtements se fait surtout à Paris et à proximité de la capitale. Mais les besoins devenant de plus en plus importants, labbé Cegielka fait bientôt appel à tous les aumôniers polonais en France, pour quils organisent de telles collectes dans les localités dont ils ont la charge, et envoient les produits amassés à la Mission. Certains prêtres décident même denvoyer volontairement à la P.M.K. une contribution financière destinée à soutenir lactivité du Caritas. Tel est le cas des aumôniers du doyenné de Paris qui, à la réunion du 5 mars 1940 475 , promettent denvoyer chaque mois un don dun montant en rapport avec leurs possibilités. Ainsi, lorganisation peut maintenir, pendant toute la période de la drôle de guerre, son action daide et dassistance aux plus démunis ; les événements ultérieurs lobligeront même à développer considérablement ses activités. Le destin final de cette institution particulière sera évoqué au chapitre suivant.
--------------------------------------------------------------------------------
Chapitre 7
LE TEMPS DE LEPREUVE (mai 1940 septembre 1944)
--------------------------------------------------------------------------------
DANS LA TOURMENTE DU DEBUT DE LA GUERRE (mai 1940 fin 1941)
La défaite militaire de la France en mai 1940 provoque la débandade de presque toutes les institutions polonaises en France. Suivant lexemple du recteur Cegielka, demeuré à Paris malgré les pressions du gouvernement polonais, la Mission catholique dans son ensemble sefforce cependant de rester à son poste. Loccupation de la région du Nord saccompagne toutefois dune persécution brutale à lencontre des prêtres polonais : labbé Jan Chodura dOignies et labbé Czeslaw Fedorowicz de Sallaumines sont fusillés. Labbé Chodura est exécuté le 28 mai 1940 à lintérieur de son presbytère, sauvant ainsi la vie aux personnes réfugiées chez lui 476 ; il se peut aussi quil ait figuré sur une liste noire comportant les noms de Polonais ennemis farouches de lAllemagne, sa famille ayant participé aux soulèvements de Silésie en 1919, 1920 et 1921 477 .
Certains aumôniers, se sentant menacés, fuient devant lavancée allemande et se réfugient en zone sûre. Une certaine confusion règne au cours de lété 1940 : les prêtres se cherchent et échangent des informations sur le sort des uns et des autres 478 . Quelques-uns retournent ensuite à leur ancien poste ; dautres sont mutés ou trouvent à exercer leur ministère là où le sort les a jetés, notamment dans les camps de réfugiés polonais en zone libre.
Lodyssée des séminaristes de la congrégation des Oblats de Marie Immaculée est particulièrement caractéristique de la confusion des premiers temps de guerre 479 . Les efforts conjugués de la province polonaise et de ladministration générale de la congrégation ont permis de transférer, au début de 1940, un groupe de pères, de séminaristes et de frères, 53 personnes au total, de Pologne en Italie. Les plans de guerre de Mussolini obligent 50 dentre eux à gagner la France le 31 mai 1940, où ils se réfugient à La Brosse, entre Fontainebleau et Senlis, au scolasticat de la deuxième province oblate française. Ils ny restent que deux semaines. Le 14 juin, ils quittent en hâte La Brosse pour Bordeaux, où trois seulement, arrivés à temps, parviennent à sembarquer pour lAngleterre. Les autres se dirigent alors vers Marseille, et trouvent refuge au scolasticat oblat de Notre-Dame des Lumières près dAvignon. La plupart des séminaristes y termineront leurs études et, après leur ordination, viendront grossir les rangs de la Mission catholique.
A Paris, le personnel de la P.M.K., avec le recteur Cegielka en tête, est donc resté à son poste. Ne sont également demeurés sur place que la banque Polska Kasa Opieki dirigée par Szymon Konarski, et le bureau de lOpieka Polska 7 rue Crillon mené par Irena Stokowska. Cest tout naturellement à ces institutions que sadressent les soldats polonais et tous ceux qui, démunis et pensant y trouver plus facilement de laide, affluent dans la capitale. Les maigres disponibilités de celles-ci rapidement épuisées, apparaît la nécessité de créer un organisme susceptible de collecter des fonds. Lingénieur Witold Kazimierz Wierzejski suggère alors à labbé Cegielka dutiliser à cette fin lorganisation Caritas déjà connue à Paris pour le soutien apporté aux Polonais dans le besoin 480 . Le 10 juillet 1940, le nouveau comité Caritas, dirigé par labbé Cegielka assisté de Wlodzimierz Kaczorowski, Szymon Konarski et Witold Kazimierz Wierzejski, définit les grandes lignes de son action. La priorité est de trouver largent nécessaire au bon fonctionnement du comité. Une subvention de 50 000 F. obtenue du Fonds Hoover, enregistré comme don anonyme à la fin du mois de juillet, va permettre la réalisation du programme 481 .
Aussitôt, une cuisine gratuite fonctionne au siège de la Mission, distribuant chaque jour jusquà quelques centaines de repas, sans réclamer de justification aux quémandeurs. Un mois plus tard, une seconde cuisine est ouverte au siège de lOpieka Polska. Simultanément, des aides financières individuelles sont distribuées sous la forme de dotations mensuelles fixes ou de subventions exceptionnelles pour couvrir des dépenses de santé. La distribution de vêtements est également poursuivie. Le comité prend aussi à sa charge le refuge pour Polonais de Neuilly, financé auparavant sur leurs ressources personnelles par Irena Fukier et une certaine Madame Moor, ainsi que ceux de la rue Crillon et de Levallois-Perret. Il finance encore un dispensaire de soins ouvert rue Crillon. Il sintéresse enfin au sort des ouvriers polonais sans emploi ; le problème est confié à W. Kaczorowski qui obtient, du ministère français du Travail, la reconnaissance, pour les ouvriers polonais ayant travaillé en France avant le 15 juin 1940, des mêmes droits aux allocations de chômage et à la recherche dun nouvel emploi que ceux des ouvriers français.
Ces activités multiples réclament des consultations régulières, au minimum une fois par semaine, entre les membres du comité directeur du Caritas qui se réunissent au siège de la Mission catholique polonaise. Toute laction menée par lorganisation Caritas, les démarches et ladministration quelle nécessite, les réunions, ainsi que lattitude ferme adoptée par le recteur Cegielka pendant la drôle de guerre, attirent évidemment lattention de la Gestapo sur la P.M.K. La police allemande effectue sept perquisitions au siège de la Mission, saccageant à chaque fois les locaux et emportant des archives, des dossiers, de la correspondance. Finalement, labbé Cegielka et S. Konarski sont arrêtés le 26 octobre 1940 482 ; Szymon Konarski sera libéré le 23 décembre ; le recteur Cegielka, après avoir été emprisonné à Paris, Trêves, Cologne, Hanovre et Berlin, sera déporté au camp de concentration de Sachsenhausen, puis à celui de Dachau. A leur place, entrent au Caritas Zygmunt Lissowski et labbé Czeslaw Wedzioch jusqualors responsable de la maison des Pallottins à Amiens qui, suite aux dispositions prises par labbé Cegielka 483 , assure simultanément la fonction de recteur de la Mission catholique polonaise. Enfin, le 10 février 1941, le comité directeur du Caritas au complet est enfermé à la prison de la Santé : labbé Wedzioch, labbé Antoni Szymanowski, W. Kaczorowski, S. Konarski, Z.Lissowski, et Romuald Rosinkiewicz qui, au début doctobre 1940, a remplacé W. K. Wierzejski parti en zone Sud pour chercher les subsides indispensables à lorganisation. Arrêtée à la même date, Irena Stokowska est enfermée à la prison du Cherche Midi. Libérées le 31 mai 1941, toutes ces personnes reprennent, mais cette fois de manière non officielle, leur action en faveur des Polonais ; et celle-ci saccomplit de plus en plus sous la seule étiquette de la Mission catholique polonaise, afin déviter aux laïcs de courir de trop grands risques.
Dautres arrestations vers la fin de lannée 1940 augmentent encore les difficultés dorganisation de la P.M.K. 484 . Fin octobre, labbé Bernard Pawlowski et le frère Ignacy Wszolek, tous les deux Pallottins en poste à Amiens, ainsi que labbé Alojzy Nosal, aumônier auxiliaire de Bruay-en-Artois, sont internés au camp de Saint-Maurice-aux-Riches-Hommes. Avec le départ juste antérieur de labbé Wedzioch pour le rectorat de la Mission à Paris, la maison pallottinne dAmiens est donc alors complètement abandonnée. Le 10 décembre, cest au tour de labbé Bronislaw Wiater, aumônier en charge de léglise polonaise de Paris, dêtre arrêté. Labbé Marian Krupinski, en poste à Wittenheim (Haut-Rhin), est également emprisonné mais à une date imprécise ; il est transféré au camp de Dachau le 20 juin 1941, où il meurt le 27 décembre de la même année 485 .
Quant aux associations polonaises, elles sont bien sûr interdites en zone occupée. Aussi, dès le mois de juin 1940, le Comité civique et lUnion des Polonais transfèrent leurs sièges à Lyon où, bientôt, le Comité civique est dissout pour ne pas donner prétexte à une intervention des autorités allemandes auprès du gouvernement de Vichy 486 . LUnion des Polonais, dirigée par Jozef Szymanowski et Piotr Kalinowski, prend alors seule en charge laction sociale et culturelle en faveur des immigrés polonais établis en zone Sud, et réactive ses antennes régionales de Saint-Étienne, Montceau-les-Mines, Toulouse, Alès et Commentry. Par contre, dans le Nord, même si la majorité de ses dirigeants est restée sur place, la structure de la fédération catholique est mise en veilleuse par la force des choses. En effet, les ordonnances allemandes du 28 août et du 12 novembre 1940, appliquées par les décrets du 12 février et du 16 avril 1941 487 , interdisent toutes les activités publiques ; seule la participation à des cérémonies religieuses à lintérieur des églises est tolérée.
--------------------------------------------------------------------------------
UN OBJECTIF : TENIR
--------------------------------------------------------------------------------
Lorganisation de la Mission catholique polonaise
Après la relative confusion dans les rangs de la Mission au cours de lété 1940, les arrestations de la fin de lannée 1940 et du début de lannée 1941, les efforts du recteur Wedzioch se concentrent sur la réorganisation de la P.M.K. Des changements daffectation sont décidés au gré des circonstances, les compétences et le terrain daction de certains aumôniers sont élargis 488 ; le but est que le maximum de postes existant avant guerre soit occupé. Vers la fin de lannée 1941, une certaine stabilité semble être retrouvée, la répartition des prêtres en contact avec le siège de Paris se présentant de la manière suivante 489 :
siège de la P.M.K. : 3 prêtres (les abbés Czeslaw Wedzioch recteur, Bernard Pawlowski secrétaire, Bronislaw Wiater aumônier de léglise, des hôpitaux et des camps).
doyenné de Paris : doyen : abbé Ludwik Makulec (Caen) ; 15 prêtres et 2 séminaristes.
5 aumôniers en poste : 1 à Amiens (pour le département de la Somme), à Caen (Calvados, Eure, Eure-et-Loir, Manche, Mayenne, Orne, Sarthe), à Cuts (Oise, Seine-Inférieure, Seine-et-Oise), à Reims (Marne, Ardennes, Aisne), à Troyes (Aube).
1 aumônier habitant chez des parents à Blecquencourt Senots (Oise).
3 aumôniers en charge de paroisses françaises : 1 à Argenteuil, au Blanc-Mesnil et à Gastins.
2 aumôniers dépendant de la curie épiscopale française : 1 à Houdainville et à Meaux.
4 prêtres assumant diverses tâches : abbé Wiktor Bieniasz supérieur des missionnaires polonais de saint Vincent de Paul à Courbevoie, abbé Feliks Brzoska aumônier de lInstitution Saint Casimir rue du Chevaleret à Paris, abbé Kazimierz Szarkiewicz aumônier des surs de Nazareth rue de Vaugirard à Paris, abbé Jan Tarczkowski desservant Dammarie-les-Lys, Melun, et Vésines Chalette dans le Loiret.
2 étudiants au séminaire des Missions du Saint Esprit à Chevilly près de LHaÿlesRoses (Seine).
doyenné du Nord : doyen : abbé Antoni Szewczyk (Barlin) ; 19 prêtres.
1 à Anzin, Auby, Barlin, Billy-Montigny, Bruay-en-Artois, Calonne-Ricouart, Dechy, Dourges, Harnes, Lens, Liévin, Mazingarbe, Montigny-en-Ostrevent, Nux-les-Mines, Oignies, Rouvroy, Sallaumines, Waziers et Wingles.
doyenné de lEst : plus de doyen ; 4 prêtres.
1 à Hayange, Mulhouse, Tucquegnieux et Wittelsheim.
doyenné du Sud : doyen : abbé Wladyslaw Mateuszek (Les Gautherets) ; 4 prêtres.
1 aux Baudras, au Creusot, aux Gautherets et à Montceau-les-Mines.
Le tableau ci-dessus montre bien que les doyennés de Paris et du Nord ont conservé leur potentiel davant-guerre ; dans le Nord, seuls les postes de Roubaix et de Valenciennes sont vacants au début de 1942. Par contre, le doyenné de lEst a vu ses effectifs chuter. Beaucoup de prêtres polonais ont dû en effet quitter les départements de lEst incorporés au Reich allemand, et se réfugier en zone libre ; la situation générale de la région et la surveillance constante par la police allemande y rendent même inutile la fonction de doyen. Le doyenné du Sud relevant de lautorité du rectorat de Paris est réduit pour sa part au territoire situé en zone occupée.
En zone libre, entre 20 et 30 prêtres polonais assurent la pastorale parmi les masses de réfugiés, civils ou militaires, et même parmi la population française 490 . Sy trouvent ceux déjà en poste dans la région au moment du déclenchement des hostilités, et tous ceux que les événements ont précipités là, en provenance de Pologne ou des départements français occupés 491 . Viennent aussi peu à peu grossir leurs rangs les séminaristes oblats de Notre-Dame des Lumières, au fur et à mesure de leur ordination à la fin de leurs études. Bien entendu, ces prêtres nont aucun contact avec le siège de la P.M.K. à Paris. A leur intention, le primat Hlond, réfugié à Lourdes depuis que les plans de guerre de Mussolini lont incité à quitter Rome, charge, en octobre 1940, labbé Wojciech Rogaczewski, ancien doyen de lEst, chassé de Metz et installé à Lyon, de créer et diriger un Centre pastoral polonais pour le Midi de la France. Labbé Rogaczewski sacquitte de la tâche avec son énergie coutumière et laide efficace des secrétaires successifs, labbé Jozef Luczak, puis les pères oblats Jozef Cieply et enfin Edward Olejnik.
Loccupation de la zone libre par les troupes allemandes en novembre 1942 et les événements dramatiques de lannée 1943 perturbent ce fragile dispositif. Le territoire français ayant retrouvé une certaine unité, lautorité de labbé Wedzioch sétend théoriquement de nouveau à toute la France. Dans la pratique, compte tenu des difficultés de communications entre les différentes régions, la répartition entre les deux centres de direction, la Mission catholique de Paris et le Centre pastoral de Lyon, est conservée. Mais la vague darrestations et de persécutions qui sabat sur les aumôniers en 1943, met en péril laction et lexistence même de la pastorale polonaise dans le Sud de la France 492 . Son chef, le doyen Rogaczewski, est grièvement blessé au cours dune tentative de fuite lors de son arrestation par la Gestapo en mai 1943 et, après des séjours dans les prisons de Montluc, Fresnes et Compiègne, envoyé au camp de concentration de Buchenwald. Dautres prêtres sont également arrêtés et déportés : les abbés Hipolit Grzadka, Czeslaw Krzyszkowski, Edmund Kalas. A Saint-Étienne, labbé Michal Babirecki est emprisonné le 8 novembre 1943, et libéré le 15 mars 1944. En Corse, labbé Feliks Bytonski est fusillé le 15 septembre 1943 à Guenza.
A la même époque, la situation des doyennés du Nord et de Paris est beaucoup plus calme. Seul le doyen Makulec, en poste à Caen, est obligé dentrer dans la clandestinité à la fin de février 1943. Dans lEst de la France par contre, deux nouvelles arrestations sont suivies de déportations, celles des abbés Teodor Makiela et Franciszek Bobrowski ; quant à labbé Pachciarz, en poste à Mulhouse en février 1942, il a certainement été contraint de se mettre en sûreté, son nom napparaissant plus dans la liste des aumôniers polonais en zone Nord de décembre 1943. Toutefois, le calme relatif régnant sur le territoire soumis à son autorité permet au recteur Wedzioch de procéder aux nominations nécessaires pour que les postes soient occupés, de prendre les mesures indispensables pour assurer la sécurité de certains prêtres. Il réussit même à convoquer une assemblée des prêtres, à Clamart le 7 avril 1943, en présence du cardinal Suhard 493 ; malheureusement, ni lordre du jour, ni le nombre de prêtres ayant pu répondre à la convocation ne sont connus.
Lapport des pères et des séminaristes oblats, réfugiés à Notre-Dame des Lumières et peu à peu engagés dans la pastorale, savère alors déterminant, au cours de lannée 1943, pour fournir des forces nouvelles à la Mission catholique. Rappelons quavant la guerre cinq Oblats sont déjà aumôniers dans les départements du Sud de la France, rejoints, au début de la guerre, par quatre pères qui sengagent comme aumôniers dans larmée polonaise en France, puis, en juin 1940, par 47 membres de la congrégation : 5 pères, 8 pères scolastiques, 31 frères scolastiques, et 3 frères coadjuteurs. De 1940 à 1943, les 8 pères scolastiques et 26 des frères scolastiques sont ordonnés prêtres. Ils sont incorporés à la province du Midi de la France de la congrégation, mais regroupés en cinq districts composés de quatre ou cinq pères polonais 494 . Chaque district assure la pastorale itinérante dans son territoire ; par exemple, celui dirigé par le père Jozef Kaminski soccupe des départements du Cher, de lIndre, de lAllier et de la Haute-Vienne. Seul le père Feliks Matyskiewicz sinstalle en poste fixe à La Ricamarie. Mais, à la suite des arrestations de 1943, le primat Hlond nomme le 21 juillet 1943 le père Karol Kubsz à la tête du Centre pastoral pour le Midi de la France transféré à Aix-les-Bains, en remplacement de labbé Rogaczewski, et demande à quelques pères de se rendre en zone Nord à la disposition du recteur Wedzioch. Cest ainsi que le père Jan Chwist occupe, au siège de la Mission à Paris, le poste de secrétaire et daumônier des hôpitaux, et que huit autres Oblats sont nommés dans les doyennés 495 :
doyenné de Paris : pères Herbert Paruzel à Couëron
Jozef Pakula à Reims
Jan Adamiec à Troyes ;
doyenné du Nord : pères Edward Olejnik à Bruay-en-Artois
Stanislaw Stefaniak à Nux-les-Mines 496
Jozef Lewicki à Sallaumines ;
doyenné de lEst : père Mikolaj Twardoch à Verdun ;
doyenné du Sud : père Albin Kasperkiewicz à MontceaulesMines.
Dautres pères quittent encore la France pour rejoindre larmée polonaise en Angleterre. Le nombre dOblats polonais en zone Sud a donc fortement baissé à la fin de 1943 ; et lun de leurs districts propres, celui dirigé par le père Marian Mroz, est alors dissout.
Ainsi, à la fin de 19432 497 0, la répartition des aumôniers dépendant de labbé Wedzioch confirme une certaine stabilité des effectifs et des sièges de la pastorale, les régions de Paris, du Nord et de Montceau-les-Mines étant convenablement desservies, alors que celle de lEst est quasiment abandonnée :
siège de la P.M.K. : 4 prêtres (abbés Czeslaw Wedzioch recteur, Bernard Pawlowski secrétaire général et vice-doyen du doyenné de Paris, Jan Chwist secrétaire et aumônier des hôpitaux, Wlodzimierz Zimolag aumônier de léglise, des hôpitaux et des camps).
doyenné de Paris : doyen : abbé Ludwik Makulec (Caen, dans la clandestinité depuis le 25 février 1943), abbé Bernard Pawlowski (Paris, doyen par intérim) ; 16 prêtres et 2 séminaristes.
7 aumôniers en poste : 2 à Amiens et Reims, 1 à Caen (abbé Szczepan Krzoska en remplacement de labbé Makulec), Couëron et Troyes.
2 aumôniers dépendant de la curie épiscopale française : 1 à Houdainville et à Meaux.
4 prêtres dans des collèges : 1 à Lisieux (desservant la colonie polonaise de Dives-sur-Mer), 3 au petit séminaire des Pallottins à Chevilly dans le Loiret 498 (desservant les départements suivants : Loiret, Yonne, Côte dOr, Loir-et-Cher, Charente, Deux-Sèvres, Vienne, Indre-et-Loire, une partie de lOise, de la Seine-et-Oise, de la Seine-et-Marne).
3 prêtres assurant diverses tâches : abbés Bieniasz, Brzozka, Szarkiewicz.
2 étudiants au séminaire des Missions du Saint Esprit à Chevilly dans la Seine.
doyenné du Nord : doyen : abbé Antoni Szewczyk (Bruay-en-Artois) ; 24 prêtres.
3 à Bruay-en-Artois, 2 à Nux-les-Mines et Sallaumines, 1 à Anzin, Auby, Barlin, BillyMontigny, Calonne-Ricouart, Dechy, Dourges, Harnes, Lens, Liévin, Mazingarbe, Montigny-en-Ostrevent, Oignies, Roubaix, Rouvroy, Waziers et Wingles.
doyenné de lEst : 3 prêtres.
1 à Longwy, Tucquegnieux et Verdun.
doyenné du Sud : doyen : abbé Wladyslaw Mateuszek (Les Gautherets) ; 5 prêtres.
1 aux Baudras, au Creusot et aux Gautherets, 2 à Montceau-les-Mines.
--------------------------------------------------------------------------------
Le travail pastoral
La tâche principale des prêtres consiste évidemment à assurer le service religieux auprès des fidèles dont ils ont la charge. De ce point de vue, les aumôniers polonais, quils soient en poste fixe ou itinérants, sefforcent de remplir leur mission du mieux quils peuvent. Pèlerinages, retraites et missions locales sont même maintenus, lorsque les conditions le permettent 499 . La pastorale itinérante est particulièrement éprouvante pour les missionnaires. Par exemple2 500 3, le trajet parcouru par labbé Wiater, vers la fin de lannée 1941 et le début de 1942, est assez impressionnant : parti de Paris en novembre 1941, il sillonne la région de Blois et dOrléans, puis le département de la Côte-dOr, se rend aux Baudras, rentre à Paris pour repartir presque aussitôt en Bretagne. Celui de labbé Toczylowski à la même époque, basé à Cuts et desservant les départements de lOise, Seine-et-Oise, Seine-Inférieure, jusquà la ville de Couëron en Loire-Inférieure, est tout aussi éloquent. De même, labbé Unszlicht ou labbé Molin poursuivent toujours leurs tournées dans les zones rurales des diocèses dAmiens , Beauvais, Troyes, Versailles ; dans sa thèse, labbé Barton donne un extrait du programme des visites réalisées en 1941, 1942 et 1943, et les attribue à labbé Unszlicht 501 . Mais le nom de labbé Unszlicht napparaît pas sur les listes du Rectorat de la Mission catholique polonaise à cette époque, seul figure le nom de son compagnon de mission, labbé Molin ; en effet, après la promulgation du statut des Juifs en octobre 1940, à cause de ses origines juives, bien que prêtre catholique, labbé Unszlicht a dû se cacher à Tours 502 . Il faut donc vraisemblablement attribuer à labbé Molin la réalisation de ces tournées missionnaires.
En zone Sud, les prêtres doivent répondre à la demande supplémentaire formulée par les différents camps ou regroupements de réfugiés. Toutes les forces polonaises capables de poursuivre la guerre nont pu être transférées en Angleterre au moment de la débâcle de mai 1940 503 . Les personnes restées en France se réfugient pour la plupart en zone libre, où des institutions polonaises reconnues par le régime de Vichy les prennent en charge. Déjà, au moment de lévacuation vers lAngleterre, le gouvernement polonais décide, le 17 juin 1940 à Libourne 504 , la création de la Croix Rouge polonaise (Polski Czerwony Krzyz P.C.K.) munie de fonds adéquats pour assurer la protection des nombreux Polonais qui inévitablement ne pourront pas quitter la France. Le 20 janvier 1941, le P.C.K. est officiellement reconnu ; la centrale, dirigée par Feliks Chiczewski, a son siège à Vichy même, et le territoire de la zone Sud est divisé en six districts : Périgueux, Lyon, Grenoble, Marseille, Perpignan et Toulouse 505 . Les responsables du P.C.K. sont principalement des fonctionnaires, de la haute administration publique polonaise ou des consulats, restés en France dans cette intention. LUnion des Polonais en France collabore très tôt avec le P.C.K., le secrétaire général de lUnion Piotr Kalinowski en assurant la vice-présidence. La tâche principale de la Croix Rouge polonaise en France est daider les civils privés de ressources, les enfants, les femmes avec des enfants à charge et séparées de leurs maris, les familles avec de petits enfants, la jeunesse, les étudiants, les anciens combattants. A cet effet, la location dhôtels et de pensions permet douvrir des refuges baptisés maisons du P.C.K. en France (domy P.C.K. we Francji). Par contre, les familles de limmigration ouvrière sont souvent regroupées dans des camps constitués de baraquements en bois insalubres 506 ; la préoccupation majeure de lUnion des Polonais est donc de procéder, le plus rapidement possible, à la liquidation de ces camps, en procurant du travail à leurs pensionnaires dans lindustrie ou lagriculture. Mais dès lété de la même année 1941, le P.C.K. est dissout par les autorités françaises. Cette liquidation se résume toutefois en un simple changement de dénomination linstitution sappelle désormais Groupement dAssistance aux Polonais en France (Towarzystwo Opieki nad Polakami we Francji T.O.P.F.) autorisé le 17 août 1941 sous le contrôle permanent dun délégué désigné par arrêté du ministre secrétaire dÉtat à lIntérieur , et en le remplacement de Chiczewski par le professeur Zaleski puis, après larrestation de celui-ci, par Jozef Jakubowski 507 . Pour le reste, rien ne change ; la structure reste analogue à celle du P.C.K. Le siège se situe non plus à Vichy mais à Romans, et le territoire reste couvert dun réseau de délégations régionales : Marseille, Montpellier, Toulouse, Tarbes, Brive, Vichy, Lyon, Grenoble et Nîmes à partir du 1-er octobre, et en plus Perpignan et Bagnères de Bigorre à partir de novembre. Le T.O.P.F. assure donc la succession pleine et entière de la Croix Rouge polonaise.
Les militaires polonais non évacués vers lAngleterre bénéficient aussi de la protection sociale assurée par le P.C.K. puis le T.O.P.F., mais sont regroupés dans des compagnies de travail appelées Groupes de Travailleurs Étrangers (G.T.E.) 508 . Cette façon de régler le sort de quelques milliers de militaires satisfait à la fois ladministration de Vichy et le gouvernement polonais. Ce dernier y voit notamment une couverture légale pour regrouper des militaires polonais dans des centres officiellement organisés par les autorités françaises afin de, soit les garder en disponibilité pour la future armée polonaise, soit les faire passer en Angleterre, tout au moins les spécialistes indispensables aux unités des Forces polonaises en Occident. Pendant la durée de la guerre, le nombre de ces compagnies sélève en moyenne à 15. Le commandement du côté polonais en est assuré par un officier nommé interprète général : le général Juliusz Kleeberg jusquà son évacuation vers Londres en mai 1943, puis le colonel Jozef Jaklicz et enfin, à partir de mai 1944, le colonel Kazimierz Gaberle.
Ces organisations, P.C.K. puis T.O.P.F., et G.T.E., bénéficient encore du soutien dun réseau administratif mis en place par les autorités de Vichy à lintention des Polonais. Dès le mois de juillet 1940, le gouvernement français réclame le retour des postes diplomatiques et consulaires polonais réfugiés au Portugal. La Pologne dispose ainsi, sur le territoire de la zone libre, de représentations officielles. Cette situation dure jusquen octobre 1940, lorsque la pression allemande oblige Vichy à liquider les postes diplomatiques des pays en guerre avec le Reich. Un accord entre Français et Polonais aboutit alors à la création de Bureaux polonais en remplacement des consulats, le rôle dambassade étant dévolu à la Direction générale des Bureaux polonais menée par Stanislaw Zabiello 509 . Une nouvelle fois, en octobre 1941, une intervention allemande provoque la liquidation de ces Bureaux, en fait leur intégration dans la structure du ministère français des Affaires étrangères, sous la dénomination dOffices polonais dirigés par des fonctionnaires français mais dont le personnel reste polonais. Stanislaw Zabiello, chassé de Vichy, ouvre à Châtelguyon une Direction des Offices polonais, cette fois non reconnue officiellement. Le rôle principal de S. Zabiello puis de son successeur, Tytus Komarnicki, consiste en réalité à gérer et partager les fonds en provenance de Londres entre les différentes institutions polonaises, civiles ou militaires, légales ou secrètes, opérant en France.
Évidemment, loccupation de la zone libre par larmée allemande en novembre 1942 modifie radicalement la situation de toutes ces organisations. Travaillant dans la légalité ou, pour le moins, grâce à la tolérance des autorités de Vichy, leurs chefs sont des proies faciles, et tombent sous le coup darrestations ou sont contraints de se réfugier en Angleterre ou en Suisse. Néanmoins, des successeurs sont désignés, les réseaux reformés ; et les activités sont poursuivies, avec maintenant plus de prudence et parfois dans le plus grand secret.
Les prêtres polonais sont donc sollicités pour apporter lassistance religieuse dans toutes les maisons de la Croix Rouge polonaise en France, les refuges, les centres daccueil et dhébergement du Groupement dAssistance aux Polonais en France ou des Groupes de Travailleurs étrangers ; et Stanislaw Zabiello recommande régulièrement aux responsables des bureaux régionaux une prise de contacts avec le Centre pastoral de Lyon, ainsi quune collaboration étroite avec les aumôniers en charge des différents centres 510 . Les Oblats en particulier sont mis à contribution pour assurer la pastorale dans les centres de réfugiés ou les camps de militaires 511 . Et bien souvent, les aumôniers animent aussi la vie culturelle des centres dont ils ont la responsabilité, ce qui permet sans doute de conforter le moral des réfugiés 512 . Le philosophe abbé Jakubisiak est pour sa part lun des rares à animer la vie intellectuelle du centre ouvert à Grenoble pour lintelligentsia polonaise restée en France 513 .
Au niveau de la vie associative, la séparation entre les zones Nord et Sud est également très nette. Alors que le Nord de la France, lEst, la région parisienne et le district de Montceau-les-Mines se sont couverts, jusquen 1939, dun réseau de sociétés catholiques qui leur ont conféré une vie religieuse plutôt dynamique et animée, toute activité de ces sociétés, toute manifestation publique y sont désormais interdites. Seuls sont tolérés les rassemblements à lintérieur des églises pour les offices. Divers témoignages attestent que les aumôniers polonais exploitent souvent cette tolérance pour rassembler, sous couvert de cérémonies à léglise, des groupes denfants, de jeunes ou même dadultes, ainsi que les chorales paroissiales, et perpétuer en quelque sorte de cette façon lexistence des associations catholiques spécialisées 514 . Certains, comme labbé Wahrol à Waziers 515 , sefforcent de célébrer la première communion des enfants, manifestation tolérée rassemblant beaucoup denfants et par conséquent de nombreuses familles, le dimanche le plus proche de la fête nationale polonaise du 3 Mai. La solennité de la cérémonie et quelques paroles habilement prononcées par le prêtre permettent en même temps de ranimer la flamme patriotique des fidèles. Les Confréries du Rosaire, dont beaucoup de réunions se font dans les églises, ont connu le plus de facilité pour maintenir localement une forme plus ou moins autorisée dactivité. Pour la jeunesse du K.S.M.P., la difficulté est bien plus grande ; cest donc principalement à son intention que sont développées les chorales paroissiales, afin de la maintenir rassemblée et cultiver sa fidélité aux idéaux catholiques et nationaux. Les sociétés masculines sont souvent à la base de comités paroissiaux chargés de laction caritative, de lorganisation des processions et des pèlerinages. Mais il sagit exclusivement dinitiatives locales impulsées par lénergie de laumônier ou de quelques responsables à lautorité reconnue dans la colonie ; il ny a plus dassemblées générales, ni de manifestations concertées au niveau des districts de quelque organisation que ce soit, et encore moins au niveau du territoire de la zone Nord 516 .
La situation en zone Sud se présente différemment ; en effet, tout au moins jusquen novembre 1942, lactivité associative religieuse ny connaît pratiquement pas de limitation. Les sociétés catholiques polonaises y sont donc florissantes, surtout dans le bassin stéphanois ; dans les autres parties de la zone libre, même en 1939, le groupement catholique nétait pas fortement implanté. Dans la région de Saint-Étienne, lattrait pour les associations catholiques est telle que, sous limpulsion des aumôniers locaux, les abbés Babirecki, Gielec et Knapik, de nouvelles sociétés voient le jour en 1941, 1942 et même 1943 :
sur le territoire de Saint-Étienne relevant de labbé Babirecki :
section féminine du K.S.M.P. au Soleil Marais en mai 1941,
sections masculine et féminine du K.S.M.P. à La Talaudière en 1942,
confrérie du Rosaire à Villard en février 1943,
confrérie du Rosaire à SaintEnnemond en mai 1943,
association des Enfants de Marie au Soleil Marais en mai 1943 ;
sur le territoire de Beaulieu Roche la Molière dépendant de labbé Knapik :
section féminine du K.S.M.P. à Beaulieu en novembre 1941,
section masculine du K.S.M.P. à Beaulieu réactivée en 1942 ;
sur le territoire de La Ricamarie desservi, jusque vers le milieu de 1942 probablement, par labbé Gielec :
association des enfants Les Croisés de Jésus réactivée en 1941,
section masculine du K.S.M.P. en mai 1942.
Cest donc en direction des enfants et de la jeunesse que se portent principalement les efforts. Ce sont eux qui doivent assurer lavenir du groupement catholique ; et il est légitime et naturel, pour les prêtres et les dirigeants catholiques polonais, de les entourer dun maximum dattention.
Dans le même esprit de protection de la jeunesse polonaise, les Pallottins reprennent en 1942 1943 leur idée de création dun établissement denseignement secondaire, quils navaient pu concrétiser à Amiens en 1939 1940 du fait de la guerre. A la fin de lannée 1942, les abbés Wedzioch et Wiater prennent linitiative de créer un poste à Orléans, au numéro 12 de la rue Sainte Anne, dans le double but dassurer une base pour la pastorale itinérante destinée aux Polonais disséminés dans la région, et douvrir une école pour les jeunes Polonais susceptible déveiller des vocations sacerdotales parmi eux 517 . Lidée reçoit lapprobation de lévêque dOrléans, Mgr Courroux. Mais la prise de contact avec des îlots polonais répartis dans douze départements mobilise dabord toute lénergie. Ce nest quen juillet 1943 quun bâtiment adéquat est trouvé à Chevilly, situé à une vingtaine de kilomètres dOrléans. Lété se passe à obtenir les accords nécessaires de lAcadémie dOrléans, restaurer les locaux, et informer les aumôniers et la population de louverture prochaine de létablissement. Un immense effort pour surmonter toutes les difficultés est accompli par le directeur, labbé Bronislaw Wiater, secondé bientôt par labbé Juljan Zblewski rappelé de son poste aux Baudras, et par labbé Alojzy Misiak après la fin de ses études à lInstitut catholique de Paris.
Lannée scolaire 19431944 voit donc la naissance du collège de Notre Dame des Apôtres (Kolegium Krolowej Apostolow), sans que les autorités allemandes doccupation en soient averties. Trente sept élèves, pour la plupart originaires du Nord de la France, y suivent, dans une atmosphère patriotique enflammée, le programme des études classiques du ministère français de lÉducation nationale. Le débarquement allié en Normandie oblige les élèves à passer les vacances dété à Chevilly. La rentrée scolaire de 1944, effectuée en octobre, est loccasion dune manifestation à laquelle participent des délégués de diverses institutions sociales et politiques polonaises, et note larrivée de 70 élèves.
Il faut enfin souligner la difficulté supplémentaire occasionnée, dans le travail pastoral, par la quasi-disparition de toute presse religieuse pendant la durée de la guerre. Seuls deux journaux catholiques, Le Service (Sluzba) et Le Bulletin catholique (Biuletyn Katolicki), paraissent en zone libre, du printemps 1941 jusquen novembre 1942 518 . Le Service, mensuel dirigé par lécrivain Maria Winowska, destiné à lintelligentsia catholique, bénéficie de lappui du primat Hlond, qui collabore régulièrement à sa rédaction sous un pseudonyme. Imprimé à Toulouse à la ronéo, son tirage atteint quelques centaines dexemplaires, et sa diffusion sétend même à la France occupée, certains numéros parvenant aussi à Madrid et Londres. A côté darticles religieux ou moraux, le journal présente également la situation des réfugiés polonais en France et celle de la Pologne. Le maintien du mensuel est assuré par laide morale et matérielle apportée par larchevêque de Toulouse, Mgr Saliège, et le recteur de lInstitut catholique de Toulouse, Mgr Bruno de Solages. Larrestation de la rédactrice en chef par la Gestapo, à la fin de 1942, met fin au journal.
Le Bulletin catholique est également un mensuel, imprimé à la ronéo à partir de décembre 1941. La composition de la rédaction, le lieu dimpression et le tirage sont inconnus. De format dun cahier de vingt pages environ, son contenu rend compte de lactivité des cercles détudes religieuses existant dans de nombreux centres daccueil pour réfugiés polonais de la région lyonnaise. Sa rédaction collabore avec la section déducation religieuse auprès du Centre pastoral polonais pour la zone libre. Tout ceci laisse à penser que le journal était basé dans la région de Lyon.
A Lille en 1943 et 1944, paraît encore une petite brochure de quatre pages en polonais, intitulée Notre Écho (Nasze Echo). Éditée par labbé Henri Desmettre, chargé dune aumônerie des Polonais du diocèse de Lille, avec le concours de labbé Alojzy Nosal, elle est destinée aux Polonais travaillant à la campagne, privés de services religieux réguliers. Son tirage atteint 2 000 exemplaires. Aucun renseignement supplémentaire na pu être obtenu à son sujet 519 .
Les Oblats font aussi revivre, à Notre-Dame des Lumières, le périodique du scolasticat oblat polonais dObra, Le Visiteur dObra (Gosc z Obry). Mais il ne sagit que dune tentative limitée dans le temps, composée de feuilles polycopiées pour servir de liaison entre les Pères polonais dispersés et rompre leur isolement. Ils rédigent également un livre de chants religieux (Spiewnik Koscielny) et un catéchisme, publiés par le Centre pastoral polonais de Lyon 520 . En 1942 à Nice, Wanda Lada compose aussi un livre de prières, Suivons Le (Pojdzmy za Nim), muni dune belle préface du cardinal Hlond, dans laquelle le Primat exhorte les émigrés polonais à réciter les prières de la Nation, à sunir au pays « où la prière est un devoir envers Dieu et envers la patrie » 521 .
--------------------------------------------------------------------------------
UN CAS DOULOUREUX : LOPPOSITION DES CLERGES A OIGNIES OSTRICOURT
Nous avons vu que, pendant la période de lentredeuxguerres, les relations entre les clergés français et polonais dépendaient essentiellement, sur le plan local, de la bonne volonté réciproque des uns et des autres. Ainsi, à côté dexemples de collaboration harmonieuse, les archives fourmillent de rapports sur les sujets de discorde, les vexations réciproques. Elles ont sans doute une tendance manifeste à conserver ce type de documents ; en effet, lorsque rien ne vient perturber la bonne entente mutuelle, la mention, si elle existe, en est faite généralement de manière très laconique. Néanmoins, lexistence de ces rapports négatifs témoigne indéniablement dun état réel.
Les défaites militaires de la Pologne et de la France en 1939 et 1940, loccupation de la France par larmée ennemie, auraient dû aplanir les tensions existantes, et permettre lémergence dune solidarité profonde entre les deux clergés pour affronter les difficultés du moment. Cela a certainement été le cas quasiment partout ; et lon se souvient quentre septembre 1939 et mai 1940, nombre de cérémonies, doffices solennels ont rassemblé les clergés et les fidèles des deux nationalités. Un cas probablement isolé fait exception, où létat de guerre na en rien modifié lacharnement des prêtres des deux camps à défendre leurs prérogatives, leurs attributions, voire à empiéter sur celles du confrère ; il sagit des paroisses situées sur le territoire de la Compagnie des Mines dOstricourt.
Étendue sur près de 2 300 hectares dans les villages de Carvin, EvinMalmaison, Libercourt, Oignies et Ostricourt, celle-ci compte sept paroisses : Ste Barbe, St Druon, St Martin et St Estevelle à Carvin, NotreDame à Libercourt, St Barthélémy à Oignies, St Vaast à Ostricourt et, en plus, la chapelle St Joseph dans le secteur de la fosse 1 desservie principalement par laumônier polonais. Mais les travailleurs polonais sont disséminés un peu partout dans les cités bâties autour des puits de mine. En outre, du point de vue du droit ecclésiastique, deux juridictions cohabitent sur le territoire en question : lévêché dArras régit en effet les paroisses des communes du Pas-de-Calais ( Carvin, Libercourt et Oignies) alors que celui de Lille gouverne la paroisse dOstricourt située dans le département du Nord.
Dabord citée en exemple pour sa sollicitude à légard des immigrés polonais, son engagement en faveur dun important encadrement scolaire et religieux de sa main-duvre polonaise, la Compagnie dOstricourt a été le théâtre, en 1927, de problèmes de compétence entre les aumôniers polonais et les curés français, auxquels laccord doctobre 1927, promulgué par le vicaire général Guillemant, mit fin provisoirement en octroyant aux Polonais une large autonomie. Mais lérection, le 1-er octobre 1931, de la chapelle St Jacques en paroisse indépendante par ordonnance spéciale du cardinal Liénart évêque de Lille 522 , est vite interprétée par les immigrés polonais comme une tentative dassimilation religieuse de la part des Français. A la place de la chapelle provisoire, une belle église dédiée à St Jacques est bâtie sur le territoire de la commune dOstricourt (Nord), au beau milieu des cités habitées en majorité par les ouvriers polonais travaillant à la fosse 1 et dont la charge pastorale est assurée par laumônier polonais de la chapelle St Joseph qui, elle, se situe sur le territoire dOignies (Pas-de-Calais) à quelques centaines de mètres des cités dOstricourt. Comme, selon le droit canonique, il ne peut exister de paroisse dans une paroisse, un nouveau problème de compétence, et de taille, se pose donc avec la création de la nouvelle paroisse St Jacques : tous les Polonais des cités dOstricourt doivent désormais se tourner, pour tous les actes de la vie religieuse, vers le curé de St Jacques ; lappel à laumônier polonais ne peut se faire quavec laccord de ce dernier. Toutefois, jusquen 1940, cet état de choses ne provoque aucun désagrément majeur pour la colonie polonaise de la concession minière, laumônier polonais, labbé Chodura arrivé en 1934, sachant régler les problèmes avec tact et diplomatie 523 ; et les Polonais peuvent toujours avoir recours aux services de laumônier et de ses deux vicaires, les abbés Handzel et Lapinski.
La situation change complètement à partir du milieu de lannée 1940. Lassassinat de labbé Chodura, lexpulsion des religieuses polonaises, la limitation des compétences attribuées à un seul aumônier pour une vaste colonie, vont provoquer une détérioration graduelle et irréversible des conditions de la vie religieuse des Polonais de la concession. Après un intérim de labbé Wahrol, qui vient de Waziers assurer les offices principaux, labbé Mieczyslaw Przybysz, ancien du séminaire diocésain dArras, est nommé à Oignies le 10 août 1940, avec la consigne écrite donnée par Mgr Dutoit, évêque dArras, « de laisser aux prêtres des paroisses le soin de faire les baptêmes, mariages et enterrements » 524 . Ces dispositions ne satisfont guère les Polonais habitués jusquici, grâce à une interprétation assez large du règlement de 1924, à sadresser à leur curé de la chapelle St Joseph. Mais un texte du 16 septembre 1940 précisant les fonctions de Mr labbé Przybysz et signé par le vicaire général Maréchal, puis une lettre confidentielle du 23 septembre adressé à laumônier polonais par lévêque Dutoit, viennent les confirmer. De plus, le texte du 16 septembre nautorise laumônier à enseigner le catéchisme quaux enfants des écoles de la fosse 1 525 .
Il est évident que la stricte application de ces instructions soulèverait lantagonisme entre les prêtres français et polonais, la désapprobation dune grande partie de la population polonaise de la concession des Mines dOstricourt, dautant plus quelle est disséminée sur tout le territoire de la concession et que le secteur de la fosse 1 est en fait celui où elle est la moins nombreuse. Les sujets de discorde se multiplient, et de la fin août à novembre 1941, les évêchés dArras et de Lille sont submergés de plaintes émanant des curés des paroisses françaises et de laumônier polonais, qui se rejettent mutuellement la responsabilité des fréquents incidents 526 . Face aux demandes des familles polonaises, les prêtres français se retranchent derrière les ordres de leurs évêques ; laumônier polonais leur reproche un manque de souplesse lié à lespoir denglober toute la population polonaise au sein de la paroisse française. La situation devient tellement envenimée quune réunion entre les curés de Libercourt, Oignies, Carvin Ste Barbe, Ostricourt St Jacques, et laumônier est convoquée le 21 novembre 1941 au presbytère dOignies sous la présidence du vicaire général Maréchal.
La première question à lordre du jour est celle des catéchismes et des communions. La discussion devient houleuse. A la demande dexpliquer aux Polonais la nécessité de faire suivre les catéchismes par leurs enfants dans les paroisses, labbé Przybysz répond que sa nationalité len empêche. Le vicaire général semporte alors et lui fait remarquer quil est prêtre avant dêtre Polonais. La réplique de laumônier « Jétais Polonais avant dêtre prêtre » résume bien toute la difficulté de sa situation, de sa mission pastorale en milieu étranger. Elle a en tout cas comme conséquence de faire passer lorage et adopter un texte beaucoup plus nuancé sur le statut religieux des Polonais dans les Mines dOstricourt, promulgué par le vicaire général Maréchal le 30 novembre 1941. Laumônier doit favoriser létude du catéchisme en français par tous les enfants polonais, mais il peut leur apprendre les prières et les chants religieux en polonais, et même donner des cours supplémentaires de catéchisme en polonais aux enfants dont les parents le demanderaient. Dans le secteur de la fosse 1, où se dresse la chapelle St Joseph quil dessert, il remplit les fonctions dun curé. Ailleurs, il peut assister aux baptêmes, mariages et enterrements, uniquement à la demande des familles et toujours en accord avec le curé de la paroisse intéressée. Si lintercession des familles polonaises nest pas difficile à obtenir voire à suggérer, recevoir laccord du curé français est chose bien plus délicate. Par contre, lévêque de Lille maintient lexigence que tous les enfants de la paroisse St Jacques assistent aux catéchismes paroissiaux. Comme lécrit labbé Douay dans son rapport sur la réunion du 21 novembre 527 , « ce sera un imbroglio plus grand que jamais ».
Et en effet, l année 1942 voit les querelles se multiplier et, dans les chancelleries des évêchés dArras et de Lille, les plaintes des uns et des autres continuent daffluer. Même la direction de la Compagnie des Mines dOstricourt se mêle de laffaire, menaçant « de se désintéresser des moyens dexistence et même de solliciter le rappel » du prêtre qui « sous prétexte de nationalisme, continue malgré de multiples avertissements à être un fauteur de désordre » 528 . Le seul fautif est donc laumônier polonais ; la menace est sérieuse et, le 4 septembre 1942, les abbés Przybysz et Glapiak séchangent mutuellement leurs fonctions à Oignies-Ostricourt et à Lens. Labbé Jan Glapiak est le premier fils de limmigration polonaise à avoir été ordonné prêtre après des études dans un séminaire français ; on attend de lui une attitude plus soumise à légard de son ordinaire, lévêque dArras.
Dès son arrivée, invité par la direction des mines à présider les funérailles dun contremaître mort accidentellement à la mine, labbé Glapiak se heurte au refus de son collègue de la paroisse St Jacques. Un autre refus est opposé à sa demande dentente avec le même curé français pour assurer le service religieux des Polonais de cette même paroisse. Labbé Glapiak adresse donc, le 13 novembre 1942, un mémorandum à Mgr Dutoit, dans lequel il qualifie la situation d « abominable, déplorable et intolérable », et demande lintervention de lévêque pour améliorer la vie religieuse des Polonais de la concession minière 529 . Une nouvelle réunion pour la mise au point des relations de laumônier polonais avec les paroisses voisines a donc lieu le 16 mars 1943 chez le doyen de Carvin. Mais dune part, rien nindique que laumônier ait participé à cette réunion et donc ait pu faire état de ses observations, dautre part, le texte de référence utilisé au cours de la discussion est le règlement du 30 novembre 1941, plus restrictif cependant que celui de 1924. Il en résulte un nouveau règlement, commun aux deux évêchés, rédigé et signé par lévêque dArras, Mgr Dutoit, le 7 avril 1943, contresigné par lévêque de Lille, le cardinal Liénart, le 12 avril, comprenant 17 articles qui entérinent les dispositions de 1941. Celles-ci sont loin des possibilités accordées par le règlement de 1924, que les aumôniers successifs desservant la chapelle St Joseph avaient su exploiter jusquen 1940. Rien détonnant que le mécontentement aille grandissant, notamment chez les Polonais dépendant de la paroisse St Jacques mais habitant à la limite du secteur de la chapelle, et que les rapports entre le prêtre polonais et ses collègues français demeurent, au cours de la seconde moitié de 1943 et tout au long de lannée 1944, particulièrement tendus.
Tout sest passé comme si lÉglise française avait estimé que les ouvriers polonais, après une vingtaine dannées de séjour en France, étaient prêts à sintégrer à la paroisse française. Nest pas pris en compte le fait que la guerre et loccupation du pays natal ont ravivé, chez nombre de Polonais, le sentiment patriotique. Or, en cette période de guerre, pour les mineurs polonais de la concession dOstricourt, la chapelle St Joseph constitue le seul endroit public où ce sentiment peut sexprimer. De plus, si la tentative dincorporer les Polonais dans les paroisses françaises éloignées du secteur de la chapelle a peut-être des chances daboutir avec de la patience et de la persévérance, les Polonais des cités dOstricourt limitrophes de la chapelle St Joseph ont bien du mal à comprendre linterdiction de recourir aux services de laumônier polonais, quune trop grande rigidité des règlements leur impose. Enfin, ce qui est difficilement concevable, cest que toutes ces querelles se déroulent alors que la situation est grave, que le pays est occupé et fermement surveillé par une armée ennemie. Cette seule raison aurait dû suffire pour que lunion entre les communautés et leurs clergés soit plus forte encore, et quun terrain dentente soit aisément trouvé pour régler les éventuels problèmes de compétences. On reste confondu quil nen ait rien été, que la discorde se soit installée et développée de 1941 à 1944 ; et laffaire est loin dêtre terminée. Les curés français, aveuglés peut-être par le sentiment dêtre en conformité avec le droit de lÉglise, nont pas su réviser leur position en attendant des circonstances plus favorables. Quant aux Polonais, tout au moins ceux regroupés derrière laumônier, ils se sont sentis agressés par les séries de dispositions visant à limiter leur accès à une pratique religieuse en langue maternelle ; compte tenu des liens étroits, chez les Polonais, entre ferveur religieuse et sentiment patriotique, il nen fallait pas plus pour quils adoptent une attitude intransigeante.
--------------------------------------------------------------------------------
AU CUR DE LACTION MILITAIRE
--------------------------------------------------------------------------------
Dans la résistance
Dès la fin des opérations militaires sur le sol français, les prêtres polonais adoptent une attitude dopposition envers loccupant allemand, sengageant dans des actions de défense contre les répressions allemandes. La première consiste à aider au passage vers lAngleterre de soldats polonais ; la position daumôniers dans les centres de regroupement, les Groupes de Travailleurs étrangers, leur facilite évidemment le contact avec les militaires. Rapidement, la relative liberté de circulation dont ils bénéficient les amène à jouer le rôle de courriers. Lun des premiers à acheminer des informations entre les zones libre et occupée est certainement le père oblat Feliks Rozynek 530 . Un autre prêtre, labbé Eugeniusz Hlibowicki, alpiniste confirmé, franchit régulièrement la frontière franco-suisse, porteur de documents pour le gouvernement polonais de Londres. Labbé Hlibowicki termine ses études de séminaire en France, où il sest réfugié après un séjour en Italie ; ordonné prêtre à Lourdes le 1-er septembre 1940, on lui confie un poste à Grenoble avec la charge daumônier de la jeunesse étudiante. Il entre rapidement en contact avec la résistance, pour laquelle il transporte en Suisse des messages pour Londres, devenant bientôt un informateur apprécié du Ministère polonais de la Défense nationale. En 1944, il franchit les Pyrénées et, par lEspagne et Gibraltar, gagne lAngleterre où il devient aumônier dans la marine 531 .
La propagande, la diffusion dinformations clandestines, sont également des domaines où les prêtres polonais ont rendu de grands services. Les presbytères servent facilement de dépôt ; et leurs contacts avec la population, par lintermédiaire des responsables catholiques locaux, permettent de diffuser les tracts et journaux clandestins. Cest en transportant la brochure intitulée Défi, publiée dans la série des Cahiers du Témoignage chrétien du père Chaillet, dans laquelle le primat Hlond dresse un état des persécutions de lÉglise en Pologne 532 , quest arrêté labbé Edmund Kalas de la congrégation de la Sainte Famille. Aumônier à Rosières, labbé Kalas est un courrier particulièrement intrépide de lorganisation Visigoths Lorraine. Déporté à Mauthausen le 22 avril 1943, il y meurt le 7 juin, lapidé pour avoir défendu un prisonnier torturé 533 .
Certes, les prêtres et linstitution catholique en tant que telle, de par leur statut, ne peuvent pas se transformer en groupe de lutte armée 534 ; mais ils nhésitent pas à sengager dans le colportage de la presse clandestine, la transmission de renseignements, lorganisation de réunions, à guider les émissaires clandestins et cacher les responsables de laction secrète. Toute cette activité se fait essentiellement dans le cadre de lOrganisation polonaise de Lutte pour lIndépendance (P.O.W.N.) dépendant du gouvernement polonais en exil à Londres. Beaucoup, à des degrés divers, sy engagent, comme les abbés Berk, Cieply, Felich, Makulec, Mateuszek, Pszczolinski, Stefaniak (de Dourges), et nombre de militants catholiques. Certains nhésitent pas à courir de grands risques, comme labbé Wiktor Bieniasz, supérieur des Lazaristes polonais en France, qui installe dans sa résidence de Courbevoie un poste émetteur, ou comme labbé Waclaw Knapik spécialisé dans le transport des armes et des agents depuis le lieu de parachutage jusquà leur réception par les organes adéquats 535 .
Aussi, il nest pas surprenant que les prêtres polonais aient payé un lourd tribut à la cause de la lutte antinazie. Nous avons déjà signalé la vague darrestations et de déportations qui sest abattue sur eux en 1943, ou lobligation pour certains dentrer dans la clandestinité afin déchapper justement à une arrestation. Vers la fin de la guerre, le danger devient plus pressant encore : labbé Bieniasz, arrêté le 14 janvier 1944 à Paris, condamné à mort, doit son salut à laction dun commando qui le sort, le 18 février, des griffes de la Gestapo ; labbé Felich dAuby est obligé dentrer dans la clandestinité à la suite du démantèlement, en août 1944, du réseau de renseignements mis en place dans le Douaisis par le capitaine Wazny (pseudonyme Tygrys Le Tigre) ; par contre, labbé Stefaniak de Dourges, arrêté en août 1944, ne peut éviter lenvoi dans les camps de Sachsenhausen, Peenemùnde et Bergen-Belsen successivement 536 .
--------------------------------------------------------------------------------
Les aumôniers militaires
Les aumôniers de larmée polonaise ont connu, après la campagne de France de 1940, des sorts divers 537 . Les abbés Kirszke et Miedzinski sont prisonniers en Allemagne ; labbé Dudek, le pallottin Bemke, et le séminariste Czartoryski de la Société du Christ, passent en Suisse avec les restes de la 2-ème Division des Chasseurs (2-ga Dywizja Strzelcow Pieszych), où celle-ci est internée. Czeslaw Czartoryski terminera ses études à Fribourg et y sera ordonné prêtre. Les deux autres pères pallottins aumôniers dans larmée polonaise, les abbés Olszewski et Zawidzki, réussissent à quitter la France et poursuivent leur mission dans larmée en Angleterre.
Le père oblat Szczepan Manka, lui aussi aumônier de la Division des Chasseurs, est également interné en Suisse. Le père Hubert Misiuda, aumônier de la 3-ème Division dInfanterie en formation en Bretagne, passé en zone libre, prend la charge des Polonais dans la région de Marseille 538 . Les pères Ignacy Pluszczyk et Konrad Stolarek reçoivent le baptême du feu avec la 1-ère Division de Grenadiers (1-sza Dywizja Grenadierow) au cours des batailles de Dieuze, Lagarde, Raon-lÉtape, Baccarat, entre le 14 et le 20 juin 1940, et sont faits prisonniers par larmée allemande.
Grâce à sa connaissance de la langue allemande, le père Stolarek se fait accepter comme aumônier militaire des prisonniers polonais, ce qui lui permet de circuler assez librement entre les différents camps. Il en profite pour organiser la fuite des généraux Duch et Niemira, quil cache dans la maison oblate de Notre-Dame de Sion. Puis, il emmène le général Duch dans un périple à travers la France pour gagner la zone libre. Là-bas, il est nommé aumônier dun camp danciens combattants polonais à Caylus près de Montauban. En avril 1941, accompagné du père Misiuda, le père Stolarek gagne lAngleterre, via lEspagne et le Portugal. Aumônier dans laviation, après un apprentissage intensif, il est parachuté en France dans la nuit du 10 au 11 mai 1943. Sous le nom de code de Samson, le père Stolarek mène la mission Shawl dinspection de lorganisation P.O.W.N. Après trois mois de séjour en France, il rejoint lAngleterre par lEspagne. Tous ces exploits valent au père Konrad Stolarek la plus haute distinction militaire polonaise, la croix Virtuti Militari, que lui remet, le 15 octobre 1943, le général Kukiel, ministre de la Défense nationale 539 .
Arrivé en Angleterre en 1941 en compagnie du père Stolarek, le père Misiuda est nommé aumônier des parachutistes polonais. Il est tué au cours de laction de la brigade parachutiste du général Sosabowski en Hollande, pendant la traversée du Rhin près dArnhem.
A ces deux pionniers, viennent sajouter, après la fin de leurs études en Irlande et leur ordination, les trois séminaristes oblats qui avaient pu rejoindre Bordeaux au moment de la débâcle de mai 1940, alors que leurs collègues gagnaient le scolasticat de Notre-Dame des Lumières. Au milieu de 1942, le père Kazimierz Szymurski est nommé dans laviation ; en 1943, le père Jan Szkatula dans laviation aussi, et le père Pawel Latusek dans larmée de terre.
Nous avons déjà vu lapport des Oblats de Notre-Dame des Lumières à la Mission catholique polonaise entre 1940 et 1943, et signalé que quelques-uns avaient quitté la France pour aller grossir les rangs des aumôniers militaires en Angleterre. Cest ainsi que le père Karol Brzezina se retrouve dans la marine, et le père Alfred Bednorz dans la brigade parachutiste avec laquelle il sautera sur Arnhem. Le père Alfons Stopa soccupe dabord, en 1941 et 1942, de camps danciens combattants à Caylus, Idron, puis Bourbon-lArchambault. Après un premier essai infructueux, il réussit à franchir les Pyrénées et à gagner lAngleterre au début de 1944, où il est nommé aumônier du 10-ème Régiment de Dragons de la 1-ère Division blindée du général Maczek. Avec celle-ci, il prend part à la fermeture de la poche Falaise Argentan pendant la bataille de Normandie, au cours de laquelle il sillustre en faisant prisonniers 72 soldats allemands 540 , puis à la libération des territoires du Nord de la France, de Belgique et de Hollande. Les pères Antoni Murawski et Roman Duda prennent part aux combats du maquis dans le Sud de la France, puis sengagent comme aumôniers dans larmée polonaise.
La France libérée, la guerre nest cependant pas terminée, et lévêque Gawlina réclame dautres prêtres pour larmée. Plusieurs Oblats répondent présents et se retrouvent sur les fronts de Belgique, de Hollande, dItalie ou dAllemagne. Au total, sur les 59 Oblats qui se trouvaient ou sont arrivés en France en 1939 et 1940, 22 ont servi dans larmée polonaise. Leur attitude et leur courage devant le feu ennemi ont valu à beaucoup dentre eux des citations et des décorations, tant polonaises que françaises, anglaises ou américaines ; les plus prestigieuses décorations ont été attribuées à 541 :
décorations polonaises : Croix Virtuti Militari : K. Stolarek,
Croix de la Valeur militaire (Krzyz Walecznych) : A. Bednorz, P. Latusek, I. Pluszczyk, K. Stolarek, A. Stopa, K. Szymurski ;
décorations françaises : Croix de Guerre : R. Duda, J. Lewicki, A. Murawski, I. Pluszczyk, K. Stolarek,
Médaille militaire : K. Stolarek ;
décoration américaine : Ordre de La Fayette : A. Stopa.
--------------------------------------------------------------------------------
UNE ATTITUDE RESOLUE
Les données présentées dans ce chapitre montrent bien que lobjectif premier de la Mission catholique polonaise au cours des années sombres de lOccupation est de durer à travers les épreuves, dêtre présente malgré les difficultés auprès des Polonais en France pour leur apporter le secours de la religion. Les états des effectifs de la P.M.K. en zone Nord, sous lautorité du siège de Paris, indiquent en effet que les doyennés du Nord et de Paris ont conservé le même potentiel quavant la guerre, que le doyenné du Sud, réduit à la seule région de Montceau-les-Mines, est suffisamment pourvu. Seul le doyenné de lEst souffre du manque de prêtres : trois seulement y sont en poste en décembre 1943 ; mais ce fait est indépendant de la volonté du Recteur : le statut particulier de la région incorporée à lAllemagne, la terreur pratiquée par les nazis, les expulsions de certains prêtres, les arrestations dautres, ont empêché le maintien dune assistance religieuse convenable. En zone Sud, la pastorale polonaise est assurée par un groupe constitué en permanence de 20 à 30 prêtres. Certes, lapport des 34 pères Oblats ordonnés entre 1940 et 1943 a été déterminant pour maintenir les rangs de la Mission catholique polonaise dans les deux parties de la France. Mais il faut insister également sur lénergie déployée par les responsables des deux centres de direction : labbé Wedzioch à Paris, les abbés Rogaczewski à Lyon puis Kubsz à Aix-les-Bains. Ils multiplient les démarches, informent, écrivent, organisent des réunions, essaient de maintenir les contacts, procèdent aux nominations indispensables, exhortent leurs confrères à conserver lespoir.
Les aumôniers polonais sont donc là, aux côtés de leurs fidèles. Ils assurent tous les actes ordinaires de la vie religieuse, mais profitent souvent de la possibilité de tenir des réunions à lintérieur des églises pour entretenir au sein de la communauté catholique un esprit patriotique. Les convictions propres, les personnalités des aumôniers sont évidemment des facteurs qui influent fortement sur létat desprit de la colonie dont ils ont la charge. Si certains se cantonnent à la stricte exécution des offices dominicaux et des célébrations liées aux actes de la vie, dautres multiplient les rencontres pour renforcer la cohésion et la ligne de conduite des catholiques. Des témoignages recueillis dans la région Nord Pas-de-Calais attestent que les réunions de prières des Confréries du Rosaire ou de la communauté entière servent à maintenir un esprit de solidarité, de fidélité à la Pologne, despérance en la victoire finale de la Pologne. Les répétitions des chorales paroissiales galvanisent les jeunes : beaucoup dhymnes font plutôt partie du répertoire des chants patriotiques que de celui des cantiques. Même si le clergé ou les mouvements catholiques ne peuvent sengager en tant que tels dans une action purement militaire, la participation à la résistance se fait plutôt de manière spontanée. Il sagit avant tout dapporter un soutien spirituel à ceux qui sont engagés dans les organisations de résistance ; et les presbytères servent facilement de plaques tournantes pour la transmission des informations, des tracts et des journaux clandestins. Un certain nombre de prêtres nhésite pas non plus à rejoindre lAngleterre pour servir comme aumôniers dans larmée polonaise qui sy est formée sous les ordres du gouvernement en exil.
Ainsi, lattitude générale du clergé polonais en France offre un contraste saisissant avec celle du clergé français qui se pose de graves questions : quelle position adopter envers le gouvernement de Vichy, envers les autorités allemandes doccupation, à légard de lobligation du travail en Allemagne, ou de la participation à la résistance 542 ? Les directives de la hiérarchie ecclésiastique prescrivent au clergé le ralliement à la personne du Maréchal Pétain et ladhésion à la politique du gouvernement de Vichy. Dès le 15 janvier 1941, les cardinaux et archevêques de la zone occupée, réunis à Paris sous la présidence du cardinal Liénart, adoptent le texte dune lettre au Pape 543 :
« Absolument décidés à nous tenir sur le plan religieux, nous entendons éviter tout agissement politique ou partisan et rester uniquement appliqués au bien spirituel des âmes et au soulagement des infortunes.
Nous professons dans le domaine social et civique un loyalisme complet envers le pouvoir établi du gouvernement de la France ; nous demandons à nos fidèles dentretenir cet esprit. »
Les archevêques de la zone libre, réunis à Lyon le 6 février 1941, envoient à leur tour une lettre au Pape, dans laquelle ils sassocient à la position de leurs collègues de la zone Nord. Finalement, une nouvelle assemblée des cardinaux et archevêques de la zone occupée, à Paris le 24 juillet 1941, en présence du cardinal Gerlier mais en labsence du cardinal Liénart, élabore un nouveau texte sous forme de déclaration 544 :
« Nous voulons que, sans inféodation, soit pratiqué un loyalisme sincère et complet envers le pouvoir établi.
Nous vénérons le chef de lEtat, et nous demandons instamment que se réalise autour de lui lunion de tous les Français. Lunion, toujours, est principe de force.
Nous encourageons nos fidèles à se placer à ses côtés dans luvre de redressement quil a entreprise sur les trois terrains de la famille, du travail, de la patrie, en vue de réaliser une France forte, unie, cohérente. »
Repris le 5 septembre 1941 par les archevêques de la zone libre, ce texte devient celui de lensemble de lépiscopat français, et détermine en quelque sorte la ligne de conduite officielle de la hiérarchie.
Et si cette déclaration collective ne se prononce pas sur la question de la légitimité du pouvoir de Vichy elle parle de pouvoir établi et non dautorité légitime, beaucoup dévêques ne manquent pas de la préciser dans leurs déclarations individuelles 545 ; cest le cas des évêques dAmiens, Bordeaux, Evreux, La Rochelle, Nantes, Nancy, Nevers, Poitiers, Reims, Rennes, Saint-Dié, et dautres encore. Lévêque dArras, Mgr Dutoit, dans sa lettre pastorale du 1-er janvier 1941, avant même la déclaration des cardinaux et archevêques, se prononce sans équivoque pour un ralliement à la personne du maréchal et au gouvernement. De Vénissieux, où les autorités lont contraint à se réfugier au début des hostilités, Mgr Chollet adresse aux fidèles de son archidiocèse de Cambrai une longue lettre pastorale datée du 1-er septembre 1941 et consacrée à la discipline 546 :
« Le commandement une fois émis, le subordonné le reçoit et obéit sans chercher ni demander de raison Le chef de lEtat français a tous les titres à être obéi. Il a le droit, de notre part, à lesprit de discipline le plus résolu et le plus sincère. Nous serons, au nom de notre conscience religieuse, les citoyens les plus unis dans la discipline la plus entière. »
Toutes ces prises de position, largement diffusées par les services de lInformation de Vichy et reprises, parfois de manière plus schématique, par de nombreux prêtres, contribuent à répandre lidée que, pour un catholique, toute désobéissance à laction du maréchal Pétain constitue un péché.
Certes, une partie du clergé est peu disposée à suivre les mots dordre de la hiérarchie. Deux rapports sur lattitude du clergé des diocèses de Cambrai et de Lille de 1940 à 1944, établis à la Libération par Louis Blanckaert et René Théry, professeurs à la Faculté libre de Droit de Lille, montrent que les sympathies de nombreux prêtres allaient vers le mouvement du général De Gaulle mais que peu se sont engagés de manière active 547 . A propos du clergé du diocèse de Cambrai, ils écrivent :
« On peut dire, en gros, que le jeune clergé et, dans le clergé plus âgé, les prêtres qui sont plus près du peuple, sont cordialement gaullistes. Les autres, en particulier certains membres plus haut placés, sont ralliés au gouvernement provisoire, ayant été attirés par la personne du Maréchal.
Dans les milieux ralliés, on a eu tendance à critiquer une propagande où lon trouvait, daprès eux, de la haine et du mensonge. En fait, on ignorait tout de ce qui a été fait. Mais le reste du clergé suivait avec passion et espérance la radio de Londres, et sefforçait à soutenir le moral de la population en colportant ses mots dordre et ses bonnes nouvelles. »
Lopinion sur le diocèse de Lille est similaire :
« Un petit nombre de membres du clergé ont, surtout durant les deux premières années, fait léloge public du Maréchal. Dautres, plus nombreux, et la quasi totalité des jeunes, ont manifesté une attitude gaulliste. Beaucoup se sont abstenus.
Dans le Nord, limmense majorité du clergé écoutait la radio de Londres et applaudissait à luvre du Général de Gaulle et de ses compagnons. Mais la plupart ne firent pas davantage : sympathie totale mais pas très active. »
Ces constatations peuvent être étendues à lensemble du territoire français ; cest ce qui ressort du tableau de la situation religieuse de la France dressé en février 1945, après enquête réalisée en décembre 1944 auprès des commissaires de la République, par André Latreille, sous-directeur des Cultes et Associations au Ministère de lIntérieur de novembre 1944 à août 1945 548 :
« Attitude froide et digne du clergé envers loccupant, sauf quelques défaillances individuelles, qui se manifestaient dans le langage de certaines lettres pastorales, plus rarement par une amabilité répréhensible pour les partis nationaux, P.P.F. ou L.V.F.
Loyalisme à légard du Maréchal et de son gouvernement : dans le haut-clergé, les évêques et leur entourage, le pétainisme sétait manifesté par une sorte de dévotion personnelle, plutôt que par des appels en faveur de la politique de Vichy ; dans le bas-clergé, la réserve fut plus sensible, et les réguliers surtout se sont signalés par leur esprit de résistance. Naturellement la réserve avait été de plus en plus marquée à partir de 1942.
A légard de la Résistance, la défiance et lhostilité étaient allées dans le haut-clergé jusquà des condamnations explicites. Toutefois, cette aversion nempêcha pas, dans bien des cas, même des évêques pétainistes daider des résistants par charité. Ces interventions charitables avaient été beaucoup plus fréquentes dans le bas-clergé, en particulier de la part des religieux et religieuses. »
Mais ceux, prêtres ou laïcs, qui franchissent le pas et sengagent activement, ne peuvent éviter souvent des problèmes de conscience, comme en témoigne le père Bruckberger 549 :
« Catholiques de la Résistance, nous navons pas obéi. Cest ce qui a fait notre tourment. Les mandatements des évêques ralliés à Vichy nous ont troublés, les affirmations solennelles de la légitimité du Maréchal nous ont plongés dans lanxiété Nous sommes passés outre, mais dans langoisse daffronter tant dautorités contre nous conjuguées Ou bien les mots légitimité, obligation de conscience, devoir dobéissance, ont perdu leur sens à lintérieur du christianisme et lautorité qui les emploie est tournée en dérision ; ou bien braver cette légitimité, manquer à cette obligation et à ce devoir, cétait purement et simplement commettre un péché et risquer lenfer. »
De telles interrogations, de tels dilemmes ne se posent pas pour les Polonais de France. Certes, les archives concernant la période de la guerre sont minces ; mais il est raisonnable de penser que, si des discussions sur lattitude à adopter avaient secoué les rangs du clergé polonais, des traces seraient restées dans les comptes rendus des réunions décanales ou générales qui se sont tenues à la fin de 1944 et en 1945. Or il nen est rien. Lengagement des prêtres polonais dans la lutte contre loccupation allemande sest donc fait de manière beaucoup plus spontanée, sans drame de conscience particulier. Deux facteurs semblent déterminants pour expliquer la liberté de choix des Polonais. Dabord, il ny a pas de gouvernement polonais qui prône la collaboration avec les autorités allemandes, leur seul gouvernement reconnu est à Londres où il poursuit le combat pour une Pologne libre et indépendante ; les Polonais nont aucune obligation morale à obéir aux directives de Vichy, ils sont soumis aux lois de lEtat français dans la vie quotidienne mais ils peuvent conserver leur liberté de pensée. Ensuite, au contraire des catholiques français,les polonais ne sont tenus par aucune directive de leur hiérarchie leur enjoignant de reconnaître le gouvernement établi du Maréchal Pétain, de lui rester fidèle et de lui obéir. Les efforts des responsables de la Mission catholique polonaise à Paris et du Centre pastoral à Lyon sont tout entiers tendus vers le maintien de la pastorale et de la vie religieuse parmi les Polonais, laide aux prisonniers, aux réfugiés et aux déportés, lorganisation de laction caritative ; ils nadressent apparemment pas de consigne de nature politique à leurs confrères.
Mais la plus haute autorité ecclésiastique polonaise qui séjourne en France, est le Primat de Pologne lui-même 550 . Réfugié dabord en Roumanie le 14 septembre 1939, le cardinal Hlond arrive à Rome quelques jours plus tard. Là, il entreprend des démarches pour rentrer en Pologne, mais les Allemands sy opposent. Dès les premiers mois de 1940, des rumeurs circulent à Rome sur lentrée en guerre de lItalie aux côtés de lAllemagne ; lattaque allemande en mai 1940 contre la Hollande, la Belgique et la France, rend celle-ci imminente. Encouragé par lAmbassade de Pologne, le Primat demande au Pape, en audience privée le 7 juin 1940, lautorisation de répondre favorablement à linvitation de Mgr Georges Choquet, évêque de Lourdes, de se rendre au sanctuaire marial français. Le cardinal Hlond quitte Rome le 9 juin avec laccord de Pie XII et, via Marseille, arrive à Lourdes le 11 juin. Immédiatement, et jusquen février 1942 encore, le gouvernement polonais en exil sefforce dobtenir son accord pour partir aux Etats-Unis comme porte-parole de la cause polonaise. Les hésitations premières du cardinal puis lintervention des autorités allemandes empêchent la réalisation de ce projet.
Pour le moment, le primat Hlond voit un champ daction parmi les Polonais de France souvrir devant lui. Il maintient le contact avec le clergé, les mouvements catholiques, les institutions officielles polonaises restées en France. Cest en octobre 1940 quil crée le Centre pastoral de Lyon, avec à sa tête le doyen Rogaczewski, pour administrer la pastorale en zone Sud dont Paris ne peut plus soccuper. Labbé Solowiej, ancien aumônier à Troyes, sert de courrier entre Lourdes et Lyon, voire même Paris. En 1941, le Primat organise des retraites de Carême dans tous les districts de la zone Sud où sont regroupés des Polonais, et prend part personnellement à la cérémonie de clôture le 9 avril 1941 à la basilique de Lourdes. Du 17 au 21 novembre 1941, il mène une retraite spirituelle pour un groupe de 21 prêtres polonais. En 1942, à loccasion du 25-ème anniversaire du sacre épiscopal du Pape Pie XII, il établit le programme des célébrations et dirige le 14 mai la manifestation à Lourdes. Le cardinal Hlond attache également beaucoup dimportance au niveau intellectuel de la vie religieuse et morale des Polonais en France, et sengage activement dans la rédaction de la revue Sluzba (Le Service) dirigée par Maria Winowska. Dans ses articles, il soulève principalement le problème du renouveau moral et de la rechristianisation de la Pologne et de lEurope, appelle les hommes à se libérer du péché et du mensonge ; en mettant en avant les idées de pénitence et dexpiation, il montre la nécessité dun amendement intérieur de la diaspora polonaise 551 :
« La Pologne naura pas besoin de nous en tant que masse. Elle aura par contre besoin de nos valeurs, de notre engagement, et surtout de nos forces morales saines. En Europe on en est arrivé à une cruauté perverse, à la glorification du mensonge, à un abaissement sans pareil de la condition humaine. Le seul remède efficace contre cela est la rechristianisation de lEurope Avec quoi envisageons-nous de rentrer en Pologne ? Avec le monde en faillite de lapostasie, ou avec lesprit revivifié des temps nouveaux ? Avec le décadentisme moral en train de succomber, ou avec lélan de la vie ressuscitée ? »
Simultanément, le Primat de Pologne entretient une abondante correspondance avec des organisations ou des personnes demeurant non seulement en France mais aussi hors du territoire français, y compris en Pologne. Il reçoit ainsi des rapports sur lévolution de la situation dans le pays, en particulier sur la situation de lEglise dont il est le chef, par la poste normale, la poste diplomatique, les courriers, ou encore les réfugiés. Ainsi par exemple, le supérieur de la Société du Christ, labbé Posadzy, correspond avec le Primat par lintermédiaire dun religieux résidant en Suisse ; les comptes rendus du gouvernement polonais de Londres lui sont acheminés via lambassade polonaise auprès du Vatican ; les relations des réfugiés polonais en France sont collectées par labbé Franciszek Forecki qui en établit une synthèse à son intention. Le contact permanent avec le Vatican se fait essentiellement par la nonciature à Vichy, où se trouve Mgr Pacini, ancien chargé daffaires auprès du gouvernement polonais à Angers. Parfois les lettres adressées au Primat lui parviennent par lintermédiaire direct du gouvernement de Vichy ; il en remercie lamiral Darlan, ministre des Affaires Etrangères, dans un courrier du 20 mars 1941 552 :
« Je remercie beaucoup Votre Excellence pour lenvoi bienveillant, le 14 de ce mois, des lettres qui sont arrivées pour moi à Vichy par la voie diplomatique. Le service qui ma été gracieusement rendu, ma dautant plus ému que je suis un ami sincère de la France, et que jadmire grandement luvre de relèvement national entreprise par le grand Maréchal Pétain. »
Dans son étude, Tadeusz Wyrwa indique que, compte tenu de la personnalité du cardinal Hlond, il est impensable que ce texte lui ait été imposé et ne reflète pas son opinion, mais quil faut en chercher lexplication dans la tendance générale de la hiérarchie ecclésiastique française à rester fidèle au maréchal Pétain : le Primat réside dans la demeure dun évêque résolument partisan du maréchal Pétain, à Lourdes en zone non encore occupée par les Allemands, où lenthousiasme suscité par Pétain reste encore vif. Mais, quelle que soit la nature réelle de ladmiration du cardinal Hlond pour le maréchal Pétain, il ny a rien de comparable entre cette lettre à caractère privé et les lettres pastorales publiques des évêques français appelant à la loyauté envers le gouvernement de Vichy. Il semble en effet que le courrier à lamiral Darlan soit resté confidentiel, et nait été suivi daucun mot dordre du Primat obligeant les prêtres polonais à reconnaître la légitimité du gouvernement de Vichy.
Lattitude du Primat de Pologne envers lAllemagne hitlérienne demeure par contre inflexible et consiste à dénoncer constamment les persécutions subies par le peuple et lEglise en Pologne. Cest justement grâce à la correspondance menée par le cardinal et aux informations quil sefforce de récolter par tous les moyens possibles, que des rapports documentés et précis sur la situation en Pologne peuvent être diffusés. Ainsi, dès décembre 1939, paraît un premier rapport sur la situation dans les diocèses de Gniezno et Poznan, et les persécutions du clergé et de la population civile. Traduit en anglais, espagnol et français, il est remis au Pape et aux dignitaires de lEglise, aux ambassadeurs des pays alliés, aux congrégations religieuses et aux centres culturels ; la presse américaine le publie en intégralité ou par fragments. Il est édité au Vatican en janvier 1940 sous le titre La situazione religiosa delle Archidiocesi di Gniezno e di Poznan. Un deuxième rapport, Situazione religiosa delle Diocesi di Culma, Katowice, Plock e Wloclawek incorporate al Reich, consacré aux diocèses incorporés au Reich, est publié en avril 1940. Des passages de ces deux rapports ainsi que de celui de labbé Z. Kaczynski sur la situation religieuse dans le Gouvernement général, sont repris dans Le livre noir de la Pologne (The black book of Poland) édité en 1942 à New-York par le gouvernement polonais en exil. Nul doute que ces textes ont largement contribué à démasquer lactivité criminelle du nazisme en Pologne, comme lécrit Ignacy Paderewski 553 :
« La publication des comptes rendus du Primat de Pologne sur les cruautés de loccupant ( ) a provoqué une grande émotion dans le monde entier. Par exemple aux Etats-Unis, ce fut la meilleure propagande pour nous et pour les alliés qui fut jamais réalisée. »
A Lourdes, Mgr Hlond poursuit la collecte des informations sur la Pologne. Il en résulte la publication, en 1943, dune brochure de 30 pages sur Lordre nouveau en Pologne, rédigée en français sous le titre Défi, comme numéro double XIII XIV des Cahiers du Témoignage Chrétien. Y est décrite la situation de lEglise dans tous les territoires polonais ; le sort des ouvriers polonais déportés pour des travaux forcés en Allemagne est également évoqué ; lattention du lecteur est encore attirée sur les conséquences physiques, biologiques et morales de la politique doppression menée par Hitler en Pologne. La parution du cahier, comme celle des rapports précédents à Rome, a un caractère évident de propagande : il sagit dinformer lopinion française, à partir de sources bien documentées, sur les buts réels des nazis, de lui dire la vérité sur ce qui se passe en Pologne. Dans lintroduction, la rédaction de la revue le souligne clairement 554 :
« Hitler a introduit en Pologne un ordre nouveau, à propos duquel on se tait. Notre devoir, à nous Français, Européens, Chrétiens, est de rompre ce silence. »
La conclusion de la brochure insiste sur la nécessité de faire la lumière sur les agissements de lAllemagne hitlérienne :
« Lorsque les mensonges cyniquement organisés, et surtout les ambiguïtés et les demi-vérités, pires que les mensonges, tourmentent les esprits, empoisonnent les âmes, affaiblissent les caractères avec laide dune presse contrainte ou vendue, il faut tout faire pour que la vérité soit connue. »
En envahissant la zone Sud de la France le 11 novembre 1942, les Allemands exigent des autorités françaises le départ de tous les étrangers des régions frontalières. Bientôt, presque tous les Polonais sont expulsés de Lourdes ; le cardinal Hlond est lun des rares auxquels ladministration hésite à donner larrêté dexpulsion. Mais, conscient du caractère embarrassant de la situation tant pour les autorités françaises que pour lui-même, il décide de quitter Lourdes et, après avoir informé le Vatican le 29 mars 1943, il part le 6 avril pour labbaye bénédictine dHautecombe en Savoie, en compagnie de son aumônier, labbé Boleslaw Filipiak, et de son secrétaire, labbé Antoni Baraniak. Dès lors, les possibilités daction du Primat se réduisent, le contact avec labbaye étant plus difficile à établir quavec sa résidence à Lourdes. Cest pourquoi, en réorganisant le Centre pastoral pour le Midi de la France en juillet 1943, il linstalle à Aix-les-Bains, situé vis-à-vis de labbaye dHautecombe, de lautre côté du lac du Bourget.
Mais le 3 février 1944, le cardinal Hlond est arrêté en compagnie de labbé Filipiak par les Allemands. La nouvelle est révélée dans un article intitulé Une infamie en première page du numéro 8 / 1944 du Cahier français du Témoignage chrétien 555 :
« Le cardinal Hlond, archevêque de Poznan, primat de Pologne, a été arrêté le jeudi 3 février à midi dans labbaye royale dHautecombe (Savoie) par trois agents des autorités doccupation. Il a été emmené en compagnie de lun de ses secrétaires, labbé Filipiak, à Chambéry et, le soir même, transféré à Paris. Depuis cette date, nous navons aucune nouvelle de lui. Partageant avec vous cette information, nous ne pouvons cacher notre peine, notre honte et notre colère du fait de larrestation dune personne qui était linvité de la France, le représentant dun pays allié et ami, dune personne sans défense qui sétait réfugié dans un lieu de prières, dun prince de lEglise romaine. »
A Paris, les Allemands tentent de négocier le retour du cardinal en Pologne sous réserve quil accepte de servir la propagande nazie, ce que le Primat refuse catégoriquement. Lattitude résolue de Mgr Hlond ayant fait perdre aux Allemands tout espoir darriver à un compromis, ils le transfèrent le 5 avril 1944 dans un couvent de Bar-le-Duc et, de là, le 28 août, devant lavance des troupes alliées, à Wiedenbrück en Westphalie, où il est libéré au début davril 1945 par larmée américaine.
Ainsi, labsence dun gouvernement polonais qui prône la collaboration avec loccupant allemand, au contraire lexistence dun pouvoir en exil qui appelle à la résistance et organise celle-ci, la ligne de conduite inflexible du plus haut dignitaire ecclésiastique polonais en France, lénergie déployée par les responsables des centres pastoraux de Paris, Lyon puis Aix-les-Bains, pour maintenir la pastorale, lengagement des prêtres aux côtés de larmée polonaise en Occident en tant quaumôniers militaires, ou au sein du mouvement de résistance P.O.W.N., ont évité aux catholiques polonais en France, aux prêtres en particulier, les tourments quont connus au cours de cette période les catholiques fançais. Cette attitude résolue du camp catholique polonais a entraîné des sacrifices, mais na pas pour autant balayé les motifs de dissension qui lopposaient avant la guerre aux autres composantes de la vie associative polonaise : au moment de la reconstruction de celle-ci au cours des premières années de laprès-guerre, les catholiques devront semployer fermement pour faire reconnaître leur spécificité.
--------------------------------------------------------------------------------
Chapitre 8
LHEURE DU BILAN (septembre décembre 1944)
--------------------------------------------------------------------------------
LES PERTES HUMAINES
La Mission catholique est lune des rares institutions polonaises en France à avoir maintenu son existence et son activité, notamment en zone occupée, pendant toute la durée de la guerre. De ce fait, elle na pas été épargnée par les représailles, les arrestations et les déportations. A la fin de 1944, le sort des prêtres déportés reste souvent inconnu ; la guerre dure toujours, et il faudra encore bien du temps pour savoir ce que sont devenus les uns et les autres. Finalement, le bilan des persécutions subies par les prêtres polonais en France se présente de la manière suivante 556 :
prêtres exécutés : Feliks Bytonski, fusillé à Guenza (Corse) en septembre 1943,
Jan Chodura, fusillé à Oignies en mai 1940,
Brunon Dorsz, exécuté en novembre 1939 à Paterko en Pologne, où il
a été surpris par la guerre pendant ses vacances,
Czeslaw Fedorowicz 557 , aumônier à Sallaumines, fusillé en mai 1940,
Boleslaw Wartalowicz, surpris par la guerre en Pologne où il rendait
visite à sa famille, se met au service de lArchevêché de Varsovie,
arrêté en septembre 1942 à Plonsk, exécuté en février 1943 ;
prêtres morts en camps de concentration :
Hipolit Grzadka, Bergen-Belsen mars 1945,
Edmund Kalas, Mauthausen juin 1943,
Marian Krupinski, Dachau décembre 1941,
Czeslaw Krzyszkowski, Neuengamme mai 1945 (?),
Teodor Makiela, Bergen-Belsen mars 1945,
Wojciech Rogaczewski, Buchenwald février ou mars 1944,
Julian Sibilski 558 , Dachau février 1941 ;
prêtre disparu : Emil Gielec 559 , aumônier à La Ricamarie ;
prêtres déportés ayant survécu :
Franciszek Bobrowski, libéré de Bergen-Belsen en avril 1945,
Franciszek Cegielka, libéré de Dachau en avril 1945,
Stanislaw Stefaniak, aumônier à Dourges, libéré de Bergen-Belsen en
avril 1945 ;
prêtres arrêtés, détenus un certain temps, puis libérés :
Michal Babirecki, Saint-Étienne,
Wiktor Bieniasz, Paris,
Alojzy Nosal, Saint-Maurice-aux-Riches-Hommes,
Bernard Pawlowski, Saint-Maurice-aux-Riches-Hommes,
Antoni Szymanowski, Paris,
Czeslaw Wedzioch, Paris,
Bronislaw Wiater, Paris,
frère Ignacy Wszolek (pallottin), St-Maurice-aux-Riches-Hommes.
Parmi les personnes liées avec lorganisation Caritas, des disparitions sont également à déplorer. Le comité complet de linstitution, arrêté en février 1941, a été remis en liberté au mois de mai. Mais les quatre mois demprisonnement dans des conditions difficiles à la prison du Cherche Midi coûtent la santé à Irena Stokowska qui décède au printemps 1944. Irena Fukier, la directrice du refuge de Neuilly, arrêtée pour avoir facilité le passage de soldats polonais vers la zone libre, subit deux années de prison ; elle meurt à Paris le 17 décembre 1944. Wlodzimierz Kaczorowski, arrêté une nouvelle fois le 14 juillet 1944 par la Gestapo pour son appartenance à la P.O.W.N., succombe sous les tortures ; il est décoré de la croix Virtuti Militari à titre posthume 560 .
Dans lEst de la France, le district Metz déplore également la perte de son président, Jozef Mosiek, arrêté et exécuté par la Gestapo à une date et dans des circonstances non explicitées 561 .
--------------------------------------------------------------------------------
LA REMISE EN ROUTE DES INSTITUTIONS
Dès la libération du territoire français, la principale préoccupation du recteur volant Czeslaw Wedzioch, comme lont surnommé ses confrères 562 , est de renouer le contact avec tous les centres pastoraux polonais de France, contact rendu difficile et parfois impossible par loccupation, et surtout de nommer des prêtres aux postes rendus vacants par les arrestations ou les exécutions. Certes, il y a un nombre important de prêtres dans les camps du Sud de la France ; mais le Recteur ne peut tous les enlever à leurs tâches déjà très absorbantes. Et, malgré les engagements dans larmée polonaise, restent encore en France 23 Oblats polonais qui se mettent pour la plupart au service de la Mission catholique. Labbé Wedzioch réussit ainsi à maintenir tous les postes des doyennés Paris, Nord et Sud, à en créer de nouveaux et à envoyer des prêtres supplémentaires dans lEst. La répartition, fin 1944 début 1945, des prêtres polonais en France se présente donc de la manière suivante 563 :
siège de la P.M.K. : 5 prêtres : abbé Czeslaw Wedzioch recteur, abbé Antoni Szymanowski secrétaire général, abbés Wlodzimierz Zimolag et Bernard Pawlowski desservant léglise polonaise, abbé Franciszek Dera aumônier itinérant transféré ensuite à Lyon.
doyenné de Paris : doyen : abbé Ludwik Makulec ; 24 prêtres et 3 séminaristes ;
10 aumôniers en poste : 2 à Chaumont et Reims, 1 à Amiens, Caen, Charleville, Couëron, Troyes et Viry-Châtillon ;
2 dépendant de la curie épiscopale française : 1 à Houdainville et Meaux ;
7 assumant diverses tâches ;
5 dans des collèges : abbé Edward Ludwiczak à Lisieux, abbés Bronislaw Wiater, Alojzy Misiak, Juljan Zblewski, Wladyslaw Dudzikowski à Chevilly ;
3 étudiants au séminaire du Saint Esprit à Chevilly dans la Seine.
doyenné du Nord : doyen : abbé Antoni Szewczyk, vice-doyen : abbé Piotr Oramowski ; 25 prêtres ;
3 à Bruay-en-Artois, 2 à Oignies, Roubaix et Sallaumines, 1 à Auby, Barlin, Billy-Montigny, Calonne-Ricouart, Dechy, Dourges, Harnes, Lens, Liévin, Mazingarbe, Montigny-en-Ostrevent, Nux-les-Mines, Rouvroy, Valenciennes, Waziers et Wingles.
doyenné de lEst : 6 prêtres 564 ;
1 à Audun-le-Tiche, Hayange, Longwy, Mulhouse, Tucquegnieux et Verdun.
doyenné du Sud : doyen : abbé Wladyslaw Mateuszek, vice-doyen : abbé Waclaw Knapik ; 29 prêtres ;
département de Saône et Loire : 1 aux Baudras, au Creusot, aux Gautherets, 2 à Montceau-les-Mines ;
département du Puy de Dôme : 1 à St Eloy les Mines ;
département de la Loire : 1 à Beaulieu, La Ricamarie et Saint-Étienne ;
département du Rhône : 2 à Lyon, 1 à Ste Foy les Lyon ;
département de lIsère : 3 à Villard de Lans, 1 à Uriage les Bains ;
département de Haute Savoie : 1 à Thônes ;
département de Savoie : 1 à Aix-les-Bains et à labbaye de Hautecombe ;
département du Vaucluse : 1 à Notre-Dame des Lumières ;
département des Bouches du Rhône : 1 à Puits Bivert (Gardanne) ;
département du Gard : 1 à Abbaye de Cendras et aux Brousses ;
département du Lot : 1 à Bretenoux et à Luzech ;
département de lAveyron : 1 à Decazeville ;
département du Tarn : 1 à Carmaux ;
département de Haute Garonne : 2 à Toulouse.
Lorganisation administrative de la P.M.K. se remet également peu à peu en place ; et des réunions se tiennent bientôt dans les doyennés, comme à Paris le 24 octobre ou dans le Nord les 26 septembre et 28 novembre 1944 565 . Diverses questions y sont abordées. Bien sûr, leur début est consacré à un échange dinformations sur le sort des confrères déportés et du primat Hlond, arrêté au monastère de Hautecombe en Savoie, prisonnier à Paris puis à Bar le Duc, et enfin emmené en Allemagne, dont on est alors sans nouvelles. Mais la vie reprend ses droits, et il faut bien discuter et décider des méthodes susceptibles de relancer lactivité religieuse au sein des communautés polonaises en France. On préconise de reprendre rapidement les manifestations à caractère massif : messes solennelles, missions populaires, pèlerinages, et toutes les cérémonies de dévotion.
Quelques problèmes particuliers sont également traités. La question la plus urgente est celle des manuels de catéchisme. Lédition du Centre pastoral de Lyon est épuisée, et il faut la remplacer. Dans le doyenné du Nord, une solution provisoire est apportée par labbé Kitka qui met à la disposition des aumôniers un catéchisme composé et édité par ses soins ; mais le stock est épuisé à son tour dès le mois de novembre 1944 ; il faut rééditer le manuel en attendant une publication plus importante. Un consensus sétablit aisément entre les prêtres à propos de la poursuite de la collecte de dons au cours de la semaine de la charité chrétienne, avec affectation des sommes recueillies pour laide aux églises les plus nécessiteuses de Pologne : aide directe à la reconstruction ou achat de matériel liturgique. La nécessité de développer une presse catholique est aussi unanimement reconnue. Certes, labbé Wedzioch publie, depuis le mois de mai 1944, un Mensuel religieux (Miesiecznik religijny) de quelques pages ronéotypées ; mais il ne sagit, comme lindique le sous-titre, que de lorgane du rectorat de la Mission catholique polonaise pour le clergé en France, que dun bulletin de liaison entre les prêtres polonais en France. Par ailleurs, labbé Nosal rédige à Roubaix Les Sentences chrétiennes (Hasla Chrzescijanskie) dans le but dexprimer les besoins religieux de limmigration 566 ; mais son influence reste locale et donc limitée. Lopinion prévaut que le rectorat de la P.M.K. doit se doter dun véritable organe de presse dont la parution devrait être hebdomadaire.
Un problème urgent se pose encore à la Mission catholique, celui dapporter lassistance religieuse aux milliers de Polonais travailleurs obligatoires déportés dans lEst de la France, disséminés principalement dans les départements des Ardennes, de la Meuse et de la Meurthe-et-Moselle. Aucune statistique nindique avec certitude leur nombre ; les estimations oscillent de 30 000 à 40 000 personnes 567 . La situation matérielle de ces Polonais déportés est catastrophique ; aussi, les efforts du recteur Wedzioch, relayés bientôt par ceux de la Croix-Rouge polonaise qui a repris sa dénomination et retrouvé toute sa liberté daction, se portent également sur lamélioration de celle-ci. Et les prêtres envoyés par la P.M.K. ont pour consigne non seulement de leur apporter le réconfort spirituel, mais aussi de veiller à leur bien-être matériel. Dans cette pastorale particulière sont engagés :
le père rédemptoriste Leon Begin et le père oblat Herbert Paruzel, à Chaumont,
le père oblat Jozef Pakula à Charleville,
labbé Piotr Pilarski à Bazeilles dans les Ardennes,
le père oblat Mikolaj Twardoch à Verdun.
Enfin, tous les aumôniers sont daccord pour redonner vie, partout où cela sera possible, et en particulier dans les centres de forte implantation polonaise, à laction catholique regroupée au sein de lUnion des Associations catholiques polonaises. A la réunion du doyenné du Nord du 28 novembre 1944, labbé Plutowski, secrétaire général du P.Z.K. en 1939, insiste sur le regroupement des enfants et des jeunes dans leurs sociétés respectives, et sur la nécessité de consolider le poste de secrétaire général, garant de lidéologie et à la fois responsable administratif du mouvement. De fait, une nouvelle réunion en présence du recteur Wedzioch, le 13 décembre 1944 à Lens 568 , décide de remettre en fonctionnement lUnion des Associations catholiques et de confier les diverses fonctions de direction aux prêtres suivants :
abbé Alojzy Nosal : secrétaire général du P.Z.K. et directeur des unions de la jeunesse K.S.M.P. 569 ,
abbé Antoni Szewczyk : directeur de lUnion des Confréries du Rosaire,
abbé Franciszek Jagla : directeur de lUnion des Sociétés masculines,
abbé Ludwik Makulec : directeur de lUnion des Associations dEnfants.
Par rapport à la situation de 1939, un seul changement est donc opéré, labbé Nosal remplaçant dans ses fonctions labbé Plutowski.
Il est à noter que cette réunion concerne essentiellement le clergé qui prend ainsi linitiative de faire revivre le groupement catholique en assurant sa direction ; les laïcs y sont minoritaires, et il semble que leur volonté se plie à la décision des prêtres. Il est loin le temps où, en 1924, la création du Z.P.T.K. était décidée par une poignée de militants laïcs déterminés avec laide dun seul aumônier. Il est toutefois nécessaire de procéder à la réorganisation de la fédération catholique par lintermédiaire de ses organes structuraux. Aussi, le 7 janvier 1945 570 , se réunit à Lens le Conseil supérieur du P.Z.K., rassemblant le bureau de la fédération et ceux des unions qui la composent. Un calendrier administratif est mis au point : toutes les sections locales doivent élire leurs dirigeants, si elles ne lont pas déjà fait dès le départ des Allemands, pour le 15 février 1945 ; lélection des représentants des districts appartenant aux unions doit se faire jusquau 1-er avril ; enfin, les unions doivent tenir leurs assemblées générales pour le 1-er juin. Le point culminant sera constitué ensuite par la tenue de lassemblée générale de la fédération qui procèdera au renouvellement de son bureau directeur. En attendant, la présidence du P.Z.K. et de lUnion des Sociétés masculines reste entre les mains de Franciszek Ratajczak ; Stanislawa Witkowska demeure à la tête des Confréries du Rosaire. Quant aux unions de la jeunesse K.S.M.P., suite à labsence à la réunion dIrena Majchrzak et dAlojzy Ambrozy, ce dernier toujours retenu prisonnier de guerre en Allemagne, le Conseil supérieur confie provisoirement leur présidence à Teresa Durczynska pour la jeunesse féminine, et à Kazimierz Majcherek pour la jeunesse masculine. Tout le dispositif administratif est donc en place pour que les rouages du P.Z.K. se remettent à tourner.
--------------------------------------------------------------------------------
UNE INTERROGATION
Pendant la guerre, deux courants ont animé la résistance polonaise en France, lun lié au mouvement communiste et en particulier à la direction de la Main dOeuvre immigrée du Parti communiste français, lautre lié au gouvernement polonais en exil à Londres 571 . Ce dernier sexprime dans lOrganisation polonaise de Lutte pour lIndépendance (P.O.W.N.). La mission de former une force de résistance polonaise en France aux ordres du gouvernement exilé à Londres est confié au printemps 1941 à Aleksander Kawalkowski, ancien conseiller démigration à lAmbassade de Paris et ancien consul de Pologne à Lille. A lautomne 1941, la zone Sud est déjà couverte dun réseau de cellules et de postes de commandement ; lorganisation ne porte pas encore sa dénomination définitive 572 et, dans les liaisons avec lAngleterre, elle est désignée sous le nom de code réseau Monica. Ses cadres se recrutent surtout parmi les anciens fonctionnaires consulaires, employés dans les agences du Groupement dAssistance aux Polonais en France (T.O.P.F.) ou des Bureaux polonais ; les spécialistes militaires, dans les Groupes de Travailleurs étrangers. Au cours de la seconde moitié de 1942 et de la première moitié de 1943, lorganisation simplante en zone Nord et en Belgique grâce à lenvoi dune équipe de jeunes aspirants : Remigiusz Szczesny, les frères Jerzy et Tadeusz Paczkowski, Jan Mikosz-Drzewinski. Dès lors, la P.O.W.N. développe sa structure composée dun Quartier général, dun groupe Nord ou Haut et dun groupe Sud ou Bas, eux-mêmes subdivisés en sous-groupes et en districts. Au fur et à mesure de son développement ou de ses réorganisations à la suite des coups portés par les Allemands, la P.O.W.N. engage de plus en plus, à des niveaux de responsabilité assez importants, des dirigeants dassociations polonaises solidement implantées dans les localités.
Les buts principaux assignés à lorganisation sont : la propagande journaux et tracts clandestins ; le renseignement militaire et économique notamment, en 1944, la mission de localisation des bombes volantes V confiée au groupe Haut ; laction militaire doublage du réseau Monica par le réseau Monica W purement militaire, en particulier plan Bardsea et actions B confiés au groupe Haut pour faciliter le débarquement allié ; la mobilisation des immigrés polonais dans les rangs des Forces polonaises à lOuest. La nécessité dune action politique, notamment pour soutenir la fidélité des immigrés envers le gouvernement de Londres, est vite apparue, dautant que le mouvement communiste sintensifie à cette époque parmi les Polonais et quavec la création de lOrganisation dAide à la Patrie (Organizacja Pomocy Ojczyznie, O.P.O.) en août 1942 il lance lidée dune union nationale 573 . Il faut de plus une structure capable de poursuivre cette action après la fin des hostilités, et non seulement une organisation à caractère militaire, comme la P.O.W.N., à laquelle la fin de la guerre enlèvera toute raison dexister. Aussi, en juillet 1943 574 , naît le Comité central de Lutte (Centralny Komitet Walki, C.K.W.) conçu donc comme appareil politique et social de la P.O.W.N. Son but est de représenter limmigration polonaise en France, de symboliser son unité sous lautorité du gouvernement légal, de propager les idées dindépendance de la Pologne et de guerre totale contre lennemi allemand, de préparer les énergies à une mobilisation, et de veiller sur les familles des membres de la P.O.W.N. arrêtés.
Ne pouvant procéder à des élections, le chef de lorganisation clandestine, Aleksander Kawalkowski, fait appel à des représentants dassociations polonaises élus avant la guerre 575 . Le premier comité se compose de 24 membres au lieu des 18 initialement prévus. Y figurent des responsables de lUnion des Polonais en France (Z.P.F.), mais aussi des dirigeants proches du mouvement socialiste polonais, appartenant aux sections polonaises de la C.G.T., à lAssociation de lUniversité ouvrière (T.U.R.), à la Fédération des Émigrés polonais (F.E.P.) ou à la Fédération des Ouvriers polonais (F.R.P.). Bien que les socialistes naient pas fait partie du bloc pro-gouvernemental pendant la période de lentre-deux-guerres, leur influence au sein du C.K.W. est même prépondérante, comme en témoigne la composition du comité directeur :
président : Aleksander Kawalkowski,
vice-présidents : Wawrzyniec Baran (président du T.U.R.)
Stefan Moszczynski (vice-président du Z.P.F.)
Aleksander Skrodzki (président de la F.E.P.),
secrétaire : Teodor Krawczynski (secrétaire du T.U.R.),
membres : Franciszek Kedzia (Fédération des Unions des Défenseurs de la Patrie
Federacja Zwiazkow Obroncow Ojczyzny)
Sylwester Lesisz (Union des Colons polonais Zwiazek Osadnikow
Polskich).
Aussitôt, le C.K.W. étend ses ramifications, principalement dans le Nord de la France, créant des Comités locaux et régionaux de Lutte (Miejscowy Komitet Walki M.K.W., Okregowy Komitet Walki O.K.W.), et se lance dans une campagne intensive de propagande, diffusant plusieurs tracts par mois. A partir de janvier 1944, est élaboré un manifeste précisant les orientations politiques et les revendications des milieux représentés au C.K.W.
Le 9 septembre 1944, dans la ville de Lille libérée, au cours dune réunion présidée par Aleksander Kawalkowski, Antoni Zdrojewski chef militaire de la P.O.W.N., et Remigiusz Szczesny chef du groupe Haut, le C.K.W. promulgue son manifeste, dans lequel il expose son programme politique très pénétré des idées socialistes 576 , et se dote dun nouveau comité directeur composé de 30 membres, dont 12 sont issus du Z.P.F., 9 du mouvement socialiste et 1 de lUnion de la Jeunesse paysanne (Zwiazek Mlodziezy Ludowej Wici), avec comme bureau exécutif 577 :
président : W. Baran,
vice-présidents : S. Moszczynski et A. Skrodzki,
secrétaire : T. Krawczynski,
membres : F. Kedzia, S. Lesisz.
Mais attribuer au C.K.W. le rôle dun organe représentatif de la communauté polonaise, surprend lorsque lon tient compte du fait quun tel organisme, à savoir lUnion des Polonais en France (Z.P.F.), existe déjà. Après la défaite de la France en 1940, les dirigeants de lUnion ont refusé de quitter le sol français ; et les organes de lUnion, en zone non occupée principalement avec leur siège à Lyon, ont poursuivi leur tâche daide et dassistance aux Polonais dans le besoin. Certes, au moment de la création du Comité central de Lutte vers le milieu de lannée 1943, le Z.P.F. traverse une période difficile : son secrétaire général, Piotr Kalinowski, membre également du Quartier général de la P.O.W.N. en tant quadjoint de Kawalkowski, a été arrêté en décembre 1942 ; son président, Jozef Szymanowski, exténué par les multiples responsabilités, est mort le 3 mai 1943. Mais lUnion a une structure solide et se ressaisit rapidement : les dirigeants qui ont pu se réunir, nomment à titre provisoire Jozef Switalski, jusqualors président du district Saint-Étienne, président du Z.P.F., et confient à Stefan Moszczynski, directeur du district parisien, la charge danimer lassociation avec le titre de vice-président. Certes encore, les organisations proches du P.P.S. ou du P.S.L. nont pas adhéré en 1938 au Z.P.F., les socialistes et les populistes étant alors dans lopposition au gouvernement de la sanacja. Mais en 1943 les conditions ont radicalement changé, et à Londres siège un gouvernement polonais dunion nationale, dont sont évidemment exclus les communistes. Plutôt que denglober les mouvements socialistes dans lancienne Union des Polonais, la formation de la nouvelle entité C.K.W. a peut-être été jugée préférable pour faciliter leur intégration.
Lautre fait important dans la constitution du C.K.W. est labsence de tout délégué de lUnion des Associations catholiques polonaises au sein du comité directeur, que ce soit en juillet 1943 ou en septembre 1944. Il est bien sûr possible de prétendre que le groupement catholique est représenté par lUnion des Polonais dont il fait partie, mais labsence de toute représentation du P.Z.K. aux réunions du C.K.W. soulève quand même une grande interrogation. Pourtant, les militants catholiques ont fait partie des rangs de la P.O.W.N. au même titre que ceux des autres organisations. Jan Szambelanczyk, figure emblématique du mouvement catholique, en est membre ; dans le Douaisis, de nombreux relais pour le réseau de renseignement du capitaine Wazny sont tenus par des catholiques ; les prêtres sont également présents, non seulement spirituellement en apportant le soutien de la religion, mais de manière active en utilisant les presbytères comme dépôts ou lieux de réunions ; dans la toute première organisation de résistance créée par Julian Majcherczyk à Harnes sous le nom dAigle blanc (Orzel Bialy), figure labbé Jan Kitka. Mais cet engagement ne se fait pas sous létiquette de la fédération catholique ou de la Mission catholique : il est impossible à une uvre dEglise de se transformer en groupe de combat armé. Les catholiques sengagent en fonction de leurs convictions patriotiques, et non en fonction de leurs convictions religieuses. Rappelons seulement que, pour les Polonais, celles-ci ne constituent pas un frein à leur volonté de servir la cause nationale ; ils nont probablement jamais entendu parler des mandatements des évêques français appelant à lobéissance au gouvernement de Vichy.
Les circonstances nont peut-être pas permis de faire appel aux représentants du P.Z.K. pour constituer le comité directeur du C.K.W. en juillet 1943 ; rien, semble-t-il, naurait dû sopposer à leur présence en 1944 : les influences du P.Z.K. et du clergé qui le patronne sont restées trop importantes pour que lon puisse se passer de leur opinion et de leur collaboration. Seul un prêtre, labbé Alfons Pszczolinski, aumônier à Anzin, figure en 1944 dans le comité du C.K.W. au titre daumônier de la P.O.W.N. 578 ; mais il est rapidement muté à Reims puis rappelé en Pologne. Deux hypothèses peuvent être envisagées : ou bien cette mise à lécart du groupe catholique est le résultat de la méfiance à son égard qui anime les autorités polonaises liées au gouvernement de Londres, et Aleksander Kawalkowski, ancien consul à Lille, est bien placé pour connaître les réticences de la fédération catholique à adhérer au Conseil dEntente dabord, à lUnion des Polonais ensuite ; ou bien ces mêmes autorités ont décidé de privilégier, au détriment des autres, les organisations à tendance socialiste nouvellement ralliées, mais adversaires idéologiques du groupement catholique pendant lentre-deux-guerres. Les deux motivations peuvent du reste très bien se combiner. Dans tous les cas, les milieux catholiques ne peuvent que réagir vivement et ostensiblement ; pour les grands courants dopinions qui agitent et divisent les immigrés polonais en France, il sagit toujours dasseoir sa suprématie sur la vie associative.
En effet, le clergé se montre très mécontent de lorientation prise par le C.K.W. en septembre 1944, et en particulier de son éviction des structures dirigeantes. Réuni le 26 septembre 1944 à Bruay-en-Artois, le doyenné Nord manifeste immédiatement son désaccord 579 :
« La mise en avant très ostentatoire de soi-même, cest-à-dire de la direction du P.O.W.N., en omettant complètement le travail des prêtres, frappe désagréablement chaque prêtre. Elle est outrageante et injuste. Lorsque ces messieurs ont fui devant lennemi, nous sommes restés ; lorsquils se sont cachés, nous avons travaillé à visage découvert et maintenu le moral de la population. Les gens et les autorités françaises sadressaient à nous comme à des représentants polonais, et nous sommes intervenus de nombreuses fois. ( ) Nous avons été non seulement des patriotes, mais aussi les défenseurs - les ambassadeurs de la population au temps le plus dur de loccupation. Nous avons enseigné non seulement le catéchisme, mais aussi la langue polonaise. Notre travail était désintéressé. Lorsque dautres touchaient des subsides de létat, bien quils ne travaillaient même pas, nous ne recevions rien pour notre labeur. Malgré cela nous sommes constamment mis de côté. ( ) Lassemblée affirme également quelle nest pas daccord avec tous les points du manifeste publié par la P.O.W.N., qui se situe trop à gauche et ne reflète pas du tout lopinion de lémigration polonaise. »
En fait, au cours des réunions décanales de Paris le 24 octobre et du Nord le 28 novembre 1944, cest tout le C.K.W. qui est condamné pour lanticléricalisme connu et affiché avant guerre par ses principaux dirigeants issus du T.U.R. ou de la F.E.P. ; le choix des responsables du Comité de Lutte par cooptation et non par élection est également sévèrement critiqué : on y voit le moyen utilisé intentionnellement pour écarter les militants catholiques. Cet antagonisme qui apparaît donc très tôt entre le clergé et le C.K.W., explique peut-être la mutation puis le départ de labbé Pszczolinski : à la réunion du doyenné Nord du 26 septembre 1944, il est rappelé que le rôle des aumôniers de la P.O.W.N. sest arrêté au moment où cette organisation a cessé dêtre clandestine et que, si le Comité de Lutte désire disposer dun aumônier, il doit sadresser directement à la Mission catholique.
La réaction de lUnion des Associations catholiques vis-à-vis de sa mise à lécart du C.K.W. ne tarde pas non plus : le Conseil supérieur, réuni à Lens le 7 janvier 1945, refuse de reconnaître lautorité du C.K.W. et lui dénie toute compétence pour représenter limmigration polonaise en France 580 :
« Les personnes composant la direction du C.K.W. ne représentent pas lopinion véritable de lémigration. Sont surtout représentées en son sein les organisations au caractère éminemment de gauche. ( ) Les organisations catholiques polonaises ne sont absolument pas représentées au C.K.W., bien que lUnion P.Z.K. soit lorganisation la plus forte, rassemblant plus de 30 000 émigrés, que ses membres aient pris une part active à la lutte contre lennemi, et que le président de lUnion soit vice-président de lUnion des Polonais. »
La Mission catholique appuie évidemment la position du P.Z.K. : apprenant, au cours dune visite à Londres, quune délégation du C.K.W. sy trouve pour discuter avec le gouvernement de la situation des immigrés polonais en France, le recteur Wedzioch réfute, dans une proclamation en date du 26 février 1945 envoyée entre autres aux ministres polonais, tout droit au Comité central de Lutte de parler au nom de la communauté polonaise de France, parce que les associations catholiques ny sont pas représentées 581 :
« 1) La délégation du Comité central de Lutte ne peut représenter toute lémigration polonaise en France, car en sont absents les représentants des organisations catholiques polonaises. (Labbé Wedzioch reprend ensuite les termes de la motion du Conseil supérieur du P.Z.K. du 7 janvier 1945).
2) Ma venue à Londres, en tant que chef de la Mission catholique polonaise en France et patron de lUnion des Associations catholiques, na rien de commun avec la délégation du Comité central de Lutte. Je nai appris larrivée de la délégation de France quà Londres. En France, aucune de nos organisations catholiques na été informée du départ de la délégation du Comité central de Lutte pour Londres. Cest pourquoi, personne au sein de cette délégation na de mandat pour parler au nom des organisations catholiques.
3) En tant que patron de lUnion des Associations catholiques polonaises en France, je déplore que les organisations catholiques aient été mises à lécart dans la composition de la délégation, comme elles ont été mises à lécart dans la formation du Bureau exécutif du Comité central de Lutte, bien que les membres de lUnion catholique ainsi que les prêtres ont plus dune fois risqué leur liberté et leur vie pendant tout le temps de loccupation. Toutes les organisations catholiques en ont été douloureusement affectées. »
Ainsi, fin 1944 début 1945, alors que le mouvement communiste polonais tend, pour la première fois depuis larrivée massive des travailleurs polonais en France, à sorganiser, comme en Pologne, sur une vaste échelle avec la création du Comité polonais de Libération nationale (Polski Komitet Wyzwolenia Narodowego, P.K.W.N.) et la convocation de son premier rassemblement les 17 et 18 décembre 1944 à Paris, le bloc anticommuniste laisse entrevoir des fissures. Au sein de ce bloc, le Comité central de Lutte dune part et lUnion des Associations catholiques dautre part, cherchent déjà manifestement à marquer leur influence et instaurer leur prépondérance ; ces deux camps ne vont pas tarder à sopposer ouvertement. La guerre a permis aux groupements socialistes de rejoindre les rangs dune grande fédération des sociétés polonaises, voulue déjà avant guerre avec la création de lUnion des Polonais dont les socialistes se tenaient à lécart. Mais ce ralliement sest effectué en fondant une nouvelle entité, le Comité central de Lutte, qui tente effectivement de sarroger la place du Z.P.F. et de prendre la position de seul et unique représentant de limmigration polonaise en France, en tout cas de sa partie aux convictions légalistes. Cette tentative de mainmise déplaît fortement au clergé, dont linfluence serait alors amoindrie. Ce dernier sefforce donc de ranimer le plus vite possible lUnion des Associations catholiques polonaises pour faire contrepoids ; et celle-ci aura alors pour tâche de défendre la légitimité de lUnion des Polonais. Si lon se souvient que le bloc catholique na adhéré au Z.P.F. en décembre 1938 que parce quil ne pouvait pas faire autrement, on peut penser que la défense du Z.P.F. par le P.Z.K. relève davantage dune stratégie pour contrer les plans du C.K.W., plutôt que dun changement dopinion des catholiques envers lUnion des Polonais qui serait parée maintenant de toutes les vertus. Les dirigeants de la P.M.K. et du P.Z.K. estiment toujours très néfaste lapparition dun facteur purement politique dans la vie sociale de limmigration. Ils ont retenu les leçons du passé : avant guerre, les créations successives du Conseil dEntente puis de lUnion des Polonais, sur lincitation expresse des autorités polonaises de lépoque, avaient remis en question leur position, même si la fédération catholique était restée la plus forte numériquement. Le fait que leurs principaux interlocuteurs soient maintenant les organisations socialistes, ne modifie en rien leur opinion, et constitue même au contraire une circonstance aggravante. Malgré leur méfiance commune vis-à-vis du camp gouvernemental, catholiques et socialistes ne sétaient jamais rapprochés pendant lentre-deux-guerres ; à la fin de 1944, aux yeux des responsables catholiques, les socialistes sont restés des adversaires idéologiques 582 . La question se pose alors de savoir si les deux orientations, C.K.W. dune part, P.Z.K. et P.M.K. dautre part, sauront faire taire leurs animosités, leurs défiances respectives, pour constituer un bloc solidaire et uni, face à un mouvement communiste auquel les événements politiques à lEst de lEurope vont conférer des ambitions jusqualors inimaginables.
--------------------------------------------------------------------------------
TROISIEME PARTIE
LE TOURNANT DES ANNEES 1945 1949
--------------------------------------------------------------------------------
Chapitre 9
LES NOUVELLES DONNEES
--------------------------------------------------------------------------------
LIMPACT DES CHANGEMENTS POLITIQUES SUR LES ASSOCIATIONS POLONAISES EN FRANCE
--------------------------------------------------------------------------------
Les changements politiques en Pologne 583
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Pologne se retrouve bouleversée dans ses frontières et son système politique. Même si la conjoncture internationale a contraint lU.R.S.S. à rechercher un terrain dentente avec la Pologne, concrétisé par la signature de laccord Sikorski Maïski du 30 juillet 1941 doublé par un traité militaire en août 1941, il est vite devenu évident que les buts de guerre de lUnion soviétique nincluaient pas létablissement dune cohabitation harmonieuse avec une Pologne souveraine et indépendante. Les compromissions des alliés occidentaux soucieux de préserver lunité du front anti-nazi, lécrasante victoire de Stalingrad en février 1943, placent lU.R.S.S. en mesure de dicter ses conditions. La découverte du charnier de Katyn par les Allemands, le 13 avril 1943, donne loccasion aux Russes de rompre les relations diplomatiques avec le gouvernement polonais de Londres qui sefforce de faire la lumière sur laffaire et prouver la culpabilité des Soviétiques. LOccident, qui a trop besoin deux pour terrasser lAllemagne nazie, se tait. Ainsi, Moscou na plus à se préoccuper de lavis dun pays, pourtant dans le camp des alliés et dont les troupes versent leur sang un peu partout sur les champs de bataille. Dès la conférence de Téhéran, du 28 novembre au 1-er décembre 1943, il est certain que le tracé des frontières de la future Pologne correspondra aux vux de Staline. Dès lors, la politique de celui-ci est toute tracée : pousser linfluence soviétique le plus loin possible à louest, en faisant de la Pologne un état satellite docile et soumis à ses directives. Cest dans cette optique quil faut analyser le fait que les troupes soviétiques laissent les Allemands écraser linsurrection de Varsovie (1-er août 2 octobre 1944), déclenchée par les forces de lArmée de lIntérieur (Armia Krajowa, A.K.) aux ordres du gouvernement en exil à Londres, ainsi que linstallation à Lublin, fin juillet 1944, dun pouvoir illégal baptisé Comité polonais de Libération nationale (Polski Komitet Wyzwolenia Narodowego, P.K.W.N.), dominé par les communistes, transformé le 31 décembre 1944 en Gouvernement provisoire reconnu aussitôt par lU.R.S.S.
A Yalta, en février 1945, Staline est encore en position de force. Le protocole de la conférence précise que la frontière orientale de la Pologne doit suivre la ligne Curzon, avec des déviations à son profit sur une profondeur de cinq à huit kilomètres en certains endroits, que la Pologne doit obtenir des accroissements sensibles de territoire au nord et à louest, et que la délimitation définitive de la frontière occidentale doit être établie par une Conférence de la Paix tenue ultérieurement. Au niveau politique, il indique que le Gouvernement provisoire doit être élargi aux représentants des partis démocratiques agissant à lintérieur comme à lextérieur du pays, et que la tâche prioritaire du nouveau Gouvernement provisoire dUnion nationale (Tymczasowy Rzad Jednosci Narodowej, T.R.J.N.) sera de procéder, le plus rapidement possible, à des élections libres. Ce texte officialise donc lannexion par lU.R.S.S. de territoires orientaux de lancienne République polonaise, sans contrepartie définitive au nord et à louest, mais surtout, compte tenu de la présence de lArmée rouge sur le sol polonais, laisse libre cours à lUnion soviétique et à ses hommes de main du P.K.W.N. pour placer la Pologne sous domination communiste.
Et en juin 1945 à Moscou, en même temps que se déroule le procès des seize principaux dirigeants de lA.K. et de la Délégation du gouvernement de Londres à Varsovie, des pourparlers ont lieu, sous le contrôle des trois ambassadeurs Molotov, Harriman et Kerr, entre le P.K.W.N. et la fraction politique groupée autour de Stanislaw Mikolajczyk, qui a démissionné le 24 novembre 1944, après son deuxième voyage à Moscou, de son poste de Premier ministre du gouvernement en exil. Le 28 juin 1945, le T.R.J.N. est proclamé ; S. Mikolajczyk y figure en tant que vice-président, et quatre des siens y occupent des fonctions.
Il ne reste plus quà obtenir la reconnaissance de ce gouvernement provisoire par les puissances alliées, ce que sempressent daccomplir lU.R.S.S., la France, les U.S.A. et lAngleterre, tout en retirant laccréditation au gouvernement polonais de Londres. Alors que ce dernier na dautre possibilité que de maintenir une certaine conception de la continuité dune Pologne indépendante, les illusions de ceux qui, en Pologne ou à létranger, ont cru, un peu trop rapidement, au respect des engagements contractés à Yalta par une Union soviétique triomphante, vont être vite balayées. Le trucage du référendum de mars 1946, des élections de janvier 1947 qui voient lattribution de 86 % des voix au bloc démocratique, la fuite en exil des principaux chefs de lopposition agrarienne, Stanislaw Mikolajczyk en tête, puis finalement la création, en décembre 1948, du Parti ouvrier unifié polonais, sont autant détapes qui ont jalonné la prise du pouvoir complète par les communistes et linstallation, pour de longues décennies, de la Pologne derrière le rideau de fer.
--------------------------------------------------------------------------------
Le regroupement des associations polonaises en trois blocs 584
La dualité observée dans la vie politique polonaise se retrouve tout naturellement sur le terrain de limmigration polonaise en France. En fait, comme nous lavons indiqué dans la deuxième partie, deux centres de résistance polonais coexistaient en France pendant la guerre : lun le P.O.W.N. aux ordres du gouvernement en exil à Londres, lautre lié au mouvement communiste.
Ce dernier, fort de sa participation active à laction militaire des F.T.P./M.O.I., est stimulé encore par les changements politiques qui sopèrent ou se laissent pressentir en Pologne. Il poursuit son idée, lancée en août 1942 avec la création de lOrganisation dAide à la Patrie (O.P.O.) mais sans connaître le succès escompté, de constituer un front dunion nationale dirigé contre les Allemands, où les Polonais de toutes tendances trouveraient leur place. Cest ainsi quapparaît, en février 1944, à Bouligny près de Piennes, le Comité polonais de Libération nationale dans lEst de la France (Polski Komitet Wyzwolenia Narodowego na Wschodnia Francje) puis, en avril 1944, un comité identique dans le Sud et enfin, toujours en avril 1944, à Denain, un comité du même nom qui se veut lorgane politique suprême de la communauté polonaise et prétend ainsi à une dimension nationale. Et de fait, le P.K.W.N.-Est se soumet rapidement à celui du Nord, pour en former une délégation régionale ; celui du Sud par contre conserve son autonomie jusquà la libération de la France. Toutefois, même si, ici ou là, participent aux réunions des dirigeants dassociations indépendantes du mouvement communiste, le P.K.W.N. reste dominé par les activistes des anciens Groupes de langue polonaise du Parti communiste français et les responsables des organisations communistes créées pendant la guerre : O.P.O., Union de la Jeunesse polonaise Grunwald (Zwiazek Mlodziezy Polskiej Grunwald), Union des Femmes polonaises en France Maria Konopnicka (Zwiazek Kobiet Polskich we Francji im. Marii Konopnickiej). Du reste, sans le formuler de manière explicite, les résolutions du P.K.W.N. soutiennent plutôt les mots dordre du Conseil national (Krajowa Rada Narodowa, K.R.N.) installé par les communistes à Varsovie, et remettent en question lautorité du gouvernement en exil.
Les 17 et 18 décembre 1944, se tient à Paris la première assemblée générale du P.K.W.N., baptisée premier Rassemblement de lÉmigration polonaise en France, avec la participation de personnalités françaises telles que Irène Joliot-Curie présidente dhonneur du P.K.W.N., Daniel Mayer secrétaire général de la S.F.I.O., ou Julien Racamond secrétaire de la C.G.T. Des télégrammes dencouragement sont envoyés par le K.R.N. et le P.K.W.N. de Pologne, le Parti ouvrier polonais (P.P.R.). Les résolutions de lassemblée appellent toujours à lunion des immigrés polonais, et marquent lorientation définitive du P.K.W.N. en faveur de son homologue de Lublin. La deuxième assemblée, du 28 au 30 juillet 1945 à Paris, transforme le P.K.W.N. en Conseil national des Polonais en France (Rada Narodowa Polakow we Francji, R.N.P.F.), dont le bureau directeur est constitué de neuf communistes sur dix membres.
La fraction anti-communiste de limmigration est, à la fin de 1944, principalement regroupée au sein du Comité central de Lutte (Centralny Komitet Walki, C.K.W.), par rapport auquel le mouvement catholique a pris ses distances. Nous en avons indiqué les raisons au dernier chapitre de la deuxième partie. Le C.K.W. procède, les 27 et 28 mai 1945 à Paris, à son propre rassemblement de limmigration, qui entérine la création de lUnion centrale des Polonais en France (Centralny Zwiazek Polakow we Francji, C.Z.P.). Le P.Z.K. maintient sa position à lécart. Lattitude du mouvement catholique, tant à légard du R.N.P.F. que du C.Z.P., sera analysée dans la suite de cette partie. Les relations entre le P.Z.K. et le C.Z.P. au cours de la période 1945 1949 constituent en fait lélément déterminant pour lavenir de linstitution catholique polonaise en France, et feront donc lobjet dune étude particulière.
Ainsi, au milieu de 1945, limmigration polonaise sort de la guerre aussi divisée quelle létait avant. Mais les lignes de partage ne sont plus les mêmes, et les contours des différents camps sont beaucoup plus nets : dun côté, le bloc dominé par les communistes et favorable aux changements politiques qui sopèrent en Pologne ; de lautre côté, le camp légaliste, fidèle au gouvernement en exil à Londres, représenté par le C.Z.P. ; enfin, troisième composante de la vie associative, le mouvement catholique dont les idées politiques sont sans aucun doute plus proches du C.Z.P. que du P.K.W.N., mais qui refuse de subordonner son action à des mots dordre purement politiques et demeure à lécart du C.Z.P.
--------------------------------------------------------------------------------
LA SITUATION DEMOGRAPHIQUE
Bien que les mouvements de population, dus à la guerre ou consécutifs aux événements de la guerre, aient été particulièrement importants, la communauté polonaise de France en sort aussi nombreuse quelle létait au début des hostilités. Le recensement de 1946 fait état de 423 470 Polonais résidant en France, cest-à-dire autant quen 1936 : 422 694 585 . Les pertes et les départs dans les rangs de lancienne immigration de lentre-deux-guerres ont été en effet compensés par les civils et militaires réfugiés en France après septembre 1939, les déportés dans lEst de la France comme travailleurs obligatoires, les prisonniers libérés des camps de toute nature situés sur le territoire allemand et qui ont rejoint la France, ainsi que les soldats de citoyenneté polonaise ayant servi dans les différentes armées belligérantes et qui se sont installés en France.
Quelques études traitent des facteurs qui ont profondément modifié, après la Seconde Guerre mondiale, la population polonaise de France, la transformant peu à peu en communauté de citoyens français ayant une origine ou une racine polonaise 586 . Parmi les contraintes externes au groupe des immigrés polonais, sont mis en avant : les politiques de retour, les événements politiques et la récession économique ; et parmi les facteurs internes figurent : les mariages mixtes, les naturalisations et le vieillissement. Nous ne reprenons ici que les facteurs qui nous paraissent pertinents pour la période étudiée 1945 1949, et à propos desquels la Mission catholique polonaise sest parfois exprimé : les retours en Pologne, les naturalisations et les mariages mixtes.
--------------------------------------------------------------------------------
Les retours en Pologne
A ce sujet, les sources polonaises opèrent la distinction entre rapatriement et ce quelles appellent reemigracja, que lon peut traduire par retour des émigrés. La première opération consiste à faire rentrer au pays natal les Polonais qui, pour quelque raison que ce soit, se sont retrouvés en France du fait de la guerre : réfugiés civils, travailleurs déportés, prisonniers des camps, soldats démobilisés des armées polonaises à lOuest ou des compagnies de gardes enrôlés par larmée américaine, Polonais incorporés de force dans la Wehrmacht allemande et faits prisonniers de guerre. Laction de rapatriement concerne dabord, à partir de juillet 1945 au moment de la reconnaissance du Gouvernement provisoire dUnion nationale de Varsovie par la France, les personnes les plus démunies prises en charge par la Croix-Rouge polonaise dans ses refuges. Elle prend un caractère organisé à partir du mois doctobre 1945 et se termine le 30 juin 1946 avec la liquidation de loffice français chargé du rapatriement des étrangers. Au cours de cette période, sont rentrés en Pologne 587 :
41 000 déportés, par lintermédiaire du Ministère français des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre,
18 000 anciens soldats de la Wehrmacht et gardes des compagnies américaines, par lintermédiaire des autorités militaires américaines,
3 500 soldats démobilisés des forces polonaises à lOuest,
et 1 500 anciens soldats de la Wehrmacht, par lintermédiaire des autorités françaises,
au total : 64 000 personnes.
Par la suite, de juillet 1946 à fin 1947, 8 000 personnes supplémentaires, entrant dans les catégories de rapatriés, sont encore rentrées en Pologne. Le nombre de Polonais qualifiés dans ces catégories mais ayant refusé le retour, est estimé à 20 000.
La seconde opération vise à faire rentrer en Pologne les ouvriers émigrés pendant lentre-deux-guerres, en particulier les mineurs dont la Pologne a maintenant un besoin pressant pour reconstruire son industrie détruite. Dès le mois de décembre 1944, dans leur télégramme adressé à la première assemblée générale du P.K.W.N. de France, les dirigeants du Conseil national et du P.K.W.N. de Pologne appellent lémigration polonaise en France à rentrer au pays natal 588 . En 1945, malgré labsence daccord sur la question entre la France et la Pologne et les difficultés de transport, 773 mineurs du Nord de la France répondent déjà à cet appel 589 . La première convention franco-polonaise relative au départ des ouvriers polonais de France, signée le 20 février 1946 590 , prévoit le rapatriement de 5 000 mineurs volontaires au 15 juillet de la même année. En août 1946, un accord analogue concerne le retour, prévu en octobre et novembre, de 2 000 ouvriers agricoles. Les retours de 1947 sont réglés par la convention du 28 novembre 1946 qui sétend à toutes les catégories douvriers et non plus aux seuls mineurs travaillant sous terre ; 17 000 ouvriers, répartis en 8 000 mineurs, 6 000 ouvriers agricoles, 1 000 ouvriers de lindustrie et du bâtiment, et 2 000 divers, peuvent prétendre au retour aux termes de laccord. La dernière convention du 24 février 1948 prévoit le retour en 1948 de 16 000 travailleurs : 5 000 mineurs, 5 000 agriculteurs, 3 000 ouvriers de lindustrie et du bâtiment, 3 000 divers. Ainsi, au total, les trois conventions franco-polonaises permettent le retour en Pologne de 40 000 travailleurs qui se répartissent en : 18 000 mineurs, 13 000 ouvriers agricoles, 4 000 ouvriers de lindustrie et du bâtiment, 5 000 divers (commerçants, artisans, invalides, retraités, chômeurs), et organisent leur départ collectif par convois ferroviaires spéciaux.
Quant aux effets de ces conventions, les chiffres mentionnés dans les différentes études concordent pour les années 1946 et 1947, mais divergent sensiblement pour lannée 1948 591 . Selon les sources polonaises, le bilan de laction de rapatriement des ouvriers polonais de France se présente de la manière suivante :
Année mineurs ouvriers agricoles ouvriers de lindustrie divers Total Total avec familles
1946
1947
1948 5029
3451
1426 490
4472
1802
3314
2513
1862
1261 5519
13099
7002 19595
30175
14194
Total 9906 6764 5827 3 123 25620 63964
Selon les sources françaises, moins de 2 000 personnes auraient quitté la France pour la Pologne en 1948, ce qui porterait le nombre total sur les trois ans aux environs de 51 000.
Aux interpellations de lAmbassade de Pologne pour signer une nouvelle convention valable pour lannée 1949, le Ministère français des Affaires étrangères répond par un refus, en janvier 1949, en arguant du fait que les conditions exceptionnelles de limmédiat après-guerre ne constituent plus un obstacle aux départs individuels, et dissout la Commission mixte franco-polonaise chargée du rapatriement des émigrés. En 1949, nauront donc lieu que les départs organisés par lAmbassade de Pologne seule, empruntant les voies de communication ferroviaires internationales et non plus des convois spéciaux, des derniers volontaires pour le retour : sur 3 572 inscriptions, 1 360 personnes rentreront effectivement.
Les chiffres, même les plus favorables à la partie polonaise, prouvent que laction en faveur du retour en Pologne des émigrés na pas porté pleinement ses fruits : sur 40 000 travailleurs possibles, seuls 25 620 seraient repartis, parmi lesquels ne figureraient que 9 900 mineurs, la main duvre la plus nécessaire alors en Pologne, tandis que les accords bilatéraux entre la France et la Pologne autorisaient le départ de 18 000 dentre eux. Les causes de cet insuccès, malgré les actions de propagande menées par les consulats polonais relayés par les organisations affiliées au Conseil national des Polonais en France, sont multiples 592 : la crainte des émigrés eux-mêmes de quitter une situation jugée somme toute confortable par rapport à un sort inconnu en Pologne, la réaction des autorités françaises peu enclines à voir une main duvre expérimentée quitter le travail de la mine, les conditions économiques très difficiles en Pologne, les nouvelles envoyées par certains rapatriés des premiers convois déçus justement de trouver des conditions de salaire et de vie en général plus mauvaises quen France, et aussi la contre-propagande menée par les associations polonaises anti-communistes de France : lUnion centrale des Polonais en France, et lUnion des Associations catholiques polonaises.
Tout au long de lannée 1946 toutefois, le clergé polonais en France adopte une attitude de bienveillante neutralité sur la question du retour en Pologne des immigrés. Le Conseil de la Mission catholique polonaise du 7 novembre 1946 593 préconise de la maintenir et de la rendre officielle par lAssemblée générale annuelle des prêtres polonais de France qui doit se tenir le lendemain :
« Chacun a le droit, et parfois même le devoir, de rentrer au Pays, mais on ne peut forcer personne à prendre cette décision. Tous [les participants à la réunion] sont daccord pour tenir lattitude suivante : ne pas encourager, mais ne pas empêcher non plus. »
Le ton change cependant radicalement au niveau des organisations fédérées au sein du P.Z.K. Une résolution de la fédération catholique au cours de sa première assemblée générale daprès-guerre, le 26 août 1945 à Lorette, pose des conditions au retour en Pologne 594 :
« 7) LUnion des Associations catholiques polonaises en France se sent étroitement unie au Pays natal, et considère comme une sainte obligation, le retour des Polonais au Pays lorsque le temps sera venu et dans des conditions garantissant aux rapatriés le maintien de tous les droits et prestations acquis au cours de longues années de travail en France.
Simultanément lAssemblée générale exprime sa protestation contre lutilisation de la question du rapatriement à des fins politiques. »
Mais lexemple le plus éloquent est fourni par lUnion des Associations catholiques dHommes polonais, regroupant en majorité des ouvriers mineurs, les premiers concernés par la propagande des autorités polonaises en faveur du retour. Déjà, les motions votées au cours de lAssemblée générale du 7 juillet 1946 595 saluent les frères restés en Pologne qui ne plient pas sous les pressions du matérialisme athée et demeurent fidèles à la foi des ancêtres, et conditionnent le retour au pays des émigrés à linstauration en Pologne de la paix civile et dun état de droit :
« Les délégués de lUnion des Associations catholiques dHommes polonais, ( )
3) protestent contre les méthodes de terreur qui règnent dans notre Patrie, méthodes condamnées récemment dans la lettre pastorale des évêques polonais, et réclament la tenue la plus rapide possible délections libres et sans contraintes, pour quen Pologne gouvernent enfin la paix et la justice, pour que tous ses fils, qui ont courageusement combattu à létranger, puissent y retourner librement et dans lhonneur, et pour que ceux qui, il y a quelques années, ont dû chercher leur pain dans des pays étrangers, puissent enfin le trouver sur leur propre terre polonaise. »
Lune des résolutions de lAssemblée générale du 29 juin 1947 reprend presque exactement les mêmes termes, et une autre condamne sévèrement la fausse propagande menée par les agitateurs des consulats polonais ou des organisations communistes :
« 4) Tout en ayant la plus grande compréhension pour les personnes faibles, bernées par la propagande mensongère, les Hommes catholiques polonais vont démasquer et stigmatiser les mensonges et les falsifications des agitateurs envoyés par les autorités actuelles qui, sous prétexte de servir la Patrie et la cause de lémigration ouvrière, poussent nos compatriotes peu informés vers des organisations qui ne sont rien dautre que des agences cachées du matérialisme athée et du communisme. »
Ainsi, dune position globale de neutralité à légard du rapatriement, tout le bloc catholique va peu à peu passer à une attitude dopposition complète 596 .
--------------------------------------------------------------------------------
Les naturalisations
Les dispositions légales en vigueur en 1945, résumées pour lessentiel en lordonnance du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité française, établissent cinq voies daccès à la nationalité française 597 :
en vertu dun décret de naturalisation,
par déclaration acquisitive de nationalité,
lors dun mariage mixte,
à la majorité, en raison dune naissance en France,
dès la naissance, par filiation.
Un étranger justifiant cinq années de séjour ininterrompu en France peut déposer une demande de naturalisation par décret. Une fois la naturalisation obtenue, il reste encore soumis à certaines incapacités : ni fonctionnaires, ni électeurs avant cinq ans, ni éligibles avant dix ans.
Pour les enfants dimmigrés nés sur le territoire français, trois cas de figure se présentent. Ils deviennent français de plein droit sils sont mineurs et que leurs parents acquièrent la nationalité française pour eux-mêmes ; le nom de lenfant mineur figure alors sur le décret de naturalisation des parents. Ou bien, les parents désirent rester étrangers mais établissent, auprès du Juge de Paix de leur circonscription, une déclaration acquisitive de nationalité française pour leurs enfants, valable de leur naissance à leur majorité. De toute façon, un enfant né en France de parents étrangers devient français à sa majorité, sauf sil refuse cette qualité dans les six mois avant son 21-ème anniversaire.
Les statistiques concernant les naturalisations des Polonais entre 1945 et 1949 se présentent de la manière suivante 598 :
Année naturalisation par décret naturalisation par déclaration Total des naturalisations
1945
1946
1947
1948
1949
2850
15956
11622
10471
2243
2938
1874
2311 2386
5093
18894
13496
12782
Total 40899 9366 52651
Alors que, pendant lentre-deux-guerres, les Polonais ont peu utilisé les dispositions de la loi de 1927, comme lindique le faible nombre de naturalisations enregistrées 599 :
Années Nombre de naturalisés
19191926
19271931
19321936
19371939 5414
8121
12636
2829
cest-à-dire une moyenne de 1 450 naturalisations par an, le mécanisme de la naturalisation semble maintenant parfaitement enclenché, même sil natteint pas immédiatement des chiffres importants. Le total de 18 894 naturalisations en 1947 est en effet trompeur, car il correspond à un rattrapage administratif, à des réponses à des demandes de naturalisation formulées en 1945 ou 1946. La moyenne du nombre de naturalisés sur les trois années, 1945 1946 1947, 8 791 par an, rend mieux compte de la réalité. En comparaison, les chiffres relatifs aux années 1948 et 1949, 13 496 et 12 782 respectivement, apparaissent plus significatifs. Mais il serait fallacieux dimputer le changement de comportement des immigrés polonais à légard de la naturalisation française, somme toute assez modeste pour le moment, à la seule décision de refuser le retour en Pologne et denvisager un établissement durable en France. Les motivations des Polonais pour accepter ou non la naturalisation française, sont multiples et ont varié dans le temps ; elles ont également joué dans les deux sens à des degrés divers1 600 5. En tout cas, le phénomène na pas échappé à lattention du clergé polonais de France. Ni les prêtres, ni les dirigeants des associations catholiques ne peuvent et ne veulent intervenir dans les décisions individuelles concernant une éventuelle naturalisation ; du reste, le nombre de demandes nest pas jugé alarmant mais il convient, aux yeux des responsables catholiques, de rester vigilants pour éviter que lacte de naturalisation ne soit accompagné dun abandon simultané du caractère polonais 601 . Il semble toutefois quaucune campagne particulière nait été menée au sein du bloc catholique polonais pour empêcher le développement des demandes de naturalisation.
--------------------------------------------------------------------------------
Les mariages mixtes
Les mariages entre personnes de nationalités différentes, française et polonaise, contribuent également à la baisse du nombre de citoyens polonais recensés en France. Alors que, pendant lentre-deux-guerres, les Polonais étaient plus portés à épouser dautres étrangers, ce qui était normal puisquils rencontraient une majorité détrangers sur leurs lieux de travail 602 , les mariages entre Polonais et Français se multiplient à partir de 1945 603 :
Année Polonaise Français Polonais Française Total
1945
1946
1947
1948
1949 2937
3861
2990
2352
2 061 1198
2033
2078
1906
1 639 4135
5894
5068
4258
3 700
Total 14 201 8 854 23 055
Toutefois, si une Polonaise acquiert automatiquement la nationalité française en épousant un Français, un Polonais qui épouse une Française voit seulement réduit à deux ans de séjour en France le délai nécessaire pour solliciter une naturalisation par décret. Enfin, il y a lieu de remarquer que ces données sont à manipuler avec précaution : les mariages dont le conjoint français lest devenu par naturalisation, sont comptabilisés dans les mariages mixtes, mais ne contribuent absolument pas à la modification de la mentalité de la communauté immigrée polonaise.
--------------------------------------------------------------------------------
Une répartition géographique sans modifications
Tous les facteurs étudiés ci-dessus modifient évidemment létat numérique de la communauté polonaise en France : de plus de 423 000 en 1946, le nombre de citoyens polonais passe à 389 395 au 31 décembre 1948. La diminution observée, de lordre de 34 000 personnes, ne correspond pas à laddition arithmétique du nombre de retours en Pologne et du nombre de naturalisés au cours de la période 1945 1948, addition qui, en considérant les sources polonaises pour les retours, donnerait :
72 000 rapatriements + 63 900 retours + 39 800 naturalisations + 12 100 mariages mixtes Polonaise Français = 187 800 personnes.
Mais, rien nindique que les Polonais entrant dans les catégories de personnes susceptibles de bénéficier dun rapatriement (soldats démobilisés, prisonniers, travailleurs déportés, ), aient été tous dénombrés en 1946 ; il faut tenir compte également du fait que leur rapatriement est déjà bien entamé en 1946. Par ailleurs, il est possible que le nombre de mariages mixtes entre Polonaises et Français, entraînant la naturalisation automatique de la femme, ait été englobé, au moins en partie, dans le décompte des naturalisations. Même si lon ne prend pas en considération les données relatives à ces deux catégories, le total serait quand même denviron 100 000 personnes. Les arrivées ont donc assez largement compensé les départs.
De toute façon, le champ daction du clergé polonais demeure extrêmement important : à la fin de 1948, il y a au moins 390 000 Polonais auxquels la Mission catholique a vocation de porter lassistance religieuse. Et ce nest pas parce quun Polonais sest fait naturaliser ou a contracté un mariage avec une personne de nationalité différente, quil quitte nécessairement lorbite de la communauté polonaise. La tâche reste immense.
Par contre, la répartition géographique des Polonais en France ne subit aucune modification par rapport à celle de lentre-deux-guerres. Ce sont toujours les départements industriels du Nord et de lEst, ainsi que les régions agricoles de lIle de France, qui regroupent le plus de Polonais 604 :
Année 1946 1948
Population polonaise
en France 423 470 389 395
départements :
Pas-de-Calais
Nord
Moselle
Meurthe-et-Moselle
Aisne
Seine
Seine-et-Marne
Seine-et-Oise pourcentage
88 849 21
56 866 13,4
24 069 5,7
16 366 3,9
17 822 4,2
34 160 8,1
13 864 3,3
15 628 3,7 pourcentage
80 845 20,8
51 643 13,3
21 777 5,6
12 914 3,3
13 253 3,4
41 773 10,7
13 786 3,5
15 999 4,1
Total 267 624 63,2 251 990 64,7
Ainsi, au cours de laprès-guerre, la même énorme difficulté demeure pour les responsables de la Mission et de la fédération catholiques : si leurs structures, développées jusquà la Seconde Guerre mondiale, peuvent être jugées suffisantes, dans une certaine mesure, pour les régions minières et industrielles, la dispersion des immigrés des zones rurales pose toujours problème. Si le souci de conserver ceux-ci au sein de la communauté catholique polonaise persiste dans lesprit des dirigeants, il faudra bien trouver les moyens et les hommes pour accomplir la tâche.
--------------------------------------------------------------------------------
Chapitre 10
LA REORGANISATION ET LEVOLUTION ADMINISTRATIVE DU BLOC CATHOLIQUE
Fin 1944 début 1945, le territoire français à peine libéré de loccupation allemande, les responsables catholiques polonais remettent les institutions, Mission catholique et fédération des associations catholiques, en état de fonctionnement. Les premières réunions, au niveau du clergé comme des laïcs, dressent le bilan des dommages subis pendant la guerre et sefforcent de trouver les solutions pour que reprennent vie les instances dirigeantes du mouvement. Mais la réorganisation mobilise beaucoup dénergie et exige du temps ; tout ne peut se faire immédiatement et simultanément.
De plus, dans la lutte qui sannonce au sein de la vie associative polonaise en France entre les trois composantes principales Conseil national des Polonais en France, Comité central de Lutte et Union des Associations catholiques polonaises, le groupement catholique compte bien faire entendre sa voix : il ne peut laisser le champ libre à des orientations idéologiques opposées à la doctrine chrétienne, sous peine de voir limmigration polonaise en France perdre son identité religieuse. Pour cela, en plus dune organisation administrative solide, une présence accrue sur le terrain est nécessaire ; réunions, assemblées, cérémonies solennelles, missions populaires, pèlerinages, vie culturelle, toutes ces manifestations doivent être mises en uvre, pour démontrer que les catholiques veulent témoigner de leur caractère propre et insuffler un souffle particulier dans la vie des Polonais en France.
La période 1945 1949 est donc dominée, en ce qui concerne le mouvement catholique, par cette double préoccupation : asseoir lorganisation administrative du mouvement sur des bases solides, et arriver à imposer sa conception de la vie associative polonaise en France, en proposant la création dune large fédération, baptisée Congrès des Polonais en France, qui resterait dinspiration chrétienne mais qui ne serait plus un mouvement daction catholique proprement dit. Les chapitres suivants sont consacrés à ces questions. Certes, administration et activités sont liées dans le temps : elles interagissent entre elles et évoluent en parallèle. Dans les archives des institutions catholiques, la part respective des documents relatifs à ladministration et à lorganisation des activités séquilibre ; cela tendrait à prouver toute limportance accordée par les responsables catholiques à linstauration dune administration adéquate. Il nous a paru préférable de diviser létude selon ces thèmes malgré leur imbrication dans le temps et leurs rapports assez étroits. Ce chapitre 10, fort technique, traite ainsi de lévolution de ladministration du bloc catholique ; le suivant est consacré à létude des différentes formes dengagement des catholiques polonais en France ; enfin, le dernier présente la manière dont sest opérée la fondation du Congrès des Polonais en France sous légide du mouvement catholique.
--------------------------------------------------------------------------------
LA MISSION CATHOLIQUE POLONAISE
--------------------------------------------------------------------------------
Des effectifs plus importants
Le dynamisme et lactivité inlassable de labbé Wedzioch ont permis, dès la fin de lannée 1944, la pleine reprise des activités de la Mission catholique. Lune de ses préoccupations majeures est alors de répartir les effectifs entre les différentes régions et les centres pastoraux. Dans la deuxième partie de notre travail, nous avons détaillé cette répartition pour le début de lannée 1945 :
5 prêtres au siège de la Mission,
24 prêtres et 3 séminaristes pour le doyenné de Paris,
25 prêtres pour celui du Nord,
6 prêtres pour celui de lEst,
et 29 prêtres pour celui du Sud,
soit 89 prêtres et 3 séminaristes au total.
Ce chiffre est à rapprocher du total de 79 prêtres exerçant en France à la fin de 1938, et de 76 à la fin de 1939. Malgré la guerre et la déstabilisation générale qui en est résultée, leur nombre est donc en augmentation. Incontestablement, la P.M.K. a bénéficié de lapport des prêtres que la tourmente mondiale a amenés sur le territoire français, en particulier de ceux des congrégations religieuses masculines comme les Oblats de Marie Immaculée.
La seconde moitié de lannée 1945 voit larrivée en France de prêtres polonais libérés des camps de concentration. Certains, affaiblis par la détention, nécessitent des soins intenses : ils sont ou bien placés en sanatorium, parfois à létranger comme labbé Bobrowski en Suède 605 , ou bien confiés aux bons soins des religieuses, notamment à Paris chez les Surs de Nazareth 606 . Dautres reprennent vite leurs fonctions pastorales ; cest le cas de labbé Cegielka qui, libéré de Dachau en avril 1945, reprend aussitôt la direction de la Mission catholique. Il est difficile de préciser avec certitude combien de prêtres polonais arrivent en France en provenance des camps de concentration. Roman Dzwonkowski fait état de 200 prêtres au total 607 ; un courrier du recteur Cegielka, adressé le 12 juin 1945 à lévêque de Bayeux, mentionne larrivée de 40 prêtres sortis de Dachau, ce qui permet denvoyer labbé Piesiewicz, du diocèse de Varsovie, à Potigny dans le Calvados pour aider labbé Makulec, les surs polonaises de Potigny devant soccuper de sa santé, alors quune information parue dans le journal de la Mission catholique polonaise fait état de 50 prêtres et 40 séminaristes arrivés le 30 mai 1945 à Paris en provenance de ce camp 608 .
Quel quen soit le nombre exact, la Mission catholique dispose donc dun effectif jamais atteint jusqualors, qui lui rendra les plus grands services. En effet, la plupart de ces prêtres sengage, parfois seulement de manière temporaire, dans la pastorale auprès des immigrés polonais, notamment là où lassistance religieuse a été partiellement ou presque totalement détruite par la guerre : ce sont surtout les doyennés de lEst, du Sud, et dans une moindre mesure, celui de Paris, qui bénéficient de cet afflux, comme le montrent les statistiques données dans la suite de ce paragraphe. Quelques-uns sont aussi affectés dans les camps pour les Polonais réfugiés ou travailleurs obligatoires déportés en France : au début de 1946, une trentaine de ces camps est disséminée sur le territoire français.
Mais lannée 1946 voit le retour en Pologne de beaucoup de ces prêtres sortis des camps de concentration. Les persécutions en Pologne ont décimé les rangs du clergé ; certains sont donc rappelés par leurs évêques pour compenser les pertes. Dautres, en charge des camps de réfugiés ou de déportés, ressentent le devoir de les accompagner au moment de leur rapatriement en Pologne. Du reste, la circulaire n° 1777/45 du 13 août 1945 609 , adressée par le recteur Cegielka aux prêtres polonais en France, les y oblige lorsquils sont aumôniers de ces camps pour réfugiés ou déportés ; mais elle interdit aux autres prêtres dorganiser un éventuel retour au pays selon leur bon vouloir. La P.M.K. tient manifestement à conserver le contrôle du flux de ses effectifs. Quelques-uns sapprêtent encore à quitter la France pour poursuivre leur sacerdoce dans dautres pays de la diaspora polonaise. Toutes ces décisions provoquent dimportants mouvements au sein de la Mission : quand un prêtre est amené à quitter son poste, il faut bien essayer de le remplacer parfois, lorsquaucune solution de remplacement ne peut être trouvée, le poste est déclaré vacant ; les nominations et mutations se succèdent donc à un rythme soutenu, et les listes nominatives éparpillées dans les archives ne décrivent pas toujours fidèlement létat de la P.M.K. Un exemple significatif parmi dautres : labbé Marian Majda est muté, en septembre 1945, de Montluçon à Soissons pour aider labbé Perlinski, puis il obtient un congé de trois semaines pour raison de santé à partir du 10 janvier 1946 ; il est ensuite nommé aumônier adjoint dabord à Dechy dans le Nord puis, le 10 juin 1947, à Montceau-les-Mines, quil quitte au début de lannée 1948 pour rejoindre le poste du Creusot laissé vacant par le retour en Pologne de labbé Gora à la fin de 1947 610 .
Ce nest quà partir de 1947 que les effectifs de la Mission catholique et le nombre de centres pastoraux desservis commencent à se stabiliser selon la répartition suivante 611 , même si lon note encore en 1947 et 1948 quelques retours en Pologne de prêtres parfois expérimentés comme le doyen Mateuszek :
doyenné de Paris : doyen : poste vacant ; 59 prêtres.
siège de la P.M.K. : 5 prêtres (recteur : abbé Cegielka, secrétaire général : abbé Jacek Marian Dabrowski, rédacteur du journal de la Mission : abbé Kaszubowski, prêtres desservant léglise de la rue Saint Honoré : abbés Galezewski et Gutowski) ;
8 aumôniers en poste : à Caen, Couëron, Meaux, Reims, Sedan, Soissons, Cuvres/Soissons, Troyes, (poste dAmiens vacant) ;
2 prêtres dépendant de la curie épiscopale française : à Houdainville et Vez ;
8 prêtres assumant diverses tâches : aumônier de lInstitution Saint Casimir à Paris, responsables des congrégations religieuses masculines, prêtres à la disposition du Recteur pour la pastorale itinérante ;
17 prêtres dans des écoles : 1 à Houilles, à Lisieux et au Petit Séminaire de La Flêche, 6 à Chevilly, 4 à Osny et au Séminaire de la rue des Irlandais à Paris ;
19 prêtres étudiants.
doyenné du Nord : doyen : abbé Antoni Szewczyk (Bruay-en-Artois) ; 30 prêtres.
3 à Bruay-en-Artois ; 2 à Auby, Barlin, Calonne-Ricouart, Dechy, Mazingarbe et Nux-les-Mines ; 1 à Billy-Montigny, Dourges, Harnes, Lens, Liévin, Méricourt, Montigny-en-Ostrevent, Oignies, Roubaix, Rouvroy, Sallaumines, Valenciennes, Waziers et Wingles ; 1 aumônier des étudiants de lacadémie de Lille.
doyenné de lEst : doyen : abbé Kazimierz Kwasny (Audun-le-Tiche) ; 15 prêtres.
14 aumôniers en poste à : Algrange, Auboué, Audun-le-Tiche, Creutzwald, Ensisheim, Hayange, Merlebach, Metz, Mulhouse, Strasbourg, Tucquegnieux (2 prêtres), Wittelsheim et Wittenheim, (poste vacant à Longwy-Gouraincourt) ;
1 aumônier à lécole des surs du Sacré Cur de Jésus à Saint Ludan.
doyenné du Centre : doyen : abbé Wladyslaw Mateuszek (Les Gautherets) ; 15 prêtres.
9 aumôniers en poste à : Les Baudras, Carmaux, Decazeville, Les Gautherets, Le Creusot, Montceau-les-Mines, Rosières, Toulouse (2 prêtres) ;
1 prêtre en cure ;
1 prêtre en maison de retraite ;
4 prêtres dépendant de la curie épiscopale française : 2 à Brive, 1 à Cazalis (Gironde),1 à Luzech (Lot).
doyenné du Sud : doyen : abbé Waclaw Knapik (Beaulieu) ; 18 prêtres.
9 aumôniers en poste à : Abbaye de Cendras, Beaulieu, Hauteville, Les Brousses, La Ricamarie, Lyon, Saint Etienne, Saint-Eloy-les-Mines, Saint-Foy-les-Lyon ;
2 aumôniers dans des camps militaires à : Carqueiranne et Nice ;
2 prêtres assumant des tâches diverses : 1 aumônier des hôpitaux de la région lyonnaise, 1 aumônier des étudiants de lacadémie de Grenoble ;
2 prêtres dans des institutions : 1 chargé de linternat polonais de Nîmes, 1 au scolasticat oblat de Notre Dame des Lumières ;
1 prêtre dépendant de la curie épiscopale française : à Madie par Saignes (Cantal) ;
1 prêtre en cure ;
1 prêtre, résidant au Petit Séminaire de Neussargues dans le Cantal, dont nous navons pu déterminer avec exactitude la fonction.
A cette liste sajoutent encore deux prêtres polonais en Corse, dont lun au moins est officiellement aumônier des Polonais en Corse. La brochure éditée en 1947 par la Mission catholique mentionne également, dans des rubriques séparées, les noms de deux prêtres polonais dépendant du diocèse de Nîmes, ainsi que ceux de douze prêtres du diocèse dArras et quatre du diocèse de Cambrai issus de limmigration polonaise, tous en poste dans des paroisses françaises. Certains parmi les prêtres du diocèse dArras faisaient pourtant partie du cercle des séminaristes polonais créé au Grand Séminaire dArras dès 1929 ; après avoir accepté que les premiers séminaristes - fils douvriers polonais, ordonnés prêtres avant la Seconde Guerre mondiale, rejoignent les rangs de la Mission catholique polonaise, lévêché dArras a donc complètement modifié sa position, les difficultés rencontrées avec les abbés Przybysz et Glapiak à Oignies y sont peut-être pour quelque chose. Alors que nous avons repris dans le tableau statistique les prêtres des doyennés Paris, Centre et Sud en charge de paroisses françaises, qui rendent des services dans la pastorale itinérante polonaise ou soccupent officiellement des ouvriers polonais de leurs secteurs respectifs, et qui figurent de ce fait dans les rubriques usuelles de la brochure de la P.M.K., nous ne lavons pas fait pour les autres prêtres. En effet, mis à part lun des prêtres du diocèse de Cambrai occasionnellement en contact avec des aumôniers polonais, aucun dentre eux nentretient de relation avec le clergé polonais. Du reste, la P.M.K. ne les mentionne même plus dans ses brochures ultérieures.
--------------------------------------------------------------------------------
Une structure figée 612
Le centre pastoral ou la mission pastorale confiée à un prêtre par le Recteur de la Mission catholique polonaise constituent, comme depuis sa réorganisation au début des années 1920, lunité de base de la P.M.K. Cette considération met automatiquement à lécart les aumôniers militaires, qui ne relèvent pas de lautorité du Recteur mais de labbé Michal Krysiak représentant en France de lévêque de larmée polonaise. Il est même curieux que létat au 1-er mars 1947 de la Mission catholique polonaise fasse apparaître, dans la liste du doyenné Sud, les noms de deux aumôniers militaires ; peut-être sont-ils simultanément aumôniers pour la population civile. Avec la liquidation des Forces polonaises en Occident, le rôle de ces aumôniers sachève.
Les prêtres polonais en France sont regroupés en doyennés selon leur situation géographique, et doivent participer aux réunions convoquées régulièrement par les doyens. Le corps décanal subit quelques modifications au cours de la période étudiée. Labbé Antoni Szewczyk, doyen du Nord depuis 1938, est remplacé le 1-er mars 1948 par labbé Alojzy Nosal de Roubaix. Le doyen de la région parisienne, Ludwik Makulec, après 17 années au service des immigrés polonais en France, part pour les Etats-Unis à la fin de 1946. Après une longue période de vacance, le poste est occupé par labbé Augustyn Galezewski, nommé le 1-er mars 1948 également ; celui-ci inaugure ses fonctions à la réunion du Conseil de la Mission du 6 avril et à celle du doyenné Paris du 20 avril 1948. A la demande du doyen Wladyslaw Mateuszek, le plus ancien des doyens en exercice, le doyenné Sud est divisé en deux à cause de son étendue : le doyenné Centre, regroupant les régions de Montceau-les-Mines et du Sud-Ouest de la France, avec toujours labbé Mateuszek à sa tête, et le doyenné Sud, comprenant les régions de Saint-Etienne, Lyon et le Sud-Est, avec labbé Waclaw Knapik à sa tête. En août 1948, labbé Wahrol est muté de Waziers dans le Nord aux Gautherets à la place de labbé Mateuszek, et lui succède simultanément comme doyen du Centre. Le doyenné de lEst est celui où la Mission catholique a le plus souffert pendant la guerre ; cependant, dès que labbé Kazimierz Kwasny retrouve son poste à Audun-le-Tiche à la fin des hostilités, il prend la fonction de doyen devenue vacante à la suite de la mort de labbé Rogaczewski en camp de concentration, et une réunion de réorganisation a lieu le 10 octobre 1945. A la fin de 1947, lorsque labbé Kwasny devient recteur de la Mission catholique, il est remplacé au doyenné Est par labbé Wiktor Miedzinski.
Au sommet de la structure pyramidale, se retrouvent lassemblée générale des prêtres comme organe consultatif, et le siège de la P.M.K. comme organe exécutif et centre décisionnel par lintermédiaire du Conseil de la Mission. Lassemblée générale des prêtres polonais de France se tient une fois par an, vers la fin de lannée, en clôture des quelques jours de retraite spirituelle annuelle 613 . Les prêtres appartenant à des congrégations peuvent être dispensés de participer à la retraite, lorsque leurs congrégations respectives ont déjà organisé dans le courant de lannée une telle récollection ; par contre, tous sont invités à prendre part à lassemblée générale. Le Conseil de la Mission se réunit la veille de lassemblée générale, pour préparer lordre du jour de celle-ci, les points à discuter ou les directives à expliquer, les motions et résolutions, et aussi pour discuter des orientations générales de la P.M.K., par exemple dans le domaine de la vie associative de limmigration. En 1948, le Conseil a tenu, avant la rencontre habituelle de fin dannée, une première réunion le 6 avril ; il semble que ce soit lexception. La composition du Conseil est invariable : le recteur et le secrétaire général de la P.M.K., les doyens, le secrétaire général de lUnion des Associations catholiques polonaises, le rédacteur du journal de la Mission et, en 1949, laumônier du Congrès des Polonais en France, ainsi que parfois, selon lordre du jour, quelques prêtres spécialistes des questions traitées comme les directeurs des unions constituant le P.Z.K.
La Mission catholique polonaise a toujours pour siège les locaux de la rue Saint-Honoré à Paris, et elle est dirigée par un recteur. Après lintérim assuré par labbé Wedzioch, avec un dévouement qui lui a valu ladmiration de tous ses confrères, labbé Cegielka retrouve ses anciennes fonctions à sa sortie du camp de concentration, dès le mois de juin 1945 614 . Il remplit cette tâche jusquen septembre 1947, lorsquil quitte la France. Les motifs et les circonstances de son départ ne sont pas très clairs 615 ; peut-être, ses opinions légalistes, sa sympathie pour le gouvernement polonais de Londres deviennent-elles gênantes à un moment où lEglise de Pologne est contrainte à la plus grande prudence dans ses rapports avec le monde politique, et quen France même, les milieux catholiques polonais vont sefforcer décarter toute activité politique de la vie associative. En tout cas, son départ est quelque peu précipité, puisquil na pas de successeur désigné et que labbé Wedzioch est de nouveau chargé dassurer un intérim du 17 septembre au 15 novembre 1947. A cette date, labbé Kwasny est promu recteur de la Mission catholique.
Le poste de secrétaire général de la P.M.K. est celui que les retours en Pologne et les mutations ont le plus perturbé. A labbé Bernard Pawlowski succède le 1-er février 1945 labbé Antoni Szymanowski, lui-même remplacé en avril 1945 par labbé Gerard Mizgalski. Rappelé par son évêque en Pologne, ce dernier est à son tour remplacé en août 1946 par labbé Jacek Marian Dabrowski. Enfin, en novembre 1948, cest labbé Andrzej Soczowka qui devient secrétaire général. Les tâches de secrétariat sont assurées, à partir de mars 1947, par le frère Wladyslaw Szynakiewicz de la Société du Christ. Rue Saint-Honoré se trouvent encore les bureaux du journal de la Mission, Polska Wierna (La Pologne fidèle), ainsi que ceux de léglise polonaise adjacente. Les prêtres desservant léglise ont été :
en 1945 : les abbés Wlodzimierz Zimolag et Bernard Pawlowski,
en 1946 : les abbés Zimolag et Florian Deresinski,
à partir de 1947 : labbé Augustyn Galezewski avec, pour adjoints, labbé Marian Gutowski et, à partir du mois de juillet, labbé Zbigniew Delimat, tous deux membres de la Société du Christ.
Il semble quaprès la nomination des abbés Delimat et Gutowski à Bruay-en-Artois, le 1-er septembre 1947, labbé Galezewski soit resté seul pour soccuper de léglise polonaise de Paris
La seule nouveauté dans la structure de la pastorale polonaise à létranger réside dans le transfert du rôle de protecteur de lémigration polonaise, confié en 1931 par le Pape Pie XI au primat Hlond et à ses successeurs, à un délégué résidant en Europe de lOuest 616 . Il sagit donc en quelque sorte dun échelon intermédiaire entre la Mission catholique en France et lEglise de Pologne, supérieur hiérarchique immédiat du recteur de la P.M.K. Dès le début de lannée 1945, prenant en considération larrestation du Primat par les Allemands, le Vatican confie en effet à lévêque militaire Jozef Gawlina, par un courrier de la Congrégation pour les Affaires exceptionnelles du 8 février 1945, la direction de la Centrale dAssistance religieuse pour les émigrés polonais, en liaison avec les évêques ordinaires des lieux dimplantation des émigrés. Puis, à la mort du cardinal Hlond le 22 octobre 1948, compte tenu de la situation difficile de lEglise en Pologne et de la tâche ardue qui attend le nouveau primat Stanislaw Wyszynski, le Vatican confie à nouveau, par courrier de la même congrégation en date du 28 janvier 1949, la même fonction à lévêque Gawlina, mais tant que dureront les circonstances qui empêchent le Primat de prendre efficacement la tête de luvre en question. Il sagit cependant principalement dun rôle de coordination entre les différentes missions catholiques polonaises existant dans les pays dEurope de lOuest ; larchevêque Gawlina nintervient pas directement dans la gestion effective et lorganisation de ces missions. Il sert toutefois de relais entre la P.M.K. et lEglise de Pologne, notamment dans le domaine des nominations et des mutations des prêtres, et plus généralement des relations entre les prêtres polonais travaillant à létranger et leurs évêques en Pologne
--------------------------------------------------------------------------------
Un statut précaire
De même que la structure et lorganisation de la Mission catholique, le statut des prêtres polonais en France ne subit aucune modification entre 1945 et 1949. Et les relations entre les clergés français et polonais demeurent régies par le fragile Règlement de 1924, dont lacceptation et lapplication par les évêques français dépendent exclusivement de leur bonne volonté ; rien ne les y oblige. Ainsi, les prêtres polonais diocésains, qui ne sont que des aumôniers adjoints aux curés des paroisses françaises, restent soumis à une double dépendance hiérarchique : à lautorité du recteur de la P.M.K., et à celle de lévêque du diocèse français où ils exercent leur sacerdoce.
Il nest pas étonnant que, dans ce contexte, les rapports entre les deux clergés continuent à poser souvent des problèmes délicats. En fait, tout dépend encore de la personnalité des uns et des autres, de leur volonté réciproque de collaboration harmonieuse ou au contraire dhégémonie. Même sil sagit dun cas extrême, lexemple dOignies Ostricourt, qui a déjà encombré les chancelleries des évêchés dArras et de Lille pendant la guerre, révèle bien les difficultés de compréhension et de communication entre les deux clergés. Le territoire de la région du Nord est à peine libéré de loccupation ennemie que reprennent les tentatives polonaises pour dénoncer le règlement signé conjointement en avril 1943 par les évêques dArras et de Lille 617 . Une lettre du recteur Wedzioch au cardinal Liénart, du 16 novembre 1944, demande de rétablir les usages davant-guerre : enseignement du catéchisme et de la religion en langue polonaise, faculté de pouvoir administrer les baptêmes et les mariages en polonais, possibilité de disposer dun deuxième aumônier. Une pétition des femmes polonaises de la concession minière adressée à lévêque de Lille transite par lintermédiaire du consul de Pologne à Lille, Czeslaw Bitner ; dans son courrier daccompagnement, daté du 4 décembre 1944, celui-ci rappelle même lexistence du règlement de 1927, relatif à la vie religieuse sur le territoire de la Compagnie des Mines dOstricourt, que les Polonais aimeraient voir appliqué à nouveau. Lévêché maintient évidemment sa position et nentend pas remettre en cause les dispositions de 1943. Tous les efforts de laumônier polonais et de la communauté catholique polonaise vont alors se conjuguer pour imposer de fait, puisque la chose est impossible de droit, lassistance religieuse dans leur langue maternelle aux Polonais de la paroisse Saint Jacques dOstricourt. Les problèmes de compétences vont désormais se multiplier ; limbroglio sera dautant plus grand que la paroisse Saint Jacques, située sur la commune dOstricourt, dépend de lévêché de Lille, alors que laumônerie polonaise, sur le territoire dOignies, dépend de celui dArras. Les plaintes du curé de Saint Jacques recommencent à affluer à la chancellerie de Lille ; le problème du catéchisme et de la communion des enfants est le plus épineux : laumônier polonais, labbé Glapiak, envisage de faire célébrer, le dernier dimanche de mai 1945, la première communion dans le secteur du Pas-de-Calais qui lui est attribué, mais il incorpore dans son groupe des enfants polonais de la paroisse Saint Jacques qui ont déjà fait la première communion dans leur paroisse officielle avec le curé français ! Les parents préfèrent peut-être la solennité de la cérémonie polonaise, les enfants recevront donc deux fois le même sacrement. La visite au centre pastoral polonais dOignies, effectuée au milieu du mois de juillet 1945 par le recteur Cegielka accompagné de lévêque Radonski de passage en France pour rejoindre la Pologne, sert de prétexte pour diffuser la rumeur du rétablissement des droits religieux pour les Polonais. Une longue polémique entre le cardinal Liénart et labbé Cegielka sensuit. Aux courriers du cardinal, du 22 août et du 4 octobre 1945, soffusquant des rumeurs lancées parmi les Polonais dOstricourt, le Recteur répond que laffaire a été portée à la connaissance du primat Hlond, car le règlement de 1943 est unilatéral, en contradiction avec celui de 1924 qui, lui, a été établi par les épiscopats polonais et français, et approuvé par le Pape Pie XI. Cest oublier que le règlement de 1924 ne résultait que dune entente privée avec le cardinal Dubois de Paris et navait pas force de loi, et sans doute accorder au titre de protecteur de lémigration polonaise, attribué en 1931 par le Pape Pie XI au primat Hlond, une dimension que le Saint-Siège navait certainement pas prévue. Quimporte, le cardinal Liénart reste intansigeant et, par courrier du 30 octobre 1945, confirme le maintien du règlement de 1943. Dans sa réponse du 17 novembre 1945, labbé Cegielka ne peut que sincliner, mais il le fait visiblement à contrecur.
En 1946, intervient dans cette affaire le chanoine Rupp, secrétaire de la Commission de lépiscopat français chargée des Affaires religieuses concernant les étrangers, mais il nose sopposer ouvertement à lautorité du cardinal Liénart. Comme les plaintes du curé de saint Jacques sur labbé Glapiak continuent darriver à lévêché tout au long de lannée 1947, notamment à propos du catéchisme encore, le cardinal retire les pouvoirs sacerdotaux à laumônier polonais. Lévêque Perrin dArras menace de faire de même en novembre 1947. Labbé Glapiak se soumet donc et contresigne un texte du cardinal Liénart, daté du 5 décembre 1947, portant Règlement destiné à M.M. les Aumôniers polonais dOignies dans les paroisses du diocèse de Lille, qui entérine celui de 1943. « Les aumôniers polonais dOignies (diocèse dArras) nont, en vertu de leur charge, aucun pouvoir de juridiction sur les Polonais habitant dans le territoire dOstricourt (diocèse de Lille) » (article 1). Ils ne peuvent en conséquence accomplir aucun acte religieux canoniquement du ressort des curés, sans lautorisation expresse de ces derniers (article 2). Ils peuvent néanmoins assister aux baptêmes, mariages et enterrements des Polonais, et présideront les funérailles lorsquil sagira de mineurs victimes daccidents du travail ou de responsables dassociations polonaises (article 5). Les enfants polonais dOstricourt sont autorisés à suivre le catéchisme à la chapelle polonaise dOignies, à condition quils suivent aussi celui de leur paroisse (article 3). En définitive, les seuls pouvoirs de laumônier polonais, qui ne nécessitent pas dautorisation du curé français, sont de confesser les Polonais et de prêcher dans le diocèse de Lille (article 4), ainsi que de visiter les malades polonais dOstricourt et de leur administrer lExtrême-Onction, mais sans rien décider pour les funérailles éventuelles (article 6).
En 1948, les relations entre les deux clergés ne saméliorent guère, malgré les tentatives de médiation du doyen polonais du Nord, labbé Nosal. En fait, toutes les manifestations de la vie religieuse donnent prétexte à des réclamations de part et dautre, le point de friction principal demeurant la question du catéchisme et de la communion solennelle. Au cours dune réunion au presbytère de la paroisse Saint Jacques, entre les prêtres français les abbés Vandame, Motte et Desmettre et laumônier polonais, afin de régler à lamiable les différends qui persistent entre clergé français et clergé polonais, labbé Glapiak se voit reprocher le fait daccepter à ses catéchismes des enfants polonais dOstricourt qui ne suivent pas les catéchismes paroissiaux et sur lesquels le curé de Saint jacques na aucun contrôle, et de ne pas fournir la liste de ces enfants. Laumônier polonais répond quil ny a pas de mauvaise volonté de sa part, et quil rencontre lui-même une forte opposition de la part des parents. Pour convaincre ses confrères, il leur propose même de venir les rencontrer. La réunion se tient le 6 février 1949, et rassemble une centaine de personnes recrutées parmi les parents des enfants fréquentant le catéchisme polonais et les militants des mouvements religieux polonais, non seulement de la paroisse Saint Jacques mais de toute la concession minière dOignies. Si les prêtres français espéraient pouvoir expliquer aux Polonais les rudiments du droit canonique relatif à la paroisse, le discours introductif du président de séance militant laïc polonais leur ôte très vite toute illusion en orientant les débats dans un sens patriotique et nationaliste : face à la poussée matérialiste et soviétique qui sexerce en Pologne, il y a nécessité de maintenir en France un foyer ardent de sentiment patriotique, et léducation religieuse tient évidemment un rôle primordial dans la préservation des valeurs nationales polonaises. Et pendant près de deux heures, devant les prêtres français qui ne sattendaient certainement pas à cette tournure des événements, les témoignages se succèdent et se répètent : les ouvriers immigrés vivent en France mais tiennent à rester intégralement Polonais ; ils doivent être évangélisés par des Polonais ; pourquoi leur a-t-on enlevé ce droit promis à leur installation en France ? ; ils demandent le rétablissement des coutumes davant-guerre, et la Chapelle polonaise doit être le centre de la vie religieuse des Polonais, non seulement pour les catéchismes, mais aussi pour les baptêmes, les mariages, etc. Interrogé à propos du règlement du 5 décembre 1947, dont la plupart des participants apprennent ainsi lexistence, labbé Glapiak répond quil la signé, obligé par le Recteur de la Mission catholique. La salle sécrie alors quelle ne peut céder à cette pression, et décide de demander une audience à lévêque de Lille.
Lincompréhension demeure totale. Comme le souligne fort justement labbé Henri Desmettre dans son rapport sur la réunion du 6 février 1949 618 , la vraie source du conflit réside dans lopposition entre les aspects psychologique et canonique de la question. Sil reconnaît, dun point de vue que lon pourrait qualifier de sentimental, la légitimité des revendications polonaises, labbé Desmettre insiste cependant sur le côté juridique. Pour lui, « le nationalisme outrancier » des Polonais, « encore aiguisé par la situation douloureuse de la mère-Patrie, ne leur permet pas de voir lautre aspect du problème, tout aussi important, à savoir : la structure institutionnelle de lEglise et la primauté de la paroisse ». Il ne peut également être question dun retour aux anciennes dispositions, le règlement de 1924 ayant été souvent appliqué en dépit des lois les plus élémentaires du droit canonique, alors que celui de 1947 est conforme aux exigences du code. Cest, pour lauteur du rapport, ce que laumônier polonais aurait dû expliquer à ses fidèles, « au lieu de se poser en victime » et dentretenir « chez eux un complexe de nationalisme persécuté ».
En fait, Français et Polonais impliqués dans ce problème ne parlent pas de la même chose : pour les uns, sentiment religieux et sentiment national unis dans un même effort pour conserver une indéfectible fidélité aux valeurs qui constituent la base de leur identité propre ; pour les autres, nécessité de se plier aux lois et aux exigences de linstitution pour en respecter la dimension universelle. Et les tracasseries quotidiennes à Ostricourt reprennent leur cours habituel : la question de la communion solennelle des enfants fait une nouvelle fois lobjet dune pétition adressée à lévêché de Lille le 19 avril 1949. Au bas de la pétition figurent les sceaux et les signatures des délégués de 17 associations polonaises de la concession ; pour faire bonne mesure, tous sont là : les mouvements catholiques bien sûr, et aussi le comité local de lUnion centrale des Polonais en opposition pourtant à la fédération catholique, la chorale locale, les Anciens Combattants, la section du P.O.W.N. et celle des ouvriers F.R.E.P., les scouts, et encore la troupe de théâtre amateur Le Gai Poméranien (Wesoly Pomorzanin), le club de motocyclistes La Mouette (Mewa) et le club de football du Rapid. Lunion ne fait-elle pas la force ?
Lassé, labbé Glapiak sen va en septembre 1949. Il est remplacé par labbé Bronislaw Wiater, de la congrégation des Pallottins, auquel lévêché de Lille adresse dès le 1-er octobre des remarques visant à faire respecter les dispositions du règlement de 1947. Le problème nest pas réglé pour autant.
Lécho des difficultés rencontrées dans les relations avec le clergé français se retrouve encore au cours des réunions des prêtres polonais 619 . Ainsi par exemple, le 26 mars 1946, le doyenné Est sinquiète des déclarations des évêchés de Metz et Nancy, selon lesquelles le travail des aumôniers polonais doit se concentrer exclusivement sur les personnes âgées, et ne doit pas concerner les jeunes et les enfants. Même inquiétude en janvier 1947 au doyenné Nord, à propos des souhaits de lépiscopat français relatifs au rapprochement entre les organisations de jeunesse polonaise K.S.M.P. et française J.O.C., et à lalignement du catéchisme polonais sur les normes françaises. Les prêtres polonais déclarent défendre la jeunesse face à « lesprit dannexion » 620 du clergé français. A chaque fois, le Recteur insiste sur le fait de ne céder sur aucun point du Règlement de 1924 ; faute de mieux, la P.M.K. se retranche derrière les dispositions de ce texte qui, rappelons le encore, na aucune force de loi du point de vue du droit canon. A la réunion annuelle des prêtres polonais, le 12 novembre 1948 à Clamart, le chanoine Rupp, délégué de lépiscopat français pour la pastorale des émigrés, les assure cependant de la bienveillance des évêques pour le travail sacerdotal quils accomplissent. Tout en reconnaissant que peuvent se produire, ici ou là, des problèmes avec les curés français, le chanoine les qualifie daffaires secondaires et purement personnelles dont il ne faut pas soffusquer outre mesure. Un contact direct de la Mission et des prêtres polonais avec les évêques français devrait, selon lui, résoudre bon nombre de difficultés.
Mais la question reste dimportance et dactualité à tel point que, lannée suivante, elle figure à lordre du jour de la réunion annuelle des 6 et 7 octobre 1949 à Paris. Dans son exposé intitulé Notre tactique à légard des prêtres français, labbé Majchrzak dresse une liste des sources de conflits entre prêtres polonais et français : le catéchisme, les cérémonies telles que les mariages et les enterrements, les honoraires et les quêtes, la ponctualité lorsque les deux communautés catholiques utilisent les mêmes édifices de culte, lutilisation commune du matériel liturgique. Pour surmonter les problèmes, il recommande surtout à ses confrères duser de gentillesse dans les rapports personnels : un « merci quand même » permet souvent de modifier lattitude négative du prêtre français ; une invitation à un repas, une visite au doyen français, le maintien de contacts avec les prêtres français des environs, sont autant de possibilités de décrisper les relations. Lexposé ne soulève pas de grande discussion, les aumôniers polonais admettant peut-être quune telle attitude, emprunte dhumilité, devrait porter ses fruits. Mais lorsque, le second jour des délibérations, le chanoine Rupp les invite à sexprimer sur les difficultés rencontrées dans la pratique quotidienne de leur sacerdoce, tant de prêtres veulent prendre la parole que, par manque de temps, il faut limiter le nombre des interventions. Dans son allocution, le chanoine réaffirme une nouvelle fois les bonnes dispositions de lépiscopat français envers la pastorale polonaise, et met encore les difficultés de collaboration entre les deux clergés sur le compte de la simple faiblesse humaine et dune probable incompréhension de la spécificité polonaise par les curés français. En cas de tension avec un confrère français, le prêtre polonais peut toujours sadresser en toute confiance directement au chanoine qui promet dintervenir avec bienveillance et efficacité. Personne nest dupe ; le problème est loin dêtre réglé.
Une difficulté supplémentaire vient, à partir de 1945, dégrader la situation des prêtres polonais dans la région du Nord Pas-de-Calais. Avec la mise en application de la nationalisation des compagnies minières de cette région, ordonnée déjà par le décret du 13 décembre 1944, disparaissent les aides matérielles que les compagnies assuraient aux aumôniers polonais. Certes, tombe par la même occasion lune des dépendances auxquelles étaient soumis les prêtres polonais pendant lentre-deux-guerres, mais la contrepartie est importante : lassistance matérielle des compagnies contribuait pour une large part à lentretien des prêtres. Le recteur Cegielka salarme de la situation et entreprend des démarches auprès du gouvernement français. Il livre dans la circulaire n° 3277/45 du 20 novembre 1945, classée confidentielle 621 , le résultat de ses entretiens : les Houillères nationalisées du Nord Pas-de-Calais sont dégagées, à partir du 1-er décembre 1945, de toute obligation à légard des aumôniers polonais, afin de se conformer à la législation française, mais le gouvernement, désireux de maintenir les prêtres polonais à leur poste, versera mensuellement au Rectorat de la Mission catholique la somme correspondant aux salaires des aumôniers de la région du Nord. Larrangement demeure favorable au clergé polonais, mais il est assez vite dénoncé par les autorités françaises. Au Conseil de la Mission qui se tient le 7 novembre 1946 622 , le Recteur annonce que les Houillères nationales refusent de payer la subvention à la P.M.K., dont il attribuait 2 500 F. par mois à chaque prêtre de la région du Nord, et estime que, malgré les démarches entreprises, les chances de faire rétablir le paiement de cette subvention sont quasiment nulles.
La situation financière du siège de la P.M.K. nest guère reluisante également. Même de manière irrégulière, le gouvernement polonais de lentre-deux-guerres octroyait néanmoins des subsides qui étaient toujours bienvenus dans le budget très serré de la Mission. A partir de 1945, il nest pas question bien entendu de subvention de la part du gouvernement de Varsovie ; quant au gouvernement polonais de Londres, il est très vite aux prises avec ses propres difficultés de financement, et rien nindique quil ait été sollicité par la P.M.K. Par contre, laide apportée par lépiscopat polonais en la personne du primat Hlond demeure. Le montant total de celle-ci nest pas précisé ; mais les dépenses de plus en plus importantes que doit couvrir le don du Primat, ce dont le recteur Cegielka sinquiète au cours de la même réunion du Conseil de la Mission, en donnent une idée :
200 000 F. par mois pour le journal Polska Wierna, 160 000 F. par mois pour les besoins de la pastorale y compris les allocations aux prêtres du Nord, 100 000 F. par mois pour laction du comité Caritas.
Il faut en conséquence trouver dautres sources de financement. Dans le courant de lannée 1947 probablement 623 , est instaurée lobligation pour les prêtres polonais denvoyer à la P.M.K. le produit de la quête effectuée le premier dimanche de chaque mois. Mais comment un prêtre en charge dune communauté un peu faible numériquement, ou affecté à la pastorale itinérante, pourrait-il contribuer efficacement au développement dun tel type de trésorerie ? Il semble donc que cette disposition ait surtout concerné les prêtres à demeure dans les grands centres industriels. De toute façon, cette contribution donne de faibles résultats : 102 386 F. pour les mois de janvier à octobre 1948, utilisés pour aider les centres pastoraux les plus nécessiteux, accorder des subventions exceptionnelles ou des prêts lors dune mutation ou de la prise de fonction dun nouveau centre, couvrir les frais de la pastorale itinérante 624 . Le solde de cette caisse particulière au début du mois de novembre 1948 sélève à 5 636 F. De la comparaison des chiffres de 1948 et des buts assignés à cette caisse, ne serait-ce que seulement la couverture des frais liés à la pastorale itinérante, il ressort quà ce moment-là la Mission avait certainement cessé de payer lallocation mensuelle aux prêtres de la région du Nord. Il nest donc pas exagéré daffirmer qualors lentretien des aumôniers polonais repose presque entièrement sur la générosité des fidèles. Pour les mois de janvier à septembre 1949, le montant des quêtes mensuelles au profit de la P.M.K. sélève seulement à 76 239 F., utilisés exclusivement pour secourir les prêtres dans le besoin dont lun en maison de retraite, et rembourser les frais de transport. Le solde, au début doctobre 1949 625 , est de
8 812 F. Ces données semblent bien confirmer la remarque précédente.
Un problème nouveau apparaît encore à la réunion annuelle des prêtres en octobre 1949 à Paris : la cotisation à une caisse dassurance maladie et de retraite. Signe des temps sans doute : jusquà un passé récent, la plupart des prêtres bénéficiaient de la protection des compagnies minières ou industrielles, et leur séjour en France se limitait à quelques années ; même ceux qui exerçaient en France depuis longtemps comptaient certainement sur un retour en Pologne, au moins au moment de la retraite. En 1949, la vague de retour des prêtres libérés des camps, les rappels par les évêques polonais, sils nont pas cessé complètement, nont plus en tout cas la même ampleur quau cours des années 1945 et 1946. En Pologne, la lutte des autorités contre lEglise sest intensifiée. Dans ces circonstances, certains prêtres sont sans doute amenés à penser quils resteront en France bien plus longtemps que prévu, voire même définitivement ; il faut donc prévoir lavenir et le moment de la cessation dactivités. Les discussions animées et les projets les plus divers présentés pendant lassemblée, le plus sérieux étant tout simplement laffiliation aux caisses diocésaines françaises, témoignent de la sensibilisation à ce problème. Le recteur Kwasny clôt la discussion en constatant quaucune solution na été adoptée ; la Mission étudiera les différentes possibilités et en informera ses membres. Le règlement de la question est ainsi remis à plus tard.
--------------------------------------------------------------------------------
Lorganisation particulière des congrégations religieuses masculines
Timide avant la seconde guerre mondiale malgré les efforts déployés par les instances ecclésiastiques, en particulier par le cardinal Hlond, la présence des congrégations religieuses masculines au sein de la Mission catholique polonaise en France sest considérablement renforcée au cours de la guerre. Larrivée des prêtres libérés des camps de concentration a aussi amené un certain nombre de prêtres réguliers, cest-à-dire soumis aux règles dune congrégation. A la fin des hostilités, se pose la question de leur avenir, comme pour tous les membres de la P.M.K. Des engagements dans larmée polonaise à lOuest, nombreux par exemple chez les Oblats de Marie Immaculée comme nous lavons vu, permettent de régler momentanément le problème. Quant à un retour en Pologne ou à une poursuite des activités en dehors du pays, la décision incombe aux responsables de leurs congrégations respectives.
Mais dans la deuxième éventualité, un problème supplémentaire de droit ecclésiastique est alors soulevé. Pour un prêtre séculier, lengagement au sein de la Mission seffectue de manière assez simple. Muni de lautorisation de lévêque polonais dont il dépend, il se voit attribuer un poste par le Recteur, et il est alors soumis à la double autorité du Recteur et de lévêque français du diocèse où il a été nommé. Pour un prêtre régulier, aucune autorisation épiscopale nest nécessaire puisquil ne dépend pas dun évêque ; il faut en revanche laccord de ses supérieurs de congrégation. En France, il est soumis à la même double autorité précédemment citée. Mais en plus, il reste encore dépendant de la hiérarchie de sa congrégation qui peut éventuellement le rappeler en fonction de ses besoins propres. Il reste aussi soumis à lobservation des règles de son ordre religieux, notamment des règles de vie commune ou de pratiques spirituelles communes. Comment les respecter en étant en France alors que la structure hiérarchique de la congrégation est basée en Pologne ? Il y a bien la solution dun transfert vers la structure française équivalente. Cest ce qui sest passé pendant la guerre avec les Oblats polonais du scolasticat de Notre-Dame des Lumières, incorporés après leur ordination à la province oblate du Midi de la France tout en étant regroupés dans des districts propres.
En 1945, cette solution ne satisfait pas les Polonais ; et chaque groupe suffisamment nombreux de prêtres appartenant à une congrégation donnée, va sefforcer dobtenir de sa hiérarchie la création dune entité polonaise spécifique en France.
Dès le mois de décembre 1945 626 , les Oblats polonais en France demandent à lAdministration générale de la congrégation lérection dune province polonaise à létranger. Une propriété comprenant une villa de deux étages entourée dun parc et dun jardin, est même achetée dans cette intention à La Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne), à une soixantaine de kilomètres à lest de Paris. Le 1-er mai 1946, sy installent les pères Kubsz et Stolarek, suivis bientôt des pères Cieply et Miczko. Au mois daoût 1946, se tient à La Ferté la première réunion des Oblats polonais en France. Informés du peu denthousiasme de lAdministration générale pour la création dune province polonaise à létranger, les pères oblats se mettent daccord pour demander la fondation dun district polonais en France. Cette solution est retenue par les autorités de la congrégation qui, par un acte du 4 septembre 1946, érigent un district polonais regroupant les 26 pères travaillant en France, dirigé par le père Karol Kubsz mais dépendant de la province de Pologne. Cest donc dans une atmosphère de confiance quant aux nouvelles perspectives de travail pastoral, et démotion puisque la cérémonie est la première du genre depuis le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, quen novembre 1946 à La Ferté, les Oblats polonais de France renouvellent leurs vux religieux à lissue dune retraite spirituelle menée par labbé Luczak.
Puis, à la suite des démarches du cardinal Hlond pour confier la direction de la Mission catholique polonaise en Belgique à la congrégation oblate, les limites du District polonais de France vont être élargies aux territoires de la Belgique et du Luxembourg. En prévision de la nomination, en décembre 1947, du père Kubsz au poste de recteur de la P.M.K. de Belgique, le Conseil provincial de Pologne, réuni le 23 août 1947, confie au père Konrad Stolarek la fonction de supérieur du District, le père Kubsz restant, après son installation à Bruxelles le 1-er janvier 1948, le supérieur religieux des Oblats de Belgique. La nouvelle structure sétend alors dannée en année à de nouveaux postes en France, en Belgique et au Luxembourg. Le succès de lexpérience et la difficulté de maintenir les contacts avec la Pologne vont provoquer une décision de lAdministration générale qui fortifiera la situation juridique des Oblats polonais en France. Le 10 mai 1949, le District est détaché de la province de Pologne et placé sous la dépendance directe du Supérieur général.
Le groupe des Pallottins, déjà bien présents en France avant et pendant la guerre, avec notamment le recteur Cegielka, sagrandit encore après guerre 627 . Des prêtres et des frères de la congrégation, libérés des camps, sont dirigés vers la France en 1945. Dautres les rejoignent en 1947, après la fin de leurs études en Italie ou leur démobilisation des forces armées polonaises. En prévision dun futur accroissement des effectifs, le 1-er août 1946, la délégation temporaire de la province polonaise en France est élevée par lAdministration générale de la congrégation au rang de Régie des Pères pallottins polonais en France ; labbé Bronislaw Wiater en est le premier supérieur. En décembre 1946, donc dix ans à peine après larrivée des premiers Pallottins au service des immigrés polonais en France, la Régie compte déjà 22 pères et 4 frères. Lune de ses premières préoccupations est de sassurer à Paris la propriété dune résidence ; celle-ci devrait servir de centre administratif à la disposition des différents postes pallottins pour la réalisation de leurs activités (organisation de colonies de vacances, retraites spirituelles, cours daction catholique, etc ), de centre dorganisation de lactivité missionnaire (pastorale itinérante, missions populaires), de centre dédition et de rencontre. Dès 1946, les Pallottins acquièrent une petite maison, au numéro 21 de la rue Bargue, qui se révèle vite trop petite pour les activités envisagées. Aussi achètent-ils en 1947 une demeure au 25 de la rue Surcouf, promise à un beau rayonnement au sein de la communauté polonaise en France.
Malgré la demande pressante denvoyer des prêtres en France, adressé en août 1946 par son fondateur, le cardinal Hlond, au Père supérieur Posadzy de la Société du Christ, seuls deux pères de la congrégation sy trouvent en 1945 et 1946, cinq pères et deux frères en 1947, six pères en 1948. La faute en incombe aux autorités polonaises de Varsovie qui refusent aux prêtres volontaires de la congrégation le passeport et lautorisation de quitter le territoire national polonais. Aussi, aucune structure particulière pour la congrégation ne sera mise en place en France dans limmédiat ; ce nest quaprès 1950, et même après 1956, au moment où les effectifs de la congrégation en France vont considérablement se renforcer, quune telle structure propre verra le jour. Pour linstant, à partir de mars 1947, labbé Jozef Grzelczak remplit les fonctions de délégué en France du Supérieur général de la Société 628 .
Les Lazaristes polonais, sans doute la congrégation la plus anciennement implantée en France, puisque labbé Szymbor, recteur de la Mission catholique de 1922 à 1929, faisait partie de la Congrégation des Missionnaires de Saint Vincent de Paul, ont également un supérieur en la personne de labbé Wiktor Bieniasz ; mais ils ne développent pas non plus de structure particulière, et la dizaine de membres de la congrégation en poste en France reste directement intégrée à la Mission.
Dautres congrégations sont encore présentes en France, mais chacune en petit nombre. Certains de leurs membres, comme ceux de la congrégation des Missionnaires de la Sainte Famille, étaient déjà là avant guerre. Dautres, les Salésiens par exemple, le plus souvent anciens prisonniers des camps de concentration, arrivent en France pour se soigner ou terminer leurs études ; ils attendent les décisions que prendront à leur égard leurs supérieurs religieux et, dans lattente, se joignent à la pastorale menée par la P.M.K. Il est évident que lautorité de la Mission sur les membres de ces congrégations minoritaires est toute relative, en tout cas beaucoup plus fragile que celle pouvant sexercer sur les Oblats, les Pallottins ou les Sociétaires du Christ. En effet, les immigrés polonais en France nentrent pas dans le cadre du programme principal daction missionnaire de ces congrégations ; il nest donc pas question de créer de structure propre en France, leurs représentants y sont dailleurs trop peu nombreux. Aussi, lorsque le besoin sen fait sentir, les autorités supérieures rappellent leurs prêtres ; et le Recteur de la Mission na aucun moyen de sy opposer, il ne peut même pas compter sur lappui dun quelconque responsable de la congrégation en France qui pourrait plaider la cause de la Mission auprès de ses supérieurs.
Néanmoins, la P.M.K. trouve incontestablement, avec lengagement de tous ces prêtres réguliers, un appoint appréciable, même sil savère parfois temporaire. Leur apport sera présenté, dans le chapitre suivant, dans le cadre général de la pastorale de la Mission catholique polonaise.
--------------------------------------------------------------------------------
LA FEDERATION DES ASSOCIATIONS CATHOLIQUES
--------------------------------------------------------------------------------
La réorganisation de 1945
Nous avons vu, à la fin de la deuxième partie, comment, à la suite de la réunion du clergé du 13 décembre 1944 à Lens et de celle de son Conseil supérieur le 7 janvier 1945, lUnion des Associations catholiques polonaises se trouve prête à fonctionner de nouveau : les postes de directeurs des unions constituant le P.Z.K. et leurs bureaux respectifs sont pourvus, un calendrier administratif a été mis au point. Il ne reste plus, au début de lannée 1945, quà le mettre en pratique pour réveiller ainsi toute la structure de la fédération, du haut en bas de léchelle.
A la base, les sections locales retrouvent rapidement lhabitude de se réunir et reprennent leurs activités. Cest ainsi que, par exemple, réorganisé en février 1945, le district Bruay-en-Artois de la jeunesse K.S.M.P. masculine est en mesure dorganiser une première manifestation publique dès le 6 mai 1945. La réorganisation au niveau local, qui seffectue par la tenue des assemblées générales des sections, se déroule non seulement dans la région du Nord, mais sétend bien à la France entière, comme le montre une enquête du secrétariat général du P.Z.K. Pour préparer lassemblée générale de la fédération, celui-ci demande en effet aux aumôniers, dans une circulaire du 16 juillet 1945, de dresser létat des mouvements catholiques de leurs centres pastoraux. Les réponses conservées dans les archives 629 sont fragmentaires, il nest donc pas possible de donner de résultats globaux ; elles permettent toutefois de mesurer létendue de la réorganisation. Nous en citons ci-après quelques exemples pris dans différentes régions de France.
Beaucoup de courrier concerne bien entendu le Nord Pas-de-Calais, et certaines paroisses affichent déjà des statistiques impressionnantes. Par exemple, létat des associations catholiques du centre pastoral de Bruay-en-Artois se présente au 27 juillet 1945 de la manière suivante :
sociétés masculines :
Ste Barbe à Bruay : 153 membres
Ste Barbe à Divion : 58
St Adalbert à Haillicourt-6 : 51
Ste Barbe à Houdain : 112
total : 374 membres ;
Confréries du Rosaire :
Bruay : 257 membres
Divion : 149
Haillicourt-2 : 68
Haillicourt-6 : 493
Houdain : 449
total : 1 416 membres ;
jeunesse féminine :
Bruay : 106 membres
Divion : 45
Haillicourt-2 : 24
Houdain : 40
total : 215 membres ;
jeunesse masculine :
Bruay : 25 membres
Divion : 37
Haillicourt-2 : 28
Haillicourt-6 : 30
Houdain : 20
total : 140 membres ;
chorales paroissiales :
Ste Cécile Wanda : 125 membres
Moniuszko : 68
Haillicourt-2 : 52
total: 245 membres ;
associations denfants :
patronage de Sur Kazimiera : 150 filles et garçons
patronage des surs du Sacré Cur : 83 filles
patronage à la chapelle polonaise : 64 garçons
Divion : 167 filles et garçons
total : 464 membres.
Cela représente un total de 2 854 personnes affiliées au mouvement catholique. Mais le rapport indique aussi que des jeunes appartenant au K.S.M.P. sont également membres des chorales paroissiales ; il y a donc lieu de diminuer un peu leffectif total, lordre de grandeur devant probablement se situer aux environs de 2 600 adhérents.
Etat du centre pastoral de Billy-Montigny au 1-er août 1945 :
Billy-Montigny : société Ste Barbe : 19 membres
Confrérie du Rosaire : 97
K.S.M.P. féminin : 41
chorale paroissiale : 35 ;
Montigny-en-Gohelle : société Ste Barbe : 21
Confrérie du Rosaire : 70
K.S.M.P. féminin : 25
K.S.M.P. masculin : 30
Croisade des enfants : 60 ;
total : 398 adhérents.
Etat du centre pastoral de Waziers au 30 juillet 1945 :
Notre-Dame à Waziers : société St Joseph : 85 membres
Confrérie du Rosaire : 350
K.S.M.P. féminin : 16
K.S.M.P. masculin : 21
chorale Ste Cécile : 40
Croisade des filles : 60
Croisade des garçons : 40 ;
Ste Rictrude à Frais-Marais : société Ste Barbe : 30
Confrérie du Rosaire : 40
chorale Ste Cécile : 30 ;
total : 712 adhérents.
Les autres régions industrielles ne sont pas en reste. En voici quelques exemples :
Etat du centre pastoral de Montceau-les-Mines au 29 juillet 1945 :
La Saule : société St Stanislas : 28 membres
Confrérie du Rosaire : 65
K.S.M.P. féminin : 62
K.S.M.P. masculin : 14
chorale paroissiale : environ 45
cercle des enfants de chur :10 ;
Bois du Verne : société St Joseph : 30
Confrérie du Rosaire : 45
K.S.M.P. féminin : 35
K.S.M.P. masculin : 23
chorale paroissiale : 37
cercle des enfants de chur :13 ;
Ste Marguerite : K.S.M.P. féminin : 25
K.S.M.P. masculin : 15
chorale paroissiale St Jean : 32 ;
Blanzy : chorale paroissiale : 12 ;
total : 491 adhérents.
Etat du centre pastoral de La Ricamarie au 28 juillet 1945 :
société Ste Barbe : 34 membres
Confrérie du Rosaire : 63
K.S.M.P. féminin : 37
K.S.M.P. masculin : 19
Croisade des enfants : 60
total : 213 adhérents.
Etat du centre pastoral de Saint-Eloy-les-Mines au 27 juillet 1945 :
confréries du Rosaire : 30 membres à Saint-Eloy-les-Mines
30 à Montjoie
15 à Montluçon
15 à Noyant dAllier ;
chorale paroissiale à Montjoie : 15 ;
total : 105 adhérents.
Etat du centre pastoral de Longwy Gouraincourt au 26 juillet 1945 :
confréries du Rosaire : Bouligny : 25 membres
Joudreville : 33
La Mourière : 15
Le Mont-Bonvillers : 45
Hussigny :14
chorales paroissiales : Joudreville :12
La Mourière :10
Hussigny : 8
total : 162 adhérents.
Ces quelques chiffres montrent bien que les centres industriels bénéficient dune assise, bâtie avant la Seconde Guerre mondiale, suffisamment solide pour pouvoir relancer assez rapidement le mouvement associatif. Mais les situations restent très disparates ; et les rares commentaires accompagnant les réponses à cette enquête du secrétaire général du P.Z.K., font parfois état de difficultés de réorganisation. Par exemple, labbé Krusze de Saint-Eloy-les-Mines indique que les sociétés dhommes et de jeunes sont seulement en train de renaître ; labbé Brzozowski de Longwy se plaint de la division introduite dans les colonies polonaises par les partisans du gouvernement de Lublin. De même, labbé Hojenski du Creusot fait part de la déstabilisation de ses paroissiens à la suite des difficultés rencontrées par la pastorale polonaise pendant la guerre ; et tous les courriers émanant de prêtres polonais en poste dans lEst de la France montrent aussi les traces profondes laissées par la guerre dans la vie associative. Néanmoins, dans les régions industrielles de manière générale, malgré certaines difficultés bien compréhensibles, plus ou moins importantes selon les zones, les associations catholiques dans lensemble reprennent vie.
Par contre, les archives ne contiennent aucune réponse à lenquête du P.Z.K. émanant de la région parisienne ou des zones rurales du Sud. Le seul courrier de labbé Purgol de lAbbaye de Cendras ne laisse guère beaucoup despoir quant à un éventuel renouveau des sociétés catholiques. Il est certainement possible den déduire que les associations catholiques de ces territoires, rares du reste ou nayant pas établi de racines profondes avant la Seconde Guerre, éprouvent de sérieuses difficultés à se rétablir.
Après les sections locales, vient le tour des unions constituant le P.Z.K. 630 . Elles tiennent leurs assemblées générales à Lens au début du mois daoût : le 5 pour la jeunesse féminine, le 7 pour les Confréries du Rosaire, et le 12 pour la jeunesse masculine et les sociétés masculines dadultes. Par contre, le mode de fonctionnement de lUnion des Associations dEnfants diffère fortement de celui des autres groupements formant la fédération catholique, et ne nécessite pas la convocation dune réunion particulière pour relancer ses activités : les militants catholiques redonnent vie tout naturellement dans les localités, dès que les conditions matérielles le permettent, aux patronages et différents cercles denfants. Les réunions plénières du début du mois daoût concernent essentiellement les sections du Nord de la France ; elles permettent néanmoins de faire le point sur les possibilités de chaque union, de redéfinir les buts et les idéaux, délire les bureaux. La composition de ceux-ci ne subit que très peu de modifications, surtout dans les organisations dadultes dirigées depuis leur création ou presque par les mêmes personnes :
Union des Confréries du Rosaire :
Stanislawa Witkowska présidente, Antonina Szypura secrétaire, Anna Bruzi trésorière,
Union des Sociétés catholiques dHommes polonais :
Franciszek Ratajczak président, Feliks Rakowski secrétaire, Jozef Michalak trésorier,
Union de la jeunesse K.S.M.P. féminine :
Teresa Durczynska présidente, Maria Kazmierczak secrétaire, Irena Lapinska trésorière,
Union de la jeunesse K.S.M.P. masculine :
Alojzy Ambrozy président, Marian Wieczorek secrétaire, Kazimierz Majcherek trésorier.
De même, la répartition des postes de directeurs des unions reste pratiquement la même que celle élaborée au cours de la réunion du clergé de décembre 1944 à Lens :
labbé Szewczyk pour les Confréries du Rosaire,
labbé Jagla pour les sociétés masculines,
labbé Makulec pour les associations denfants.
Seules les fonctions de labbé Nosal sont modifiées : il conserve le secrétariat général de la fédération P.Z.K., mais transmet la charge de directeur des deux unions K.S.M.P. à labbé Mieczyslaw Januszczak, revenu en France après sa libération du camp de Dachau, nommé par le recteur Cegielka le 1-er juillet 1945 631 . Labbé Januszczak retrouve ainsi un poste quil avait déjà occupé entre 1934 et 1936, au sein dun groupement dont il avait assuré le secrétariat général de 1936 à 1938.
La nouveauté de laprès-guerre consiste en la création dune sixième organisation aux côtés des cinq unions spécialisées constituant le P.Z.K. : il sagit de lUnion des Chorales paroissiales (Zwiazek Polskich Chorow Koscielnych we Francji). Déjà avant la Seconde Guerre mondiale, en 1932 et 1936 notamment, le groupement catholique avait envisagé la création dune structure propre aux chorales religieuses, et navait abandonné son projet quà cause de lattitude négative de lUnion des Cercles de Chant. Trois arguments principaux sont maintenant avancés par le bloc catholique en faveur de cette création 632 : quelques chorales se sont inscrites à lUnion des Sociétés catholiques dHommes polonais, mais celle-ci ne peut répondre à tous leurs besoins (prêt de partitions, engagement de maîtres de chant pour plusieurs chorales, organisation de concerts, ), un regroupement spécifique savère donc indispensable ; laction des chorales paroissiales pendant loccupation a été déterminante pour sauvegarder lesprit religieux et patriotique au sein de limmigration, et il est nécessaire dentretenir et de développer cette activité particulière ; enfin, lUnion des Cercles de Chant nayant pas encore été réactivée, les dirigeants catholiques se sentent contraints de promouvoir leur propre solution. Cependant, sans doute afin de tempérer les récriminations éventuelles de cette dernière union, la fédération catholique stipule que, dès la remise en état des cercles de chant, les chorales paroissiales collaboreront étroitement avec eux. Lassemblée constitutive de lUnion des Chorales paroissiales se tient à Lens le 5 août 1945 633 et enregistre ladhésion de 28 churs, du Nord de la France en majorité mais aussi de Paris, Chaumont, Couëron, Montjoie, Bois du Verne, La Saule, Les Baudras et Montceau-les-Mines. Les statuts et un règlement intérieur sont adoptés ; un bureau est constitué : Kazimierz Majcherek (Divion) président, Robert Goj (Calonne-Ricouart) secrétaire, Feliks Salamon (Grenay) trésorier. La fonction de directeur de lunion est confiée par le recteur Cegielka à labbé Gerard Mizgalski, ancien président de lUnion des Chorales paroissiales de larchidiocèse de Gniezno Poznan, arrivé en France après sa libération du camp de Dachau, qui remplit simultanément la tâche de secrétaire général de la Mission catholique polonaise.
Tous les rouages administratifs se mettent ainsi en place conformément au calendrier établi par le Conseil supérieur du P.Z.K. au mois de janvier 1945. Lassemblée générale du groupement catholique, le 26 août 1945 à Lorette, le jour même du pèlerinage traditionnel, va donc constituer le point culminant de la phase de réorganisation 634 . Le titre de la fédération reste celui adopté par lAssemblée du 4 juin 1939 : Union des Associations polonaises catholiques (Polskie Zjednoczenie Katolickie P.Z.K.) ; mais les statuts et le règlement intérieur sont une nouvelle fois modifiés pour entériner la décomposition du groupement en six unions spécialisées. Chacune dentre elles se réunira chaque année en assemblée générale, alors que la fédération ne le fera que tous les trois ans. Les élections au bureau ramènent à la présidence lun des fondateurs du P.Z.K., Jan Szambelanczyk. Sa démission en mai 1932 du poste de président du groupe catholique pour se consacrer davantage au Comité central des Polonais, navait pas empêché la défaite de ce dernier face à la volonté des autorités polonaises de lépoque de dominer la vie associative de limmigration par le biais du Conseil dEntente des Unions polonaises en France ; elle consacrait aussi la victoire des partisans du maréchal Pilsudski sur le courant nationaliste de Roman Dmowski. Sa réélection en 1945, alors quil est président dhonneur, place à la tête du groupement un homme imprégné de limportance du mouvement catholique, persuadé de sa prépondérance au sein de limmigration, marqué aussi par les événements de 1932 et 1933, et qui sera en conséquence, face aux deux autres orientations en concurrence pour gouverner les associations polonaises en France, un défenseur acharné des prérogatives du camp catholique. Les titulaires des postes de secrétaire et de trésorier demeurent Feliks Rakowski et Alojzy Ambrozy respectivement.
--------------------------------------------------------------------------------
Les districts
La fédération catholique est alors, dun point de vue administratif, en état de fonctionner. Seuls les districts du P.Z.K. nont pas été tous réactivés. En fait, compte tenu de ce que les assemblées générales des unions se font dans le Nord, que tout leur appareil administratif sy trouve et quelles y maintiennent des districts propres, la superposition dune entité supplémentaire, en loccurrence un district P.Z.K., selon le schéma :
qui avait cours avant guerre, est maintenant jugée superflue. Aussi, aucun des districts P.Z.K. de la région du Nord, cest-à-dire Lens, Bruay-en-Artois, Douai et Valenciennes, nest réorganisé après la guerre.
Par contre, dans les régions géographiquement éloignées du centre administratif que constitue le Nord Pas-de-Calais pour le groupement catholique, il est important de remettre en place les districts P.Z.K., véritables fédérations régionales de toutes les sections féminines, masculines, de jeunes, denfants, et chorales , qui coordonnent leurs activités et organisent des manifestations communes. Cest le district Saint-Étienne qui, libéré le plus tôt de loccupation allemande, se réorganise en premier. Une assemblée générale réunit, le 11 avril 1945 à Saint-Etienne même, 60 délégués représentant 25 associations 635 de Saint-Etienne et environs, Beaulieu, Roche-la-Molière et La Ricamarie. Le but est surtout de dresser linventaire des forces disponibles, et elles savèrent conséquentes :
9 confréries du Rosaire avec plus de 350 membres,
5 sociétés masculines, dont lune la Ligue catholique polonaise de Saint-Etienne Soleil-Marais a mis sur pied une section théâtrale autonome, avec environ 160 membres,
4 sections de jeunesse féminine regroupant 100 membres,
3 sections de jeunesse masculine regroupant entre 50 et 60 membres,
2 associations denfants regroupant également entre 50 et 60 membres,
1 chorale avec environ 20 membres,
cest-à-dire un total de 25 sections rassemblant environ 740 adhérents, leffectif de 4 des 25 sections, non précisé dans le rapport, ayant été seulement estimé.
Un bureau est élu : Antoni Tomaszewski (Chambon-Feugerolles) président, Michal Szostak (Saint-Etienne) secrétaire, Franciszek Boniecki (Saint-Etienne) trésorier,
auquel lassemblée confie létablissement dun calendrier des activités du district pour lannée 1945. Lâme du district demeure cependant labbé Michal Babirecki, aumônier à Saint-Etienne et dans les cités avoisinantes Grand-Coin, La Chana, Saint-Ennemond, La Talaudière, Villard ; il porte le titre de patron du district. Ce nest que vers la fin de lannée 1945 que la Mission catholique polonaise officialise et conforte, lorsque les conditions le permettent, la position dominante dun aumônier au sein de la structure dun district P.Z.K., en nommant, sur le modèle des unions, un directeur de district. Labbé Babirecki est ainsi confirmé au poste de directeur du district Saint-Etienne du P.Z.K. à la date du 1-er novembre 1945 636 . Vers la fin de lannée 1945, le renouveau du district est suffisamment important pour permettre lorganisation dune manifestation commune, la célébration de la fête du Christ Roi le 28 octobre à La Ricamarie, en présence du recteur Cegielka 637 .
Le district I Montceau-les-Mines ne tarde pas non plus à se redresser. Dès le 5 août 1945, un rassemblement de la jeunesse K.S.M.P. réunit à Montceau-les-Mines 360 jeunes filles et 170 jeunes garçons 638 . La réunion de réorganisation administrative du district a lieu le 25 novembre 1945, mais les archives nont pas gardé la trace de son état à ce moment-là ; tout au plus , une information donne le nombre denviron 2 000 adhérents au milieu de lannée 1946 639 . La difficulté principale du district réside dans la lutte dinfluence que se livrent au sein des communautés polonaises de la région, les trois fractions regroupées respectivement autour du Conseil national des Polonais en France, de lUnion centrale des Polonais et de lUnion des Associations catholiques polonaises 640 . Le district I du P.Z.K. néprouve cependant aucun problème pour se démarquer par rapport au P.K.W.N., tant les conceptions idéologiques des deux groupements divergent ; et les dirigeants catholiques ne prennent pas part aux diverses réunions dunification tentées par le P.K.W.N. au mois de juin 1945, malgré les affirmations lancées dans la presse de ce dernier. Par contre, une certaine confusion demeure en ce qui concerne les rapports entre les districts du P.Z.K. et du C.Z.P. En effet, les associations catholiques sont habituées depuis longtemps à collaborer localement avec certains mouvements membres de lUnion centrale comme le scoutisme. De plus, le président du district P.Z.K., Smektala, occupe simultanément la fonction de président du district C.Z.P. ; et il paraît simpliquer davantage dans celle-ci. Aussi, au cours de lassemblée générale du district catholique en 1946, les délégués adoptent une attitude ferme vis-à-vis des prétentions de lUnion centrale à dominer la vie associative de la région. Sous la conduite dun nouveau président en la personne de Wladyslaw Kaim, de Montceau-les-Mines, le district P.Z.K. va désormais centrer ses activités et son fonctionnement autour de ses idéaux, en respectant uniquement les directives générales de la fédération catholique. A partir de 1948, Bronislaw Jedrosz, des Gautherets, occupe le poste de secrétaire et apporte une aide précieuse au président Kaim pour maintenir le district dans cette voie. La fonction de directeur du district est confiée à chaque doyen successif, labbé Mateuszek dabord, puis à labbé Wahrol en août 1948.
Un courrier du 10 avril 1945 641 annonce la composition du bureau du district Paris ; il sagit en fait de celui élu avant la guerre, en 1938 : Andrzej Reczek, Jan Chalupczak et Wladyslaw Pawelek. Une réunion du bureau a lieu le 8 décembre 1945 642 , mais la reprise paraît difficile : la nature essentiellement rurale de la majeure partie du territoire du district en est sans doute la cause, seules quelques associations dans la banlieue parisienne ou en province renaissent 643 . Pour insuffler un dynamisme nouveau, le recteur Cegielka nomme labbé Florian Deresinski au poste de directeur du district à compter du 1-er avril 1946 644 , mais celui-ci rentre bientôt en Pologne, et lactivité du district semble rester au point mort. Ce nest quaprès de longues années de travail intensif à la base, mené en particulier grâce à lénergie de Jan Chalupczak, que le district Paris retrouve une organisation cohérente. Une assemblée générale 645 , le 16 octobre 1949, dresse le bilan des sociétés adhérentes :
1 confrérie du Rosaire à Paris ;
9 associations masculines : Paris, Saint-Denis, Argenteuil, Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne), Villers-Saint-Paul (Oise), Amiens, Couëron (Loire-Inférieure), Potigny et Mondeville (Calvados) ;
lassociation universitaire Veritas ;
6 groupes de jeunesse K.S.M.P. féminine : Paris, Saint-Denis, Argenteuil, Dammarie-les-Lys, Villers-Saint-Paul, et Mondeville ;
1 association denfants à Paris.
Un bureau est élu : Feliks Mikolajczak président, Jan Chalupczak secrétaire, Franciszek Marzec trésorier. La tâche principale que lui confie lassemblée, est de veiller justement à maintenir et resserrer les liens entre le district et les sections locales, trop facilement distendus par suite de la dispersion des sections à travers le territoire, et de favoriser le renouveau des associations qui ont suspendu leurs activités.
Dans lEst de la France enfin, ni le district Metz, ni le district Alsace (Mulhouse) ne peuvent renaître en 1945. Sur ces territoires récemment libérés, beaucoup dassociations sont encore inactives ; il faut dabord les réactiver avant de songer à la reconstitution des districts. Cest ce qui ressort par exemple du courrier adressé par labbé Neumann, aumônier à Tucquegnieux, en réponse à lenquête de juillet 1945 du P.Z.K. 646 . Tout en déplorant le fait quil ny ait pas à nouveau une autorité à la tête du groupement catholique régional, et quaucun doyen nait été désigné pour diriger les aumôniers polonais de la région, il reconnaît, en dressant la liste des sections existantes dans les communes quil dessert, quil y a dabord un énorme travail à mener en profondeur à la base : à lexception de cinq confréries du Rosaire rassemblant environ 130 membres, et dun groupe de jeunesse féminine de 20 membres, nouvellement créé à Tucquegnieux, toutes les autres associations sont inactives ou seulement en phase de reconstruction ; et pour relancer lactivité de lensemble, il faudra vaincre lindifférence générale et le sentiment dabattement ambiant. Ce travail est néanmoins mené à bien en lespace dune année et, au milieu de 1946, les deux districts P.Z.K. de lEst sont réorganisés.
La réunion du doyenné Est, le 26 mars 1946 à Metz 647 , est en effet consacrée en grande partie à lAction catholique dans le doyenné. Les directeurs respectifs des districts VIII Metz et IX Alsace nommés en novembre 1945 648 , les abbés Neumann et Pachciarz, commentent les efforts déployés pour redonner vie au groupement catholique dans la région, et annoncent la reconstitution prochaine des structures laïques des districts. En mai 1946 649 , est dabord reformé le district Alsace encore appelé district Mulhouse : il compte un total de 21 associations réparties en 3 confréries du Rosaire, 3 sociétés masculines, 7 groupes de jeunesse et 8 chorales ; le bureau élu à sa tête se compose de Blaszczyk de Wittenheim président, Stanislaw Slazyk dEnsisheim secrétaire, et Jan Wolak de Wittenheim trésorier. Le directeur du district demeure labbé Czeslaw Pachciarz jusquà son retour en Pologne à la fin du mois daoût 1947 ; il est alors remplacé par labbé Walenty Debski.
Le district VIII tient sa première assemblée générale daprès-guerre le 10 juin 1946 à Metz, et constate ladhésion de 39 sections locales 650 :
22 confréries du Rosaire à : Bouligny dans la Meuse, Blénod-les-Pont-à-Mousson, Giraumont, Homécourt, Juf, Joudreville, La Mourière, Mancieulles, Mont-Bonvillers, Pont-à-Mousson, Trieux et Tucquegnieux en Meurthe-et-Moselle, Audun-le-Tiche, Cantebonne-Villerupt, Clouange Rombas, Creutzwald, Hayange, Merlebach, Metz, Sainte-Marie-aux-Chênes, Stiring-Wendel et Thionville en Moselle,
avec un total de 892 membres ;
8 sociétés masculines à : Blénod-les-Pont-à-Mousson, Homécourt, Pont-à-Mousson, Tucquegnieux, Cantebonne-Villerupt, Creutzwald, Hayange et Ottange,
avec un total denviron 200 membres ;
4 sections K.S.M.P. féminines à : Blénod-les-Pont-à-Mousson, Pont-à-Mousson, Tucquegnieux et Creutzwald,
avec environ 50 membres ;
2 sections K.S.M.P. masculines à : Pont-à-Mousson et Creutzwald,
avec environ 20 membres ;
3 chorales paroissiales à : Cantebonne-Villerupt, Creutzwald et Merlebach,
avec un total de 110 membres ;
soit près de 1 200 adhérents pour le district.
Le nouveau bureau est formé par : Stanislaw Piotrowski président, Ignacy Krakowiak secrétaire, et Antoni Horala trésorier. Labbé Ignacy Neumann, en France depuis 1935, originaire du diocèse de Poznan, est rappelé au milieu de lannée 1947 par son évêque en Pologne. A la date du 1-er septembre 1947 651 , il est libéré de sa paroisse et de ses fonctions de directeur du district VIII du P.Z.K.. A la même date, labbé Jan Wiatr est muté des Gautherets en Saône-et-Loire à Tucquegnieux en remplacement de labbé Neumann ; il lui succède également au poste de directeur du district mais à titre provisoire. Il semble quensuite cette tâche ait été confiée à labbé Wiktor Miedzinski, doyen de lEst dès la fin de lannée 1947 652 .
Ainsi, la structure du groupement catholique, établie avant la guerre selon le schéma rappelé au début de ce paragraphe, a été assez largement modifié. Dans les départements du Nord de la France, aucun des districts P.Z.K. nayant été réactivé, elle sest simplifiée suivant lorganigramme :
Dans les autres régions de France, à lexception de celle du Centre, la structure est également différente du modèle de lavant-guerre, même sil convient de rappeler que ce modèle nétait pas scrupuleusement appliqué partout et toujours. Lorganigramme dans ces régions est maintenant devenu le suivant :
Seul le district I Montceau-les-Mines a pu, semble-t-il, conserver lancienne structure, cest-à-dire regrouper toutes les sections situées sur son territoire et appartenant à un mouvement donné, au sein dun district dunion dépendant à la fois de lunion à laquelle il appartient et du district P.Z.K. Dans le district VIII Metz, le nombre important de confréries du Rosaire, 22 avec 892 membres en juin 1946, a également permis la constitution dun district propre au Rosaire dirigé par Rozalja Jankowska de Thionville, Jadwiga Mieloszynska et Stanislawa Antczak de Metz.
--------------------------------------------------------------------------------
Les unions
Les deux unions rassemblant exclusivement des adultes, lUnion des Confréries du Rosaire et lUnion des Sociétés catholiques dHommes polonais, se caractérisent par une remarquable stabilité au niveau administratif, comme cétait du reste le cas pendant lentre-deux-guerres. Elles tiennent chaque année leurs assemblées générales statutaires au cours desquelles les mêmes personnes sont réélues au bureau, les modifications nintervenant quaux postes dadjoints. Et au poste daumônier directeur, un seul changement est à noter au cours de la période étudiée.
Ainsi, labbé Antoni Szewczyk, directeur de lUnion des Confréries du Rosaire depuis septembre 1936, quitte sa fonction au début de lannée 1948 pour rentrer en Pologne à la fin de cette année. Il est remplacé à partir du 1-er mars 1948 par labbé Antoni Majchrzak, aumônier à Méricourt 653 . Les assemblées générales se tiennent toujours dans le Nord de la France 654 :
le 7 août 1945 à Lens, le 22 septembre 1946, le 31 août 1947 à Lorette, le 1-er août 1948 à Lens, le 25 septembre 1949 ;
et élisent au bureau :
en 1945, 1946, 1947 et 1948 :
Stanislawa Witkowska présidente, Antonina Szypura secrétaire, Anna Bruzi trésorière,
en 1949 :
Stanislawa Witkowska, Antonina Szypura, Gertruda Lepczynska trésorière.
Lunion se décompose en districts : Lens, Bruay-en-Artois, Douai, Valenciennes, Montceau-les-Mines et Metz, menant des activités propres, dirigés par des bureaux élus chaque année par une assemblée générale et assistés par un aumônier directeur de district dunion. Les autres sections locales, dans les régions de Paris, Saint-Etienne et en Alsace, entrent directement dans la composition des districts de la fédération P.Z.K. Les archives du groupement catholique sont très discrètes quant au nombre de membres des confréries du Rosaire ; les estimations trouvées situent le nombre total de confréries en France entre 1945 et 1949, aux alentours de 70 regroupant entre 9 000 et 9 500 membres 655 .
Le directeur de lUnion des Sociétés catholiques dHommes polonais demeure labbé Franciszek Jagla, nommé en mars 1938, aumônier des communautés polonaises dAuby et des environs (Courcelles-les-Lens, Pont-de-la-Deule, Leforest) depuis le début de lannée 1945. Les assemblées générales ont lieu à Lens les : 12 août 1945, 7 juillet 1946, 29 juin 1947, 20 juin 1948 et 25 septembre 1949 656 . Sont élus au bureau de lUnion :
en 1945, 1946 et 1947 :
Franciszek Ratajczak président, Feliks Rakowski secrétaire, Jozef Michalak trésorier,
en 1948 et 1949 :
Franciszek Ratajczak, Feliks Rakowski, Franciszek Maciejewski trésorier.
Le Nord de la France est subdivisé en 4 districts : Lens, Bruay-en-Artois, Douai et Valenciennes ; et dans les autres régions, les associations masculines sont regroupées directement au sein des districts P.Z.K. 657 . Les questionnaires envoyés aux sections locales avant les assemblées générales, dont les réponses traitées par labbé Jagla sont présentées aux délégués réunis et diffusées dans les circulaires internes, permettent davoir une idée assez précise de létat statistique de lorganisation 658 :
districts assemblée générale du 07/07/46 assemblée générale du 29/06/47 assemblée générale du 20/06/48 assemblée générale du 25/09/49
Lens
Bruay-en-Artois
Douai
Valenciennes
Montceau-les-Mines
Saint-Etienne
Paris
Metz
Mulhouse 23 sections
12
18
5
5
5
9
11 19
10
17
9
7
4
10
8
6 20
10
17
9
7
5
10
8
7 20
10
18
10
7
5
10
14
8
total 88
3 283 membres 90
3 433 membres 93
3 114 membres pour 75 sections 102
3 176 membres pour 83 sections
Dans la statistique de 1946, le chiffre 11 correspond au nombre de sections existant dans lEst de la France, cest-à-dire dans les districts de Metz et Mulhouse ensemble. Les précisions relatives au nombre total dadhérents à lUnion en 1948 et 1949 proviennent du fait que, sur les 93 et 102 sociétés locales recensées en 1948 et 1949 respectivement, seules 75 et 83 dentre elles ont répondu au questionnaire ; le décompte du nombre de membres na été réalisé que sur la base des réponses obtenues. Cette précision nest pas apportée pour les années 1946 et 1947 ; mais, compte tenu de la moyenne par association que fournissent les différentes données annuelles du tableau, il y a lieu de penser que les nombres dadhérents indiqués pour 1946 et 1947 correspondent bien à la somme des membres des 88 et 90 sections respectivement.
Cest au poste de directeur de lUnion des Chorales paroissiales que les mutations des prêtres provoquent le plus de changements. A labbé Gerard Mizgalski, premier directeur de lUnion, rappelé par son évêque en Pologne en août 1946, succède labbé Franciszek Wahrol, aumônier à Waziers 659 , à compter du 1-er septembre 1946. Lorsque celui-ci est muté en août 1948 aux Gautherets dans le doyenné du Centre, il est remplacé par labbé Stanislaw Stefaniak de la congrégation des Missionnaires de la Sainte Famille. Le bureau élu au cours de lassemblée constitutive du 5 août 1945, Kazimierz Majcherek président, Robert Goj secrétaire, et Feliks Salamon trésorier, reste en place jusquà lassemblée générale du 10 avril 1949 qui confie le poste de président à Roman Wisniewski, celui de secrétaire à Feliks Salamon, et la trésorerie à Franciszek Matuszak. La composition de lUnion reste stable ; aux 28 chorales ayant déclaré leur adhésion au moment de la fondation de lUnion, sajoutent 4 autres chorales avant la fin de lannée 1945 660 :
dans le doyenné du Nord : Sallaumines, Calonne-Ricouart, Bruay-en-Artois (2 chorales), Waziers, Lille, Méricourt et Noyelles-sous-Lens, Auchel, Roubaix, Libercourt, Oignies, Pont-de-la-Deule, Dourges, Barlin, Leforest, Auby, Frais-Marais, Rouvroy, Grenay, Ostricourt ;
dans le doyenné de lEst : Cantebonne-Villerupt, Creutzwald ;
dans le doyenné du Centre : Bois du Verne, La Saule, Les Baudras, Les Gautherets, Montceau-les-Mines ;
dans le doyenné de Paris : Couëron, Chaumont, Paris, Blanc-Mesnil ;
dans le doyenné du Sud : Montjoie.
Cet état na probablement subi que de légères modifications au cours de la période étudiée ; un rapport5 661 1 indique en effet quen 1949 lUnion des Chorales paroissiales compte 28 sections et 1 200 membres. Le nombre relativement important de chorales dans la région du Nord permet dy créer dès le début de lannée 1947 les districts : Lens, Bruay-en-Artois et Douai, avec des bureaux et des aumôniers directeurs propres 662 . Les chorales de la région du Centre ont peut-être également constitué un district dunion au sein du district P.Z.K. de Montceau-les-Mines5 663 3. Ainsi, la structure de lUnion des Chorales paroissiales demeure calquée sur celle des autres unions de la fédération catholique.
Contrairement aux associations où les personnes adultes sont majoritaires, la nature même des mouvements de jeunesse entraîne une fluctuation plus importante de leur hiérarchie. Un conflit entre laumônier directeur des unions K.S.M.P. et lautorité ecclésiastique naméliore guère la situation. Pourtant, sous limpulsion de labbé Mieczyslaw Januszczak, directeur des unions de la jeunesse depuis juillet 1945, et des bureaux élus en août 1945, dominés par les personnalités de Teresa Durczynska et dAlojzy Ambrozy, lorganisation K.S.M.P. retrouve vite sa vitalité. Ces deux responsables uvrent à la tête du mouvement depuis 1934 pour lune et 1936 pour lautre, et lui sont entièrement dévoués. Les assemblées générales de 1946 et 1947 confirment la confiance que leur portent les délégués. La composition des bureaux est alors la suivante :
pour le K.S.M.P. féminin :
assemblée générale du 8 décembre 1946 : T. Durczynska présidente, Stefania Blerick secrétaire, Janina Kreslak trésorière,
assemblée générale du 21 décembre 1947 : les mêmes sont élues ;
pour le K.S.M.P. masculin :
assemblée générale du 22 décembre 1946 : A. Ambrozy président, Marian Wieczorek secrétaire, Kazimierz Majcherek trésorier,
assemblée générale du 28 décembre 1947 : A. Ambrozy président, Marian Idziorek secrétaire, Stanislaw Hudziak trésorier.
Mais, au début de lannée 1948, labbé Januszczak est subitement démis de ses fonctions. Invoquant son rappel par lévêque de Poznan parvenu à la Mission catholique par courrier en date du 26 décembre 1947, le recteur Kwasny libère labbé Januszczak de sa charge de directeur des unions K.S.M.P. à compter du 15 janvier 1948 et la confie, à partir de ce même jour, à labbé Konrad Stolarek 664 de la congrégation des Oblats de Marie Immaculée. Mais labbé Januszczak refuse de se soumettre à la décision de ses supérieurs. Laffaire, aggravée par une querelle entre le Recteur de la Mission catholique et le directeur du K.S.M.P. à propos du règlement du déficit lié à lorganisation de stages pour la jeunesse au cours de lété 1947, prend alors une tout autre dimension 665 . A une intervention de Teresa Durczynska et Alojzy Ambrozy en faveur du maintien de labbé Januszczak, le recteur Kwasny répond, le 23 janvier 1948, que labbé Stolarek a pris en charge le K.S.M.P. à la demande du primat Hlond, désireux de confier la direction de laction catholique parmi la jeunesse à une congrégation afin de lui assurer stabilité et continuité. Cest bien là que réside lenjeu de laffaire : la congrégation des Oblats a certes pour vocation léducation de la jeunesse, mais prendre la tête dun mouvement aussi important lui permet aussi de sassurer, parmi les catholiques polonais en France, la prépondérance dans le domaine éducatif.
Labbé Januszczak campe sur sa position, et la querelle senvenime à tel point que, dans un courrier du 10 mars 1948, labbé Stolarek se plaint au Recteur de la Mission catholique de ne pas avoir encore reçu les archives du K.S.M.P. Finalement, la transmission définitive de la charge seffectue à la fin des mois de mars et avril 1948 ; et labbé Januszczak, sans doute grâce à lintervention du recteur Kwasny, reste en France. Mais la confirmation de labbé Stolarek dans la fonction de directeur des unions de la jeunesse place les présidente et président de celles-ci, qui ont pris position contre lui, dans une situation inconfortable. Lassemblée générale de lUnion masculine du 29 mars 1948 traite des affaires courantes de lorganisation et ne procède quà une élection complémentaire à un poste dadjoint 666 ; il semble que lUnion féminine également, si elle a effectivement tenu une assemblée générale en 1948 667 , na procédé à aucune modification dans la composition de son bureau. Teresa Durczynska et Alojzy Ambrozy sont donc contraints de collaborer avec le nouveau directeur. A. Ambrozy se marie le 18 avril 1948 et laisse alors son poste au vice-président Stanislaw Matuszak ; la tradition au sein du mouvement voulait quaprès le mariage les jeunes le quittent et sinscrivent aux sociétés dadultes. Durczynska se retrouve seule ; elle maintient sa position un certain temps puis, le 16 août 1948, le lendemain même du grand rassemblement annuel de lorganisation de la jeunesse, elle remet sa démission au Recteur de la Mission catholique. Le malaise à la tête du mouvement K.S.M.P. nest définitivement dissipé quà loccasion des assemblées générales de 1949, le 20 mars pour lUnion féminine et le 27 mars pour lUnion masculine, qui amènent de nouveaux militants aux postes principaux des bureaux :
K.S.M.P. féminin :
Jozefa Szymanska de Nux-les-Mines présidente, Krystyna Wolska de Bruay-en-Artois secrétaire, Helena Czerwinska de Montigny-en-Ostrevent trésorière ;
K.S.M.P. masculin :
Boleslaw Szambelanczyk de Divion, fils du président - fondateur du P.Z.K. président, Franciszek Baranowski de Nux-les-Mines secrétaire, Stanislaw Hudziak dOignies trésorier.
La structure des unions de la jeunesse reste par contre semblable à celle des autres groupements de la fédération catholique. Dans les régions autres que le Nord Pas-de-Calais et le Centre, les sections locales sont directement regroupées au sein des districts P.Z.K. Dans la région de Montceau-les-Mines, il semble que, comme dans le cas des associations dadultes, les jeunes soient regroupés en districts autonomes. En tout cas 668 , un délégué du district Montceau-les-Mines, Antoni Skowronski, est présent à lassemblée générale de lUnion masculine le 22 décembre 1946, une déléguée Czeslawa Cichon à celle de lUnion féminine du 20 mars 1949, et un délégué Bronislaw Jedrosz à celle de lUnion masculine du 27 mars 1949 ; une délégation de jeunes gens est aussi présente au rassemblement annuel le 15 août 1947 à Nux-les-Mines, et une délégation mixte à celui du 15 août 1948 à Billy-Montigny. Le Nord reste traditionnellement divisé en les districts Lens, Bruay-en-Artois et Douai. Mais limportance des districts Lens qui comptent, en 1945 669 , 15 sections et environ 1 300 membres à eux deux, provoque leur découpage en deux districts distincts : Billy-Montigny et Lens, en janvier 1947 670 . Entre 1945 et 1949, la composition des districts de lUnion féminine se présente de la manière suivante 671 :
district de Lens : sections à
Auchy-les-Mines, Avion, Bully-les-Mines, Calonne-Liévin, Grenay, Lens, Liévin, Mazingarbe 2, Mazingarbe 7, Vendin le Vieil, Wingles ;
district de Billy-Montigny : sections à
Billy-Montigny, Harnes, Méricourt / Noyelles-sous-Lens, Montigny-en-Gohelle, Rouvroy, Sallaumines ;
district de Bruay-en-Artois : sections à
Barlin, Béthune, Bruay centre, Bruay 7, Calonne-Ricouart, Divion, Haillicourt 2 bis, Hersin-Coupigny, Houdain, La Clarence, Marles-les-Mines, Nux-les-Mines ;
district de Douai : sections à
Auby, Carvin, Dechy, Dourges, Frais-Marais, Lallaing, Leforest, Libercourt, Montigny-en-Ostrevent, Oignies Ostricourt, Pecquencourt, Pont-de-la-Deule, Roubaix, Waziers ;
district de Montceau-les-Mines : sections à
Bois du Verne, Le Magny, Les Baudras Essarts, Les Gautherets, Montceau-les-Mines ;
district de Paris : sections à
Argenteuil, Creil, Dammarie-les-Lys, Paris, Pont-Sainte-Maxence, Saint Denis, Villers-Saint-Paul, Couëron, Livet, Dives-sur-Mer, Mondeville, Potigny ;
district de Metz : sections à
Blénod-les-Pont-à-Mousson, Creutzwald, Mancieulles, Pont-à-Mousson, Trieux, Tucquegnieux ;
district de Mulhouse : sections à
Ensisheim, Pulversheim, Wittelsheim Amélie, Wittelsheim Rossallmend, Wittenheim ;
district de Saint-Etienne : sections à
Beaulieu, La Chana, La Ricamarie, La Talaudière, Saint-Etienne Côte Chaude, Saint-Etienne Soleil Marais.
La composition de lUnion masculine est assez semblable à celle de lUnion féminine :
district de Lens : sections à
Auchy-les-Mines, Avion, Bully-les-Mines, Calonne-Liévin, Lens, Mazingarbe 2, Mazingarbe 7, Wingles ;
district de Billy-Montigny : sections à
Billy-Montigny, Harnes, Méricourt / Noyelles-sous-Lens, Montigny-en-Gohelle, Rouvroy, Sallaumines ;
district de Bruay-en-Artois : sections à
Barlin, Béthune, Bruay, Calonne-Ricouart, Divion, Haillicourt 2 bis, Haillicourt 6, Hersin-Coupigny, Houdain, La Clarence, Marles-les-Mines, Nux-les-Mines ;
district de Douai : sections à
Auby, Dechy, Dourges, Lallaing, Leforest, Libercourt, Oignies Ostricourt, Pecquencourt, Roubaix, Waziers ;
district de Montceau-les-Mines : sections à
Le Magny, Les Baudras Essarts, Les Gautherets, Montceau-les-Mines ;
district de Paris : sections à
Argenteuil, Creil, Paris, Couëron, Mondeville, Potigny ;
district de Metz : sections à
Creutzwald, Freyming-Merlebach, Pont-à-Mousson, Tucquegnieux ;
district de Mulhouse : section à
Ensisheim ;
district de Saint-Etienne : sections à
Beaulieu, La Ricamarie, La Talaudière, Saint-Etienne Côte Chaude, Saint-Etienne Soleil Marais.
Un groupe K.S.M.P. a également existé à Evin-Malmaison dans le district de Douai ; mais il a été impossible de déterminer sil sagit dune section féminine, dune masculine, ou des deux. Dans les Ardennes, se sont aussi créées en 1947 des sections féminines et masculines de jeunesse à Revin et Moussonville 672 , mais aucune information sur laction et la longévité de ces groupes na pu être trouvée.
Les archives nont conservé pratiquement aucunes statistiques exploitables ; les seuls éléments globaux retrouvés ne sont que des estimations. Elles indiquent, pour 1946 673 , environ 3 000 membres dans chaque union ; pour les autres années, il ny a plus de renseignements fiables. Même si les effectifs des mouvements de jeunesse sont fluctuants par nature, il est raisonnable de penser que le nombre dadhérents dans chacune des deux unions K.S.M.P. se soit maintenu, au cours de la période 1945 1949, entre 2 500 et 3 000. En effet, une indication précise sur létat numérique des districts Bruay-en-Artois en 1949 est connue : 12 sections avec 528 membres pour le district féminin, et 12 sections avec 608 membres pour le district masculin 674 , ce qui représente en moyenne 44 jeunes filles par section et 51 jeunes gens par section. Compte tenu des listes précédentes des sections locales, même si elles ne peuvent évidemment toutes prétendre à rassembler autant de jeunes que celles de la région de Bruay-en-Artois, les moyennes calculées montrent quun ordre de grandeur de 2 500 à 3 000 adhérents pour chacune des deux unions est tout à fait plausible.
Enfin, lUnion des Associations dEnfants ne développe toujours pas de structure particulière. Il ny a pas de district véritable. Lanimation du mouvement repose essentiellement sur les militants locaux, les surs des congrégations religieuses et les aumôniers, qui regroupent les enfants dans des cercles aux dénominations diverses. Le rôle de laumônier directeur consiste principalement à définir les grandes orientations communes, à donner des conseils et des directives de travail, à prendre en charge quelques activités générales comme la publication dun journal destiné aux enfants ou lorganisation de stages dété ou colonies de vacances. Labbé Makulec est à la tête de lorganisation, dabord comme secrétaire puis comme directeur, depuis sa création en 1932 ; à la fin de la guerre, toujours aumônier à Caen et doyen de Paris, il a tout naturellement repris la fonction de directeur. Le recteur Cegielka lui adjoint, à compter du 15 août 1945 675 , labbé Obarski, aumônier à Barlin, comme secrétaire et responsable de la région Nord. La nomination de labbé Obarski découle de son engagement auprès des enfants concrétisé par lédition dun journal à leur intention appelé Rycerzyk (Le Petit Croisé) et présenté dans la suite de ce travail. Mais, à la fin de 1946, labbé Makulec part pour les Etats-Unis et labbé Obarski est rappelé en Pologne. La responsabilité de lUnion est alors confiée, à partir du 1-er janvier 1947 676 , à un membre de la congrégation des Pallottins basé à Chevilly puis rue Surcouf à Paris, labbé Bronislaw Wiater. Dès lors, la direction de lorganisation destinée aux enfants restera entre les mains de cette congrégation ; à labbé Wiater succède en effet, dans le courant de lannée 1948 probablement 677 , labbé Piotr Oramowski dont le siège est situé à la maison des Pallottins rue Surcouf à Paris. Ce dernier trouve en Jozef Kudlikowski, chargé des questions scolaires auprès de la fédération catholique, une aide appréciable 678 .
Aucun renseignement sur le nombre denfants regroupés dans les différentes sections na pu être trouvé. Seule une estimation figurant dans un compte rendu général des années 1949 1953 indique environ 4 000 enfants dans 125 cercles 679 , ce qui donne une moyenne de 32 enfants par section, chiffre tout à fait plausible daprès les quelques données numériques fournies par les réponses à lenquête du P.Z.K. de juillet 1945. Pour renforcer la cohésion idéologique entre les différents groupes denfants aux appellations variées : association catholique denfants polonais, cercle denfants de chur, Croisés de Jésus, Croisade eucharistique, , la décision est prise à la réunion du doyenné Nord, le 13 juin 1946 à Bruay-en-Artois 680 , de changer le titre de lUnion, jusqualors Zwiazek Stowarzyszen Dzieci Polskich we Francji (Union des Associations dEnfants polonais en France), en Katolicki Zwiazek Dziatwy Polskiej we Francji, traduit en français par Union des Croisades et Patronages polonais en France.
--------------------------------------------------------------------------------
La fédération
La réorganisation de 1945, achevée par lAssemblée générale de lUnion des Associations catholiques polonaises le 26 août 1945 à Lorette, a donc transmis aux groupements constituant la fédération la charge dinsuffler une nouvelle dynamique dans les rangs catholiques. Linstance supérieure du P.Z.K. peut ainsi se consacrer davantage à son rôle de coordination et de représentation. Ces questions feront lobjet de létude au chapitre suivant. Le travail abonde donc et nécessite des réunions régulières du Bureau ou du Conseil supérieur (Rada Naczelna) de la fédération. Le Bureau se compose du président, du secrétaire, du trésorier et de leurs suppléants, élus par lassemblée générale, ainsi que des secrétaires permanents nommés ; à ces dirigeants sajoutent les directeurs et les présidents des unions pour former le Conseil supérieur. Le recteur de la Mission catholique polonaise demeure le protecteur et lautorité suprême du mouvement catholique.
Conformément aux statuts, lassemblée générale du P.Z.K. se réunit tous les trois ans, contrairement aux unions qui se rassemblent chaque année. Lassemblée suivante a donc lieu le 19 septembre 1948 à Lens ; Jan Szambelanczyk et Alojzy Ambrozy sont reconduits à leurs postes respectifs de président et de trésorier, Hubert Pogodala remplace Feliks Rakowski à celui de secrétaire que ce dernier occupait depuis 1927. Le secrétariat général est assuré par un prêtre nommé par la Mission catholique 681 . Cest labbé Alojzy Nosal qui, depuis janvier 1945, assume la charge. Au mois de mai 1946, celui-ci présente sa démission au recteur Cegielka qui confie lintérim à labbé Januszczak, directeur des unions K.S.M.P. et ancien secrétaire général du groupe catholique avant la guerre. Un autre ancien secrétaire général davant guerre, labbé Leon Plutowski, hérite de la fonction à compter du 1-er octobre 1946. Mais la tâche est lourde, dautant plus que labbé Plutowski conserve la charge pastorale du centre de Harnes. Aussi, labbé Marian Gutowski de la Société du Christ, aumônier à Bruay-en-Artois, lui est adjoint à partir du 1-er mai 1948. Enfin, à la fin de septembre 1949, celui-ci prend seul le secrétariat général du P.Z.K., pour permettre à labbé Plutowski de se consacrer exclusivement aux autres fonctions que le recteur Kwasny lui a confiées à partir du mois de juin. Une nouvelle fonction apparaît, sans doute à partir du début de lannée 1946 682 , dans lorganigramme du P.Z.K. : celle de secrétaire administratif confiée à Leonard Rudowski, avocat, ancien fonctionnaire de la Croix Rouge polonaise à Lille en 1945 ; il ne sagit pas dun poste pourvu par élection au cours de lassemblée générale, mais dune nomination probablement par le Conseil supérieur sur proposition du secrétaire général. En tout cas, le travail administratif à proprement parler va peu à peu lui incomber entièrement : il rédige les comptes rendus, les communiqués et les circulaires, prépare le matériel pour lanimation des sections locales et les documents pour les assemblées générales, donne des conférences, étudie les différentes options qui se présentent au P.Z.K. dans ses tractations avec les autres institutions polonaises en France. Du point de vue de la pratique quotidienne de lorganisation, son rôle devient vite primordial.
A partir de décembre 1948 683 , la location dun local à Lens, au numéro 99 de la rue Emile Zola, à proximité de limprimerie du Narodowiec située au numéro 101 de la même rue, devant servir de siège pour le P.Z.K., apporte un supplément de confort dans ladministration de la fédération. Elle dispose enfin dun endroit stable où peuvent être entreposés divers matériels et se tenir des réunions et où, à des jours précis, les sections, au moins celles de la région du Nord, peuvent venir régler directement leurs questions propres. La bénédiction du local par le recteur Kwasny seffectue le 26 février 1949 en présence des membres du Conseil supérieur du P.Z.K.
Les effectifs de la fédération ne sont pas connus et ne peuvent quêtre estimés selon le tableau suivant :
unions nombre de sections nombre dadhérents
Confréries du Rosaire
Sociétés catholiques dHommes polonais
Chorales paroissiales
Jeunesse K.S.M.P. féminine
Jeunesse K.S.M.P. masculine
Associations denfants 70
100
28
80
60
125 9 200
3 500
1 200
3 000
2 500
4 000
total 463 23 400
Insistons encore sur le fait quil ne sagit que destimations, tant en ce qui concerne le nombre de sections que celui des adhérents. Comme le paragraphe consacré aux unions le montre bien, à lexception des Sociétés catholiques dHommes polonais grâce surtout au soin apporté par labbé Jagla à la réalisation des bilans pour les assemblées générales, celles-ci sont peu soucieuses de tenir à jour leurs états statistiques. Les militants catholiques et non seulement eux, mais les immigrés polonais restés dans lorbite de lEglise dans leur ensemble, participent volontiers aux multiples activités proposées par les sections locales, les districts ou les unions de la fédération catholique. Peut-être limpression dêtre une organisation de masse que confère au P.Z.K. cette participation nombreuse aux manifestations, suffit-elle aux dirigeants catholiques ? En tout cas, les estimations indiquées pour chaque union paraissent plausibles en considérant le nombre moyen de membres par section quelles impliquent.
Par contre, une difficulté supplémentaire surgit dans la globalisation. La simple addition des effectifs des unions, comme nous lavons fait dans le tableau ci-dessus, ne peut pas se faire en réalité ; elle indique forcément un chiffre faux. Cette erreur provient de lexistence de la nouvelle composante du P.Z.K., les Chorales paroissiales, et de la double appartenance quelle génère pour certains membres. En effet il ne fait aucun doute que, parmi les chanteurs des chorales, se trouvent des personnes déjà membres soit dune confrérie du Rosaire, soit dune société masculine, ou encore dun groupe de jeunesse. Rappelons que, pendant la guerre, le regroupement au sein de chorales, notamment des jeunes, a été un moyen utilisé pour maintenir un état desprit religieux et patriotique dans les centres pastoraux. Il ny a pas de raison quaprès la guerre, les jeunes par exemple aient cessé de participer aux chorales ; de nombreux rapports dactivités du K.S.M.P. mentionnent même le contraire.
La composition de la fédération catholique est donc passée de cinq groupements spécialisés confréries du Rosaire, sociétés masculines, jeunesse féminine, jeunesse masculine, enfants à six, par la création en août 1945 de lUnion des Chorales paroissiales. Cette nouvelle décomposition est entérinée par les modifications apportées aux statuts et au règlement intérieur du P.Z.K. au cours de lAssemblée générale du 26 août 1945. Une ambiguïté concerne ladhésion de lAssociation universitaire catholique polonaise Veritas (Polskie Katolickie Stowarzyszenie Uniwersyteckie P.K.S.U. Veritas). Créée à Paris le 24 novembre 1946, elle demande par courrier du 6 décembre son rattachement à la fédération catholique 684 . Le secrétaire général Leon Plutowski répond, dès le 4 janvier 1947, que ladhésion du P.K.S.U. au P.Z.K. se fera officiellement dès que le Conseil supérieur laura entérinée ; le secrétaire administratif Leonard Rudowski est chargé du détail des négociations. Toutefois, il semble bien que cette adhésion ne se soit pas concrétisée de manière très étroite. Pour lAssemblée générale du P.Z.K. de septembre 1948, le P.K.S.U. nenvoie aucun représentant mais seulement des vux de fructueuses délibérations. Dans son courrier du 29 septembre, labbé Plutowski répond que la nouvelle de ladhésion de Veritas à la fédération fut accueillie par lassemblée avec des applaudissements. Mais à la fin de 1949, comme nous lavons indiqué dans le paragraphe consacré aux districts du P.Z.K., lassociation universitaire est comptée parmi les sections formant le district Paris, ce qui est en contradiction avec son éventuel statut de groupe autonome constitutif de la fédération. Par contre, elle est bien cofondatrice, au même titre que les autres groupements du bloc catholique, dune nouvelle entité associative créée en juin 1949 à linitiative du P.Z.K., qui sera présentée dans la suite du travail.
Cependant, les effectifs de lassociation Veritas, estimés à 200 au maximum, ne sont pas de nature à modifier sensiblement limportance numérique de la fédération catholique. Alors, quel chiffre retenir comme le plus vraisemblable pour le total des adhérents au P.Z.K au cours de la période 1945 - 1949. Compte tenu des remarques précédentes, il semble quune estimation oscillant entre 20 000 et 23 000 membres peut être retenue. Ce chiffre est à rapprocher des 30 000 adhérents dénombrés en 1939. La baisse assez sensible des effectifs sexplique, en comparant les tableaux statistiques selon les unions, par la nette diminution enregistrée dans les confréries du Rosaire : de plus de 11 000 à plus de 9 000 membres, dans les sociétés masculines : de plus de 8 000 à environ 3 500 membres, et dans les associations denfants : de plus de 7 000 à environ 4 000 membres. Ces pertes ne sont que légèrement compensés par laugmentation des effectifs des unions de la jeunesse, qui passent de presque 4 000 à environ 5 500 membres, et larrivée de nouveaux adhérents par le biais des chorales paroissiales et de lassociation universitaire. Le détail de ces opérations amène un déficit compris entre 7 000 et 8 000 personnes, ce qui, à partir dun total de 30 000 adhérents avant la guerre, conduit effectivement à un total se situant entre 22 000 et 23 000 adhérents après la guerre.
La cause principale de cette diminution est à rechercher bien sûr dans les conséquences de la guerre et des mouvements de population quelle a entraînés. Il est incontestable que les rangs des militants catholiques ont été affectés par les déplacements de population tant au cours quaprès la guerre. Il y a certainement eu des retours en Pologne, en 1946 et 1947, de familles comprenant des membres des associations catholiques, mais combien ? Les organisations du P.Z.K. sont très peu soucieuses détablir leurs états numériques, alors comptabiliser les départs ne leur semble probablement daucune utilité. Quant aux statistiques relatives aux retours en Pologne, elles ne font évidemment pas la distinction selon lappartenance des individus à une association. Les effets de la guerre la désorganisation quasi générale quelle a engendrée, lémergence de nouveaux courants dopinions, le rapprochement avec la société française dans la lutte commune contre loccupant sont aussi, mais dans une mesure quil est impossible de préciser, responsables de la baisse des effectifs. Nous lavons vu avec les rares commentaires accompagnant les réponses à lenquête de réorganisation lancée par le secrétaire général du P.Z.K. en juillet 1945 : certains centres pastoraux, certaines régions entières comme lEst de la France, ont du mal à retrouver leur vitalité dantan, et il faudra du temps pour quils y parviennent. Que dire alors des territoires du Sud de la France où, avant la guerre, dans le Gard par exemple, la fédération catholique comptait quand même quelques sections ? Pour la période 1945 1949, les archives du P.Z.K. ne font mention dabsolument aucune section qui serait située en-dessous dune ligne passant par Bordeaux, Saint-Etienne, Lyon et Grenoble.
Une autre explication peut également être fournie par linsuffisance du recrutement des jeunes dans les organisations adultes. Dès 1948, une fois que ladministration des unions du P.Z.K. sest solidement stabilisée, le clergé polonais attire lattention sur le faible taux dadhésion des jeunes aux confréries du Rosaire ou aux sociétés masculines 685 . Une circulaire de lUnion des Sociétés catholiques dHommes polonais est même consacrée, en 1948, à la question des méthodes propres à insuffler une dynamique nouvelle au sein des associations 686 . En particulier, il est recommandé de veiller à recruter des membres jeunes et de leur confier des responsabilités, tout en confiant aux anciens dirigeants, parfois fondateurs des sections locales, des titres honorifiques. Pourtant, un principe, déjà mentionné auparavant, veut quau moment du mariage, les membres du K.S.M.P. quittent les rangs de lorganisation de jeunesse pour sinscrire aux associations dadultes. Faut-il en déduire que ce passage du K.S.M.P. vers les groupements dadultes se fait mal ou, en tout cas, est trop faible ? Beaucoup dexemples prouvent que, évidemment lorsque les deux conjoints partagent les mêmes convictions, ce passage seffectue. Quil ne se réalise pas de manière automatique, ne fait pas de doute non plus. Et de toute façon, les effectifs de la jeunesse avant guerre, presque 4 000 adhérents en 1939 pour les deux unions ensemble, ne sont pas en mesure de combler à eux seuls le déficit enregistré après la guerre par les confréries du Rosaire et les sociétés masculines, de lordre de 2 000 et 4 500 membres respectivement. En labsence de statistiques précises, il est cependant impossible de se prononcer catégoriquement sur cette question.
Quant à la faible rotation des cadres dirigeants des organisations dadultes, et par conséquent leur vieillissement, incriminés également dès 1948 au cours des réunions du clergé, la comparaison de la composition des bureaux de la fédération et des unions ne laisse planer aucun doute sur la réalité du problème. Beaucoup de membres des bureaux du P.Z.K., de lUnion des Confréries du Rosaire et de lUnion des Sociétés catholiques dHommes, figurent déjà dans les listes avant guerre, voire sont les fondateurs de ces mouvements. Il semble, daprès la circulaire de lUnion des sociétés masculines citée ci-dessus, quil en est de même au niveau des sections locales. Cela pose inéluctablement le problème du renouveau à la tête des organisations, pour y amener des idées nouvelles, un dynamisme créatif, capables dattirer les adhésions individuelles, de renouveler les activités et éviter la sclérose du mouvement. Les dirigeants demeurés trop longtemps à leur poste de responsabilité, peuvent en effet être tentés de reproduire continuellement les mêmes schémas de direction sans chercher dinnovations. Pour linstant cependant, porté par la vague de la reconstruction administrative des années 1945 1947 et par limpression de force qui se dégage de la multiplicité des activités proposées tout au long de la période jusquen 1949, le bloc catholique ne ressent pas ce problème avec acuité ; cela viendra plus tard. Et si la question est débattue au cours des réunions du clergé 687 , cest que peut-être le poids décisionnel et lanimation dans la vie des sections reposent de plus en plus sur les épaules du clergé, contrairement à ce qui se passait avant guerre où les laïcs intervenaient fréquemment dans la prise de décision. Cette situation nouvelle na pas échappé à lattention de lensemble des prêtres de la Mission catholique polonaise et quelques-uns, ayant une vision plus lointaine de lavenir des organisations catholiques polonaises en France, tirent déjà la sonnette dalarme.
--------------------------------------------------------------------------------
Chapitre 11
UNE PRESENCE RENFORCEE
Réorganisé en 1945, le bloc catholique polonais en France se munit donc petit à petit, au cours des années de laprès-guerre, dune structure administrative solide, sur laquelle il peut sappuyer afin de développer ses activités. Pour faire reconnaître sa spécificité, son action doit cependant être ressentie fortement au cur des cités habitées par les Polonais, identifiée par des idées directrices déterminées ; elle doit être constante, régulière ; elle doit aussi proposer des moments forts capables de mobiliser les énergies. Le groupement catholique est tenu de marquer sa présence sur le terrain par une diversification des activités, pour conserver voire augmenter ses effectifs. Confronté à deux autres courants dopinion au sein de limmigration, il doit également faire entendre sa voix dans tous les domaines intéressant les immigrés, comme lenseignement du polonais ou lengagement syndical, développer à cet effet une presse adéquate, indiquer enfin des lignes de conduite fermes et précises, notamment dans les relations avec les autres composantes associatives polonaises.
--------------------------------------------------------------------------------
LA PASTORALE
--------------------------------------------------------------------------------
Les centres pastoraux
Dans le cas de la Mission catholique polonaise, le but principal reste intangible : apporter lassistance religieuse à tous les catholiques polonais résidant en France ; il ne concerne pas seulement les adhérents aux uvres catholiques. Ce travail pastoral de base nécessite une disponibilité permanente de la part des aumôniers, leur présence quotidienne auprès des fidèles, et repose essentiellement sur lorganisation des centres pastoraux décrite au chapitre précédent. Nous ne faisons ici quapporter un complément sur la pastorale temporaire destinée aux camps de réfugiés en 1945 et 1946, et sur la répartition des centres pastoraux entre les différentes catégories de prêtres : étudiants, séculiers ou réguliers.
Nous avons déjà souligné le fait que laugmentation des effectifs de la Mission catholique polonaise après la Seconde Guerre mondiale doit être relativisée. Les aumôniers militaires, ceux des compagnies de gardes engagés par larmée américaine et stationnés en France, 24 et 18 prêtres respectivement au début de 1946 688 , ninterviennent pas directement dans la pastorale auprès des immigrés polonais. Les prêtres chargés des camps de réfugiés remplissent aussi en 1945 1946 un rôle particulier, et certains accompagnent le retour des réfugiés en Pologne. Au cours des premiers mois après la capitulation de lAllemagne, la plus grande partie de lémigration polonaise que la guerre a amenée sur le sol français, se trouve regroupée dans 26 camps pour civils et militaires ; en outre, la Croix Rouge polonaise (P.C.K.) ouvre 21 refuges destinés dabord aux immigrés de lentre-deux-guerres, puis à tous les travailleurs déportés 689 . La liste des prêtres engagés dans la pastorale des camps en 1945 1946 690 se présente comme suit :
camps de réfugiés :
dans le district de Grenoble : abbé Bronislaw Bozowski,
à Brides-les-Bains (Savoie) : abbé Jerzy Kania,
dans le district de Verdun : abbé Mikolaj Twardoch,
à Sedan : abbé Jozef Pakula,
à Epernay : abbé Aleksander Lechanski, puis abbé Sochanski,
à Connantre (Marne) : abbé Edward Wojtusiak,
à Provins : abbé Bruno Marciniak,
au Blanc-Mesnil : abbé Feliks Soltysiak,
à Saint-Médard-sur-Ille (Ille-et-Vilaine) : abbé Alfons Urban,
à Saint-Cast (Côtes-du-Nord) : abbé Kazimierz Rakowski,
aux Sables-dOr-les-Pins (Côtes-du-Nord) et à Salbris (Loir-et-Cher) : abbé Jozef Zdebel,
à Châteauneuf-sur-Cher (Cher) : abbé Tadeusz Sukiennik,
à Decize (Nièvre) : abbé Konrad Szweda,
à Saint Symphorien (Gironde) : abbé Henryk (Herbert) Paruzel ;
camp pour enfants déportés à Boissise (Seine-et-Marne) : abbé Boleslaw Burian ;
refuges du P.C.K. :
à Puteaux : abbé Roman Miodynski,
à Houilles : abbé Jan Fondalinski,
à Levallois-Perret : abbé Kazimierz Borowicz,
à La Bastide (Gard) : abbé Piotr Purgol,
à LIsle Jourdain (Gers) : le père franciscain Wladyslaw.
Sur les 21 prêtres cités ci-dessus, il en reste 13 en France au milieu de lannée 1947 : il sagit de prêtres devant terminer des études ou engagés dans la pastorale de la Mission catholique, la charge dun camp pour réfugiés nayant été quune tâche supplémentaire à leur travail normal ; 3 dentre eux rentrent en Pologne en août et septembre 1947 691 .
Les prêtres étudiants, au nombre de 19 en 1947 rien que dans le doyenné de Paris, rendent aussi des services appréciables, soccupant par exemple de laumônerie des hôpitaux ou assurant les offices religieux dans les agglomérations assez proches de la capitale (Blanc-Mesnil, Dammarie-les-Lys, Melun). Mais une fois leurs études terminées, tous ne restent pas en France, surtout lorsquils appartiennent à une congrégation religieuse qui nenvisage pas de développer une action sur le territoire français. Cest le cas par exemple de labbé Wladyslaw Barton, prêtre salésien, auteur dune thèse connue en sociologie sur la vie religieuse des ouvriers polonais soutenue à lInstitut catholique de Paris, ou dun autre salésien, labbé Stanislaw Garecki, qui étudie la philologie romane à lUniversité de Montpellier ; tous deux rentrent en Pologne au cours de la seconde moitié de 1947.
Néanmoins, malgré les restrictions apportées aux effectifs de la Mission, il est indéniable que lamélioration est significative et permet de rétablir létat de la pastorale. En particulier, les doyennés de lEst, du Centre et du Sud profitent pleinement de laugmentation des effectifs et, de ce point de vue, leur situation est bien meilleure que pendant lentre-deux-guerres. La liste des postes pour lannée 1947 a été donnée dans le chapitre 10 ; rappelons seulement la répartition des 61 centres selon les doyennés :
Paris : 10 (y compris léglise de Paris ; mais poste dAmiens vacant, pourvu de nouveau en octobre 1947)
Nord : 21
Est : 14 (poste de Longwy Gouraincourt vacant, pourvu de nouveau en février 1947)
Centre : 9
Sud : 7.
Toutefois, il ny a évidemment rien de comparable entre un poste dans un département industriel à forte implantation dimmigrés polonais, et un autre dans un département à moindre densité de population polonaise ou en zone rurale. Dans le Pas-de-Calais, laumônier de Bruay-en-Artois dessert également les communes de Divion, Haillicourt et Houdain ; celui de Metz soccupe de Clouange, Hagondange, Hettange-Grande, Rombas, Sainte-Marie-aux-Chênes, Saint-Privat, Talange et Uckange ; celui du Creusot se rend à Montchanin et Saint-Forgeot ; de laumônier résidant à Beaulieu dépendent Roche-la-Molière et Firminy. Mais au poste de Reims est confié tout le département de la Marne ; à celui de Sedan, le département des Ardennes ; de Rosières dépend tout le département du Cher. Le prêtre à Caen est aumônier pour le Calvados, lOrne, la Manche et lEure. Les deux aumôniers basés à Toulouse se partagent le Sud-Ouest : labbé Stanislaw Skudrzyk visite la Haute-Garonne, le Lot, le Lot-et-Garonne, la Dordogne et lAveyron ; le père franciscain Wladyslaw, de son vrai nom Ludwik Jan Goldwasser, soccupe du Gers et du Tarn-et-Garonne. Pour ces postes-là, il sagit toujours dune pastorale itinérante. Rappelons que le Recteur de la Mission catholique dispose encore à Paris de deux prêtres supplémentaires, le pallottin Bernard Pawlowski et le père franciscain conventuel Efrem, quil envoie à travers la France pour des tournées missionnaires.
Une nouveauté dans lattribution des postes consiste à confier la gestion de certains dentre eux aux congrégations, dans le but sans doute dassurer une certaine continuité dans les méthodes de travail. Pour la période étudiée, ce sont surtout les Oblats de Marie Immaculée qui sont concernés ; mais cette tendance va se confirmer après 1956 avec larrivée des prêtres de la Société du Christ. Lune des grandes difficultés de la Mission au cours de lentre-deux-guerres, et aussi de 1945 à 1947 avec lextrême fluidité de ses effectifs, était le remplacement trop fréquent des aumôniers. Le fait de confier, de manière durable, des centres pastoraux à des congrégations permet, peut-être pas de garder plus longtemps la même personne à la tête dun centre donné, mais certainement dassurer à celui-ci une certaine stabilité, en tout cas une transition beaucoup plus harmonieuse entre les prêtres successifs. Cette tactique se révèlera par la suite à double tranchant. Avec la fin des retours en Pologne, le nombre de prêtres séculiers affectés à la Mission demeurera pratiquement constant, et beaucoup poursuivront leur sacerdoce dans un seul et même centre, ce qui mettra un terme à linstabilité tant décriée auparavant par tous les intervenants dans la question de la pastorale polonaise en France. Mais les congrégations religieuses ont souvent pour règle de ne laisser leurs membres à un poste donné que pour une période relativement brève de quelques années ; ce sont donc les centres confiés aux prêtres réguliers qui connaîtront alors une succession parfois trop rapide de leurs titulaires, contrairement aux intentions initiales.
Ces observations ne sont pas valables bien sûr pour les congrégations faiblement représentées en France. Les Missionnaires de la Sainte Famille disposaient de deux centres : à Rouvroy (abbé Berk) et à Dourges (abbé Stefaniak) ; labbé Dera était, lui, utilisé pour assurer les remplacements, surtout pendant la guerre, ce qui lui avait valu de parcourir une bonne partie du territoire français. A son retour du camp de concentration, labbé Stefaniak retrouve son poste à Dourges, quil occupe jusquau printemps 1947. Il habite alors chez son voisin, labbé Berk, à Rouvroy, doù il exerce une activité de prédicateur et de missionnaire ainsi que, à partir daoût 1948, la fonction de directeur de lUnion des Chorales paroissiales. En 1945, la Mission catholique confie à labbé Dera le poste de Lyon puis, en 1948, celui de Waziers, ce qui le rapproche de ses deux confrères. Ils quittent tous les trois la France au début des années 1950, ce qui met un terme momentané à la présence de la Mission de la Sainte Famille en France. Les Salésiens arrivés en France en 1945 sont au nombre de trois : les abbés Barton et Garecki rentrent en Pologne en 1947 après leurs études ; le troisième, labbé Walenty Debski, en poste à Wittenheim (Haut-Rhin), quitte la France pour lAmérique du Sud après 1950 692 . Un autre Salésien, labbé Stefan Duda, est transféré dItalie en France en 1948. Domicilié à Lyon puis à Caluire, il soccupera de la pastorale dans la région lyonnaise pratiquement jusquà son décès en 1959.
Par contre, les congrégations désireuses de se fixer en France se voient donc confier durablement certains postes. Les Lazaristes sont nommés à Soissons (abbés Przewozniak puis Kowolik). Les Pallottins obtiennent en 1949 la charge dOignies ; le premier Pallottin qui y est nommé, est labbé Bronislaw Wiater. Un prêtre de la Société du Christ, labbé Stanislaw Malec, est nommé à Troyes le 31 juillet 1947 693 ; mais ce poste nest que temporairement affecté à la congrégation : labbé Malec est muté dès le 1-er octobre 1948 à Montigny-en-Ostrevent (Nord) qui devient alors un centre desservi exclusivement par les Chrystusowcy, et doctobre à décembre 1948, cest labbé Grzelczak, délégué en France du Supérieur général de la Société du Christ, qui, de Paris, assure lintérim à Troyes jusquau retour dAngleterre de labbé Sobieski, aumônier dans cette ville avant la guerre. Un deuxième poste dans le Nord est affecté en 1948 à la Société du Christ 694 . Depuis le 1-er septembre 1947, deux prêtres de la congrégation, les abbés Zbigniew Delimat et Marian Gutowski, sont à Bruay-en-Artois en qualité dadjoints à laumônier principal, le doyen Szewczyk. Celui-ci est remplacé dans ses fonctions, le 21 janvier 1948, par un autre Chrystusowiec, labbé Czeslaw Pawlak, et rentre en Pologne en décembre 1948 : il aura été le dernier prêtre séculier en charge du centre de Bruay-en-Artois confié, à partir de cette date, exclusivement à des prêtres de la congrégation du Christ.
La congrégation des Oblats de Marie Immaculée est celle qui se voit attribuer le plus de postes 695 . Dans le Nord, déjà présents à Nux-les-Mines depuis 1943 avec les pères Stanislaw Stefaniak, puis Franciszek Dudziak assisté de Wojciech Roj, ils obtiennent en 1947 le poste de Marles-les-Mines Calonne-Ricouart, et celui de Dourges en 1948. Lobtention du centre de Marles-les-Mines fait suite au décès de laumônier en poste depuis au moins le début de lannée 1930, le chanoine Teodor Zalewski, arrivé en France fin 1925 ou début 1926. Ce sont les pères Stanislaw Stefaniak, muté de Nux-les-Mines, et son adjoint, Jerzy Kania, qui occupent les premiers ce poste. A Dourges, cest le père Antoni Murawski qui arrive le premier en 1948 ; il est remplacé dès 1949 par les pères Alfons Stopa et Karol Palus. Dans lEst, le père Feliks Rozynek est à Hayange, en Moselle, depuis 1945. Les Oblats sétablissent aussi en Normandie en 1946. Le départ du doyen Makulec pour les Etats-Unis a laissé vacante la place de Caen. Le père Ignacy Pluszczyk sy installe, dans la résidence de labbé Makulec. Puis, celle-ci est transférée à Potigny où, en 1949, le nouvel Oblat en poste, le père Antoni Dreszer, fait bâtir une chapelle à partir dun baraquement offert par les compagnies de gardes polonais auprès de larmée américaine. Par contre, dans le Sud, les Oblats abandonnent entre 1947 et 1949 les deux postes du Gard : Abbaye de Cendras, occupé depuis septembre 1938 par le père Piotr Purgol, rentré en Pologne en 1946, puis visité seulement de temps en temps par différents pères oblats, et Les Brousses (Molières-sur-Cèze) desservi depuis 1945 par les pères Palus puis Dreszer ; ainsi que celui de Carmaux dans le Tarn, où se sont succédés depuis 1945 les pères Müller et Palus, et celui de Decazeville dans lAveyron après le départ du père Rzezniczek.
Les Pallottins rendent encore dimmenses services dans la pastorale itinérante, en utilisant comme bases leurs résidences de Chevilly dans le Loiret et dOsny en Seine-et-Oise. Comme il sagit dinstitutions propres à la congrégation destinées à la formation des jeunes, et non de centres pastoraux à proprement parler, elles ont été placées, dans les tableaux récapitulatifs du chapitre 10, au niveau du doyenné Paris, dans la rubrique collèges et institutions et non dans la rubrique postes. Néanmoins, la part importante de territoire couvert par les missionnaires de ces institutions démontre lampleur de laide apportée ainsi à la Mission catholique polonaise. En effet 696 , les prêtres du collège de Chevilly desservent les communes de Boullancy, Bray, Davron, Gien, Montigny, Mormant, Orléans, Trappes, Vésines, Villuis, et parcourent les départements de Charente, Côte-dOr, Deux-Sèvres, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Loiret, Yonne, Eure-et-Loir. Ceux de linstitution dOsny sont aumôniers à Argenteuil, Creil, Villers-Saint-Paul, Les Mureaux, Vigneux-sur-Seine et Marines.
--------------------------------------------------------------------------------
Les autres formes de pastorale
De même que pendant lentre-deux-guerres, le clergé polonais en France sefforce de développer dautres formes de pastorale que celles strictement liées aux offices et aux cérémonies célébrées dans les églises qui sont à sa disposition. On retrouve, parmi elles, les congrès catholiques qui avaient permis, avant 1939, de cimenter les rangs des associations catholiques. Dans la nouvelle conjoncture sociale de laprès-guerre, leur utilité est moindre, et peu sont finalement organisés. Le 30 septembre 1945 a lieu le premier rassemblement dans la propriété des Pères Pallottins à Osny 697 . Placé sous la présidence du recteur Cegielka, il réunit des Polonais de Paris essentiellement, dans un but caritatif en liaison avec lexistence de lorphelinat à Osny. Depuis, un congrès catholique sy déroule chaque année, jusquà aujourdhui. Les premiers rassemblements daprès-guerre gardent le caractère de fête caritative. Mais au fil des ans, surtout après 1950, en souvrant à dautres thèmes, en alliant judicieusement cérémonie religieuse et manifestation patriotique, le congrès dOsny deviendra une institution dans la vie religieuse polonaise en France. Le nombre de ses participants, en provenance de régions de plus en plus éloignées, va considérablement augmenter ; lun de ses grands mérites est justement de permettre la réunion des immigrés disséminés dans les zones rurales de lAisne, de la région parisienne, de la Bourgogne.
En 1949, se déroulent aussi un congrès à Hayange 698 et un à Bruay-en-Artois. Ce dernier est organisé le 15 août 1949 par lUnion des Associations catholiques polonaises à loccasion du 25-ème anniversaire de sa fondation, et associe également le rassemblement annuel de la jeunesse K.S.M.P. 699 . La campagne dinformation menée par le secrétaire général du P.Z.K., labbé Plutowski, relayée par la presse et les aumôniers dans les localités, suscite lengouement des Polonais de la région du Nord. Lorganisation technique repose sur son adjoint, labbé Gutowski. Deux trains spéciaux, desservant toutes les gares sur la voie Valenciennes Douai Lens Bruay, sont mis en circulation ; entre 25 000 et 30 000 personnes sont présentes. Le matin, la messe est célébrée au Stade Parc de la ville de Bruay-en-Artois ; puis, un imposant cortège se rend au Monument aux Morts, où des gerbes sont déposées. Les associations, bannières déployées par centaines, défilent devant le Bureau du P.Z.K. mené par Jan Szambelanczyk, et les autorités religieuses : lévêque Gawlina, le recteur Kwasny, le chanoine Rupp, délégué de lépiscopat français pour la pastorale des immigrés. Sont également représentés la direction des Houillères nationales, celle du bassin de Bruay, la municipalité de la ville, le syndicat C.F.T.C. avec la Centrale des Mineurs. Laprès-midi est consacré aux traditionnelles rencontres sportives entre les jeunes du mouvement K.S.M.P., et à une représentation où se mêlent chants et danses populaires, récitations de poésie, et discours exaltant lattachement des émigrés polonais à la religion catholique et à la culture de leurs ancêtres. Lensemble de la manifestation fait lobjet de reportages réalisés par la Section polonaise de la Radiodiffusion française, et de larges commentaires dans la presse polonaise et française 700 . Le journal Narodowiec titre :
« La plus grande manifestation de lEmigration polonaise en France.
30 000 personnes au rassemblement de Bruay pour célébrer le 25-ème anniversaire de lUnion des Associations catholiques polonaises.
Le défilé des délégations, avec quelques centaines de bannières, devant lévêque Gawlina, le recteur Kwasny, le chanoine Rupp délégué de lEpiscopat français, a duré plus de trois quarts dheure. »,
relate avec enthousiasme le déroulement de la manifestation et conclut :
« Ce rassemblement a été la plus grande manifestation jamais organisée en émigration, et a montré aux ennemis de nos idéaux le véritable rapport de forces au sein de lEmigration polonaise qui, à 90 %, est foncièrement polonaise et catholique. »
Lorganisation des pèlerinages reprend dès 1945 également 701 . Au mois daoût, le doyen Makulec rassemble à Lisieux les Polonais du Calvados, auxquels se joignent des groupes du Nord, de Paris, et des représentants de la communauté polonaise des Etats-Unis ; et ceux de la région du Nord se rendent à Notre Dame de Lorette. Ce pèlerinage, le dimanche 26 août 1945, est jumelé avec lAssemblée générale de réorganisation de la fédération catholique qui se tient au cours de laprès-midi 702 . A partir de 1945, le pèlerinage à Notre-Dame de Lorette, le dernier dimanche du mois daoût jusquaux années 1980, devient le temps fort de la vie religieuse des Polonais du Nord. Dans les différentes régions, les lieux de pèlerinage restent sensiblement les mêmes quavant la guerre.
Et dès 1945 encore, la Mission catholique polonaise renoue avec la tradition du pèlerinage national à Lourdes, national en ce sens quil sadresse à tous les catholiques polonais de France. Le succès est immédiat, et les aumôniers rivalisent de zèle pour amener le plus grand nombre de fidèles de leurs centres respectifs. Les problèmes dorganisation, en particulier de transport pour acheminer les pèlerins jusquà Lourdes, ne sont pas minces au cours des premières années de laprès-guerre : en 1945, prévu au mois de mai, le pèlerinage doit être reporté en septembre à cause des difficultés de communication ferroviaire ; en 1948 également 703 , et pour les mêmes raisons, la date du pèlerinage passe du 20 au 28 septembre. Aussi, la Mission confie à lun de ses membres le soin de coordonner la préparation technique du pèlerinage : inscriptions, réservation des billets, accueil dans les hôtels. En 1945, cest labbé Wlodzimierz Zimolag, attaché à léglise polonaise de Paris, qui en est le responsable ; puis, à partir de 1947 704 , la tâche est confiée au frère Wladyslaw Szynakiewicz de la Société du Christ, arrivé en mars 1947 de Rome à Paris, où il travaille au secrétariat de la Mission. Parallèlement, un prêtre est chargé de coordonner les cérémonies à Lourdes, préparer la liturgie des offices, veiller à laspect spirituel du pèlerinage. Ce rôle est dévolu en 1945 à labbé Jozef Chechelski, transmis ensuite à labbé Edward Kedzierski, et enfin, en avril 1949, à labbé Mieczyslaw Januszczak 705 . Ces deux derniers, aumôniers à Mazingarbe et Sallaumines respectivement, servent aussi de relais pour lorganisation pratique du pèlerinage pour les pèlerins du Nord.
Les prêtres polonais renouent aussi avec lorganisation de missions dans les paroisses, dont le déroulement est absolument identique à celles des années 1937 1939 706 . Certains sadonnent exclusivement à cette forme de pastorale ; cest le cas par exemple de labbé Stefaniak de la congrégation de la Sainte Famille, après quil ait abandonné son poste à Dourges au printemps 1947 et se soit installé chez son confrère, labbé Berk, à Rouvroy. Mais cest au cours des années 1950 et 1960 que cette pastorale va connaître son plein épanouissement avec lengagement des équipes missionnaires de la congrégation des Pallottins et des Oblats de Marie Immaculée 707 .
Par contre, les conditions politiques de laprès-guerre empêchent évidemment les visites des centres pastoraux polonais en France par des évêques venus de Pologne. Pendant lentre-deux-guerres, ces visites avaient été loccasion de grandes manifestations dans le but de conforter lattachement de limmigration en France à lEglise de Pologne. Seul Mgr Radonski, évêque de Wloclawek (Cujavie), rentrant dAngleterre en Pologne, visite quelques centres au cours du mois de juillet 1945 : Paris, Amiens, Lille, Bruay-en-Artois, Barlin, Marles-les-Mines, Nux-les-Mines, Mazingarbe, Liévin, Lens, Sallaumines, Harnes, Billy-Montigny, Rouvroy, Dourges, Oignies, Auby, Waziers, Montigny-en-Ostrevent 708 . En attendant la possibilité de renouer des contacts directs avec la hiérarchie ecclésiastique de Pologne, cest lévêque Gawlina qui, à partir de sa nomination en janvier 1949 en tant que délégué du Primat de Pologne pour la pastorale des Polonais à létranger, vient en France représenter lEglise polonaise et honorer de sa présence les grandes manifestations religieuses, comme par exemple le congrès catholique daoût 1949 à Bruay-en-Artois.
Le recteur Cegielka met enfin un point dhonneur à faire renaître le comité Caritas 709 qui, aux premiers temps de la guerre mondiale et pendant la durée de celle-ci, avait rendu de grands services aux Polonais nécessiteux. Les besoins après-guerre sont toujours immenses : à Paris, déportés et réfugiés, orphelins, émigrés sans ressources, malades dans les hôpitaux, anciens prisonniers, sont envoyés ou signalés à la Mission par divers organismes français. Aussi, la remise en route de linstitution Caritas auprès de la P.M.K. savère une nécessité pour leur venir en aide. La direction du bureau du comité est dabord confiée à labbé Antoni Banaszak puis, dès le 15 octobre 1945, à labbé Augustyn Galezewski. Des laïcs interviennent également dans la gestion du comité : Irena Galezowska, Halina Mélandre, Jozef Bieron, Szymon Konarski président du comité en 1947 et responsable de la section daide aux prisonniers 710 . Les prêtres chargés des hôpitaux à Paris complètent la composition du comité. Le problème crucial demeure lobtention de fonds pour financer les actions de linstitution. La quête dite de la Semaine de la Charité chrétienne, réalisée au cours de lAvent, constituera progressivement la seule source de financement du Caritas 711 . Cest pourquoi, à la réunion annuelle des prêtres des 6 et 7 octobre 1949, le recteur Kwasny et labbé Galezewski prient instamment leurs collègues de redoubler defforts pour susciter la générosité des fidèles. Cette quête doit aussi, par ailleurs, apporter un complément pour couvrir certains frais de la Mission, comme par exemple ceux de la pastorale itinérante.
Il convient enfin de rappeler laide constante des congrégations religieuses féminines. Par rapport à la situation de lentre-deux-guerres, il ny a pas de changements : ce sont les mêmes congrégations qui remplissent les mêmes tâches 712 . Les Servantes de Marie gèrent toujours les foyers pour personnes âgées de Trélon dans le Nord et de Cuts dans lOise. Les Ursulines, présentes seulement à Ucel dans lArdèche, disposent maintenant dune maison mère à Virieu dans lIsère, et travaillent aussi à Origny Ouches dans la Loire et à La Ferté-sous-Jouarre en Seine-et-Marne. Les Surs de la Charité, qui avait le plus grand nombre de centres en charge, en perdent cinq mais en ouvrent un nouveau ; leurs activités se déroulent donc :
à Paris : Institution Saint Casimir, rue du Chevaleret, qui sert principalement dorphelinat,
dans le Nord : à Guesnain, Sin-le-Noble, Lille et Wattrelos,
dans le Pas-de-Calais : à Barlin, Bruay-en-Artois et Frévent,
dans le Rhône : à Lyon,
en Saône-et-Loire : aux Gautherets et à Montceau-les-Mines,
dans la Loire : à Saint-Etienne et La Ricamarie.
Les Surs du Sacré Cur de Jésus (Sercanki Pelczarki, ainsi nommées en lhonneur du fondateur de la congrégation, lévêque Pelczar), qui avaient ouvert lécole de Saint Ludan en Alsace en 1924, perdent deux postes : Roubaix et Urmatt-Mullerhof ; elles sont ainsi présentes encore à : Couëron et La Brutz en Loire-Inférieure, Betz dans lOise, Athies et Tilloloy dans la Somme, Arras et Saint-André dans le Nord. Dautres Surs du Sacré Cur de Jésus, dont la maison mère se trouve au convent de Louvencourt à Amiens, et donc indépendantes de la maison de Saint Ludan, travaillent également à Paris et Osny. Enfin, la congrégation de la Sainte Famille de Nazareth, qui navait pas de contact direct avec limmigration ouvrière pendant lentre-deux-guerres, continue de soccuper dun internat pour les étudiantes de toutes nationalités en études supérieures dans la capitale, situé maintenant rue de Vaugirard à Paris, mais sengage aussi à Potigny dans le Calvados.
--------------------------------------------------------------------------------
LES ACTIVITES DES ASSOCIATIONS CATHOLIQUES
--------------------------------------------------------------------------------
Lenracinement des organisations dadultes dans les valeurs traditionnelles
Quelle que soit la nature dune association, sa stricte administration, même parfaitement élaborée et rodée, si elle ne permet pas le développement de multiples activités, si elle ne se nourrit pas de la diversification des actions, est vide de sens, et lassociation meurt dasphyxie ; cest laction et lidéologie sous-jacente à laction qui renouvellent et justifient les règles de gestion. Ladministration de lUnion des Associations catholiques polonaises, nous lavons vu, sest considérablement développée et ramifiée. Mais quelles sont les idées maîtresses qui régissent laction de la fédération catholique ? Quelle réalité, quelle pratique quotidienne se cachent derrière cette organisation aux rouages bien huilés ? Que fait donc le militant dune association catholique ? Quelles activités lui sont proposées ?
Dabord, bien entendu, il doit participer aux réunions et manifestations de sa section, aux messes solennelles et aux offices. Les occasions sont nombreuses : fête anniversaire annuelle de la section (rocznica), fête patronale de la Sainte Barbe pour les mineurs, arbre de Noël, bénédiction des aliments à Pâques, procession de la Fête Dieu. Ces manifestations sont souvent organisées conjointement par toutes les associations catholiques existantes dans une localité, et souvrent en fait à tous les Polonais, adhérents ou non. Pour les dames du Rosaire, il y a aussi les réunions de prière du chapelet, et les offices spéciaux au cours des mois de mai et doctobre dédiés au culte de la Vierge Marie. Chaque section se fait encore un devoir dêtre représentée aux manifestations organisées par les sections voisines du même mouvement.
Au niveau régional, les membres des associations catholiques se retrouvent dans les pèlerinages et les congrès 713 . Les pèlerinages, dont laspect spirituel est évidemment confié aux prêtres, ce qui oblige à les indiquer également comme lune des formes de la pastorale développée en France par le clergé polonais, font quand même partie intégrante du programme dactivités du P.Z.K. ; et ce sont les militants laïcs qui en font la promotion dans leur voisinage, se chargent souvent de certains aspects pratiques tels que le transport ou la décoration des édifices, assurent le bon déroulement du pèlerinage. Il en est de même de certains congrès et rassemblements régionaux qui se font sous légide du groupement catholique : cest le cas, par exemple, des congrès en 1949 célébrant le 25-ème anniversaire de la fondation de la fédération catholique, à Bruay-en-Artois, dont il a déjà été question, et à Bois du Verne pour le district de Montceau-les-Mines.
Une précision concernant le vocabulaire utilisé à propos des manifestations à caractère régional, est importante pour comprendre leur hiérarchisation, sans laquelle aucune lecture de documents darchives ou de presse nest possible. En fait, ce vocabulaire reprend la nomenclature en vigueur dans la fédération. Ainsi, dans les régions éloignées du centre administratif que constitue le Nord Pas-de-Calais, cest-à-dire la région parisienne, lEst, les régions de Montceau-les-Mines et Saint-Etienne, une manifestation concernant toutes les associations catholiques, tous mouvements confondus, porte le label de manifestation du district (P.Z.K.), par exemple : célébration du Christ Roi du district Saint-Etienne, 25-ème anniversaire de la fondation du district Montceau-les-Mines, pèlerinage du district Metz à Notre Dame de Sion, ou encore pèlerinage du district Mulhouse à Thierenbach. Par contre, dans la région du Nord, où les districts P.Z.K. nexistent plus, mais où chaque union a développé un réseau de districts propres, une manifestation de district ne concerne que les sections appartenant à un mouvement donné et situées dans un secteur géographique déterminé, par exemple : pèlerinage du district Douai du Rosaire, journée de réflexion des sociétés masculines du district Valenciennes. Si une manifestation est destinée à toutes les sections dun groupement particulier, même si, compte tenu du lieu où elle se déroule, celles du Nord Pas-de-Calais fournissent une part prépondérante voire exclusive des participants, elle porte la dénomination de manifestation de lunion. Enfin, si elle sadresse à tous les groupements ensemble, elle a le label de manifestation de la fédération, par exemple : pèlerinage du P.Z.K. à Lorette, congrès du P.Z.K. à Bruay-en-Artois.
Une autre manifestation, célébrée dans pratiquement toutes les régions, a un caractère nettement plus patriotique que religieux : il sagit de la commémoration de la proclamation de la Constitution du 3 Mai 1791, fête nationale polonaise pendant la période de lentre-deux-guerres, bientôt supprimée en tant que fête nationale par le régime communiste. En 1945, cest à lappel des autorités polonaises, encore dépendantes du gouvernement en exil à Londres, que les associations du Nord de la France se sont regroupées à Lille pour cette commémoration. Mais en 1946, compte tenu de la nouvelle situation politique de la Pologne, la fédération catholique prend seule linitiative dorganiser la manifestation à Lille 714 ; elle la réitère au cours des années suivantes, 1947, 1948 et 1949. Le 3 mai 1946 à Lille, le programme de la cérémonie comprend une messe dans léglise Saint Etienne, concélébrée par le doyen Szewczyk et le recteur Cegielka, en présence du chanoine Desreumaux du chapitre cathédral, représentant le cardinal Liénart, et du chanoine Dubus, doyen de la paroisse Saint Etienne, un dépôt de gerbes au Monument aux Morts place Rihour, et une réunion salle de la Société industrielle au cours de laquelle chants de chorales, conférence sur lhéritage de la Constitution du 3 Mai 1791, discours des personnalités ont pour but de consolider lattachement de limmigration à la patrie. Tous les Polonais sont bien entendu conviés à participer à la manifestation : celle-ci nest pas réservée aux seuls adhérents du P.Z.K., même sils constituent la majorité des participants ; nous y reviendrons dans la suite du chapitre en parlant des relations du P.Z.K. avec lUnion centrale des Polonais. Et, bien que la fête ait lieu en semaine vendredi 3 mai 1946, samedi 3 mai 1947, mardi 3 mai 1949, mais dimanche 2 mai 1948 avec un déroulement identique, elle rassemble chaque année des milliers de personnes, et la presse polonaise et française 715 en donne des comptes rendus.
Mais les autorités françaises, régulièrement invitées aux commémorations du 3 Mai, représentées en 1945, sont absentes à partir de 1946. En 1945, la position de la France est ambiguë. Le gouvernement du général De Gaulle a reconnu le Comité polonais de Libération nationale (P.K.W.N.) puis, dès le 5 janvier 1945, le Gouvernement provisoire issu du P.K.W.N. le 31 décembre 1944 ; cette reconnaissance de facto réside essentiellement en léchange de délégués nayant pas le statut de diplomates : alors quarrive à Paris Stefan Jedrychowski, Christian Fouchet séjourne à Varsovie du 28 décembre 1944 au 16 mars 1945. Mais la France na pas rompu pour autant les relations avec le gouvernement polonais en exil à Londres : lambassade de Pologne à Paris est toujours occupé par Kajetan Morawski. Aussi, à la célébration de la fête nationale polonaise à Lille le 3 mai 1945, présidée par le ministre plénipotentiaire Aleksander Kawalkowski et le consul général Czeslaw Bitner anciens chefs du mouvement polonais de résistance P.O.W.N. en France, le Préfet du Nord est représenté par son chef de cabinet ; les autorités militaires françaises et alliées sont également présentes ; et le concert du pianiste Zygmunt Dygat, donné le soir même dans la salle de la Société industrielle, est placé sous le patronage du consul C. Bitner et du maire de Lille Denis Cordonnier. La reconnaissance par la France, le 29 juin 1945, du Gouvernement provisoire dUnion nationale, proclamé à Moscou le 28 juin pour servir de paravent à la volonté de Staline de satelliser la Pologne, provoque en même temps le retrait de laccréditation au gouvernement polonais de Londres, qui nest bientôt plus reconnu que par quelques états dont le Vatican. Dès lors, il nest plus question pour les autorités françaises dêtre présentes à une manifestation à laquelle participent des personnalités liées au gouvernement polonais de Londres : en 1946 et 1947, lancien consul C. Bitner et le commandant du camp militaire de Lille des Forces polonaises en Occident sont en tête du cortège, les soldats polonais rendent les honneurs devant le Monument aux Morts, et leur commandant dépose une gerbe de fleurs. Il sagit bien dune manifestation dopposition au gouvernement installé à Varsovie quorganise à Lille chaque année, de 1946 à 1949, lUnion des Associations catholiques polonaises. Les paroles prononcées par le recteur Cegielka dans son allocution finale à la salle de la Société industrielle, le 3 mai 1946, pourraient servir de mot dordre à toutes les cérémonies commémoratives de lancienne fête nationale polonaise :
« La promesse de retrouver une pleine liberté intérieure et extérieure, faite à la Pologne par les puissances ( ), doit être tenue. Le peuple catholique en Pologne, formant plus de 80 % de la nation polonaise ( ), doit pouvoir influer sur son propre destin, ce qui lui est dû selon les principes de la justice et de la démocratie. En effet, comme le montre son histoire, la nation polonaise ne se soumettra jamais à une minorité hostile à ses croyances et traditions, désireuse de gouverner et de se maintenir au pouvoir par linsubordination et la force. »
La présence dun seul homme politique français à la commémoration du 3 Mai en 1946, 1947 et 1948, le docteur Defaux, conseiller général et président du Mouvement Républicain Populaire (M.R.P.) de la région Nord Pas-de-Calais, souligne lembarras dans lequel les Français se trouvent pour prendre position à légard de cette manifestation. En 1949, le docteur Defaux est toujours présent ; il est alors vice-président du Conseil général du Nord. Mais est-il mandaté pour représenter le Conseil général ? Cela semble hautement improbable. Néanmoins, en cette même année 1949, signe peut-être du proche changement dorientation de la politique française vis-à-vis de lEst de lEurope, la municipalité de Lille est pour la première fois représentée à la célébration de la Constitution du 3 Mai par un adjoint au maire nommé Hamy.
La formation des membres est également très présente dans le programme dactivités du bloc catholique. Au cours des célébrations, des offices religieux, des pèlerinages, les sermons et les allocutions servent à lédification des fidèles ; pendant les réunions des sections, les assemblées générales des sections, des districts ou des unions, des thèmes religieux, patriotiques ou tout simplement liés à la vie du mouvement, sont exposés et discutés. Ainsi, par exemple, les sujets abordés aux assemblées générales de lUnion des Sociétés catholiques dHommes polonais ont été 716 :
en 1945 : que doit être une association dhommes catholiques ? (exposé de H. Pogodala),
en 1946 : le mouvement social catholique triomphera (exposé de L. Rudowski),
en 1947 : la question des syndicats libres (exposé de Piechocki),
en 1948 : les problèmes de léducation en Pologne et en émigration (exposé de J. Kudlikowski),
en 1949 : lumières et ombres de la vie associative polonaise en France (exposé de labbé Jagla).
Les matériaux pour les discussions sont fournis aux sections essentiellement par le biais des circulaires internes et le supplément propre au P.Z.K. du journal de la Mission catholique polonaise. Voici quelques titres relevés dans différentes circulaires et numéros du supplément : le 55-ème anniversaire de lencyclique Rerum Novarum, pourquoi lEglise a condamné le communisme ?, la signification des fêtes de Noël, la question du renouveau de lactivité dans les associations catholiques, notre problème national, léducation selon lEglise, la religion et le prolétariat, le rôle et la signification de la Constitution du 3 Mai.
Lanalyse de tous ces textes permettrait de dresser le profil socio-politique de lassociation masculine ; mais, une nouvelle fois, les archives sont incomplètes : pour certaines circulaires, rares en vérité, aucun exemplaire na été conservé, pour dautres, certaines pages manquent ou sont fortement détériorées. Néanmoins, de létude des nombreux fragments figurant dans les archives, se dégagent les lignes directrices, les thèmes principaux. Schématiquement, les idées véhiculées dans les exposés et les articles peuvent se subdiviser en trois catégories. La première affirme le rejet total de lidéologie communiste et du régime politique imposé à la Pologne, ainsi que le caractère catholique inébranlable des Polonais. LEglise condamne le communisme (circulaire n° 5 décembre 1946) parce que celui-ci « ne reconnaît rien en dehors du monde de la matière, est contraire à la dignité de la personne humaine, sème la haine dans la communauté des hommes ». Et même si les attaques contre la religion se multiplient en Pologne, lEglise catholique polonaise se fortifie de jour en jour (Le jubilé de Saint Adalbert, circulaire n° 8 mai 1947) ; larticle se termine par cette proclamation :
« Le Christ règne, le Christ triomphe, le Christ ordonne.
La Pologne Lui a été fidèle pendant 980 ans.
La Pologne lui restera fidèle à jamais.
La Pologne était, est et sera catholique ! »
flagrante réminiscence du slogan « Polonais Catholique (Polak Katolik) » cher à la démocratie nationale de lentre-deux-guerres.
Du reste, il suffit que la Pologne redevienne indépendante pour que le catholicisme y retrouve sa place ; car la Pologne nest pas souveraine, et seules des élections libres pourront lui permettre de reprendre son identité réelle :
« ( ) Le Gouvernement dUnité nationale de Varsovie ne représente donc pas la volonté du peuple polonais, mais cest un gouvernement imposé par des puissances étrangères.
( ) Les nécessités de lheure auraient pu nous conduire à rallier le Gouvernement de Varsovie, si ce Gouvernement, considéré comme provisoire, était libre et avait la réelle et indépendante volonté de préparer le pays à des élections libres. Cependant, ce Gouvernement nétant pas libre et ne pouvant y avoir question, dans les circonstances actuelles, délections libres et sans contraite, nous considérons que ce Gouvernement ne sert pas la cause polonaise, mais est au service dune puissance étrangère et, par là, trahit les intérêts nationaux.
( ) Notre peuple a façonné son âme depuis des siècles, dans la culture chrétienne et idéaliste, et maintenant, on déprave cette âme avec des mots dordre hypocrites et une philosophie matérialiste et païenne.
Au point de vue politique, nous ne pouvons aspirer au régime de la Russie Communiste, car nous voulons rester le pays des libertés démocratiques, alors que la Russie nous apporte la dictature, dictature dun petit groupe qui ne représente quune infime partie de lopinion du peuple polonais. » (Notre problème national, article de labbé Nosal octobre 1945, traduction en français par lauteur de larticle).
Une deuxième série darticles défend la justesse de la doctrine sociale de lEglise et sa supériorité sur le socialisme ou le communisme. Ce point est dautant plus important que la grande majorité des membres de lUnion est constituée douvriers mineurs ou de travailleurs industriels ; il sagit dancrer leur vision des rapports sociaux, des relations régissant le monde du travail en particulier, dans lenseignement de lEglise, pour les rendre réfractaires à toute autre propagande. Le texte le plus significatif à cet égard est larticle sur le 55-ème anniversaire de lencyclique Rerum Novarum paru dans la circulaire n° 3 de juin 1946. Après une présentation historique quelque peu arrangée du rôle social de lEglise et des différents mouvements sociaux ou économiques, lauteur, inconnu, souligne les bienfaits de lencyclique Rerum Novarum proclamée par le pape Léon XIII en 1891, et la nécessité pour Pie XI de réactualiser lenseignement de son prédécesseur en publiant, en 1931, une nouvelle encyclique sociale Quadragesimo Anno. Il en dégage ce quil considère comme les idées maîtresses du Pape :
« Ni le partage total des biens, ni la propriété collective, ne peuvent apporter le bonheur temporel aux travailleurs. Légalité absolue, que proclament les disciples de Marx et Lénine, est un rêve inaccessible. ( ) Il est également impossible de procéder à lexpropriation de toute propriété. Au contraire, il faut tendre à ce que tous deviennent propriétaires. Le salaire de louvrier doit aussi comprendre une certaine part des gains de lentreprise. Le salaire doit suffire à louvrier non seulement pour satisfaire ses besoins quotidiens, mais permettre aussi la réalisation déconomies, pour quainsi il puisse acquérir une certaine indépendance matérielle. »,
et conclut :
« Les deux grands papes, Léon XIII et Pie XI, abordent dans leurs encycliques tous les problèmes de la vie sociale, et indiquent les principes quil faut suivre pour les résoudre. Puisse le monde actuel, sécartant encore du droit chemin, ou sen tenant obstinément aux systèmes socialistes ou communistes, qui non seulement nont pas réglé la question sociale mais au contraire lont encore envenimée, trouver dans les indications papales le guide montrant la route à suivre pour atteindre le but. Puissent enfin tous les ouvriers comprendre aussi quils ont en lEglise catholique un ami sincère et un protecteur ( ). Si lEglise a condamné le socialisme et le communisme, ce nest nullement parce quils tendent à réformer et améliorer le sort de louvrier, mais parce que, dans leurs programmes, ils nient le rôle de Dieu et de Ses commandements, quils sefforcent darracher la foi du cur des hommes, et quà la place de lamour du prochain ils placent le principe de la haine entre les classes sociales. »
Enfin, le troisième type de textes comprte des réflexions sur le fonctionnement de lorganisation et les moyens de fortifier sa spécificité catholique : la signification des fêtes de Noël (circulaire n° 10 Noël 1947), le renouveau de lactivité dans les associations catholiques (circulaire n° 11 1948), lumières et ombres de la vie associative polonaise en France (circulaire n° 15 octobre 1949). Lexposé de Hubert Pogodala, que doit être une association dhommes catholiques ? (circulaire n° 1 Nouvel An 1946), propose un idéal pour les associations masculines, et convie les militants à uvrer pour latteindre. Ses idées sont perceptibles dans presque toutes les circulaires publiées sur le sujet jusquen 1949 : la prière recèle une grande force, mais elle ne suffit pas ; il faut de laction, de lapostolat, non seulement de la part des prêtres mais aussi des laïcs
« Cette charge nous incombe, à nous membres des sociétés catholiques groupées en France au sein du P.Z.K. En particulier, notre union rassemblant les sociétés masculines, qui est en quelque sorte le pilier principal de la fédération, doit devenir le premier foyer de laction catholique parmi les Polonais en France. Nous devons nous engager avec courage et fermeté, avec la profonde et inébranlable conviction de la justesse de notre cause, dans cette action catholique, dans cette uvre de propagation des principes chrétiens, dans cet apostolat actif des personnes laïques. Fortifiés par notre foi en Dieu, imprégnés de lamour du prochain, nous devons devenir de vrais combattants déterminés pour la cause du Christ. »
Mais, pour que toutes ces idées aient un impact sur la vie du mouvement, il faut quelles soient acceptées et mises en pratique par les membres. Or, les circulaires sont adressées aux bureaux de toutes les sections de lUnion des Sociétés catholiques dHommes polonais, qui les exploitent au cours des réunions des sections : les textes des conférences et des articles sont lus, commentés par un membre ou par laumônier local, discutés. Cette méthode permet de transmettre les mots dordre et les idées directrices jusquà la plus petite cellule de lorganisation. Une statistique prouve que ce procédé est effectivement appliqué. Sur la base des réponses au questionnaire précédant lassemblée générale de lunion 717 , en 1945 1946 1947, les sociétés masculines ont tenu 1 896 réunions avec 1 581 exposés ou conférences : dans la majeure partie des cas, il sagit en fait de la lecture et de la discussion des textes fournis par les circulaires ; elles ont aussi organisé 149 fêtes annuelles à léglise dont 83 suivies dune manifestation folklorique. Le bilan pour lannée 1948 est le suivant : 652 réunions avec 455 exposés, 64 célébrations annuelles à léglise dont 38 suivies dune fête, 40 manifestations diverses (fête de la Sainte Barbe, Noël, commémoration du 3 Mai, ).
LUnion des Confréries du Rosaire a certainement utilisé la même technique pour son travail de formation. Aucun document nindique cependant les titres des exposés réalisés et, a fortiori, leur contenu ; il ny a pas non plus de statistiques analogues à celles des sociétés masculines. Des données juste postérieures à la période étudiée dans ce chapitre 718 , indiquent quen 1950, les confréries ont organisé 70 manifestations, 96 pèlerinages et excursions, et 537 réunions avec 170 exposés : il doit sagir là, comme pour les sociétés masculines, de lutilisation de textes fournis par leur union ou la fédération. Il est sans doute admissible que cette façon de procéder pour la formation des membres ait été en vigueur parmi les confréries avant 1950 déjà.
Des stages sont encore destinés à la formation des dirigeants locaux ou régionaux. LUnion des Sociétés catholiques dHommes polonais organise en 1946, pour la première fois, de telles réunions dans les quatre districts nordistes : Lens, Bruay, Douai et Valenciennes. Elles durent une journée et abordent les thèmes suivants : le pays et le citoyen, le capitalisme et le socialisme, la famille et son évolution 719 . Le stage suivant, au cours de lété 1947, se déroule dans la propriété des Oblats de Marie Immaculée, à La Ferté-sous-Jouarre, et dure une semaine, ce qui permet de réaliser un programme où se mêlent activités de formation et activités de détente et de loisirs. Les conférences suivies de discussions sont consacrées à 720 : - lordre dans le monde, le but de lhomme, la religion et les questions sociales, - le développement de la civilisation, la formation des classes, - le mariage et la famille, - le peuple et le pays, - lorganisation du travail, - les syndicats, - le contrat de travail, le salaire, la grève, - le capital et le travail, - la propriété privée et le collectivisme, - les religions dans le monde, - les religions chrétiennes, - la pratique dans les associations, - laction catholique, - lorganisation de limmigration polonaise en France et son idéologie. Mais le contenu de ces conférences nest pas précisé ; il est donc impossible de lanalyser. Risquons cependant une conjecture basée sur une interprétation des titres des exposés : les mêmes trois grands thèmes, décelés dans les textes publiés dans les circulaires, se retrouvent ici, à savoir
des questions dordre politique : rejet de lidéologie communiste, opposition entre catholicisme et matérialisme athée (le pays et le citoyen, lordre dans le monde, le but de lhomme, le développement de la civilisation, la formation des classes, le peuple et le pays),
des questions dordre social : le monde du travail et son fonctionnement du point de vue de lenseignement de lEglise (le capitalisme et le socialisme, la religion et les questions sociales, lorganisation du travail, les syndicats, le contrat de travail ,le salaire, la grève, le capital et le travail, la propriété privée et le collectivisme),
des questions relatives à lidéologie du mouvement et aux moyens dassurer sa spécificité chrétienne (la famille et son évolution, le mariage et la famille, la pratique dans les associations, laction catholique, lorganisation de limmigration polonaise en France et son idéologie).
Le programme du stage à La Ferté-sous-Jouarre en 1947 comporte aussi une visite des monuments de Paris et de Versailles ; et les stagiaires consacrent le temps libre à la pêche ou la baignade dans la Marne toute proche de la résidence des Oblats, la pratique du sport, des jeux de société. Une telle formule convient parfaitement à des militants qui peuvent à la fois acquérir des connaissances et goûter un repos mérité pendant leurs congés payés. La première session de ce stage, du 28 juin au 5 juillet, rassemble vingt membres de sections du Nord et du Centre de la France 721 ; le nombre de participants aux deux autres sessions, du 16 au 23 août et du 23 au 30 août, nest pas connu.
LUnion des Confréries du Rosaire a, semble-t-il, également organisé un stage en deux sessions, du 14 au 21 août et du 22 au 29 août 1947, dans la propriété de la congrégation des Pallottins à Osny 722 ; mais aucune autre donnée à ce sujet na pu être établie. Par la suite, probablement par manque de budget approprié, les associations dadultes nont plus procédé à lorganisation de stages dété, mais se sont contentées de journées de formation ne nécessitant pas de financement important 723 .
La tâche de lUnion des Chorales paroissiales, que nous plaçons dans la catégorie des organisations dadultes bien que des jeunes en fassent aussi partie, doit répondre en plus à des besoins spécifiques 724 . Le premier consiste en lacquisition de partitions, livres de chants, manuels spécialisés. Mais les coûts dédition sont élevés, et lUnion ne peut que faire paraître de petits livrets comportant quelques chants : deux recueils en 1945 dont lun intitulé Paix aux hommes (Pokoj ludziom) se compose de cantiques de Noël, deux également en 1946, de six chants chacun, dont lun est consacré à la liturgie du Saint Sacrement et du Sacré Cur. Puis, un accord avec la rédaction de Polska Wierna permet à lUnion de faire paraître dans le journal, presque chaque semaine à partir du milieu de lannée 1946, la partition dun chant religieux harmonisé par le professeur Rudolf Rygiel pour chorale mixte. Laction de formation est bien entendu destinée aux organistes et maîtres de chant. Deux stages sont organisés à leur intention en 1946 : du 26 au 28 avril à Montceau-les-Mines, et du 29 avril au 3 mai à Paris. Sous la direction de Rudolf Rygiel, Michal Spisak, Antoni Szalowski et de labbé Mizgalski, dix-neuf participants au total ont pu compléter ainsi leurs connaissances musicales. Un stage pour les dirigeants des chorales du Nord a également lieu en 1947, en 1948 et en 1949. Les chorales contribuent encore à lanimation de la vie associative polonaise. Au sein des communautés locales, elles permettent de conserver une certaine qualité au chant accompagnant les offices dominicaux, préparent des programmes spéciaux pour les grandes célébrations liturgiques, participent aux cérémonies religieuses des différentes sections locales, organisent aussi des manifestations propres comme la fête de Sainte Cécile ou des concerts de cantiques de Noël. Au niveau régional, elles se regroupent pour animer les messes au cours des manifestations organisées par les districts du P.Z.K. ou les unions ; cest le cas, à partir de 1947, dans le Nord où, pendant les messes à loccasion de la commémoration du 3 Mai ou du pèlerinage à Lorette, les chants sont exécutés en partie par lensemble des fidèles, en partie par les chorales réunies sous la direction de Ludwik Nowakowski. Le 27 février 1949 à Billy-Montigny, a lieu le premier concours de chant de lUnion, qui provoque une bonne émulation entre les différentes chorales et permet den mesurer la qualité.
Les idées qui sous-tendent toutes ces activités, sont clairement exprimées dans les motions votées par les assemblées générales des unions ou de la fédération 725 . Les résolutions prises par lassemblée générale qui achève la réorganisation de lUnion des Associations catholiques polonaises, le 26 août 1945 à Lorette, sont en partie marquées par les circonstances du moment. Elles adressent les salutations du P.Z.K. au peuple polonais qui, pour les souffrances endurées pendant la guerre, retrouvera liberté et indépendance grâce à la miséricorde divine ; expriment sa joie de voir le cardinal primat Hlond satteler à la reconstruction de la vie religieuse en Pologne, rendent hommage aux armées polonaises qui ont combattu et se sont couvertes de gloire sur tous les fronts. Dans le contexte des clivages, indiqués déjà dans des chapitres précédents, qui sopèrent alors entre les associations polonaises en France, la quatrième motion est certainement la plus importante ; elle affirme la volonté du groupement catholique doccuper une place à part entière dans la vie associative polonaise :
« Le P.Z.K., en tant quorganisation centrale et autonome des unions catholiques polonaises en France, tend la main pour collaborer à toutes les unions polonaises en émigration qui fondent leur activité sur des principes catholiques et nationaux. »
Les autres motions et celles votées au cours des différentes assemblées générales les années suivantes, peuvent se classer en plusieurs catégories. La première a trait à la religion et montre le souci des membres du P.Z.K. duvrer pour la gloire de Dieu et le service de lEglise. Les résolutions proclament en particulier leur fidélité à lEglise, au Primat et à lEpiscopat de Pologne, ainsi quà la Mission catholique polonaise. Le but suprême de leur action est le maintien de lesprit catholique parmi limmigration polonaise en France :
« Les déléguées de lUnion des Confréries du Rosaire ( ) envoient à Son Eminence le Cardinal Primat de Pologne et Protecteur de lEmigration, lexpression de leur hommage et lassurance forte et sincère quelles seront toujours les gardiennes de la foi et des bonnes murs, quelles resteront toujours fidèles à la foi des ancêtres et à leur caractère polonais, et quelles sont toujours prêtes à travailler pour maintenir lesprit catholique parmi leurs concitoyens habitant sur la terre française. » (Confréries du Rosaire, 1948, motion n° 1).
Pour y parvenir, il faut respecter, dans lélaboration des activités, les directives du clergé polonais en France dirigé par le Recteur, lengagement des prêtres étant considéré comme la meilleure garantie pour la défense de la foi et du sentiment patriotique :
« Les délégués de lUnion des Associations catholiques dHommes polonais ( ) se feront guider dans leur action par les instructions du clergé polonais avec le recteur Cegielka à sa tête, une longue expérience leur ayant appris que le travail des prêtres est le soutien le plus permanent pour la foi et le caractère polonais, et que lui seul est en mesure déduquer les nouvelles générations polonaises émigrées en bons citoyens de leur patrie temporelle et de léternelle. » (Hommes catholiques, 1946, motion n° 1).
Certes, par nature, laction catholique est soumise à la hiérarchie ecclésiastique ; mais cest la première fois dans lhistoire des associations catholiques polonaises en France que cette subordination est si fortement marquée. Le contraste avec la situation de lentre-deux-guerres, où les laïcs intervenaient de manière plus autoritaire dans la prise de décision, est assez frappant ; nous lavons déjà signalé à propos de la remise en fonctionnement de la fédération catholique polonaise par décision du seul clergé en décembre 1944 ou de la réorganisation du groupement catholique tout au long de lannée 1945; il se confirme nettement alors.
La deuxième catégorie de motions sintéresse à léducation des enfants et de la jeunesse (P.Z.K., 1945, motion n° 6 ; P.Z.K., 1948, motion n° 5 ; Confréries du Rosaire, 1948, motions n° 3 et 4). Elles demandent aux parents de veiller au caractère religieux et national de linstruction donnée aux enfants, de veiller à ce que ceux-ci soient assidus aux offices et au catéchisme polonais. Les enfants et la jeunesse doivent être éduqués dans la foi de leurs ancêtres ; pour y parvenir et ainsi les soustraire à la propagande matérialiste athée, les adhérents du P.Z.K. promettent de sengager aux côtés des aumôniers dans lanimation des associations denfants.
La troisième catégorie traite du sentiment national qui anime les militants catholiques, de la position des groupements catholiques vis-à-vis de la Pologne et de ses représentants en France. Dabord, ils se déclarent indéfectiblement attachés à la mère patrie, et saluent leurs compatriotes profondément attachés à la religion catholique :
« Les délégués de lUnion des Sociétés catholiques dHommes polonais ( ) adressent leurs sincères salutations à leurs frères au Pays, qui nont pas plié sous la pression du matérialisme athée et du communisme, mais qui persistent courageusement dans la foi de leurs Pères, confiants que la Justice divine leur accordera, après ces dures journées dépreuve, de connaître des jours de liberté et dindépendance réelles. » (Hommes catholiques, 1946, motion n° 2),
« Nous nous unissons de tout cur à nos surs au pays et à toute la société. Nous leur exprimons notre admiration, notre reconnaissance et notre hommage, pour leur héroïsme inflexible et leur attitude pleine de dignité. ( ) » (Confréries du Rosaire, 1948, motion n° 2).
Cest la situation politique en Pologne qui fait lobjet des plus vives critiques :
« LAssemblée générale du P.Z.K. ( ) apprend, avec tristesse et indignation, linformation au sujet du musellement complet de la vie associative des sociétés catholiques au pays, et au sujet des répressions menées dernièrement contre des journaux et des journalistes catholiques, témoignant de la suppression des apparences mêmes de lexistence de la liberté de parole et de la presse. » (P.Z.K., 1948, motion n° 2).
Quelques motions font plus directement référence au retour en Pologne des ouvriers émigrés, et aux conditions dans lesquelles celui-ci pourrait seffectuer. Elles ont déjà été commentées dans le chapitre 9, lors de la présentation de la situation démographique des Polonais en France après la guerre. Rappelons que leur formulation nhésite pas à stigmatiser « les méthodes de terreur qui règnent dans [la] Patrie »
En 1945, la fédération catholique flétrit lintroduction du facteur politique parmi les associations polonaises en France en des termes assez mesurés :
« LUnion des Associations catholiques polonaises en France constate avec inquiétude la pénétration, dans la vie associative polonaise en émigration, de facteurs dépendant dun parti politique. Elle déplore les projets de certaines autorités, de soumettre la vie polonaise aux influences dune idéologie étrangère à lesprit polonais. Ayant le sentiment de porter une responsabilité dans le maintien de lesprit polonais en émigration, lAssemblée appelle tous ses membres et sympathisants à défendre vaillamment ses idéaux et les saintes traditions nationales. » (P.Z.K., 1945, motion n° 5).
Nul doute que l « idéologie étrangère à lesprit polonais » représente, aux yeux des catholiques, la doctrine communiste qui commence son ascension progressive vers le pouvoir absolu en Pologne, alors que le véritable « esprit polonais » senracine, lui, dans le catholicisme : pour préserver le caractère polonais des immigrés, il faut sauvegarder leur foi ; les « traditions » quil convient de cultiver, sont certes « nationales » mais aussi « saintes », sanctifiées par la religion.
Puis, les motions condamnant les méthodes des consulats, de la Croix Rouge polonaise en France ou des organisations liées au nouveau pouvoir établi à Varsovie, deviennent plus virulentes : elles récusent lutilisation, par ces autorités, de la question du rapatriement à des fins de politique partisane ; mais encore, elles sindignent de ce quelles font dépendre le traitement des problèmes quun Polonais peut rencontrer, ou lattribution dune aide à un Polonais, non pas en fonction des besoins réels de celui-ci mais en fonction de son appartenance à une association donnée. De manière générale, le bloc catholique met en garde les Polonais installés en France, contre les dirigeants des nouvelles organisations inféodées au régime de Varsovie, véritables « agences cachées du matérialisme athée et du communisme. » :
« Les délégués de lUnion des Sociétés catholiques dHommes polonais ( ) mettent en garde lEmigration contre les propagandistes et les activistes des différentes nouvelles organisations, qui ont découvert la Pologne il y a un an et demi seulement et qui, auparavant, lavaient reniée ou avaient agi à son préjudice. Ils appellent simultanément leurs compatriotes à uvrer avec persévérance sous la bannière des organisations qui ont toujours servi Dieu et la Patrie, depuis larrivée même sur la terre française, et ont constamment travaillé dans cet esprit pour léducation de la jeune génération. » (Hommes catholiques, 1946, motion n° 5).
Enfin, une dernière catégorie de résolutions, relatives à lidée dunification des associations polonaises anticommunistes, sera commentée à la fin de ce chapitre à propos des relations entre le P.Z.K. et lUnion centrale des Polonais.
Ainsi, dans la majorité des textes, sentiment religieux et sentiment national sont donc intimement mêlés ; le même postulat revient constamment : être Polonais et être catholique sont des concepts indissociables. En définitive, deux motions votées par lAssemblée générale du P.Z.K., lune le 26 août 1945 à Lorette et lautre le 19 septembre 1948 à Lens, résument bien lidée maîtresse qui gouverne laction de la fédération catholique : vigilance de tous les instants, pour servir fidèlement selon la devise Dieu et Patrie (Bog i Ojczyzna) :
« LAssemblée générale du P.Z.K. en France appelle tous les compatriotes en France à rester vigilants face aux dangers du moment, à poursuivre fidèlement le service conformément à la devise Dieu et Patrie. » (1945, motion n° 8),
« LAssemblée générale du P.Z.K. en France ( ) constate que lémigration polonaise en France ressent fortement le lien lunissant au pays, et promet dagir en conformité avec la devise inscrite sur les bannières, Dieu et Patrie, pour contribuer, dans la mesure de ses forces et de ses possibilités, au règne sur la terre dune véritable paix fondée sur la justice chrétienne, qui apportera à la Pologne la liberté et lindépendance tant désirées et tellement méritées. » (1948, motion n° 3).
--------------------------------------------------------------------------------
Lattention particulière portée aux enfants et aux jeunes
Pendant la guerre, une préoccupation constante des milieux catholiques polonais en France était de maintenir un état desprit religieux et patriotique parmi les enfants et les jeunes. La formation de groupes K.S.M.P. en zone libre, la constitution de chorales dans les centres pastoraux un peu partout en France, poursuivaient ce but. La guerre terminée, la renaissance des mouvements de jeunesse apparaît comme une nécessité aux yeux des dirigeants et du clergé polonais : le déchaînement de la violence a perturbé la transmission des valeurs chrétiennes ; une idéologie athée, dont la propagande va progressivement sintensifier parmi les immigrés, sapproprie par tous les moyens le pouvoir en Pologne ; la jeunesse devient lenjeu dune vaste lutte dinfluence. Il convient, pour les catholiques polonais, de ne pas prendre de retard et de pouvoir rivaliser avec les autres tendances sur le terrain de lactivité associative. Le Conseil supérieur de lUnion des Associations catholiques polonaises, le 7 janvier 1945, insiste déjà sur la relance des activités pour les enfants et les jeunes, et comble les postes vacants dans les bureaux des unions K.S.M.P. A la réunion annuelle du clergé polonais à Clamart le 9 novembre 1945, labbé Banaszak présente un exposé sur Nos devoirs et nos droits envers la jeunesse : le travail parmi la jeunesse doit être une tâche déducation prioritaire dans les centres pastoraux ; le prêtre doit aussi saisir les occasions denseigner la religion dans les écoles, si elles se présentent ; il doit encore mettre en uvre tous les moyens appropriés pour amener les jeunes vers lEglise. De nombreuses voix sélèvent au cours de la discussion pour confirmer limportance de cet aspect de la pastorale : labbé Januszczak partage avec ses confrères lexpérience quil mène à la direction des K.S.M.P. ; labbé Gryga demande lélaboration dun programme axé sur la formation religieuse des jeunes et traitant de questions morales et sociales. Lannée suivante, à lassemblée plénière du 8 novembre 1946 726 , labbé Januszczak présente justement un tel programme quil entend réaliser dans les unions de la jeunesse. Dans son rapport intitulé Directives pour léducation de la jeunesse polonaise en France (Kierunek wychowania mlodziezy polskiej we Francji), il écrit :
« Les Unions des Associations catholiques de la Jeunesse polonaise masculine et féminine en France proposent déduquer la jeunesse polonaise, issue principalement des milieux ouvriers, dans un pays étranger, à un moment de décomposition de la nation, à un moment marqué du sceau particulier des tendances daprès-guerre à mélanger les notions sur les buts de lindividu, de la famille et de la société, en membres actifs et éclairés de lEglise catholique, préparés à lapostolat individuel et collectif du Christ, ainsi quà la propagation des principes catholiques dans tous les domaines de la vie et de la culture. ( ) Aussi, selon nous, il convient de placer au premier plan trois points principaux et de les travailler. Il sagit de :
lapprofondissement de la vie religieuse,
lapprofondissement de la conscience nationale,
lapprofondissement progressif et adroit des murs ».
Laction de base repose, comme pour les organisations dadultes, sur les sections locales. Les réunions sont nombreuses, une fois par semaine en général, où un sujet de discussion en relation avec lun des thèmes énumérés ci-dessus est abordé, un complément de catéchisme est donné aux enfants, lapprentissage des prières en polonais est conforté, des chants populaires sont appris, des jeux et des activités de plein air ou de sport sont organisés. Certaines sections locales, du K.S.M.P. surtout, dont le nombre dadhérents est particulièrement élevé, sont encore subdivisés en sous-sections avec, à leur tête, un responsable propre : par exemple, section de quartier, section de théâtre, section chorale, section sport, section couture, section daéromodélisme. La multiplication des sous-sections et des activités proposées entraîne bien sûr une multiplication des réunions, et aussi le fait que beaucoup plus de membres, et non seulement ceux en charge du bureau principal, sont amenés à prendre des responsabilités : lintérêt pédagogique est évident. Pour le sport, une fonction spéciale existe même, baptisée en polonais du nom de komendant (commandant), chargée de gérer les activités sportives et aussi de veiller au bon ordre pendant le déroulement des manifestations. La fonction analogue de komendantka existe également dans les sections féminines. Les personnes remplissant cette charge sont en fait élues par lassemblée générale, et font partie du bureau de lassociation. Lorigine de cette terminologie nest pas connue ; est-ce une réminiscence du rôle paramilitaire de lorganisation des Francs-Tireurs (Zwiazek Strzelecki) qui attirait de nombreux jeunes pendant lentre-deux-guerres ? Il est vrai que ces responsables doivent veiller à la discipline au sein des sections et au maintien de lordre pendant les manifestations ; mais leur priorité reste quand même le sport.
Les offices religieux spéciaux pour les enfants et les jeunes ne manquent pas. Il y a aussi la fête anniversaire annuelle (rocznica) quil faut préparer avec soin : de nombreuses répétitions sont nécessaires pour enrichir la partie récréative de la manifestation avec des récitations individuelles ou collectives, des chants, des danses folkloriques, des pièces de théâtre, des saynètes, ou encore les traditionnelles mises en scène de la Nativité à Noël (jaselka). Les groupes denfants et de jeunes sont encore sollicités par les organisations dadultes de leur localité à loccasion des manifestations organisées par celles-ci. Les sections locales du K.S.M.P. ont également le devoir de répondre aux invitations des autres sections appartenant au même district. Cela occasionne évidemment de fréquents déplacements si la section veut réellement honorer tous ses engagements. Du reste, lune des causes avancées en 1947 en faveur de la division du district Lens en deux entités administratives distinctes est le trop grand nombre de déplacements à lintérieur du district 727 .
Au cours des dernières années de lentre-deux-guerres, les groupes K.S.M.P. appréciaient les manifestations publiques à caractère massif : les fêtes de la jeunesse (swieto druhen, swieto druhow, swieto mlodziezy), les rassemblements de district (zloty okregowe), les rassemblements des unions (zloty zwiazkowe), attiraient la foule et galvanisaient lénergie des jeunes. Du reste, cest par lorganisation dun rassemblement de district que les sections K.S.M.P. masculines de Bruay-en-Artois et les sections féminines et masculines de Montceau-les-Mines marquent la reprise de leurs activités, en mai et août 1945 respectivement. Ces manifestations, où se mêlent cérémonies religieuses, rencontres sportives, représentations théâtrales et folkloriques, demeurent une forme dactivité toujours autant prisée. Au cours de la messe matinale, les sermons, en général assez enflammés, les chants, exécutés par des chorales ou par lassemblée entière, ce qui leur donne une puissance impressionnante compte tenu du nombre de fidèles réunis, toute la solennité de la cérémonie, sont censés attiser la ferveur des jeunes. Les rencontres sportives en athlétisme, tennis de table, football, volley-ball et basket-ball, permettent de gagner le titre de champion du district ou de lunion ; la rivalité est grande, des éliminatoires sont souvent nécessaires avant le jour du rassemblement, ce qui charge encore le calendrier des activités ; et le titre de champion est envié. Pour la partie récréative, les sections présentant un programme artistique sefforcent de le maîtriser parfaitement, ce qui les mobilise au cours des semaines précédant la fête, et augmente aussi le nombre de répétitions. Ces rassemblements permettent également de nouer de solides liens damitié entre les sections dun district et, au niveau des unions, de consolider le sentiment dappartenance à un même mouvement, à une même famille. Aussi, et cest une nouveauté de laprès-guerre, les unions K.S.M.P. organisent un tel rassemblement chaque année, à la date fixe du 15 août : à Waziers en 1946, à Nux-les-Mines en 1947, à Billy-Montigny en 1948, et à Bruay-en-Artois en 1949, jumelé cette année-là avec la célébration du 25-ème anniversaire de lUnion des Associations catholiques polonaises. Les districts K.S.M.P. vont suivre la même tendance et, à partir des années 1950, chacun dentre eux organisera chaque année son propre rassemblement, parfois séparément pour la jeunesse féminine et la jeunesse masculine, parfois en commun. Pour la période étudiée, les archives ont conservé la trace dun rassemblement des districts féminin et masculin de Bruay-en-Artois le 20 juillet 1947 728 , de Billy-Montigny le 27 juillet 1947 729 , dun concours de théâtre groupant, le 29 février 1948 à Marles-les-Mines, les sections des districts Bruay-en-Artois4 730 1, dun rassemblement le 15 mai 1949 à Bruay-en-Artois pour commémorer le 15-ème anniversaire du district masculin, et le 31 juillet 1949 à Dourges pour les districts Douai 731 . Lidée va également se transmettre aux associations denfants : un premier rassemblement de lUnion des Croisades et Patronages polonais se tient à Oignies le 5 septembre 1948 732 .
Il faut encore rappeler la participation des enfants et des jeunes aux manifestations organisées par les districts P.Z.K. auxquels ils appartiennent ou, dans la région du Nord, par la fédération P.Z.K., comme les pèlerinages ou les commémorations de la Constitution du 3 Mai.
En ce qui concerne le K.S.M.P., une place à part doit être réservée aux contacts internationaux. En septembre 1948, une petite délégation de lUnion masculine, composée dAleksy Cichowicz de Lens, Stanislaw Hudziak et Stanislaw Karpinski, tous deux dOignies, et conduite par labbé Stolarek, participe à Rome au jubilé du 80-ème anniversaire de lAction catholique de la Jeunesse italienne, du 10 au 13 septembre, et à la Conférence internationale des organisations catholiques de la jeunesse, les 14 et 15 septembre 733 . Comme en Pologne il nexiste plus dassociation de jeunesse catholique, le K.S.M.P. doit représenter les jeunes catholiques polonais dans le domaine des relations internationales ; il sagit donc pour la délégation du K.S.M.P. qui se rend en Italie, de marquer une présence polonaise. De fait, au cours de lune des principales manifestations du jubilé de la jeunesse catholique italienne, dans la nuit du samedi 11 au dimanche 12 septembre, Stanislaw Karpinski transmet à la foule des jeunes rassemblés sur la place Saint Pierre, les vux de succès au nom des jeunes Polonais. La conférence internationale, elle, débouche sur la création dun Conseil supérieur des organisations de jeunesse catholique, dans la composition duquel entre chaque délégation nationale. Ce Conseil supérieur choisit à son tour un Comité exécutif formé des représentants de sept pays, dont la Pologne, place qui sera donc occupé par un délégué du K.S.M.P. de France. Cest un rôle nouveau qui est ainsi dévolu à lorganisation de jeunesse catholique polonaise en France, certes dû exclusivement à limpossibilité, pour lEglise de Pologne, de créer ses propres associations ; mais il est extrêmement important : la présence dun représentant polonais dans une telle instance internationale montre publiquement que, malgré les difficultés occasionnées par la situation politique du moment, malgré les pressions et les obstacles de toute nature, dans sa majorité, la jeunesse polonaise reste attachée au catholicisme. Lannée suivante, cest une délégation plus importante de lUnion masculine, menée par le président Boleslaw Szambelanczyk et labbé Lewicki, qui participe à Lourdes au Congrès mondial de lorganisation Pax Christi 734 . Là encore, la présence des représentants du K.S.M.P. permet de parler des mouvements de jeunesse catholique polonaise au cours dune rencontre internationale. Une première fois, devant lassemblée plénière du Pax Christi, labbé Lewicki, dans un exposé en français, en anglais et en allemand, dresse lhistorique des associations catholiques parmi les jeunes en Pologne ou en émigration. Une seconde fois, au cours dune réunion dans lenceinte même du camp réservé à la jeunesse réunie à Lourdes, il a loccasion de présenter les buts et le fonctionnement du K.S.M.P.
La formation spirituelle et patriotique nest pas oubliée au sein des associations denfants et de jeunes. Du reste, dans une certaine mesure, les manifestations publiques présentées ci-dessus y contribuent également : sermons, discours, allocutions, reprennent constamment les mots dordre de fidélité à la foi catholique et aux valeurs nationales. Un travail important dans ce domaine est fourni, nous lavons indiqué, pendant les réunions des sections locales : les aumôniers, les responsables des patronages, les membres les plus impliqués des groupes de jeunesse, sefforcent de mener un programme attrayant où se mêlent les deux aspects. A partir de 1949, les assemblées générales des unions K.S.M.P. y consacrent une partie de leurs travaux : le thème choisi pour les assemblées de mars 1949 est lapostolat à lépoque actuelle, présenté respectivement par lécrivain Maria Winowska pour lUnion féminine, et pour lUnion masculine, par le frère Stefan Szymanski, ancien membre de la section K.S.M.P. de Nux-les-Mines entré dans la congrégation des Oblats de Marie Immaculée.
La grande originalité de laprès-guerre consiste dans lorganisation, pour les enfants, de colonies de vacances et, pour les jeunes, de stages dété. Bien évidemment, la détente, le repos, les activités de plein air, le sport, y prennent une large part ; mais les programmes prévoient aussi des excursions touristiques, des rencontres avec des personnalités de la vie associative polonaise, des conférences sur des thèmes religieux ou nationaux, des cours de chants et de danses folkloriques, des travaux pratiques sur la manière de diriger une section. Il sagit donc bien dune forme nouvelle dactivité de formation.
Une information indirecte 735 indique que lUnion des Associations dEnfants a organisé de telles colonies au cours de lété 1946, mais ne donne aucune précision sur le lieu, la date et la durée exactes. Il semble que ce soient les premières faites pour les enfants ; en effet, rien ne prouve quil y en ait eu en 1945. Par contre, une fois engagée, linitiative est reprise dannée en année, facilitée par le fait que les directeurs successifs de lUnion à partir de janvier 1947, appartenant à la congrégation des Pallottins, peuvent bénéficier des centres de celle-ci, à Chevilly et Osny. Ainsi, en 1947 736 , les colonies se déroulent à Chevilly pour une durée de trois semaines, à partir du 25 juillet pour les jeunes filles de 8 à 14 ans, et à partir du 20 août pour les jeunes garçons de la même tranche dâge. En 1948 737 , cest à Osny quelles ont lieu selon les mêmes conditions que lannée précédente. En août et septembre 1949 738 , trois colonies, qui accueillent au total 373 enfants, sont également organisées.
Les circulaires relatives à lorganisation des colonies dété sont adressées aux sections locales de lUnion des Croisades et Patronages, et aussi à tous les aumôniers. Tous les enfants ont donc la possibilité de sy inscrire, même si la circulaire du 4 avril 1948 précise qu « elles sont destinées, en principe, uniquement pour lélite catholique des enfants regroupés, cest-à-dire pour ceux qui, plus tard, devront aider laumônier dans la cité ». Il est fort peu probable que ce caractère restrictif ait été scrupuleusement respecté ; mais, de toute façon, le nombre denfants pouvant en bénéficier ne peut évidemment pas dépasser la capacité daccueil des centres dhébergement. Aussi, quelques initiatives régionales ou locales viennent compléter le dispositif de lUnion. Par exemple, le district P.Z.K. Montceau-les-Mines organise chaque année, à partir de 1946, des colonies de vacances pour les enfants du district, menées par les Surs de la Charité, dabord à Chénelette dans le département du Rhône, puis à Ardillats à une centaine de kilomètres de Montceau 739 . A partir de lété 1948 740 , labbé Marian Gutowski organise chaque année des colonies de vacances destinées, dans un premier temps, aux enfants de son centre pastoral de Bruay-en-Artois. A cet effet, il loue, à Thugny-et-Trugny dans le département des Ardennes, un château entouré dun grand parc, appartenant à la famille de Broglie. Fortement endommagés pendant la Première Guerre mondiale, les murs du château ont été réparés, mais lintérieur nécessite des travaux et des aménagements importants ; il faut absolument tout refaire : les revêtements de sol, lélectricité, les canalisations deau. Les premières colonies, en août 1948, se déroulent donc pour les cinquante enfants réunis dans des conditions plutôt spartiates. Mais labbé Gutowski persiste dans son intention de faire de la propriété un centre de vacances attrayant. Ce sera lune des tâches auxquelles il se consacrera pendant dix ans, après avoir signé avec la famille de Broglie, en 1950, un bail particulier. En juillet et août 1949, cest la Croisade des Enfants de Marles-les-Mines et des environs, sous la direction de labbé Bednorz, qui séjourne à Essômes-sur-Marne 741 .
Cest labbé Januszczak qui se trouve à lorigine des premiers stages dété pour le K.S.M.P., en 1945 à Chevilly. Grâce à laide matérielle de la Croix Rouge polonaise, 120 jeunes gens peuvent y passer trois semaines et sinitier aux principes de la vie associative polonaise en France 742 . En 1946, cette action particulière prend de lampleur ; les stages sont en effet multipliés en fonction des buts spécifiques poursuivis. Dans certains (obozy wypoczynkowe) prédominent la détente et le repos ; dautres (kursy spoleczne, kursy kierowniczek lub kierownikow pracy) mettent laccent sur la formation à la direction des sections locales ou des districts, et sont destinés prioritairement aux membres exerçant déjà des responsabilités au sein du mouvement ; dautres encore ont des objectifs bien précis, comme la spécialisation des responsables du sport ou lapprentissage de techniques danimation (kursy wychowania fizycznego, kursy swietlicowe). Ainsi, un camp de vacances combiné à un stage de dirigeants est organisé pour le K.S.M.P. féminin pendant une durée de trois semaines, du 23 juin au 15 juillet, à Ornolac Ussat-les-Bains dans lAriège. Quelques journées sont consacrées à un pèlerinage à Lourdes. Pour le K.S.M.P. masculin, toutes les activités, étalées dans le temps, se déroulent à La Ferté-sous-Jouarre, dans la propriété de la congrégation des Oblats de Marie Immaculée. Sont prévus 743 :
un camp de vacances, du 1-er au 19 juillet,
un stage pour dirigeants, du 22 juillet au 9 août,
un stage déducation physique, du 12 au 30 août,
un stage pour animateurs (chants, danses, théâtre, jeux de groupes), du 2 au 23 septembre.
En 1947, lactivité est concentrée dans le temps et dans lespace : les deux unions partent simultanément, du 16 juin au 11 juillet, dans lAriège, les jeunes filles à Fougax-et-Barrineuf, les garçons à Ornolac Ussat-les-Bains, où les stagiaires résident dans les centres de vacances créés par le chanoine Vidal, vicaire général de lévêché de Pamiers 744 . En plus de la détente, des excursions dans les montagnes, des activités physiques et du sport, figurent au programme des conférences et des cours sur : la littérature, lhistoire et la géographie de la Pologne, la langue polonaise, les problèmes sociaux, la psychologie féminine et masculine, la vie du mouvement, la préparation au mariage ; lensemble est agrémenté par lapprentissage de chants et de danses folkloriques. En guise de couronnement, la centaine de participants au stage se rend en pèlerinage à Lourdes. Lencadrement est assuré par le directeur Januszczak, les présidente et président des unions, T. Durczynska et A. Ambrozy, et les abbés Gruze, Plutowski, Sroka et Wahrol, ainsi que par un moniteur de sport, Zygmunt Ostrowski.
Il faut encore mentionner les stages pour la jeunesse, organisés au cours de lété 1947 à La Ferté-sous-Jouarre par les Oblats, qui ne relèvent plus maintenant de la compétence des Unions K.S.M.P. Pourtant, en 1946, la collaboration entre le directeur du K.S.M.P., labbé Januszczak, et le responsable de la propriété oblate, le père Stolarek, a permis lélaboration du programme diversifié présenté ci-dessus. La circulaire du 1-er mai 1946 du K.S.M.P. se félicite même du fait que le mouvement disposera dun endroit fixe où pourront être organisés des rencontres, des réunions, des stages et des camps. La bonne entente ne dure pas ; les causes exactes ne sont pas connues. Le fait que les Oblats aient baptisé leur propriété du nom de Centre catholique de la Jeunesse polonaise (Katolicki Osrodek Mlodziezy Polskiej) narrange certainement pas les choses : le responsable du centre envoie également des circulaires aux aumôniers polonais, marquées du sceau du Centre, contenant des propositions dactivités pour la jeunesse ; sans doute faut-il rentabiliser les investissements consentis pour adapter les locaux à leurs nouvelles fonctions. Tout ceci provoque une certaine confusion. A la réunion annuelle des prêtres de novembre 1946, le ton de la discussion qui suit la présentation du rapport de labbé Januszczak, dont il a été question précédemment, est plutôt sec. A la question dun prêtre sil existe deux centrales du mouvement K.S.M.P., lune à Paris, lautre à La Ferté-sous-Jouarre, le recteur Cegielka répond quil ny en a quune seule, celle dirigée par labbé Januszczak ; et celui-ci ajoute que la dénomination de la maison des Oblats est trompeuse : dune part, elle fait penser que le K.S.M.P. est si riche quil a été en mesure dacheter un château, dautre part, le terme de jeunesse catholique étant tellement assimilé au mouvement K.S.M.P., la simple courtoisie aurait voulu quil ne soit pas employé afin déviter toute confusion. En tout cas, le centre des Oblats à La Ferté propose des stages pour les jeunes, et aussi pour les enfants, au cours de lété 1947 745 ; et des sections locales du K.S.M.P. y prennent part malgré tout : 63 jeunes filles de Marles-les-Mines y séjournent pendant tout le mois de juin. On comprend mieux dans ces conditions lanimosité témoignée à légard de labbé Stolarek par Teresa Durczynska et Alojzy Ambrozy, au moment de léviction de labbé Januszczak du poste de directeur du K.S.M.P.et de la nomination à ce même poste de labbé Stolarek, en janvier 1948.
Larrivée de celui-ci à la tête des Unions de la jeunesse fait toutefois disparaître le problème de terminologie. La maison oblate de La Ferté-sous-Jouarre étant son lieu de résidence, elle prend automatiquement le nom officiel de Centrale des Unions K.S.M.P.. Et cest là quen 1948, se déroulent des stages pour dirigeants, du 1-er au 15 juin pour les filles, et du 17 juin au 3 juillet pour les garçons 746 . Labbé Stolarek renoue en effet avec lassignation de buts spécifiques aux activités dété : en 1948, seuls les stages pour dirigeants sont organisés au nom des unions de la jeunesse, les camps de vacances proprement dits sont laissés à linitiative des sections. En 1949 par contre, les unions reprennent de nouveau lensemble des actions et organisent 747 :
au mois de juin à La Ferté-sous-Jouarre : un camp de vacances pour les garçons ;
au mois de juillet à Essômes-sur-Marne : un camp de vacances et un stage pour dirigeants masculins, de quinze jours chacun ;
au mois daoût à Essômes-sur-Marne : un camp de vacances pour les filles, de quinze jours également.
Pour lannée 1949, il faut aussi noter lexcursion en Angleterre conduite par le directeur Stolarek du 2 au 12 septembre, à laquelle trois filles et onze garçons ont pris part.
Toutes les activités précédemment décrites sadressent bien entendu à lensemble des jeunes groupés au sein du K.S.M.P. Et, si la majorité des stagiaires proviennent des sections du Nord, les autres districts fournissent aussi des participants. La demande est pourtant grande ; aussi, comme pour les enfants, des initiatives régionales ou locales renforcent ce dispositif central. Ainsi, à Origny en Côte-dOr, des stages sont organisés en 1946 et 1947 pour les jeunes filles du district Saint-Etienne 748 . Au cours de lété 1947, onze jeunes de la section masculine de Sallaumines organise un camp de vacances de dix jours 749 . En 1948, nous lavons vu, les Unions nont pas organisé de camps de vacances, laissant linitiative aux sections. Mais, la congrégation des Oblats ayant fait lacquisition, lannée précédente 750 , dun terrain bordé de dunes, à lentrée de Stella-Plage, hameau dépendant de la commune de Cucq dans le Pas-de-Calais, sur le littoral de la Manche, celui-ci est mis à la disposition des groupes du K.S.M.P. qui désirent y organiser des séjours : les Unions fournissent des tentes et lencadrement, le reste est à la charge des sections, en particulier le transport et la nourriture 751 . Il semble bien que cette action ait connu un vif succès 752 . En août 1949, cest la section masculine de Méricourt Noyelles-sous-Lens qui organise à son tour un camp de vacances à Erny-Saint-Julien près dAire-sur-la-Lys, auquel participent vingt-cinq garçons 753 .
Une autre activité de formation est encore inaugurée en 1948 et 1949 au niveau du K.S.M.P. : il sagit de Journées de recueillement (Dzien Skupienia) destinées aux dirigeants du mouvement, pour approfondir leurs connaissances religieuses et leur vie spirituelle. La première de ces journées, le 4 avril 1948, rassemble 21 présidentes de sections locales du Nord ; le 1-er mai 1948, cest au tour des présidents de se réunir 754 . Deux autres journées sont également programmées en 1949, le 23 janvier pour le K.S.M.P. féminin, et le 30 janvier pour le K.S.M.P. masculin 755 . Toutes les quatre ont lieu à Béthune, dans létablissement scolaire tenu par les Pères Oblats, qui sera présenté dans la suite du travail, et sont menées par le père Piotr Miczko.
Une tâche importante incombe encore à lUnion des Associations dEnfants et aux Unions K.S.M.P., en particulier aux aumôniers directeurs : la fourniture de matériel écrit pour lanimation des sections. Que ce soit dans le domaine de la religion ou dans celui de la culture polonaise, les besoins sont grands : les prêtres nont pas toujours le temps nécessaire pour préparer les réunions, les laïcs nont pas toujours un niveau de connaissances suffisant. Il faut aussi assurer une certaine cohésion dans le programme des groupements. Les circulaires, les bulletins internes vont contribuer à alimenter les sections en textes de conférences, exposés, thèmes de discussion, plans de travail élaborés mois par mois ; il sagit donc de la même technique de formation que celle utilisée dans les groupements dadultes. Mais surtout, et cest là une autre grande originalité de laprès-guerre dans les méthodes utilisées au niveau des enfants et des jeunes, les deux mouvements se lancent dans la publication dun journal propre : Le Petit Croisé (Rycerzyk) pour les enfants, et Cur Jeune (Mlode Serce) pour la jeunesse. Même si le premier a rapidement perdu son caractère de publication propre aux associations denfants, le but initial est clair : apporter aux sections du matériel, mais aussi des informations sur la vie et les activités des différents groupes pour raffermir la cohésion au sein des organisations. Ces deux journaux seront présentés dans la suite, dans le paragraphe consacré à la presse religieuse. Pour le K.S.M.P., dautres moyens sont encore mis en uvre pour apporter une aide à lanimation. Dans les sections locales de la jeunesse, le théâtre est souvent à lhonneur : de petites comédies, des pièces à thème religieux, occupent une large part du programme des manifestations. Cette activité a lavantage dobliger les jeunes à manier la langue polonaise. Un système de prêt est donc mis en place par la Centrale des Unions pour fournir les textes des pièces de théâtre. Le chant est un autre moyen dentretenir la connaissance de la langue polonaise, mais les textes font défaut. En 1947, un petit livret contenant douze chants populaires, intitulé Nous chantons (Spiewamy), est édité ; un tome 2, portant le même titre, paraît en 1948. Ensuite, les sections prennent lhabitude de confectionner leurs propres recueils de chants. Enfin, lidée, apparue au cours du stage déducation physique daoût 1946 à La Ferté-sous-Jouarre, de rassembler les règles de conduite des principales activités sportives pratiquées par les sections dans un livre unique, est concrétisée dès le mois de décembre : un manuel de 64 pages, LEducation physique (Wychowanie fizyczne), rédigé par Jozef Kudlikowski, commente la manière de diriger une séance dactivités physiques, présente des exercices de gymnastique et des jeux de groupes, rappelle les règles des sports collectifs.
Toutes les activités présentées, quelles soient publiques ou internes aux organisations, témoignent dune double volonté : garder les enfants et les jeunes dans la fidélité à la religion, et exalter chez eux le sentiment national. Tout est étroitement mêlé ; la description des fêtes, le programme des réunions, le contenu des stages, le prouvent bien. Lobjectif est donc finalement identique à celui des associations dadultes ; mais lutilisation de moyens plus adaptés aux goûts et aux besoins des enfants et des jeunes, en particulier la multiplication de manifestations publiques à caractère massif (fêtes locales des sections, rassemblements des districts ou des unions), les actions dété, la publication de journaux propres, montrent que le bloc catholique dans son ensemble porte, au cours de la période étudiée, une attention particulière à ceux sur qui repose en grande partie son avenir.
--------------------------------------------------------------------------------
LA PRESSE RELIGIEUSE
--------------------------------------------------------------------------------
Le journal de la Mission catholique polonaise : Polska Wierna (La Pologne fidèle)
Les premières réunions des prêtres polonais, peu de temps après la libération de la France, montrent déjà leur souci de disposer rapidement dune presse religieuse propre. Le Mensuel religieux, organe de la Mission catholique édité par le recteur Wedzioch, nest quun bulletin de liaison entre les prêtres et ne suffit pas. Lopinion générale voudrait que le rectorat de la P.M.K. se dote dun véritable organe de presse. Le rôle particulier de lécrit dans le contexte de limmigration néchappe à personne : il permet de maintenir le contact avec la patrie, au moins avec la langue, de lutter contre le sentiment disolement dans un environnement étranger, de resserrer les liens de la communauté, et dans le cas particulier de la religion, dapporter une aide et un complément précieux à la pastorale.
Les efforts de la Mission aboutissent à la parution, le 1-er avril 1945, dun nouvel hebdomadaire : La Pologne fidèle (Polska Wierna), dont labbé Antoni Szymanowski assure la direction et la rédaction. Mais les débuts sont difficiles. Au milieu de lannée 1945, la pénurie de papier gêne la parution du journal 756 . Et, bien que le siège du journal se trouve dans les locaux du rectorat de la Mission catholique, labbé rédacteur en chef ne peut compter que trop rarement sur laide de ses confrères qui sont basés au 263-bis de la rue Saint Honoré ; ceux-ci sont déjà absorbés par leurs tâches respectives, au secrétariat de la Mission, à léglise polonaise ou à laumônerie des hôpitaux. Il se retrouve donc souvent seul pour assurer la rédaction du journal. Les changements au poste de rédacteur en chef ne favorisent pas non plus la stabilité de lentreprise : labbé Szymanowski ne reste que quelques mois à la tête du journal, remplacé le 1-er octobre 1945 par labbé Jozef Luczak 757 , auquel succède, le 1-er juillet 1946, un prêtre de la Société du Christ, labbé Florian Kaszubowski, arrivé en France à la fin de 1945, après sa libération du camp de concentration de Dora et quelques mois passés en Allemagne comme aumônier des déportés polonais et préfet du lycée polonais de Lübeck 758 . Sous sa direction, le journal va atteindre un niveau convenable et sy maintenir de manière durable.
Les premiers numéros de lhebdomadaire, du numéro 1 du 1-er avril au numéro 14 du 29 juillet 1945, ne comportent que deux pages imprimées en recto verso sur une seule feuille de dimension 40 x 50. La page 1 porte le titre en polonais, Polska Wierna, sur un fonds constitué par laigle royal couronné aux ailes déployées. A partir du numéro 15 du 5 août 1945, la présentation du journal prend sa forme définitive de format 25 x 40. En première page, figure toujours le titre en polonais sur le même fonds de laigle aux ailes déployées mais inséré maintenant dans une croix rayonnante. En sous-titre, il y a la traduction française du titre, La Pologne fidèle, la mention tygodnik katolicki hebdomadaire catholique, les indications de lannée dédition, du numéro et de la date de la parution. Sont encore indiquées, sur le côté droit, ladresse de la rédaction administration, et les conditions dabonnement. Le volume du journal passe de quatre pages en août à six pages vers la fin de lannée 1945, puis à huit pages à partir de 1946. Les photos et les illustrations, en noir et blanc, sont rares ; quelques annonces publicitaires apparaissent en dernière page à partir de 1946 également.
Le contenu de lhebdomadaire traite évidemment de questions religieuses, mais aussi sociales, culturelles et politiques. Les affaires de lEglise universelle sont largement exposées, mais les informations politiques y tiennent également une bonne place : par exemple, de nombreux articles en 1945 sont consacrés à une critique des accords de Yalta et de Potsdam. Des nouvelles de Pologne sont abondamment commentées. La vie des Polonais en France occupe une place prépondérante. Les communiqués du Bureau de Presse de la Mission catholique polonaise informent surtout des décisions relatives à ladministration de linstitution (convocation des prêtres aux réunions des doyennés ou aux assemblées annuelles, nomination et mutation des prêtres, annonces de pèlerinages, de tournées missionnaires, de missions populaires), et remplissent parfois des colonnes entières sur une demi-page ou même une page complète. Des comptes rendus des réunions des prêtres, des réunions ou des grandes manifestations des organisations catholiques, complètent ce type darticles. Une rubrique stable, intitulée Z zycia kolonii (La vie des cités), est consacrée aux activités des associations locales, principalement catholiques mais non exclusivement.
Des suppléments sont destinés à fidéliser un public précis. Entre 1946 et 1949, paraissent :
Nasz Front (Notre Front), à partir de décembre 1945, destiné à lUnion des Associations catholiques polonaises, qui sera présenté dans la suite ;
Gazetka dla Kobiet (La Gazette des Femmes), de 1946 à 1948, rédigé par Wanda Lada ;
Wiadomosci Rolnicze (Les Informations agricoles), de 1946 à 1948 ;
Hej do Apelu ! (Ohé, à lappel !), de 1946 à 1947, rédigé par Antoni Radwan Czapla et destiné à la jeunesse ;
Czuwaj ! Wiesci Harcerskie (Salut ! Nouvelles scoutes), de 1948 à 1949 ;
et deux suppléments consacrés exclusivement à la culture :
Dodatek Literacki (Le Supplément littéraire), en 1946 ;
Kolumna Akademicka (La Colonne académique), à partir de 1949.
Il ne sagit pas cependant de publications séparées. Ces suppléments sont en fait insérés dans le journal ; ils ont en général une numérotation propre, mais leur pagination suit celle du journal dans lequel ils sont publiés.
Mais comme son prédécesseur de lentre-deux-guerres, la Pologne fidèle souffre dune assise matérielle incertaine qui se détériore tout au long de la période 1945 1949 pour atteindre, à la fin, un niveau critique. A la réunion du Conseil de la Mission du 6 avril 1948 759 , labbé Kwasny informe les doyens que le journal est à la veille de la liquidation à cause du déficit chronique : les 7 000 abonnements couvrent à peine les frais. Le Recteur reproche aussi un manque dappui de la part des prêtres en général, qui ne font pas les efforts nécessaires pour augmenter le nombre dabonnés dans leurs communautés, alors quune augmentation de 3 000 abonnements permettrait au journal déquilibrer le budget et même dassurer des bénéfices. Les doyens rétorquent que le niveau de lhebdomadaire, assez élevé à leur avis, nest pas toujours adapté à celui des immigrés polonais, en majorité ouvriers. Finalement, ce point de lordre du jour de la réunion est clos par un compromis : les doyens promettent de mettre tout en uvre pour promouvoir le journal dans les centres pastoraux, et le rédacteur sengage à le rendre plus accessible à une large fraction de limmigration tout en sefforçant den maintenir le niveau global. Les mêmes propos sont repris à lassemblée annuelle du 12 novembre 19487 760 1 : labbé Kwasny adresse des louanges au rédacteur Florian Kaszubowski pour avoir accompli le miracle de sauvegarder le journal de la Mission, et ajoute que laide et lengagement de tous les prêtres permettraient décarter le danger qui pèse sur lexistence de la Pologne fidèle. Il semble toutefois que lappel du Recteur nait pas été entendu, du moins par une partie importante du clergé. Lannée suivante en effet, à la réunion annuelle des 6 et 7 octobre 1949, lexposé de labbé Kaszubowski fait encore état de difficultés financières grandissantes, malgré les efforts réalisés pour adapter le contenu du journal aux souhaits des prêtres. En fait, la dégradation de la situation matérielle de lhebdomadaire va se poursuivre et contraindre les responsables à fusionner avec une maison dédition polonaise catholique dAllemagne pour sauver la publication.
--------------------------------------------------------------------------------
La presse des congrégations religieuses
En plus de la Mission catholique, les deux principales congrégations religieuses masculines polonaises installées en France, la Société de lApostolat catholique et les Oblats de Marie Immaculée, sintéressent également à la création dune presse spécifique. Ces deux congrégations ont du reste déjà acquis, en Pologne pendant lentre-deux-guerres, une certaine expérience du travail journalistique.
Les Pallottins 761 commencent dès le mois de septembre 1944 la publication de Glos Misjonarza (La Voix du Missionnaire). La rédaction, composée de labbé Bronislaw Wiater rédacteur en chef et de labbé Juljan Zblewski, est située au centre de la congrégation ouvert à Chevilly dans le Loiret, alors que le périodique est imprimé à Lille dans limprimerie de Czeslaw Kaczor sauvée clandestinement de loccupation allemande ; cela accroît dautant plus les difficultés de distribution. Néanmoins, le fait justement que lentreprise ait été lancée dans des conditions difficiles, alors que la guerre fait encore rage, rehausse son impact psychologique sur les immigrés polonais, et assure une certaine popularité au journal qui tire rapidement à 4 000 exemplaires. La principale ambition des promoteurs de la publication est dentrer en contact avec les Polonais disséminés sur le territoire français, surtout ceux résidant dans les zones rurales à lécart des grands centres industriels. Aussi les rédacteurs ont la préoccupation constante de sadapter aux besoins et au niveau des lecteurs visés.
En janvier 1947, le journal est transféré à Paris, au siège de la rue Surcouf, et change de titre pour devenir Nasza Rodzina (Notre Famille). Son tirage atteint alors 12 000 exemplaires et continuera daugmenter jusque dans les années 1960. La direction en est confiée à labbé Stefan Treuchel, ancien rédacteur de journaux catholiques à Varsovie. La publication augmente de volume, et son contenu est davantage lié à la vie de lEglise en Pologne, la littérature, lhistoire et la culture polonaises.
La congrégation des Pallottins édite encore le mensuel pour les enfants intitulé Rycerzyk (Le Petit Croisé). La revue débute en fait en décembre 1944 à Barlin, dans le Pas-de-Calais, où labbé Jan Obarski en publie le premier numéro « pour éduquer les enfants polonais dans un esprit religieux et national » 762 . Cet engagement vaut à labbé Obarski dêtre nommé, en août 1945, secrétaire et responsable de la région Nord de lUnion des Associations dEnfants dirigée par labbé Makulec. Pendant deux ans, le périodique est donc publié à Barlin. Mais, à la fin de lannée 1946, labbé Obarski est rappelé en Pologne, et labbé Makulec part pour les Etats-Unis ; la direction de lUnion des Associations dEnfants passe aux mains des Pallottins en janvier 1947. Ce transfert de charge est probablement la cause du rachat du Petit Croisé par la congrégation en 1947. Dès lors, la rédaction de la revue va reposer sur les pères Pallottins directeurs successifs de lUnion : les abbés Wiater et Oramowski.
Chaque numéro du journal comprend alors seize pages de format 15,7 x 24. Les illustrations et les textes sont imprimés en général sur deux colonnes et en deux couleurs. En première page figurent, en polonais et en français, le titre, le mois et lannée de publication, ainsi que la mention mensuel. La couverture est aussi ornée dillustrations ou de photos qui nont pas toujours de rapport avec les articles du journal. Les thèmes abordés sont assez uniformes : causeries religieuses, cours de catéchisme, leçons sur lhistoire de lEglise et de la Pologne, poèmes et récitations liés aux saisons ou aux différents événements de lannée (Noël, Pâques, la fête du 3 Mai, la fête des mères) ; des jeux et des devinettes complètent le sommaire. A partir de 1948, le mensuel mène une rubrique de courrier des lecteurs, principalement consacrée à la résolution des jeux.
Il ny a pas cependant de rubrique propre à lUnion des Associations dEnfants, dinformations relatives aux activités des sections ou même de lUnion. Seuls quelques articles introductifs rappellent lexistence et les buts de lorganisation. Cest pourquoi il est difficile de classer le Petit Croisé dans la catégorie de la presse associative même si, effectivement, un effort particulier dabonnement et de publicité était demandé aux aumôniers et aux moniteurs en charge des patronages. De plus, sous la direction des Pallottins,dun tirage initial de 3 000 exemplaires, le journal passe ensuite à 10 000 exemplaires 763 ; si la diffusion du mensuel sétait limitée aux seuls cercles denfants organisés au sein des centres pastoraux, son tirage naurait pas pu atteindre ce niveau. Comme la rédaction et ladministration de la revue vont incomber, jusquà sa liquidation à la fin de lannée 1959, à la congrégation des Pallottins, il nous a semblé plus judicieux de traiter la question du Petit Croisé dans le paragraphe consacré à la presse des congrégations.
A la fin de la guerre, les Oblats 764 transforment leur organe de liaison Le Visiteur dObra, rédigé pendant la guerre au scolasticat de Notre-Dame des Lumières, en Oblaci w Wojsku Polskim (Les Oblats dans larmée polonaise), bulletin polycopié destiné à faire le lien entre les nombreux pères dispersés en Europe occidentale. Edité pendant un an, en 1946, ce bulletin perd son utilité avec la démobilisation progressive des Oblats. En 1946, le père Stolarek entreprend encore, à La Ferté-sous-Jouarre, la publication dun périodique dhomilétique intitulé Slowo Boze (La Parole de Dieu). Huit numéros paraissent jusquà la fin de 1947 et larrêt de lexpérience. Il sagit de brochures polycopiées de format 21 x 28, aux textes tapés à la machine, éditées comme manuscrits, dune cinquantaine de pages, contenant les textes complets ou les plans ou extraits de sermons en relation avec le temps liturgique au moment de la parution. Ainsi, par exemple, le numéro 2 an I du 15 décembre 1946 765 est entièrement consacré au temps de Noël, de la Saint Etienne, de la nouvelle année, de la fête des Rois Mages et de celle de la Sainte Famille.
--------------------------------------------------------------------------------
La presse des associations catholiques
Le 16 décembre 1945 paraît dans la Pologne fidèle le premier numéro du supplément mensuel destiné à lUnion des Sociétés catholiques polonaises en France, intitulé Nasz Front (Notre Front). Comme les autres suppléments, les quelques pages de Notre Front, trois au maximum, conservent la numérotation continue des pages du journal ; il ne sagit donc pas dune édition supplémentaire de la Pologne fidèle, mais seulement dune partie du journal dont le contenu et la rédaction incombent au P.Z.K. La seule marque distinctive de ces pages est le titre inscrit en grands caractères sur la première, et le sous-titre : supplément mensuel de lUnion des Sociétés catholiques polonaises. Sont encore mentionnés lannée de publication et le numéro du supplément, ainsi que le nom du rédacteur : labbé A. Nosal secrétaire général du P.Z.K. Cette dernière indication disparaît après le départ de labbé Nosal du secrétariat général de la fédération catholique.
La présentation rigoureuse, avec titres des paragraphes en caractères majuscules gras, certains articles encadrés, lusage aussi de caractères italiques pour souligner des passages, rendent aisée la lecture du supplément. Mais son contenu reste assez uniforme. En 1945 et 1946, formé de deux ou trois pages, le supplément contient des articles à caractère politique, des articles sur la religion ou lenseignement de lEglise, et une majorité dinformations relatives à la vie du mouvement : comptes rendus de réunions ou dassemblées générales, directives pour les manifestations des différents groupements catholiques, communiqués administratifs, position du P.Z.K. par rapport aux autres associations polonaises, activités locales. A titre dexemple, le numéro II 5, paru dans le numéro 16 du 21 avril 1946 du journal, reflète bien le sommaire habituel du supplément :
articles à caractère politique : Quels intérêts servent les communistes polonais ?, A lattention des intéressés (article dénonçant la façon dont la Croix Rouge polonaise en France distribue les aides en fonction de lorientation idéologique des demandeurs), Que penser des communistes polonais ? ;
articles à caractère religieux : Léducation dans la conception de lEglise, La religion et le prolétariat ;
articles sur la vie du mouvement : article principal sur Lhéritage du 3 Mai, La manifestation nationale et patriotique le 3 mai à Lille, La collecte de fonds pour lenseignement.
A partir de 1947, le supplément ne comportant alors souvent quune page unique, la part des informations et communiqués centrés sur le fonctionnement de lorganisation devient prépondérante, voire même exclusive.
Le supplément pour la jeunesse du même journal La Pologne fidèle, intitulé Hej do Apelu ! (Ohé, à lappel !), respecte bien entendu les règles rédactionnelles décrites ci-dessus. Son contenu est moins important que celui de Notre Front, et occupe en général une page ou seulement une demi-page du journal. Beaucoup de ses articles traitent du mouvement K.S.M.P. ; son titre est du reste celui de lhymne de lUnion K.S.M.P. masculine, et son rédacteur Antoni Radwan-Czapla, un collaborateur personnel du directeur des unions de la jeunesse, labbé Januszczak. Ceci explique que le supplément ait cessé de paraître à la fin de 1947 : la destitution de labbé Januszczak de ses fonctions à la tête de lorganisation de jeunesse a provoqué le départ simultané de Radwan-Czapla, et personne na repris le flambeau de la rédaction du supplément.
Le seul exemple de véritable presse maintenue par un groupement de lUnion des Associations catholiques polonaises est, durant la période étudiée, la publication de la revue Mlode Serce (Cur Jeune) destinée aux organisations K.S.M.P. 766 . Linitiative, une nouvelle fois, en revient à labbé Januszczak qui, dans son rapport sur laction à mener en direction des jeunes, présenté à la réunion annuelle des prêtres du 8 novembre 1946, annonce la parution, si possible avant la fin de lannée, dune série de publications parmi lesquelles un journal, devant apporter un matériel (plans dexposés, articles sur la religion, la culture polonaise, textes de chants) nécessaire pour organiser des réunions, des stages pour la jeunesse, pour aider les responsables dans leur tâche déducation de la jeunesse.
Les prêtres qui se succèdent à la direction des organisations de jeunes, les abbés Januszczak et Stolarek, se chargent donc de la rédaction et de lédition du Cur Jeune ; ladresse de la rédaction figurant en première page du journal est toujours celle de la Centrale des Unions K.S.M.P., dans la pratique le lieu de résidence de laumônier directeur. Dans leur travail de rédaction, ils sont aidés par des collaborateurs bénévoles, tels Antoni Radwan-Czapla pour labbé Januszczak, et les abbés Piotr Miczko et Marian Mroz pour labbé Stolarek, et bien sûr par tous les membres des sections K.S.M.P. qui rédigent des comptes rendus de la vie de leurs associations.
Lédition de la revue entre décembre 1946, date de la parution du premier numéro, et décembre 1949 est un peu chaotique. Neuf numéros sont édités en 1947. Pour 1948, nous avons retrouvé une seule publication, le numéro 10 du mois de mai ; il se peut quen juin ait été publié un autre numéro, dont nous navons retrouvé aucun exemplaire. Le Bulletin de la Centrale des Unions K.S.M.P., année 1-ère numéro 1 du 5 mai 1948, en annonce en effet la parution, avec la précision quil ne sera expédié quaux associations ayant payé celui du mois de mai. Cette remarque indique clairement que les difficultés financières de lédition, rencontrées déjà par labbé Januszczak, ne se sont pas estompées ; au contraire, elles pèseront de plus en plus lourdement sur la régularité de la parution du journal. Quatre numéros paraissent en 1949.
Tous les exemplaires retrouvés comportent seize pages, à lexception du numéro 1 2 de janvier février 1949 qui en possède vingt. Les textes sur chaque page sont imprimés sur deux colonnes ; les illustrations, notamment les photos prises au cours des manifestations du K.S.M.P., sont nombreuses et constituent probablement une grande attraction pour les lecteurs. La couverture des quatre premiers numéros (n° 1 de décembre 1946, n° 1 de janvier, n° 2 de février, n° 3 de mars 1947) est la même : elle représente une jeune fille tenant lécusson de lUnion K.S.M.P. féminine, et un jeune garçon tenant celui de lUnion masculine ; le graphisme est médiocre. Y figurent encore le nom du journal et deux sous-titres : Bulletin intérieur (en français) et Journal des Associations Catholiques de la Jeunesse Polonaise en France (en polonais). A partir du numéro davril 1947, la présentation du journal est améliorée. En particulier, la couverture est illustrée par une photographie ou une affiche en relation avec un article du numéro, le plus souvent une activité du K.S.M.P. Les numéros davril et de mai 1947 ne portent plus quun seul sous-titre : Bulletin intérieur (en français) ; et à partir de juin 1947, le seul sous-titre du journal est la traduction française de son titre : Cur Jeune. Lannée de publication et le numéro correspondant du journal sont également indiqués sur la page de couverture, sauf pour les exemplaires datés entre avril et septembre 1947.
Peu dinformations ont pu être obtenues sur le tirage du journal. Dans une lettre adressée le 10 février 1947 au recteur Cegielka 767 , labbé Januszczak fait état de 1 500 exemplaires du journal à transporter le 16 février dans le Nord de la France, et réclame, compte tenu des délais très brefs pour la diffusion, dobtenir laccord du Recteur pour la parution du journal beaucoup plus tôt, ce dernier ayant en effet exigé, pour des raisons non élucidées, de lire les articles avant leur impression pour leur accorder en quelque sorte son imprimatur. Par ailleurs, une décision des Assemblées générales des Unions de décembre 1946 stipule que chaque section locale diffusera chaque mois un minimum de vingt exemplaires 768 . Le tirage moyen du journal au cours de la période 1947 1949 peut donc être raisonnablement estimé à 2 000 2 500 exemplaires par numéro.
Lensemble des articles parus dans Cur Jeune peut être divisé en trois thèmes principaux : la religion, lidentité nationale polonaise, la vie de lassociation. Le thème religieux est axé principalement sur léducation morale de la jeunesse selon les principes de lEglise, mais il comprend aussi des articles traitant dhistoire sainte et de doctrine catholique. Dans le thème du développement de lidentité polonaise se trouvent des articles sur des écrivains polonais, des extraits de leurs uvres, des articles relatifs aux coutumes, aux traditions, à lhistoire polonaise. Enfin, la rubrique consacrée à la vie de lassociation, la plus importante des trois, se compose bien entendu dun nombre impressionnant de comptes rendus des activités du K.S.M.P., illustrés par de nombreuses photographies, mais aussi darticles traitant de la manière de diriger les sections ou les districts, du rôle des dirigeants au sein de lassociation, du programme daction à mener.
La part respective de ces thèmes nest cependant pas la même selon les différentes périodes de la publication du journal. En effet, la rédaction de la revue reposant en majeure partie sur les épaules du directeur des unions K.S.M.P., la personnalité de celui-ci, son vécu personnel avec lorganisation, son goût personnel pour tel ou tel aspect de lactivité du mouvement, et aussi les circonstances dans lesquelles il exerce sa mission, influencent profondément le choix des articles, et par conséquent la prépondérance de lun des thèmes sur les autres.
Ainsi, dans les numéros publiés sous la direction de labbé Januszczak, cest-à-dire du numéro 1 de décembre 1946 au numéro 9 de fin 1947, prédomine laspect religieux, en particulier le problème de léducation morale des jeunes. La culture polonaise est le thème ayant la part la plus faible dans les numéros en question. Par contre, une place importante est également réservée à la vie de lorganisation. Les activités des associations locales sont, certes, lobjet de quelques comptes rendus, mais la majorité des articles est consacrée à laction des unions : assemblées générales, rassemblements annuels, stages dété, programme de travail pour les sections. Chaque numéro comporte aussi une page dhumour et de jeux divers tels que rébus, charades, logogriphes.
La composition des numéros publiés par labbé Stolarek reste sensiblement la même que celle des numéros de la période précédente. Toutefois, le thème religieux nest plus prépondérant et la part consacrée à la culture polonaise est au moins aussi importante, avec des articles dun niveau supérieur à celui des articles correspondants de la période précédente. Cest cependant lactivité de lorganisation qui fournit de plus en plus la matière des articles. Ainsi le numéro 4 de juin 1949 contient neuf pages sur seize, entièrement consacrées aux actions du K.S.M.P., et le numéro 5 doctobre décembre 1949 en contient douze sur seize ! Les comptes rendus des sections sont un peu plus nombreux, mais la priorité est toujours accordée aux manifestations générales organisées par les unions ou les districts.
Notons encore quun bulletin local de la section K.S.M.P. de Roubaix, intitulé Sprawie Sluz (Sers la cause) 769 , a également existé à partir de la fin 1948. Trois numéros sont parus jusquau début de 1949 770 , mais aucun renseignement ne précise si cette expérience sest prolongée.
Enfin, il y a lieu de signaler labondante production de bulletins internes réalisée par les unions des sociétés masculines, des chorales paroissiales, des jeunes K.S.M.P. et des associations denfants. Il ne sagit pas bien entendu dune presse au sens habituel du terme, mais ces publications peuvent y être associées par le rôle considérable joué dans lacheminement des informations. Certains bulletins sont plutôt des circulaires dune ou deux pages qui ne traitent que de ladministration du mouvement : convocations aux réunions, programmes des manifestations, directives de travail. Cest le cas des publications de lUnion des Chorales paroissiales et de lUnion des Associations dEnfants, dont la parution est du reste généralement liée à un événement particulier de la vie de lorganisation 771 . Les bulletins de lUnion des Sociétés catholiques dHommes polonais, de une à quatre pages, paraissent plus régulièrement à partir de janvier 1946 : 5 en 1946 et 1947, 3 en 1948 et 1949. Ils contiennent toujours une partie réservée aux communiqués du bureau de lorganisation ils y sont parfois entièrement consacrés, et aussi, souvent, le texte dun exposé présenté à lassemblée générale du groupement ou un article sur une question de religion ou encore le compte rendu de lassemblée générale ou dune manifestation. Cest justement lanalyse des textes et articles contenus dans ces bulletins qui, dans un paragraphe précédent de ce chapitre, consacré aux organisations dadultes, nous a permis de dégager les idées fortes véhiculées au sein du groupement. Les unions K.S.M.P. diffusent également des circulaires dinformation liées à un événement particulier et, à partir de mai 1948, un bulletin de cinq à dix pages, consacré à ladministration et à laction de lorganisation, intitulé Biuletyn Centrali Zwiazkow K.S.M.P. we Francji (Bulletin de la Centrale des Unions K.S.M.P. en France). Quelques bulletins paraissent en 1948 et 1949 772 avec, en première page, lindication de lannée de publication, du numéro et de la date de parution. Le tirage de toutes ces circulaires et bulletins publiés par les différents groupements est inconnu mais, compte tenu du nombre de destinataires potentiels sections locales et districts du mouvement, bureaux et directeurs des autres unions et de la fédération catholique, rectorat de la Mission catholique, parfois tout le clergé polonais en poste en France , on peut lestimer entre 100 et 150 exemplaires par numéro 773 .
--------------------------------------------------------------------------------
LENSEIGNEMENT
--------------------------------------------------------------------------------
Lengagement des associations catholiques dans lenseignement élémentaire du polonais
Pendant la guerre, le maintien et lorganisation de lenseignement du polonais, en zone libre principalement, avaient reposé sur lUnion des Polonais transférée à Lyon. Même après loccupation de cette zone par les Allemands en 1942, lenseignement du polonais fut poursuivi alors quofficiellement les activités en faveur de la culture polonaise étaient suspendues. Au cours de la seconde moitié de 1944, les cours reprennent un peu partout au fur et à mesure de la libération du territoire français. Dans le même temps, lexistence de relations diplomatiques entre le gouvernement polonais en exil à Londres et le gouvernement provisoire de la République française permet de rétablir les postes consulaires polonais en France 774 . Aussitôt, lUnion des Polonais adresse un courrier aux instituteurs, en date du 13 septembre 1944 775 , les informant quà compter du 1-er octobre ils cessent dêtre subordonnés à lUnion et dépendent à nouveau des services consulaires compétents. Un inspecteur général de lenseignement auprès de lAmbassade à Paris est également nommé en la personne dAntoni Dragowski. Lélan est considérable, les sentiments patriotiques sont exaltés : en janvier 1945, il y a déjà 287 moniteurs en fonction 776 ; au cours de lannée scolaire 1944 1945, 350 personnes enseignent à 32 000 enfants polonais 777 . La reconnaissance de facto par la France du Gouvernement provisoire installé en Pologne par le Comité polonais de Libération nationale (P.K.W.N.), en janvier 1945, ne change rien à la situation administrative de lenseignement polonais en France. Nous lavons déjà souligné précédemment, au cours de la première moitié de 1945, la position de la France est ambiguë : tout en reconnaissant le Gouvernement provisoire de Varsovie, elle na pas rompu les relations avec le gouvernement polonais en exil à Londres. Aussi, pendant lannée scolaire 1944 1945, tout lenseignement du polonais en France est effectivement organisé et dirigé par les instances dépendantes de Londres.
Deux événements en 1945 vont totalement bouleverser cette belle impulsion donnée à lenseignement du polonais en France : la reconnaissance par la France, en juin 1945, du Gouvernement provisoire dUnion nationale appelé à diriger la Pologne, et lapplication pour les écoles, en novembre 1945, de lordonnance du 13 novembre 1944 sur la nationalisation des compagnies minières du Nord de la France.
La reconnaissance par la France, dès le 29 juin 1945, du Gouvernement provisoire dUnion nationale créé en fait à Moscou le 28 juin, entraîne la démission de tous les inspecteurs scolaires auprès des consulats et de linspecteur général auprès de lAmbassade, encore aux ordres du gouvernement polonais en exil à Londres, ainsi que le retrait de laccréditation à ce gouvernement. Rapidement tous les postes diplomatiques polonais en France vont être occupés par des représentants de Varsovie. Au cours dune ultime conférence à lAmbassade, les inspecteurs scolaires décident de remettre lorganisation de lenseignement du polonais entre les mains des diplomates désignés par Varsovie ; et au cours dune dernière réunion avec les instituteurs de leurs secteurs respectifs, ils leur recommandent de poursuivre leur tâche, convaincus que, sils ne le font pas, lenseignement sera entièrement aux mains des communistes 778 :
« A ce moment-là [il sagit de la reconnaissance par la France du Gouvernement provisoire dUnion nationale], tous les Inspecteurs auprès des consulats ainsi que lInspecteur général auprès de lambassade ont donné leur démission, décidant au cours dune conférence des inspecteurs, de transmettre tout lappareil de lenseignement de la langue polonaise au Gouvernement de la Pologne populaire. On recommanda aux instituteurs de poursuivre leur travail. Les consuls du Gouvernement de Varsovie trouvèrent, dans les bureaux des inspecteurs scolaires, les listes nominatives des instituteurs, leurs adresses, et des indications sur les derniers salaires qui leur ont été versés. ( )
Avant de partir définitivement, les Inspecteurs ont réuni les instituteurs et leur ont exposé la situation clairement : compte tenu de limpossibilité dune embauche par le Gouvernement de Londres, compte tenu de limpossibilité pour lémigration de rassembler des fonds suffisants pour les payer, ils devraient sadresser au Gouvernement de Varsovie pour obtenir un nouvel emploi. »
De nombreux moniteurs davant guerre sont effectivement réengagés dans cet enseignement dit consulaire ; mais viennent aussi sadjoindre des personnes sans grande qualification pédagogique, dont le seul mérite est de proclamer leur adhésion aux changements politiques opérés en Pologne. Quant à lUnion des Instituteurs polonais, elle est contrainte, à lAssemblée générale du 2 novembre 1946 à Lille, dadhérer au Conseil national des Polonais en France, « pour des raisons matérielles et pour éviter que la profession ne soit envahie par des éléments absolument incompétents. » 779 .
Avant la Seconde Guerre mondiale, lenseignement du polonais dans les écoles primaires publiques ou privées était régi par les circulaires du Ministère de lInstruction publique des 30 juin 1924, 21 décembre 1925, 13 décembre 1927 et 28 mars 1929. Cette trop grande dispersion des dispositions réglementaires provoquant beaucoup dinconvénients, un dernier texte du Ministère de lEducation nationale aux inspecteurs dacadémies 780 , du 12 juillet 1939, précisait les conditions douverture et de fonctionnement des cours de langues étrangères dans les établissements en question : dans les écoles primaires publiques, cet enseignement serait donné dans les locaux scolaires en dehors des heures de classe, et ne pourrait porter que sur la grammaire, lhistoire et la géographie du pays dorigine ; dans les écoles primaires privées, par exemple celles entretenues par les compagnies minières de la région du Nord, un enseignement en langue étrangère pourrait être donné dans le cadre de lemploi du temps normal des classes, sans toutefois dépasser la moitié de celui-ci. Cest sur la base de ces dispositions que les cours de polonais ont prospéré au cours de lannée 1944 1945.
Mais, conséquence de lordonnance du 13 novembre 1944 qui substitue les Houillères nationales aux compagnies minières du Nord et du Pas-de-Calais, lordonnance du 2 novembre 1945 du Gouvernement provisoire de la République française intègre dans lenseignement public les écoles primaires privées des anciennes compagnies minières ainsi que les maîtres de ces écoles 781 . Lannée scolaire 1945 1946 se passe en mesures transitoires. A la rentrée scolaire de 1946, résultat logique de la conjonction des textes du 2 novembre 1945 et du 12 juillet 1939, lenseignement du polonais disparaît définitivement des classes élémentaires des écoles anciennement privées : il ne peut avoir lieu désormais, certes toujours dans les locaux de létablissement scolaire, quavant 8 h. 30 le matin, au cours des heures de repos de la mi-journée, le soir après les cours, ou le jeudi jour de liberté pour les écoliers français. Les conséquences sont funestes pour lenseignement du polonais : il y a moins dheures encadrées par élève, et elles constituent une fatigue supplémentaire pour les enfants déjà accaparés par huit heures de présence sur les bancs de lécole ; cela se répercute inévitablement sur la fréquentation des cours.
Et bien sûr, ce sont les autorités polonaises reconnues par la France, les seules habilitées à négocier avec les autorités scolaires françaises louverture de ces cours officiels de langue polonaise. Une convention culturelle, signée le 19 février 1947 entre la France et la Pologne, et ratifiée en juillet 1947, assigne à une commission mixte la tâche dorganiser lenseignement du polonais en France. Cet enseignement consulaire officiel couvre bientôt presque tout le territoire français, pour atteindre au cours de lannée scolaire 1947 1948 les chiffres suivants 782 :
16 classes maternelles fréquentées par 533 élèves,
471 écoles fréquentées par 18 126 élèves,
34 cours du jeudi fréquentés par 513 élèves,
147 cours pour adultes fréquentés par 2 487 élèves,
assurés par 18 instituteurs de classes maternelles et 288 instituteurs décoles primaires.
Une telle mainmise des consulats polonais sur lenseignement ne peut évidemment contenter les responsables de lUnion des Associations catholiques polonaises ni ceux de lUnion centrale des Polonais, dautant plus que les programmes des cours officiels recommandent de traiter certains thèmes à forte coloration politique marxiste 783 , et que lUnion des Instituteurs a été contrainte, bon gré mal gré, dadhérer au Conseil national des Polonais adversaire idéologique déclaré.
Chacune des deux centrales hostiles au mouvement communiste entreprend donc de développer son propre réseau de cours de polonais. Dès 1946, le P.Z.K. met sur pied sa Commission de lInstruction (Komisja Oswiatowa) dirigée par Jozef Kudlikowski, qui organise un réseau de garderies et de cours le plus souvent dans des locaux de fortune arrière-salles de cafés ou destaminets, ou même salles de patronage mises à disposition sous le couvert des aumôniers mais peu adaptées à lenseignement. Ces cours, supervisés par les responsables dassociations catholiques ou les prêtres eux-mêmes, sont assurés presque bénévolement par des personnes recrutées parmi les militants catholiques les plus avancés dans la connaissance de la langue polonaise. Les conditions matérielles difficiles conjuguées à un financement aléatoire entravent notablement le développement des cours gérés par la fédération catholique, et les résultats de son action dans le domaine scolaire restent assez modestes :
année scolaire 1946 1947 784 : 15 classes maternelles avec 658 élèves
10 cours du jeudi avec 425 élèves
19 cours du soir féminins avec 589 auditeurs
11 cours du soir masculins avec 341 auditeurs
soit 55 postes et 2 013 élèves au total ;
année scolaire 1947 1948 785 : 7 classes maternelles, 10 cours du jeudi, et 18 cours pour adultes,
soit 35 postes au total ;
année scolaire 1948 1949 786 : 7 classes maternelles, 11 cours du jeudi, et 15 cours pour adultes,
soit 33 postes au total.
En 1949, après la fondation du Congrès des Polonais en France, le P.Z.K. dissout sa Commission de lInstruction, et transmet à lorganisation nouvellement créée le délicat dossier de lenseignement du polonais dont il sétait chargé.
Soutenue financièrement, au moins au cours des premières années de laprès guerre, par le gouvernement polonais de Londres, lUnion centrale des Polonais mène sa propre action scolaire avec des résultats plus flatteurs que le P.Z.K. Pendant lannée scolaire 1945 1946, le C.Z.P. gère 17 classes maternelles, 9 cours donnés dans les locaux décoles françaises, et 70 cours du jeudi, au total 96 points denseignement fréquentés par 3 478 enfants 787 . Ces cours sont assurés par 68 personnes dont 12 instituteurs de métier, modestement rétribués. Mais la situation se détériore rapidement avec la baisse globale du budget de fonctionnement du C.Z.P. LUnion centrale na plus en charge que 12 classes maternelles et 43 cours du jeudi en octobre 1947, 29 centres denseignement au total à la rentrée de 1948, et seulement 15 centres au total à la rentrée de 1949 788 .
Curieuse situation donc que celle de lenseignement du polonais en France entre 1946 et 1949 où, à côté dun enseignement officiellement reconnu par la France et réglé par une convention bipartite entre la France et la Pologne, subsiste un enseignement semi-clandestin, sur lequel les autorités scolaires françaises nont aucun pouvoir, nexistant que par la volonté des deux fédérations hostiles au mouvement communiste de ne pas céder la place au Conseil national des Polonais. Pour être compétitive, laction scolaire, tant de lUnion des Associations catholiques que de lUnion centrale, aurait nécessité des budgets colossaux pour équiper des salles de cours adéquates, fournir du matériel pédagogique adapté, recruter et rétribuer des enseignants qualifiés. Faute de ressources convenables, malgré laide temporaire apportée par les cercles politiques polonais de Londres, les deux fédérations ne peuvent que manifester, aux yeux de limmigration polonaise en France, leur volonté dêtre également présentes dans ce domaine de la vie sociale. Cependant, même de dimensions modestes, cette action scolaire nécessite un minimum de moyens financiers. Et les deux groupements en appellent à la générosité des Polonais, en lançant chaque année des quêtes publiques (zbiorki na oswiate) pour rassembler les fonds indispensables.
Dès la fin de lannée 1945, lUnion centrale décide de proclamer le mois doctobre mois de la collecte pour le fonds scolaire du C.Z.P., renouant ainsi avec la tradition des années davant guerre. La décision est portée à la connaissance du recteur Cegielka, avec une demande de soutien de la collecte 789 . Le Recteur fait savoir, par écrit et par oral au cours dune visite de Wawrzyniec Baran président du C.Z.P., quun tel soutien , compte tenu du fait que lUnion des Associations catholiques na pas adhéré à lUnion centrale en mai 1945, est conditionné par létablissement dun accord préalable entre les deux fédérations quant aux modalités de la collecte et à la destination des sommes recueillies. La parution dans le journal Sztandar Polski (LEtendard polonais) numéro 41 du 7 octobre 1945, dun article du C.Z.P. lançant la campagne de collecte et affirmant quelle se réalise avec la participation de la Mission catholique, alors quaucun accord nest encore intervenu, envenime la question. Les courriers se succèdent, chaque partie acceptant tour à tour quelques exigences de la fédération concurrente mais en détournant dautres ou posant de nouvelles conditions. Tout ceci prouve à quel point, à ce moment-là, les deux groupements sont éloignés lun de lautre et incapables darriver à un compromis. Finalement, le C.Z.P. sengage à soutenir financièrement et techniquement les cours de polonais mis en place par le clergé, les religieuses ou les militants des associations catholiques. De son côté, cet engagement du C.Z.P. lui assurant un financement indispensable à son action scolaire, et probablement aussi pour ne pas divulguer sur la place publique les querelles et les rivalités qui lopposent au C.Z.P., lunion catholique sabstient alors de faire savoir que son soutien à la collecte a été annoncé sans son accord.
Mais dès lannée suivante, le P.Z.K. se lance dans lorganisation de sa propre collecte. Il désigne la période de fin avril début mai pour procéder à celle-ci, et annonce la campagne par de vibrants appels publiés dans la presse, les bulletins et les circulaires internes adressés aux sections locales et aux aumôniers 790 . La collecte se fait dans les localités, à lissue dun office religieux il est recommandé évidemment de choisir un dimanche, la fête de Pâques ou la commémoration du 3 Mai, où les fidèles sont les plus nombreux ; chaque donateur reçoit alors un timbre spécial portant linscription Dar na oswiate polska we Francji ( Don pour linstruction polonaise en France). Elle se fait encore à laide de listes numérotées authentifiées par les sceaux des organisations : les militants des sections vont de maison en maison avec ces listes et les donateurs les émargent en inscrivant le montant de leur don.
Le montant des sommes ainsi recueillies par lUnion des Associations catholiques en 1946 sélève à 200 000 F. 791 ; celui de 1947 nest pas connu. A titre indicatif, lUnion centrale recueille 626 467 F. en 1945, 615 311 F. en 1946, et 219 478 F. en 1947 792 . La forte diminution du produit de la quête du C.Z.P. en 1947, sans doute identique pour le P.Z.K., incite les deux fédérations à unir leurs efforts en 1948 sous le patronage du recteur Kwasny. Certes, le bloc catholique espère ainsi redresser un budget scolaire aux ressources probablement en forte baisse mais aussi, en marge des tentatives pour renouer les fils dun dialogue très difficile entre les deux parties question qui sera présentée dans la suite du chapitre, désire prouver sa volonté de collaboration et éviter de provoquer des désaccords avec les anciennes organisations de limmigration 793 . Lengagement des associations catholiques est donc total. Malgré cela, le résultat de la collecte natteint pas les montants enregistrés par le C.Z.P. en 1945 et 1946 : la somme recueillie sélève à 330 768 F. à partager par moitié pour chaque fédération 794 ; mais elle devrait permettre au P.Z.K. déquilibrer ses comptes 795 . En 1949, chaque groupement entreprend à nouveau sa propre collecte ; le P.Z.K. récolte pour sa part une somme denviron 300 000 F. 796 .
Une autre source de financement pour les activités scolaires, tant du P.Z.K. que du C.Z.P., est fournie par la Commission scolaire (Komisja Szkolna) siégeant à Paris. Il sagit dun organisme créé au lendemain de la guerre sous les auspices de lUnion mondiale des Polonais à lEtranger basée à Londres, et du Comité central des Etudes dépendant du gouvernement polonais de Londres, pour soutenir les actions en faveur de lenseignement du polonais en France, et donc reconnu par les deux fédérations qui y sont représentées 797 . Les subventions obtenues de Londres par la Commission scolaire sont réparties entre les différents groupements non communistes impliqués dans lenseignement du polonais en France. Le groupe catholique en bénéficie donc également ; le montant de cette aide nest pas connu avec précision, mais il ne fait pas de doute quelle apporte un complément apprécié au budget scolaire du P.Z.K.
--------------------------------------------------------------------------------
Les écoles des congrégations religieuses
Les congrégations religieuses, tant masculines que féminines, ont souvent vocation à veiller à léducation de la jeunesse, et les congrégations polonaises les plus solidement implantées en France après la Seconde Guerre mondiale ne dérogent pas à la règle. Certes, en ouvrant des établissements denseignement secondaire avec internats, elles espèrent susciter chez les jeunes des vocations sacerdotales qui viendraient grossir leurs propres rangs ; mais laspect purement formateur dune classe instruite denfants issus de limmigration et susceptibles donc den prendre la direction, est aussi lun de leurs objectifs majeurs. Pendant la période de laprès guerre, il sagit dabord de mettre en place les supports de cette action déducation, den définir les buts et les programmes, dobtenir les agréments des autorités scolaires françaises, et aussi den assurer lassise matérielle et financière. Soulignons aussitôt que les congrégations doivent acquérir de leurs propres deniers les locaux indispensables, et acheter les équipements nécessaires. Bien entendu, une fois les internats ouverts, les parents des enfants scolarisés contribuent au financement par le paiement dune pension. Les administrations générales et les maisons mères ou les maisons provinciales des congrégations apportent également leurs contributions. Mais ces écoles restent en dehors de laction scolaire de lUnion des Associations catholiques : elles ne sont soumises à aucun contrôle de la Commission de lInstruction du P.Z.K. et ne peuvent prétendre à aucun subside provenant de la collecte pour le fonds scolaire organisée par le P.Z.K. 798 .
La première à luvre dans le domaine de lenseignement est la congrégation des Pallottins. Après leur échec à Amiens en 1939 du fait des événements de guerre, louverture à Chevilly dans le Loiret, pour lannée scolaire 1943 1944, du collège Notre Dame des Apôtres est un succès. La guerre terminée, le collège poursuit ses activités selon le programme officiel des écoles secondaires françaises ; les élèves de dernière année passent les épreuves du baccalauréat français, ce qui leur permet de poursuivre ensuite des études supérieures en France. Le polonais est utilisé pour les cours dhistoire et de géographie de la Pologne, les cours de langue polonaise et de religion. De 1945 à 1949, le collège de Chevilly a accueilli 120 élèves pour lannée scolaire 1945 1946, 130 élèves pour 1946 1947, 158 élèves pour 1947 1948, 122 élèves pour 1948 1949 ; à la rentrée de 1949, 95 élèves seulement se sont inscrits 799 . Dirigé dabord par labbé Bronislaw Wiater, le collège Notre Dame des Apôtres passe, probablement au début de 1947, sous la direction de labbé Piotr Oramowski ; il est alors assisté des abbés Stefan Dudzikowski, Jozef Liszewski, Alojzy Misiak, Stanislaw Suwala et Stefan Treuchel 800 .
Les Oblats de Marie Immaculée emboîtent le pas aux Pallottins, et acquièrent une grande demeure, place de la République à Béthune. Les pères Edward Olejnik et Antoni Murawski y organisent un internat 801 sous la dénomination de Saint Casimir où, à la rentrée de 1947, sont inscrits 30 élèves, provenant en majorité des cités minières et industrielles du Nord et du Pas-de-Calais. Les élèves suivent les cours au collège Saint Vaast situé à proximité, et reçoivent à linternat des cours complémentaires dhistoire, de géographie et de langue polonaise, ainsi que de religion, et bientôt de musique avec larrivée du père Boleslaw Krachulec qui dirigeait une chorale renommée au collège polonais de Londres. Le succès est grand, et linternat accueille dès la rentrée de 1949 une soixantaine de candidats. Les locaux savèrent donc exigus, et la congrégation va désormais semployer à trouver un lieu plus adapté : ce sera le parc de Vaudricourt à quelques kilomètres de Béthune.
Si lengagement des congrégations religieuses dans lenseignement secondaire est conséquent, et va même se renforcer encore par la suite, il est totalement inexistant dans lenseignement primaire. Louverture décoles privées avec internats pour des enfants en âge dêtre scolarisés dans le primaire, doit peut-être savérer plus délicate, en ces temps où les conditions matérielles laissent quand même beaucoup à désirer. Quant à soccuper de cours non officiels, les difficultés rencontrées par lUnion des Associations catholiques et lUnion centrale des Polonais dans la gestion de leurs réseaux doivent probablement être suffisamment dissuasives.
Seuls les orphelinats tenus à Paris par la congrégation des Surs de la Charité et à Osny, en Seine-et-Oise, par les pères Pallottins possèdent des classes primaires ou maternelles 802 . La guerre a laissé de nombreux orphelins polonais sur le territoire français ; des enfants libérés des camps dAllemagne sont aussi dirigés vers la France. Les filles sont accueillies par les Surs de la Charité à lhistorique Institution Saint Casimir de Paris ; en plus des soins et de léducation dans une atmosphère polonaise, elles y reçoivent une instruction primaire selon les programmes français avec des compléments de matières polonaises. Par contre, aucune structure nest prévue pour recevoir les garçons. Labbé Wedzioch se met en quête dun endroit pour y établir un orphelinat, et trouve à Osny, près de Pontoise, le château de Buzagny à louer. Les travaux sont menés avec diligence et, le 30 septembre 1945, se déroule la cérémonie de bénédiction de linstitution 803 , conjointement avec le premier rassemblement catholique organisé en ce lieu par les Pallottins. Des classes maternelles sont ouvertes pour les petits enfants ; un enseignement élémentaire selon les programmes français et polonais, reconnu par les autorités scolaires françaises, est donné aux plus grands. Après lécole élémentaire, les garçons qui ne sont pas rapatriés en Pologne, peuvent poursuivre des études techniques à Pontoise, ou sont orientés vers le collège de Chevilly 804 . Lorphelinat est fermé en 1949 ; lécole qui y était attachée, a donc connu une brève existence mais, tout comme linstitution elle-même, elle a constitué une réponse au problème urgent et épineux de la protection à apporter aux enfants marqués par la guerre.
Un autre établissement denseignement existe jusquen 1949 : lécole ménagère de Saint-Ludan en Alsace, ouverte en 1924 par la congrégation des Surs du Sacré Cur de Jésus. Après la guerre, lécole accueille chaque année entre 25 et 30 élèves. Au moment de sa fermeture en 1949, plus de 500 jeunes filles étaient passées par létablissement 805 . La même année, la même congrégation ouvre une école semblable à Fouquières-les-Béthune, plus près des sites miniers du Pas-de-Calais, ce qui doit lui assurer une plus large base de recrutement. A la rentrée de 1949, 25 jeunes Polonaises sont inscrites mais, dès lannée suivante, le nombre de demandes dépasse la capacité daccueil de linstitution 806 . Le programme est prévu sur un an et comprend des cours théoriques langue polonaise, histoire, géographie, sciences naturelles, calcul et des cours pratiques cuisine, couture, broderie, puériculture. Des leçons de religion et de chant viennent compléter la formation des jeunes filles.
--------------------------------------------------------------------------------
Le séminaire polonais de Paris
Dans la question de lenseignement, compte tenu de sa spécificité, une place à part doit être réservée au séminaire polonais de Paris. La libération des camps de concentration en Allemagne a amené, en plus des prêtres qui sont venus grossir les rangs de la Mission catholique, environ 20 séminaristes dont les études ne sont pas achevées. Ceux-ci sont dabord accueillis au séminaire Saint Sulpice. Puis, conformément au souhait du primat Hlond, la P.M.K. ouvre à leur intention, au début de lannée universitaire 1945, son propre séminaire (Polskie Seminarium Duchowne) 807 .
Deux facteurs ont permis la réalisation du projet 808 . Dune part, la possibilité offerte à la Mission catholique polonaise de louer les bâtiments du séminaire irlandais, situé au numéro 5 de la rue des Irlandais ; le contrat de bail est signé le 1-er décembre 1945 entre le recteur Cegielka et un représentant de lépiscopat irlandais. Dautre part, le primat Hlond autorise le versement de 5 millions de francs, en faveur du séminaire, sur la somme collectée en 1945 dans les églises de France et destinée, par lintermédiaire des uvres dOrient, à secourir lEglise de Pologne 809 . Lassise matérielle du séminaire étant solidement établie, après avoir rempli son premier objectif assurer la poursuite des études aux séminaristes rescapés des camps, son but devient plus ambitieux : il sagit maintenant daccueillir les candidats à la prêtrise issus des milieux polonais émigrés en Europe de lOuest, principalement en France et en Angleterre.
Lorganisation du séminaire est confiée à labbé Antoni Banaszak, ancien recteur du séminaire de larchevêché de Gniezno, en tant que directeur, et à labbé Aleksy Wietrzykowski en tant que père spirituel des séminaristes. Au retour en Pologne de ce dernier, sa fonction est assumée par labbé Boleslaw Burian, auquel succède labbé Jozef Grzelczak de la Société du Christ. Celui-ci est arrivé à Paris en février 1947 après des études à Rome, pour entreprendre un doctorat en théologie, et loge au séminaire polonais. Labbé Banaszak le charge alors de la direction spirituelle des séminaristes et des cours dhomilétique. Labbé Grzelczak remplit ces tâches jusquen mars 1949 où, après avoir soutenu sa thèse, il part dans le Pas-de-Calais, à Bruay-en-Artois, pour se consacrer à des missions populaires dans les centres pastoraux polonais de la région du Nord 810 . Les séminaristes suivent les cours à lInstitut catholique de Paris ; seuls quelques cours non dispensés à lInstitut catholique, comme lhomilétique, sont donnés au séminaire. En 1947, les abbés Jozef Luczak et Ignacy Walczewski y enseignent.
Notons aussi que, tout au long de cette période daprès guerre, un certain nombre de prêtres entre 5 et 10 chaque année, désireux de poursuivre leurs études à Paris, à lInstitut catholique en particulier, trouvent au séminaire de la rue des Irlandais un domicile accueillant qui les met à labri des conditions de logement en général assez difficiles à cette époque.
--------------------------------------------------------------------------------
LENGAGEMENT SYNDICAL
Nous avons vu que, pendant la période de lentre-deux-guerres, la question de lengagement syndical des immigrés polonais en France avait été finalement laissée de côté par la Mission catholique et la fédération des associations catholiques. Ladhésion des ouvriers polonais à la C.G.T. ne faisait guère plaisir aux dirigeants catholiques mais, après une courte période, entre 1927 et 1933, où ils haussèrent le ton contre la participation de militants catholiques aux sections polonaises de la C.G.T. et contre les attaques envers lEglise lancées par le journal Prawo Ludu, privés de solution de rechange et accaparés par dautres problèmes, ceux-ci sont restés silencieux sur la question. Du reste, ils navaient certainement pas les moyens de sopposer à lenthousiasme soulevé par le Front populaire et la vague de syndicalisation quil a provoquée.
Après la guerre, le syndicat C.G.T. réunifié entreprend un travail de reconstruction. La tâche est ardue ; lentente entre les anciens réformistes et les ex-unitaires, même au niveau des sections polonaises, est loin dêtre harmonieuse 811 . La tendance réformiste obtient la majorité au congrès des sections polonaises du Bassin minier du Pas-de-Calais le 17 février 1945, ce qui permet lélection de Jan Ostrowski au poste de secrétaire permanent du Bureau polonais du Syndicat des Mineurs C.G.T. du Pas-de-Calais. Sous sa direction commence la réorganisation des sections locales. Dans le seul département du Pas-de-Calais, 52 sections polonaises comptant 18 620 adhérents sont actives à la fin de 1946.
Mais le syndicat chrétien C.F.T.C. qui, pendant lentre-deux-guerres, avait négligé de mener en direction des immigrés polonais une action de recrutement vraiment efficace, entend maintenant ne pas se laisser distancer par la centrale cégétiste. Dès la fin de 1945, et tout au long de lannée 1946, la propagande en faveur de la création de sous-sections syndicales polonaises de la C.F.T.C. sintensifie dans les zones minières du Nord Pas-de-Calais, notamment celle de Lens 812 . Au troisième trimestre de 1946, des sections polonaises existent au moins à : Bruay-en-Artois, Harnes, Houdain, Lens fosse 4, Lens fosse 12, Libercourt, Liévin 3, Marles-les-Mines, Montigny-en-Gohelle, Nux-les-Mines, Sallaumines, Wingles. Leur progression dans la région du Nord est constante : 23 sections et 3 000 adhérents en 1947, plus de 30 sections et 6 500 adhérents en 1948, 37 sections et sans doute autant dadhérents en 1949 813 . Les sections polonaises sont même regroupées au sein dun groupement propre la Fédération des Sections de Mineurs polonais (Federacja Polskich Sekcji Gorniczych), qui englobe le département du Pas-de-Calais et une partie de celui du Nord, à la tête duquel se trouvent : Franciszek Szczepaniak père (Lens), Franciszek Szczepaniak fils (Avion), Franciszek Hoffmann (Calonne-Ricouart), Edmund Szelag (Harnes). Un secrétariat permanent est ouvert, dirigé par F. Szczepaniak fils ; cest à son action énergique quest dû lessor de la C.F.T.C. dans la région du Nord.
Deux circonstances favorables ont également facilité limplantation du syndicat chrétien dans le bassin minier du Nord Pas-de-Calais. Dabord, les tensions qui existent au sein des sections polonaises de la C.G.T. entre les tendances réformiste et unitaire, nincitent pas les mineurs polonais à adhérer à ce syndicat. Et le mécontentement qui mine la C.G.T. est habilement exploité par la centrale syndicale chrétienne : au cours du premier trimestre de 1947, 700 à 800 Polonais cégétistes de la région de Lens seraient passés dans les rangs de la fédération polonaise C.F.T.C. 814 . Le départ de beaucoup dadhérents non communistes, et parmi eux de nombreux Polonais, qui quittent les sections politisées de la C.G.T pour rester non syndiqués ou adhérer à la C.F.T.C., serait aussi lune des raisons de la scission opérée en décembre 1947 au sein de la C.G.T., avec la fondation de la nouvelle centrale syndicale Confédération Générale du Travail Force Ouvrière (C.G.T. F.O.)1 815 22. Le ralliement de la plupart des sections polonaises du bassin minier au nouveau syndicat F.O. ou la création de sections propres F.O. compte déjà 30 sections polonaises dans le Pas-de-Calais en 1948 , permettent de mettre un terme aux luttes dinfluence qui menaçaient de détruire la présence du syndicat parmi les mineurs polonais.
Lautre circonstance favorable est lappui accordé par le groupe catholique polonais au syndicat chrétien. Au cours de la réunion du Conseil de la Mission catholique polonaise , le 7 novembre 1946 à Clamart 816 , tous les participants tombent daccord pour appuyer laction des syndicats libres à condition que les Polonais puissent se réunir dans leurs propres sections ; il est recommandé de ne pas utiliser la chaire pour mener cette action de propagande, mais de la distiller au cours des réunions des associations catholiques locales. Ce point de vue est présenté le lendemain à lassemblée annuelle des prêtres polonais. Dès lors, les réunions organisées par les sociétés catholiques, surtout celles sadressant aux sociétés masculines et à la jeunesse masculine du K.S.M.P. dont beaucoup de membres exercent la profession de mineur, comportent souvent des séquences faisant léloge de la C.F.T.C. Et les dirigeants syndicalistes polonais participent volontiers à ces réunions, où ils prennent la parole pour encourager les militants catholiques à adhérer au syndicat. Ainsi par exemple, un représentant des sections polonaises de la C.F.T.C., Piechocki, fait un exposé, au cours de lassemblée générale de lUnion des Sociétés catholiques dHommes polonais du 29 juin 1947 à Lens, sur les buts du syndicalisme chrétien 817 . Au cours de la discussion qui suit, sont prises les décisions de collaborer le plus étroitement possible avec la C.F.T.C. et dencourager les membres de lUnion à sy inscrire. Des articles de Franciszek Szcepaniak sans doute le fils, dans le supplément Nasz Front du journal Polska Wierna, complètent aussi, à partir de 1947, leffort de propagande de la C.F.T.C. : LEglise et le syndicalisme (Kosciol a syndykalizm) (supplément n° III 3 dans le journal n° 11 du 16 mars 1947), Lunité syndicale (Jednosc syndykalna) (n° III 9 dans le journal n° 35 du 21 septembre 1947), Ne cédons pas à la simplicité (Nie ulegajmy prostocie) (n° IV 8 dans le journal n° 32 du 22 août 1948), La seule voie (Jedyna droga) (n° V 6 dans le journal n° 26 du 3 juillet 1949) par exemple. Aucun renseignement sur le développement des sections polonaises de la C.F.T.C. ne sy trouve ; il sagit en fait darticles généraux traitant du soutien apporté par lEglise à la formation de syndicats chrétiens, de la nécessité de lexistence de la C.F.T.C. à côté des autres centrales syndicales, dincitations à ladresse des ouvriers mineurs polonais pour adhérer au syndicat chrétien, le seul capable de défendre leurs intérêts professionnels en préservant leur éthique :
« Les Polonais font preuve dune grande division, et pourtant il ne fut jamais autant question dunité quà lheure actuelle. ( )
Lunité apparaît aux uns et aux autres comme le meilleur instrument de lutte. ( )
Il faut instruire les différents groupes et les inciter à collaborer pacifiquement, à rechercher entre eux un point de convergence, à agir ensemble pour le bien de tous. Cest justement ce programme que désire réaliser sur le plan professionnel la confédération des travailleurs chrétiens (C.F.T.C.). ( )
Les catholiques ne peuvent se permettre dêtre divisés, ne peuvent adopter des tactiques opposées. Ils doivent donner leur nom et leur attachement à une organisation chrétienne, et donc à la C.F.T.C. »
(article Ne cédons pas à la simplicité) ;
« Au milieu des rudes épreuves du temps présent, nous navons pas dautre voie que celle qui est idéologiquement fondée sur la doctrine chrétienne catholique. Aujourdhui justement le Polonais Catholique a toute liberté dadhérer aux associations catholiques et aux organisations professionnelles chrétiennes ; sur la base de celles-ci devraient se tisser les liens dune famille chrétienne forte et indissoluble qui ne permettra pas de laisser empoisonner notre esprit. »
(article La seule voie).
La participation de représentants de lun des mouvements, fédération catholique ou fédération des sections polonaises de la C.F.T.C., aux manifestations organisées par lautre, constitue un autre signe marquant les tentatives de rapprochement entre les deux instances. Les responsables polonais de la C.F.T.C. sont présents aux assemblées générales de lUnion des sociétés masculines ou de la fédération catholique ; ils participent également aux commémorations du 3 Mai à Lille. Au rassemblement de Bruay-en-Artois, en août 1949 à loccasion du 25-ème anniversaire du P.Z.K., la C.F.T.C. délègue même une figure éminente du syndicalisme chrétien, Félix Pierrain, secrétaire délégué de la Fédération nationale des mineurs. De leur côté aussi, les responsables catholiques acceptent volontiers de participer aux manifestations des sections polonaises du syndicat 818 . Si, le 1-er mai 1947 à Noyelles-sous-Lens, seul laumônier polonais local, labbé Majchrzak, est présent à une imposante manifestation franco-polonaise du syndicat chrétien et concélèbre la messe avec Mgr Perrin, évêque dArras, le recteur Cegielka en personne, accompagné du secrétaire administratif du P.Z.K., Leonard Rudowski, participe le 7 septembre 1947 à la fête anniversaire de la section syndicale C.F.T.C. polonaise de Lens fosse 4. A cette occasion, le Recteur bénit la première bannière dune section polonaise du syndicat chrétien 819 . A lassemblée générale de la fédération départementale polonaise de la C.F.T.C., le 20 juin 1948, le groupement catholique est représenté par le recteur Kwasny, ainsi que par J. Szambelanczyk, L. Rudowski et J. Kudlikowski. Nul doute que toutes ces marques dattention de part et dautre, les discours et les allocutions prononcés par les uns et les autres au cours des rassemblements, aient contribué à la propagande de la C.F.T.C. parmi les ouvriers mineurs polonais de la région Nord Pas-de-Calais.
La collaboration entre le bloc catholique et la fédération polonaise de la C.F.T.C. paraît même tellement avancée quémerge lidée de la concrétiser par une adhésion des sections polonaises du syndicat au P.Z.K. Le Conseil supérieur de la fédération catholique, réuni à Lens le 28 décembre 1947, autorise en effet le Bureau à entreprendre toutes les démarches nécessaires en vue de lier les sections syndicales au P.Z.K. Il peut sembler curieux quune adhésion de sections, appartenant tout de même à une centrale syndicale française, à un groupement que ses statuts et son fonctionnement placent, aux termes de la loi de 1901 complétée par le décret-loi davril 1939, dans la catégorie des associations étrangères, ait été envisagée. Mais, peut-être que le fait que ces sections soient elles-mêmes des cas particuliers par rapport à la loi il est fort probable quun nombre conséquent de leurs dirigeants soient encore de nationalité polonaise, puisse faire accepter certains arrangements. Toujours est-il que Franciszek Szczepaniak père obtient laccord des autorités syndicales françaises 820 . Il est prévu de mettre sur pied une commission bipartite dans le courant du mois de mai 1948. Il semble que celle-ci nait pas vu le jour. En tout cas, résultat dun refus final du syndicat français ou des tergiversations prolongées de la part de la fédération catholique polonaise, lincorporation des sections polonaises de la C.F.T.C. au sein du P.Z.K. ne sest jamais réalisée.
--------------------------------------------------------------------------------
LATTITUDE DU BLOC CATHOLIQUE VIS-A-VIS DES AUTRES ASSOCIATIONS POLONAISES
--------------------------------------------------------------------------------
Face au Conseil national des Polonais en France
Le mouvement communiste parmi les Polonais en France est sorti de la guerre, comme nous lavons vu dans la deuxième partie, grandi et fortifié. Sa première assemblée générale des 17 et 18 décembre 1944 à Paris proclame le Comité polonais de Libération nationale (P.K.W.N.), représentant authentique et démocratique de limmigration polonaise. La question de lunion organisationnelle et idéologique de celle-ci constitue du reste lobjet de nombreux débats. Mais, même si les dirigeants communistes de Pologne qualifient ce rassemblement de « véritable diète de lémigration », ceux de France se rendent compte que labsence de représentants influents des associations hors P.K.W.N., en particulier de celles regroupées alors dans le Comité central de Lutte (C.K.W.) ou le bloc catholique, rend illusoire son caractère unitaire 821 .
Toutefois, lidée de réaliser lunion de la majeure partie de limmigration polonaise en France, nabandonne pas le P.K.W.N. En préliminaire à sa deuxième assemblée générale de juillet 1945, dont la tenue a sans doute été accélérée par lannonce de la réunion du C.K.W. en mai 1945, le P.K.W.N. prend la décision, le 26 avril de la même année, de créer une Commission centrale dUnification (Centralna Jednosciowa Komisja) chargée de promouvoir lidée dun rassemblement de toutes les forces vives de limmigration sous son égide, respectueux cependant de lautonomie interne de chaque organisation. Cette deuxième assemblée se déroule du 28 au 30 juillet 1945 à Paris. Parmi les invités figurent des personnalités françaises comme Jacques Duclos secrétaire du P.C.F., R. Bothereau secrétaire de la C.G.T., les présidentes dhonneur du P.K.W.N. Irène Joliot-Curie et Maria Mickiewicz, des députés au K.R.N. de Pologne avec Edward Ochab du P.P.R. à leur tête. Les principaux sujets traités au cours de la réunion sont la question du retour des émigrés en Pologne et la transformation du Comité de Libération nationale en Conseil national des Polonais en France (R.N.P.F.) censé devenir le porte-parole, le représentant officiel de limmigration vis-à-vis des autorités tant polonaises que françaises.
Mais, une nouvelle fois, toute laction menée autour de cette réunion en faveur de lunification natteint pas le résultat escompté. Aucun responsable important de la tendance P.Z.K. ou C.Z.P., à lexception de Franciszek Kasprzak qui, avec son organisation lUnion des Caisses dEntraide mutuelle, rejoint alors les rangs du P.K.W.N., nadhère à la Commission dUnification et ne participe aux travaux de lassemblée générale. Les personnalités françaises présentes ne représentent que la classe politique ou les syndicats de gauche ; Georges Bidault, qui a certes accepté de patronner lassemblée générale, ne sy fait représenter que par un fonctionnaire des Affaires étrangères. Et le bureau directeur du R.N.P.F. nouvellement constitué sous la présidence de Jozef Luka, le président du P.K.W.N. Tomasz Pietka devenant le troisième président dhonneur, est largement dominé par les communistes.
Pourtant, la discrétion, le peu dagressivité manifesté par le mouvement catholique dans ses rapports avec les communistes, ont sans doute légitimement nourri chez ces derniers, au cours de lannée 1945, lespoir de voir les catholiques rejoindre les rangs du P.K.W.N. puis du R.N.P.F. Les dirigeants catholiques salignent sur le clergé ; or les directives de la hiérarchie ecclésiastique demeurent très nuancées et sont souvent marquées du sceau du secret : la situation politique est trop incertaine pendant la première moitié de 1945 pour adopter une position radicale. Cela nempêche pas de dénoncer « le danger rouge organisé dans le P.K.W.N. » 822 . A la réunion du doyenné Paris du 6 mars 1945, le recteur Wedzioch recommande une attitude de neutralité envers le nouveau gouvernement qui, selon lui, verra vraisemblablement le jour à la suite des accords de Yalta ; et le doyen Makulec préconise de ne se déclarer « ni en faveur du gouvernement de Londres ni contre les communistes ». Le recteur Cegielka, à la réunion du doyenné Paris du 24 juillet 1945, insiste encore sur le fait que le gouvernement de Varsovie est imposé et anticonstitutionnel, mais quil convient de « faire preuve de correction et de dignité dans les rapports avec les autorités officielles polonaises » ; il stipule enfin quaucun prêtre ni responsable catholique ne doit se rendre à lassemblée du P.K.W.N. Dans une circulaire strictement confidentielle du 21 juillet 1945 adressée aux prêtres polonais en France 823 , le Recteur précise la ligne de conduite à tenir, compte tenu de la situation complexe dans laquelle se trouve plongée la communauté polonaise en France.
Cinq points sont développés dans la circulaire. Le premier rappelle que tout Polonais, de quelque orientation politique quil soit, faisant appel à titre privé aux services de la religion, doit être accueilli et son désir exaucé. Le dernier recommande aux prêtres de régler le problème des documents personnels dans les consulats avec dignité, sans servilité : « il sagit dune nécessité administrative, et non de lapprobation dune politique ». Les trois autres points concernent directement lattitude envers le P.Z.K. et les autres groupements :
« 2 Caractère national de notre pastorale.
Mûs par un sentiment de responsabilité pour lesprit de notre Emigration, nous devons tout faire pour permettre à tous nos compatriotes de participer à la vie associative sociale que nous menons en dehors de léglise. Il ne sagit pas toutefois datteindre ce but par la voie de dérogations à nos principes.
Nous ne devons pas combattre les autres organisations polonaises, si elles nattaquent pas les vérités de la religion ni les principes de la morale. Nous ne devons cependant servir avec tout notre engagement que notre Union des Associations catholiques polonaises, qui nous donne la pleine garantie quant à la formation de ses membres dans un esprit religieux et national.
3 Vigilance contre linfiltration déléments étrangers et hostiles dans notre vie associative.
Les prêtres ont lobligation dêtre très vigilants surtout à lheure actuelle ; et que tous prennent garde à ce que des éléments hostiles ne viennent détruire notre vie associative de lintérieur, pénétrant chez nous sous des peaux de brebis.
4 Attitude à légard des rassemblements.
Que les prêtres, ni personnellement, ni par lintermédiaire dautrui, ninfluent sur la décision denvoyer des délégués aux réunions qui ne sont pas organisées par nous ou lUnion catholique. Il ne faut pas se bercer dillusions ni exposer des personnes au danger. »
Ainsi, les réunions des doyennés et la circulaire présentent plutôt des recommandations que des directives fermes et nettes. Tout est nuancé : il ne faut rejeter personne, au contraire accueillir le maximum de gens au sein des communautés catholiques, tout en évitant les infiltrations possibles déléments non désirés ; il faut favoriser le P.Z.K., tout en ne combattant pas, sauf nécessité, les autres organisations aussi bien du C.Z.P. que du R.N.P.F. De plus, ces textes demeurent secrets ; ils ne sont pas portés à la connaissance des immigrés, même des dirigeants des sociétés catholiques. Chacun est donc susceptible danalyser et dinterpréter à sa guise laction des prêtres polonais de sa localité ou de sa région. Un certain flou entoure lattitude officielle du clergé polonais.
Ce nest que vers la fin de 1945, après la réunion annuelle des prêtres polonais à Clamart le 9 novembre, que la position du clergé, et partant du bloc catholique tout entier, devient officielle. Cinq des huit résolutions de lassemblée sen prennent directement aux communistes, à leur action en Pologne 824 :
« Les prêtres polonais de France ( )
1 ( ) déplorent la rupture unilatérale du Concordat avec le Saint-Siège pour lequel le peuple polonais a toujours nourri et nourrira toujours des sentiments de vénération et de fidélité indestructible ;
3 Devant la vague montante de la propagande mensongère des appels subversifs et séduisants des communistes, rappellent à leurs compatriotes lencyclique de Sa Sainteté Pie XI, parue en mars 1937, dans laquelle le Père de la Chrétienté met le monde en garde contre un matérialisme athée et mensonger, portant en lui la haine de Dieu et rejetant lexistence de lâme immortelle et la vie future ;
4 Mettent en garde leurs compatriotes devant de faux mots dordre de patriotisme et dunion, qui sèment la haine et la lutte des classes ;
5 Flétrissent comme une injustice criante envers Dieu lusage abusif du culte divin pour les fins dune propagande, de par elle-même contraire à la religion ;
6 Conjurent leurs compatriotes de ne jamais accepter une école polonaise sans éducation religieuse, ni permettre de faire la classe les dimanches et les jours de fête ; »
Les motions, le compte rendu de la réunion sont diffusés dans la presse polonaise favorable aux catholiques, relayés par les prêtres au niveau des responsables des associations catholiques. Le mouvement catholique polonais en France saffirme donc, officiellement et publiquement, comme ennemi du communisme et de sa créature le R.N.P.F. Le recteur Cegielka le rappelle, en englobant dans une même réprobation les Comités dAssistance à la Croix-Rouge polonaise en France (Komitety Opiekuncze P.C.K. we Francji), dans une circulaire de décembre 1945 825 .
Curieusement, le Conseil national ne renonce pas pour autant à la recherche dune liaison, au moins dun compromis avec la fédération catholique. Cest vraiment faire preuve dobstination, surtout en tenant compte du fait que le recteur Cegielka ne cesse, tout au long de lannée 1946, daffirmer lhostilité du mouvement catholique à légard de la tendance communiste 826 . Il précise, à la réunion du doyenné Paris du 27 février 1946, que « le gouvernement administratif se trouve à Varsovie, et le gouvernement légal à Londres ». Cette prise de position fait référence à lopinion formulée en juillet 1945 au cours dune réunion du même doyenné Paris, expliquée précédemment : il ne fait aucun doute que labbé Cegielka est un partisan convaincu de la légalité du gouvernement polonais de Londres ; mais, comme la gestion du pays est dans les faits entre les mains de celui de Varsovie, cest à lui et à ses représentants en France quil faut sadresser pour toutes les formalités administratives de la vie quotidienne ; et les rapports avec eux doivent se limiter à la stricte sphère de ladministration. Le 14 mai, il envoie une lettre pleine de remontrances sévères à un abbé coupable davoir célébré une messe pour une organisation communiste. Il insiste encore à la réunion du doyenné Paris du 2 octobre : si les attaques du journal communiste Gazeta Polska (La Gazette polonaise) contre lÉglise ont diminué, cest quau cours de la dernière assemblée générale de lOrganisation dAide à la Patrie, a été prise la décision de renouer le contact avec le P.Z.K. et de sallier le plus grand nombre de catholiques ; mais le bloc catholique na aucune illusion à se faire sur les intentions réelles des communistes ; et si, pour un prêtre, accueillir une personne même membre dune association hostile est un devoir, « collaborer avec une telle organisation jamais ».
La réunion annuelle des prêtres polonais, le 8 novembre 1946 à Clamart, confirme cet état desprit. Lune des motions appelle les catholiques à sopposer à la propagation de sentiments antireligieux et du communisme parmi eux, et à ne pas adhérer aux organisations antireligieuses. Le texte des motions est encore publié dans la presse, et même lu en chaire. Cette fois, plus aucune hésitation nest permise ; les directives sont claires. Tant le P.Z.K. que le C.Z.P. se félicitent de la prise de position du clergé à Clamart : à leurs yeux, il sagit dun coup fatal aux espoirs du R.N.P.F. et des autorités polonaises de réaliser lunion de limmigration sous leur égide 827 .
Mais le R.N.P.F. semble ne pas comprendre le message adressé par le bloc catholique. En préparation à son troisième rassemblement, du 9 au 12 mai 1947 à Paris, lorganisation pro-communiste demande à ses militants de base dinsister auprès des sections du C.Z.P. et des associations catholiques, en vue damener au congrès de Paris des représentants de ces mouvements. Dans lensemble, le R.N.P.F. se heurte toutefois à un refus catégorique de la part des Polonais hostiles au gouvernement de Varsovie 828 ; en tout cas, aucune personnalité influente du P.Z.K. ou du C.Z.P., aucun prêtre nest présent à la réunion de Paris 829 . Cela nempêche pas lassemblée générale de placer encore la question de lunification de limmigration polonaise en France et de ses liens avec la Pologne populaire en tête de ses préoccupations : lintention des dirigeants du R.N.P.F. est disoler le C.Z.P. en se gagnant les bonnes grâces de la centrale catholique, concrètement en favorisant ladhésion du P.Z.K. au Conseil national 830 . Quel aveuglement ! Penser, en 1947 encore, que lunion catholique pourrait rejoindre les rangs du R.N.P.F., relève de lutopie. La ligne de conduite des organisations catholiques est alors clairement définie : parmi les motions votées en 1947 et 1948 par les assemblées générales des différentes composantes du P.Z.K. regroupant des adultes, motions que nous avons présentées au début du chapitre, certaines critiquent sévèrement les conditions politiques et sociales existant en Pologne ; et les vaines tentatives dapproche de la part du Conseil national sont tout simplement ignorées, les responsables catholiques demeurant très vigilants pour éviter déventuelles infiltrations déléments indésirables dans les sections locales. Ce nest quau cours du deuxième comité central du R.N.P.F., les 27 et 28 février 1949, que son président, Szczepan Stec, reconnaît finalement que toute laction visant à convaincre les catholiques dadhérer au Conseil national na porté aucun fruit, et que « le camp catholique passe clairement du côté des ennemis de la Pologne daujourdhui » 831 .
--------------------------------------------------------------------------------
Face à lUnion centrale des Polonais en France
De lautre côté, les dirigeants du Comité central de Lutte (C.K.W.) pro-londonien ont certainement conscience de lambiguïté de leur position au début de 1945. La fondation du C.K.W. en 1943 pouvait sans doute sexpliquer par les nécessités de la guerre ; mais cet argument devient caduc avec la fin des hostilités et, dune certaine manière, le C.K.W. usurpe alors le rôle fondamental de lUnion des Polonais (Z.P.F.) : réunir la majorité des groupements polonais de France et en être le porte-parole. Telle est bien la crainte des milieux catholiques qui entendent ne pas se laisser confiner dans un rôle de second plan au sein dune structure coiffant lensemble de limmigration polonaise en France. Cest pourquoi, comme nous lavons indiqué, le Conseil supérieur de la fédération catholique P.Z.K., réuni le 7 janvier 1945, refuse de reconnaître lautorité du C.K.W. et lui dénie toute compétence pour représenter limmigration polonaise.
Aussi, la responsabilité de procéder aux modifications devant entériner la prépondérance du Comité central de Lutte, est-elle confiée au Z.P.F. Par circulaires du 18 janvier et du 25 janvier 1945, lUnion des Polonais annonce le transfert de son siège de Lyon à Paris, ainsi que sa volonté de convoquer une assemblée nationale de lémigration (zgromadzenie narodowe Emigracji) pour changer les statuts de lUnion, afin denglober toutes les associations reconnaissant le gouvernement de Londres, et élire un nouveau bureau 832 . Puis un mémorandum avec les propositions de changements, signé par Jozef Switalski et Stefan Moszczynski et daté du 14 février 1945, est envoyé à toutes les organisations visées par le projet de réunification. Le préambule du mémorandum ne laisse planer aucun doute sur les buts poursuivis : la fusion du C.K.W. et du Z.P.F., et de ce fait ladhésion des groupements à tendance socialiste Fédération des Ouvriers Emigrés polonais (F.R.E.P.) et T.U.R. Lun de ses paragraphes est consacré au changement de dénomination et mentionne deux titres différents : lun, Union nationale des Polonais en France (Narodowy Zwiazek Polakow we Francji), proposé par le Z.P.F., et lautre, Union centrale des Polonais en France (Centralny Zwiazek Polakow we Francji C.Z.P.), par le C.K.W. Au cours des mois suivants, les préparatifs se poursuivent : le lieu du rassemblement est fixé à Paris, et la date aux 27 et 28 mai 1945 ; le C.K.W. multiplie les réunions de ses sections territoriales et les communiqués, consacrés en grande partie aux problèmes soulevés par lorganisation du rassemblement ; le Conseil de lUnion des Polonais, dans sa composition de 1938, se réunit à Lens le 6 mai 1945 et procède à la répartition des mandats au sein du futur comité directeur entre les organisations adhérentes. Le P.Z.K. se voit attribuer un poste de vice-président et celui de trésorier 833 ; les autres postes sont réservés à la partie adverse.
Le groupe catholique sort alors de la réserve quil sest imposée depuis sa déclaration de janvier 1945. Son Conseil supérieur, réuni à nouveau le 22 mai 1945, décide finalement de participer à lassemblée générale, mais vote une série de motions qui vont à lencontre des propositions socialistes. Les plus importantes dentre elles concernent le maintien du titre Union des Polonais en France et le rejet de la répartition des mandats au sein du futur comité directeur, en particulier le refus dattribuer le poste de président à une personne du clan socialiste 834 :
« Le Conseil supérieur de lUnion des Associations catholiques polonaises en France, ( ), estime quà la tête de lEmigration doit se trouver une personne, qui pourrait jouir de la confiance des groupements catholiques comme des groupements socialistes et du T.U.R. ; et donc une personne des groupements intermédiaires, comme les organisations dAnciens Combattants, du Scoutisme polonais, des Sokols polonais, des Cercles de Chant, des Associations de Théâtre, de Musique, culturelles ou dautres semblables à celles-ci.
Le choix dune personne aux conceptions idéologiques radicales ou liée à un quelconque parti politique, ( ), empêchera lUnion des Associations catholiques de collaborer à lavenir avec un tel représentant de lUnion des Polonais et même de prendre part à la suite des délibérations du Rassemblement ( ). »
A la veille du rassemblement de Paris, les positions respectives sont donc nettement tranchées. Seule une acceptation par le camp socialiste de la motion du P.Z.K. en date du 22 mai peut éviter la rupture. Tout au long de la journée du 28 mai, dâpres discussions au sein de la commission chargée de proposer à lassemblée plénière une composition du comité directeur, opposent les délégués des organisations catholiques et ceux des organisations socialistes qui maintiennent la candidature de Wawrzyniec Baran, président du T.U.R. et du P.P.S. en France. Malgré une ultime proposition du mouvement catholique avançant la candidature de Piotr Kalinowski qui jouit de lestime de tous, et malgré des pressions exercées sur le recteur Cegielka, présent laprès-midi aux travaux de la commission, afin quil use de son influence sur les délégués catholiques, les deux partis restent sur leurs positions. Le titre finalement choisi par lassemblée en remplacement de lancienne Union des Polonais est Union centrale des Polonais en France (C.Z.P.) ; et le nouveau comité directeur se présente dans la composition suivante :
président : Wawrzyniec Baran,
vice-présidents : Franciszek Kedzia, Katarzyna Konopczynska, Sylwester Lesisz,
Aleksander Skrodzki,
secrétaire général : Piotr Kalinowski,
secrétaire adjoint : Henryk Piotrowski,
trésorier adjoint : Stefan Jesionowski.
Lunion ne se fait donc pas. Une déclaration, au ton modéré cependant, préparée par les présidents de séance, A. Kawalkowski et B. Helczynski président de lUnion mondiale des Polonais à lEtranger, en accord avec les représentants du P.Z.K., laisse encore subsister un mince espoir : lun des points de cette déclaration exprime le vu que le P.Z.K. adhèrera dans un futur proche au C.Z.P. ; un autre point confirme la décision prise le 6 mai de réserver un poste de vice-président et celui de trésorier à des membres du P.Z.K. Le même jour, une deuxième déclaration, signée par labbé Cegielka, recteur de la Mission catholique et à ce titre patron du P.Z.K., labbé Nosal et Franciszek Ratajczak, respectivement secrétaire général et président de la fédération catholique, est nettement moins porteuse despoir 835 :
« LUnion des Associations catholiques polonaises a estimé hors de propos ladhésion à une Union, à laquelle on a décidé de donner comme dirigeants des personnes qui, jusquà présent, se sont comporté de manière hostile à légard du mouvement catholique polonais en France.
LUnion des Associations catholiques polonaises se solidarise cependant avec les autres unions représentées à Paris, dans lattitude de fidélité envers le Gouvernement Polonais légal et constitutionnel à Londres. »
Le coup joué par la fédération catholique est tout de même audacieux ; il risque en effet daltérer sérieusement ses relations avec un groupement qui fait alors état dun nombre impressionnant dadhérents : près de 2 000 sections locales regroupées en 247 Comités dAssociations locales (K.T.M.) et 23 unions 836 . Linfluence du C.Z.P., même à la base, dans les localités, nest pas à prendre à la légère !
Peu de temps après, le P.Z.K. prend linitiative de convoquer, le 23 août 1945 à Lens, une conférence des organisations favorables au mouvement catholique, pour créer un Comité dEntente (Miedzyorganizacyjny Komitet Porozumiewawczy Zwiazkow Polskich we Francji ) voué au travail socio-culturel parmi les immigrés à lexclusion de toute activité directement liée à un parti politique. Cette initiative neut toutefois aucune suite immédiate. Enfin, la réélection de Jan Szambelanczyk par lassemblée générale du 26 août 1945 donne au P.Z.K. un chef de file, adversaire convaincu du mouvement socialiste et partisan farouche de lindépendance des associations catholiques vis-à-vis de tout parti politique. En 1945, ses convictions sont intactes et nont guère évolué 837 . Les chances dunion entre le P.Z.K. et le C.Z.P. paraissent alors bien minces, dautant plus que dans les districts, celui de Montceau-les-Mines en particulier 838 , les relations entre les structures régionales du P.Z.K. et du C.Z.P. demeurent constamment tendues.
Tout au long de lannée 1946, chaque orientation campe sur ses positions, tout en évitant de rompre complètement le contact avec la partie adverse. Léviction dAleksander Kawalkowski de la direction de lUnion des Anciens du P.O.W.N. (Zwiazek Bylych Czlonkow P.O.W.N.) en mars 1946, et le départ de labbé Nosal du secrétariat général du P.Z.K. en juin, laissent même entrevoir des possibilités de rapprochement 839 , bien que la majorité du clergé polonais persiste à demeurer en dehors dune association à laquelle il reproche dêtre dirigée par des personnes profondément laïques, à moins quil ny ait un remaniement à la tête de celle-ci. Pour maintenir cependant les relations, les deux parties sefforcent de mener conjointement quelques actions : la collecte commune, malgré les difficultés présentées auparavant, à la fin de 1945, des fonds pour le maintien de lenseignement du polonais indépendant des consulats, et la rédaction dun mémorandum commun sur les frontières de la Pologne remis, le 16 août 1946, au secrétariat de la Conférence de la Paix à Paris par Piotr Kalinowski au nom du C.Z.P. et Leonard Rudowski au nom du P.Z.K. Tous les sujets de friction ne peuvent toutefois être évités, même si ceux-ci ne provoquent pas toujours un affrontement direct entre le P.Z.K. et le C.Z.P.
Par exemple, la fédération catholique reçoit, via la Mission catholique de Paris, un courrier émanant de lUnion mondiale des Polonais à lEtranger (Swiatowy Zwiazek Polakow z Zagranicy, S.Z.P.Z.) transplantée à Londres en 1939, daté du 19 août 1946, la conviant à participer à un congrès des représentants de lémigration polonaise davant-guerre en Europe de lOuest, qui doit se tenir à Bruxelles du 26 au 29 septembre 1946. Le courrier de lUnion mondiale précise que la proposition faite au P.Z.K. a été également présentée au C.Z.P. pour régler les problèmes pratiques de représentativité de la délégation française, et quelle a été favorablement accueillie ; le programme est joint, et il est demandé dy apporter remarques et suggestions 840 . Le Conseil supérieur du P.Z.K., réuni le 9 septembre, refuse linvitation, en prétextant quil a été ignoré par les instances dirigeantes du S.Z.P.Z. dans la préparation effective du congrès : les organisateurs de celui-ci devaient assurer la participation du P.Z.K. aux travaux préparatoires, compte tenu du fait que le P.Z.K. est « lunique représentant de cette grande fraction de lémigration polonaise en France qui a créé une organisation sociale catholique » 841 . Bien entendu, la fédération catholique insiste sur le fait que le C.Z.P. ne représente pas la totalité de limmigration et quil na reçu aucun mandat pour intervenir au nom des associations catholiques. Et pour faire bonne mesure, le recteur de la Mission catholique polonaise en Belgique qui doit, lui, prendre part à la réunion de Bruxelles, est informé de la décision du P.Z.K. 842 , afin quil barre la route à déventuelles tentatives du C.Z.P. de se présenter comme le seul représentant des Polonais de France. La date du congrès est alors reportée aux 17 20 octobre 1946, lUnion mondiale espérant mettre à profit ce délai pour régler le problème de la composition de la délégation française, et envoyant à cet effet le directeur Stefan Lenartowicz à Paris. Mais le P.Z.K. ne modifie en rien sa position, arguant toujours de sa mise à lécart au cours de la préparation du congrès, alors que le C.Z.P. était prêt, dès la mi-août, à envoyer un délégué à Londres pour présenter sa position et ses souhaits. Quant à la remise de la réunion, le P.Z.K. limpute à des difficultés administratives liées au passeport des citoyens polonais demeurant en Grande-Bretagne, et non à une volonté de lUnion mondiale daplanir le différend qui loppose à la centrale catholique. Il apparaît donc que même si, dans le cas de cette affaire, lopposition entre le P.Z.K. et le C.Z.P. nest pas frontale, lattitude du P.Z.K. reste fortement conditionnée par leur rivalité. Le mouvement catholique ne peut en effet admettre de se voir confiner dans un rôle dobservateur, tandis que la participation de lUnion centrale sera forcément très remarquée : sur les vingt exposés généraux prévus au programme de la réunion de Bruxelles, huit doivent être présentés par des responsables du C.Z.P. et, en clôture du congrès, le président de celui-ci, W. Baran, doit en tirer les conclusions pratiques.
Le début de lannée 1947 apporte des modifications notables dans la position du C.Z.P. Depuis lassemblée générale de mai 1945, trois groupements ont quitté lUnion centrale : lUnion des Commerçants et Artisans qui désirait maintenir des contacts avec le conseiller économique de lAmbassade et, de ce fait, ne pouvait plus adhérer au C.Z.P., lUnion des Ouvriers agricoles, et celle des Cercles de Chant. En janvier 1947, Wawrzyniec Baran donne sa démission sans attendre la convocation dune assemblée générale. Les causes en sont incertaines : peut-être sagit-il de rendre possible la reprise des négociations avec la fédération catholique, la démission de Baran constituant lun des préliminaires exigés auparavant déjà par le P.Z.K. ? Mais le poste est provisoirement occupé par Aleksander Skrodzki, autre représentant du P.P.S. en France. En tout cas, une union avec le P.Z.K. rétablirait sans doute la situation du C.Z.P.
Celui-ci prend linitiative à lapproche de la réunion du Conseil supérieur du P.Z.K. prévue le 4 mars 1947, en envoyant une proposition, datée du 28 février, dentamer de nouveaux pourparlers en vue de la réunification 843 . Cette proposition avance comme argument pour la reprise des négociations, le fait que la division de limmigration polonaise ne profite quaux communistes ; elle rappelle la décision du 6 mai 1945 de réserver des postes au sein du bureau du C.Z.P. à des représentants du mouvement catholique, décision qui reste dactualité ; la lettre exprime encore lespoir dun accueil favorable de la demande, dautant plus que « les réserves formulées jusquà présent par lUnion ont été écartées », allusion à peine voilée à la récente démission de W. Baran. La position définie par le Conseil supérieur du P.Z.K. demeure très claire et sans ambiguïté ; elle tient en deux points :
« 1 LUnion des Associations catholiques polonaises en France nadhèrera pas à lUnion centrale des Polonais en France.
2 LUnion des Associations catholiques polonaises émet la proposition de convoquer un Rassemblement de lEmigration, dans le but de fonder lUnion des Polonais en France, qui sera une fédération des unions entrant actuellement dans la composition de lUnion centrale des Polonais et de lUnion des Associations catholiques polonaises ; ce rassemblement serait convoqué sur des bases démocratiques par un Comité composé pour moitié de représentants du C.Z.P. et pour moitié de représentants du P.Z.K. »
La décision du P.Z.K. est portée, par courrier du 19 mars, à la connaissance du C.Z.P. dont le Conseil suprême (Rada Glowna) doit se réunir le 30 mars, et aussi à la connaissance de toutes les sections catholiques locales par la lettre circulaire n° 2 du 31 mars intitulée Lunité de lémigration (Jednosc Wychodztwa). A la base en effet, associations catholiques et sections des unions composant le C.Z.P. cohabitent et collaborent même régulièrement ; nombre de militants ne comprennent pas les raisons de la dissension. La circulaire commence par rappeler le principe de base, qui a décidé de la non-adhésion du P.Z.K. à lUnion centrale en mai 1945 :
« A la fois les buts généraux et les intérêts de lémigration polonaise en France réclament le maintien dune attitude patriotique prônant lindépendance, mais simultanément le refus de lexploitation des organisations démigrés par des partis politiques. Ce principe doit être strictement respecté. »
Elle fait ensuite remarquer que, depuis la libération, le mouvement catholique sest renforcé au point doccuper une place dominante dans la vie associative de limmigration, et que la fédération P.Z.K. est devenue une centrale autonome dont linfluence dépasse largement les cadres stricts de lorganisation catholique. La conclusion simpose :
« Dans ces conditions, ainsi que par suite des fautes commises par lUnion centrale des Polonais en France, il ne peut plus être question que nous adhérions à une autre centrale déjà existante.
Par contre, à notre avis, il peut être question de la réunion des deux organisations centrales ( ).
Une erreur cardinale a été commise au cours du Rassemblement de mai 1945. Il faut donc commencer la réparation à la place même où la faute a été commise. »,
cest-à-dire par la convocation dun nouveau rassemblement sur des bases vraiment démocratiques, sans aucune influence des partis politiques. Et la circulaire se termine par la citation in extenso du courrier du 19 mars 1947 adressé au C.Z.P.
LUnion centrale est pour sa part prête à accepter quelques concessions. Son Conseil suprême, réuni à Lille le 30 mars, remet un peu dordre dans lorganisation administrative et débat, entre autres sujets, de la question des rapports avec le groupement catholique. Les postes vacants doivent dabord être pourvus ; les délégués élisent donc le bureau suivant : A. Skrodzki président, K. Konopczynska et S. Lesisz vice-présidents, P. Kalinowski secrétaire, F. Kedzia trésorier, et S. Jesionowski trésorier adjoint. Ce bureau reçoit aussi les pleins pouvoirs pour négocier avec le P.Z.K. : lUnion centrale accepte la proposition de la fédération catholique en vue de former une commission mixte chargée de préparer une session extraordinaire de limmigration polonaise indépendante, le bureau directeur devrait rapidement en désigner les délégués. Puis, pour marquer leur bonne volonté, les associations membres du C.Z.P. acceptent de participer à la commémoration de la fête nationale polonaise organisée par le P.Z.K. le samedi 3 mai 1947 à Lille. Cest effectivement la centrale catholique qui a pris, comme en 1946, linitiative de la célébration ; et le district Nord du C.Z.P. est délégué pour organiser conjointement la manifestation avec le P.Z.K. Mais aucun accord dans ce sens nétant intervenu entre lUnion centrale, le commandement du camp militaire polonais n° 3 stationné à Lille, et lUnion des Associations catholiques polonaises, cest cette dernière qui prend seule la charge des diverses cérémonies 844 ; les autres associations décident néanmoins de maintenir leur participation afin de ne pas montrer ouvertement la mésentente. Mais il est clair que lattitude du bloc catholique dans cette affaire déplaît fortement, même si, le jour même de la manifestation, au moins pendant la cérémonie de dépôt de gerbes au Monument aux Morts place Rihour, le représentant du C.Z.P. Franciszek Kedzia et les militaires accompagnent en tête du cortège le président du P.Z.K. 845 .
Finalement, un échange de correspondance entre les instances dirigeantes du P.Z.K. et du C.Z.P. en mai et juin 1947 conduit à la convocation dune commission dentente le 14 juillet après-midi à Lens 846 . Mais les discussions senlisent sur deux points : le retour à lancien titre Union des Polonais, et surtout le fondement idéologique de la future coalition. Le C.Z.P. conditionne en effet toute action unificatrice à la signature par le P.Z.K. dune déclaration en quatre points, quil a élaborée à lavance. Les points principaux de celle-ci stipulent que lunion est basée sur la volonté inébranlable de limmigration polonaise en France de lutter pour lindépendance de la Pologne et linstauration de la démocratie, que la situation actuelle de la Pologne nest que le résultat dune contrainte exercée par une puissance étrangère ennemie, et que le gouvernement légal de la Pologne repose entre les mains de ceux qui continuent le combat à Londres. La délégation du P.Z.K. se retranche derrière le fait quelle nest pas habilitée à signer de telles déclarations, et quun tel acte relève de la compétence du Conseil supérieur. En fait, elle ne veut pas prendre position vis-à-vis du gouvernement de Londres, où la coalition vient de voler en éclats après le décès du président Raczkiewicz survenu le 6 juin 1947 : avant de mourir, le président Raczkiewicz aurait désigné comme successeur lancien ministre des Affaires étrangères, August Zaleski, à la place du candidat avancé par le Parlement clandestin de Pologne en 1944, Tomasz Arciszewski, Premier ministre depuis le départ de S. Mikolajczyk ; lorsquAugust Zaleski prête serment, T. Arciszewski et le parti socialiste (P.P.S.) quittent la coalition gouvernementale 847 . Ces dissensions se répercutent sur le C.Z.P. où sopposent les socialistes et les partisans de la légalité du gouvernement de Londres, les anciens combattants surtout 848 . Le groupe catholique préfère certainement attendre lévolution de laffaire et pouvoir en mesurer limpact sur lUnion centrale. La réunion sachève donc dans une impasse : la suite des négociations dépend désormais de la position quadoptera le Conseil supérieur du P.Z.K.
Fin juillet, Leonard Rudowski apporte une réponse orale au C.Z.P. : la fédération catholique demeure inflexible et maintient son opinion quaucune motion ne doit être posée en préliminaire aux pourparlers, et que les résolutions ne pourront être votées que par lassemblée générale. Dès lors, toute réunion de la commission dentente est davance vouée à léchec. La proposition du P.Z.K. den convoquer une pour le 16 août est rejetée ; il ny en aura donc plus, et la commission termine ainsi son existence éphémère !
Jusquau début de lannée 1948, les deux organisations échangent une correspondance 849 , dans laquelle elles saccordent réciproquement des concessions mineures mais conservent leurs positions respectives sur le fond du problème, tout en proclamant leur volonté de poursuivre le dialogue et leur conviction que lautre partie acceptera leur point de vue. En même temps, par lintermédiaire de circulaires adressées à leurs sections et leurs unions 850 , elles se rejettent mutuellement la responsabilité de la rupture des négociations. La question est amplifiée par la presse polonaise, le Narodowiec qui soutient la position du P.Z.K., et Le Peuple polonais (Lud Polski) favorable au C.Z.P., ce dernier nattaquant toutefois pas directement la fédération catholique mais sen prenant plutôt au journal adverse 851 . En particulier, la lettre du P.Z.K. du 11 janvier 1948, reprenant les conclusions du Conseil supérieur du 28 décembre 1947, met un terme à lexistence fictive de la commission dentente, et formule la vague espérance que la prochaine assemblée générale du C.Z.P. préparera un terrain propice à lunité de lémigration :
« La position du Bureau central du C.Z.P. crée une situation dans laquelle lexistence de la Commission dEntente est une fiction. Nous comprenons bien que, dans beaucoup, et peut-être même dans toutes les organisations appartenant au C.Z.P., une telle évolution de la question provoquera de lamertume. Cependant, dans les prochains mois, doit se tenir lAssemblée générale de lUnion centrale des Polonais. Nous croyons que latmosphère, qui règnera au cours de cette Assemblée, préparera un terrain adéquat pour la réunification des organisations attendue par lémigration polonaise patriotique. »
Cest vraiment repousser léchéance assez loin : cette assemblée générale ne doit se tenir quen novembre 1948. Il semble bien que le groupement catholique ait perdu toute confiance en laboutissement des discussions, même si, pour des raisons tactiques, il organise au mois de mai 1948, sous le protectorat du recteur Kwasny, une collecte commune avec le C.Z.P. des fonds nécessaires à lentretien des cours de polonais organisés par les deux fédérations. Mais au même moment, chacune dentre elles organise sa propre commémoration de la Constitution du 3 Mai, le C.Z.P. à Lens et le P.Z.K. à Lille. Lespoir dune réconciliation semble séloigner définitivement.
--------------------------------------------------------------------------------
Chapitre 12
LA REALISATION DUNE ANCIENNE AMBITION
--------------------------------------------------------------------------------
LES PREPARATIFS
Lidée, qui avait conduit à la réunion à Lens en août 1945 des associations favorables au mouvement catholique, mûrit lentement pendant que les pourparlers entre lUnion des Associations catholiques et lUnion centrale en vue dune éventuelle unification senlisent. Peu à peu, dans lesprit des responsables du P.Z.K. et surtout de la Mission catholique se forge la conviction quil devient nécessaire de construire une fédération à caractère non strictement religieux, capable de rivaliser dinfluence avec le C.Z.P. et même de le supplanter. Le concept émerge au cours de lAssemblée générale du P.Z.K. du 19 septembre 1948 852 . Le président Szambelanczyk nexclut pas, au cours de son intervention, une alliance avec le C.Z.P. mais sous la condition dun changement du rapport des forces au sein de la direction de la future coalition ;
« Nous narrêtons pas nos efforts pour aboutir à cette unification. Nous sommes prêts à de nombreuses concessions. Nous avons cependant, nous aussi, certaines exigences auxquelles nous ne pouvons renoncer. LEmigration polonaise en France est profondément attachée à la foi de ses ancêtres. Cest pourquoi, à sa tête, doivent se tenir des personnes qui garantiraient que le caractère catholique de la principale représentation de lémigration polonaise en France serait conservé ! »
Le secrétaire général, labbé Plutowski, tout en indiquant que la seule voie pouvant mener à une réunification des deux centrales passe par la convocation dune nouvelle assemblée constituante, précise que « toute laffaire est restée au point mort ». Il affirme aussi que le P.Z.K. dispose de nombreux atouts pour réaliser lunion de limmigration : certaines unions membres du C.Z.P. sont en fait proches idéologiquement du P.Z.K. ; il serait donc possible dorganiser une fusion entre elles et le mouvement catholique sur la base dun programme mettant laccent sur le caractère catholique des organisations. Le secrétaire administratif, Leonard Rudowski, renchérit encore :
« LUnion a dû faire face à deux aspirations de ses opposants. Les uns, se rendant compte des possibilités de développement de lUnion, voulaient linciter à prendre part aux débats politiques et aux querelles de parti de toute nature, dont notre émigration a été le théâtre. Les autres, sachant davance quils narriveront pas à attirer lUnion de leur côté, voulaient faire passer le principe que les organisations catholiques doivent soccuper uniquement daffaires religieuses et non sociales. En réponse, lUnion choisit : émancipation totale, et engagement encore plus marqué dans toutes les questions de la vie culturelle, éducative, professionnelle, en un mot de la vie sociale. »
Et la huitième motion adoptée par lAssemblée générale montre bien sur quelles bases le bloc catholique pourrait consentir à une éventuelle unification des organisations polonaises en France :
« LAssemblée générale de lUnion des Associations catholiques polonaises en France ( ) appelle toute lémigration polonaise en France à redoubler defforts, pour parvenir à lunité de lémigration polonaise toujours profondément attachée à la foi catholique et aux traditions nationales. »
Le clergé polonais penche également en faveur de cette aspiration. Le Conseil de la Mission, réuni à Clamart le 11 novembre 1948 853 , discute du projet de fondation dune nouvelle organisation au terrain daction plus large que celui du P.Z.K. Cette opération permettrait à son avis de regrouper les unions désireuses de quitter lUnion centrale, mais pour lesquelles le cadre de la fédération catholique est trop étroit, trop restrictif. Des titres sont même proposés pour cette création. Une majorité du Conseil sinterroge cependant sur le bien-fondé dune telle entreprise dans le contexte du moment, et préconise dattendre les résultats de lAssemblée générale du C.Z.P. qui doit se tenir dans quelques jours.
Celle-ci réunit en effet à Lille, le 14 novembre, 145 délégués. Le compte rendu des activités pour les années 1945 1948 fait certes état des discussions entre lUnion centrale et le P.Z.K. en regrettant quelles naient pas abouti à la fusion des deux centrales, mais accentue surtout les réalisations communes du C.Z.P. et du P.Z.K. LUnion centrale ne se résigne pourtant pas, et désigne une commission spéciale chargée de poursuivre les pourparlers avec le groupement catholique. Toutefois, latmosphère qui entoure les débats est pesante, en opposition au ton modéré du rapport écrit 854 . Nombre de délégués sinterrogent en effet sur les dépenses du président, jugées trop importantes et non contrôlées, alors que la manne des subventions octroyées par Londres se tarit ; et malgré leur désir de procéder à des changements dans les instances dirigeantes, la pression et lhomogénéité du bloc de gauche permettent la réélection aux postes clés de personnes liées au Parti socialiste polonais, en particulier celle dAlekander Skrodzki à la présidence 855 . Ainsi, les querelles internes au C.Z.P. sont loin dêtre apaisées ; au contraire, le fossé semble se creuser entre socialistes et partisans inconditionnels du gouvernement de Londres dune part, entre socialistes et responsables des grandes organisations issues de lUnion des Polonais davant-guerre, telles que le Sokol ou lUnion du Scoutisme polonais (Zwiazek Harcerstwa Polskiego Z.H.P.) dautre part. Dans ces conditions, malgré le souhait sans doute sincère de la plupart des dirigeants du C.Z.P. de voir enfin la réalisation de lunion avec le mouvement catholique, malgré la formation dune commission à cet effet au cours de lAssemblée générale, les résultats de celle-ci ne peuvent inciter le P.Z.K. à jouer la carte de lunification. Quel intérêt aurait en effet la fédération catholique à sallier à une centrale en plein déséquilibre, et qui donne des signes de décomposition ?
La décision des responsables catholiques se cristallise alors : le P.Z.K. prendra linitiative de créer une nouvelle fédération. Le but est double : soustraire les anciennes organisations de limmigration, dont le fondement idéologique repose sur la lutte pour lindépendance de la Pologne et le respect du caractère catholique de la nation polonaise, à linfluence de lUnion centrale ; et constituer un imposant bloc anticommuniste 856 :
« Il sagissait dempêcher que nos anciennes organisations indépendantistes et catholiques ne soient enrolées au sein de lorganisation décrépite C.Z.P., et quelles ne deviennent la proie des poursuites incessantes du régime. Cétait donc une nécessité de créer une organisation catholique, indépendantiste, autonome, qui réunisse toutes nos associations et les protège. »
Le recteur Kwasny sengage personnellement en faveur du projet. La circulaire n° 2 de mars 1949 du P.Z.K. insiste bien sur le fait que la fédération catholique agit « à la demande de labbé Recteur de la P.M.K. » 857 . Et le Recteur rêve de bâtir réellement une grande centrale, « au sein de laquelle devraient se rassembler toutes les organisations sans exceptions, dans le but de former un bloc anticommuniste » 858 . En tout cas, il use de son autorité auprès des responsables des sociétés polonaises pour leur faire accepter lidée de la nouvelle confédération 859 : il calme lardeur de lUnion du Scoutisme qui vient de quitter lUnion centrale le 1-er janvier 1949 et clame, depuis, son souhait de voir la création dune fédération fidèle et dévouée au gouvernement de Londres, et il obtient son accord pour participer à la première réunion dinformation sur linitiative du camp catholique ; il se rend aussi à lAssemblée générale de lUnion des Cercles de Chant pour la convaincre de se joindre au mouvement, et multiplie les interventions diverses.
Lultime proposition du C.Z.P. de renouer le dialogue, en date du 10 février 1949 860 , arrive bien trop tard. Les préparatifs pour créer la nouvelle organisation sont déjà bien entamés ; et une première réunion dinformation regroupe à Lens, le 13 mars 1949, les délégués des unions : des Sociétés féminines, du Scoutisme polonais, des Cercles de Chant, des Confréries de Tir, et de toutes celles constituant le P.Z.K. Une Commission dOrganisation du Congrès des Polonais en France (Kongres Polonii Francuskiej K.P.F.), tel est en effet le nom proposé pour la nouvelle centrale, est chargée dentrer en contact avec les autres unions susceptibles dêtre intéressées par le projet, et de préparer lassemblée constituante. La Commission, présidée par Franciszek Konieczny haut responsable du Z.H.P., se réunit encore les 3 avril et 15 mai 1949 pour régler les questions techniques 861 : composition définitive de la Commission et désignation dun Comité exécutif, fixation de la date de lassemblée générale constituante au 19 juin et des règles de représentation des unions à cette assemblée, mise au point du projet de statuts, texte des communiqués et des circulaires.
La plus grande part du travail de rédaction des statuts est réalisé par le secrétaire général du P.Z.K. labbé Plutowski, conseillé par le recteur Kwasny et le secrétaire administratif du P.Z.K. Leonard Rudowski. Les délégués à la Commission dOrganisation apportent toutefois quelques modifications, certaines lourdes de sens : par exemple, contrairement à ce qui était prévu par le clergé, laumônier, imposé au Congrès par la Mission catholique, ne siègera pas au Conseil dAdministration, mais seulement au Conseil supérieur. Il y a donc bien une volonté de laïciser autant que possible, compte tenu du fait que le promoteur du projet officiellement la fédération catholique et en réalité la Mission catholique en la personne surtout du Recteur désire naturellement imposer son point de vue et préserver son rôle au sein de la nouvelle centrale en formation. Cette volonté découle sans doute de la prise de conscience, au moins chez certains délégués, du fait quun caractère catholique trop marqué de lorganisation pourrait freiner ou empêcher ladhésion des groupements soucieux de préserver leur indépendance à légard du clergé. Mais deux points particuliers ne trouvent pas de solutions immédiates : la création de districts propres au K.P.F. parallèlement à ceux du P.Z.K., et la position à légard des Comités des Associations locales (K.T.M.) qui rassemblent à léchelon local toutes les sociétés polonaises, à lexception évidemment de celles dobédience communiste, et qui sont dominés en majorité par les représentants des sections affiliées au C.Z.P.
Un problème délicat doit aussi être réglé avant la tenue de lassemblée constituante. Pour accroître la crédibilité de la nouvelle fédération, il faut quau moins lune des plus prestigieuses associations agissant au sein de limmigration depuis les débuts de son implantation en France, y adhère. Le choix se porte sur lUnion des Sociétés féminines (Zwiazek Towarzystw Kobiecych, communément appelé Zwiazek Polek), fondée déjà en Westphalie, dont la notoriété est immense. Il semble que les pressions du clergé aient été déterminantes, le recteur Kwasny y mettant tout le poids de son autorité. Finalement, lAssemblée générale de cette union, le 22 mai 1949, décide de quitter le C.Z.P. et de rejoindre les rangs du Congrès. Il est temps que les effectifs de celui-ci sétoffent, pour quil puisse prétendre au titre de représentant suprême de limmigration polonaise en France : moins dun mois sépare la décision des Sociétés féminines de la date de convocation de lAssemblée du Congrès des Polonais !
--------------------------------------------------------------------------------
LA FONDATION DU CONGRES DES POLONAIS EN FRANCE
Une ultime réunion de la Commission dOrganisation, le 12 juin à Lens, vérifie les mandats des délégués des différentes associations invitées. Tout est en place. La journée du 19 juin 1949 débute par la célébration dune messe par le recteur Kwasny. Sont présents à lAssemblée générale les délégués des dix groupements ayant pris part aux travaux de la Commission dOrganisation : lUnion des Sociétés féminines, lUnion du Scoutisme polonais, lUnion des Cercles de Chant, lassociation Veritas, et les six formant lUnion des Associations catholiques polonaises. La part du mouvement catholique est donc prépondérante, même si les unions des Sociétés féminines et du Scoutisme sont très prestigieuses au sein de limmigration ; Veritas nest en fait quune petite association dont le terrain daction se confine aux intellectuels et étudiants de la région parisienne. Dautres groupements ont envoyé des observateurs 862 : la Fédération des Sections polonaises du Syndicat libre des Mineurs, lUnion des Cercles de Théâtre, lUnion des Sous-Officiers de Réserve, lUnion des Résistants polonais, lUnion des Confréries de Tir.
Après les exposés introductifs de Franciszek Konieczny, de labbé Kwasny et de Jozef Kudlikowski, les délégués sont invités à exprimer lopinion de leurs associations respectives sur la création du Congrès des Polonais en France et le rôle quelles voudraient voir assumer par celui-ci. Les discussions aboutissent à la proclamation du K.P.F. : les statuts sont adoptés, la décision est prise de tenir la première assemblée générale ordinaire dès lannée suivante pour dresser un premier bilan et apporter les éventuelles modifications nécessaires, le Recteur lit lacte dérection de la nouvelle fédération 863
« Pour la gloire de Dieu et de la Sainte Vierge Marie, Reine de la Couronne polonaise, pour le profit de lEmigration polonaise, et pour lhonneur de notre Patrie bien-aimée,
Nous, représentants des Unions des organisations catholiques et nationales sur la terre hospitalière du fraternel Peuple français, reprenant linitiative du Recteur de la Mission catholique polonaise en France le prélat Casimir Kwasny, réunis en assemblée constituante,
appelons le CONGRES DES POLONAIS EN FRANCE à vivre et agir,
faisons vu de travailler pour le bien commun, dans un esprit dunité et de concorde, ( ) »
Les signatures apposées au bas de cet acte de fondation appellent cependant deux remarques. La position du bloc catholique à légard du Congrès des Polonais est, dun point de vue statutaire, identique à celle adoptée en décembre 1938 vis-à-vis de lUnion des Polonais en France : en effet, la Mission catholique et lUnion des Associations catholiques polonaises ne sont pas membres du Congrès, seuls les six groupements constituant cette dernière sont membres fondateurs du K.P.F. Or, première constatation : les premières signatures au bas de lacte dérection sont celles de labbé Kwasny recteur de la P.M.K., de labbé Plutowski et de Jan Szambelanczyk respectivement secrétaire général et président du P.Z.K. ; ainsi, les premiers signataires ne sont même pas membres de lorganisation. A-t-on voulu insister encore sur linfluence déterminante du mouvement catholique ? Le texte même de la déclaration aurait pu suffire : il rappelle bien que linitiative de créer le Congrès revient au Recteur, et fait surtout référence au caractère catholique des organisations. Deuxième constatation encore plus surprenante : au bas de lacte, apparaissent les signatures de Michal Kwiatkowski, directeur du journal Narodowiec, et de labbé Kaszubowski, rédacteur du journal Polska Wierna. A quel titre y figurent-elles ? Car, là encore, les signataires ne sont pas membres de lorganisation. Dans quel but ? Sil sagit dindiquer que ces deux journaux soutiendront laction du Congrès, cest vraiment inutile : leur soutien à lidée du Recteur tout au long des préparatifs menés par le P.Z.K. témoigne suffisamment dun engagement durable. Ou alors, il sagit de leur donner la possibilité dintervenir sur les décisions et lorientation du mouvement. Dans le cas de M. Kwiatkowski, on peut être amené à le penser en considérant ses prises de position à loccasion des assemblées générales du Congrès en 1953 et 1956 864 . Mais la signature du directeur du Narodowiec risque de jeter un trouble : son orientation en faveur du Parti populiste (P.S.L.) et de Mikolajczyk est connue de tous, et le P.S.L. est dans lopposition au gouvernement polonais en exil à Londres, alors que les Scouts se déclarent pour le respect du gouvernement constitutionnel et que le K.P.F. se veut indépendant des partis politiques. Risque différé, mais bien réel : il apparaîtra de manière sensible en 1953 et 1954, à lassemblée générale du Congrès et au cours des dernières tentatives dunification avec lUnion centrale des Polonais.
Puis, les délégués procèdent à lélection dun bureau composé de :
président : Bronislaw Lech (Union des Cercles de Chant),
vice-présidentes : Zofia Kunkiewicz (Union des Sociétés féminines)
Stanislawa Witkowska (Union des Confréries du Rosaire),
secrétaire général : Jozef Kudlikowski (Union des Associations dEnfants),
secrétaire adjoint : Feliks Kozal (Union du Scoutisme polonais),
trésorier : Franciszek Ratajczak (Union des Sociétés catholiques dHommes polonais).
Un mandat est réservé à une autre union dont ladhésion au Congrès devrait être imminente. Une différence notable par rapport au fonctionnement du P.Z.K. consiste donc en lélection dun laïc au poste de secrétaire général, au lieu de la nomination dun clerc. Mais le Recteur annonce aussitôt que labbé Plutowski est libéré de ses fonctions de secrétaire général du P.Z.K., et nommé, à compter de ce jour, aumônier du Congrès, ce qui lui permet de siéger au Conseil supérieur de lorganisation. Labbé Gutowski le remplacera au secrétariat du P.Z.K.
Il reste à préciser lorientation idéologique du mouvement dans une déclaration officielle. En fait, dès le début des délibérations, le matin, lUnion du Scoutisme pose la délicate question de la position du futur Congrès par rapport au gouvernement de Londres. On se souvient quà peine sorti de lUnion centrale en janvier 1949, le Z.H.P. a emboîté le pas de la fédération catholique, en réclamant la fondation dune entité centrale qui serait un opposant farouche au communisme et un partisan déclaré du gouvernement de Londres. Le recteur Kwasny réussit à tempérer lardeur des Scouts, en leur faisant remarquer quune telle proclamation risque de nuire au bon déroulement de la première réunion dinformation du mois de mars 1949. Le Z.H.P. obtint cependant lassurance quil pourrait poser la question à lAssemblée constituante. Aussi, au début de la réunion du 19 juin, la présidente du Z.H.P., Maria Zdziarska Zaleska, lit une déclaration affirmant la volonté du Z.H.P. dadhérer au Congrès, volonté confortée par la conviction que celui-ci réalisera quatre postulats 865 .
Trois dentre eux, les alinéas 1, 2 et 4, ne soulèvent aucun commentaire de la part des délégués : le K.P.F. deviendra le porte-parole de tous les groupements polonais de France ; il sefforcera de coordonner efficacement laction de ces groupements au service des idéaux communs, en particulier de la lutte pour lindépendance de la patrie ; il sera un modèle dinstitution démocratique par le respect des droits de chaque adhérent, le contrôle de la gestion des instances dirigeantes, lorganisation délections démocratiques, et le respect des règlements. Par contre, le troisième point « Le Congrès servira loyalement lÉtat polonais représenté par nos autorités légales » soulève bien des réserves. Au cours des préparatifs, lun des principaux arguments avancés par les responsables catholiques pour supplanter lUnion centrale en créant le Congrès, était justement de soustraire limmigration polonaise à linfluence des partis politiques, dempêcher toute action politique dans lactivité sociale, déviter de se laisser enfermer dans une obligation de loyauté aveugle à légard dune institution politique et perdre ainsi tout sens critique. Remarquons quand même que ce refus de toute action politique constitue en soi un acte politique. Il se concentre en effet sur la non reconnaissance du gouvernement polonais en exil à Londres et la volonté de ne pas prendre part aux débats politiques qui animent celui-ci, lopposition au gouvernement installé à Varsovie étant considérée comme allant de soi, une attitude implicite, ne nécessitant même pas dêtre rappelée. Il a cependant comme conséquence de transformer les Polonais qui suivent cette orientation ni Varsovie, ni Londres, en citoyens dun pays mythique sans autorités légales reconnues ni représentants officiels. Mais de toute manière, la reconnaissance officielle du gouvernement de Londres par le K.P.F. pourrait effectivement lentraîner sur une voie indésirable, en risquant de refroidir la volonté de collaboration ou dadhésion dautres organisations. Les discussions sur ce point saniment. Finalement, lAssemblée décide que « chaque union a le droit dinterpréter librement la déclaration précédente [celle du Z.H.P.] qui, cependant, noblige en rien le Congrès dans son ensemble ».
La déclaration idéologique finale, adoptée par lAssemblée constituante, évite donc de reprendre ce problème de la légalité du gouvernement polonais en exil, et se contente de formulations générales auxquelles tous peuvent souscrire sans réserves 866 . Trois points concernent lattitude vis-à-vis de la Pologne : les délégués se déclarent prêts à poursuivre la lutte pour lindépendance de la patrie ; ils condamnent le communisme imposé par la force à la Pologne, et affirment leur conviction que la reconstruction dune Pologne libre, meilleure et juste, ne peut se réaliser que sur la base des idéaux chrétiens ; enfin, ils ne considèrent pas le recouvrement des territoires occidentaux comme une compensation pour les pertes territoriales subies à lEst, car létablissement de la frontière le long de lOder et de la Nysa Luzycka nest quun acte de justice au regard de lHistoire. Curieuse interprétation de celle-ci, qui entre bien dans le cadre des conceptions de la démocratie nationale polonaise de lentre-deux-guerres : la réunification de toutes les terres jugées ethniquement polonaises. Cela prouve aussi à quel degré les mots dordre de la N. D. restent présents dans lorientation des mouvements regroupés au sein du Congrès.
Le quatrième point est le plus décisif, celui qui va conditionner toute laction future du Congrès. Il réaffirme larticle des statuts qui interdit toute action politique en son sein, laisse aux partis le soin de mener une telle action, et précise les buts quil poursuit :
« Le Congrès des Polonais en France, se plaçant au-dessus des partis, ne prenant pas part à laction politique et laissant ce domaine aux milieux politiques polonais, se donne comme but lunification de toutes les forces sociales pour :
a) mener une action permanente et avisée en vue de cultiver les traditions religieuses et nationales polonaises dans la famille, à lécole et dans les associations ;
b) éduquer les enfants et la jeunesse dans un esprit catholique, dans la connaissance et lamour de la langue et de lhistoire polonaise, ainsi que dans le maintien dun intérêt vif et fort pour toutes les questions concernant notre Patrie ;
c) prendre soin des intérêts généraux de lEmigration polonaise dans les domaines personnels, professionnels et du droit aux prestations sociales ;
d) établir des liens étroits entre lémigration davant-guerre et celles de la guerre ou daprès-guerre, sur la base dune confiance réciproque et dune coopération loyale au niveau social. »
Le dernier point rappelle le devoir, pour tout Polonais vivant en France, de loyauté envers lÉtat et le peuple français, et de gratitude pour la liberté de travail et de développement culturel. La déclaration se termine enfin par un appel aux autres unions à se joindre au Congrès pour le bien de lémigration, de la nation et du pays.
Les efforts du recteur Kwasny et des dirigeants catholiques ont donc abouti à la fondation dune nouvelle fédération aux effectifs assez imposants si lon sen tient au tableau suivant 867 . Elle se renforce encore par ladhésion de lUnion des Sociétés de Théâtre, présentée à la réunion du Bureau du K.P.F. le 15 juillet et entérinée par le Conseil supérieur le 23 octobre 1949 : lUnion est même acceptée en tant que membre fondateur, et son président, Jozef Maciejewski, occupe le poste de troisième vice-président prévu par lAssemblée constituante. La même remarque que celle faite à loccasion de la présentation des statistiques de lUnion des Associations catholiques polonaises, simpose ici. Il est en effet difficile de totaliser, une même personne pouvant à la fois appartenir à une société Sainte Barbe, une troupe de théâtre amateur ou un cercle de chant, être membre du K.S.M.P. et dune chorale paroissiale, dun cercle de chant et dune chorale paroissiale, adhérer à une société féminine et à une confrérie du Rosaire. Mais les jeunes du K.S.M.P. ne sont pas scouts, et réciproquement. Aussi, le total de 37 000 adhérents au Congrès est à prendre avec beaucoup de précaution ; il est sans aucun doute exagéré. Le nombre de 30 000 à 32 000 membres est vraisemblablement plus proche de la réalité.
union nombre de sections nombre de membres
Sociétés féminines 51 7 314
Sociétés de Théâtre 27 840
Cercles de Chant 22 1 670
Scoutisme Z.H.P.
masculin
féminin
cercles des amis des scouts
64
66
30
1 798
1 457
550
Veritas 200
Confréries du Rosaire 70 9 200
Sociétés catholiques dHommes polonais 100 3 500
Chorales paroissiales 28 1 200
Jeunesse catholique K.S.M.P.
féminine
masculine
80
60
3 000
2 500
Associations dEnfants 125 4 000
totaux 723 37 229
La Mission catholique et lUnion des Associations catholiques renouvellent donc lexpérience tentée en 1927 avec la fondation du Comité central des Polonais en France (Centralny Komitet Polakow C.K.P.). De fortes similitudes existent du reste entre les deux initiatives. Dans les deux cas, il sagit, pour les dirigeants catholiques, de consolider lémigration, den constituer un bloc fort et solidaire sous leur égide : le catholicisme, la religion forment le ciment de limmigration polonaise en France, sont les garants du maintien des valeurs nationales ; il est donc normal, à leurs yeux, que la direction de la vie sociale des Polonais en France soit assurée, tout au moins guidée par les organisations catholiques. Il sagit encore pour les dirigeants catholiques de soustraire lémigration à linfluence des partis politiques et des autorités gouvernementales, et donc de promouvoir un modèle daction sociale basé sur lautodétermination, lautofinancement, lindépendance à légard de toute pression extérieure. Pendant lentre-deux-guerres, la séparation entre les associations ouvertement pro-gouvernementales et les autres, les mesures de faveur dont bénéficiaient les premières, notamment dans le domaine des subventions officielles, avaient été une cause permanente de tension. La leçon du passé a été retenue : les responsables catholiques aimeraient empêcher que les questions politiques empoisonnent à nouveau la vie associative.
En créant le Comité central, les catholiques sétaient heurtés à une opposition venant de différents horizons. La plus importante émanait des autorités polonaises de la sanacja et des associations quelles subventionnaient largement (Z.R.P., Strzelec, sociétés Pilsudski, Fédération des Défenseurs de la Patrie), et qui réagirent vivement à la création du C.K.P. en construisant leur propre consolidation par le biais du Conseil dEntente puis de lUnion des Polonais. La tendance socialiste (sections polonaises de la C.G.T., F.E.P., T.U.R.) se tenait à lécart : ni les mots dordre du C.K.P., ni ceux du Conseil dEntente ne les attiraient ; et les responsables socialistes étaient considérés comme des adversaires idéologiques par la fédération catholique. Quant à la mouvance communiste (Groupes de langue polonaise du P.C.F.), elle était tout simplement ignorée par les autres groupements. Après la guerre, les clivages restent les mêmes mais avec des contours plus précis. Le mouvement communiste est devenu bien plus important avec la création du R.N.P.F. ; mais nous avons vu que la question a été assez vite tranchée en ce qui concerne le P.Z.K. : pas de compromission avec le Conseil national des Polonais en France. Le bloc catholique, dans sa tentative de grouper la partie de limmigration polonaise qui lintéresse, retrouve donc un adversaire principal représenté par le Comité central de Lutte puis lUnion centrale des Polonais où, cette fois-ci, sont réunis vaille que vaille socialistes et partisans du gouvernement en exil à Londres. Il faut cependant reconnaître quayant perdu toute représentation diplomatique en France, les influences de la sanacja, même au pouvoir à Londres, se trouvent limitées, et que les vrais animateurs du C.Z.P. sont maintenant les socialistes.
La constitution du Congrès des Polonais en France apparaît donc comme la réalisation dune ancienne ambition, dun vieux rêve nourri par la fédération catholique, tant les motivations qui laniment en 1949 sont semblables à celles de 1927. Le groupement catholique semble même être plus en mesure datteindre son objectif en 1949 quil ne létait pendant lentre-deux-guerres : la victoire finale du Conseil dEntente sur le C.K.P. en 1933 était essentiellement due à lengagement des autorités consulaires, du consul Stanislaw Kara en particulier ; maintenant le P.Z.K. et le C.Z.P. rivalisent en quelque sorte à armes égales, personne ne bénéficiant de lappui direct dune quelconque représentation diplomatique polonaise. Et le P.Z.K. ne lésine pas sur les moyens pour que le Congrès soit reconnu comme une institution de premier plan au sein de limmigration : dès la première réunion du comité directeur du K.P.F., le 15 juillet 1949 à Lens, lunion catholique propose de transmettre au Congrès tous les cours du jeudi et les classes maternelles fonctionnant sous sa responsabilité, et de lui remettre à cet effet le produit de la quête publique annuelle pour lenseignement. Le même comité directeur décide alors de placer les questions scolaires entre les mains dune Commission, dont la composition et le rôle seront précisés par le Conseil supérieur du 23 octobre 1949. Et le 1-er octobre, le K.P.F. prend officiellement en charge les cours dépendant du groupement catholique 868 . Une Commission de la Jeunesse est également créée le 15 juillet pour coordonner les activités des organisations de jeunesse, K.S.M.P. et Z.H.P., et appelle aussitôt les autres associations de jeunes à se joindre au mouvement. Enfin, le soin de la commémoration de la Constitution du 3 Mai, assurée depuis 1946 par le P.Z.K., est aussi confié au Congrès.
La création du K.P.F. représente incontestablement une victoire du mouvement catholique sur les organisations socialistes, notamment sur leurs dirigeants, membres influents du bureau du C.Z.P. Certes, celui-ci regroupe encore treize unions, dont le Sokol et les groupements dAnciens Combattants, et conserve des influences importantes au sein de la communauté polonaise par lintermédiaire des Comités des Associations locales. Mais il subit quand même un revers cinglant : sa situation financière est précaire, huit unions lont quitté depuis 1945, les querelles internes des milieux politiques de Londres lont profondément marqué, il ne sest pas effondré avec la fondation du Congrès, mais il ne peut plus espérer jouer le rôle prédominant quil convoitait. Du côté du P.Z.K., on est loin cependant du succès escompté : en dehors des six unions formant le P.Z.K., et de lassociation des étudiants Veritas qui lui est affiliée, quatre autres seulement ont adhéré au Congrès. A la réunion du Conseil de la Mission catholique du 5 octobre 1949, le recteur Kwasny ne cache pas sa déception : il avait réellement espéré rassembler sous légide du Congrès la majeure partie des organisations polonaises indépendantes et anticommunistes 869 . Labbé Plutowski, son homme de confiance au cours des préparatifs, essaie bien datténuer ce sentiment de désappointement : daprès lui, la fondation du K.P.F., même de dimensions plus modestes, était nécessaire pour protéger les organisations sociales de limmigration à la fois des influences du C.Z.P. et du R.N.P.F. ; et laumônier du Congrès exprime la conviction quavec de la patience et de la prudence dans les questions politiques attitude à légard des partis politiques et position par rapport au gouvernement de Londres en particulier, le K.P.F. parviendra à rassembler les forces vives de limmigration. La fondation du K.P.F. est donc certainement laboutissement dune ancienne ambition du bloc catholique, représente aussi une victoire de celui-ci dans la lutte dinfluence qui lopposait à lUnion centrale ; mais il ne sagit, somme toute, que dun succès mitigé.
--------------------------------------------------------------------------------
CONCLUSION
Larrivée massive des travailleurs polonais en France, à la suite de la Convention relative à lémigration et à limmigration signée entre la France et la Pologne le 3 septembre 1919, est lélément déterminant qui permet déviter à la Mission catholique polonaise (Polska Misja Katolicka P.M.K.) une disparition fort vraisemblable. Fruit dun renouveau spirituel interne à la communauté des Polonais réfugiés en France après léchec de lInsurrection de Novembre, la fondation de lordre des Résurrectionnistes en 1842 a débouché sur linstallation à Paris dune mission de la congrégation, baptisée Mission catholique polonaise en 1917 pour la distinguer de son homologue militaire. Mais, après plus de soixante-dix ans dexistence, luvre sessouffle : limmigration polonaise du XIX-ème siècle, plus ou moins fortement diluée dans la société française, na plus un besoin pressant du ministère de prêtres compatriotes ; et elle est incapable détablir un contact avec les premiers ouvriers polonais arrivés dans lagriculture ou lindustrie minière en France à partir de 1909. Larrivée massive des travailleurs polonais à partir de 1920 change donc complètement la donne.
Ce facteur cependant ne serait rien sans le souci permanent de lépiscopat polonais dassurer lencadrement religieux des émigrés. Là encore, cette sollicitude des évêques à légard de ceux qui quittent les terres polonaises, plonge ses racines dans la fin du XIX-ème et le début du XX-ème siècle, au moment des vagues de départ outre-Atlantique ou même des départs saisonniers pour la Saxe. Pour concrétiser cette volonté polonaise sur le territoire français en 1920, la nécessité dun centre de coordination et de direction de la pastorale se fait vite sentir. Plutôt que de créer une entité nouvelle, on préfère sappuyer sur celle existant déjà, quitte à la tranformer au passage dinstitution française en polonaise, sans que personne ne proteste. Le Statut de la Mission polonaise, promulgué en juin 1922, lui ouvre incontestablement de nouveaux horizons, de nouvelles perspectives.
La Convention franco-polonaise de septembre 1919 règlemente donc lembauche en Pologne des candidats au travail en France. Les conditions politiques nées du Traité de Versailles de 1919 permettent aussi le recrutement dès juin 1920, en Westphalie même, douvriers mineurs optant pour la nationalité polonaise mais ne pouvant trouver du travail dans la Pologne fraîchement restaurée. Ceux-là, ouvriers qualifiés et expérimentés, sont naturellement orientés vers les bassins miniers français. Ils y arrivent avec lhabitude, acquise au cours dune longue période de domination étrangère, de devoir lutter, contre les poussées germanisatrices incessantes de ladministration allemande en particulier, pour préserver leur identité propre, culturelle, nationale et aussi religieuse. Cette lutte sexprimait régulièrement à travers un réseau dense dassociations uvrant pour le maintien du caractère polonais de leurs membres. De même en France, dans les corons avoisinant les puits de mine, apparaît, presque par habitude, une quantité impressionnante de sociétés polonaises de toute nature, transplantées pour la plupart de la région de Rhénanie Westphalie. Elles permettent la reconstitution dun milieu national polonais sur certaines parties du territoire français, et facilitent certainement ladaptation des Polonais à leur nouveau milieu de vie. Les associations catholiques ne dérogent pas à la règle : les sociétés masculines et les confréries du Rosaire sont originaires de Westphalie. Et cest tout naturellement à linitiative dune poignée de militants arrivés dAllemagne dans le Pas-de-Calais dans les concessions des Mines de Marles et de Bruay-en-Artois, que naît en novembre 1924 lUnion des Associations paroissiales polonaises (Zwiazek Polskich Towarzystw Koscielnych, Z.P.T.K.). Cette fédération des sociétés catholiques change plusieurs fois de titre ; pour simplifier, nous nutiliserons désormais que celui en vigueur actuellement, voté par lAssemblée générale de juin 1939 : Union des Associations polonaises catholiques (Polskie Zjednoczenie Katolickie, P.Z.K.).
Notre étude retrace lévolution de ces deux institutions, P.M.K. et P.Z.K., de 1919 à 1949, grâce essentiellement au dépouillement de leurs archives, ce qui navait pu être réalisé jusquà présent. Toutefois, si la vocation de la Mission catholique est dapporter lespérance du Christ à tous les catholiques polonais résidant en France, le P.Z.K. ne peut prétendre les représenter en totalité : tous ne sont pas militants de laction catholique. Comparons encore les données numériques dont nous disposons, malgré les réserves apportées à leur sujet. La structure confessionnelle de la population polonaise en France nest pas connue ; aussi, au lieu de prendre le nombre de catholiques de rite latin comme base de référence, nous sommes contraints de considérer leffectif total des Polonais en France. Ainsi, au début des années 1930, le P.Z.K. regroupe 4,17 % de la communauté polonaise en France (508 000 Polonais en France en 1931, et 21 204 adhérents au P.Z.K. en 1932) ; au milieu des années 1930, ce pourcentage passe à 6,93 % (423 000 Polonais en France en 1934, 29 310 adhérents au P.Z.K. en 1935) ; en 1948, il sélève à 6,01 % (389 395 Polonais en France, et 23 400 adhérents au P.Z.K.). Une donnée locale rend peut-être mieux compte des rapports relatifs : en 1939, le Pas-de-Calais compte 105 773 Polonais, et le doyenné Nord dénombre 19 710 membres du P.Z.K. Mais il est vrai que la région du Nord, bien desservie par un clergé polonais à demeure et par une très forte concentration de sociétés catholiques, connaît, par rapport aux autres régions de France, une situation exceptionnelle. Les pourcentages nationaux indiqués ci-dessus, à manier certes avec précaution, sont loin dêtre négligeables, et démontrent une présence réelle de laction catholique organisée parmi les Polonais de France. Mais ils indiquent aussi que celle-ci natteint pas la totalité de leffectif potentiel. Faute de pouvoir approcher lensemble des catholiques polonais en France, le choix de notre étude sest porté sur les institutions, ecclésiastique dune part et daction catholique dautre part, qui les représentaient le mieux.
--------------------------------------------------------------------------------
AU SERVICE DE DIEU ET DES HOMMES
Reprenons alors la question de savoir si ces institutions ont répondu à leur vocation. Ont-elles été fidèles à leur mission de service auprès des hommes dans lesprit de charité chrétienne ? En ce qui concerne la Mission catholique polonaise, sil faut mesurer à laune de la présence du clergé auprès des fidèles, la réponse est positive dans une certaine mesure. Les responsables de la P.M.K., relayés par des membres du collège épiscopal polonais, les primats de Pologne successifs en particulier, nont jamais ménagé leur peine pour accroître les effectifs. Laugmentation régulière du nombre de prêtres polonais en France, même sils ne sont pas tous destinés à la pastorale auprès de limmigration ouvrière, témoigne de cette volonté. Lente au cours des premières années dimplantation des travailleurs polonais en France (23 prêtres en janvier 1924, 26 en février 1926, 36 en avril 1927), la progression des effectifs saccélère ensuite : 55 prêtres au 3-ème trimestre 1932, 76 à la fin de 1939, 92 en février 1945, 139 en mars 1947. En comparant encore par rapport au total de la population polonaise en France, les ratios sélèvent à 1 prêtre pour 7 691 Polonais dans le courant des années 1930, et 1 prêtre pour 2 801 Polonais à partir de 1947 1948. Ces rapports, calculés dans labsolu, doivent être relativisés. Dune part, nous avons vu la difficulté de déterminer avec exactitude la fonction de certains prêtres, ce qui aurait permis de les classer dans la pastorale en milieu ouvrier ou non, ou encore de les faire figurer dans les rangs stricts de la P.M.K. ou plutôt dans ceux de lEglise française. Dautre part, le calcul par rapport au total national ne tient pas compte des disparités dues à la répartition inégale des aumôniers polonais entre les régions françaises. Néanmoins, même avec ces restrictions, les ratios témoignent dun effort réel. A cette présence des prêtres, il faut également ajouter celle des congrégations religieuses féminines, discrète mais souvent efficace : des surs polonaises appartenant à six congrégations différentes desservent plus de trente centres, où elles soccupent de personnes âgées, de dispensaires de soins, du catéchisme, de garderies pour enfants, de classes maternelles.
Le labeur pour les prêtres ne manque pas ; la tâche est souvent difficile. La répartition géographique des Polonais en France est liée à lemploi, après la Seconde Guerre mondiale comme pendant lentre-deux-guerres. Elle se caractérise par une forte concentration dans les grands centres industriels, dans les bassins miniers en particulier. Les moyens humains pour assurer la pastorale y sont nécessairement plus importants ; mais chaque prêtre doit sinvestir dans toutes les facettes de la vie religieuse, le plus souvent dans plusieurs localités. Les travailleurs agricoles, non moins nombreux que ceux embauchés dans les mines (16,7 % de la population active polonaise en France en 1926 contre 41,8 % dans les mines, 30,3 % dans lagriculture et 26,9 % dans les mines en 1936), sont disséminés à travers dimmenses territoires. Nous lavons constamment souligné : il y a un abîme entre le prêtre à demeure dans une cité minière, même étendant son travail aux communes avoisinantes, et celui sillonnant la campagne à la rencontre de groupes de Polonais dispersés. Il est difficile de mesurer labnégation quil a fallu aux abbés Unszlicht et Molin pendant lentre-deux-guerres, aux abbés Wiater et Dera pendant la guerre, aux abbés Skudrzyk et Pawlowski ainsi quaux pères Wladyslaw et Efrem après 1945, pour ne citer queux, pour accomplir leurs tournées missionnaires.
Pour le laïcat catholique, le piège est de se satisfaire de la seule création de la fédération P.Z.K. qui nest au début que le regroupement de sociétés locales. Pour répondre à ses buts, lunion catholique doit sinscrire dans lespace et le temps, cest-à-dire montrer sa présence dans la vie quotidienne des immigrés, partout en France si possible et constamment. Pour peser dun certain poids dans la vie associative polonaise, le P.Z.K. ne peut se contenter dexercer seulement une influence sur des zones restreintes la seule région du Nord par exemple, ou dapparaître occasionnellement ; il lui faut aussi une certaine unité dans laction, dans les prises de position, dans lélaboration des programmes. Or le risque est grand pour les sections locales, surtout pour celles éloignées du centre directionnel que constitue le Nord Pas-de-Calais, doù sont issus les membres du Bureau, où réside le secrétaire général, où se tiennent les réunions et assemblées, de se voir coupées des instances dirigeantes de la fédération, de se sentir abandonnées et alors, gagnées par le découragement, de tomber dans linaction. Le remède est de construire un réseau aux mailles serrées de sociétés à travers le territoire français, mais surtout détablir des centres intermédiaires de coordination, des courroies de transmission entre les cellules de base et le sommet de la structure ; en bref, il sagit de bâtir une assise administrative ramifiée la plus solide possible. Labondance des documents relatifs à lorganisation du mouvement dans les archives du P.Z.K. montre bien que les dirigeants catholiques ont eu une conscience aiguë de la nécessité dune telle assise. Dans une large mesure également, la création des districts (dès 1925 et 1926 pour Montceau-les-Mines, Lens, Bruay-en-Artois, Douai, Anzin Valenciennes ; au début des années 1930 pour Paris, Saint-Etienne, Metz) répond à cette nécessité. La fondation des unions spécialisées (confréries du Rosaire, sociétés masculines, jeunesse S.M.P.) entérinée par lAssemblée générale davril 1929 et, par la suite, la superposition de leurs propres structures à celle de la fédération, vont dans le même sens. En 1945, les responsables catholiques ont la même priorité réveiller dabord la structure du bas en haut de léchelle : en lespace de quelques mois, de janvier à août, se succèdent les assemblées générales des sections, des unions spécialisées et de la fédération. Vers le milieu de 1946, la réorganisation des districts du P.Z.K. est quasiment achevée.
Ainsi, les rouages administratifs, centres pastoraux doyennés districts du P.Z.K. unions spécialisées, sont en place. Mais ladministration nest quun support. La présence des institutions catholiques auprès des Polonais en France ne peut se cantonner dans le domaine purement structurel, sous peine de rester figée ; elle doit également être dynamique, génératrice daction, capable de rassembler des foules. De nombreuses activités sont proposées, presque les mêmes tout au long de la période étudiée : rassemblements catholiques, pèlerinages, missions populaires, matinées récréatives, congrès, commémorations, fêtes des districts ou des unions. Elles ont souvent un caractère de masse ; mais il sagit aussi de montrer la force dattraction du mouvement catholique, sa capacité à mobiliser les énergies, son importance numérique face aux autres composantes de la vie associative polonaise. Dans le programme dactivités, une place spéciale est réservée aux enfants et aux jeunes ; nous lavons montré en particulier avec le déploiement des actions à leur intention à partir de 1945. Cest un lieu commun daffirmer que de leur attitude dépend lavenir du groupe social dont ils sont issus. Cela est encore plus vrai dans les conditions démigration : quils rejettent les valeurs propres à leur origine ethnique et culturelle, et cest lassimilation pure et simple dans la société daccueil qui guette la communauté émigrée. Pour le mouvement catholique polonais en France jusquen 1949, lidée dun retour éventuel en Pologne nest pas totalement abandonnée : des motions de différentes assemblées générales y font référence, surtout aux conditions qui favoriseraient le retour. Il ne peut être question alors de se laisser assimiler ; et lintégration à la société française est une notion encore très floue qui napparaîtra que plus tard. Lencadrement des enfants et de la jeunesse, dans le respect des valeurs religieuses et nationales, est donc primordial.
La notion de service, daccompagnement des hommes, comporte également, pour les institutions catholiques, lobligation de se faire entendre sur les grandes questions qui touchent la communauté polonaise en France, de prendre position dans les grands domaines de sa vie sociale : la question scolaire et lengagement syndical en particulier. La position du mouvement catholique par rapport à lenseignement du polonais en France découle du même principe que celui motivant son attitude à légard des enfants et des jeunes : lécole, vecteur de transmission des traditions nationales, doit être aussi la gardienne des valeurs religieuses ; les deux fondements sont, pour les catholiques, indissolublement liés nous y reviendrons par la suite. Cest pourquoi, lengagement du clergé dans louverture des cours de polonais est total jusquen 1927. Puis, tout en maintenant son soutien à lenseignement du polonais, le mouvement catholique est contraint, entre 1930 et 1933 surtout, de défendre son point de vue face aux tendances laïques de plus en plus marquées qui apparaissent parmi les instituteurs envoyés de Pologne. Après la Seconde Guerre mondiale, la situation est encore plus critique : le bloc catholique ne peut se résigner à laisser lenseignement élémentaire du polonais aux mains des représentants du régime communiste installé à Varsovie. Mais les moyens dont il dispose pour sy opposer, sont dérisoires. Les écoles ouvertes par les congrégations religieuses ne modifient guère la situation : ce sont des écoles du niveau secondaire, et il y en a trop peu.
Comme le clergé de lentre-deux-guerres dans son ensemble, la Mission catholique polonaise condamne la pratique syndicale au sein dorganisations hostiles à la religion, et met en garde les catholiques polonais contre ladhésion à la C.G.T ou la C.G.T.U. Mais la P.M.K. ne dispose daucun argument concret pour les convaincre de ne pas sinscrire dans ces syndicats. Les ouvriers recherchent des organismes capables de défendre leurs intérêts professionnels, et la Mission catholique na aucune solution de rechange à proposer aux travailleurs. En effet, la Société des Ouvriers polonais na pas les droits dun syndicat ; et la Mission na guère confiance alors en la C.F.T.C. Que lui reste-t-il ? Le poids de son autorité morale, en multipliant les mises en garde contre la C.G.T. dans des motions adoptées par le Conseil de la Mission, lassemblée plénière des prêtres polonais, ou lassemblée générale de la fédération catholique ! Cela peut-il être suffisant pour endiguer la vague denthousiasme suscitée par le Front populaire ? Louvrier catholique polonais qui adhère alors à la C.G.T., doit se dire que ce nest pas si grave : la contrepartie est bien plus intéressante. Et nous retiendrons lextrême discrétion du mouvement catholique, à la fin des années 1930, sur la question de lengagement syndical de ses adhérents. La situation change complètement à partir de 1946, lorsque le P.Z.K. encourage ouvertement la création de sections polonaises au sein de la C.F.T.C. et incite ses militants à y adhérer. Les fruits de ce rapprochement entre le mouvement catholique polonais et la centrale syndicale chrétienne apparaîtront de manière plus éclatante encore au cours des années 1950.
--------------------------------------------------------------------------------
DES OMBRES PERMANENTES
La présence des institutions catholiques auprès des ouvriers polonais en France a donc été bien réelle. Lengagement des personnes dans leurs missions respectives ne fait pas de doute ; il serait injuste de mettre en avant quelques noms, même parmi les chefs de file, lhommage devant sétendre jusquau responsable de la plus petite section locale qui, pendant des années, au prix souvent de sacrifices personnels, est resté fidèle à ses idéaux et a fait vivre son organisation. Les dérives ou les faiblesses occasionnelles, constatées chez les uns ou les autres, nentrent pas ici en ligne de compte ; elles nont pas pesé de manière déterminante sur la destinée des institutions. Le tableau est-il donc si parfait ? Pourtant, au cours de létude, nous avons relevé un certain nombre dentraves au bon fonctionnement du mouvement catholique, dont la permanence obscurcit nettement la perspective, limpression densemble. Pouvait-on les résoudre ? La réponse nest pas simple dans tous les cas. De plus, ces difficultés nont pas pesé sur les institutions de la même manière tout au long de la période étudiée. Il ne sagit donc pas de les classer par ordre dimportance, mais den dresser une synthèse qui complètera limage du mouvement catholique polonais en France donnée au paragraphe précédent.
La première difficulté, surgie dès la phase de réorganisation de la Mission catholique polonaise et très gênante pour son action, est son statut juridique précaire, ou plutôt labsence de statut juridique précis régissant son activité. Le Statut de la Mission polonaise de juin 1922 est un texte officiel qui lie larchevêché de Paris et lépiscopat polonais : la P.M.K. devient en quelque sorte le représentant de lEglise de Pologne sur le territoire français, et une courroie de transmission entre les deux pays pour assurer lassistance religieuse aux ouvriers polonais installés en France. Même sil ne comporte aucune directive pratique pour les aumôniers sur le terrain, il ne peut être remis en question. Lautre texte important est le Règlement des aumôniers polonais de 1924. Mais, outre le fait que ce règlement ne résulte que dune entente privée entre le cardinal Dalbor primat de Pologne et le cardinal Dubois archevêque de Paris non mandaté par lépiscopat français, le droit canonique est formel : il ne peut exister de paroisse dans une paroisse. Dès lors, chacun peut linterpréter à sa guise : des adaptations du texte, plus conciliantes parfois ou plus restrictives souvent, voient le jour ici et là ; et surtout, à la base, tout dépend de laccueil réservé par le curé français à la pastorale polonaise. Le problème est aussi aigu en 1949 quen 1929. Au delà des simples querelles de personnes, au delà de la simple faiblesse humaine même laffaire dOignies-Ostricourt, aussi affligeante quelle soit, si elle nétait que le résultat dun antagonisme entre personnes, ne serait quune péripétie il y a bien une incompréhension mutuelle fondamentale : les Français mettent en avant la structure institutionnelle de lEglise, la primauté de la paroisse qui, au passage, bénéficierait dun apport substantiel de forces neuves ; les Polonais insistent sur la nécessité de préserver lexpression particulière de leur foi. Et il ny a donc pas de texte juridique reconnu qui pourrait contribuer à aplanir cette incompréhension mutuelle. Une autre législation romaine aurait-elle modifié la situation ? Les changements apportées par la constitution apostolique Exsul Familia du pape Pie XII en 1952, puis par linstruction De Pastorali Migratorum Cura du pape Paul VI en 1969, ont-ils transformé lattitude réciproque des deux communautés catholiques ? La question mérite dêtre étudiée, sachant toutefois que ces textes arrivent tard, après de nombreuses années où la mésentente et la méfiance ont eu toute liberté pour sinstaller.
Nous avons indiqué que la présence du clergé auprès des ouvriers polonais en France peut se mesurer en partie par laugmentation régulière des effectifs de la Mission catholique. Mais les réclamations des ouvriers eux-mêmes et des associations catholiques, pour avoir toujours plus de prêtres, nont jamais cessé ; il ny eut jamais suffisamment de prêtres. Leffectif relativement important de la P.M.K. après la Seconde Guerre mondiale résulte surtout de la conjoncture issue de la guerre : larrivée en France de prêtres internés dans les camps de concentration, à Dachau principalement, qui ne sont pas tous rappelés ensuite en Pologne par leurs évêques ; et lengagement beaucoup plus structuré des congrégations religieuses masculines, Oblats de Marie Immaculée et Pallottins surtout, qui décident dexercer leur activité missionnaire en France. La P.M.K. a su saisir ces opportunités : une bonnes gestion se reconnaît aussi à la capacité de profiter des occasions favorables qui se présentent.
Limpréparation des prêtres polonais au travail qui les attend en France, est un autre facteur caractéristique de la période étudiée. Comment sétonner alors que, pendant lentre-deux-guerres surtout, des prêtres, désignés par leurs évêques pour partir en France pendant deux ans, déroutés par les conditions dans lesquelles sy exerce leur sacerdoce (relations avec le clergé français, subordination supplémentaire à lévêque du diocèse où ils sont nommés par la P.M.K., dépendance souvent vis-à-vis du patronat qui les rétribue, attitude peu révérencieuse de la population locale à légard du clergé en général), sempressent de quitter la France au plus tôt ? Ce comportement ternit quand même limage de la pastorale polonaise en France. Linsuffisance et limpréparation des prêtres polonais pour le travail parmi leurs compatriotes à létranger, la France nétant en loccurrence quun exemple, expliquent la volonté tenace du cardinal primat Hlond de créer une congrégation spéciale à cet effet en 1933 : Societas Christi pro Emigrantibus. Mais lengagement de celle-ci parmi les Polonais de France ne deviendra important quaprès 1956 ; pour linstant, jusquen 1949, il se limite à quelques prêtres.
Linsuffisance numérique de la pastorale polonaise en France peut sexpliquer par le fait quaprès chacune des deux guerres mondiales, lEglise de Pologne a dû dabord se reconstituer et na disposé que dun effectif réduit pour le travail à létranger. Limpréparation de ses membres peut, elle, sexpliquer par le manque de structures adéquates. Ces deux défauts ont incontestablement pesé lourdement. Mais les responsables de la Mission catholique polonaise ny sont pour rien : ils peuvent lancer des appels à lépiscopat polonais pour lenvoi de prêtres supplémentaires, la décision revient quand même aux évêques ; et la création dun centre de préparation dépasse leur compétence. Par contre, dans ce contexte, le fait de muter fréquemment dun poste à lautre les prêtres engagés durablement dans la pastorale en France, apparaît totalement incompréhensible : les déplacements rapides daumôniers, critiqués aussi bien par les associations que par les compagnies minières, nuisent gravement à la stabilité de linstitution.
Ces obstacles nexpliquent pas à eux seuls les insuffisances de la pastorale polonaise en France. Des effectifs pléthoriques auraient-ils permis à la P.M.K. dassurer un encadrement religieux pleinement satisfaisant des ouvriers agricoles éparpillés dans la campagne française ? On peut en douter, en considérant le peu de moyens dont dispose la Mission pour subvenir aux frais de cette pastorale itinérante. Avoir le nombre suffisant de prêtres à engager dans cette forme de pastorale est une chose ; leur donner les moyens matériels pour réaliser leur tâche en est une autre : il faut bien pourtant quils aient au moins de quoi payer leur transport ! Or personne ne veut supporter financièrement cette pastorale. Il est plus facile détablir un aumônier polonais là où le patronat industriel en fait la demande et accepte de le prendre à sa charge. Cela crée aussi une dépendance supplémentaire pour le prêtre. Quil vienne à déplaire à la direction de la mine ou de lentreprise industrielle, ou que celles-ci changent dopinion à légard de la pastorale polonaise, le versement des subsides est arrêté et sa présence au sein de la colonie polonaise devient vite compromise. La nationalisation des houillères après la guerre brise cette dépendance vis-à-vis du patronat, mais transmet la charge de lentretien des prêtres sur les épaules des fidèles. La situation nest guère meilleure ; au contraire, la difficulté se généralise.
De manière générale, le manque de moyens a constamment freiné laction du mouvement catholique polonais. Certes, relativement peu de documents dans les archives sont consacrés aux questions financières ; mais tous indiquent la précarité de la situation matérielle du mouvement catholique. Les sources de financement sont aléatoires : subventions du Primat chaque fois quil le peut, subventions du gouvernement polonais de lentre-deux-guerres soumises à létat des relations entre clergé et consulats, financement des compagnies minières avec le risque dimmixtion rappelé ci-dessus, cotisations peu élevées des adhérents à la fédération catholique, rentrées au cours des manifestations devant surtout couvrir les frais dorganisation. Or les besoins sont immenses. La presse catholique a toujours souffert de son assise matérielle incertaine. Tous ont essayé de développer une activité dédition : la P.M.K. avec les journaux Polak we Francji puis Polska Wierna, les congrégations religieuses avec leurs publications propres, les associations avec le Mlode Serce des jeunes K.S.M.P. par exemple et avec leurs bulletins internes. Tous se sont heurtés au problème financier : limpression dun journal coûte cher, et les abonnements sont insuffisants. De même, faute dargent pour développer son propre réseau scolaire, le mouvement catholique ne peut, après 1945, que mener une opposition symbolique au système scolaire dirigé par Varsovie. Les cours destinés aux enfants scolarisés dans le primaire les cours du jeudi, que la fédération catholique organise dans des locaux de fortune le plus souvent, avec laide de quasi bénévoles sans grande qualification pédagogique, sont au nombre de 10 en 1946 1947 et 1947 1948, 11 en 1948 1949. Les sommes recueillies dans le cadre de la quête du Don pour linstruction polonaise en France ne permettent pas den créer plus. Cest dérisoire face à limmensité des besoins. Lexistence des cours gérés par lUnion des Associations catholiques ou par lUnion centrale des Polonais ne sert quà manifester le refus opposé par les deux organisations à la mainmise des consulats sur lenseignement polonais en France. Le P.Z.K. aurait eu besoin dun budget colossal pour fonder un dispositif autonome convenable, avec des moyens matériels adéquats et un encadrement compétent, capable déduquer les enfants dans lattachement aux traditions patriotiques et religieuses. Comme largent fait défaut, sa prise de position dans la question scolaire nest que symbolique ; quand aucune solution interne ne se présente, il ne peut quencourager les enfants, qui doivent quand même apprendre la langue, à fréquenter les cours de lUnion centrale ou même ceux des consulats. Dans ce dernier cas, les encouragements sont dautant plus vifs que linstituteur en place est connu pour son orientation favorable à la religion, ou quil ne met pas trop en avant, dans son enseignement, les thèmes liés à lidéologie marxiste recommandés par les programmes officiels.
--------------------------------------------------------------------------------
DIEU ET PATRIE
Lengagement du bloc catholique dans la vie sociale des Polonais en France a donc connu des points forts et aussi des faiblesses qui ont nui à son efficacité. Leur présentation juxtaposée a permis de dresser un tableau plus nuancé du mouvement catholique polonais. Cette image serait toutefois encore incomplète sans une réflexion finale sur les idées qui ont sous-tendu son action de 1919 à 1949. Même si elle contient une part évidente de vérité, laffirmation simpliste selon laquelle la religion catholique a été la seule source dinspiration, ne résiste pas à lanalyse, tant les interpénétrations entre sentiment religieux et sentiment national sont constamment apparues dans lattitude des deux institutions étudiées. En fait, lexpression même de la foi chez les Polonais est fortement teintée de couleurs nationales. Le caractère religieux polonais est largement mêlé déléments sans lien avec la religion, comme lhistoire du pays, les coutumes, la culture populaire, lattachement au sol natal, à la nation. Dans le contexte de lémigration, cette imbrication des sentiments nationaux et religieux est encore plus étroite. Lémigré a un rapport plus affectif, plus sentimental que rationnel, vis-à-vis des valeurs dominantes de son patrimoine, de son héritage culturel ; et il leur donne une interprétation toute personnelle, que ne peut saisir la société qui laccueille. Insistons encore sur la responsabilité de cette incompréhension dans le fait que, outre labsence de texte juridique adéquat, les rapports entre les clergés polonais et français à la base aient été souvent si délicats. La réplique de labbé Przybysz à ses confrères français, à Oignies en novembre 1941, - « Jétais Polonais avant dêtre prêtre » - est fort éloquente.
Cette dualité Dieu Patrie apparaît constamment dans laction de la fédération catholique, les motions et résolutions votées par les assemblées générales, les thèmes des sessions de formation pour les adhérents, les articles des bulletins internes, les programmes des unions spécialisées. Elle permet au mouvement catholique de traverser les périodes de crise sans problème de conscience particulier, ou de prendre des positions tranchées sur certaines questions. Lattitude du clergé polonais pendant la Seconde Guerre mondiale, par rapport à celle du clergé français, est rendue plus facile par le lien étroit entre les deux idéaux, le service de Dieu et celui de la Patrie ; il ny a pas déquivoque possible : les mandatements des évêques français prônant le loyalisme à légard du chef et du gouvernement de lEtat français, sont ignorés des catholiques polonais. Malgré les incertitudes de limmédiat après-guerre, malgré les illusions des communistes, le rejet du régime imposé à la Pologne est vite devenu total : la Pologne ne peut être que catholique ; sans Dieu, la Patrie perd de sa substance !
En corollaire de la devise Bog i Ojczyzna, sinscrit aussi dans laction du mouvement catholique le slogan Polak Katolik (Polonais Catholique) caractéristique du parti national-démocrate (Stronnictwo Narodowo-Demokratyczne, N.D.) de lentre-deux-guerres. Tout ce qui contribue à la défense du catholicisme parmi les émigrés, sert la cause nationale et, réciproquement, celle-ci se manifeste dans le maintien du caractère polonais de la religion, des formes polonaises dans lexpression extérieure de la foi. Il sagit là dune version adaptée aux conditions de lémigration du slogan cher à la N.D., selon lequel un bon Polonais ne peut être que catholique. Toutefois, cela ne transforme pas les militants catholiques polonais en partisans inconditionnels du parti national-démocrate, même sils sont effectivement perméables aux mots dordre de celui-ci : leur conscience politique nest quand même pas très développée, et ils ne connaissent certainement pas tous les aspects du programme de la N.D. Mais incontestablement, une activité est dautant plus appréciée des militants, leur apporte dautant plus de satisfaction, quelle mêle adroitement les principes nationaux et religieux : la manifestation du 25-ème anniversaire du P.Z.K. à Bruay-en-Artois en août 1949 en est, par exemple, une preuve éclatante. Une telle conception de laction correspond indubitablement au souhait des dirigeants catholiques originaires pour la plupart de Westphalie. Dans le bassin de la Ruhr, la défense de la conscience nationale polonaise et celle du caractère religieux spécifique des émigrés salliaient déjà pour bâtir un front contre la politique germanisatrice de ladministration allemande. Parfois, dans les activités, le caractère national lemporte sur le religieux ; il nest pas toujours aisé de conserver léquilibre entre le service de Dieu et celui de la Patrie.
Surtout, lidée maîtresse Dieu Patrie, la conception du Polonais Catholique, poussent sans cesse le bloc catholique, non seulement à prendre position dans tous les grands domaines de la vie sociale des Polonais en France, ce qui est légitime, mais à vouloir sassurer la suprématie dans la vie associative polonaise. Cette préoccupation apparaît dès les premières années dexistence de la fédération catholique. En janvier 1927, la Société des Ouvriers polonais lui laissant le champ libre en se retirant du Conseil supérieur des Unions et Sociétés polonaises en France, lUnion catholique remplace ce Conseil par le Comité central des Polonais (Centralny Komitet Polakow, C.K.P.). Le but est de fédérer toutes les organisations polonaises existant en France en accordant au mouvement catholique le rôle dominant. Lidée naboutit finalement pas, essentiellement parce que les autorités polonaises lancent alors leur propre action de regroupement des sociétés dans lobéissance à la politique de Varsovie : le C.K.P. est obligé de sincliner en février 1933 face au Conseil dEntente des Unions polonaises en France, et les unions catholiques sont contraintes dadhérer en décembre 1938 à lUnion des Polonais en France (Zwiazek Polakow we Francji, Z.P.F.).
Mais la guerre modifie complètement le rapport des forces au sein de cette coalition qui se veut le porte-drapeau de la lutte pour lindépendance et la souveraineté de la Pologne. Les catholiques profitent de loccasion pour sortir du Z.P.F. et ne pas participer à la formation en mai 1945 de lUnion centrale des Polonais (Centralny Zwiazek Polakow, C.Z.P.) issue justement du Z.P.F. Nous pouvons même avancer lidée que le P.Z.K. aurait de toute façon cherché à se débarasser de la tutelle du Z.P.F. : à la faveur dun changement des forces politiques en Pologne qui aurait écarté la sanacja du pouvoir, le bloc catholique aurait certainement tenté de reprendre le contrôle des associations polonaises en France. Cela aurait peut-être pris du temps ; la guerre a précipité les choses, elle ne modifie pas les aspirations du mouvement catholique, elle les met seulement entre parenthèses par la force des événements. Cette hypothèse est étayée par lénorme travail de reconstruction puis de consolidation administrative entrepris par la fédération catholique entre 1945 et 1949, et par sa volonté daccroître sa présence sur le terrain : la multiplication des manifestations, des cérémonies, des réunions, des rassemblements, réalisés avec solennité et le concours de grandes foules, vise à montrer son importance, non seulement aux yeux de ses propres adhérents pour les raffermir dans leurs convictions, mais aussi aux yeux de la communauté polonaise. Lattitude du P.Z.K. dans la question scolaire, même si elle na quune valeur symbolique, son engagement dans la promotion des sections polonaises du syndicat C.F.T.C., sa position dans les négociations avec le C.Z.P. en 1947 et 1948, accréditent également lhypothèse émise. Le P.Z.K. se veut le chef de file, le représentant, le guide des organisations polonaises en France ; pour atteindre ce but, il doit saffranchir de la tutelle du Z.P.F. et ne pas tomber sous la coupe du C.Z.P. Loccasion est donc offerte au bloc catholique de réaliser son ancienne ambition : il na sans doute jamais été question pour les responsables catholiques, entre 1945 et 1949, de rejoindre le C.Z.P. ; leurs efforts se concentrent exclusivement sur la création dune fédération où leur influence sera prépondérante. Cette entreprise est réalisée en juin 1949 avec la naissance du Congrès des Polonais en France (Kongres Polonii Francuskiej, K.P.F.).
Ainsi, lannée 1949 apparaît dans lhistoire du mouvement catholique polonais en France comme celle clôturant une période que lon pourrait qualifier dannées de fondation : refondation de la Mission catholique polonaise en 1922 1924, formation de la fédération des associations catholiques en 1924, tentative dhégémonie avec le Comité central des Polonais en 1927 achevée par lobligation dadhérer à lUnion des Polonais en France en 1938, et enfin, à la suite du refus de participer à lUnion centrale des Polonais en 1945, reprise de lidée lancée en 1927 et concrétisation par le Congrès des Polonais en France en 1949. Même si le succès de lopération en 1949 nest pas celui escompté, le but de prendre la tête dune fédération à lambition affichée de coiffer lensemble des organisations polonaises de France, est atteint par le mouvement catholique. Cela confère bien une certaine unité à la période 1919 1949.
Lannée 1949 est aussi une date charnière à un autre titre. La fin dune période, la réalisation dune ancienne ambition, placent également le bloc catholique devant de nouveaux défis. Pour renforcer lautorité du Congrès des Polonais nouvellement créé, le P.Z.K. lui transmet la gestion de certains dossiers : la question, épineuse, de lenseignement primaire du polonais ; lorganisation de la commémoration de la Constitution du 3 Mai ; le règlement des rapports au sein des Comités locaux K.T.M. dominés souvent par les sections affiliées au C.Z.P. Avec le renforcement de la guerre froide, le Congrès va devoir aussi guider les organisations polonaises anticommunistes dans leurs relations avec les représentants officiels de Varsovie. Comment la fédération catholique va accepter ce partage des compétences et des responsabilités ? Saura-t-elle se recentrer sur laction catholique proprement dite et la formation spirituelle de ses membres, se consacrer au service de Dieu en laissant au Congrès le soin de servir la Patrie et lui donnant ainsi la possibilité de sépanouir ? Ou, au contraire, incapable de trancher entre laction religieuse et laction patriotique prioritaire, attentive au moindre écart de conduite, sera-t-elle un frein pour le Congrès, en lui conférant une empreinte idéologique trop marquée qui empêcherait le ralliement dautres organisations aux activités sans aucun lien avec la religion ? Dans la devise Dieu et Patrie, les deux termes sont sur la même ligne et réclament le même niveau dimplication ; il nest pas facile den détacher un, sans prendre le risque de perdre un peu de son âme. La question est déjà posée par labbé Plutowski dans son exposé sur la création du K.P.F., au cours de la réunion annuelle des prêtres les 6 et 7 octobre 1949 à Paris ; il répond négativement, assurant que le caractère laïc du Congrès permettra délargir le champ daction, alors que le P.Z.K. pourra fortifier son impact sur les consciences. Létude du mouvement catholique au cours des décennies suivantes devrait permettre de donner une réponse plus complète à cette question , de savoir sil a réussi à relever les défis qui se présentent à lui à la fin de 1949. Une telle étude doit cependant être élargie ; une troisième institution sest en effet ajoutée aux deux qui ont fait lobjet de notre travail : le Congrès des Polonais en France qui nest pas un mouvement répondant strictement aux critères de lAction catholique il nest pas formellement soumis à lautorité ecclésiastique, mais dont presque toutes les composantes prennent lidéal chrétien comme base de leur action.
--------------------------------------------------------------------------------
ANNEXES
--------------------------------------------------------------------------------
REGLEMENTS ET STATUTS
Règlement des aumôniers polonais, établi entre lEpiscopat Français, représenté par le Cardinal Dubois, Archevêque de Paris, assisté de Mgr Chollet, et entre lEpiscopat Polonais, représenté par le Recteur de la Mission Polonaise Catholique, le Révérend Père Szymbor Guillaume (1924)
1°- Logement des aumôniers
Les aumôniers résidents devraient être logés soit par les administrations qui les ont fait venir, soit par MM. les Curés dans la paroisse desquels ils viennent sétablir. Il ne serait pas convenable quils fussent obligés de descendre à lhôtel, et encore moins dans les maisons particulières habitées par les familles polonaises.
Les aumôniers qui passent dans les paroisses avec une mission temporaire devraient également être logés par ladministration diocésaine ou par lorganisation agricole ou autre, qui les fait venir.
2°- Juridiction
Les aumôniers ne sont pas curés et nont pas la juridiction attachée à ce titre. Dans la paroisse où ils résident, ils seront, au point de vue juridiction, considérés comme vicaires coopérateurs. Dans les paroisses où ils sont chargés par lOrdinaire dexercer leur ministère mais où ils ne résident pas, ils seront regardés comme prêtres auxiliaires chargés du service religieux des Polonais (offices religieux, administration des sacrements, catéchisme), mais sans délégation générale.
3°- Heure des offices et des cérémonies religieuses demandées par les familles
Il est de lintérêt des fidèles polonais et des fidèles français que les offices polonais aient lieu à des heures déterminées davance dun commun accord entre MM. les Curés et MM. les Aumôniers, de manière que ces offices puissent se célébrer avec toute la dignité nécessaire. Ils auront toujours lieu à lheure exacte qui a été annoncée et ils ne seront pas prolongés dune manière excessive.
Sauf dans les cas où les Polonais auraient la jouissance dune chapelle particulière, laumônier préviendra par écrit le curé, des baptêmes, mariages, services funèbres, qui doivent se célébrer dans les églises paroissiales. Il donnera des indications de nom propre et de domicile.
4°- Baptêmes
Il serait bon que les Aumôniers polonais, quand ils sont résidents, fussent appelés, autant quil sera possible, pour baptiser les enfants polonais, dans la région voisine de leur résidence. Les prêtres polonais, appelés à faire un baptême, doivent, aussitôt la cérémonie terminée, inscrire sur le registre paroissial lacte de baptême et faire signer le parrain et la marraine.
Ils peuvent tenir pour leur usage personnel un registre supplémentaire facultatif.
5°- Enseignement du catéchisme
Tous les enfants polonais de 7 à 13 ans sont tenus de suivre lenseignement du catéchisme qui leur sera donné par les Aumôniers polonais ou par les instituteurs polonais ayant la mission canonique de M. le Recteur. La durée du catéchisme préparatoire à la première communion sera de deux ans, sauf en cas dimpossibilité.
Dans les localités où les aumôniers polonais ou les instituteurs ne peuvent lassurer, le catéchisme sera fait par le clergé local.
6°- Première communion
La première communion étant une cérémonie qui doit laisser dans lesprit des parents et des enfants un souvenir durable et profond, il est à souhaiter que les premières communions solennelles des enfants polonais aient lieu séparément et que les Aumôniers polonais puissent donner eux-mêmes à leurs enfants des instructions et faire chanter des cantiques polonais. Cest la pratique habituelle des colonies françaises à létranger de faire faire par des Aumôniers français la première communion de leurs enfants.
Il est nécessaire que pour les conditions dadmission à la première communion solennelle (âge, fréquentation du catéchisme et des offices, examen préalable), les enfants polonais soient soumis au même règlement que les enfants français. Les dispenses sont réservées à lEvêché.
7°- Saluts du Saint Sacrement et messes polonaises
On a souvent reproché aux Aumôniers de faire chanter des chants en langue polonaise pendant le salut du Saint Sacrement et même à la place du Tantum Ergo, ainsi que pendant la liturgie de la GrandMesse. Une réponse de la S. C. des Rites aux Evêques du Brésil a reconnu en ceci un privilège pour les Aumôniers polonais.
8°- Mariages
Pour assurer la validité des mariages et pour satisfaire aux légitimes besoins religieux de la population polonaise, lAumônier polonais sera nommé coopérateur du Curé de la paroisse dans laquelle il réside. Il devra se faire déléguer pour chacun des mariages quil bénira dans les autres paroisses (Can. 1096, 1).
Quant aux bans de mariages, sil sagit dun mariage entre Français et Polonais, ou si les futurs résident tous les deux dans une paroisse où il ny a pas doffices polonais hebdomadaires, on suivra la règle commune. Si les futurs sont tous deux Polonais et résident dans une paroisse où se célèbre chaque dimanche un office polonais, il suffira que les bans soient proclamés à cet office.
Les dispenses de bans sont réservées à lOrdinaire.
9°- Registres
Il est nécessaire que les baptêmes, les mariages et les enterrements soient enregistrés dans les paroisses où ils ont lieu. Cette inscription doit se faire sur le registre paroissial aussitôt après la cérémonie. LAumônier polonais tiendra un second registre particulier en langue polonaise, et ce registre devra être remis chaque année à la Mission Catholique Polonaise à Paris.
10°- Droits
Les droits afférents à la célébration des mariages et des enterrements seront attribués à lAumônier polonais, suivant les tarifs établis pour les vicaires coopérateurs. Le tarif diocésain en vigueur pour les mariages et les funérailles est communiqué par le Curé aux intéressés.
Pour les mariages et les funérailles, à moins de conventions spéciales approuvées par lEvêché, les Aumôniers doivent remettre au Curé de la paroisse les autres droits prévus par le tarif diocésain (part de la fabrique, des employés déglise, du Curé). Les oblations volontaires faites à loccasion des baptêmes appartiennent au prêtre polonais sil a administré lui-même le Sacrement.
Les offrandes proprement dites faites à lOffertoire de la Messe appartiennent au Curé de la paroisse.
11°- Confessionnaux
Dans les églises où les Polonais ont lhabitude de se présenter pour recevoir le Sacrement de Pénitence, il serait bon quun des confessionnaux fût habituellement affecté à lAumônier polonais et portât en polonais cette inscription : confesseur polonais.
Quand il ny a quun confessionnal, le prêtre polonais pourrait y confesser à des heures déterminées au préalable avec le Curé.
12°- Cérémonies religieuses
Pour les cérémonies religieuses que font célébrer les Aumôniers polonais dans les églises françaises, une seule quête sera établie et, à moins de conventions spéciales approuvées par lEvêché, elle sera également partagée entre le Curé et lAumônier. La quête sera toujours remise à la Sacristie après lOffice. Lorsquil y aura des quêtes impérées, tout le produit de la collecte sera remis à lEvêché.
13°- Denier du Culte
MM. les Aumôniers organiseront chaque année la quête du Denier du Culte à domicile et en verseront le produit à lEvêché.
14°- Rapport annuel
Un rapport annuel sera présenté par chacun des Aumôniers polonais à lEvêché. Il rendra compte des résultats obtenus, des difficultés rencontrées et des progrès qui restent à réaliser.
--------------------------------------------------------------------------------
Directives pour les prêtres polonais en France (1925)
1°- Le prêtre volontaire doit posséder une recommandation de son Ordinaire.
2°- Il doit sadresser à Son Eminence le Cardinal à Poznan et, là, être définitivement accepté pour le travail pastoral en France. Il part en France avec un écrit de Son Eminence.
3°- Au niveau du travail pastoral, il appartient à lorganisation de la Mission catholique polonaise en France. Il entre ipso facto en son sein. En France il est soumis à lautorité du Recteur de la Mission. Il accepte le lieu et la définition de sa tâche indiqués par celui-ci. Le déplacement des prêtres polonais dun diocèse à un autre en France relève de la compétence du Recteur de la Mission ; par contre, le rappel des prêtres polonais de France se fait sur ordre du Primat après entente avec leurs Ordinaires.
4°- En France le prêtre polonais se présente dabord au Recteur de la Mission, dont il reçoit des lettres de nomination pour lOrdinaire.
5°- Avant doccuper son lieu de travail, voire avant de commencer son travail, il est obligé de se présenter à lOrdinaire du diocèse où il travaillera.
6°- Il sefforcera détablir les meilleures relations avec le clergé français local, les autorités polonaises et françaises, la direction [des établissements industriels].
7°- Il travaillera en accord avec les prescriptions du droit canonique et les statuts diocésains.
8°- Il fera raisonnablement usage des éventuelles concessions et privilèges accordés par lévêque local en faveur des prêtres polonais, et ne les négligera pas volontairement.
9°- Si lévêque local a autorisé la tenue de registres détat-civil séparés par les prêtres polonais, il les remplira en langue latine ou française, en fonction de la destination des prestations. Il tiendra les registres en 3 exemplaires, dont lun restera dans la paroisse locale, le deuxième sera envoyé chaque année à la curie épiscopale locale, et le troisième à la Mission polonaise à Paris. Il enverra les notifications de mariages aux paroisses polonaises, conformément au droit canonique.
10°- Il sappliquera avec grand soin à lenseignement du catéchisme aux enfants polonais. Il enseignera la religion lui-même ou par lintermédiaire des instituteurs (institutrices) polonais. Il examinera cependant lui-même les enfants préparés par ceux-ci. Le manuel utilisé est le catéchisme de Poznan.
11°- Il soccupera avec zèle du travail social et culturel au sein des sociétés catholiques. Il le fera non dune façon arbitraire, mais suivant les directives du Recteur de la Mission et du Secrétariat général. Il y a lieu de garder lunité dans la ligne de conduite et la solidarité dans tous les domaines du travail catholique et national.
12°- Chaque prêtre polonais prendra part aux assemblées convoquées chaque semestre par le Recteur de la Mission, à ses propres frais. Le compte rendu de lassemblée sera envoyé à Son Eminence à Poznan. Les assemblées particulières sans laccord explicite du Recteur de la Mission sont interdites.
13°- Les doyens polonais règlent les questions concernant les relations entre les prêtres polonais et lOrdinaire de la région qui leur est assignée, les autorités consulaires polonaises de la région, les autorités françaises, les directions, etc , toujours en étroite entente avec le Recteur de la Mission. Ils convoqueront au moins tous les trois mois des conférences décanales quils présideront, et enverront les comptes rendus au Recteur de la Mission au cours de la semaine suivante.
--------------------------------------------------------------------------------
Statuts de lUnion des Sociétés polonaises catholiques (Zjednoczenie Polskich Towarzystw Katolickich) (1929)
--------------------------------------------------------------------------------
STATISTIQUES RECAPITULATIVES
Lutilisation des chiffres donnés dans les tableaux récapitulatifs doit se faire en tenant compte des commentaires et remarques apportés à leur sujet dans le texte.
--------------------------------------------------------------------------------
Mission catholique polonaise
année doyenné Paris doyenné Nord doyenné
Est doyenné
Sud total
janvier 1924 9 8 2 4 23
février 1926 5 14 2 5 26
avril 1927 9 16 6 5 36
début 1930 12 20 9 8 49
milieu 1932 14 18 14 9 55
fin 1938 79
fin 1939 76
fin 1941 début 1942 21 19 4 4 48
fin 1943 22 24 3 5 54
février 1945 32 25 6 29 92
mars 1947 59 30 15 35 139
En ce qui concerne le doyenné Nord, léphémère découpage en doyenné Nord-Ouest et doyenné Nord-Est na pas été pris en compte dans la présentation précédente ; les données du tableau englobent donc les effectifs de ces deux doyennés, lorsquils existent.
De même, le tableau ne reprend pas le découpage du doyenné Sud en doyennés Centre et Sud effectué en 1946.
Les chiffres relatifs au doyenné Sud pendant les années 1941, 1942 et 1943, ne concernent que les centres pastoraux sous lautorité du siège de Paris.
--------------------------------------------------------------------------------
Union des Associations catholiques polonaises
Entre parenthèses sont donnés les nombres de sections locales.
année confréries du Rosaire sociétés masculines jeunesse féminine jeunesse masculine enfants chorale paroissiale total
1927 10 000 (96)
1928 14 500 (124)
1929 15 329 (151)
1932 21 204 (207)
1935 10 028 8 340 (117) 1 086
(28) 1 860
(28) 7 996
(65) 29 310
1937 11 848 (100) 8 500 (117) 1 300
(30) 1 500
(35) 8 102
(93) 31 250 (375)
1938 12 110 (122) 8 130 (134) 1 780
(31) 1 600
(34) 7 230 (104) 30 850 (425)
1939 11 240 (149) 8 200 (147) 1 800
(50) 2 180
(49) 7 470
(66) 30 890 (461)
1947
1949 9 200
(70) 3 500 (100) 3 000
(80) 2 500
(60) 4 000 (125) 1 200
(28) 23 400 (463)
Les données concernant les années 1947 1949 ne sont que des estimations.
--------------------------------------------------------------------------------
LISTES DES PRINCIPAUX RESPONSABLES
Recteurs de la Mission catholique polonaise (à partir de la réorganisation de 1922)
période de lentre-deux-guerres :
juin 1922 : abbé Szymbor Wilhelm.
avril 1929 : abbé Lagoda Leon.
octobre 1933 : interim de labbé Luczak Jozef à la suite du rappel de labbé Lagoda.
janvier 1934 : abbé Paulus Witold.
juillet 1937 : abbé Cegielka Franciszek.
période de la Seconde Guerre mondiale :
à Paris à partir doctobre 1940 : interim de labbé Wedzioch Czeslaw à la suite de larrestation et de la déportation de labbé Cegielka.
Centre pastoral polonais pour le Midi de la France :
octobre 1940 mai 1943 : abbé Rogaczewski Wojciech (à Lyon).
juillet 1943 fin 1944 : abbé Kubsz Karol (à Aix-les-Bains).
période 1945 1949 :
jusque juin 1945 : suite de linterim de labbé Wedzioch Czeslaw.
juin 1945 septembre 1947 : abbé Cegielka Franciszek.
septembre novembre 1947 : interim de labbé Wedzioch Czeslaw à la suite de la démission de labbé Cegielka.
novembre 1947 : abbé Kwasny Kazimierz.
Union des Associations catholiques polonaises (Z.P.T.K., puis P.Z.K.)
composition du Bureau :
1 novembre 1924 : Szambelanczyk Jan, Zimny Jan, Kubiak Franciszek.
5 avril 1925 : Szambelanczyk Jan, Kubiak Franciszek, Cieslik Franciszek.
24 mars 1927 : Szambelanczyk Jan, Rakowski Feliks, Cieslik Franciszek.
21 avril 1929 : Szambelanczyk Jan, Rakowski Feliks, Ratajczak Franciszek.
1 mai 1932 : Siakowski Stanislaw, Rakowski Feliks, Ratajczak Franciszek.
27 octobre 1935 : Michalak Jozef, Rakowski Feliks, Ratajczak Franciszek.
10 octobre 1937 : interim du vice-président Siakowski Stanislaw à la suite de la démission de J. Michalak.
4 juin 1939 : Ratajczak Franciszek, Rakowski Feliks, Ambrozy Alojzy.
26 août 1945 : Szambelanczyk Jan, Rakowski Feliks, Ambrozy Alojzy.
19 septembre 1948 : Szambelanczyk Jan, Pogodala Hubert, Ambrozy Alojzy.
secrétaires généraux :
1 novembre 1924 : abbé Samulski.
8 février 1925 : abbé Gorgolewski Jozef.
13 juin 1926 : abbé Garstecki Czeslaw.
28 octobre 1934 : abbé Krzysztofik Seweryn.
septembre 1936 : abbé Januszczak Mieczyslaw.
décembre 1938 : interim de labbé Plutowski Leon à la suite du retour en Pologne de labbé Januszczak.
1939 : abbé Plutowski Leon.
13 décembre 1944 (nomination officielle le 22 janvier 1945) : abbé Nosal Alojzy.
mai 1946 : interim de labbé Januszczak Mieczyslaw à la suite de la démission de labbé Nosal.
1 octobre 1946 : abbé Plutowski Leon.
1 mai 1948 : abbé Gutowski Marian nommé secrétaire adjoint.
juin 1949 (nomination officielle en septembre 1949) : abbé Gutowski Marian.
secrétaire administratif :
début 1946 : Rudowski Leonard.
Union des Confréries du Rosaire (Zwiazek Bractw Zywego Rozanca)
composition du Bureau :
29 mai 1929 : Witkowska Stanislawa, Szypura Antonina.
fin 1936 : Witkowska Stanislawa, Szypura Antonina, Slaska Maria.
7 août 1945 : Witkowska Stanislawa, Szypura Antonina, Bruzi Anna.
25 septembre 1949 : Witkowska Stanislawa, Szypura Antonina, Lepczynska Gertruda.
directeurs :
10 mai 1934 : abbé Sawicki Antoni.
27 septembre 1936 : abbé Szewczyk Antoni.
1 mars 1948 : abbé Majchrzak Antoni.
Union des Sociétés masculines (Zwiazek Towarzystw Meskich) puis, à partir de 1938, Union des Sociétés catholiques dHommes polonais (Zwiazek Katolickich Stowarzyszen Mezow Polskich)
composition du Bureau :
15 mars 1931 : Siakowski Stanislaw, Rakowski Feliks.
1934 : Ratajczak Franciszek, Rakowski Feliks.
26 mars 1939 : Ratajczak Franciszek, Rakowski Feliks, Tomczak Leon.
12 août 1945 : Ratajczak Franciszek, Rakowski Feliks, Michalak Jozef.
20 juin 1948 : Ratajczak Franciszek, Rakowski Feliks, Maciejewski Franciszek.
directeurs :
10 mai 1934 : abbé Glapiak Jan.
5 mars 1938 : abbé Jagla Franciszek.
Union des Associations de la Jeunesse polonaise féminine (Zwiazek Stowarzyszen Mlodziezy Polskiej Zenskiej) puis, à partir de 1935, Union des Associations catholiques de la Jeunesse polonaise féminine (Zwiazek Katolickich Stowarzyszen Mlodziezy Polskiej Zenskiej)
composition du Bureau :
6 avril 1930 : Morawska Marta, Grzeszczyk Stanislawa.
1 mai 1932 : Grzeszczyk Stanislawa, Oleksza Maria.
fin 1933 ou début 1934 : Durczynska Teresa, Nowak Klementyna, Bemke Marta.
avant 1938 : Durczynska Teresa, Sieszchula Helena, Olejniczak.
24 avril 1938 : Durczynska Teresa, Majchrzak Irena, Kubas Maria.
début 1939 : Majchrzak Irena, Walkowiak Jadwiga, Welnowska Halina.
7 janvier 1945 : interim de Durczynska Teresa.
5 août 1945 : Durczynska Teresa, Kazmierczak Maria, Lapinska Irena.
8 décembre 1946 : Durczynska Teresa, Blerick Stefania, Kreslak Janina.
20 mars 1949 : Szymanska Jozefa, Wolska Krystyna, Czerwinska Helena.
directeurs :
10 mai 1934 : abbé Gielec Emil.
1 mars 1938 : abbé Plutowski Leon.
13 décembre 1944 (22 janvier 1945) : abbé Nosal Alojzy.
1 juillet 1945 : abbé Januszczak Mieczyslaw.
15 janvier 1948 : abbé Stolarek Konrad.
Union des Associations de la Jeunesse polonaise masculine (Zwiazek Stowarzyszen Mlodziezy Polskiej Meskiej) puis, à partir de 1935, Union des Associations catholiques de la Jeunesse polonaise masculine (Zwiazek Katolickich Stowarzyszen Mlodziezy Polskiej Meskiej)
composition du Bureau :
6 avril 1930 : Kotlarz Franciszek, Fucks Jozef.
1 mai 1932 : Fucks Jozef, Cebulski Roman.
5 novembre 1933 : Fucks Jozef, Broniarz Stanislaw, Mroz.
10 février 1935 : Kubala Florjan, Broniarz Stanislaw, Milczynski Ignacy.
23 février 1936 : Ambrozy Alojzy, Broniarz Stanislaw, Bartkowiak Wojciech.
26 février 1939 : Ambrozy Alojzy, Dabkowski Karol, Majcherek Kazimierz.
7 janvier 1945 : interim de Majcherek Kazimierz.
12 août 1945 : Ambrozy Alojzy, Wieczorek Marian, Majcherek Kazimierz.
28 décembre 1947 : Ambrozy Alojzy, Idziorek Marian, Hudziak Stanislaw.
27 mars 1949 : Szambelanczyk Boleslaw, Baranowski Franciszek, Hudziak Stanislaw.
directeurs :
1 mars 1933 : abbé Jakubczak Albin.
25 avril 1934 : abbé Stefaniak Stanislaw.
octobre 1934 : abbé Januszczak Mieczyslaw.
27 septembre 1936 : abbé Plutowski Leon.
13 décembre 1944 (22 janvier 1945) : abbé Nosal Alojzy.
1 juillet 1945 : abbé Januszczak Mieczyslaw.
15 janvier 1948 : abbé Stolarek Konrad.
Union des Associations dEnfants polonais (Zwiazek Stowarzyszen Dzieci Polskich) puis, à partir de 1946, Union des Croisades et Patronages polonais (Katolicki Zwiazek Dziatwy Polskiej)
directeurs :
19 avril 1932 : abbé Paciorek Jozef (secrétaire : abbé Makulec Ludwik).
septembre 1935 : abbé Makulec Ludwik.
août 1945 : abbé Makulec Ludwik (secrétaire et responsable pour le Nord : abbé Obarski Jan).
1 janvier 1947 : abbé Wiater Bronislaw.
1948 : abbé Oramowski Piotr.
Union des Chorales paroissiales polonaises (Zwiazek Polskich Chorow Koscielnych)
composition du Bureau :
5 août 1945 : Majcherek Kazimierz, Goj Robert, Salamon Feliks.
10 avril 1949 : Wisniewski Roman, Salamon Feliks, Matuszak Franciszek.
directeurs :
5 août 1945 : abbé Mizgalski Gerard.
1 septembre 1946 : abbé Wahrol Franciszek.
août 1948 : abbé Stefaniak Stanislaw (congrégation de la Sainte Famille).
Société des Ouvriers agricoles polonais (Zwiazek Polskich Robotnikow Rolnych)
directeur :
10 mai 1934 : abbé Malecki Feliks.
--------------------------------------------------------------------------------
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
ARCHIVES
Archives de lUnion des Associations catholiques polonaises en France (Archiwum Polskiego Zjednoczenia Katolickiego we Francji A.P.Z.K.) (Hesdigneul-les-Béthune)
dossier I : période 1924 septembre 1939.
administration (secrétariat général, assemblées générales, districts, unions, invitations, questions diverses).
activités.
correspondance.
dossier II : période octobre 1939 1944.
dossier III : période 1945 1949.
affaires liées à lUnion centrale des Polonais (Comité central de Lutte, assemblée de lémigration tentatives de fusion entre le P.Z.K. et le C.Z.P., actions communes du P.Z.K. et du C.Z.P., questions diverses, Union mondiale des Polonais à lEtranger).
administration (composition des bureaux nominations des directeurs, réunions assemblées communiqués, réorganisation de 1945, districts, unions).
activités (commémorations du 3 Mai, rassemblement à Bruay en 1949, divers).
correspondance (Mission catholique polonaise, invitations, membres du Bureau, syndicat C.F.T.C., divers).
Archives de la Mission catholique polonaise en France (Archiwum Polskiej Misji Katolickiej we Francji A.P.M.K.) (Paris)
dossier H II : Conseil de la Mission, Assemblées des prêtres polonais en France.
dossier H IV : Réunions décanales.
dossier E I : Union des Associations catholiques polonaises (à partir de 1947).
dossier F XV : assemblée des prêtres polonais à Clamart le 9 novembre 1945.
Archives de la Paroisse polonaise à Paris (Archiwum Polskiej Parafii w Paryzu A.P.P.P.)
dossier Makiela 1929 1931.
dossier Makulec 1937 1941.
dossier Makulec 1944 1945.
dossier Makulec 1946.
dossier Listes des prêtres polonais en France.
Archives des Actes nouveaux (Archiwum Akt Nowych A.A.N.) (Varsovie)
Ministère des Affaires étrangères (série M.S.Z.) Département politique et économique Service des Relations avec lOuest :
dossiers M.S.Z. 3951, 3994, 4007.
Ministère des Affaires étrangères (série M.S.Z.) Département consulaire Service des Polonais à lEtranger :
données générales sur lémigration : dossiers M.S.Z. 10449, 10450, 10451, 10452, 10453, 10454, 10455, 10456, 10780, 11284.
réactions de lémigration aux affaires de Brzesc et de la Silésie de Cieszyn : dossiers M.S.Z. 10368, 10436.
organisations polonaises en France : dossiers M.S.Z. 10332, 10825, 10827, 10828, 10829, 10830, 10831, 10832, 10834, 10920, 10922, 10923
clergé polonais en France : dossiers M.S.Z. 11048, 11049, 11050, 11051, 11052, 11062, 11063.
presse polonaise en France (Polak we Francji) : dossier M.S.Z. 10993.
jeunesse polonaise en France : dossiers M.S.Z. 9774, 10330, 11191, 11198.
enseignement polonais en France : dossiers M.S.Z. 9773, 10641, 10642, 10644, 10651, 10652, 10657, 10662.
uvres de protection : dossiers M.S.Z. 11152, 11153, 11155, 11156, 11180, 11181.
réunions des consuls polonais en France : dossiers M.S.Z. 11413.
Ambassade de Pologne à Paris (série A.P.) :
dossiers A.P. 282, 283, 284, 285, 317, 353 (concernant essentiellement les réunions des consuls polonais en France et les relations avec le clergé).
Consulat de Pologne à Marseille (série K.M.) :
organisation de la pastorale polonaise en France : dossiers K.M. 413, 414, 415, 416, 417, 418.
organisation de la Croix Rouge polonaise et du Groupement dAssistance aux Polonais en France : dossiers K.M. 915, 916.
Consulat honoraire de Pologne à Monaco (série K.H.M.) :
manifestations en lhonneur de la Pologne : dossier K.H.M. 63.
uvre de Protection polonaise à Paris (série O.P.P.) :
dossier O.P.P. 2.
Union mondiale des Polonais à lEtranger (série S.Z.P.Z.Z.) :
organisation et activités de lUnion mondiale : dossiers S.Z.P.Z.Z. 337, 371, 421.
Archives historiques du Diocèse de Lille (A.H.D.L.)
3 K 8212 1-er dossier : Migrants, Mission polonaise.
3 K 8212 2-ème dossier : Pologne.
4 D 263 : Ostricourt Saint Vaast.
4 D 264 : Ostricourt Saint Jacques.
4 F 263 : Ostricourt Saint Vaast.
Archives départementales du Nord (A.D.N.) (Lille)
série M :
M 149/162 : sociétés détrangers 1939 1940.
M 208/135 : Polonais 1910 1939.
série W :
rapports de police sur lactivité des étrangers de 1944 à décembre 1946 : 28 W 38417-6, 28 W 38417-7, 28 W 38450-1, 28 W 38452-6, 28 W 38455-10, 28 W 38456-6, 28 W 38457-25.
rapports de police sur lactivité des étrangers en 1947 : 30 W 38629-14, 30 W 38631-16, 30 W 38632-4, 30 W 38634-15.
manifestations tenues par les associations étrangères en 1947 : 35 W 38822-3.
rapports des Renseignements généraux sur les activités des associations de Polonais (décembre 1944 janvier 1947) : 42 W 39344-1.
Archives départementales du Pas-de-Calais (A.D.P.d.C.) (Dainville)
série M :
M 3229 : groupement de main duvre étrangère (1925).
M 3230 :rapatriement des Polonais (1945 1947).
M 3232 et M 3233 : rapports de police sur les organisations polonaises (1946 1947).
M 3234 : rapports de police sur les sociétés catholiques polonaises (1945 1947).
M 3236 : rapports de police sur les associations polonaises (Union centrale des Polonais) (1945 1947).
série 1 Z (sous-préfecture de Béthune) :
1 Z 463 : vie politique (émigration polonaise).
1 Z 469 : diverses questions polonaises (surtout Congrès des Polonais en France, et associations de la jeunesse catholique).
REGISTRES DES ASSOCIATIONS
Registre des délibérations de lUnion des Associations catholiques polonaises (Z.P.T.K.), novembre 1924 juin 1939, 200 p.
Registre des délibérations de lUnion des Associations catholiques de la Jeunesse polonaise masculine (K.S.M.P.m.), pp. 1 à 110 pour les années 1930 1949.
SOURCES IMPRIMEES
Recueil juridique
Journal officiel de la République française, avril juin 1939.
Journaux
(numéros consultés à des dates-clés ou pour des périodes déterminées)
Glos Katolicki (La Voix catholique), Paris, à partir de 1959.
La Croix du Nord, Lille, 1946 1949.
La Voix du Nord, Lille, 1946 1949.
Narodowiec (Le Nationaliste), Lens, à partir de 1924.
Nord-Eclair, Lille, 1946 1949.
Polak we Francji (Le Polonais en France), Paris, 1924 1937.
Polska Wierna (La Pologne fidèle), Paris, 1945 1949.
Wiarus Polski (Le vieux Brave polonais), Lille, 1924 1939.
Revues
LEtranger catholique en France, 1926 1931.
Mlode Serce (Cur jeune), décembre 1946 1953.
Rycerzyk (Le petit Croisé), décembre 1944 1949.
Kalendarz dla Polakow na Emigracji rok 1946 (Almanach pour les Polonais en émigration année 1946). Paris, édition du journal Sztandar Polski (LEtendard polonais), 128 p.
Kalendarz wychodzczy Orbisu na rok 1933 (Almanach pour lémigration de Orbis année 1933), 210 p.
Kalendarz wychodzczy Orbisu na rok 1934 (Almanach pour lémigration de Orbis année 1934), 180 p.
Rocznik Archidiecezji poznanskiej na rok Tysiaclecia 1968 (Annuaire de larchidiocèse de Poznan pour lannée du Millénaire 1968).
Wojenny Rocznik Emigracji polskiej we Francji (Almanach de guerre pour lémigration polonaise en France) 1939 1944. Lyon, édition Wolna Polska, 1945, 126 p.
Brochures
Biuletyn (Bulletin) 1949 1953. Lens, Congrès des Polonais en France à loccasion de lassemblée générale du 11 novembre 1953, 22 p.
Duszpasterstwo polskie we Francji styczen 1946 (Le clergé polonais en France janvier 1946). Paris, Mission catholique polonaise, 16 p.
Duszpasterstwo polskie we Francji (Le clergé polonais en France) 1947. Paris, Mission catholique polonaise, 16 p.
Jednodniowka (LEphéméride). Lens, Union indépendante des Instituteurs polonais (N.Z.N.P.), 1955, 32 p.
Jubileusz Polskiego Zjednoczenia Katolickiego (Le jubilé de lUnion des Associations catholiques polonaise). Hesdigneul-les-Béthune, P.Z.K., 1974, 43 p.
MULLER (Bronislas), Lhistorique de la Mission catholique polonaise en France. Paris, édition du journal Polak we Francji (Le Polonais en France), 1936, 7 p.
Pamietnik wydany z okazji 10-lecia Zwiazku Towarzystw Kobiecych we Francji (Journal souvenir édité à loccasion du 10-ème anniversaire de lUnion des Sociétés féminines en France) 1926 1936. Lille, 1936, 112 p.
Rocznik Rady Porozumiewawczej Zwiazkow Polskich we Francji (Annuaire du Conseil dEntente des Unions polonaises en France). Lille, décembre 1935, 84 p.
Rocznik Rady Porozumiewawczej Zwiazkow Polskich we Francji (Annuaire du Conseil dEntente des Unions polonaises en France). Lille, décembre 1937, 120 p.
Wskazowki dla wychodzcow do Francji (Instructions pour les émigrants en France). Varsovie, Urzad Emigracyjny, 1930, 113 p.
Z kagancem oswiaty (Avec la torchère de linstruction). Paris, Union indépendante des Instituteurs polonais (N.Z.N.P.), 1968, 40 p.
BIBLIOGRAPHIE
Livres
sous la direction de BAKALARZ (Jozef), DZWONKOWSKI (Roman), KRAPIEC (Mieczyslaw), NADOLNY (Anastazy), TARAS (Piotr), TUROWSKI (Jan), Dzialalnosc meskich zgromadzen zakonnych wsrod Polonii (Lactivité des congrégations religieuses masculines au sein de la communauté polonaise à létranger). Lublin, R.W. Katolicki Uniwersytet Lubelski, 1982, 602 p.
BEAUVOIS (Daniel), Histoire de la Pologne. Paris, Hachette, collection Nations dEurope, 1995, 460 p.
BEAUVOIS (Yves), Les Relations franco-polonaises pendant la drôle de guerre. Paris, LHarmattan, 1989, 173 p.
BERLIK (Florian), Historia Towarzystwa Chrystusowego dla Wychodzcow (Histoire de la Société du Christ pour les émigrés) 1932 1939. Poznan, Towarzystwo Chrystusowe dla Polonii zagranicznej, 1987, 330 p.
CEGIELKA (Franciszek), Szlakiem tulaczy (Sur la piste du errant). Varsovie, Wydawnictwo Ksiezy Pallotynow, 1934, 152 p.
DUQUESNE (Jacques), Les catholiques français sous loccupation. Paris, éd. Bernard Grasset, 1966, 477 p.
DZWONKOWSKI (Roman), Polska opieka religijna we Francji (Lassistance religieuse polonaise en France) 1909 1939. Poznan Varsovie, Pallottinum, 1988, 334 p.
FLORENTIN (Eddy), Stalingrad en Normandie. Paris, Presses de la Cité, 1965, 391 p.
GARCON (Gabriel), La radio française parle le polonais. Lille, Le Rayonnement culturel polonais, 1991, 169 p.
GNIEWINSKA (K.), Zarys dzialalnosci Opieki Polskiej w Paryzu (Aperçu de lactivité de lOeuvre de Protection polonaise à Paris). Paris, Drukarnia Polska, 1929, 30 p.
GOGLUSKA (Stanislaw), Szkola polska na Batignolles (LEcole polonaise des Batignolles) 1842 1963. Varsovie, Interpress, 1972, 102 p.
GOGOLEWSKI (Edmond), La Langue polonaise dans lenseignement élémentaire et secondaire en France (1833 1990). Lille, Centre dEtude de la Culture polonaise de lUniversité Charles de Gaulle, 1995, 335 p.
GOGOLEWSKI (Edmond), La Pologne et les Polonais dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale. Villeneuve dAscq, Presses universitaires du Septentrion, 1996, 265 p.
GRUSZYNSKI (Jan), Spolecznosc polska we Francji (La communauté polonaise en France) 1918 1978. Varsovie, Panstwowe Wydawnictwo Naukowe, 1981, 314 p.
JACEWICZ (Wiktor) et WOS (Jan), Martyrologium polskiego duchowienstwa rzymskokatolickiego pod okupacja hitlerowska (Martyrologe du clergé catholique romain sous loccupation hitlérienne). Varsovie, Akademia Teologii Katolickiej, tome 2 1977, tome 3 1978, tome 4 1978, tome 5 1981.
JANOWSKA (Halina), Polska emigracja zarobkowa we Francji (Lémigration ouvrière polonaise en France) 1919 1939. Varsovie, Ksiazka i Wiedza, 1964, 318 p.
KALINOWSKI (Piotr), Emigracja polska we Francji w sluzbie dla Polski i Francji (Lémigration polonaise en France au service de la Pologne et de la France) 1939 1945. Paris, Librairie polonaise, 1970, 72 p.
KERSTEN (Krystyna), Rok pierwszy (Lan un). Varsovie, Wydawnictwa Szkolne i Pedagogiczne, série Dzieje P.R.L., 1993, 103 p.
sous la direction de KLOCZOWSKI (Jerzy), Histoire religieuse de la Pologne. Paris, Le Centurion, collection Chrétiens dans lhistoire, 1987, 640 p.
KOLODZIEJ (Bernard), Dzieje Towarzystwa Chrystusowego dla Wychodzcow (Histoire de la Société du Christ pour les Emigrés) 1939 1948. Poznan, Towarzystwo Chrystusowe dla Polonii Zagranicznej, 1983, 290 p.
KOZIEROWSKA (Urszula), Oni zgineli za Francje (Ils sont morts pour la France). Varsovie, Wydawnictwo Sport i Turystyka, 1978, 119 p.
KOZLOWSKI (Jerzy), Rozwoj organizacji spoleczno-narodowych wychodzstwa polskiego w Niemczech (Le développement des organisations sociales et nationales au sein de lémigration polonaise en Allemagne) 1870 1914. Wroclaw Varsovie Cracovie Gdansk Lodz, Wydawnictwo P.A.N. Zaklad narodowy im. Ossolinskich, Biblioteka polonijna 18, 1987, 288 p.
KUDLIKOWSKI (Helena et Jozef), Przebyta droga (Le chemin parcouru). Lens, Association nationale culturelle franco-polonaise, 1986, 192 p.
LATREILLE (André), De Gaulle, la libération et lEglise catholique. Paris, Les Editions du Cerf, 1978, 147 p.
LAUNAY (Michel), La C.F.T.C., origines et développement (1919 1940). Paris, Publications de la Sorbonne, 1986, 486 p.
LHOPITALIER, Armia polska we Francji (Larmée polonaise en France). Paris, Union française des Associations dAnciens Combattants, 1962, 132 p.
LEPKOWSKI (Tadeusz), Wolna szkola polska w okupowanej Francji (Une école polonaise libre dans la France occupée). Varsovie, Panstwowe Wydawnictwo Naukowe, 1990, 321 p.
MAJ (Kazimiera), Polscy komunisci we Francji (Les communistes polonais en France) 1919 1946. Varsovie, Ksiazka i Wiedza, 1971, 346 p.
MARKIEWICZ (Wladyslaw), Przeobrazenia swiadomosci narodowej reemigrantow polskich z Francji (Les transformations dans la conscience nationale des Polonais rapatriés de France). Poznan, Wydawnictwo Poznanskie, 1960, 252 p.
MIHOUT (Mylène), Un militant syndicaliste franco-polonais. La vie errante de Thomas Olszanski (1886 1959). Lille, Presses Universitaires de Lille, 1993, 395 p.
MURZYNOWSKA (Krystyna), Polskie wychodzstwo zarobkowe w zaglebiu Ruhry w latach 1880 1914 (Lémigration ouvrière polonaise dans le bassin de la Ruhr au cours des années 1880 1914). Wroclaw Varsovie Cracovie Gdansk, Wydawnictwo P.A.N. Zaklad narodowy im. Ossolinskich, 1972, 279 p.
PACZKOWSKI (Andrzej), Prasa i spolecznosc polska we Francji (La presse et la communauté polonaise en France) 1920 1940. Wroclaw Varsovie Cracovie Gdansk, Wydawnictwo P.A.N. Zaklad narodowy im. Ossolinskich, Biblioteka polonijna 5, 1979, 243 p.
PACZKOWSKI (Andrzej), Zdobycie wladzy (La conquête du pouvoir) 1945 1947. Varsovie, Wydawnictwa Szkolne i Pedagogiczne, série Dzieje P.R.L., 1993, 87 p.
PIELORZ (Jozef), Les Oblats polonais dans le monde. Rome, Maison générale des Oblats, 1971, 254 p.
PONTY (Janine), Polonais méconnus, Histoire des travailleurs immigrés en France dans lentre-deux-guerres. Paris, Publications de la Sorbonne, 1988, 474 p.
ROSZKOWSKI (Wojciech), Historia Polski (Histoire de la Pologne) 1914 1990. Varsovie, Panstwowe Wydawnictwo Naukowe, 1992, 440 p.
ROZWADOWSKI (Jan), Emigracja polska we Francji (Lémigration polonaise en France). La Madeleine lez Lille, Wydawnictwo Polskiego Uniwersytetu Robotniczego, 1927, 304 p.
RUTKOWSKI (Krzysztof), Stos dla Adama (Un bûcher pour Adam). Varsovie, Bellona, 1994, 235 p.
TOPOLSKI (Jerzy), Polska dwudziestego wieku (La Pologne du XX-ème siècle) 1914 1994. Poznan, Wydawnictwo Poznanskie, 1994, 238 p.
TURAJCZYK (Leon), Spoleczno-polityczne organizacje polskie we Francji (Les organisations sociales et politiques polonaises en France) 1944 1948. Varsovie, Ksiazka i Wiedza, 1978, 392 p.
WLOSZCZEWSKI (Stefan), Zaslugi wychodztwa polskiego we Francji wobec Polski (Les services rendus par lémigration polonaise en France à la Pologne). Paris Lille, Conseil dEntente des Unions polonaises en France, 1938, 104 p.
WYRWA (Tadeusz), La résistance polonaise et la politique en Europe. Paris, édition France-Empire, 1983, 590 p.
ZABIELLO (Stanislaw), Na posterunku we Francji (Au poste en France). Varsovie, Pax, 1967, 306 p.
ZAMOYSKI (Jan), Polacy w ruchu oporu we Francji (Les Polonais dans la résistance en France) 1940 1945. Wroclaw Varsovie, Cracovie Gdansk, Zaklad narodowy im. Ossolinskich, 1975, 415 p.
Articles
BAKALARZ (Jozef), Stan prawny polonijnych placowek duszpasterskich (La situation juridique des centres pastoraux polonais à létranger). Studia Polonijne, Lublin, Towarzystwo Naukowe K.U.L., tome 3, 1979, pp. 61 77.
BAKALARZ (Jozef), Polskie modlitewniki na emigracji (Les livres de prières polonais en émigration). Studia Polonijne, Lublin, Towarzystwo Naukowe K.U.L., tome 4, 1981, pp. 213 227.
BERLIK (Florian), Opieka Polska nad Rodakami na Obczyznie (La Protection polonaise pour les Compatriotes à lEtranger). Migrant Echo, San Francisco, VII n° 1, janvier avril 1978, pp. 49 61.
BERLIK (Florian), Chrystusowcy we Francji (Les Sociétaires du Christ en France) 1936 1977. Migrant Echo, San Francisco, VIII n° 1, janvier avril 1979, pp. 54 61 ; VIII n° 2, mai août 1979, pp. 113 126 ; VIII n° 3, septembre décembre 1979, pp. 179 185.
BONNET (Jean-Charles), La vie religieuse des catholiques polonais du bassin stéphanois dans lentre-deux-guerres. Bulletin du Centre dHistoire régionale de lUniversité de Saint-Etienne, 1977, n° 1, pp. 15 39.
CAUDRON (A.), Démocrates chrétiens de la région du Nord dans la résistance, dans Actes du colloque Eglises et chrétiens pendant la Seconde Guerre mondiale dans le Nord Pas-de-Calais. Revue du Nord, Lille, Université de Lille III, tome LX, n° 238, juillet septembre 1978, pp. 589 628.
CLAUDE (Hubert), La hiérarchie catholique, le gouvernement de Vichy et loccupant, dans la zone réservée, dans Actes du colloque Eglises et chrétiens pendant la Seconde Guerre mondiale dans le Nord Pas-de-Calais. Revue du Nord, Lille, Université de Lille III, tome LX, n° 237, avril juin 1978, pp. 253 285.
DE CHANTAL DYLEWSKA (Maria), Dzialalnosc Zgromadzenia Siostr Nazaretanek w srodowiskach polonijnych (Lactivité de la Congrégation des Surs de Nazareth dans les milieux polonais) 1945 1975. Studia Polonijne, Lublin, Towarzystwo Naukowe K.U.L., tome 3, 1979, pp. 349 367.
DZWONKOWSKI (Roman), Przemiany polskiej parafii w Polnocnej Francji, Studium historyczno-socjologiczne parafii w Oignies (Les transformations dune paroisse polonaise dans le Nord de la France, Etude socio-historique de la paroisse dOignies) 1922 1972. Studia Polonijne, Lublin, Towarzystwo Naukowe K.U.L., tome 1, 1976, pp. 27 83.
DZWONKOWSKI (Roman), Status prawny Polonii francuskiej (Le statut juridique de la communauté polonaise en France). Przeglad Zachodni, Poznan, Instytut Zachodni w Poznaniu, XXXV n° 2, mars avril 1979, pp. 112 120.
DZWONKOWSKI (Roman), Geneza i rola przywodczej grupy spolecznej w historii polskiej emigracji zarobkowej we Francji (La genèse et le rôle du groupe social dominant dans lhistoire de lémigration ouvrière polonaise en France) 1920 1945. Przeglad Polonijny, Wroclaw Varsovie Cracovie Gdansk, Wydawnictwo P.A.N. Zaklad narodowy im. Ossolinskich, V n° 3, 1979, pp. 69 82.
DZWONKOWSKI (Roman), Szkolnictwo polskie we Francji w czasie Drugiej Wojny swiatowej (Lenseignement polonais en France pendant la Seconde Guerre mondiale). Studia Polonijne, Lublin, Towarzystwo Naukowe K.U.L., tome 4, 1981, pp. 187 199.
DZWONKOWSKI (Roman), Szkolnictwo polonijne we Francji po Drugiej Wojnie swiatowej (Lenseignement polonais en France après la Seconde Guerre mondiale). Studia Polonijne, Lublin, Towarzystwo Naukowe K.U.L., tome 7, 1983, pp. 183 205.
DZWONKOWSKI (Roman), Etat des recherches sur la vie religieuse des Polonais en France (1919 1980), dans Les contacts religieux franco-polonais du Moyen-Age à nos jours. Paris, Editions du Dialogue, 1985, pp. 549 557.
DZWONKOWSKI (Roman), Organizacja i struktura polskiej opieki religijnej we Francji a rozmieszczenie Polonii francuskiej (Lorganisation et la structure de lassistance religieuse polonaise, et la répartition de la communauté polonaise en France) 1919 1985, dans Problemy rozmieszczenia ludnosci pochodzenia polskiego we Francji (Les problèmes de la répartition géographique de la population dorigine polonaise en France). Lodz, Institut de Géographie économique de lUniversité de Lodz, 1985, pp. 113 139.
DZWONKOWSKI (Roman), La presse catholique polonaise en France dans les années 1923 1983, dans La presse polonaise en France 1918 1984. Revue du Nord, Lille, Université de Lille III, n° 4 hors série collection Histoire, 1988, pp. 61 86.
DZWONKOWSKI (Roman), La vie religieuse dans les milieux ouvriers polonais en France après la Seconde Guerre mondiale, dans Les ouvriers polonais en France après la Seconde Guerre mondiale. Revue du Nord, Lille, Université de Lille III, n° 7 hors série collection Histoire, 1992, pp. 17 33.
FISCHBACH (Jaroslaw), Zmiany liczebnosci i rozmieszczenia wychodzstwa polskiego we Francji (Les changements dans le nombre et la répartition des émigrés polonais en France). Przeglad Polonijny, Wroclaw Varsovie Cracovie Gdansk, Wydawnictwo P.A.N. Zaklad narodowy im. Ossolinskich, XI n° 3 (37), 1985, pp. 21 32.
GARCON (Gabriel), 1926 1986 : Soixante années denseignement du polonais aux Facultés catholiques de Lille. Ensemble, Lille, Fédération Universitaire et Polytechnique de Lille, n° 2, juin 1987, pp. 105 110.
GARCON (Gabriel), Le Mlode Serce journal de lAssociation de la Jeunesse catholique polonaise K.S.M.P. en France (1946 1953), dans La presse polonaise en France 1918 1984. Revue du Nord, Lille, Université de Lille III, n° 4 hors série collection Histoire, 1988, pp. 193 205.
GOGOLEWSKI (Edmond), Powrot do Polski robotnikow polskich z Francji (Le retour en Pologne des travailleurs polonais de France). Przeglad Polonijny, Wroclaw Varsovie Cracovie Gdansk, Wydawnictwo P.A.N. Zaklad narodowy im. Ossolinskich, XVI n° 4 (58), 1990, pp. 29 47.
GOGOLEWSKI (Edmond), Lenseignement élémentaire du polonais en France après la Seconde Guerre mondiale, dans Les ouvriers polonais en France après la Seconde Guerre mondiale. Revue du Nord, Lille, Université de Lille III, n° 7 hors série collection Histoire, 1992, pp. 175 195.
GRUSZYNSKI (Jan), Les mariages mixtes franco-polonais. La Pologne et les Affaires occidentales, Poznan, Instytut Zachodni, XIV n° 1, 1978, pp. 73 81.
GRUSZYNSKI (Jan), Emigracja polska we Francji w latach 1900 1975 (Lémigration polonaise en France de 1900 à 1975). Przeglad Polonijny, Wroclaw Varsovie Cracovie Gdansk, Wydawnictwo P.A.N. Zaklad narodowy im. Ossolinskich, V n° 2 (12), 1979, pp. 15 31.
HILAIRE (Yves-Marie), Recherches nouvelles sur les catholiques français et les Polonais pendant la Seconde Guerre mondiale, dans Les ouvriers polonais en France après la Seconde Guerre mondiale. Revue du Nord, Lille, Université de Lille III, n° 7 hors série collection Histoire, 1992, pp. 49 56.
JAROS (Stanislaw), Reemigracja Polakow z Francji w latach 1946 1948 (Le retour des émigrés polonais de France entre 1946 et 1948). Problemy Polonii Zagranicznej, Varsovie, P.A.N. Komitet Badan nad Kultura Wspolczesna, tome VI VII, 1971, pp. 61 95.
KOSTRUBIEC (Benjamin), Une émigration réussie. La population de souche polonaise dans le Nord Pas-de-Calais. 2-èmes Journées I.F.R.E.S.I., 24 25 janvier 1991, pp. 526 536.
KOSTRUBIEC (Benjamin), Evolution de la structure de la population active polonaise du Nord Pas-de-Calais, dans Les ouvriers polonais en France après la Seconde Guerre mondiale. Revue du Nord, Lille, Université de Lille III, n° 7 hors série collection Histoire, 1992, pp. 221 235.
KOTOWSKI (Stanislaw), Aktualny stan duszpasterstwa emigracji polskiej (Létat actuel de la pastorale pour lémigration polonaise). Zeszyty Naukowe K.U.L., Lublin, XVII n° 1 2, 1974, pp. 127 134.
KOZLOWSKI (Jerzy), Wielkopolska a wychodzstwo zarobkowe i Polonia (La Grande-Pologne vis-à-vis de lémigration ouvrière et de la communauté polonaise), dans ouvrage collectif sous la rédaction de KWILECKI (Andrzej), Polska mysl zachodnia w Poznaniu i Wielkopolsce Jej rozwoj i realizacja w wiekach XIX i XX (Linitiative polonaise vers lOccident à Poznan et en Grande-Pologne Son développement et sa réalisation aux XIX et XX siècles). Varsovie Poznan, Panstwowe Wydawnictwo Naukowe, 1980, pp. 297 338.
KOZLOWSKI (Jerzy), Polonia na powszechnej wystawie krajowej w Poznaniu w roku 1929 (La communauté polonaise de létranger à lexposition universelle nationale de Poznan en 1929). Przeglad Polonijny, Wroclaw Varsovie Cracovie Gdansk, Wydawnictwo P.A.N. Zaklad narodowy im. Ossolinskich, VII n° 1 (19), 1981, pp. 17 88.
KRASZEWSKI (Piotr), Polsko-francuska konwencja emigracyjna z 3 wrzesnia 1919 roku (La convention franco-polonaise du 3 septembre 1919). Przeglad Polonijny, Wroclaw Varsovie Cracovie Gdansk, Wydawnictwo P.A.N. Zaklad narodowy im. Ossolinskich, I n° 2, 1975, pp. 103 110.
KRAWCZAK (Ewa), Polityka asymilacyjna wladz francuskich wobec Polakow w latach 1919 1939 (La politique dassimilation des autorités françaises à légard des Polonais au cours des années 1919 1939). Przeglad Zachodni, Poznan, Instytut Zachodni, XXXI n° 5 6, 1975, pp. 84 93.
KRZYZANSKA (Ewa), Obywatelstwo emigrantow polskich we Francji w swietle ustawy o obywatelstwie francuskim z dnia 10 sierpnia 1927 (La citoyenneté des émigrés polonais en France à la lumière de la loi sur la nationalité française du 10 août 1927). Przeglad Zachodni, Poznan, Instytut Zachodni, XXXIII n° 5 6, 1977, pp. 183 195.
LITAK (Stanislaw), Materialy zrodlowe do dziejow Polonii francuskiej w archiwum parafii polskiej w Paryzu (Documents pour létude de lhistoire de la communauté polonaise en France dans les archives de la paroisse polonaise de Paris). Studia Polonijne, Lublin, Towarzystwo Naukowe K.U.L., tome 1, 1976, pp. 103 108.
MARCHASSON (Yves), Monseigneur Baudrillart et la Pologne 1919 1939, dans Les contacts religieux franco-polonais du Moyen-Age à nos jours. Paris, Editions du Dialogue, 1985, pp. 476 510.
MARSZAL (Tadeusz), Beaulieu osada gornicza i skupisko Polonii (Beaulieu bourgade minière et colonie polonaise). Przeglad Polonijny, Wroclaw Varsovie Cracovie Gdansk- Lodz, Wydawnictwo P.A.N. Zaklad narodowy im. Ossolinskich, XII n° 4 (42), 1986, pp. 5 26.
MICHALIK-RUSSEK (Barbara), Stowarzyszenie Opieka Polska nad Rodakami na Obczyznie w latach 1926 1939 (Lassociation uvre de Protection polonaise pour les Compatriotes à lEtranger au cours des années 1926 1939). Studia Polonijne, Lublin, Towarzystwo Naukowe K.U.L., tome 14, 1992, pp. 163 171.
MICHEL (Joël), Lidentité religieuse et nationale des mineurs polonais dans le Nord de la France et dans la Ruhr : étude comparée, dans Les contacts religieux franco-polonais du Moyen-Age à nos jours. Paris, Editions du Dialogue, 1985, pp. 589 596.
MICHEL (Joël), Aux origines de la presse polonaise du Nord / Pas-de-Calais : le transfert de Westphalie après la Première Guerre mondiale, dans La presse polonaise en France 1918 1984. Revue du Nord, Lille, Université de Lille III, n° 4 hors série collection Histoire, 1988, pp. 45 59.
MIECHOWICZ (Bozena), Opieka II Rzeczypospolitej nad szkolnictwem polskim we Francji w latach miedzywojennych (La tutelle exercée par la II République sur lenseignement polonais en France pendant lentre-deux-guerres). Przeglad Zachodni, Poznan, Instytut Zachodni, XXXIX n° 1, 1983, pp. 61 77.
MYNARZ (Pawel), Spoleczna dzialalnosc Ks. Ferdynanda Machaya wsrod polskiej emigracji zarobkowej we Francji (Lactivité sociale de labbé Ferdinand Machay au sein de lémigration ouvrière polonaise en France) 1922 1924. Studia Polonijne, Lublin, Towarzystwo Naukowe K.U.L., tome 1, 1976, pp. 85 102.
OSTROWSKI (Jean), Le syndicalisme ouvrier et les Polonais en France après la Seconde Guerre mondiale, dans Les ouvriers polonais en France après la Seconde Guerre mondiale. Revue du Nord, Lille, Université de Lille III, n° 7 hors série collection Histoire, 1992, pp. 159 174.
PANEK (Bronislaw), Le problème de la pastorale occasionnelle auprès des ouvriers polonais émigrés en France (1922 1939) daprès lexemple de Rosières, dans Les contacts religieux franco-polonais du Moyen-Age à nos jours. Paris, Editions du Dialogue, 1985, pp. 576 589.
PANEK (Bronislaw), Problemy utrzymania i upowszechniania jezyka polskiego i polskiej kultury w osrodkach parafialnych we Francji (Les problèmes du maintien et de la propagation de la langue et de la culture polonaises dans les centres paroissiaux en France), dans Szkolnictwo parafialne w upowszechnianiu jezyka i kultury polskiej w srodowiskach polonijnych (Le rôle de lenseignement paroissial dans la propagation de la langue et de la culture polonaises dans les milieux polonais). Poznan, P.A.N. Zaklad Badan nad Polonia Zagraniczna, 1991, pp. 79 86.
PAWLAK (Wanda), Szkic dziejow szkolnictwa polskiego we Francji (Esquisse de lhistoire de lenseignement polonais en France). Przeglad Polonijny, Wroclaw Varsovie Cracovie Gdansk, Wydawnictwo P.A.N. Zaklad narodowy im. Ossolinskich, VI n° 1 (15), 1980, pp. 83 88.
PAWLAK (Wanda), Duchowienstwo polskie a szkolnictwo polonijne we Francji w okresie miedzywojennym (Le clergé et lenseignement polonais en France pendant lentre-deux-guerres). Studia Polonijne, Lublin, Towarzystwo Naukowe K.U.L., tome 7, 1983, pp. 207 221.
PONTY (Janine), Les aumôniers polonais en milieu ouvrier immigré dans la France de lentre-deux-guerres, dans Les contacts religieux franco-polonais du Moyen-Age à nos jours. Paris, Editions du Dialogue, 1985, pp. 568 575.
PONTY (Janine), Une intégration difficile: les Polonais en France dans le premier vingtième siècle. Vingtième siècle, juillet septembre 1985, pp. 51 58.
PONTY (Janine), Le problème des naturalisations, dans Les ouvriers polonais en France après la Seconde Guerre mondiale. Revue du Nord, Lille, Université de Lille III, n° 7 hors série collection Histoire, 1992, pp. 99 113.
RUSINEK (Antoni), Kronika z zycia Polakow przy polskiej parafii Kosciola Sw. Jozefa, cité La Chapelle, na terenie w zaglebiu gorniczym w Oignies Ostricourt (fragmenty) (Chronique de la paroisse polonaise St. Joseph à Oignies Ostricourt (fragments)) 1922 - 1959. Literatura Ludowa (Littérature Populaire), Wroclaw, Polskie Towarzystwo Ludoznawcze, n° 1 / 78, janvier février 1978, pp. 57 69.
SKRZYNECKI (Piotr), Gdy umieral Prezydent Raczkiewicz (Lorsque le président Raczkiewicz mourait). Zeszyty Historyczne, Paris, Instytut Literacki, tome 87, 1989, pp. 3 16.
SZCZERBINSKI (Marek) et ZDANIEWICZ (Krzysztof), Zarys dziejow polonijnej kultury fizycznej we Francji w latach 1940 1944 (Esquisse de lhistoire de la culture physique polonaise en France de 1940 à 1944). Polonijna kultura fizyczna Tradycja i wspolczesnosc (La culture physique de la communauté polonaise à létranger Tradition et contemporanéité), Gorzow Wielkopolski, A.W.F. w Poznaniu zamiejscowy wydzial Wychowania fizycznego w Gorzowie Wlkp., tome 2, 1990, pp. 417 467.
TOPOLSKA (Maria Barbara), Rozmieszczenie osrodkow prasy wydawanej we Francji w latach 1920 1940 (La répartition géographique des centres de presse polonaise éditée en France dans les années 1920 1940), dans Problemy rozmieszczenia ludnosci pochodzenia polskiego we Francji (Les problèmes de la répartition géographique de la population dorigine polonaise en France). Lodz, Institut de Géographie économique de lUniversité de Lodz, 1985, pp. 113 139.
TOPOLSKA (Maria Barbara), Obraz Polski w prasie Polonii francuskiej w latach 1936 1939 (Limage de la Pologne dans la presse polonaise en France entre 1936 et 1939). Przeglad Polonijny, Wroclaw Varsovie Cracovie Gdansk Lodz, Wydawnictwo P.A.N. Zaklad narodowy im. Ossolinskich, XII n° 3 (41), 1986, pp. 5 28.
VANDENBUSSCHE (Robert), Opinions et attitudes de chrétiens pendant la Seconde Guerre mondiale, dans Actes du colloque Eglises et chrétiens pendant la Seconde Guerre mondiale dans le Nord Pas-de-Calais. Revue du Nord, Lille, Université de Lille III, tome LX, n° 238, juillet septembre 1978, pp. 501 552.
WESOLY (Szczepan), Struktura duszpasterstwa emigracyjnego (La structure de la pastorale pour lémigration). Duszpasterz Polski Zagranica (LAumônier polonais à lEtranger), Rome, Centrale de la Pastorale polonaise à lEtranger, année XXIII, n° 3 / 108, juillet août septembre 1972, pp. 217 236.
WILK (Stanislaw), Losy wojenne Kardynala Augusta Hlonda (Le destin du cardinal Auguste Hlond pendant la guerre). Wiez, Varsovie, XXIII n° 10 (270), octobre 1980, pp. 95 110.
WISNIEWSKI (Jean), Lévolution de la communauté polonaise en France au cours du XX-ème siècle dans Problemy rozmieszczenia ludnosci pochodzenia polskiego we Francji (Les problèmes de la répartition géographique de la population dorigine polonaise en France). Lodz, Institut de Géographie économique de lUniversité de Lodz, 1985, pp. 7 33.
WYRWA (Tadeusz), Watykan a Rzad polski w Angers (Le Vatican et le gouvernement polonais à Angers). Zeszyty Historyczne, Paris, Instytut Literacki, tome 72, 1985, pp. 182 196.
WYRWA (Tadeusz), Prymas Hlond we Francji (Le primat Hlond en France) 1940 1941. Zeszyty Historyczne, Instytut Literacki, tome 87, 1989, pp. 17 30.
ZAHORSKI (Witold), Le rôle du Primat de Pologne, cardinal August Hlond, dans linformation sur les crimes commis en Pologne par les puissances totalitaires pendant la Seconde Guerre mondiale, dans Regards sur lindomptable Europe du Centre Est du XVIII-ème siècle à nos jours. Revue du Nord, Lille, Université de Lille III, n° 10 hors série collection Histoire, 1996, pp. 393 401.
ZIELINSKI (Henryk), Rzad polski a problemy emigracji polskiej we Francji (Le gouvernement polonais et les problèmes de lémigration polonaise en France) 1944 1947. Przeglad Polonijny, Wroclaw Varsovie Cracovie Gdansk, Wydawnictwo P.A.N. Zaklad narodowy im. Ossolinskich, I n° 2, 1975, pp. 85 93.
ZABA (Kazimierz Maciej), Zycie religijne polskiej imigracji politycznej we Francji w XIX wieku (La vie religieuse de limmigration politique polonaise en France au XIX-ème siècle). Przeglad Polonijny, Wroclaw Varsovie Cracovie Gdansk, Wydawnictwo P.A.N. Zaklad narodowy im. Ossolinskich, VIII n° 1 (22), 1982, pp. 17 38.
ZABA (Kazimierz Maciej),Organizacje polonijne we Francji (Les organisations polonaises en France). Przeglad Polonijny, Wroclaw Varsovie Cracovie Gdansk Lodz, Wydawnictwo P.A.N. Zaklad narodowy im. Ossolinskich, XII n° 4 (42), 1986,pp. 27 37.
ZABA (Kazimierz Maciej), Charakter zycia religijnego Polonii a status prawny polonijnych instytucji religijnych we Francji(La caractéristique de la vie religieuse de la communauté polonaise et le statut juridique des institutions religieuses polonaises en France). Przeglad Polonijny, Wroclaw Varsovie Cracovie Gdansk Lodz, Wydawnictwo P.A.N. Zaklad narodowy im. Ossolinskich, XIII n° 1 (43), 1987, pp.49 65.
Thèses
BARTON (Wladyslaw), La crise religieuse des ouvriers polonais en France.Thèse de sciences sociales, Institut catholique de Paris, 1947, XXI 227 pages dactylographiées.
DABROWSKI (Casimir), Lémigration polonaise en France ; sa vie, son organisation sociale. Thèse de sciences sociales, Institut catholique de Paris, 1939, 150 pages dactylographiées.
KACZMAREK (Czeslaw), Lémigration polonaise en France après la guerre. Thèse de droit, Université catholique de Lille. Paris, Berger Levrault, 1927, 519 p.
KRASZEWSKI (Joseph), Le mouvement religieux et moral du laïcat parmi les émigrés polonais en France 1832 1848. Thèse de théologie, Institut catholique de Paris, 1972, 320 pages dactylographiées.
POSZWA (Louis), Lémigration polonaise agricole en France. Thèse de sciences sociales, Institut catholique de Paris, 1930, 286 pages dactylographiées.